IV. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE FAMILLE

A. À L'ÉQUILIBRE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN DIX ANS, LA BRANCHE FAMILLE VERRAIT SES EXCÉDENTS CONSOLIDÉS D'ICI 2021, AU DÉTRIMENT DES FAMILLES

1. Une branche à l'équilibre pour la première fois en dix ans

Le solde de la branche famille connaît une amélioration continue depuis 2014 , après avoir présenté un déficit record de 3,2 milliards d'euros en 2013 .

Évolution du solde annuel de la branche famille depuis 2013

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018)

En 2016, la branche a présenté un déficit d'un milliard d'euros, en baisse de 500 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent . Cette amélioration provient principalement d'un fort ralentissement des charges (- 8,7 % au lieu des + 0,3 % prévus 117 ( * ) ) , lié notamment à des transferts de charges au budget de l'État 118 ( * ) ainsi qu'à la montée en charge de différentes mesures d'économies inscrites dans les précédentes lois de finances et de financement de la sécurité sociale 119 ( * ) (cf. encadré infra ). Parallèlement, malgré la diminution des cotisations famille liée à la mise en oeuvre du pacte de responsabilité 120 ( * ) , la baisse des recettes (- 7,9 %) a été partiellement ralentie par une nouvelle hausse de la masse salariale (+ 2,4 % après + 1,7 % en 2015).

En 2017, la branche famille deviendrait excédentaire pour la première fois en dix ans, avec un solde positif de 300 millions d'euros . Les transferts de charges à l'État ne joueraient quasiment plus sur la progression des charges, qui serait à nouveau déterminée par l'évolution des prestations servies par la branche. Les dépenses liées aux prestations légales connaîtraient une légère baisse (- 0,3 %) , en raison d'une inflation toujours très faible et de la poursuite de la baisse de la natalité (- 2 % en 2016) : les prestations familiales, revalorisées de 0,3 % au 1 er avril 2017, seraient ainsi quasiment stables en valeur sur l'ensemble de l'année 121 ( * ) . Seules les dépenses de prestations extra-légales, qui financent les modes de garde collectifs, demeureraient dynamiques (+ 3,8 %).

2. Un redressement permis par une conjoncture favorable et par des économies structurelles, au prix d'une dévitalisation de la branche
a) Des facteurs socio-économiques favorables

L'amélioration du solde de la branche famille observée depuis 2014 relève en partie de facteurs conjoncturels, aussi bien économiques que démographiques.

Les recettes de la branche évoluant simultanément avec la masse salariale 122 ( * ) et ses dépenses étant majoritairement indexées sur l' inflation 123 ( * ) , le contexte économique des dernières années a conduit, par un effet-ciseau, à améliorer spontanément le solde tendanciel de la branche , estimé à + 1,1 milliard d'euros en 2018. Les hypothèses macro-économiques retenues par le Gouvernement pour 2018 à 2022, qui reposent sur une hausse continue de la masse salariale et une reprise progressive de l'inflation, ont été jugées « plausibles » par le Haut Conseil des finances publiques 124 ( * ) et devraient ainsi permettre la poursuite du redressement tendanciel de la branche.

La trajectoire de redressement esquissée par le Gouvernement repose en outre sur l'hypothèse d'une poursuite de la baisse du nombre de naissances observée depuis 2014 (- 3 % en 2015, - 2 % en 2016 125 ( * ) ), qui contribue à diminuer le volume des prestations versées par la branche. Cette baisse de la natalité, à rebours des objectifs poursuivis par la politique familiale, ne saurait constituer un motif de réjouissance , quand bien même elle conduit à améliorer le solde de la branche.

b) Des mesures d'économies prises aux dépens des familles

Un redressement de la branche à un rythme aussi soutenu que celui présenté (+ 5 milliards d'euros d'ici 2021) ne saurait résulter uniquement d'une conjoncture favorable et s'appuie surtout, depuis plusieurs années, sur d' importantes mesures d'économies en dépenses prises au détriment des familles (cf. encadré infra ).

Au total, comme le montre le tableau ci-dessous, les montants économisés à travers ces différentes mesures représentent en 2017 près d'1,6 milliard d'euros de moindres dépenses , qui se traduisent pour les familles soit en perte d'ouverture de droits , soit en réduction du montant des prestations perçues.

Retour sur les principales mesures d'économies liées aux prestations de la branche famille depuis 2014

Dans le cadre des différentes lois de financement de la sécurité sociale votées depuis 2014, les conditions d'attribution ainsi que les montants de plusieurs prestations ont été modifiés, dans une perspective constante de rabotage au détriment des familles, y compris les plus modestes.

S'agissant de la prime d'accueil du jeune enfant (PAJE) , les montants de l'allocation de base (AB) ainsi que des primes à la naissance et à l'adoption ont été gelés à compter de 2014. Leur plafond a également été modifié : la majoration pour isolement a été abaissée et la progression du plafond par enfant linéarisée. En outre, les bénéficiaires du complément de libre choix d'activité (CLCA) dont les ressources dépassent le plafond de l'allocation de base n'en perçoivent plus la majoration.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a instauré la modulation des allocations familiales (AF) en fonction du revenu à compter du 1 er juillet 2015. Les 5 % d'allocataires les plus aisés ont ainsi vu le montant de leur allocation mensuelle réduit de 75 %, tandis que les 5 % d'allocataires suivants ont vu ce même montant réduit de moitié.

Enfin, la date de versement de la prime à la naissance a été décalée de quatre mois pour les grossesses déclarées à compter du 1 er janvier 2015. La prime est dorénavant versée le deuxième mois suivant la naissance de l'enfant, afin que son versement coïncide avec le premier versement de l'allocation de base.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2017.

Estimation de l'impact des principales mesures d'économies depuis 2014 sur le solde de la branche famille

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

Gels de l'AB et de la prime à la naissance de la PAJE

30

100

180

260

Réforme du CLCA

10

50

100

110

Modulation des allocations familiales

0

380

760

760

Modulation du CMG de la PAJE

10

30

50

70

Modulation de l'AB de la PAJE

50

180

310

400

Décalage de la date de versement de la prime à la naissance

0

200

0

0

Montant total des économies réalisées pour la branche famille

100

940

1 400

1 600

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la Cour des comptes (rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2017)


* 117 Rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015 et septembre 2017.

* 118 Transfert de l'ensemble des charges liées aux allocations de logement à caractère familial (ALF), qui représente pour la CNAF une moindre dépense de 4,7 milliards d'euros en 2016 par rapport à 2015, auquel s'ajoute le transfert du financement de la protection juridique des majeurs, à hauteur de 0,4 milliard d'euros.

* 119 Notamment le gel des montants de l'allocation de base et de la prime de naissance, la suppression du complément de libre choix d'activité majoré, la modulation des allocations familiales et le décalage du versement de la prime de naissance.

* 120 Voir le rapport pour avis n° 108 (2016-2017) de Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances.

* 121 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale , septembre 2017.

* 122 La masse salariale a progressé de 1,6 % en 2014, 1,7 % en 2015, 2,4 % en 2016 et 3,3 % en 2017.

* 123 L'inflation a été de 0,5 % en 2014, 0 % en 2015 et 0,2 % en 2016, entraînant une revalorisation annuelle des prestations légales de 0,2 % en 2015, 0,1 % en 2016 et 0,3 % en 2017.

* 124 Avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances pour 2018 et le projet de loi de financement de la sécurité pour 2018.

* 125 Source : Insee

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