EXPOSÉ GÉNÉRAL

EXAMEN DES ARTICLES

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Article 5 (art. L. 6111-3 du code du travail et art. L. 122-3 du code de l'éducation) - Reconnaissance de la spécificité des formations pour la reprise et la création d'entreprise dans les codes du travail et de l'éducation

Objet : Cet article inscrit la délivrance d'informations relatives à la création et à la reprise d'entreprise dans le contenu du droit à l'orientation professionnelle tout au long de la vie d'une part, et du droit de tout jeune à bénéficier d'une formation professionnelle d'autre part.

I - Le dispositif proposé

Cet article transpose dans le domaine législatif la proposition n° 6 du rapport de la délégation aux entreprises : « orienter les démarches de promotion de l'entreprenariat vers la reprise d'entreprise » dans les cursus universitaires, les écoles de commerce, l'apprentissage ainsi qu'à travers des dispositifs locaux et nationaux.

Le rapport constate en effet qu'en matière de formation initiale ou continue des futurs chefs d'entreprise, les structures d'enseignement ne valorisent que la création d'entreprise alors même que celle-ci est plus risquée que la transmission.

Ce risque est mesuré par le taux de survie des entreprises quelques années après leur création ou leur reprise. D'après une étude de l'Insee Aquitaine de novembre 2007, citée par le rapport , « trois ans après leur création, 65 % des entreprises créées et 77 % des entreprises reprises poursuivent leur activité » . A cinq ans, ce taux se maintient entre 70 et 80 % pour les entreprises reprises mais chute à 50 % pour les entreprises créées.

Le présent article entend expliciter l'objectif de renforcer les formations initiales et continues à la fois en matière de création et de reprise d'entreprise. Il modifie en ce sens l'article L. 6111-3 du code du travail ( I ) et l'article L. 122-3 du code de l'éducation ( II ).

L'article L. 6111-3 du code du travail consacre un droit, pour toute personne, à être informée, conseillée et accompagnée en matière d'orientation professionnelle, au titre du droit à l'éducation garanti par l'article L. 111-1 du code de l'éducation. Il instaure à cet effet le service public de l'orientation tout au long de la vie assuré conjointement par l'État et les régions.

L'État définit et met en oeuvre la politique d'orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et d'enseignement supérieur et délivre à cet effet l'information nécessaire sur toutes les voies de formation aux élèves et étudiants.

Les régions coordonnent les autres acteurs participant au service public régional de l'orientation.

Le I du présent article complète la mission confiée à l'État en matière d'information aux élèves et étudiants afin qu'il délivre également les informations relatives à la création et à la reprise d'entreprise.

L'article L. 122-3 du code de l'éducation dispose que tout jeune doit se voir offrir, avant sa sortie du système éducatif et quel que soit le niveau d'enseignement qu'il atteint, une formation professionnelle.

Le II complète cet article en prévoyant que ledit jeune bénéficie également d'une information relative aux débouchés et aux modalités de création et de reprise d'entreprise.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur partage la conviction de la délégation sénatoriale aux entreprises qu'il est nécessaire de renforcer la formation initiale et continue des chefs d'entreprise en matière de reprise d'entreprise.

Elle s'interroge toutefois sur l'opportunité de recourir à la loi pour en affirmer le principe alors que le Sénat s'est engagé à renforcer sa vigilance pour adopter des lois aux effets pleinement normatifs.

Cet article entend renforcer la formation professionnelle en matière de création et de reprise d'entreprise. Comme le constate le rapport de la délégation, la création d'entreprise fait actuellement l'objet d'une promotion importante dans les cursus de formation sans qu'aucune disposition législative spécifique n'en dispose. Dès lors, le cadre législatif actuel n'empêche en rien les organismes de formation de promouvoir également la reprise d'entreprise. Des incitations non législatives, comme des campagnes de communication par les ministères, les régions ou les réseaux consulaires concernés, apparaissent plus appropriées que le recours à la loi.

De plus, en modifiant des articles du code du travail et du code de l'éducation de portée générale pour consacrer la spécificité de la formation à l'entrepreneuriat, cet article ouvre la voie à une possible inflation législative. Pourquoi ne pas reconnaître à l'avenir, la spécificité de la formation au numérique par exemple ou à d'autres secteurs que le législateur entendrait promouvoir ?

Votre commission a donc adopté un amendement n° 3 de suppression de cet article.

Votre commission propose à la commission des finances de supprimer cet article.

Article 14 (art. L. 141-23 à L. 141-32 du code de commerce) - Abrogation du droit d'information préalable des salariés en cas de vente de leur entreprise

Objet : Cet article abroge le droit à l'information préalable des salariés en cas de vente de leur entreprise prévu depuis 2014 dans les petites et moyennes entreprises.

I - Le dispositif proposé

1) Le droit à l'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise issu de la loi « Hamon » du 31 juillet 2014 : un dispositif contesté

Les articles 19 et 20 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire ont institué dans les petites et moyennes entreprises 6 ( * ) une obligation d'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise.

Cette disposition s'appuyait sur le constat que plus de 100 000 emplois étaient supprimés dans les PME chaque année en France faute de repreneur. Dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, le législateur avait prévu dès 2013 7 ( * ) une obligation d'information de l'employeur au comité d'entreprise lorsqu'il envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif.

L'obligation d'information préalable des salariés dans les PME issue de la loi du 31 juillet 2014, appelée aussi droit d'information préalable des salariés (DIPS), concernait initialement tout propriétaire d'une entreprise envisageant de céder, à titre gratuit ou onéreux, son fonds de commerce ou la majorité des parts de sa société, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l'entreprise de présenter une offre de reprise. Dans les entreprises de plus de 50 salariés soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise, l'employeur devait en parallèle informer le comité et les salariés directement.

La cession ne pouvait intervenir avant un délai de deux mois suivant la notification de l'information aux salariés, sauf si chaque salarié avait fait connaître sa décision de ne pas présenter d'offre avant l'expiration de ce délai.

Le défaut d'information des salariés était lourdement sanctionné, le juge de commerce pouvant prononcer la nullité de la cession.

Un régime d'exemption de cette obligation était défini par la loi. Les projets de cession d'entreprises dans le cadre d'une succession ou d'une procédure collective (conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) n'étaient pas concernés.

Dès sa mise en application le 1 er novembre 2014 8 ( * ) , cette obligation a suscité de très fortes critiques. Les représentants des entreprises regrettaient tout d'abord le caractère systématique de cette obligation qui devait s'appliquer y compris si un repreneur était pressenti.

L'information aux salariés peut en effet compromettre la confidentialité des négociations voire perturber le projet de reprise si elle conduit à susciter des inquiétudes au sein du personnel ou fait l'objet de divulgations dans la presse.

Il est toutefois rappelé que les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour permettre de présenter une offre de rachat.

D'autre part, la sanction de nullité relative pesant sur toute cession est apparue disproportionnée et menaçante pour la sécurité juridique de l'entreprise transmise.

Non seulement la cession pouvait être remise en cause mais cette solution ne satisfaisait aucune des parties : ni le chef d'entreprise qui de toute façon voulait céder, ni le repreneur, ni même les salariés à qui la confusion née de l'annulation ne profitait pas.

Conscient des difficultés, le Gouvernement a réformé le dispositif, dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 9 ( * ) , en reprenant les propositions formulées par la mission d'évaluation conduite par notre ancienne collègue députée
Fanny Dombre Coste 10 ( * ) .

2) L'obligation d'information préalable en cas de vente d'une entreprise résultant de la loi « Macron » du 6 août 2015

L'article 204 de la loi du 6 août 2015 a substantiellement restreint la portée de l'obligation d'information en procédant à deux modifications principales.

La première a limité le champ de l'obligation d'information aux seules opérations de vente de l'entreprise et non plus de cessions. L'ensemble des cessions à titre gratuit sont désormais exclues.

Ensuite, la sanction de nullité relative en cas de défaut d'information a été remplacée par une amende civile ne pouvant être prononcée qu'à la demande du ministère public d'un maximum de 2 % du montant de la vente.

La loi a par ailleurs précisé que lorsque l'information des salariés était faite par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, la date de réception de l'information était la date de la première présentation de la lettre.

Ces dispositions, en vigueur depuis le 1 er janvier 2016 11 ( * ) , figurent dans les sections 3 12 ( * ) et 4 13 ( * ) du chapitre Ier ( De la vente du fonds de commerce ) du titre IV ( Du fonds de commerce ) du livre Ier du code de commerce.

Pour les cas de vente de la majorité des parts d'une société, le dispositif du DIPS est repris dans le chapitre X ( De l'information des salariés en cas de vente de leur société ) du titre III du livre II relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d'intérêt économique du code de commerce.

3) Le présent article abroge l'obligation d'information préalable des salariés

Dans son rapport, la délégation sénatoriale aux entreprises fait part de l'avis unanime des personnes auditionnées sur l'effet largement contre-productif de ce dispositif.

Le DIPS a eu « un objectif contraire à celui recherché : le temps octroyé est trop court pour permettre aux salariés de s'organiser mais il est suffisamment long pour fragiliser l'entreprise qui devient vulnérable aux yeux tant des fournisseurs que des clients (...). Si le dispositif fonctionne désormais, c'est essentiellement parce que les entreprises ont la possibilité de payer l'amende plutôt que d'informer leurs salariés » 14 ( * ) .

La délégation en propose la suppression par l'abrogation des articles 19 et 20 de la loi « Hamon » (proposition n° 23 du rapport).

Le présent article reprend le principe de la suppression de ce dispositif.

Le 1° abroge les sections 3 et 4 du chapitre I er du titre IV du livre I er du code de commerce, concernant les ventes de fonds de commerce, et le 2° du chapitre X du titre III du livre II du même code, pour les ventes de la majorité des parts d'une société.

II - La position de votre commission

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité des réticences exprimées par le Sénat à l'encontre de cette obligation d'information depuis sa création.

Comme le rappelait le rapport de nos collègues Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone et François Pillet pendant la discussion parlementaire de la loi du 6 août 2015 15 ( * ) , le Sénat avait une première fois demandé sa suppression, à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest, lors de l'examen en première lecture de la loi du 20 décembre 2014 16 ( * ) , mais n'avait pas réussi à convaincre les députés lors de la commission mixte paritaire.

Au cours de la première lecture de la loi du 6 août 2015, le Sénat avait adopté en séance publique un amendement de notre collègue Bruno Retailleau qui réformait profondément le dispositif d'information préalable pour en éviter les effets pervers sans toutefois le supprimer.

S'appuyant sur cet amendement sénatorial portant article additionnel, le Gouvernement avait proposé la réforme importante du dispositif décrite ci-dessus en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Le Sénat avait alors voté cet article permettant d'alléger le dispositif, « à défaut de [sa] suppression pure et simple » 17 ( * ) .

Votre rapporteur a disposé de peu de temps pour établir un bilan du dispositif du DIPS modifié en 2015.

Dans une contribution écrite, la direction générale des entreprises du Ministère de l'économie et des finances rappelle que la mise en oeuvre en dispositif en 2014 avait correspondu à une baisse, par rapport à 2013, du nombre de cessions de - 1,9 % à - 7,6 % selon la taille de l'entreprise 18 ( * ) . Le coût de mise en oeuvre de l'information des salariés s'élèverait à 34,5 euros pour une TPE et à 71 euros pour une PME soit une dépense de 2 millions d'euros par an en moyenne.

Votre rapporteur a également sollicité par courrier l'avis des organisations syndicales représentatives des salariés mais qui n'ont pas répondu. Le délai très contraint et le contexte social expliquent sans doute cette absence de réponse. Il reste que ce dispositif ne semble pas particulièrement défendu par les salariés.

Les représentants des employeurs ont maintenu leurs critiques sur le dispositif. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) a évoqué le stress que représentait la possibilité de sanction du défaut d'information qui peut désormais avoir un impact sur le prix de la cession. La Confédération des PME (CPME) a rappelé sa proposition de limiter cette obligation d'information en cas uniquement d'absence de repreneur.

Constatant, quatre ans après son instauration, le peu d'effet de cette obligation d'information sur le nombre de reprise interne des entreprises d'une part et d'autre part, le maintien des critiques sur ses effets contre-productifs, votre rapporteur a donc proposé à votre commission d'abroger ce dispositif.

Votre commission propose à la commission des finances d'adopter cet article sans modification.

Article 15
(art. L. 631-15 du code de commerce)
Obligation d'information préalable des salariés en cas de vente
de leur entreprise placée en redressement judiciaire

Objet : Cet article créé, à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire d'une entreprise, une obligation d'information des salariés sur les possibilités et aides pour la reprise interne de l'entreprise, incombant aux administrateurs ou mandataires judiciaires.

I - Le dispositif proposé

L'obligation d'information des salariés en cas de vente de leur entreprise, prévue par la loi du 31 juillet 2014 et modifiée par la loi du 6 août 2015 19 ( * ) , ne s'applique pas aux ventes d'entreprises en difficultés intervenant dans le cadre d'une procédure collective relevant du livre 6 du code de commerce 20 ( * ) qu'elle soit de conciliation (titre I), de sauvegarde (titre II), de redressement judiciaire (titre III) ou de liquidation judiciaire (titre IV).

Procédures collectives pour les entreprises en difficulté prévues par le livre 6 du code de commerce

- la procédure de conciliation (art. L. 611-2) : destinée aux entreprises qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, sans toutefois être en situation de cessation des paiements. La procédure est déclenchée par convocation du dirigeant de l'entreprise au tribunal de commerce, saisi par tout acte, document ou procédure afin d'envisager les mesures propres à redresser la situation ;

- la procédure de sauvegarde (art. L. 620-1) : pour les entreprises, qui sans être en cessation de paiements, justifient de difficultés qu'elles ne sont pas en mesure de surmonter. Elle est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif et donne lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde arrêté par jugement ;

- la procédure de redressement judiciaire (L. 631-1) : destinée aux entreprises en cessation de paiement 21 ( * ) . Cette procédure, possible si aucune procédure de conciliation n'a été ouverte, permet la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien dans l'emploi et l'apurement du passif et donne lieu à un plan de redressement, arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et le cas échéant de la constitution de deux comités de créanciers ;

- la procédure de liquidation judiciaire (L. 640-1) : pour les entreprises, en cessation de paiement et dont le redressement est manifestement impossible. Elle est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

Le présent article revient sur cette exclusion en prévoyant, au cours de la seule procédure de redressement judiciaire, l'obligation d'information des salariés de l'entreprise en difficulté quant aux possibilités et aides dont ils peuvent disposer en vue de soumettre une offre de reprise. Cette obligation incombe aux administrateurs ou mandataires judiciaires.

Aux termes de l'exposé des motifs de la proposition de loi, « cette obligation ne compromet en aucun cas les chances de transmission, car elle n'intervient pas à un stade délicat en terme d'information et de préparation à la transmission et est prévue dans un cadre formel bien défini ».

En effet, à la différence de l'arrêté de jugement pris pour l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, la décision du tribunal de commerce ouvrant une procédure de redressement judiciaire est obligatoirement rendue publique. Dès lors, la nécessaire confidentialité sur les difficultés d'une entreprise au moment où elles ne sont pas encore officialisées ne vaut plus au stade du redressement judiciaire.

S'agissant de la procédure de sauvegarde, l'information préalable des salariés ne peut être donnée a priori puisque la procédure est ouverte pour permettre la poursuite de l'activité. A l'inverse, l'information des salariés n'est plus utile au moment de la liquidation judiciaire, les difficultés de l'entreprise étant telles que le redressement est impossible.

Le présent article complète donc seulement l'article L. 631-15 du code de commerce qui encadre la procédure de redressement, lorsqu'au plus tard deux mois après le jugement d'ouverture, le tribunal de commerce ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparait que l'entreprise en difficulté dispose des capacités de financement suffisantes.

Il prévoit alors, à ce stade et dans le cas où un plan de cession peut être envisagé, que l'administrateur ou à défaut le mandataire judiciaire doit informer les représentants des salariés, le cas échéant par l'intermédiaire de leur comité d'entreprise ou de leurs délégués du personnel, des possibilités et aides dont ils peuvent disposer en vue de soumettre une offre de reprise.

II - La position de votre commission

L'intention portée par cet article semble louable en première analyse puisqu'il permet de maximiser les chances de reprise de l'entreprise en difficulté en favorisant l'information des salariés sur les possibilités et les aides pour une reprise interne.

Cette première impression ne résiste toutefois pas aux difficultés que soulève cette nouvelle obligation inscrite à l'article L. 631-15, tant en ce qui concerne l'information relative aux possibilités de reprise que celles relatives aux aides dont les salariés peuvent disposer.

Aux termes de l'article L. 631-13 du code de commerce, dès l'ouverture de la procédure de redressement, les tiers sont admis à soumettre à l'administrateur judiciaire des offres tendant au maintien de l'activité, par une cession totale ou partielle de celle-ci. L'administrateur doit également informer les représentants des salariés de la possibilité qu'ont ces derniers de soumettre une ou plusieurs offres, en particulier de la date limite de dépôt de l'offre.

Dès lors, la première partie du dispositif proposé par cet article quant à l'obligation d'information sur les possibilités de reprise interne est déjà satisfaite par l'article L. 631-13. Elle l'est d'autant plus que l'obligation qui y est fixée intervient dès l'ouverture de la procédure et non dans un délai maximum de deux mois suivant l'ouverture de la procédure comme la rédaction de l'article L. 631-15 résultant du présent article le permettrait.

S'agissant de l'obligation d'informer les salariés sur les aides dont ils pourraient bénéficier pour la reprise de leur entreprise, elle soulève deux sérieux risques de contentieux.

Le premier est lié à la grande diversité des aides s'offrant aux repreneurs d'entreprises qui varient fortement selon les territoires. Elles peuvent en effet émaner d'organismes nationaux mais également locaux (collectivités territoriales, réseaux consulaires, associations...). En créant une obligation d'information des salariés sur ces aides alors qu'un inventaire exhaustif de ces dernières par territoire n'existe pas, la loi ouvrirait la voie à de nombreux recours potentiels de salariés contre la cession d'une entreprise au motif que l'administrateur judiciaire aurait oublié un dispositif d'aide à la reprise.

Le second risque tient à la contradiction soulevée par cette obligation, entre d'une part le rôle de conseil de l'administrateur judiciaire qu'elle induit auprès des salariés pour les informer de toutes les aides potentielles et d'autre part, la stricte neutralité qu'il doit observer entre toutes les offres de reprise. Communiquer aux seuls salariés l'ensemble des dispositifs d'aides à la reprise existant, c'est avantager une solution de reprise, la reprise interne, par rapport aux autres offres.

Enfin, la rédaction proposée par le présent article est trop imprécise quant à l'articulation entre cette nouvelle obligation et le droit et les délais de soumission des offres de reprise. Cet article ne prévoit effectivement aucune modalité ni aucun délai entre la notification de l'information aux salariés et la possibilité pour l'employeur de céder son entreprise.

Votre commission a adopté un amendement n° 4 de suppression de cet article.

Votre commission propose à la commission des finances de supprimer cet article.

Article 16 (art. L. 1233-57-14 du code du travail) - Limitation des obligations de recherche d'un repreneur dans les entreprises de plus de 1 000 salariés

Objet : Cet article limite d'une part, dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, les obligations des employeurs liées à la recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un établissement au seul cas de cessation d'activité de l'établissement et institue d'autre part, une nouvelle obligation d'information des salariés sur la possibilité qu'ils ont de reprendre un établissement en cessation d'activité et les dispositifs d'aide à la reprise auxquels ils auraient alors droit.

I - Le dispositif proposé

Aux termes de l'article L. 1233-57-14 du code du travail, l'employeur d'une entreprise d'au moins 1 000 salariés qui envisage la fermeture d'un établissement est tenu, après avoir informé de son projet le comité social et économique, à l'obligation de rechercher un repreneur 22 ( * ) .

Il doit alors :

- informer les repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement ;

- réaliser un document de présentation de l'établissement destiné aux repreneurs potentiels ;

- le cas échéant, engager la réalisation du bilan environnemental de l'entreprise ;

- donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l'établissement 23 ( * ) qui sont tenues en contrepartie à une obligation de confidentialité ;

- examiner les offres de reprise qu'il reçoit ;

- apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais impartis.

Ces obligations s'ajoutent à celles fixées aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-13 relatifs à l'information des salariés, de l'autorité administrative et des collectivités territoriales en cas de projet de fermeture d'un établissement.

L'exposé des motifs de la proposition de loi explique que la notion de fermeture, qui induit lesdites obligations , « entraîne des situations ubuesques, dans lesquelles le simple déménagement d'un site vers un autre site voisin plus moderne et plus adapté à l'activité de l'entreprise - parfois à quelques dizaines de mètres - peut être considéré comme une fermeture d'établissement et entraîner la lourde procédure prévue par le code du travail ».

Le du présent article entend donc limiter la portée des seules obligations liées à la recherche d'un repreneur, visées à l'article L. 1233-57-14, en substituant au terme de « fermeture », celui de « cessation d'activité ». En restreignant la notion de fermeture, cette substitution allège la portée de ces obligations pour les employeurs qui envisagent de poursuivre leur activité dans un autre établissement.

A contrario , le ajoute à la liste des obligations liées à la recherche d'un repreneur prévues dans le seul cas de cessation d'activité d'un établissement, l'obligation « d'informer les salariés, par tout moyen approprié, de la possibilité qu'ils ont de présenter une offre de reprise ainsi que des dispositifs d'aide afférents auxquels ils ont droit ».

II - La position de votre commission

Votre rapporteur partage le souci de simplifier au maximum la vie des entreprises tout en assurant un niveau de protection suffisant aux salariés.

Il semble en effet légitime de limiter les obligations liées à la recherche d'un repreneur dans le cas où l'employeur décide de transférer un établissement sans toutefois modifier ni son activité, ni le nombre de salariés y travaillant 24 ( * ) .

Elle s'est interrogée toutefois sur la portée de la substitution opérée par le 1° du présent article.

Alors que le terme de « fermeture de l'établissement » est employé dans l'ensemble des articles composant la section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II du code du travail (articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22), l'insertion du terme de « cessation d'activité » dans le seul article L. 1233-57-14 apporte de la confusion.

De plus, cette substitution aurait pour conséquence qu'un employeur déménageant son établissement en dehors du bassin d'emploi dans lequel il est implanté ne serait plus tenu par la recherche d'un repreneur potentiel. Or des offres de reprise proposant de maintenir l'activité dans ce même bassin d'emploi pourraient être légitimement examinées.

Votre rapporteur considère que cet article affaiblit la capacité de recherche d'un repreneur pour l'établissement et qu'il coupe toute opportunité de maintenir l'activité dans un bassin d'emploi en cas de simple transfert.

A l'inverse, l'ajout d'une obligation supplémentaire d'information des salariés sur les possibilités et les aides à la reprise mise à la charge des employeurs qui cèdent leur établissement pour cessation d'activité ne parait pas opportune.

D'une part, l'information des salariés sur les possibilités de déposer une offre de reprise est déjà prévue à l'article L. 1233-57-10.

S'agissant de l'information sur les aides auxquelles les salariés auraient droit pour la reprise en interne, elle est sujette à d'importants risques de contentieux comme ce rapport l'a déjà montré 25 ( * ) .

Votre commission a donc adopté un amendement n° 5 de rédaction globale du présent article visant simplement à compléter l'article L. 1233-57-14 afin qu'il ne soit pas applicable lorsque l'employeur envisage le transfert d'un établissement dans le même bassin.

Votre commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.


* 6 Soit les entreprises de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ou de 43 millions d'euros de total de bilan.

* 7 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 8 À la suite de la publication du décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l'information des salariés en cas de cession de leur entreprise.

* 9 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 10 Rapport d'évaluation du droit d'information préalable des salariés en cas de cession d'entreprise, remis le 18 mars 2015.

* 11 Depuis la publication du décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015 relatif à l'information des salariés en cas de vente de leur entreprise.

* 12 Section 3 : De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de vente d'un fonds de commerce dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise (art. L. 141-23 à L. 141-27), pour les entreprises de moins de 50 salariés.

* 13 Section 4 : De l'information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de vente d'un fonds de commerce (art. L. 141-28 à L. 141-32), pour les entreprises de plus de 50 salariés et plus.

* 14 pp. 129-130 du rapport, op. cit.

* 15 Rapport n° 541 (2014-2015) fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale au titre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution en nouvelle lecture , pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, 23 juin 2015.

* 16 Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises

* 17 Rapport n° 541 (2014-2015), op. cit.

* 18 Citant l'Observatoire de la Banque populaire - Caisses d'Epargne, Les carnets 2017 - La cession-transmission des PME et TPE.

* 19 Voir le commentaire de l'article 14.

* 20 Livre 6 : Des difficultés en entreprise.

* 21 La cessation de paiement se définissant comme l'impossibilité pour une entreprise de faire face au passif exigible avec son actif disponible depuis au moins 45 jours.

* 22 Depuis la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle.

* 23 Exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l'entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l'ensemble de son activité.

* 24 D'après la direction générale des entreprises toutefois, « l'administration n'a pas connaissance de cas concrets de fermeture d'établissement suivie d'une réouverture ayant nécessité le déclenchement de la procédure prévue à l'article L. 1233-57-9 et suivants » (contribution écrite transmise à votre rapporteur).

* 25 Voir le commentaire de l'article 15.

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