B. UNE RÉPONSE GOUVERNEMENTALE QUI TARDE À VENIR

1. Consultation ou temporisation ?

Il y a déjà un an, le Premier ministre, Édouard Philippe, entouré par le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot et le ministre chargé de la jeunesse et de la vie associative, Jean-Michel Blanquer, avait présenté le plan du Gouvernement en faveur du développement de la vie associative.

Cette intervention avait surtout vocation à rassurer les associations sur les intentions du Gouvernement . Peu de mesures concrètes avaient été annoncées, à l'exception de la mise en place d'une semaine nationale de l'engagement et du développement de plateformes numériques pour favoriser les nouveaux usages en matière d'engagement.

Le Premier ministre avait rappelé que plusieurs groupes de travail avaient été créés, l'un sur l'innovation sociale, l'autre sur la stratégie de développement des acteurs de l'économie sociale et solidaire, auxquels avait été ajouté un troisième chargé de réfléchir sur la manière d'inciter les citoyens à s'engager davantage dans le bénévolat.

Néanmoins, à la suite de cette communication, une réflexion a été lancée qui a rassemblé l'ensemble des organisations et têtes de réseaux représentatives de la vie associative en provenance de tous les domaines d'activité et d'intervention associatifs (le sport, l'environnement, le social et médico-social, la solidarité nationale et internationale, la culture et le patrimoine, les droits des femmes, la jeunesse et l'organisations de jeunes, l'éducation populaire, ou encore le tourisme social, etc.). Cette réflexion a également mobilisé plus de 15 représentants des administrations publiques en plus de la DJEPVA 12 ( * ) et des équipes du Haut-Commissaire à l'économie sociale et solidaire, venant des ministères de l'intérieur, de l'économie et des finances, de la justice, des affaires sociales, de la transition écologique et solidaire ou encore des affaires étrangères.

À l'issue de cette large consultation, un rapport a été remis le 8 juin dernier au Premier ministre après avoir fait l'objet d'un avis par le Haut conseil à la vie associative. Parmi les 59 propositions avancées, plusieurs visent la mise en place d'une « politique de développement, de soutien et de reconnaissance de la vie associative » à travers une meilleure structuration de la vie associative et la mise en place de parcours d'accompagnement adaptés aux besoins associatifs.

Or, cet immense travail n'a abouti à aucune mesure concrète de la part du gouvernement, créant une désillusion à la hauteur des espoirs qui avaient été mis dans ce document. Certes, le dernier remaniement ministériel a donné aux associations un interlocuteur dédié en la personne de Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. Toutefois, la mission de ce dernier consiste principalement à la mise en oeuvre du service nationale universel.

Votre rapporteur pour avis regrette donc que le milieu associatif reste le parent pauvre de ce gouvernement. Cette attitude est d'autant plus paradoxale que ce même gouvernement ne cache pas sa volonté d'associer le secteur associatif à nombre de ses politiques : qu'il s'agisse de la mise en place du service national universel, de la lutte contre la pauvreté, ou encore du développement du sport pour tous, les associations sont censées être au coeur du dispositif gouvernemental.

En réalité, les objectifs ambitieux qui leur sont fixés ressemblent plus à des slogans et s'éloignent largement de la réalité qui se caractérise par une fragilisation durable du milieu associatif.

Comme l'ont fait remarquer les responsables du Haut conseil à la vie associative lors de leur audition par votre rapporteur : « on ne peut pas avoir une dynamique associative et une stagnation, voire une baisse de leurs ressources et de leurs emplois » .

2. L'absence de politique d'emploi au profit des projets associatifs

L'absence de réflexion sur une politique d'emploi au profit des projets associatifs illustre le relatif désintérêt du gouvernement vis-à-vis du secteur associatif.

Comme il a été rappelé précédemment, la réduction drastique du nombre des contrats aidés et leur transformation en parcours emplois compétences résulte du recentrage du dispositif réalisé en 2017 vers une logique d'insertion durable par l'emploi des publics les plus en difficulté à travers le tryptique « emploi - formation - accompagnement ». Il a mis un terme à une situation insatisfaisante dans laquelle les contrats aidés servaient à financer indirectement des emplois associatifs, sans pour autant correspondre aux besoins des associations ni répondre aux objectifs d'insertion qui auraient dû guider lesdits contrats.

Comme l'a reconnu la représentante du Mouvement associatif lors de son audition : « Si les associations peuvent participer au travers des actions qu'elles développent à la politique de l'emploi, leur rôle premier n'est pas d'accompagner des personnes très en difficulté sur le marché de l'emploi. C'était l'une des difficultés et l'un des biais de la politique des contrats aidés, qui est aujourd'hui encore renforcé dans la logique des Parcours emplois compétences. Ne sont ciblées que des personnes très éloignées de l'emploi. La correspondance entre le profil et le projet associatif n'entre pas en considération ».

En réalité, le secteur associatif a longtemps servi de variable d'ajustement pour les politiques de l'emploi : utilisé en période de crise pour amortir les effets sociaux, il est réduit au profit du secteur marchand à chaque amélioration de la situation du marché de l'emploi.

Votre rapporteur pour avis partage le souci du gouvernement de mettre un terme à ces pratiques, mais il regrette qu'aucune initiative parallèle ne soit prise afin d'introduire un soutien direct aux emplois associatifs au regard de leur utilité sociale, ce qui met en péril de nombreuses associations et entraîne de graves répercussions en matière de cohésion sociale et de réponse à des besoins non couverts par les pouvoirs publics.

Le document issu de la concertation menée dans le cadre du chantier « vie associative » précité dispose : « Les besoins associatifs en matière d'emploi doivent être pris en compte en tant que tels. Les associations ont besoin notamment d'emplois qualifiés pour les missions qu'elles mènent, pour assurer les fonctions d'encadrement ou encore d'accompagnement nécessaires . Dans certains secteurs (EHPAD, CHRS, centres d'accueil de migrants, protection de l'enfance etc.) qui deviennent de moins en moins attractifs compte tenu des conditions de travail particulièrement difficiles qu'ils offrent, induites par les diminutions de financements et de personnel, les associations ont également besoin de soutien et d'accompagnement spécifique pour améliorer la qualité de leurs emplois et permettre de relancer des dynamiques pérennes d'emploi. Les moyens de renforcer l'accès à la formation des salariés dans les petites et moyennes associations employeuses doivent aussi être explorés, pour permettre le renforcement des qualifications en interne. Enfin, s'adapter aux évolutions du monde du travail actuel, nécessite de porter une attention spécifique à la mobilité des salariés et aux parcours personnels de ces derniers».

Votre rapporteur pour avis exhorte donc le gouvernement à lancer une véritable politique de soutien à l'emploi associatif .

À l'occasion de leur audition, les représentants du Mouvement associatif ont défendu la création d'une ligne budgétaire spécifique dans le fonds d'inclusion dans l'emploi 13 ( * ) permettant le financement de 38 000 emplois utiles socialement afin de soutenir la professionnalisation des projets associatifs, tout particulièrement dans les petites et moyennes associations.

Les auteurs de cette proposition suggèrent d'assurer le financement de ces emplois par un prélèvement de 3 % des crédits consacrés au Plan d'investissement compétences.

Votre rapporteur pour avis rappelle que pour 2018, l'enveloppe prévue pour les « Parcours emplois compétences « (200 000 contrats) sera loin d'être dépensée compte tenu du succès mitigé rencontré par les PEC. Au 15 septembre 2018, moins de 87 000 PEC avaient été signés tous prescripteurs confondus en raison de leur manque d'attractivité financière et des obligations renforcées qui pèsent sur les employeurs.

Le manque d'attractivité financière des PC :
l'exemple du département de l'Hérault

Dans l'Hérault, la mise en oeuvre des PEC a été arrêtée au 1 er juin 2018 avec un objectif de 600 PEC pour les bénéficiaires du RSA sans emploi recrutés par les employeurs associatifs et les employeurs des établissements publics hospitaliers (y compris EHPAD). Le taux de prise en charge retenu par arrêté préfectoral a été de 50 % du Smic brut pour une durée hebdomadaire de travail de 20 heures.

Ainsi, pour un PEC de 20 heures hebdomadaires, l'aide totale est de 428,13 euros (50 % du SMIC brut). Le département ayant l'obligation de financer 88 % du RSA socle soit 485 euros, L'État finance 0 euro sur les PEC pour les bénéficiaires du RSA.

Par comparaison en 2017, pour un CUI-CAE de 20 heures hebdomadaires, l'aide totale était de 761,28 euros (90 % du SMIC brut) avec un financement de l'État à hauteur de 281,28 euros.

Au 30 septembre, seuls 70 PEC sur l'enveloppe des 600 ont été signés en l'absence d'attractivité financière.

Source : document fourni par l'Assemblée des départements de France

Le gouvernement en a tiré la leçon puisque seuls 100 000 PEC sont financés pour 2019. Il est regrettable qu'une partie des crédits ainsi économisés ne soient pas investis dans une politique ambitieuse en faveur de l'emploi associatif.

Si le gouvernement ne souhaite pas aggraver le déficit pour financer cette politique, votre rapporteur pour avis renvoie au rapport d'information 14 ( * ) qu'il a rédigé avec son collègue Alain Dufaut sur les contrats aidés dans lequel ils proposaient de financer ces emplois socialement utiles via le transfert d'une partie des exonérations générales des cotisations patronales et des dépenses fiscales qui relèvent de la politique des « services à la personne ».

En conclusion, votre rapporteur pour avis vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la jeunesse et de la vie associative.

*

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission .


* 12 Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.

* 13 Créé au 1 er janvier 2018, il regroupe les contrats aidés et les dispositifs d'insertion par l'activité économique.

* 14 Contrats aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif ; rapport d'information n° 321 (2017-2018) du 21 février 2018.

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