B. ... NE SAURAIT JUSTIFIER LA RÉDUCTION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR LES NOMINATIONS DES DIRIGEANTS DU GROUPE SNCF

La refonte globale de l'architecture du groupe entraîne de facto des changements en matière de gouvernance du groupe. Néanmoins, les projets de loi organique et ordinaire, loin de procéder à de simples coordinations, conduisent à soustraire au contrôle du Parlement des fonctions importantes sur lesquelles il exerçait jusqu'à présent et depuis 2010 un droit de regard .

1. Le contrôle du Parlement sur les nominations des dirigeants de la SNCF a été introduit dès 2010 et réaffirmé en 2014

La révision constitutionnelle de 2008 5 ( * ) a entendu renforcer le contrôle du Parlement sur les nominations du Président de la République. Le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution introduit par cette révision constitutionnelle, prévoit ainsi qu'une loi organique détermine les emplois ou fonctions pour lesquels, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation , le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

Ainsi, une telle nomination par le Président de la République ne peut avoir lieu si au moins 3/5 e des suffrages exprimés au sein des deux commissions compétentes s'y opposent.

54 fonctions sont actuellement soumises à cette procédure .

En 2010, le législateur organique a décidé de soumettre à cette procédure la fonction de président du conseil d'administration de Réseau ferré de France (RFF) - alors en partie responsable de la gestion de l'infrastructure 6 ( * ) - ainsi que celle de président du conseil d'administration de la SNCF.

En 2014, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, les députés avaient déposé une proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF 7 ( * ) qui visait à réaffirmer le contrôle parlementaire .

Comme le précisait son exposé des motifs : « Il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n'admettrait que la réforme soit l'occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie ».

Ce constat est toujours d'actualité , et d'autant plus dans la perspective d'ouverture à la concurrence .

Depuis 2014, trois fonctions sont ainsi soumises à la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, à savoir :

• la présidence du conseil de surveillance 8 ( * ) ;

• la présidence du directoire (qui emporte nomination en qualité de président du conseil d'administration de SNCF Mobilités 9 ( * ) ) ;

• la présidence déléguée du directoire (qui emporte nomination en qualité de président du conseil d'administration de SNCF Réseau 10 ( * ) ).

En application de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, la commission permanente pour ces trois auditions est la commission compétente en matière de transports.

Ainsi, les commissions de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et de l'Assemblée nationale ont entendu M. Jean-Pierre Farandou mercredi 2 octobre 2019 en tant que candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du directoire de la SNCF 11 ( * ) .

2. Les présents projets de loi privent le Parlement de ce droit de regard

Le projet de loi organique entend tirer les conséquences de la transformation du groupe prévue au 1 er janvier 2020 par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et précisée par l'ordonnance de juin 2019 relative à la gouvernance du groupe.

Il prévoit, s'agissant de la SNCF, de remplacer les trois auditions des dirigeants de la SNCF par une unique audition du directeur général de la société SNCF .

Si la récente réforme emporte nécessairement des modifications en matière de gouvernance, aucune raison valable ne justifie de restreindre ainsi le contrôle du Parlement sur les nominations des dirigeants du groupe SNCF , et en particulier sur les nominations des dirigeants du gestionnaire d'infrastructure.


* 5 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.

* 6 Loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire.

* 7 Loi organique n° 2014-871 du 4 août 2014 relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

* 8 Article L. 2102-8 du code des transports : le président du conseil de surveillance de la SNCF est nommé par décret, sur proposition du conseil de surveillance.

* 9 Article L. 2102-9 du code des transports.

* 10 Idem.

* 11 Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, 2 octobre 2019, audition de M. Jean-Pierre Farandou, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du directoire de la SNCF.

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