Avis n° 153 (2018-2019) de M. Loïc HERVÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2018

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N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, pour 2019 ,

TOME XII

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par M. Loïc HERVÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, le mercredi 14 novembre 2018 1 ( * ) , la commission des lois, réunie le mercredi 21 novembre 2018 2 ( * ) , sous la présidence de
M. Philippe Bas , président , a examiné, sur le rapport pour avis de M. Loïc Hervé , les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » inscrits au projet de loi de finances pour 2019 , ainsi que les articles rattachés à cette mission.

Après avoir rappelé que l'enveloppe des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales connaîtrait en 2019 une légère hausse de 0,8 % en valeur, mais une baisse de 0,7 % en volume (compte tenu des prévisions d'inflation), et que ces mêmes collectivités subiraient par ailleurs les conséquences d'autres diminutions de crédits (contrats aidés, recettes des agences de l'eau, répercussion sur les organismes d'habitations à loyer modéré de la baisse de l'aide personnalisée au logement), le rapporteur a fait part de plusieurs observations sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

En premier lieu, le gel de la dotation générale de décentralisation (DGD) depuis 2009, qui lui aura fait perdre 11 % de sa valeur réelle en onze ans, soulève des difficultés d'ordre constitutionnel, puisque cette dotation a notamment pour objet de compenser des transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales. On peut en effet considérer que le principe de compensation financière intégrale des transferts de compétences implique de tenir compte de l'érosion monétaire.

En deuxième lieu, les dotations d'investissement au bloc communal diminueraient en 2019 de 45 millions d'euros et auraient ainsi subi une baisse de 302 millions d'euros en deux ans.

En troisième lieu, l'inclusion du fonds d'aide à la collectivité de
Saint-Martin
, doté de 50 millions d'euros, dans l'enveloppe des concours financiers aux collectivités territoriales a paru contestable au rapporteur, puisque ce soutien indispensable à un territoire sinistré devrait relever de la solidarité nationale et, partant, du budget de l'État.

Néanmoins, plutôt que de s'opposer à l'adoption des crédits de la mission, la commission a estimé préférable de revoir les modalités de répartition de ces crédits et des autres dotations de l'État aux collectivités territoriales , en adoptant plusieurs amendements aux articles rattachés.

Ces amendements ont trois principaux objets.

Il s'agit d'abord de renforcer le contrôle des élus locaux sur la répartition des dotations d'investissement . Serait instituée auprès du préfet de département une commission départementale des investissements locaux, dotée de prérogatives étendues pour contrôler la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et d'une quote-part départementale de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Par ailleurs, la commission a refusé la transformation de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements en un système de subventions.

Constatant que la DETR ne répond qu'imparfaitement aux objectifs qui lui sont assignés, puisque les projets les plus coûteux en absorbent la plus grande partie, la commission a choisi de réserver une fraction égale à 15 % de l'enveloppe allouée à chaque département au financement des opérations dont le coût n'excède pas 50 000 euros. L'objectif est ici de mieux prendre en compte les besoins d'équipement des communes rurales .

Enfin, pour faciliter l'application du principe de subsidiarité dans la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements , la commission a souhaité que la somme correspondant à la baisse de la dotation d'intercommunalité perçue par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en raison de la diminution de son coefficient d'intégration fiscale soit intégralement compensée par une dotation de consolidation à répartir entre ses communes membres. Il est paradoxal, en effet, que la restitution de compétences par un EPCI à fiscalité propre à ses communes membres, parfois nécessaire, se traduise par une perte de ressources financières pour le territoire.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et adopté sept amendements aux articles 79, 81 et 81 bis du projet de loi de finances pour 2019 .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances annuel est un exercice à la fois passionnant et frustrant.

Frustrant, parce qu'il ne donne pas une appréhension globale des finances locales. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » n'englobe qu'une faible partie des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, dont l'essentiel est constitué de prélèvements sur les recettes de l'État, qui relèvent de la première partie de la loi de finances. Ces concours financiers sont d'ailleurs, dans leur ensemble, soumis à une norme d'évolution fixée par la loi de programmation des finances publiques.

Cet examen ne permet pas non plus d'aborder les questions touchant aux ressources propres des collectivités territoriales, et notamment à leurs recettes fiscales, alors même que la suppression annoncée de la taxe d'habitation occupe tous les esprits et suscite les plus vives appréhensions chez les élus locaux.

Il ne sera pas non plus question, dans ce rapport, de la contractualisation financière entre l'État et les collectivités territoriales, relative à l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Pourtant, toutes les associations d'élus entendues par votre rapporteur lui ont fait part de leurs critiques à l'égard de cette innovation de la dernière loi de programmation des finances publiques. Non seulement les « contrats de Cahors », contrats léonins signés sous la contrainte, sont un moyen pour l'État de renforcer sa tutelle sur les collectivités en s'immisçant jusque dans leurs choix de gestion. Mais leurs clauses sont souvent aberrantes : l'État refuse de tenir compte du fait qu'il impose aux collectivités certaines dépenses par ses propres défaillances, et il les empêche d'accepter des contributions financières d'autres personnes publiques, issues par exemple des fonds européens, parce que cela aurait pour effet d'augmenter leurs dépenses de fonctionnement sans pourtant dégrader leur solde budgétaire.

L'exercice est néanmoins passionnant, parce que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe certaines dotations importantes aux collectivités territoriales, visant notamment à compenser des transferts de compétences issus des lois de décentralisation et à soutenir l'investissement local, qui est un des moteurs de la croissance économique et du progrès social et culturel. En outre, en application de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , les modalités de répartition des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, y compris les prélèvements sur recettes tels que la dotation globale de fonctionnement (DGF), relèvent éventuellement de la seconde partie de la loi de finances, c'est-à-dire des articles rattachés à la mission.

Sur ces sujets, votre commission des lois peut apporter un éclairage complémentaire de celui que fournit votre commission des finances, dont les analyses font autorité.

Votre commission est naturellement attachée au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, dont l'autonomie financière est une composante indispensable. Il lui appartient donc, comme au Parlement tout entier, d'assurer le respect des règles qui garantissent cette autonomie financière, énoncées à l'article 72-2 de la Constitution, à commencer par la règle de compensation financière intégrale des transferts de compétences de l'État.

Votre commission se doit aussi de veiller à ce que les réformes des institutions locales, qui ont été particulièrement nombreuses au cours de la dernière décennie, s'accompagnent des mesures financières nécessaires à leur mise en oeuvre. Elle se veut également attentive à l'incidence que des dispositions financières peuvent avoir sur l'architecture institutionnelle locale, incidence qui n'est pas toujours souhaitée ni souhaitable, comme nous le verrons à propos de la dotation d'intercommunalité.

Enfin, votre commission s'attache à ce que les mécanismes qui gouvernent la répartition des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, notamment des dotations d'investissement, ne contreviennent pas aux principes de la décentralisation. Le diable est dans les détails, et les velléités de recentralisation se nichent parfois dans des mécanismes financiers où on ne les soupçonne pas...

I. LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » AU SEIN DE L'ENSEMBLE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS

A. LA RELATIVE STABILITÉ DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » consistent, pour l'essentiel, en dotations et autres dépenses budgétaires à destination des collectivités territoriales et de leurs groupements. Ils ne constituent qu' une faible fraction des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales , dont la plus grande partie est constituée par des prélèvements sur les recettes de l'État, destinés notamment à financer la dotation globale de fonctionnement (DGF). Les concours financiers ne représentent eux-mêmes qu'une partie des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales , lesquels comprennent également la compensation financière des dégrèvements législatifs d'impôts locaux et les produits de fiscalité nationale transférés aux collectivités territoriales.

Architecture des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

Source : commission des lois du Sénat

Selon le projet de loi de finances pour 2019, les transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales connaîtraient l'an prochain une augmentation significative, liée pour l'essentiel à l'entrée en application progressive du dégrèvement de la taxe d'habitation au bénéfice de 80 % des contribuables (qui atteindra l'an prochain le taux de 60 %) et, par conséquent, de sa prise en charge financière par l'État (3,7 milliards d'euros de plus). Ils s'élèveraient ainsi à 111,4 milliards d'euros .

Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales se monteraient, quant à eux, à 48,6 milliards d'euros , au lieu de 48,3 milliards d'euros en 2018. Cette légère hausse s'explique principalement par la hausse des remboursements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) via le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), liée à la reprise de l'investissement local, et par l'entrée en vigueur de l'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises à très faible chiffre d'affaires, dont la compensation par l'État a été exclue du champ des « variables d'ajustement » de l'enveloppe normée des concours financiers. Toutefois, compte tenu du retour de l'inflation, estimée à 1,5 % en 2019 par la Banque de France 3 ( * ) , les concours financiers de l'État devraient en fait baisser de 0,7 % en volume .

La dotation globale de fonctionnement (DGF) , qui constitue le principal concours financier de l'État aux collectivités, reste stable en euros courants, conformément aux engagements du Gouvernement. Elle connaîtrait néanmoins une baisse de quelque 1,5 % en euros constants 4 ( * ) .

Transferts et concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2019
(en milliards d'euros, selon le projet de loi de finances)

LFI 2018

PLF 2019 à périmètre courant

PLF 2018 à périmètre constant

Évolution à périmètre constant

En valeur

En volume 5 ( * )

TRANSFERTS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

104 769

111 449

107 849

+2,9%

+1,4 %

Concours financiers de l'État aux collectivités territoriales

48 258

48 645

48 654

+0,8 %

- 0,7 %

Prélèvements sur les recettes de l'État (PSR)

40 347

40 470

40 485

+0,3 %

- 1,1 %

Dont : Dotation globale de fonctionnement

26 960

26 953

26 959

0 %

- 1,5 %

Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée

5 612

5 649

5 649

+0,7 %

- 0,8 %

PSR au titre de la compensation d'exonérations de fiscalité directe locale

2 079

2 200

2 200

+5,8 %

+4,3 %

Mission « Relations avec les collectivités territoriales »

3 790

3 887

3 882

+2,4 %

+0,9 %

TVA des régions

4 122

4 287

4 287

+4 %

+2,5 %

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

B. LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » se décompose en deux programmes :

- le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » comprend diverses dotations de fonctionnement ou d'investissement attribuées par l'État aux collectivités territoriales ;

- le programme 122 « Concours spécifiques et administration » regroupe diverses aides exceptionnelles, certaines dotations attribuées aux collectivités ultramarines, ainsi que les crédits affectés à la direction générale des collectivités locales (DGCL).

1. Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

Le programme 119 finance six actions, étant entendu que la répartition des crédits entre les actions, telle qu'elle figure dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, n'a qu'une valeur indicative et n'engage pas le Gouvernement - sans préjudice des règles légales qui encadrent l'évolution de certains concours financiers.

Quatre des six actions du programme concernent la dotation générale de décentralisation versée aux différentes catégories de collectivités territoriales, en compensation de transferts, de créations ou d'extensions de compétences ; les deux autres regroupent d'importantes dotations d'investissement ainsi que divers concours de fonctionnement 6 ( * ) .

Répartition des crédits du programme 119 par action

Action

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

En valeur

En volume

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1. Soutien aux projets des communes et de leurs groupements

1 855 279 990

1 417 727 153

1 810 279 990

1 465 798 687

-2,4%

+3,4%

-3,9%

+1,9%

2. Dotation générale de décentralisation des communes

130 308 258

130 308 258

130 308 258

130 308 258

0,0%

0,0%

-1,5%

-1,5%

3. Soutien aux projets des départements et des régions

211 855 969

461 855 969

295 855 969

149 177 834

+39,6%

-67,7%

+37,6%

-68,2%

4. Dotation générale de décentralisation des départements

265 431 439

265 431 439

265 431 439

265 431 439

0,0%

0,0%

-1,5%

-1,5%

5. Dotation générale de décentralisation des régions

908 959 424

908 959 424

913 730 621

913 730 621

0,5%

0,5%

-1,0%

-1,0%

6. Dotation générale de décentralisation - concours particuliers

236 077 587

228 077 587

236 077 587

236 077 587

0,0%

3,5%

-1,5%

2,0%

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

a) La dotation générale de décentralisation : une érosion continue qui soulève des difficultés constitutionnelles

Les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales décidés dans le cadre des lois de décentralisation successives, ainsi que les créations et extensions de compétences locales, ont fait l'objet de compensations financières , avant même que le principe en soit inscrit à l'article 72-2 de la Constitution à l'occasion de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 7 ( * ) . Il en va de même de l'aggravation des charges incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'État, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées, en application de l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales - le principe de cette compensation n'ayant, en revanche, pas été inscrit dans la Constitution.

Les règles relatives à la compensation des dépenses
mises à la charge des collectivités territoriales par l'État

Article 72-2 de la Constitution (extrait)

« Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi . »

Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales

« Toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence d'augmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi . »

Article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales

« Les charges correspondant à l'exercice des compétences transférées font l'objet d'une évaluation préalable au transfert desdites compétences.

« Toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'État, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée dans les conditions prévues à l'article L. 1614-1. Toutefois, cette compensation n'intervient que pour la partie de la charge qui n'est pas déjà compensée par l'accroissement de la dotation générale de décentralisation mentionnée à l'article L. 1614-4. »

Si cette compensation financière prend principalement la forme de transferts de fiscalité , elle est également assurée au moyen de la dotation générale de décentralisation (DGD) , créée par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 8 ( * ) .

Le caractère subsidiaire de cette dernière forme de compensation a été renforcé par la réforme des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales entreprise en 2004 , qui a transféré 95 % du montant de la DGD des départements et des régions au sein de la dotation globale de fonctionnement, les 5 % restants ayant vocation à financer des ajustements (liés notamment à la diminution des effectifs d'agents mis à disposition des collectivités par l'État pour l'exercice de compétences transférées 9 ( * ) ) ou à compenser de nouveaux transferts.

La DGD est gelée en valeur depuis 2009 , sauf accroissement ou diminution des compétences transférées qu'elle est destinée à financer 10 ( * ) .

Les composantes de la dotation générale de décentralisation

La DGD des communes s'élèverait donc en 2019, comme en 2018, à 130,3 millions d'euros. Elle contribue au financement de dépenses diverses mises à la charge des communes et de leurs groupements par l'État :

- l'élaboration des documents d'urbanisme et les coûts d'assurance contre le risque contentieux lié à la délivrance des autorisations en matière de droit du sol, pour 23,3 millions d'euros ;

- la gestion des services communaux d'hygiène et de sécurité, pour 90,6 millions d'euros ;

- l'entretien de la voirie nationale de la ville de Paris, pour 15,4 millions d'euros ;

- la propriété, l'entretien et la gestion de monuments historiques, pour 0,6 million d'euros ;

- la délivrance des autorisations de changement d'usage des locaux à usage d'habitation, pour 0,5 million d'euros.

La DGD des départements comprend une seule enveloppe dite « de droit commun », d'un montant estimatif stable de 265,4 millions d'euros - il devra être revu en début d'année prochaine pour prendre en compte l'évolution des charges de personnel transférées 11 ( * ) . Outre une partie de ces charges de personnel, la DGD des départements a vocation à compenser certains transferts de compétences récents : gestion des collèges à sections binationales et internationales, monuments historiques, etc .

S'agissant de la DGD des régions , il convient de distinguer entre :

- une DGD « de droit commun » versée aux régions qui, comme celle des départements, vise à compenser financièrement les transferts de personnel et certains transferts de compétences récents : gestion des lycées à sections binationales et internationales, monuments historiques, etc . Il faut y ajouter, en ce qui concerne les régions d'outre-mer, la compensation de transferts de charges qui ont été compensés en métropole par l'attribution d'une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : gestion des parcs de l'équipement, incidence de la réforme des grades universitaires dite « LMD » sur la rémunération des infirmiers et infirmiers-anesthésistes, etc . ;

- la DGD versée au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) en compensation du transfert de la gestion des transports scolaires (128,1 millions d'euros) ;

- la DGD de la collectivité de Corse, qui ne comprend plus que la dotation de continuité territoriale (187 millions d'euros).

Au total, la légère hausse de la DGD des régions l'an prochain (913,7 millions d'euros, contre 909 millions d'euros en 2018) s'explique intégralement par le transfert du programme 203 « Infrastructures et services de transport » au programme 119 de la compensation attribuée à la région Grand Est en raison de la recomposition de l'offre des services régionaux de voyageurs résultant de la mise en service du deuxième tronçon de la ligne à grande vitesse Est européenne.

Enfin, divers concours particuliers sont attribués, au titre de la dotation générale de décentralisation, indistinctement aux communes, départements, régions et groupements de collectivités territoriales :

- un concours particulier en faveur des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains, créé à la suite du transfert à ces dernières de la charge des transports scolaires (87,9 millions d'euros) ;

- un concours particulier destiné à compenser le transfert aux collectivités territoriales de la propriété, de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion des ports maritimes (53 millions d'euros) ;

- un concours particulier compensant le transfert des aérodromes civils de l'État (4 millions d'euros) ;

- un concours particulier pour le développement des bibliothèques municipales et départementales de prêt, qui n'a pas le caractère d'une compensation (88,4 millions d'euros) ;

- un concours particulier destiné à compenser le transfert de voies d'eau du domaine public de l'État (2,6 millions d'euros).

Comme votre rapporteur le relevait l'an dernier, la stabilisation en valeur de la dotation générale de décentralisation depuis 2009 a conduit à une baisse très conséquente de son montant en euros constants , baisse qui s'accélère avec la remontée du taux d'inflation. Cette baisse peut être estimée à 11 % entre 2009 et 2019.

Il est permis de s'interroger sur la conformité à la Constitution du « gel » de cette dotation , qui n'a jamais été soumis à l'examen du Conseil constitutionnel. Comme cela a été rappelé, tout transfert de compétence de l'État aux collectivités territoriales (contrairement à la création ou à l'extension par l'État d'une compétence locale) est soumis à l'exigence d'une compensation financière intégrale, en vertu de l'article 72-2 de la Constitution 12 ( * ) . Le Conseil constitutionnel en a conclu que, si les recettes allouées par l'État à titre de compensation viennent à diminuer, il appartient à celui-ci de garantir aux collectivités bénéficiaires du transfert un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait lui-même auparavant à l'exercice de cette compétence. Dans le commentaire de sa décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, il est écrit que le maintien de ressources équivalentes doit s'apprécier « en euros constants » ce qui implique « une règle d'indexation sur l'érosion monétaire » des compensations financières 13 ( * ) .

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a laissé entendre, dans sa décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011, que les règles de compensation financière énoncées à l'article 72-2 de la Constitution ne s'appliquent qu'aux transferts, créations et extensions de compétences postérieurs à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 14 ( * ) . La règle de compensation intégrale ne s'applique donc qu'à certains des transferts de compétences qui font l'objet d'une compensation par le biais de la DGD, et notamment à ceux qui résultent de l'acte II de la décentralisation.

Transferts de compétences stricto sensu
compensés par la dotation générale de décentralisation

Compétence transférée

Fondement législatif

DGD des communes

Élaboration des documents d'urbanisme et autorisations au titre du droit des sols

Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État

Entretien de la voirie nationale
de la ville de Paris

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Monuments historiques

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Délivrance des autorisations de changement d'usage des locaux à usage d'habitation

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie

DGD des départements

Compensation résiduelle
des transferts de compétences issus de l'acte I de la décentralisation

Divers

Collèges à sections binationales
et internationales

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Monuments historiques

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Parcs de l'équipement

Loi  n° 2009-1291 du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers

DGD des régions

Compensation résiduelle des transferts de compétences issus
de l'acte I de la décentralisation

Divers

Lycées à sections binationales et internationales

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Monuments historiques

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Transports scolaires (STIF)

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Concours particuliers

Transports scolaires, sauf
Île-de-France

Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État

Ports maritimes

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Aérodromes

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Domaine public fluvial

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée

Source : commission des lois du Sénat

b) Une évolution contrastée des dotations d'investissement

Les actions n os 1 et 3 du programme 119 regroupent un ensemble divers de concours budgétaires aux collectivités territoriales :

- des dotations d'investissement , attribuées sous forme de subventions (dotation d'équipement des territoires ruraux, dotation de soutien à l'investissement local) ou reposant principalement sur le mécanisme du taux de concours (dotation globale d'équipement) ;

- une dotation d'investissement ou de fonctionnement versée sous forme de subventions (dotation politique de la ville) ;

- diverses dotations de fonctionnement destinées à compenser des dépenses mises à la charge des collectivités par l'État (dotation forfaitaire relative à la délivrance des titres sécurisés, dotation « régisseurs de police municipale ») ou liées à leur situation géographique (dotation communale d'insularité).

Le tableau ci-après retrace l'évolution du montant de ces différentes dotations.

Évolution des dotations relevant des actions n os 1 et 3 du programme 119
(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

En valeur

En volume

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

DETR

1 046

797,5

1 046

807

0 %

+1,2 %

- 1,5 %

- 0,3 %

DPV

150

101,1

150

111

0 %

+9,8 %

- 1,5 %

+8,2 %

DSIL

615

473,8

570

503,5

- 7,3 %

+6,3 %

- 8,7 %

+4,7 %

Dotation titres sécurisés

39,8

39,8

39,8

39,8

0 %

0,0 %

- 1,5 %

- 1,5 %

Dotation « régisseurs de police municipale »

0,5

0,5

0,5

0,5

0 %

0,0 %

- 1,5 %

- 1,5 %

Dotation communale d'insularité

4

4

4

4

0 %

0,0 %

- 1,5 %

- 1,5 %

Total action n° 1

1 855,3

1 416,7

1 810,3

1 465,8

- 2,4 %

+3,5 %

- 3,9 %

+1,9 %

DGE des départements / Dotation de soutien à l'investissement départemental

211,9

211,9

295,9

146,8

+39,6 %

- 30,7 %

+37,6 %

- 31,7 %

Fonds exceptionnel de soutien aux régions

0

250,0

0

0

-

-100,0 %

-

-100,0 %

TOTAL action n° 3

211,9

461,9

295,9

146,8

+39,6 %

- 68,2 %

+37,6 %

- 68,7 %

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

L'évolution des dotations d'investissement appelle un examen plus détaillé. En ce qui concerne les dotations destinées aux communes et à leurs groupements, les autorisations d'engagement fléchissent, mais les crédits de paiement continuent à progresser pour couvrir la hausse des engagements au cours des années précédentes. S'agissant des dotations aux départements et aux régions, le projet de loi de finances pour 2019 est marqué par l'extinction du fonds de soutien exceptionnel aux régions créé en 2017 et par une importante réforme de la dotation globale d'équipement des départements, qui expliquent à la fois la hausse des autorisations d'engagement et la très forte baisse des crédits de paiement.

(1) La dotation d'équipement des territoires ruraux

Le montant de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) serait stabilisé l'an prochain en autorisations d'engagement , après une hausse de 50 millions d'euros en 2018. Compte tenu des prévisions d'inflation, cela représente une baisse en volume d'environ 1,5 %.

Les crédits de paiement augmenteraient légèrement en euros courants, pour tenir compte de la hausse des autorisations d'engagement au cours des années précédentes (815 millions d'euros en 2015 et 2016, 996 millions en 2016, 1 046 millions en 2018).

Par ailleurs, comme on le verra en examinant l'article 81 du projet de loi de finances (rattaché à la mission), le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit d'élargir les critères d'éligibilité à la DETR, aujourd'hui réservée aux communes, EPCI à fiscalité propre et syndicats mixtes les moins peuplés.

Les conditions d'éligibilité à la DETR

En vertu des articles L. 2334-33 et L. 2334-34 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction en vigueur, peuvent bénéficier de la dotation d'équipement des territoires ruraux :

1° Parmi les communes :

a) celles dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

b) celles dont la population est supérieure aux seuils ci-dessus mais n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants ;

c) les communes des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna ;

d) dans le cas où elles ne respectent pas les conditions de population mentionnées ci-dessus, et pendant les trois premiers exercices à compter de leur création, les communes nouvelles issues de la transformation d'EPCI éligibles à la DETR l'année précédant leur transformation, ou issues de la fusion de communes dont l'une au moins était éligible à cette dotation l'année précédant leur fusion ;

2° Parmi les EPCI à fiscalité propre :

a) ceux qui, en métropole, ne forment pas un ensemble de plus de 75 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 20 000 habitants ;

b) ceux qui, dans les départements d'outre-mer et le Département de Mayotte, ne forment pas un ensemble de plus de 150 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 85 000 habitants ;

c) ceux qui étaient éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement (DGE) des communes ou à la dotation de développement rural (DDR) ;

3° Parmi les syndicats de communes :

a) ceux qui étaient éligibles en 2010 à la DGE des communes ou à la DDR ;

b) ceux dont la population n'excède pas 60 000 habitants ;

c) ceux des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ;

4° Parmi les syndicats mixtes « fermés » (constitués uniquement d'EPCI et, éventuellement, de communes) :

a) ceux dont la population n'excède pas 60 000 habitants ;

b) ceux des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.

(2) La dotation politique de la ville

La dotation politique de la ville (DPV) , créée par la loi de finances pour 2015 en substitution de la dotation de développement urbain (DDU), n'est pas à proprement parler une dotation d'investissement, puisqu'elle sert à financer aussi bien des projets d'investissement que des dépenses de fonctionnement contribuant à la réalisation des objectifs fixés dans un contrat de ville 15 ( * ) .

Son montant resterait stable en autorisations d'engagement, ce qui, là encore, représente une baisse en volume d'environ 1,5 %. Les crédits de paiement augmenteraient sensiblement pour couvrir la hausse des engagements au cours des dernières années (100 millions d'euros en 2015 et 2016, 150 millions d'euros en 2017).

L'article 81 du projet de loi de finances prévoit d'élargir également les critères d'attribution à la DPV, déjà assouplis par la loi de finances pour 2018.

(3) La dotation de soutien à l'investissement local

Créée en 2016 sous la forme d'un fonds de soutien à l'investissement local, renouvelée en 2017 et pérennisée en 2018, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) serait dotée en 2019 de 570 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 45 millions d'euros correspondant aux sommes allouées jusqu'ici aux contrats de ruralité. Cela s'ajoute à une baisse très sensible de 221 millions d'euros en 2018, qui était masquée dans le projet de loi de finances pour 2018 par d'importants changements de périmètre 16 ( * ) .

Les crédits de paiement augmenteraient néanmoins sensiblement, de 473,8 millions d'euros en 2018 à 503,5 millions en 2019, pour couvrir les engagements passés.

Si l'on y ajoute la suppression en 2018 de la réserve parlementaire
- qui représentait 87 millions d'euros de subventions aux projets locaux en 2017, en autorisations d'engagement, au titre des « travaux divers d'intérêt local » (TDIL) - l'évolution des dotations d'investissement de l'État au bloc communal peut être appréhendée dans le graphique ci-après.

Évolution des dotations d'investissement aux communes et à leurs groupements
entre 2017 et 2019 (en millions d'euros)

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

(4) Le soutien à l'investissement des départements

L'article 81 du projet de loi de finances prévoit une importante réforme des concours financiers de l'État aux projets d'investissement des départements, avec la transformation de la dotation globale d'équipement (DGE) en une dotation de soutien à l'investissement départemental . Votre rapporteur y reviendra, car cette réforme rompt avec le principe d'une dotation globalisée, allouée sous la forme d'un taux de concours à l'ensemble des projets éligibles, principe inscrit dans la loi depuis les lois de décentralisation du début des années 1980, pour rétablir un soutien de l'État sous forme de subventions attribuées discrétionnairement.

Cette réforme explique les importantes fluctuations des crédits alloués au soutien à l'investissement départemental dans le programme 119.

Les trois fractions de la dotation globale d'équipement des départements

La DGE des départements est aujourd'hui composée de trois fractions.

1° Une fraction principale , égale à 76 % du total, est attribuée à chaque département au prorata de ses dépenses d'aménagement foncier et des subventions qu'il verse pour la réalisation de travaux d' équipement rural .

Chaque année, le montant total des dépenses éligibles fait l'objet d'une évaluation préalable : en pratique, le Gouvernement se fonde sur le montant des dépenses éligibles au titre de l'année N-2 (la dernière année où ces informations sont connues), actualisé en fonction du taux estimatif d'évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques au cours des deux années suivantes.

Le taux de concours versé par l'État pour chaque dépense éligible est obtenu en divisant le montant de la DGE à répartir par le montant prévisionnel des dépenses éligibles : en 2018, il s'est élevé à 27,56 %.

Le montant réel des dépenses éligibles au cours d'un exercice donné peut être plus ou moins élevé que le montant prévisionnel, ce qui explique des reports d'une année sur l'autre : si le montant réel des dépenses de l'année N est plus élevé que prévu, il faudra prélever une partie des crédits budgétés au titre de l'année N+1 afin de verser aux départements ayant investi une attribution calculée en fonction du taux de concours fixé initialement. À l'inverse, si le montant réel des dépenses est moins élevé que prévu, la somme est reportée aux exercices suivants

2° La deuxième fraction , égale à 9 % du montant total de la DGE, sert à majorer les attributions versées aux départements au titre de leurs dépenses d' aménagement foncier du dernier exercice connu (en pratique, l'année N-2).

3° La troisième fraction , égale à 15 % du total, est destinée à majorer la dotation des départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 40 % à la moyenne ou dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur d'au moins 50 % à la moyenne. L'attribution perçue au titre de cette majoration par un département éligible ne peut être inférieure à 90 % du montant perçu l'année précédente.

Ces deux dernières fractions (dites « majoration “aménagement foncier” » et « majoration pour insuffisance de potentiel fiscal ») abondent directement la section d'investissement des budgets départementaux. Quant à la première fraction, elle fait l'objet de paiements trimestriels, sur présentation d'un état récapitulatif des dépenses éligibles.

La nouvelle dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID) se composerait, quant à elle, de deux parts :

- la première part (77 % du total) serait répartie en enveloppes régionales et les sommes correspondantes seraient attribuées par les préfets de région sous forme de subventions aux projets qu'ils jugeraient prioritaires ;

- la seconde part (23 %) serait répartie entre les départements en fonction de leur potentiel fiscal par habitant et par kilomètre carré. Elle abonderait directement la section d'investissement de leur budget et serait libre d'emploi 17 ( * ) .

Comme la DGE des départements en 2018, la DSID serait dotée
en 2019 de 211,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont  163,1 millions pour la première part et 48,7 millions pour la seconde. S'y ajouteraient 84 millions d'euros d'autorisations d'engagement au titre de la DGE, afin d'apurer les restes à charge des exercices antérieurs, soit un total de 295,9 millions d'euros.

Les crédits de paiement connaîtraient, au contraire, une très forte diminution , passant de 211,9 millions à 146,8 millions d'euros, dont 84 millions de restes à charge au titre de la DGE, 48,7 millions au titre de la seconde part de la DSID (somme égale au montant des autorisations d'engagement, puisque cette seconde part doit abonder directement la section d'investissement des budgets départementaux) et seulement 16,3 millions au titre de la première part, puisque le Gouvernement évalue à 10 %, pour cette première année, le taux de couverture en crédits de paiement des sommes engagées au titre de la DSID.

Évolution du soutien de l'État à l'investissement des départements entre 2018 et 2019
(en euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

AE

CP

AE

CP

En valeur

En volume

AE

CP

AE

CP

DGE

211 855 969

211 855 969

84 000 000

84 000 000

-

-

-

-

DSILD

-

-

211 855 969

65 039 782

-

-

-

-

dont :

DSILD 1 e fraction

-

-

163 129 096

16 312 910

-

-

-

-

DSILD 2 e fraction

-

-

48 726 873

48 726 873

-

-

-

-

Total

211 855 969

211 855 969

295 855 969

149 039 782

+ 39,6 %

-29,7 %

+ 37,6 %

-30,7 %

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

(5) L'extinction du fonds de soutien exceptionnel aux régions, en partie compensée par la hausse des recettes de TVA

Le fonds de soutien de 450 millions d'euros aux régions, créé par la loi de finances pour 2017 afin d'accompagner ces collectivités dans l'exercice de leurs nouvelles compétences en matière de développement économique, arrive à extinction cette année. Le paiement des sommes engagées en 2017 dans leur intégralité s'est échelonné sur deux ans, à hauteur de 20 millions d'euros en 2017 et 250 millions en 2018. Contrairement à l'engagement pris par la majorité précédente, les 450 millions d'euros du fonds n'ont pas été pris en compte pour le calcul de la fraction du produit de TVA alloué aux régions depuis cette année. En revanche, les régions devraient bénéficier du dynamisme des recettes de TVA et percevoir à ce titre 4,29 milliards d'euros en 2019 au lieu de 4,12 milliards en 2018.

2. Le programme 122 « Concours spécifiques et administration »

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration » est quelque peu hétéroclite, puisqu'il regroupe des subventions aux collectivités confrontées à des situations exceptionnelles, diverses dotations de fonctionnement destinées à certaines collectivités d'outre-mer, et les moyens de la direction générale des collectivités locales (DCGL).

Répartition des crédits du programme 122 par action

Action

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

En valeur

En volume

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1. Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

42 000 000

106 665 967

42 000 000

106 665 967

+123,8%

+20,7%

+120,5%

+18,9%

2. Administration des relations avec les collectivités territoriales

2 463 826

2 517 151

2 463 826

2 517 151

+16,2%

+15,9%

+14,5%

+14,2%

4. Dotations outre-mer

140 208 046

140 208 046

140 208 046

140 208 046

+0,7%

+0,7%

-0,8%

-0,8%

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

a) Les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

L'action n° 1 du programme 122 regroupe plusieurs types d'aides exceptionnelles aux collectivités territoriales :

- des subventions exceptionnelles de fonctionnement aux communes confrontées à de graves difficultés financières (2 millions d'euros en AE=CP, comme en 2018) ;

- des subventions exceptionnelles pour la réparation de dégâts causés par des événements climatiques ou géologiques de très grande ampleur, dont le montant est stable en autorisations d'engagement (40 millions d'euros) et en légère hausse en crédits de paiement (30 millions d'euros au lieu de 28 millions en 2018), afin de couvrir les besoins provoqués par de nombreux orages violents en mai et juin 2018, notamment ;

- un nouveau fonds d'aide aux collectivités accueillant des rassemblements ponctuels d'exceptionnelle importance, doté de 2 millions d'euros en AE=CP ;

- le reliquat des « travaux divers d'intérêt local », c'est-à-dire de la réserve parlementaire (44,7 millions d'euros de crédits de paiement, pour couvrir les engagements passés) ;

- les aides aux communes concernées par le programme de restructuration du ministère de la défense (comme les années passées, aucun crédit nouveau n'est ouvert à ce titre, les besoins devant être couverts par redéploiements internes) ;

- un nouveau fonds d'aide à la collectivité de Saint-Martin, doté de 50 millions d'euros en AE=CP, pour contribuer à la réparation des dégâts causés par l'ouragan Irma à l'automne 2017 (49,6 millions d'euros d'aide d'urgence ont déjà été accordés en 2018 par redéploiement de crédits).

Il est assez choquant que ce fonds d'aide à Saint-Martin, évidemment nécessaire et qui devrait relever de la solidarité nationale, soit prélevé sur l'enveloppe des concours financiers aux collectivités territoriales . L'État manifeste sa solidarité avec l'argent des autres ! Cependant, le Parlement ne pouvant de sa propre initiative (en vertu de l'article 40 de la Constitution) corriger cette anomalie en imputant cette dépense au budget de l'État, votre rapporteur a fait le choix de ne pas proposer d'amendement à ce sujet, pour ne pas priver les habitants de Saint-Martin d'un soutien financier indispensable.

b) L'administration des relations avec les collectivités territoriales

L'action n° 2 réunit les moyens de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) et de plusieurs organismes nationaux dont elle assure le secrétariat, à savoir :

- le Comité des finances locales (CFL) ainsi que l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGPL), qui est une formation spécialisée du CFL ;

- le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ;

- le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ;

- le Conseil national des opérations funéraires ;

- l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGPL).

Seraient alloués aux dépenses de fonctionnement de la DGCL et des organismes susmentionnés 551 826  euros en autorisations d'engagement et 514 951 euros en crédits de paiement, soit autant qu'en 2018. Il convient cependant de noter que les frais de fonctionnement du CFL, de l'OFGPL et du CNEN sont couverts par un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont le montant vient abonder le programme 122 (par attribution de produits) en s'ajoutant aux crédits ouverts en loi de finances initiale.

Ces crédits sont reconduits d'année en année en loi de finances initiale, alors même qu'ils sont systématiquement sous-consommés . Année après année, le projet annuel de performances (« bleu ») fait état d'une « répartition erronée des crédits du budget opérationnel de programme [BOP] entre l'investissement et le fonctionnement au sein des UO [unités opérationnelles] », sans que rien soit fait, semble-t-il, pour résoudre ce dysfonctionnement. Cela nuit à la lisibilité comme à la fiabilité des documents budgétaires.

Les dépenses d'investissement de la DGCL se verraient attribuer 2,312 millions d'euros en autorisations d'engagement (contre 1,912 million en 2018) et 2,402 millions en crédits de paiement (contre 2,002 millions). Cette hausse s'expliquerait par la montée en gamme de l'application servant à la dématérialisation des budgets locaux, qui deviendra obligatoire pour toutes les collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants à compter de 2020.

Là encore, il est permis de douter du réalisme de ces prévisions, puisque les crédits d'informatique de la DGCL sont régulièrement sous-consommés, comme votre rapporteur le relevait l'an dernier 18 ( * ) .

c) Diverses dotations aux collectivités ultramarines

Enfin, l'action n° 4 du programme 122 regroupe diverses dotations à certaines collectivités d'outre-mer :

- la dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie, qui reste stable (82,75 millions d'euros en AE=CP) ;

- les dotations globales de compensation versées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés (respectivement 53,03 millions d'euros et 1 million d'euros en AE=CP, la dotation de la Nouvelle-Calédonie étant en hausse d'un peu plus d'1 millions d'euros par rapport à 2018) ;

- la dotation globale de compensation allouée à Saint-Martin, également stable (4,43 millions d'euros en AE=CP).

L'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » laisse une impression mitigée . Le gel de la dotation générale de décentralisation depuis dix ans contrevient à l'engagement pris par l'État de compenser intégralement les transferts de compétences aux collectivités, et il soulève, comme on l'a vu, des difficultés d'ordre constitutionnel. Votre rapporteur ne partage pas non plus l'enthousiasme du Gouvernement sur le montant des dotations d'investissement, qui est en net recul depuis deux ans. Enfin, l'inclusion du fonds d'aide à Saint-Martin dans l'enveloppe normée des concours financiers aux collectivités territoriales soulève des objections de principe.

Néanmoins, plutôt que de s'opposer à l'adoption de ces crédits, votre commission a préféré revoir en profondeur leurs modalités de répartition, pour préserver, notamment, les acquis de la décentralisation . C'est l'objet des articles rattachés à la mission, qui font l'objet de plusieurs amendements adoptés par votre commission.

II. L'ATTRIBUTION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT : UNE REPRISE EN MAIN PAR L'ÉTAT

A. UNE CONQUÊTE DE LA DÉCENTRALISATION : LA DOTATION GLOBALE D'ÉQUIPEMENT

La décentralisation fut le mot d'ordre de la fin des années 1970. Chacun, en ces années, s'accordait à dire que la France étouffait sous le carcan de l'État centralisateur, hérité de la monarchie, du jacobinisme et de l'Empire. Il était temps de donner à la société les moyens de se gouverner par elle-même en allégeant la tutelle de l'État sur les pouvoirs qui lui étaient extérieurs, et notamment sur les autorités locales.

Le contrôle exercé par les collectivités territoriales sur leurs ressources apparaissait alors comme une question cruciale .

Parallèlement à la mise en place de la dotation globale de fonctionnement, les responsables politiques jugèrent nécessaire de donner prise aux collectivités sur les moyens dont elles disposaient pour investir . Jusqu'alors, en effet, leurs recettes d'investissement provenaient pour l'essentiel de subventions attribuées par l'État, soit au niveau déconcentré (par le préfet de département), soit même au niveau central (par les ministères).

Le gouvernement de Raymond Barre, puis celui de Pierre Mauroy proposèrent donc de remplacer la plupart de ces subventions par une dotation « globalisée » et libre d'emploi, la dotation globale d'équipement (DGE). Comme l'écrivait Gaston Defferre, ministre de l'intérieur et de la décentralisation du gouvernement de Pierre Mauroy, dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la répartition de compétences entre les communes, les départements et l'État , déposé au Sénat le 22 juin 1982 : « Dans de nombreux domaines, les communes et les départements ont déjà le pouvoir juridique d'agir, sans disposer de moyens suffisants pour intervenir seuls. Ils sont amenés à solliciter des subventions de l'État dont l'octroi est souvent l'occasion d'exercer une véritable tutelle sur les choix des élus . La décision d'attribution permet parfois d'exercer un réel contrôle d'opportunité et d'obliger les collectivités locales à respecter telle ou telle prescription. » On mesure, en relisant ces lignes, combien les esprits ont changé depuis quarante ans...

La création de la dotation globale d'équipement des communes et des départements, prévue par le projet de loi « Bonnet » de 1978 (resté inabouti) 19 ( * ) , puis par la loi du 2 mars 1982 20 ( * ) , première des grandes
lois de décentralisation, fut enfin concrétisée par les lois
des 7 janvier et 29 décembre 1983 21 ( * ) .

B. LE RETOUR PROGRESSIF À UN RÉGIME DE SUBVENTIONS

1. La lente mort de la dotation globale d'équipement des communes

L'objet même de la création de la dotation globale d'équipement était de remplacer les subventions de l'État aux collectivités territoriales par une dotation d'investissement qui englobât les sommes précédemment affectées à ces subventions et dont elles pussent disposer librement. Pour ce qui est de la DGE des communes, elle devait, selon le projet « Bonnet », être répartie entre celles-ci selon des critères tenant à la fois à leurs ressources (le potentiel fiscal), à leurs charges (la population, la longueur de la voirie) et à certains investissements réalisés antérieurement au cours d'une période donnée (le nombre de logements construits durant la dernière année connue).

C'est une formule différente que retint finalement la loi
du 7 janvier 1983, modifiée par la loi du 29 décembre de la même année. Pour la plus grande partie, la DGE devait en effet être répartie en fonction des investissements réalisés par les communes et leurs groupements au cours de l'exercice.

La DGE était initialement divisée en trois parts :

1° une part principale, égale à 70 % de son montant total et attribuée à chaque commune ou groupement de communes au prorata des dépenses d'investissement réalisées au cours de l'exercice ;

2° une part de 15 %, répartie entre les communes de moins de 2 000 habitants en fonction de la longueur de la voirie, du montant des impôts prélevé sur les ménages et du potentiel fiscal ;

3° une part de 15 % pour majorer la dotation des communes à faible potentiel fiscal et des groupements intercommunaux.

S'agissant de la part principale, le soutien de l'État prenait donc la forme d'un taux de concours aux dépenses d'investissement des communes et de leurs groupements . Ce taux était calculé en début d'année, en fonction des crédits inscrits au titre de la DGE en loi de finances et du montant prévisionnel des investissements communaux et intercommunaux. Ensuite, pour chaque dépense d'investissement, les communes et leurs groupements percevaient de plein droit un concours financier égal au produit du montant de cette dépense par le taux de concours. Si le montant effectif des dépenses d'investissement au cours d'une année était inférieur au montant prévisionnel, les sommes restantes (en raison d'un taux de concours fixé trop bas) étaient reportées à l'année suivante ; à l'inverse, il pouvait être nécessaire de puiser dans les crédits inscrits au titre d'un exercice pour verser les concours dus au titre de l'année précédente.

Ce mécanisme avait un effet pervers , relevé d'ailleurs par le Sénat : à l'échelle de plusieurs années, il conduisait l'État à aider davantage les communes réalisant des investissements importants et réguliers, c'est-à-dire les communes les plus peuplées et les plus riches . Les plus petites communes, qui ne se lançaient dans des projets d'investissement d'ampleur qu'une fois tous les cinq ou dix ans, après avoir accumulé l'épargne suffisante, se trouvaient pénalisées puisqu'elles ne bénéficiaient que du taux de concours calculé annuellement, identique pour toutes les communes.

Compte tenu de la faiblesse du montant total de la DGE, le taux de concours de l'État culmina ainsi à 2 % en 1983 et à 2,2 % en 1984 et 1985, alors que les subventions spécifiques attribuées avant la réforme atteignaient en moyenne 10 % pour les communes rurales.

C'est d'ailleurs pourquoi certaines aides de l'État avaient été d'emblée exclues de la DGE . Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, les aides au développement des réseaux d'eau et d'assainissement, ainsi que les aides à l'électrification rurale, devaient continuer à être attribuées aux communes sous forme de subventions. Cependant, les principes de la décentralisation n'étaient pas abandonnés : si l'enveloppe allouée à chaque département était définie par arrêté ministériel, les subventions étaient ensuite attribuées à chaque commune ou groupement de communes par le conseil départemental.

Des aménagements furent rapidement apportés au dispositif pour en corriger les effets indésirables. La loi n° 85-1352 du 20 décembre 1985 relative à la dotation globale d'équipement institua ainsi un nouveau mode de répartition de la DGE communale, assez complexe, et qui distinguait entre les grandes communes (pour lesquelles le mécanisme du taux de concours était maintenu), les petites communes (pour lesquelles on revenait à un régime de subventions attribuées par le préfet) et les communes moyennes (qui avaient le choix entre les deux régimes).

La dotation globale d'équipement des communes après la loi du 20 décembre 1985

La loi n° 85-1352 du 20 décembre 1985 précitée a divisé la DGE des communes en deux parts, dont le montant respectif était fixé par le comité des finances locales :

1°  la première part était répartie entre les communes et groupements de communes de plus de 2 000 habitants en métropole et de plus de 7 500 habitants dans les départements d'outre-mer, au prorata de leurs dépenses d'investissement et sur la base d'un taux de concours. Les communes touristiques ou thermales et leurs groupements de moins de 2 000 habitants pouvaient exercer un droit d'option en faveur de la première part. À l'inverse, les communes et groupements de 2 001 à 10 000 habitants en métropole et de 7 501 à 35 000 habitants dans les DOM disposaient d'un droit d'option en faveur de la seconde part  ;

2° la seconde part était répartie entre les communes et groupements de 2 000 habitants ou moins en métropole et de 7 500 habitants ou moins dans les DOM, par le biais de subventions attribuées par les préfets de département. Étaient également éligibles à cette seconde part les communes et groupements de 2 001 à 10 000 habitants en métropole et de 7 501 à 35 000 habitants dans les DOM ayant exercé leur droit d'option en faveur de la seconde part.

Toutefois, le retour à un régime de subventions heurtait trop l'esprit décentralisateur de ce temps-là pour que le pouvoir du préfet ne fût pas encadré . C'est ainsi que fut créée auprès du préfet de département une commission d'élus , composée de représentants des communes et groupements soumis à ce régime, et chargée de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires ainsi que les taux minimal et maximal de subvention. La commission était également informée des décisions d'attribution prises par le préfet.

Parallèlement, la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République créa la dotation de développement rural (DDR), principalement destinée aux communautés de communes de moins de 35 000 habitants et aux communes chefs-lieux de canton (sous une condition de potentiel fiscal pour celles-ci), et également distribuée par les préfets de département sous forme de subventions à des projets de développement économique. Une commission d'élus ad hoc était créée, chargée cette fois de donner un avis sur les projets d'attribution du préfet.

La loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996 mit fin au système du taux de concours en ce qui concerne la DGE des communes . La dotation devrait être désormais intégralement attribuée sous forme de subventions par les préfets de départements et réservée aux communes et groupements de communes dont la population n'excédait pas 20 000 habitants en métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, une fraction étant réservée aux communes et groupements de 2 000 habitants ou moins.

La DGE des communes, ainsi que la DDR, furent enfin supprimées et remplacées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 . Les deux commissions d'élus furent fusionnées en conséquence, pour former la « commission DETR » , chargée à la fois de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires ainsi que les taux minimal et maximal de subvention applicables à chacune d'elles, et de donner un avis sur les projets de subventions dont le montant excédait 150 000 euros. Ce seuil fut ramené à 100 000 euros par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances
pour 2018
.

On ne s'embarrassa pas des mêmes précautions lorsque l'on créa en 2016 la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements , dans un contexte de baisse accélérée de la dotation globale de fonctionnement et, partant, des capacités d'autofinancement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Devenue en 2017 la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , cette dotation est attribuée sous forme de subventions par les préfets de région, pour financer des projets répondant aux objectifs fixés par la loi, sans aucun contrôle des élus locaux ni sur les catégories d'opérations éligibles, ni sur les décisions d'attribution . Ce qui aurait choqué il y a encore quelques années passe aujourd'hui presque inaperçu...

2. L'évolution de la dotation globale d'équipement des départements

La dotation globale d'équipement des départements a connu une évolution semblable à celle des communes .

Elle était destinée à rassembler, entre les mains des départements :

1° d'une part, les subventions attribuées par l'État à ces derniers pour leurs investissements ;

2° d'autre part, les subventions attribuées par l'État à d'autres maîtres d'ouvrage (en particulier aux communes) :

- pour le financement de travaux d'équipement rural (aménagement foncier, travaux hydrauliques, construction ou rénovation de bâtiments d'habitation, notamment pour les jeunes agriculteurs, électrification rurale, jardins familiaux, etc .), telles qu'elles figuraient au budget du ministère de l'agriculture ;

- pour la modernisation de l'hôtellerie rurale, telles qu'elles figuraient au budget du ministère de l'économie et des finances.

La création de la DGE des départements avait donc une double vocation décentralisatrice : remplacer les subventions aux départements par une dotation globalisée, et transférer au conseil départemental la charge d'attribuer des subventions pour des travaux en milieu rural, tout en maintenant un apport de l'État.

Comme la DGE des communes, celle des départements était attribuée pour l'essentiel sous la forme d'un taux de concours de l'État aux dépenses d'investissement éligibles ainsi qu'aux subventions accordées par les départements . Elle était composée initialement de deux parts, l'une pour contribuer au financement de l'ensemble des investissements des départements 22 ( * ) , l'autre réservée au financement de travaux d'aménagement foncier et d'équipement rural.

La dotation globale d'équipement des départements selon la loi du 29 décembre 1983

La DGE des départements, telle qu'elle résultait de la loi n° 83-1186 du 29 décembre 1983 précitée, comportait deux parts divisées en plusieurs fractions.

1° La première part, inscrite à la section d'investissement du budget des départements, était employée librement par ces derniers. Elle était répartie entre eux (ainsi qu'entre leurs groupements) de la manière suivante :

- une fraction égale au maximum à 75 % était répartie au prorata des dépenses réelles directes d'investissement de chaque département ou groupement ;

- une fraction égale au maximum à 20 % était répartie au prorata de la longueur de la voirie départementale ;

- le solde servait à majorer les attributions perçues par les départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

2° La seconde part, également inscrite à la section d'investissement, devait être employée au financement de travaux d'équipement rural et d'aménagement foncier ou au versement de subventions aux maîtres d'ouvrage réalisant des opérations de même nature. Sa répartition obéissait aux règles suivantes :

- une fraction égale au maximum à 80 % était répartie entre les départements au prorata de leurs dépenses de remembrement et des subventions versées par eux pour la réalisation de travaux d'équipement rural ;

- le solde servait à majorer la dotation de certains départements en fonction de l'importance des surfaces restant à remembrer, et celle des départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

La DGE des départements fut profondément réformée par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 .

La première part fut supprimée, au motif que le taux de concours de l'État, d'un niveau trop bas (2,75 % en 2005) en raison de la faiblesse de l'enveloppe globale et de la largeur de l'assiette des investissements éligibles, aboutissait à un « saupoudrage » des crédits. La suppression de la première part fut compensée par l'intégration d'une partie des crédits correspondants à la dotation globale de fonctionnement.

Seule la seconde part de la DGE, correspondant pour l'essentiel aux anciennes subventions du ministère de l'agriculture, fut en revanche maintenue et subsiste jusqu'à aujourd'hui .

C. LE POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DU PRÉFET

Dès lors qu'une dotation est distribuée sous forme de subventions, l'autorité administrative de l'État (le plus souvent le préfet de département ou de région) dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour décider des attributions, pouvoir qui n'est encadré que par des règles et procédures très peu contraignantes .

1. Un très large pouvoir d'appréciation

Lorsqu'une autorité administrative est investie du pouvoir d'attribuer des subventions sur des fonds publics, les décisions de subventionnement qu'elle est amenée à prendre relèvent de son pouvoir discrétionnaire, dans les limites imposées par les textes.

En l'occurrence, les principales dotations d'investissement de l'État au bloc communal - DETR, DPV, DSIL - sont attribuées par les préfets de département et de région sous forme de subventions. La loi fixe la liste des communes et groupements éligibles. Elle détermine aussi les objectifs auxquels doivent répondre les projets subventionnés, de manière plus ou moins détaillée et limitative . Dans le cas de la DPV, les décisions unilatérales de subventionnement prises par l'État sont encadrées par une convention préalable avec les collectivités territoriales, puisque les opérations subventionnées doivent être prévues par les contrats de ville.

Dans le cadre ainsi défini, le préfet dispose d'un très large pouvoir pour apprécier l'opportunité de subventionner ou non un projet . Comme il est normal, ses décisions ne peuvent être fondées sur des motifs discriminatoires, étrangers à l'intérêt général ou (plus étroitement) aux objectifs fixés par le législateur, ce qui constituerait un détournement de pouvoir. Il ne doit pas non plus commettre d'erreur manifeste d'appréciation, mais, comme on le verra, le juge n'exerce sur ce point qu'un contrôle très prudent.

Les décisions du préfet sont, par ailleurs, guidées par des directives ministérielles (dont il peut et doit s'affranchir lorsque l'intérêt général le commande dans les circonstances de l'espèce). Ces directives, qui ne peuvent légalement avoir pour objet que d'expliciter et, le cas échéant, de préciser les règles et objectifs fixés par le législateur, s'en écartent pourtant quelquefois . C'est ainsi que l'instruction du 9 mars 2018 fixe, au niveau national, une liste d'opérations prioritaires pour la répartition de la DETR, sans égard pour le fait que les catégories prioritaires sont normalement définies annuellement dans chaque département par la « commission DETR », et sans que l'ensemble des priorités énumérées par cette instruction puissent aisément se rattacher aux objectifs fixés par le législateur à l'article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales.

L'instruction du 9 mars 2018

Aux termes de l'article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales, des subventions au titre de la DETR peuvent être accordées par le préfet de département « en vue de la réalisation d'investissements, ainsi que de projets dans le domaine économique, social, environnemental, sportif et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural ».

L'instruction NOR INTB1804776J du 9 mars 2018 du ministre d'État, ministre de l'intérieur et du ministre de la cohésion des territoires aux préfets de département dresse la liste des opérations définies comme prioritaires par le Gouvernement au niveau national. Cette liste comprend les opérations suivantes :

1. Soutien aux espaces mutualisés de services au public et à la revitalisation des centres-bourgs (maisons de services au public, maisons de santé, etc .) ;

2. Soutien aux communes nouvelles ;

3. Rénovation thermique et transition énergétique ;

4. Accessibilité de tous les établissements recevant du public ;

5. Soutien de l'État aux opérations visant au financement des implantations de la gendarmerie en milieu rural ;

6. Soutien de l'État à l'installation d'espaces numériques destinés à l'accomplissement des démarches administratives ;

7. Soutien de l'État au dédoublement des classes de CP et de CE1 situées en zone RE·P+ et en REP.

Comme on peut le constater - et la directive est tout à fait explicite sur ce point - la DETR est désormais conçue comme ayant vocation à financer les « priorités du Gouvernement » . Parmi les sept catégories d'opérations prioritaires, certaines résultent directement de politiques décidées par lui seul (comme le dédoublement de certaines classes). D'autres sont la conséquence des défaillances de l'État (comme la construction, par les communes et leurs groupements et en partie à leurs frais, de casernes de gendarmerie).

Quant à la deuxième catégorie, elle ne se rattache nullement aux objectifs assignés par le législateur à la DETR . Les préfets sont invités à traiter « en priorité » les demandes de subventions formulées par des communes nouvelles, « afin de soutenir la mise en oeuvre des mutualisations » que leur création permet. Certes, il est tout à fait légitime de faciliter, voire d'encourager les regroupements de communes lorsqu'ils apparaissent pertinents localement. Mais cela ne saurait se faire au détriment des autres communes, surtout lorsque la loi ne le prévoit pas.

Indépendamment même de ces directives, il n'est pas interdit de penser que les décisions de subventionnement prises par les préfets répondent parfois à des motifs de politique départementale étrangers aux objectifs légaux des dotations d'investissement. Plusieurs collectivités territoriales ont intenté des recours à l'encontre de décisions de refus de subventions qu'elles estimaient motivées par des différends les opposant à l'État et dépourvus de tout rapport avec leur politique d'investissement .

2. Un contrôle quasi inexistant

a) Des décisions opaques

Les décisions prises par les préfets d'attribuer ou non des subventions d'investissement sont entourées d'une certaine opacité. Non seulement leurs motifs restent dans l'ombre, mais leur existence même n'est le plus souvent connue que des collectivités et groupements intéressés.

Le préfet, tout d'abord, n'est pas obligé de faire connaître à la collectivité demanderesse les motifs de sa décision d'acceptation ou de refus . L'attribution d'une subvention, en effet, ne constitue pas un droit pour les personnes (physiques ou morales) remplissant les conditions légales pour l'obtenir 23 ( * ) .

Ce qui est plus surprenant, s'agissant de la distribution de fonds publics, c'est que ces décisions ne font généralement l'objet d'aucune publication .

En ce qui concerne la DETR, le préfet de département, après avoir arrêté la liste des opérations à subventionner et le montant de la subvention qui leur est attribuée, doit seulement la communiquer à la commission d'élus. En revanche, il n'a pas à la rendre publique, même si quelques préfectures, pour la première fois en 2018, ont publié la liste des opérations subventionnées sur leur site Internet.

De même, les subventions attribuées au titre de la DPV ne font l'objet d'aucune publication obligatoire.

La DSIL fait désormais figure d'exception, puisque, depuis la loi de finances pour 2018, la liste des opérations subventionnées, le montant des projets et celui de la subvention attribuée doivent être publiés sur le site Internet des services de l'État dans la région avant le 30 septembre de chaque année. Force est de constater, cependant, que cette obligation n'a pas toujours été respectée, loin s'en faut.

b) Le rôle limité de la commission DETR

Héritière des commissions d'élus instituées par le législateur pour contrôler l'attribution de la DGE des communes et de la dotation de développement rural, la commission DETR n'est investie, comme on l'a vu, que de pouvoirs limités.

La commission n'exerce un pouvoir décisionnel que dans la mesure où elle fixe chaque année les catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, les taux minimaux et maximaux de subvention applicables à chacune d'elles 24 ( * ) .

Pour le reste, ses attributions sont consultatives et de portée limitée : la commission donne un avis sur les projets de subvention supérieurs à 100 000 euros (ce seuil était fixé à 150 000 euros jusqu'en 2017). N'ayant pas connaissance de l'ensemble des demandes de subvention adressées à la préfecture, elle n'a pas les moyens d'exercer un véritable contrôle sur les choix d'opportunité du préfet .

La commission se réunit au moins une fois par an 25 ( * ) . En pratique, elle se réunit généralement deux fois : vers la fin du premier trimestre, pour examiner la liste des subventions que le préfet projette d'attribuer et donner un avis sur les plus importantes d'entre elles ; en fin d'année, pour se voir présenter le bilan annuel de la répartition de la DETR et fixer la liste des catégories d'opérations prioritaires au titre de l'année suivante.

Ses moyens d'information ont été légèrement améliorés par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique , qui a fait obligation au préfet de département d'adresser aux membres de la commission, cinq jours francs avant toute réunion, une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l'ordre du jour.

À l'initiative de notre collègue Bruno Retailleau, le Sénat avait alors proposé de renforcer le rôle de la commission d'élus, en prévoyant que les décisions d'attribution du préfet seraient désormais soumises à l'avis conforme de la commission, rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Ni le Gouvernement ni la majorité de l'Assemblée nationale ne l'ont accepté, ce qui n'a pas surpris...

c) Le contrôle restreint du juge administratif

Comme tout acte administratif, les décisions préfectorales relatives à la répartition des dotations d'investissement peuvent être déférées devant la juridiction administrative par les personnes auxquelles elles font grief. C'est le cas plus particulièrement des refus de subvention. Cependant, le juge n'exerce à leur égard qu'un contrôle restreint, qui se rapproche même d'un contrôle minimum .

Le juge vérifie d'abord la « légalité externe » de la décision, à savoir :

- la compétence de son auteur (en l'espèce, la compétence du préfet de département ou de région ne fait pas de doute puisqu'ils la tiennent de la loi) ;

- le respect des règles de procédure : c'est ainsi que le refus du préfet de la Charente d'attribuer au district de Ruffec une subvention au titre de la dotation de développement rural a été annulé, parce que le préfet n'avait pas consulté la commission d'élus instituée à cet effet, comme il en avait l'obligation 26 ( * ) ;

- le respect des règles de forme (mais le juge rejette systématiquement le grief tiré de l'absence de motivation du refus, une telle décision n'entrant pas, comme on l'a vu, dans le champ de l'obligation de motivation des décisions administratives individuelles défavorables).

En ce qui concerne la « légalité interne » de la décision :

- le juge vérifie que le préfet n'a pas poursuivi d'autres objectifs que ceux qui sont assignés par la loi à la répartition des dotations d'investissement, ce qui constituerait un détournement de pouvoir . Ce serait le cas s'il avait agi pour satisfaire un intérêt privé, mais aussi un intérêt public (ou supposé tel) étranger aux objectifs légaux : inciter les élus d'une commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) à approuver l'un de ses projets en la matière, inciter une collectivité à conclure avec l'État un contrat relatif à l'évolution de ses dépenses de fonctionnement, inciter à la création de communes nouvelles, sanctionner une collectivité engagée dans un litige avec l'État... À la connaissance de votre rapporteur, il n'est jamais arrivé qu'un refus de subvention d'investissement soit annulé pour un tel motif 27 ( * ) ;

- le juge vérifie que le préfet n'a pas commis d' erreur de droit 28 ( * ) ;

- il vérifie que le préfet n'a pas commis d' erreur de fait ;

- enfin, le juge contrôle la qualification juridique des faits , c'est-à-dire qu'il vérifie que le projet subventionné est bien au nombre de ceux qui entrent dans les catégories et répondent aux objectifs fixés par la loi. Mais ces catégories et objectifs étant définis de manière assez vague, la question laisse place, le plus souvent, à une très grande marge d'appréciation. Le contrôle du juge se limite à « l'erreur manifeste », et en pratique, votre rapporteur n'a trouvé trace d'aucune décision juridictionnelle ayant annulé un refus de subvention pour erreur manifeste d'appréciation 29 ( * ) .

D. BILAN DES SUBVENTIONS ATTRIBUÉES AU TITRE DE LA DETR
ET DE LA DSIL EN 2017 ET 2018

1. La répartition de la DETR : premiers enseignements

Afin d'y voir plus clair sur les choix opérés par les préfectures de département en ce qui concerne la répartition de la DETR, et sur les moyens de renforcer les moyens de contrôle des commissions d'élus, votre rapporteur, dans le cadre du questionnaire budgétaire qu'il a adressé au Gouvernement le 10 juillet 2018, conformément à l'article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , a demandé que lui soit adressée la liste des communes, EPCI et syndicats mixtes bénéficiaires en 2017, ainsi que les montants perçus. Il a également demandé que soit fait le point sur la répartition de la DETR au titre de l'année 2018.

Il lui a été répondu que ces informations n'étaient « pas demandées lors de la constitution des bilans annuels », autrement dit que l'administration centrale n'en disposait pas, ce qui ne laisse pas d'étonner.

Ne se satisfaisant pas de cette réponse, votre rapporteur a écrit le 22 octobre 2018 à tous les préfets de département, afin de leur demander communication de ces mêmes documents , pour 2017 et 2018, en application des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. La liste des subventions attribuées, telle qu'elle est transmise aux membres des commissions DETR, constitue en effet un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande.

On mesure ici combien les droits d'information du Parlement mériteraient d'être renforcés à l'occasion des débats institutionnels à venir.

Les réponses des préfets continuent à parvenir à votre rapporteur, à l'heure où ces lignes sont publiées. Qu'ils en soient ici remerciés, tout particulièrement lorsqu'ils ont pris la peine de lui adresser ces renseignements en temps utile pour l'examen du projet de loi de finances et sous un format aisément exploitable. On ne peut qu'espérer qu'il ne sera pas nécessaire de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs pour obtenir les documents manquants...

Pour l'heure, votre rapporteur ne dispose donc que de données lacunaires. Il a d'ailleurs manqué de temps pour en faire un examen aussi approfondi que nécessaire. Néanmoins, quelques enseignements peuvent déjà en être tirés.

Deux échantillons ont pu être constitués. Sur le premier (échantillon A), qui comprend 49 départements, votre rapporteur dispose de la liste des opérations subventionnées et du montant de chaque subvention. Sur le second (échantillon B), qui comprend 39 départements, le coût total des opérations subventionnées a également été communiqué, ce qui permet une analyse plus fine (notamment sur les variations du taux de subvention et la part prise par les projets de plus ou moins grande ampleur). En revanche, sauf quelques très rares exceptions, aucune information n'a été fournie par les préfectures sur les opérations pour lesquelles une subvention a été refusée. Par ailleurs, le Gouvernement a fourni quelques statistiques globales sur la répartition de la DETR au niveau national.

En 2017, sur l'ensemble du territoire national et sur les 49 départements de l'échantillon A, les statistiques suivantes peuvent être établies :

Répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux en 2017
(chiffres arrondis à l'unité)

France entière

Échantillon A (49 départements)

Ensemble des départements de l'échantillon

Minimum départemental

Maximum départemental

Moyenne des départements étudiés

Écart-type

Nombre de demandes de subvention

30 605

Inconnu

Inconnu

Inconnu

Inconnu

Inconnu

Nombre de subventions attribuées

21 070

10 562

15

779

216

150

Montant total des subventions attribuées

965 488 430 €

465 393 944 €

1 984 958 €

15 976 705 €

9 497 835 €

3 474 984 €

Moyenne des subventions

45 823 €

44 063 €

17 565 €

176 292 €

57 600 €

32 214 €

Subvention minimale

Inconnu

136 €

136 €

43 100 €

2 684 €

6 835 €

Subvention maximale

Inconnu

1 980 334 €

100 000 €

1 980 334 €

483 432 €

279 452 €

Source : commission des lois du Sénat

Le tableau suivant retrace le nombre et la proportion de subventions par tranches de montant, sur le même échantillon.

Subventions au titre de la DETR par tranches de montant
(échantillon A, 49 départements)

Nombre

Proportion

Subventions supérieures à 200 000 euros

497

5 %

Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros

286

3 %

Subventions comprises entre 100 000 et 149 999 euros

625

6 %

Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros

1 166

11 %

Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros

1 028

10 %

Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros

2 692

25 %

Subventions comprises entre 5 000 et 9 999 euros

1 673

16 %

Subventions comprises entre 3 000 et 4 999 euros

1 064

10 %

Subventions comprises entre 1 000 et 2 999 euros

1 179

11 %

Subventions inférieures à 1 000 euros

849

8 %

Source : commission des lois du Sénat

Ces chiffres ne doivent pas masquer une très grande disparité de pratiques d'un département à l'autre , où le nombre de subventions attribuées oscille, comme on l'a vu, entre 15 et 779 et la moyenne des subventions entre 17 565 euros et 176 292 euros. Certains préfets font le choix de subventionner un très grand nombre de projets, tandis que d'autres concentrent les crédits de la DETR sur des opérations plus importantes. Cette dispersion statistique, qui ressort des écarts-types considérables mentionnés précédemment, s'observe également si l'on classe les départements en fonction du nombre de subventions qui y sont attribuées et de leur montant moyen.

Source : commission des lois du Sénat

Source : commission des lois du Sénat

Comme il est normal, le nombre de projets subventionnés est relativement faible là où l'enveloppe de la DETR et le nombre de communes, EPCI et syndicats mixtes éligibles sont limités : on recense 31 subventions attribuées en Guadeloupe (4,552 millions d'euros de DETR), 66 dans l'Essonne (3,730 millions). À l'inverse, il est le plus élevé dans des départements ruraux (comptant un grand nombre de communes de moins de 2 000 habitants, éligibles sans autre condition) et relativement pauvres (puisque le nombre de bénéficiaires potentiels et l'enveloppe départementale dépendent en partie du potentiel financier des communes et EPCI à fiscalité propre). C'est ainsi que les 13,857 millions d'euros dévolus au département de l'Aisne ont donné lieu à 779 subventions.

Mais ces simples données n'expliquent pas tout, comme en témoigne la très forte variation des subventions moyennes par département. Comparons les deux départements voisins de l'Aisne et de la Somme, proches par leurs caractéristiques démographiques, administratives, économiques et sociales. On constate que les choix de répartition de la DETR y ont été très différents.

Répartition de la DETR en 2017 dans l'Aisne et dans la Somme

Aisne

Somme

Population, en nombre d'habitants

538 659

571 879

Nombre de communes

804

779

Revenu médian par unité de consommation

18 604 €

19 205 €

Enveloppe départementale de DETR en 2017

14 890 620 €

15 336 083 €

Montant de DETR effectivement distribuée

13 856 545 €

14 395 868 €

Nombre de subventions attribuées

779

275

Moyenne des subventions attribuées

17 787,61 €

52 348,61 €

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Subventions supérieures à 200 000 euros

13

2 %

21

8 %

Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros

4

1 %

21

8 %

Subventions comprises entre 100 000 et 149 999 euros

13

2 %

15

5 %

Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros

22

3 %

20

7 %

Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros

32

4 %

14

5 %

Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros

135

17 %

56

20 %

Subventions comprises entre 5 000 et 9 999 euros

159

20 %

42

15 %

Subventions comprises entre 3 000 et 4 999 euros

119

15 %

33

12 %

Subventions comprises entre 1 000 et 2 999 euros

228

29 %

29

11 %

Subventions inférieures à 1 000 euros

54

7 %

24

9 %

Source : commission des lois du Sénat

Le préfet de la Somme a choisi de subventionner prioritairement des travaux coûteux, destinés notamment à rénover des réseaux d'assainissement ou à construire des bâtiments scolaires, quand le préfet de l'Aisne, tout en apportant le soutien de l'État à quelques gros projets d'aménagement ou de construction, a également choisi de subventionner de menus travaux de rénovation (le remplacement d'une fenêtre dans une école, l'ajout d'un portail au cimetière communal...) ou l'achat de petits équipements (un tracteur-tondeuse, une photocopieuse, une alarme anti-incendie...).

On constate donc que le cadre légal est suffisamment souple pour permettre aux préfets de s'adapter aux besoins locaux , suivant les priorités fixées par la commission d'élus.

Toutefois, on remarque aussi que le montant moyen de subvention au titre de la DETR est relativement élevé : il s'est établi à 45 823 euros au niveau national en 2017. Il en va de même du coût total moyen des opérations subventionnées , de 149 928 euros. Les opérations les plus coûteuses, bénéficiant de fortes subventions, absorbent une part conséquente de l'enveloppe de la DETR , même si les pratiques, là encore, varient d'un département à l'autre.

Le coût des opérations subventionnées
(échantillon B, 39 départements - coût moyen des opérations subventionnées : 127 550 euros)

Nombre

Montant des subventions attribuées

En valeur absolue

En proportion du nombre d'opérations subventionnées

En valeur absolue

En proportion du montant total des subventions

Opérations subventionnées dont le coût est supérieur ou égal :

- à 1 million d'euros

190

2 %

63 191 035 €

17 %

- à 500 000 euros

659

8 %

151 826 508 €

42 %

- à 200 000 euros

1 767

20 %

254 921 918 €

70 %

- à 100 000 euros

2 775

32 %

297 864 967 €

82 %

- à 50 000 euros

4 084

47 %

326 712 091 €

90 %

Opérations dont le coût est inférieur à 50 000 euros.

4 542

52 %

37 238 211 €

10 %

Source : commission des lois du Sénat

Le coût des opérations subventionnées : variations interdépartementales
(échantillon B, 39 départements)

Minimum départemental

Maximum départemental

Coût moyen des opérations subventionnées

713 732,53 €

54 980,51 €

Opérations subventionnées dont le coût est supérieur ou égal :

En proportion du nombre d'opérations

En proportion du montant des subventions attribuées

En proportion du nombre d'opérations

En proportion du montant des subventions attribuées

-  à 1 million d'euros

0 %

0 %

15 %

44 %

- à 500 000 euros

0 %

0 %

36 %

69 %

- à 200 000 euros

3 %

24 %

65 %

92 %

- à 100 000 euros

4 %

26 %

80 %

97 %

- à 50 000 euros

7 %

31 %

93 %

99 %

Source : commission des lois du Sénat

À titre de comparaison, on notera que le montant moyen des subventions attribuées à la demande des sénateurs au titre de la défunte « réserve parlementaire » était de 6 788 euros 30 ( * ) , et le coût total moyen des projets subventionnés de 102 850 euros. Il est à craindre que, depuis sa suppression, les communes rurales rencontrent plus de difficultés pour faire financer de petits projets. Votre rapporteur propose un amendement à l'article 81 pour y remédier, sans rétablir la réserve parlementaire.

Un autre enseignement que l'on peut tirer de ces statistiques, c'est que les commissions d'élus ne sont appelées à se prononcer que sur un nombre infime de dossiers . Jusqu'en 2017, rappelons-le, le seuil au-delà duquel les projets de subvention étaient soumis à leur avis était de  150 000  euros. Lorsque ce seuil a été abaissé à 100 000 euros par la dernière loi de finances, on a entendu dire que cette modification risquait d'engorger les commissions. On en est loin.

Opérations subventionnées soumises à l'avis de la commission d'élus

Moyenne des départements étudiés

Minimum départemental

Maximum départemental

Nombre

Proportion

Nombre de subventions supérieures à 50 000 euros
(seuil applicable en 2017)

436

6 %

1

42

Nombre de subventions supérieures à 100 000 euros

771

11 %

3

57

Source : commission des lois du Sénat

Les données relatives à l'année 2018 qui ont été communiquées à votre rapporteur ne font pas apparaître de variation significative.

2. La DSIL, une dotation hétérogène

Le Gouvernement a été en mesure de communiquer à votre commission la liste des opérations subventionnées au titre de la DSIL en 2017, ou plus exactement au titre de ce qui était alors la deuxième part de la DSIL, relevant du programme 119 et pour laquelle 420 millions d'euros avaient été budgétés. En revanche, votre rapporteur ne dispose pas du coût des opérations subventionnées. Selon les déclarations de M. Gérard Collomb, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, leur coût moyen s'élève à 520 000 euros, ce qui lui faisait conclure que la DSIL « est concentrée sur les territoires urbains alors que la DETR l'est sur des territoires ruraux avec de plus petits projets 31 ( * ) ». La réalité semble pourtant plus contrastée.

Selon les chiffres disponibles, la répartition de la deuxième part de la DSIL s'est établie comme suit en 2017.

La répartition de la DSIL en 2017

Montant total réparti

419 044 696,42 €

Nombre de subventions attribuées

3675

Moyenne des subventions attribuées

114 025,77 €

Subvention la plus basse

131,12 €

Subvention la plus élevée

12 477 750,00 €

Nombre

Montant total

En valeur absolue

En proportion

En valeur absolue

En proportion

Subventions supérieures ou égales à 2 millions d'euros

8

0,2%

35 269 993 €

8,4%

Subventions comprises entre 1 million et 2 millions d'euros (seuil supérieur non inclus)

33

0,9%

42 227 661 €

10,1%

Subventions comprises entre 500 000 et 1 millions d'euros (seuil supérieur non inclus)

96

2,6%

59 674 240 €

14,2%

Subventions comprises entre 200 000 et 499 999 euros

427

11,6%

125 684 472 €

30,0%

Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros

194

5,3%

33 082 898 €

7,9%

Subventions comprises entre à 100 000 et 149 999 euros

361

9,8%

42 990 605 €

10,3%

Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros

645

17,8%

45 270 879 €

10,8%

Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros

434

11,8%

8 704 623 €

2,1%

Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros

776

21,1%

8 110 976 €

1,9%

Subventions inférieures à 10 000 euros.

701

19,1 %

3 429 115 €

0,8 %

Source : commission des lois du Sénat (données : Gouvernement)

On constate donc que la DSIL finance un grand nombre de très petits projets, qui ne se distinguent guère de ceux auxquels la DETR est destinée . On peut douter que le préfet de région soit le mieux placé pour attribuer des subventions de quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros...

Par ailleurs, alors que l'un des arguments pour justifier que la DSIL soit répartie en enveloppes régionales était que le préfet serait en mesure d'assurer une forme de redistribution entre les territoires plus ou moins riches, il apparaît que ces enveloppes sont ventilées entre les départements au prorata de leur population, ou peu s'en faut .

Répartition de la DSIL dans les Pays-de-la-Loire en 2017

Loire-Atlantique

Maine-et-Loire

Mayenne

Sarthe

Vendée

Population

en nombre d'habitants

1 365 227

810 186

307 940

568 445

666 714

en proportion de la population régionale

18%

11%

4%

8%

9%

Montant total des subventions perçues par les communes et EPCI du département

en valeur absolue

8 748 144 €

5 750 828 €

1 961 645 €

3 496 135 €

4 222 140 €

en proportion du total régional

18%

12%

4%

7%

9%

Source : commission des lois du Sénat (données : Gouvernement)

En Auvergne-Rhône-Alpes, des écarts un peu plus grands s'observent entre la proportion de la population départementale et celle des subventions perçues, au profit du Cantal (6 % des subventions pour 2 % de la population), de l'Ardèche (9 % pour 4 %), de la Drôme (9 % pour 6 %) et au détriment de territoires plus prospères comme la métropole de Lyon (12 % des subventions pour 23 % de la population) et la Haute-Savoie (8,5 % pour 10 %). Mais dans ce paysage, la situation de la Loire (8 % des subventions pour 10 % de la population) et de la Savoie (7 % pour 5 %) fait figure de bizarrerie.

E. UN PANIER DE RECETTES SOUS L'EMPRISE CROISSANTE DE L'ÉTAT

Le contrôle étroit recouvré par l'État, à rebours du mouvement de décentralisation, sur la distribution des dotations d'investissement aux collectivités territoriales est d'autant plus préoccupant que, dans l'ensemble, la part de ces dotations et des diverses subventions que les collectivités reçoivent des ministères ou des agences de l'État pèse de plus en plus lourd dans l'ensemble des ressources dont elles disposent pour investir .

Au cours des dernières années, en effet, l'État, tout en maintenant le niveau des dotations et subventions d'investissement aux collectivités, a réduit drastiquement ses concours de fonctionnement, et tout particulièrement la DGF. Or, comme chacun sait, la DGF est une dotation libre d'emploi (contrairement aux subventions et à la plupart des dotations d'investissement). Par ailleurs, l'excédent que les collectivités dégagent sur la section de fonctionnement de leur budget (leur « épargne brute ») peut être reversé parmi les recettes de la section d'investissement : c'est ce qu'on appelle « l'autofinancement ». Par conséquent, en diminuant les recettes dont les collectivités disposent librement pour assurer leur fonctionnement, l'État comprime aussi leur capacité d'autofinancement et les rend encore plus dépendantes des dotations et autres subventions d'investissement qu'il leur verse, en général, discrétionnairement .

L'évolution qui vient d'être décrite peut être illustrée par le graphique suivant.

Évolution comparée des concours de fonctionnement et d'investissement de l'État
aux collectivités territoriales et à leurs groupements
(en milliards d'euros)

Source : commission des lois du Sénat
(données : Observatoire des finances locales)

Dans les faits, les capacités d'autofinancement des collectivités territoriales (leur taux d'épargne brute) sont restées remarquablement stables en valeur absolue (et en euros courants) sur le long terme, malgré une forte contraction en 2014 et 2015. Puisque les concours de fonctionnement de l'État connaissaient dans le même temps une baisse accélérée, ce résultat n'a été obtenu que grâce à un effort remarquable de maîtrise de l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement par les collectivités , mais aussi par la hausse de la fiscalité locale et d'autres ressources telles que les redevances demandées aux usagers des services publics.

Évolution de l'épargne brute des collectivités territoriales
et de leurs groupements
(en milliards d'euros)

Source : commission des lois du Sénat
(données : Observatoire des finances locales)

Évolution de la composition des recettes de fonctionnement
des collectivités territoriales et de leurs groupements
(en milliards d'euros)

Source : commission des lois du Sénat
(données : Observatoire des finances locales)

Parmi l'ensemble des ressources dont les collectivités disposent pour investir, la part de l'épargne nette (c'est-à-dire l'épargne brute diminuée des remboursements d'emprunts) n'en est pas moins en diminution , tandis que la part des dotations et subventions reçues augmente.

Évolution des ressources dont disposent les collectivités territoriales pour investir 32 ( * )

Source : commission des lois du Sénat
(données : Observatoire des finances locales)

F. DONNER UN COUP D'ARRÊT À UNE RECENTRALISATION INSIDIEUSE

Votre commission des lois est décidée à donner un coup d'arrêt à la recentralisation des pouvoirs qui se manifeste par le contrôle toujours renforcé de l'État sur les dépenses d'investissement des collectivités territoriales .

C'est pourquoi elle propose, à l'article 81 du projet de loi de finances :

- de supprimer les dispositions visant à transformer la dotation globale d'équipement des départements en une dotation distribuée sous forme de subventions , dans l'attente, tout du moins, d'une véritable concertation avec les conseils départementaux sur les voies et moyens d'une réforme de la DGE ;

- de renforcer le contrôle des élus sur les décisions de subventionnement prises par les préfets de département , en instituant auprès d'eux une commission départementale des investissements locaux , modelée sur l'actuelle commission DETR, aux compétences renforcées et étendues à la dotation de soutien à l'investissement local.

Ces propositions seront présentées de manière plus détaillée dans la troisième partie du présent rapport.

III. LES ARTICLES RATTACHÉS À LA MISSION

Les articles 79 à 81 ter du projet de loi de finances, rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », comportent un ensemble de dispositions qui concernent principalement la répartition des dotations de fonctionnement et d'investissement entre les collectivités territoriales, ainsi que la péréquation « horizontale » des ressources entre collectivités.

Le tableau ci-dessous en présente un aperçu.

Aperçu des dispositions des articles 79 à 81 ter du projet de loi de finances

Article 79

Répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) - Réforme de la dotation d'intercommunalité.

Article 79 bis

Obligation pour le ministre chargé des collectivités territoriales de préciser les motifs des variations importantes d'attributions individuelles de dotation globale de fonctionnement, lors de leur constatation annuelle par arrêté.

Article 79 ter

Institution d'une garantie partielle et non renouvelable (« sortie lissée ») pour les communes perdant leur éligibilité à la troisième fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR).

Article 79 quater

Relèvement de 13,5 % à 14 % des recettes fiscales agrégées du plafond de la contribution cumulée d'un ensemble intercommunal ou d'une commune isolée au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF).

Article 79 quinquies

Non-application en 2019 des dispositions imposant à la métropole du Grand Paris de verser à ses établissements publics territoriaux (EPT) une dotation de soutien à l'investissement territorial.

Article 79 sexies

Prorogation en 2019 de la prise en compte de la dotation d'intercommunalité perçue par les EPCI à fiscalité propre préexistants pour le calcul de la dotation d'équilibre perçue ou versée par les EPT de la métropole du Grand Paris.

Article 79 octies

Création, par prélèvement sur la DGF du bloc communal, d'une dotation au bénéfice des communes de moins de 10 000 habitants dont le territoire terrestre est couvert à plus de 75 % par un site Natura 2000 et dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois la moyenne des communes de la même strate démographique.

Article 79 nonies

Rapport au Parlement sur le coefficient logarithmique utilisé pour le calcul du potentiel financier agrégé par habitant des ensembles intercommunaux.

Article 79 decies

Rapport au Parlement sur le coefficient logarithmique utilisé pour le calcul du potentiel fiscal des communes pris en compte pour le calcul de leur dotation forfaitaire.

Article 80

Report de l'automatisation du FCTVA

Article 81

Répartition de la dotation d'équilibre des territoires ruraux (DETR), de la dotation politique de la ville (DPV) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) - Réforme de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements.

Article 81 bis

Extension de l'éligibilité à la DETR aux EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 75 000 habitants autour d'une ou de plusieurs communes centre de plus de 20 000 habitants, dès lors que leur densité de population est inférieure à 150 habitants par kilomètre carré.

Article 81 ter

Création d'un fonds de stabilisation de 115 millions d'euros par an à destination des départements connaissant une situation financière dégradée - Relèvement de 12 % à 15,3 % du produit des droits de mutation à titre onéreux perçus par un département du plafond de sa contribution cumulée au titre du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux et du fonds de solidarité des départements.

Votre rapporteur a choisi d'examiner plus particulièrement celles de ces dispositions financières qui soulèvent des questions institutionnelles, c'est-à-dire celles qui concernent la répartition de la dotation d'intercommunalité et des dotations d'investissement.

A. LA RÉFORME DE LA DOTATION D'INTERCOMMUNALITÉ (ARTICLES 79 À 79 TER ET ARTICLE 79 OCTIES)

Les articles 79 à 79 ter du projet de loi de finances pour 2019 traitent de la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. On peut y rattacher l'article 79 octies , qui crée une nouvelle dotation par prélèvement sur la dotation forfaitaire des communes.

Modifications de la répartition de la dotation globale de fonctionnement

Les principales innovations introduites par le projet de loi de finances pour 2019, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, dans la répartition de la DGF sont les suivantes.

En ce qui concerne la DGF des départements , l'article 79 tend à modifier les règles de plafonnement de l'écrêtement de la dotation forfaitaire. En effet, les départements dont le potentiel financier par habitant est au moins égal à 0,95 fois la moyenne subissent aujourd'hui une minoration de leur dotation forfaitaire, destinée à financer la hausse du volume global théorique de cette même dotation forfaitaire (due à l'augmentation de la population), ainsi que l'augmentation des différentes composantes péréquatrices de la DGF départementale. Cette minoration ne serait plus plafonnée à 5 % de la dotation forfaitaire, mais à 1 % des recettes réelles de fonctionnement de chaque département concerné.

2° En ce qui concerna la DGF des communes et de leurs groupements à fiscalité propre :

a) les principales dotations de péréquation des communes (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale [DSU] et dotation de solidarité rurale [DSR]) continueraient à progresser de 90 millions chacune, cette hausse étant financée par écrêtement de la dotation forfaitaire des communes et de la dotation de compensation des EPCI à fiscalité propre ;

b) les communes qui perdent leur éligibilité à la DSR continueraient à percevoir, pendant un an, une attribution égale à la moitié de celle perçue l'année précédente ;

c) la population communale prise en compte pour la répartition de la DGF comprendrait, non plus un habitant par résidence secondaire, mais 1,5 habitant, dans les communes de moins de 3 500 habitants dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant à la même strate démographique et dont la part de la majoration au titre des résidences secondaires dans la population (avant application de la nouvelle disposition) est supérieure à 30 %. Cette mesure est destinée à mieux prendre en compte les charges supportées par les communes touristiques les moins riches ;

d) une nouvelle dotation serait instituée au bénéfice des communes de moins de 10 000 habitants dont le territoire est couvert à plus de 75 % par un site Natura 2000 . Elle serait financée par un prélèvement sur la DGF du bloc communal, lui-même obtenu par écrêtement de la dotation forfaitaire des communes et de la dotation de compensation des EPCI à fiscalité propre ;

e) enfin, la dotation d'intercommunalité versée aux EPCI à fiscalité propre serait profondément réformée (voir ci-dessous).

Chacune de ces dispositions mériterait un examen attentif.

Votre rapporteur doute, en particulier, qu'il soit opportun d'instituer de nouvelles dispositions spécifiques en faveur de certaines catégories de communes (touristiques ou situées dans un parc naturel), tant que l'on ne se sera pas attelé à une réforme d'ensemble de la DGF des communes afin d'en atténuer les iniquités.

Par ailleurs, il aurait fallu corriger préalablement les aberrations constatées en 2018 . En effet, contrairement aux engagements présidentiels, pas moins de 16 745 communes ont vu leur DGF baisser en 2018. Ces variations sont principalement dues :

- en premier lieu, à la hausse des dotations de péréquation, qui pèse sur la dotation forfaitaire des communes ;

- en second lieu, à la refonte de la carte intercommunale , qui a abouti à des fluctuations considérables et en partie artificielles du potentiel financier des communes, puisque celui-ci dépend en partie du potentiel fiscal des EPCI à fiscalité propre. Ainsi, des communes « pauvres » qui ont été intégrées à des EPCI « riches » ont vu leur potentiel financier augmenter et leurs dotations de péréquation baisser , alors même qu'elles ne percevaient pas les retombées financières de leur appartenance à ces établissements. L'Association des maires de France évalue à 3 600 communes environ (principalement des communes de moins de 1 000 habitants) le nombre de celles pour lesquelles la baisse des dotations de péréquation a dépassé 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Pour ces seules communes, elle demande la mise en place d'un fonds de lissage par prélèvement sur les recettes de l'État.

Cette question devra être abordée lors de l'examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances.

La réforme de la dotation d'intercommunalité appelle un examen plus attentif de la part de votre commission des lois, par son incidence sur l'architecture institutionnelle locale.

1. Une dotation hors normes par son impact sur l'architecture institutionnelle locale

Créée par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale , dite « loi Chevènement », la dotation d'intercommunalité, attribuée aux EPCI à fiscalité propre, est une composante de la dotation d'aménagement des communes, qui comprend également les dotations de péréquation attribuées à celles-ci.

Alors que les autres composantes de la DGF ont pour seul objet d'assurer une participation de l'État au financement des dépenses de fonctionnement nécessaires à l'exercice, par les collectivités territoriales, des compétences décentralisées, la dotation d'intercommunalité, dans son principe même et par ses modalités de répartition, a également pour fonction d'inciter à l'intégration intercommunale .

En effet, l'exercice par les EPCI à fiscalité propre des compétences qui leur ont été transférées par leurs communes membres est, en principe, financé par les ressources fiscales qu'ils perçoivent en lieu et place desdites communes (il s'agit soit de taux additionnels aux impositions directes locales sur les ménages, soit de l'intégralité de la fiscalité professionnelle perçue sur le territoire de l'EPCI). En attribuant aux EPCI à fiscalité propre une dotation spécifique, l'État assure un surplus de moyens financiers aux territoires où les communes se sont regroupées dans de tels établissements (ce qui est désormais le cas de la quasi-intégralité du territoire national).

Par ailleurs, les règles de répartition de la dotation d'intercommunalité font la part belle aux territoires les plus intégrés .

En effet :

- la dotation d'intercommunalité est actuellement divisée en quatre enveloppes, destinées respectivement 1° aux communautés urbaines et aux métropoles, 2° aux communautés d'agglomération, 3° aux communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, 4° aux communautés de communes à fiscalité additionnelle. Le montant de dotation par habitant diffère selon la catégorie juridique d'EPCI à fiscalité propre, au profit des catégories les plus intégrées 33 ( * ) ;

- au sein des trois dernières enveloppes, la répartition des deux parts de la dotation d'intercommunalité (une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation) s'opère en fonction de la population de chaque établissement, de son potentiel fiscal (en ce qui concerne la dotation de péréquation) mais aussi de son coefficient d'intégration fiscale (CIF) , c'est-à-dire du rapport entre les ressources fiscales perçues par l'établissement et celles perçues par les communes. Le CIF est un indicateur du degré d'intégration des compétences au sein de l'ensemble intercommunal ;

- enfin, les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique les plus intégrées (celles qui exercent au moins six des onze blocs de compétences mentionnés à l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales et remplissent les conditions de population fixées au même article) bénéficient d'un montant par habitant plus élevé : c'est ce qu'on appelle la « DGF bonifiée » .

Les communes ont donc été fortement incitées, depuis 1999, à se regrouper en EPCI à fiscalité propre et à transférer à ces derniers un nombre croissant de compétences, avec les produits fiscaux afférents. Les établissements eux-mêmes ont été encouragés à changer de catégorie juridique pour entrer dans une catégorie plus intégrée, ce qui implique de nouveaux transferts obligatoires de compétences.

2. Une répartition inéquitable et extrêmement volatile

La répartition de la dotation d'intercommunalité fait l'objet de critiques récurrentes.

Les différences de montant par habitant entre les catégories juridiques d'EPCI à fiscalité propre sont de moins en moins compréhensibles . En effet, la catégorisation juridique ne reflète plus correctement le degré d'intégration des compétences, ni donc les charges assumées par l'EPCI : le coefficient d'intégration fiscale moyen des communautés d'agglomération et celui des communautés de communes à fiscalité professionnelle unique ou à fiscalité additionnelle est aujourd'hui quasiment identique. En outre, si les EPCI à fiscalité propre les plus urbanisés supportent des charges propres (charges de centralité, transport, logement...), c'est vrai aussi des communautés les plus rurales, qui ont à aménager un espace souvent plus vaste et moins équipé.

Coefficient d'intégration fiscale moyen des communautés de communes et d'agglomération

CIF 2017 moyen

CIF 2018 moyen

Communautés d'agglomération

0,352996

0,346562

Communautés de communes à fiscalité professionnelle unique

0,356669

0,366753

Communautés de communes à fiscalité additionnelle

0,334189

0,353265

Source : commission des finances de l'Assemblée nationale

En outre, l'évolution des attributions individuelles des communautés de communes et d'agglomération est enfermée dans un « tunnel » qui ne permet pas de tenir parfaitement compte de l'évolution de la population et des charges de chaque établissement : ces communautés ne peuvent percevoir moins de 95 % ni plus de 120 % (pour les communautés de communes) ou 130 % (pour les communautés d'agglomération) de l'attribution perçue l'année précédente. À cela s'ajoutent diverses garanties renforcées, notamment au profit des EPCI à fiscalité propre dont le CIF dépasse un certain seuil, qui ne peuvent voir leur dotation baisser.

En dépit de ces mécanismes stabilisateurs, les attributions ont été extrêmement volatiles au cours des dernières années . Cela tient au fait que le montant prélevé sur l'attribution de chaque établissement au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) est calculé après le montant des enveloppes par catégorie et de l'attribution théorique de chaque établissement compte tenu des garanties.

Ces défauts sont aggravés par la répartition de la dotation en quatre enveloppes . En effet, lorsqu'un EPCI à fiscalité propre change de catégorie, il modifie à la fois le montant total et les paramètres de répartition de l'enveloppe dont il « sort » et de l'enveloppe où il « entre ». Dans le cas où cet établissement percevait une dotation élevée par rapport à la moyenne de sa nouvelle catégorie et où il a droit, par conséquent, à une dotation « garantie » également plus élevée, les autres établissements sont perdants. Cela peut d'ailleurs les conduire à atteindre le seuil de 95 % de la dotation perçue l'année précédente, ce qui fait jouer de nouvelles garanties. Or le montant de l'enveloppe est lui-même plafonné, puisqu'il est égal au produit du nombre d'habitants par le montant moyen par habitant fixé par la loi...

À terme, la répartition de la dotation d'intercommunalité risque de s'avérer impossible , les différentes règles qui la gouvernent ne pouvant être respectées simultanément.

3. Une réforme au milieu du gué

La réforme proposée par le Gouvernement permettra au moins de continuer à répartir la dotation d'intercommunalité au cours des prochaines années. Elle corrige également les aberrations les plus criantes du système actuel. Elle n'en maintient pas moins certaines iniquités et ne s'attaque pas aux défauts fondamentaux de cette dotation.

Il est d'abord prévu d' unifier les enveloppes de la dotation d'intercommunalité , ce qui est bienvenu. Le montant total de la dotation ne serait plus déterminé par un montant moyen par habitant, mais par l'application des différentes règles d'évolution applicables à chaque groupement à partir des montants attribués en 2018. Les attributions moyennes par habitant des différentes catégories d'EPCI à fiscalité propre devraient donc se rapprocher avec le temps, sauf à ce que l'application des mécanismes de garantie bloque ce mouvement.

Le « tunnel » d'évolution des attributions individuelles serait d'ailleurs resserré , ce qui ralentirait l'homogénéisation des montants par catégorie mais aurait l'avantage de garantir plus de stabilité aux établissements. Désormais, l'attribution d'un EPCI à fiscalité propre ne pourrait être ni inférieure à 95 %, ni supérieure à 110 % du montant perçu l'année précédente.

Les établissements à fort coefficient d'intégration fiscale continueraient à se voir garantir une attribution au moins égale à celle de l'année précédente . Sur ce point, l'inégalité demeure : cette garantie bénéficierait aux métropoles, communautés urbaines et communautés d'agglomération dont le CIF est supérieur à 0,35 (seuil initialement fixé à 0,4 et abaissé à l'Assemblée nationale, par amendement du Gouvernement), tandis que les communautés de communes devraient atteindre un CIF de 0,5. Cette disparité a d'autant moins de signification que le texte transmis par l'Assemblée nationale réduit à presque rien les différences de mode de calcul du CIF entre ces différentes catégories.

Par ailleurs, les métropoles bénéficieraient d'une majoration de leur CIF , qui serait pondéré par un coefficient d'1,1 (coefficient initialement fixé à 1,2 et abaissé à l'Assemblée nationale, par le même amendement gouvernemental).

Les retouches apportées à l'Assemblée nationale ont eu principalement pour objet d'atténuer l'impact négatif de la réforme sur les communautés d'agglomération, qui - selon des simulations auxquelles nos collègues députés ont eu accès - auraient été nombreuses à voir leur dotation baisser. Les communautés de communes y ont perdu, puisque l'écart s'est accru avec les autres catégories d'EPCI à fiscalité propre s'agissant des conditions pour bénéficier de la garantie de stabilité de leur dotation. C'est sur elles, principalement, que pèsera le poids des garanties - et ce poids sera lourd puisque, en ce qui concerne les communautés d'agglomération, le CIF requis pour bénéficier de la garantie de non-baisse serait désormais très proche du CIF moyen.

Le choix a donc été fait d'atténuer les effets redistributifs de la réforme. Le Gouvernement met cependant en avant les progrès accomplis par rapport à la situation actuelle, qui ne sont pas contestables 34 ( * ) .

Par ailleurs, un amendement de notre collègue députée Christine Pires Beaune et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par le Gouvernement, prévoit d' intégrer dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale des communautés de communes le produit des redevances d'assainissement (comme c'est déjà le cas pour les autres catégories d'EPCI à fiscalité propre), mais aussi des redevances d'eau (ce qui serait spécifique à ces communautés), à compter du 1 er janvier 2020. Une telle disposition est effectivement de nature à augmenter le CIF, et donc la dotation d'intercommunalité des communautés de communes qui exercent cette compétence. Cependant, elle pénaliserait les communautés de communes qui ne l'exercent pas - ce qui restera possible, jusqu'en 2026, si les communes exercent le droit d'opposition qui leur a été reconnu par la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes . C'est pourquoi votre commission, sur proposition de son rapporteur, a adopté un amendement n° II-99 visant à reporter l'application de cette mesure au 1 er janvier 2026.

Enfin, la réforme du Gouvernement ne s'attaque pas aux effets pervers que le critère du coefficient d'intégration fiscale entraîne sur l'organisation institutionnelle du bloc communal . En effet, à la suite de la refonte de la carte intercommunale, de nombreux EPCI à fiscalité propre, devenus extrêmement vastes, ont été conduits à restituer des compétences de proximité à leurs communes membres, elles-mêmes parfois renforcées par leur regroupement en communes nouvelles. C'est le cas, par exemple, de la communauté d'agglomération du Grand Annecy, qui a restitué aux communes l'exercice des compétences relatives à la petite enfance, aux bâtiments scolaires et aux activités périscolaires, au sport, à la culture ou à l'action sociale (sauf la prise en charge des personnes âgées). La restitution de compétences s'étant naturellement accompagnée de celle des ressources nécessaires, ce choix, guidé par le principe de subsidiarité, a fait baisser le coefficient d'intégration fiscale de la communauté et, partant, sa dotation d'intercommunalité, sans que les communes bénéficient pour autant d'un surplus de dotations. En un mot, la restitution de compétences aux communes se traduit par une perte nette de recettes pour l'ensemble intercommunal formé par les communes et leur groupement .

Une solution à ce problème structurel serait de fusionner la dotation d'intercommunalité avec la dotation forfaitaire des communes, pour créer une dotation des ensembles intercommunaux qui pourrait, elle, être répartie entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre en fonction des compétences exercées et des charges supportées par chaque échelon (le coefficient d'intégration fiscale pourrait ici servir d'indicateur sans inconvénient). Une telle solution est sans doute prématurée, et exigerait des simulations préalables et un paramétrage méticuleux pour éviter des variations intempestives dans les attributions individuelles.

Votre rapporteur recommande donc un aménagement plus limité. Sur sa proposition, votre commission a adopté un amendement n° II-98 visant à ce que, en cas de baisse du coefficient d'intégration fiscale d'un EPCI à fiscalité propre, la somme correspondant à la diminution de dotation d'intercommunalité qui en résulte vienne financer une dotation de consolidation répartie entre les communes membres au prorata de leur population .

Ainsi, les élus locaux pourront ajuster la répartition des compétences au niveau local en fonction des nécessités du terrain, au lieu de se déterminer selon des considérations purement financières.

B. LA RÉPARTITION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT
(ARTICLES 81 ET 81 BIS)

Les modalités d'attribution des dotations d'investissement, elles aussi, intéressent de près votre commission des lois, puisqu'il s'agit là de la répartition des pouvoirs entre les autorités administratives (centrales, déconcentrées et décentralisées) et de l'encadrement de ces pouvoirs par la loi. On touche ici aux principes mêmes de la décentralisation.

1. Les mesures prévues par le projet de loi

Les articles 81 et 81 bis traitent des quatre principales dotations d'investissement relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) verrait ses conditions d'éligibilité élargies :

- en plus des communes, EPCI et syndicats mixtes déjà éligibles, les maîtres d'ouvrage désignés par un contrat signé entre une commune ou un groupement éligible et le représentant de l'État - par exemple des sociétés d'économie mixte - pourraient percevoir une dotation au titre de la DETR (article 81) ;

- alors que tous les EPCI à fiscalité propre sont aujourd'hui éligibles à la DETR, à l'exception de ceux qui, en métropole, comptent plus de 75 000 habitants (150 000 dans les départements d'outre-mer et à Mayotte) autour d'une ou plusieurs communes de plus de 20 000 habitants (85 000 dans les DOM et à Mayotte), l'article 81 bis , inséré par l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement, prévoit de rendre éligibles ceux qui, dépassant ces mêmes seuils de population en nombres absolus d'habitants, ont cependant une densité de population inférieure à 150 habitants au kilomètre carré. Selon le Gouvernement il s'agit de ne plus pénaliser les communautés élargies à la suite de la loi « NOTRe », relativement vastes et peuplées et comprenant une commune centre importante, mais qui n'en sont pas moins rurales sur la plus grande partie de leur territoire.

Les modalités de répartition de la dotation politique de la ville (DPV) seraient également revues :

- parmi les critères d'éligibilité, le ratio entre la population habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et la population communale totale serait figé à sa valeur de 2016 (en effet, la population habitant dans ces quartiers n'est pas réévaluée régulièrement, contrairement à la population totale) ;

- en l'état actuel du droit, pour qu'une commune soit éligible à la DPV, il faut qu'elle l'ait été l'année précédente à la DSU ; si elle compte 10 000 habitants ou plus, il faut en outre qu'elle ait figuré parmi les 250 premières communes de la même strate démographique, classées selon un indice synthétique de ressources et de charges ; désormais, il suffirait qu'elle ait rempli ces conditions au moins une fois au cours des trois années précédentes ;

- il est également proposé de déplafonner le nombre de communes éligibles, aujourd'hui limité à 180.

Pour ce qui est de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , la population prise en compte pour le calcul de l'enveloppe revenant à chaque région et au Département de Mayotte serait désormais réévaluée chaque année.

Enfin, comme cela a été exposé précédemment, la dotation globale d'équipement (DGE) des départements , aujourd'hui attribuée sous la forme d'un taux de concours pour l'ensemble des investissements répondant aux critères légaux d'éligibilité et de deux majorations abondant directement la section d'investissement des budgets départementaux, serait remplacée par une dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID) , répartie en enveloppes régionales et distribuée principalement sous forme de subventions sur décision du préfet de région.

Plus précisément, la DSID serait composée de deux parts :

- une première part, égale à 77 % de son montant total, répartie en enveloppes régionales calculées à hauteur de 55 % en fonction de la population des régions et du Département de Mayotte et à 45 % en fonction de la population rurale (celle des communes situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants ou n'appartenant pas à une unité urbaine), sans que le montant de chaque enveloppe puisse être inférieur à 1,5 million d'euros ni excéder 18 millions d'euros ; les subventions au titre de cette première part seraient attribuées par le préfet de région « dans un objectif de cohésion des territoires » ;

- une seconde part, égale à 23 % du montant total, abondant directement la section d'investissement des départements 35 ( * ) dont le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal par kilomètre carré ne sont pas supérieurs au double de la moyenne des départements. Cette seconde part serait répartie entre les départements éligibles en fonction de leur potentiel fiscal par habitant et par kilomètre carré 36 ( * ) .

Le projet de loi initial prévoyait que les départements ayant conclu avec l'État un contrat relatif à l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement pourraient voir leur taux de subvention au titre de la première part de la DSID majoré. Cette disposition, qui pouvait apparaître comme une provocation dans un contexte où la contractualisation avec l'État a provoqué de vives tensions entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France, a heureusement été supprimée par l'Assemblée nationale.

2. La position de votre commission des lois : renforcer le contrôle des élus locaux et mieux prendre en compte les besoins des communes rurales

Sur proposition de son rapporteur, votre commission des lois a apporté plusieurs modifications aux dispositions du projet de loi de finances relatives à la répartition des dotations d'investissement, afin de renforcer le contrôle des élus locaux sur cette répartition et de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des communes rurales.

L' amendement n° II-101 a pour objet de réserver une quote-part de 15 % de l'enveloppe de DETR allouée à chaque département au financement d'opérations dont le coût total n'excède pas 50 000 euros . Comme cela a été rappelé précédemment, ces petits projets ne récoltent en moyenne que 10 % du montant départemental de la DETR (taux qui descend à 1 % dans certains départements), tandis que les opérations les plus coûteuses - que seuls les EPCI et syndicats mixtes de taille conséquente ou les communes les plus peuplées ont les moyens d'entreprendre - en absorbent la plus grande partie. La disparition de la « réserve parlementaire » a privé les communes rurales des moyens de mettre en oeuvre des projets de plus faible ampleur, dont l'importance est pourtant cruciale pour améliorer le niveau d'équipement et maintenir les services publics en milieu rural . Sans rétablir la « réserve », et en maintenant le pouvoir de décision du préfet, votre commission a donc souhaité « flécher » une partie suffisante des crédits disponibles en direction des projets conduits par ces communes.

Par son amendement n° II-100 , votre commission a entendu revoir en profondeur les modalités d'attribution des dotations d'investissement destinées au bloc communal, afin de les rendre plus efficaces et plus transparentes et de renforcer le contrôle des élus sur les décisions préfectorales . Ainsi :

- la DSIL serait désormais constituée de deux parts , l'une (égale à 20 % du montant total de la dotation) restant entre les mains des préfets de région, l'autre (égale à 80 % du total) répartie par les préfets de département . Celui-ci connaît mieux les besoins locaux, et il est l'interlocuteur quotidien des élus locaux. En pratique, d'ailleurs, les préfets de région délèguent généralement l'instruction des dossiers aux préfets de département, qui la subdélèguent parfois aux sous-préfets d'arrondissement, ce qui ralentit considérablement le circuit de décision. Sans doute cela explique-t-il en partie la forte sous-consommation des crédits de la DSIL. Le préfet de région continuerait à répartir 20 % des crédits de la DSIL, ce qui lui permettrait, le cas échéant, de financer des projets d'ampleur régionale et d'opérer une forme de redistribution entre départements d'inégale richesse ;

- serait créée une commission départementale des investissements locaux , chargée de contrôler la répartition de la DETR et de la part départementale de la DSIL. Cette commission serait dotée de prérogatives plus étendues que l'actuelle « commission DETR », puisqu'elle serait destinataire de la liste des demandes de subvention attribuées au préfet de département et appelée à formuler un avis sur la liste complète des subventions projetées. Il serait tenu compte, dans sa composition, du champ des communes et groupements éligibles à chacune des deux dotations ;

- la publication de la liste des subventions attribuées au titre de la DETR serait rendue obligatoire, comme c'est déjà le cas à propos de la DSIL.

En ce qui concerne la dotation globale d'équipement des départements , votre commission a refusé sa transformation en une dotation distribuée principalement sous forme de subventions . Une réforme de la DGE est envisageable, mais elle doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les conseils départementaux. Pour parer à toute difficulté de répartition de la DGE au cours des années à venir, votre commission a prévu, par l' amendement n° II-102 , que les sommes nécessaires pour honorer la garantie selon laquelle l'attribution d'un département au titre de la majoration pour insuffisance de potentiel fiscal ne peut être inférieure à 90 % du montant perçu l'année précédente sont prélevées, si nécessaire, sur la part principale de la dotation. Si d'aventure la dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID) devait remplacer la DGE, il conviendrait à tout le moins que les décisions de subventionnement prises par les préfets de région soient prises après avis des présidents des conseils départementaux de la région : c'est l'objet de l' amendement de repli n° II-103 .

Enfin, votre commission a adopté un amendement n° II-104 tendant à supprimer l'article 81 bis , introduit par l'Assemblée nationale sur une initiative tardive du Gouvernement, et qui vise à élargir l'éligibilité à la DETR aux EPCI franchissant les seuils de population actuel, sous une condition de densité de population. Le Parlement ne saurait adopter une telle disposition, qui réduira l'enveloppe disponible pour les communes et groupements déjà éligibles, sans que des simulations précises lui aient été fournies sur son impact.

*

* *

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » inscrits au projet de loi de finances pour 2019 et a adopté sept amendements .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des collectivités locales (DGCL) - Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Bruno Delsol , directeur général des collectivités locales

M. Arnaud Menguy , sous-directeur des finances locales et de l'action économique

M. Etienne Brun-Rovet , adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique

M. Yohann Marcon , chef du bureau des concours financiers de l'État

Mme Lucile Josse , adjointe au chef du bureau des concours financiers de l'État

Comité des finances locales

M. André Laignel , président, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF)

M. Benjamin Pasquier , conseiller, directeur de cabinet de M. Laignel à l'AMF

Associations d'élus

Association des maires de France (AMF)

Mme Cécile Gallien , vice-présidente de l'AMF et maire de Vorey

Mme Nathalie Brodin , responsable du service finances et fiscalité de l'AMF

M. Assane Fall et Mme Claire Gekas , conseillers finances

Mme Sylviane Oberlé , chargée de mission

Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Assemblée des départements de France (ADF)

M. François Goulard , président du département du Morbihan

Mme Carine Riou , conseillère Finances de l'ADF

Mme Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement de l'ADF

Assemblée des communautés de France (AdCF)

M. Sébastien Martin , membre du conseil d'administration et président de la communauté du Grand Chalon (Bourgogne-Franche-Comté)

Mme Claire Delpech , conseillère finances, fiscalité et habitat

Mme Amandine Fouché , responsable des relations avec le Parlement

Régions de France

M. Jules Nyssen , directeur général

Mme Marie-Reine Du Bourg , conseillère parlementaire

M. Sébastien Creusot , conseiller finances


* 1 Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20181112/lois.html#toc6

* 2 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20181119/lois.html#toc8

* 3 Banque de France, « Projections macroéconomiques », juin 2018, consultables à l'adresse suivante : https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/06/14/previsions-economiques-juin-2018_0.pdf . Le Gouvernement s'est fondé quant à lui, pour élaborer le projet de loi de finances, sur une prévision d'inflation de 1,4 %.

* 4 Ces chiffres ne tiennent pas compte du fait que les dépenses des collectivités territoriales sont plus sensibles à l'inflation que celles des ménages, en raison notamment de la part qu'y occupent les dépenses de personnel (affectées par le glissement vieillesse-technicité), l'achat de combustibles et carburants et celui de matière premières destinées à la construction. L'indice de prix des dépenses communales ou « panier du maire » défini et évalué par l'Association des maires de France (AMF) en partenariat avec La Banque postale connaît, en moyenne, une hausse annuelle supérieure de 0,5 point à l'indice des prix à la consommation hors tabac.

* 5 Compte tenu d'une prévision d'inflation de 1,5 % en 2019.

* 6 Les principales dotations de fonctionnement aux collectivités territoriales, mais aussi certaines dotations d'investissement comme la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) ou la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC) prennent la forme de prélèvements sur recettes et non de dépenses budgétaires.

* 7 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République .

* 8 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État .

* 9 Loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité .

* 10 Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

* 11 Une instruction fixe chaque année au mois de janvier le montant définitif de la DGD par catégorie de collectivités, pour prendre en compte notamment les mouvements financiers liés aux transferts de personnel (voir par exemple l'instruction du 18 janvier 2018 relative aux compensations financières des transferts de compétences inscrites dans la loi de finances initiale pour 2018 ).

* 12 Plus précisément, l'État doit attribuer aux collectivités des ressources équivalentes à celles qu'il consacrait lui-même à l'exercice de la compétence transférée à la date du transfert - sans être tenu, par conséquent, de compenser une éventuelle hausse des dépenses liées à l'exercice de cette même compétence.

* 13 Commentaire de la décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Les Cahiers du Conseil constitutionnel , n° 18. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/commentaires/cahier18/ccc_509dc.pdf .

* 14 Saisi par plusieurs départements de la constitutionnalité de dispositions législatives adoptées en 2004 et 2005 relatives à la prise en charge par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie d'une partie des dépenses exposées par les départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), le Conseil constitutionnel a relevé, d'une part, que si la création de l'APA par la loi du 20 juillet 2001 constituait bien une extension de compétence, cette extension était « intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 » et qu'elle avait alors été soumise à son examen, d'autre part, que les dispositions adoptées en 2004 et 2005, destinées à consolider le financement de l'APA, ne constituaient ni une création ni une extension de compétence.

* 15 Voir les articles L. 2334-40 et R. 2334-38 du code général des collectivités territoriales.

* 16 Voir l'avis n° 114, tome XII (2017-2018) de votre rapporteur sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018, pp. 17-19. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a17-114-12/a17-114-121.pdf .

* 17 Pour plus de précisions, voir la troisième partie du présent rapport et le commentaire de l'article 81.

* 18 En 2017, selon le rapport annuel de performances joint au projet de loi de règlement du budget, les dépenses effectives se sont montées à 1,284 million d'euros en autorisations d'engagement au lieu des 1,912 million ouverts en lois de finances initiale. Le montant des crédits de paiement consommé a été plus proche des prévisions (1,949 million d'euros au lieu de 2,002 millions).

* 19 Projet de loi n° 87 (1 ère session ordinaire de 1978-1979) pour le développement des responsabilités locale s, déposé au Sénat le 20 décembre 1978.

* 20 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions .

* 21 Lois n os 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État et 83-1186 du 29 décembre 1983 portant modification de dispositions relatives aux relations financières et au transfert de compétences entre l'État et les collectivités locales .

* 22 La DGE des départements était également versée à leurs groupements, ainsi qu'aux syndicats mixtes associant des communes ou groupements de communes et un ou plusieurs départements ou régions.

* 23 Voir l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration.

* 24 Pour mémoire, l'article R. 2334-27 du code général des collectivités territoriales dispose que le taux de subvention ne peut être inférieur à 20 % du montant prévisionnel hors taxe de la dépense subventionnable, et que l'attribution d'une subvention au titre de la DETR ne peut avoir pour effet de porter le montant des aides publiques directes à plus de 80 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnable engagée par le demandeur. Le taux de subvention peut être inférieur à 20 % pour éviter que ce seuil de 80 % soit franchi.

* 25 Article R. 2334-35 du même code. Le même article dispose que le préfet réunit également la commission dès lors que deux tiers de ses membres en font la demande.

* 26 CAA Bordeaux, 15 juin 2004, n° 00BX00447.

* 27 Voir par exemple TA Versailles, 19 novembre 2012, n° 0910998 : le juge a rejeté le grief de détournement de pouvoir, invoqué par une commune faisant état d'un litige l'opposant au préfet relativement à son budget, en raison de l'absence « de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ». ?

* 28 Voir CAA Marseille, 21 mai 2010, n° 08MA03658 : le préfet des Bouches-du-Rhône, qui avait attribué à la commune de Septèmes-les-Vallons une subvention au titre de la DGE, égale à 50 % du coût prévisionnel hors taxes des travaux de réhabilitation de plusieurs écoles, ne pouvait légalement refuser de lui en verser le solde sur présentation du certificat de paiement des derniers travaux. Voir  également TA Versailles, 2 juillet 2013, n° 1006132 : le préfet de l'Essonne ne pouvait légalement justifier son refus d'accorder une subvention au titre de la DGE à la commune de Linas au seul motif que le coût du projet était trop important et que l'octroi de la subvention, égale à 60 % du coût du projet, aurait eu pour effet d'évincer les demandes d'aides financières de nombreuses autres communes du département, puisqu'il lui était loisible de retenir un taux de subvention inférieur et que le projet entrait par ailleurs dans l'une des catégories d'opérations prioritaires définies par la commission départementale d'élus.

* 29 Le grief est au contraire rejeté dans CAA Bordeaux 15 juin 2004, arrêt précité ; TA Versailles, 19 novembre 2012, jugement précité ; TA Strasbourg 6 mai 2013, n° 1105169 (rejet de la requête dirigée contre un refus de subvention au titre de la DETR).

* 30 Le taux de subvention (6,6 %) était certes plus bas que pour la DETR (31 %).

* 31 Compte rendu de la réunion du jeudi 7 juin 2018 de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cfiab/17-18/c1718113.asp .

* 32 Il s'agit de l'essentiel des recettes d'investissement (qui, au sens comptable, comprennent aussi diverses autres opérations d'ordre - sans encaissement ni décaissement - ainsi que le report des exercices antérieurs). Quant aux recettes réelles d'investissement, elles ne comprennent pas le virement de la section de fonctionnement correspondant à l'excédent de celle-ci (puisqu'il s'agit d'une opération d'ordre).

* 33 Le montant moyen par habitant de la dotation d'intercommunalité est de 20,05 euros pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle, de 24,48 euros pour les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique (voire de 34,06 euros pour celles qui bénéficient d'une « DGF bonifiée »), de 48,08 euros pour les communautés d'agglomération. Les communautés urbaines et métropoles bénéficient, quant à elles, d'un montant fixe de 60 euros par habitant, augmenté le cas échéant d'une garantie.

* 34 Dans l'ensemble, selon les chiffres avancés par le Gouvernement en audition, parmi les communautés de communes à fiscalité additionnelle, 171 verraient leur dotation augmenter, une seule la verrait baisser ; parmi les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, 667 verraient leur dotation augmenter, 76 la verraient baisser. Aucun chiffre n'a en revanche été communiqué à votre commission quant à l'impact du texte adopté à l'Assemblée nationale sur les communautés d'agglomération.

* 35 Ainsi que de la métropole de Lyon, de la collectivité de Corse et des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

* 36 Une fraction de cette seconde part serait cependant prélevée au profit des collectivités de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélémy, qui percevraient chacune, sans condition de potentiel fiscal, une fraction de cette seconde part égale au rapport, majoré de 10 %, entre leur population et la population nationale.

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