EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2017

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La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Patrimoines » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Le programme 175, « Patrimoines », regroupe les monuments historiques, les musées, l'archéologie, les archives et le patrimoine linguistique. Les crédits sont à peu près constants par rapport à l'année dernière, avec des modifications importantes et des perspectives intéressantes sur le plan financier.

À périmètre constant, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 900 millions d'euros et les autorisations d'engagement (AE) à 930 millions d'euros, soit une baisse de 3 % par rapport à l'an dernier, mais le taux de mise en réserve des crédits passe de 8 %, ce qui était considérable, compte tenu de la relative modestie du budget, à 3 %, dans un souci de sincérité budgétaire. Cette diminution répond à une demande de longue date de la commission. Elle se traduira par des marges de manoeuvre supplémentaires.

Les priorités ne sont pas fondamentalement bouleversées par rapport à l'année précédente. Je note néanmoins deux nouveaux objectifs, qui correspondent à deux préoccupations de notre commission depuis un certain nombre d'années : d'une part, l'accès d'un plus grand nombre à la culture et, d'autre part, l'attractivité des territoires et la revitalisation des centres anciens, dont nous connaissons les difficultés. C'est important, compte tenu du lien entre le patrimoine et notre histoire et de sa possible contribution au dynamisme de notre économie, à travers le tourisme.

Le financement de ces priorités se fera à budget constant. Il y aura, par conséquent, un certain nombre de redéploiements sur les deux parties principales de ce programme, les musées et le patrimoine.

La politique des musées est la partie la moins bien traitée de ce budget, puisque les crédits enregistrent une baisse de 2 % en CP et de 10 % en AE. Cette diminution s'explique notamment par les efforts qui ont été demandés aux grands établissements que sont le Louvre et le musée d'Orsay, qui ont des budgets solides et la capacité de diversifier leurs sources de revenus - nous l'avons vu récemment avec l'inauguration du Louvre Abu Dhabi. Néanmoins, leurs marges sont plus faibles qu'il n'y paraît, parce qu'ils sont très fortement sollicités, et d'abord pour favoriser l'accès de tous à la culture. Comment les musées pourront-ils anticiper les attentes des publics, qui évoluent, avec des dépenses d'investissement limitées ? C'est la question que soulève la diminution des crédits.

Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections sont également en baisse de 4,5 %. Or, si le mécénat est important - on le voit actuellement, avec la grande souscription lancée par le Louvre pour l'acquisition du Livre d'heures de François I er -, on sait que l'acquisition d'une nouvelle oeuvre entraîne une hausse importante de la présence du public, au moins pendant les semaines et les mois qui suivent l'acquisition.

J'ajoute que la billetterie des musées, comme des autres monuments, a été mise à mal ces dernières années par les baisses de fréquentation - de l'ordre de moins 9 % en 2016 - enregistrées à la suite des attentats de Paris. Aujourd'hui, les chiffres laissent apparaître une reprise de la fréquentation, mais nous n'avons pas retrouvé le niveau d'avant les attentats.

Pour ce qui est du patrimoine monumental et des espaces protégés, le budget est incontestablement plus satisfaisant. Les crédits de restauration et d'entretien, hors grands projets, sont respectivement reconduits à un niveau identique et à un niveau accru pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'État, ce qui me paraît important.

La mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril et la présentation récente par la ministre d'une stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine - je me félicite de cette nouveauté - sont le signe d'un regain d'intérêt manifeste pour nos monuments.

Deux rapports importants y ont contribué au début de cette année : le rapport de Martin Malvy sur l'attractivité touristique du patrimoine et le rapport de notre ancien collègue Dauge sur la revitalisation des centres anciens dégradés. Une expérimentation vient d'être lancée dans dix-sept villes de France, situées dans trois régions pilotes, Centre-Val de Loire, Grand Est et Occitanie. Le ministère leur apportera une aide pour conduire des projets de revitalisation, qui vont au-delà du simple patrimoine pour concerner aussi le commerce, qui s'effondre dans les centres-villes de ces petites communes, ou l'habitat dégradé. Cela va de pair avec le « plan villes moyennes » lancé par le ministère chargé de la cohésion des territoires. La liste des dix-sept communes figurera au sein du rapport définitif.

Outre le lancement de cette expérimentation, je note plusieurs perspectives intéressantes pour le patrimoine.

La première d'entre elles est la création du loto du patrimoine. Déjà, en 2006, j'avais rédigé, avec Philippe Richert, un rapport sur le financement du patrimoine dans lequel nous demandions la création d'un tel loto, et nous ne faisions alors que relayer des demandes préexistantes. On nous objectait, alors, une impossibilité technique absolue.

Je me réjouis que la médiatisation serve le patrimoine. Aujourd'hui, la décision est prise : il y aura un jeu de tirage et un jeu de grattage. La Française des jeux en évalue le résultat entre 5 et 20 millions d'euros. On est encore loin du compte - les crédits ne dépassent pas 300 millions d'euros, alors que les besoins en matière de patrimoine sont évalués à 400 millions d'euros -, mais c'est une grande avancée, que je tiens à saluer.

La seconde avancée importante est le fonds de 15 millions d'euros destiné à accompagner les petites communes à faible potentiel financier dans la sauvegarde des monuments historiques situés sur le périmètre de leur territoire. La subvention qu'accorde l'État par l'intermédiaire des DRAC serait bonifiée, jusqu'à 80 %, sous réserve que la région participe au financement de l'opération. L'État constate que le patrimoine n'est plus financé du tout dans de nombreux départements, ces derniers ayant d'autres priorités, avec, notamment, des dépenses sociales très importantes. Seules trois régions financent le patrimoine actuellement - c'est le cas de la région Grand Est. L'État souhaite que toutes les régions s'y mettent, d'où la condition mise à l'octroi de cette subvention.

Restent des inquiétudes, que les auditions n'ont pas levées. Tout d'abord, l'effort supplémentaire de 1 million d'euros pour les espaces protégés qui doit aussi servir à financer l'expérimentation du plan Dauge, dont le coût est évalué à 2,2 millions d'euros, est nettement insuffisant, d'autant que dix-huit demandes de labellisation de communes au titre des sites patrimoniaux remarquables sont en instance. Dans ces conditions, les crédits d'études pourront difficilement être financés.

Rien n'est prévu non plus pour assouplir la fiscalité Malraux. La commission des finances l'a regretté, alors que le dispositif actuel est ancien et qu'il est essentiel pour relancer l'investissement privé dans les centres anciens dégradés.

De même, aucune disposition nouvelle n'a été prévue pour faciliter et encourager le mécénat des entreprises, alors que la Fondation du patrimoine, qui joue un rôle essentiel, pâtit de la baisse de l'une de ses principales ressources, issue des successions en déshérence. Cette ressource, créée sur proposition du Sénat voilà quelques années, a chuté de plus de 50 % en deux ans. Bercy a indiqué au rapporteur spécial de la commission des finances que les progrès de l'informatique et les recherches de plus en plus approfondies ont permis de donner satisfaction aux héritiers inconnus, au grand dam du patrimoine.

Les propriétaires de monuments privés m'ont également fait part de leurs préoccupations. Beaucoup connaissent des difficultés. Le ministère indique qu'environ 10 % des crédits globaux du patrimoine sont consacrés aux monuments privés. Il est malheureusement impossible de le vérifier car la présentation du budget ne permet pas de connaître la ventilation entre monuments privés et monuments appartenant à l'État ou aux collectivités.

Je veux également évoquer la situation de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Sa dotation budgétaire est à peu près constante, avec 132 millions d'euros, dont 119 correspondent à la redevance d'archéologie préventive, qui a été budgétisée voilà quelques années. Les tensions sont actuellement très fortes entre l'Inrap, les archéologues dépendant des collectivités territoriales et les archéologues privés, au point que l'Autorité de la concurrence a été saisie. Elle vient de clore la procédure suite à plusieurs engagements de la part de l'INRAP.

Pour terminer, je veux dire un mot du Centre des monuments nationaux, le CMN, dont la subvention d'investissement a été reconduite à un niveau identique à l'an dernier. Cette subvention reste nettement insuffisante, compte tenu du rôle essentiel que joue le CMN pour entretenir les grands monuments qui lui sont confiés.

Le CMN a deux inquiétudes. La première est liée à l'effondrement de la fréquentation de certains monuments à la suite des attentats - moins 25 % pour l'Arc de Triomphe, moins 15 % pour la Conciergerie, moins 14 % pour Notre-Dame en 2016. Comme pour les musées, la fréquentation a repris, mais la baisse des ressources est importante. La seconde inquiétude concerne l'EPIC qui va être créé pour gérer le Mont-Saint-Michel, fleuron du patrimoine du CMN. Il serait particulièrement regrettable que le CMN en soit exclu.

Il faudra que nous soyons très vigilants sur la mise en oeuvre de la stratégie pluriannuelle du patrimoine, novation que je salue. Elle permettra de stabiliser les crédits qui, par le passé, ont trop souvent été la variable d'ajustement du budget du ministère.

Sous cette seule réserve, et compte tenu de l'accent particulier mis sur l'éducation artistique et culturelle pour tous et le patrimoine, à travers le loto, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. André Gattolin . - Je félicite les rapporteurs de leur travail. Le budget de la culture a été particulièrement entamé de 2011 à 2014. Il n'a été redressé qu'à partir de 2015-2016. Celui de 2018 s'inscrit dans une logique de consolidation. On sort de l'aberration budgétaire que constituait la mise en réserve de 8 %. Pour avoir été rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture » à la commission des finances, j'ai pu voir les coups de rabot auxquels cette pratique donnait lieu...

Je relève une volonté transversale de mettre en oeuvre, de la manière la plus effective possible, la démocratisation des savoirs et de l'accès à la culture. C'est une grande arlésienne du ministère de la culture depuis sa création en 1959. Les maisons de la culture, les maisons des jeunes et de la culture, un certain nombre de politiques muséales ont permis, pendant les quinze premières années de l'existence de ce ministère, d'aller vers un élargissement des publics et un accès démocratique à la culture, mais force est de constater que, depuis trente ans, comme l'ont montré les rapports de Bernard Latarjet, si tout le monde contribue au budget de la culture par l'impôt, la culture n'est consommée que par 30 à 40 % de la population. Ce sont les plus jeunes, les plus âgés et les plus défavorisés qui y ont le moins accès.

Madame Robert, on ne peut à la fois déplorer que l'on ne consacre que 5 millions d'euros du budget 2018 à faire des études pour rendre le Pass culture opérationnel et regretter qu'on ne le mette pas en oeuvre tout de suite.

Je connais bien le système mis en place en Italie. Celui-ci a été décidé à une vitesse hallucinante par le gouvernement Renzi, ce qui explique une grande partie de ses dysfonctionnements. La mise en place de tels systèmes, dont les objectifs peuvent être contradictoires, m'inspire toujours des inquiétudes. Néanmoins, le Pass culture est peut-être aujourd'hui l'un des rares moyens qui permettra de rapprocher la culture d'une partie de la population. En effet, il s'adresse non seulement aux étudiants, mais aussi aux jeunes non qualifiés, parfois déjà actifs. Prenons le temps de réfléchir à la meilleure manière de procéder. En Italie, les détournements étaient notamment liés au fait qu'une grande partie des jeunes n'avaient même pas accès au numérique. Ils revendaient leur coupon pour acheter des tablettes au noir. Nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. L'année à venir promet des réflexions intenses sur la manière dont on peut mettre en place le Pass.

Le groupe La République en marche donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Sonia de la Provôté . - Nous souscrivons à beaucoup d'observations de Mme Robert. Le Pass culture mérite que l'on s'y attarde. Évidemment, nous nous interrogeons sur le montant de 5 millions d'euros et sur son mode de financement. Nous devons dès maintenant avoir des perspectives sur les orientations budgétaires et sur les redéploiements de crédits qui résulteront de la mise en place du Pass.

Sur le fond, il est logique que nous ne disposions pas encore de toutes les clés de compréhension du dispositif. En revanche, nous savons ce dont nous ne voulons pas. Il ne faut pas que le Pass culture soit le vecteur incontrôlé d'une politique de promotion d'une offre culturelle standardisée. Il ne faudrait pas que, sous l'effet d'algorithmes individuels, les propositions culturelles faites aux jeunes soient complètement centrées sur leurs goûts et leurs appétences, alors que l'objectif est aussi de leur ouvrir des horizons culturels. Le Pass culture n'a de sens que s'il est adossé à des dispositifs pédagogiques et de médiation culturelle qui accompagnent le jeune jusqu'à ses dix-huit ans. Cela pose la question d'une politique très construite, articulant culture et éducation. Le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture affichent leur coopération pour que les jeunes puissent profiter au mieux du Pass. Nous nous interrogeons sur les contenus en fonction de l'âge, du parcours du jeune... Pour l'heure, nous ne disposons d'aucune précision, y compris sur les moyens.

La proposition de Mme Robert d'associer les parlementaires à l'élaboration du dispositif paraît pertinente, voire indispensable.

On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de 3 millions d'euros pour les conservatoires, même si nous sommes loin d'avoir rattrapé les niveaux d'avant 2012. L'essentiel est fléché sur le « plan chorales ». Nous n'y sommes pas opposés - c'est même plutôt une bonne idée -, mais la question du recentrage des conservatoires sur leur vocation première, à savoir l'enseignement artistique, doit être posée : à les entraîner vers des propositions trop diverses et à les sortir de leur rôle principal, on risque de favoriser une inadéquation entre les moyens et les objectifs premiers qui sont les leurs - être une référence pour les formateurs et construire l'excellence.

Nous ne donnons pas de blanc-seing à la mission « Culture », même si beaucoup d'éléments nous paraissent extrêmement positifs. Des perspectives doivent être dessinées. Nous espérons que nous disposerons, lors du prochain budget, d'une vision claire dans le temps des propositions en matière de culture.

En matière de patrimoine, la baisse des crédits alloués aux musées est, finalement, la sanction de la réussite des efforts réalisés par ces derniers. Se posera toutefois la question de la marge budgétaire des musées, dont on sait bien qu'ils sont de formidables vecteurs de culture et d'activité économique, au travers notamment du tourisme.

Nous nous réjouissions de l'organisation d'un loto du patrimoine. Il est pertinent d'avoir fléché cette participation vers la Fondation du patrimoine, qui est un système souple, réactif, très implanté sur le plan territorial, extrêmement performant et très reconnu par les citoyens. Sur le plan local, la Fondation du patrimoine est une référence sur les questions patrimoniales, y compris pour ce qui concerne le patrimoine non classé.

Néanmoins, des questions se posent. Quid de l'accompagnement des collectivités et des associations après la suppression de la réserve parlementaire ? Le compte n'y est pas. Il faudra suivre de près ce sujet.

La question du patrimoine culturel du XX e siècle, qui concerne beaucoup de centres-bourgs et de centres-villes, est colossale mais pas complètement traitée. Pour l'instant, ce patrimoine n'a pas fait l'objet d'un inventaire précis. Or, les bâtiments, construits au même moment, se dégradent massivement au même moment. Ce patrimoine mérite, à l'avenir, une politique et des financements spécifiques.

Il faut faire le bilan de la loi de 2003 sur le mécénat et renforcer celui-ci.

L'accès du plus grand nombre à la culture est un objectif. Il faut renforcer et encourager les structures d'acculturation aux questions d'architecture, de patrimoine, d'aménagement. Une culture commune est nécessaire si l'on veut à la fois envisager, demain, une amélioration qualitative pour nos villes et nos paysages et donner les clés de compréhension du patrimoine à nos citoyens.

M. Pierre Laurent . - Nous discutons d'évolutions minimes. À nos yeux, le budget de la culture reste d'une insigne faiblesse. Cela dure depuis des années. Nous ne sommes décidément pas à la hauteur des enjeux structurels.

Je continue de m'inquiéter des perspectives plus générales qui ont été révélées dans la presse. La ministre nous a dit de ne pas nous affoler, qu'il ne s'agissait que d'un recensement des pistes étudiées et que rien n'était tranché, mais il n'y a, dans cette liste, que des perspectives inquiétantes.

Il ne faut pas oublier que tout cela s'inscrit dans une situation de fragilisation générale du secteur. Je rappelle que 59 % des collectivités territoriales ont réduit leur budget culturel.

Nous nous inquiétons particulièrement de plusieurs signes de fragilisation du soutien à la création et de l'emploi culturel. On ne peut pas nous dire que la priorité est maintenant donnée à la diffusion et à la démocratisation, parce que la démocratisation sans soutien à la création ne fonctionne pas.

On note un léger progrès sur l'éducation artistique, mais nous restons très vigilants, voire inquiets sur l'évolution du Pass culture, sur son contenu et son soutien éventuel à des politiques publiques réelles menées en direction des jeunes et des enfants tout au long de leur scolarité, en lien avec le soutien à la création et à la diversité culturelles.

Enfin, je renouvelle mon souhait que l'on puisse auditionner au plus vite M. Roch-Olivier Maistre, peut-être avant même que la ministre ne rende ses conclusions sur la « maison commune de la musique ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'est prévu.

Mme Françoise Laborde . - Je souscris à de nombreuses remarques de Sonia de la Provôté. Il aurait peut-être mieux valu ne pas accorder tout de suite « autant » d'argent au Pass culture et en consacrer davantage à l'EAC, pour permettre à celui-ci de monter en puissance.

Le « plan conservatoires » n'en est pas un... Ce nom est presque une tromperie ! Il s'agit en fait d'un « plan chorales ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Tout à fait !

Mme Françoise Laborde . - Bien sûr, nous sommes attachés à l'emploi dans la création. Cependant, nous savons également que les oeuvres créées sont assez peu diffusées. L'aide à la diffusion est elle aussi très importante.

Tous les budgets présentent des incohérences. Ils privilégient telle ou telle ligne, selon des choix politiques, au sein d'une enveloppe qui reste plus ou moins la même. Aujourd'hui, ce sont les collectivités qui subiront une double peine, puisque certains budgets diminuent, faisant naître des inquiétudes.

Pour ce qui concerne les musées, j'espère que la diminution des budgets du Louvre et d'Orsay se fait au bénéfice des musées de province.

Les expérimentations dans les régions sont positives, mais elles sont rarement étendues à toutes les régions, parce que l'on se rend compte qu'elles coûtent cher.

Cela dit, le groupe du RDSE sera favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Bruno Retailleau . - Je veux revenir sur le Pass culture. Le bonus cultura italien est un mauvais exemple. La modernité ne vient pas toujours de Paris ; elle vient parfois des territoires. J'ai lancé un Pass culture dans la région Pays de la Loire voilà vingt ans. Le ministère ne doit pas se lancer dans une usine à gaz qui n'aurait d'autre effet que d'accroître les tendances de consommation culturelle des jeunes de dix-huit ans.

Depuis vingt ans, de nombreuses régions ont lancé un dispositif de Pass culture ou de Pass culture-sport. Il est inconcevable que l'État lance une initiative similaire sans les consulter, alors que les régions ont désormais une expertise, pour les jeunes de dix-huit ans comme pour les lycéens. Pour le moment, je ne vois aucune articulation, aucune réflexion commune entre les régions et l'État. C'est le vieux monde ! Il faut demander à l'État ce tuilage avec les régions.

Quand nous avons lancé le Pass culture en région, nous avons rencontré de nombreux obstacles. Nous sommes parvenus à surmonter ces difficultés. Nous sommes prêts à mettre notre expérience à la disposition du ministère.

Mme Maryvonne Blondin . - Je veux à mon tour remercier les rapporteurs, notamment de la possibilité nouvelle, intéressante et importante, qu'ils nous ont laissée de participer aux auditions.

Certes, ce budget marque une hausse des crédits du programme 224. Cependant, son augmentation globale de 1,1 % se fait au prix d'une baisse des crédits du patrimoine.

Lors de l'examen des précédents budgets, nous avons considéré que la création était riche, mais la diffusion très pauvre. Il est important d'appuyer ce secteur.

Les collectivités territoriales vont se retrouver confrontées à des budgets en diminution. Si l'on y ajoute les baisses des dotations de l'État, on comprend que les artistes et les entreprises culturelles se retrouvent dans une situation quelque peu difficile.

Madame Robert, vous avez soulevé les points sur lesquels nous devons faire preuve de vigilance. La situation est aggravée par le coût des mesures de sécurité. À cet égard, je regrette l'imprécision de certaines des réponses que la ministre nous a données lors de son audition. Nous avons beaucoup d'interrogations sur le transfert du fonds d'urgence.

Je veux attirer l'attention sur le Fonpeps, qui a démarré en 2017. Celui-ci constitue un vrai point d'équilibre dans l'accord que nous avions trouvé en avril 2016. Quatre de ses mesures restent à définir. Je crains, compte tenu de la baisse de son budget, qui passe de 55 à 25 millions d'euros, que cette pérennisation des emplois du spectacle ne se trouve menacée, d'autant que l'une des mesures consistait en une aide.

Nous nous sommes mobilisés pour les « matermittentes », pour l'accès aux droits sociaux des femmes intermittentes du spectacle. L'une des mesures du Fonpeps prévoit des aides à la garde d'enfants des intermittents. Pourra-t-elle être mise en application ? Je crains que nous ne soyons déçus sur ce plan.

Pour ce qui concerne l'EAC, il faudra évidemment des artistes pour respecter les jumelages et assurer les pratiques artistiques dans les écoles. Beaucoup de ces pratiques existent déjà dans des collectivités. Elles sont aussi assurées par les quelque 35 000 associations culturelles et entreprises solidaires et culturelles de France. Elles connaissent de véritables difficultés, parce qu'elles employaient des contrats aidés, qu'elles pérennisaient par la suite.

Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Colette Mélot . - De nombreux sujets attirent notre vigilance, notamment le Pass culture. Comme l'a dit Bruno Retailleau, il faut trouver une liaison entre les régions et l'État. L'intérêt d'un Pass culture organisé par le ministère est de lui donner une plus large audience, mais il faut prendre en compte ce qui existe déjà.

Je regrette que de nombreux points aient été laissés de côté : je pense au classement des conservatoires.

Il convient, bien sûr, de mettre l'accent sur les difficultés des collectivités locales, lesquelles ne leur permettent pas de considérer la culture comme une priorité.

Il est vrai que l'accès à la culture se fait souvent au détriment du patrimoine, les politiques conduisant à la gratuité représentant autant de manque à gagner pour les musées et les monuments nationaux.

Le « loto du patrimoine » est une bonne idée.

Le rapport de M. Yves Dauge, que la commission auditionnera prochainement, apportera sans aucun doute une contribution intéressante pour la revalorisation des centres anciens dégradés.

Le groupe Les Indépendants - République et Territoires est favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en demeurant vigilant.

M. Alain Schmitz . - J'ai eu la chance de pouvoir exercer les fonctions de délégué de la Fondation du patrimoine en région Île-de-France pendant trois ans.

Les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire seront réellement dramatiques pour les plus petites communes en matière de restauration du patrimoine. La ministre de la culture a indiqué qu'elle avait débloqué une enveloppe de 15 millions d'euros pour venir en aide aux communes de moins de 2 000 habitants, ce qui est dérisoire par rapport aux besoins de nos communes, notamment rurales. Restaurer un édifice en effectuant des reprises en sous-oeuvre représente souvent plusieurs fois le budget que la commune peut consacrer chaque année à ce type de travaux.

Effectivement, le nombre des successions en déshérence, élément moteur pour la vie même de la Fondation du patrimoine, a chuté de manière vertigineuse : en l'espace de trois ans, la recette correspondante est passée de 15 millions d'euros à 5 millions d'euros. Les plateformes de participation ne pourront pas compenser cette chute.

Bref, il est absolument indispensable, indépendamment du loto et de toutes les mesures annexes, que l'État fasse un effort en direction des petites communes, surtout en matière de patrimoine non protégé.

M. Pierre Ouzoulias . - Je partage les vives inquiétudes qui viennent d'être exprimées, d'autant que je suis moi-même très dubitatif par rapport à certaines mesures qui ont été annoncées, notamment la mission d'identification du patrimoine immobilier en péril, qui est considérée comme un outil novateur et dont l'objectif est de « signaler un bâtiment présentant un intérêt patrimonial ». Cela existe déjà aujourd'hui : c'est la base Mérimée, accessible sur Internet et constituée par les services de l'inventaire général du patrimoine culturel, créé par André Malraux, qui ont fait un travail exemplaire.

Je doute que des monuments puissent aujourd'hui ne pas être recensés dans la base Mérimée. Laisser accroire aux particuliers qu'ils pourraient concevoir eux-mêmes un outil qui existe déjà, témoigne, au mieux, d'une méconnaissance du ministère et, au pire, d'une méfiance à l'égard d'un travail scientifique réalisé pendant des années. Malheureusement, la personnalité médiatique de Stéphane Bern me fait plutôt envisager la seconde hypothèse...

En tant qu'historien, je suis inquiet, parce que je trouve que cela s'inscrit dans un mouvement de fond qui consiste à dire que les historiens ont privé le peuple de sa relation directe avec le patrimoine. Ce discours populiste est extrêmement dangereux.

Au reste, cela n'apporte ni des crédits ni des fonctionnaires en région pour gérer les dossiers, alors que ces besoins restent fondamentaux. Le « loto Bern » ne garantira pas qu'il y ait toujours, dans les DRAC, des agents pour monter les dossiers, en relation avec les architectes en chef.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je me joins aux remerciements de Maryvonne Blondin sur l'ouverture des auditions à l'ensemble des membres de la commission. C'était une excellente idée.

Ce budget comporte des points positifs : il prend en compte les recommandations d'Yves Dauge, crée un fonds spécifique, doté de 15 millions d'euros, pour la restauration du patrimoine des communes de moins de 2 000 habitants...

Toutefois, après transferts, les crédits du programme « Patrimoines » sont en baisse de près de 4 % en AE et de 0,28 % en CP, d'après les chiffres de la loi de finances rectificative. À périmètre constant, la baisse est effective, compte tenu notamment du déplacement des crédits vers le programme 224.

Selon moi, le budget n'est pas en cohérence avec les propos de la ministre, qui, lors de son audition, a déclaré que le patrimoine constituerait un axe fort.

Les crédits du patrimoine monumental baissent de 0,46 %, alors que ce secteur connaît une situation critique depuis quinze ans et que la question de l'entretien des monuments historiques est une mission majeure pilotée par l'État. Cette diminution n'est donc vraiment pas pertinente.

De même, les crédits de l'action 3, « Patrimoine des musées de France », et de l'action 8, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », connaissent une baisse préoccupante : elle va impacter les petits musées de province qui vivent principalement des subventions de l'État. Je crains que ce ne soit un coup porté à la revitalisation des centres-bourgs.

Revenir sur les crédits de l'archéologie préventive, qui sont en baisse de 1,1 %, c'est réduire d'autant les moyens de poursuivre les projets déjà engagés des centres de conservation et d'étude, les CCE, ou de financer de nouveaux projets. Je rappelle que les CCE jouent un rôle majeur en matière de conservation du patrimoine archéologique, dans le double but de favoriser la recherche et de valoriser ce patrimoine. C'est fondamental dans les territoires, non seulement pour l'accès de tous aux éléments de l'histoire locale, qui est un élément fort du lien social, mais aussi pour favoriser l'acceptabilité des recherches archéologiques, en particulier de l'archéologie préventive.

Je ne remets pas en cause l'intérêt de la création du loto du patrimoine, mais je regrette qu'il soit organisé au profit de la seule Fondation du patrimoine, et qu'on ne permette pas, par exemple, au CMN d'en bénéficier également.

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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - J'ai bien enregistré l'ensemble des remarques. Lundi, je m'efforcerai de les reprendre, même si le temps de parole des rapporteurs pour avis est limité à trois petites minutes...

Monsieur Ouzoulias, je rendrai hommage à l'inventaire du patrimoine, dont je connais le travail remarquable depuis des années.

Madame Laborde, les crédits consacrés aux musées, hors Louvre et Orsay, sont constants. La baisse globale s'explique par la diminution des crédits alloués à ces deux grandes institutions.

Je reprendrai ce qu'a dit Alain Schmitz pour la réserve parlementaire. Il faut y ajouter, d'ailleurs, le désengagement des départements, pour les raisons que j'ai indiquées. Le patrimoine voit ses sources de financement taries, d'où l'importance des revenus extérieurs, de l'État, dont j'espère qu'elles contribueront à financer le patrimoine. Cela dit, chacune est libre de faire ce qu'elle veut, la compétence n'étant pas obligatoire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avons bien noté les réserves de nos rapporteurs sur ces budgets. Si les intentions sont bonnes, certaines imprécisions suscitent des inquiétudes.

J'émets les plus grandes réserves sur le Pass culture. Une mission a été confiée à quatre inspecteurs généraux du ministère de la culture. Ils se sont rendus en Normandie. Je les ai également reçus au Sénat. Ils ne semblaient pas manifester un grand enthousiasme pour le Pass...

La somme de 140 millions d'euros doit être mise en perspective avec les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle et avec le déficit qui persiste toujours pour nos conservatoires. Je rappelle que la ligne dédiée aux conservatoires de l'État, pour l'accompagnement de la mission de celui-ci, l'enseignement supérieur et préprofessionnel, s'élevait à 35 millions d'euros en 2012. Puis, la ligne commence à baisser, jusqu'à être supprimée puis rétablie. Aujourd'hui, avec 3 millions d'euros supplémentaires, on n'arrive qu'à 20 millions d'euros...

On aurait déjà pu retrouver une ligne budgétaire normale, celle d'avant la chute drastique du budget de ces établissements, aujourd'hui essentiellement financés par nos villes, voire nos intercommunalités avec les plus grandes difficultés. Nous devons être attentifs car ces établissements d'enseignement artistique sont des pôles ressources pour un territoire de référence. S'ils doivent assumer un certain nombre de missions que leur confère le ministère, il faut aussi qu'ils soient confortés dans leurs missions premières.

D'ailleurs, je note que le « plan chorales » concerne, en réalité, le premier cycle, qui, selon la loi de décentralisation de 2004, relève plutôt des communes. Les crédits auraient plutôt dû être inscrits sur le budget du ministère de l'éducation nationale, en lien avec les communes, le ministère de la culture continuant à jouer son rôle au niveau des troisièmes cycles.

Notre rapporteure nous a proposé de suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique. Ne serait-il pas pertinent d'y ajouter les enseignements artistiques ? Ces sujets sont liés.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Enfin, je vous propose de constituer un groupe de travail sur le Pass Culture.

Il en est ainsi décidé .

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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