B. DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DES PERSONNES LES PLUS ÉLOIGNÉES DE L'EMPLOI QUI S'INSCRIRAIENT DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES PRÉCÉDENTES TOUT EN ÉTANT COMPLÉTÉS PAR LE PLAN DE RELANCE

1. Une parenthèse exceptionnelle s'agissant du recours aux contrats aidés
a) La poursuite de la politique menée depuis 2017

La politique menée depuis 2017 a marqué une rupture avec le recours aux contrats aidés comme outil de la politique de l'emploi, trop souvent utilisé dans le passé à des fins de traitement statistique du chômage.

Les contrats aidés s'inscrivent ainsi désormais dans des parcours emploi-compétences « PEC » associant mise en situation professionnelle, formation et accompagnement.

Le Gouvernement a par ailleurs souhaité recentrer le recours à cet outil sur les publics pour lesquels aucune autre solution n'apparaît plus pertinente.

Les contrats aidés dans le secteur marchand (CUI-CIE) avaient par ailleurs été abandonnés, sauf dans les départements d'outre-mer.

En ce qui concerne le programme 102, le PLF pour 2021 maintient ces orientations et prévoit, comme en 2020, de financer 100 000 nouvelles entrées en PEC, pour un montant de 217 millions d'euros, proche de celui de 2020 (204,5 millions d'euros).

Les contrats conclus dans le cadre des orientations du quinquennat précédent et de dispositifs non-reconduits (emplois d'avenir) sont désormais à peu près tous arrivés à échéance. Les crédits dédiés au financement du stock de contrats financent ainsi désormais essentiellement des PEC. Leur baisse serait donc moins marquée que les années précédentes.

Au total, les crédits dédiés au financement de contrats aidés au titre du programme 102 baisseraient de plus de 18 % en 2021.

Évolution des crédits dédiés au financement de contrats aidés

CP demandés

Évolution par rapport
à 2019

en millions d'euros

Dépenses liées
aux nouvelles entrées en PEC

217

+ 6,1 %

Dépenses liées aux contrats conclus antérieurement

CUI-CAE

152,1

+ 3,9 %

CUI-CIE

2,38

- 0,8 %

Emplois d'avenir

1,2

- 97,1 %

Total Stock

155,68

- 18,3 %

Total

372,68

- 5,7 %

Source : PAP, calculs du rapporteur

b) Le recours aux contrats aidés dans le cadre du plan de relance

Le plan de relance prévoit par ailleurs, au titre du plan « 1 jeune, 1 solution » de financer 60 000 PEC supplémentaires (239,6 millions d'euros) ainsi que 50 000 contrats initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand (172 millions d'euros) en faveur de jeunes de moins de 26 ans.

Si cette rupture avec la politique menée depuis 2017 peut se justifier par la situation économique, la fragmentation des crédits correspondants en deux programmes distincts nuit à la lisibilité d'ensemble du budget. Toutefois, le fait que les crédits supplémentaires soient présentés dans le plan de relance tend à laisser penser que le recours à cet outil demeurera exceptionnel, ce qui semble justifié au vu de l'inefficience des contrats aidés comme outil de lutte contre le chômage au-delà du court terme.

2. Une progression bienvenue des crédits de l'IAE
a) La poursuite de la montée en charge du soutien à l'IAE

Le PLF confirme également les orientations des années précédentes en matière d'insertion par l'activité économique (IAE), qui constitue un élément central de la stratégie du Gouvernement dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Les crédits correspondant progresseraient de 144 millions d'euros en 2021 après une hausse de 110 millions d'euros en 2020. Ils s'établiraient ainsi à 1,15 milliard d'euros et permettraient de financer 104 500 ETP (soit environ 20 000 de plus que la programmation 2020).

Cette évolution est cohérente avec le pacte d'ambition pour le secteur de l'IAE et s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui vise à permettre d'augmenter le nombre de personnes bénéficiant d'un dispositif d'IAE de 140 000 à 240 000 sur la durée du quinquennat.

Crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique

Effectifs

(2020)

Montant de l'aide au poste

(2020)

Crédits demandés

(2020)

Évolution des crédits par rapport à 2020

Associations intermédiaires

20 500

(17 500)

1 393,€

(1 390,50)

29,97 M€

(25,55)

+ 17 %

Ateliers et chantiers d'insertion

35 800

(32 000)

20 582,€

(20 541)

773,68 M€

(690,19)

+ 12 %

Entreprises d'insertion

18 000

(16 000)

10 719,€

(10 699)

202,6 M€

(179,73)

+ 13 %

Entreprises de travail temporaire d'insertion

16 000

(13 000)

4 784,€

(4 093)

68,9 M€

(55,86)

+ 23 %

Entreprises d'insertion par le travail indépendant

1 500

(500)

5 653,€

(5 573)

8,48 M€

(2,82)

+ 201 %

Total

91 800

(79 000)

1 083,63 M€

(954,15)

+ 14 %

Les crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique visent par ailleurs à permettre le financement du déploiement de modèles innovants.

Les contrats de professionnalisation inclusion bénéficieraient ainsi à 2 000 personnes (1 500 en 2020), pour un coût de 8 millions d'euros (6 millions d'euros en 2020).

Le PLF pour 2020 prévoyait en outre des crédits au titre d'outils qui n'ont finalement pas été mis en oeuvre en 2020 : le CDI inclusion senior et les contrats passerelle. Ces mesures sont finalement prévues par la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (PPL IAE) 3 ( * ) . En 2021, 8,9 millions d'euros sont prévus au titre du CDI inclusion mais aucune dépense n'est budgétée au titre des contrats passerelle.

Par ailleurs, 10 millions d'euros seraient consacrés à l'aide à la création d'entreprise au sein des QPV, qui complèteront des financements du plan d'investissement dans les compétences et des financements du plan de relance.

Le fonds départemental de l'insertion par l'activité économique, destiné à soutenir et à développer les SIAE, serait doté de 24 millions d'euros, soit un niveau proche de celui de 2020 (23,9 millions d'euros), qui marquait une progression de 25 % par rapport à 2019.

Source : Documents budgétaires, calculs du rapporteur
Hors compensation des exonérations de cotisations

Cette progression des crédits dédiés au secteur de l'IAE, en cohérence avec la politique suivie depuis plusieurs années, ne peut être que saluée.

b) Les crédits complémentaires prévus au titre du plan de relance

Par ailleurs, le plan de relance prévoit 42 millions d'euros supplémentaires afin de permettre l'embauche de 35 000 jeunes au sein de structures d'IAE.

Si le rapporteur approuve cet effort supplémentaire en faveur de l'IAE, il déplore une nouvelle fois le choix fait par le Gouvernement de faire figurer ces crédits dans un programme distinct.

En effet, les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de l'IAE ne résultent pas de la crise sanitaire. On comprend donc mal ce qui justifie que ces crédits supplémentaires, qui sont par ailleurs bienvenus, soit portés par le plan de relance.

3. Des crédits en faveur des entreprises adaptées qui progresseraient

L'effort en faveur de l'emploi au sein des entreprises adaptées s'inscrit dans la même logique. Les crédits demandés (425,4 millions d'euros) progresseraient ainsi de 18 millions d'euros et permettraient de financer, compte tenu de l'apport des autres financeurs de la politique du handicap, 34 786 ETP contre 33 486 en 2020.

4. Un effort spécifique en faveur des jeunes essentiellement porté par le plan de relance

Les crédits en faveur de l'emploi des jeunes au titre de l'action 2 du programme 102 comprennent les sommes versées aux missions locales au titre des conventions pluriannuelles d'objectifs (211,83 millions d'euros) et aux écoles de la deuxième chance (E2C, 24 millions d'euros). Ces montants sont à peu près stables par rapport à 2020.

L'action finance par ailleurs les deux-tiers des coûts de fonctionnement de l'établissement public d'insertion de la défense (Epide), soit 61,8 millions d'euros (contre 56 millions d'euros en 2020), le tiers restant étant financé par le ministère de la cohésion sociale.

Cette présentation ne tient pas compte des crédits dédiés à la Garantie jeune, inscrite dans le plan d'investissement dans les compétences (PIC) ni des crédits prévus au titre du plan de relance.

Les dispositifs en faveur des jeunes dans le cadre du plan de relance

L'action 2 du programme 364 du plan de relance, dotée de 4,2 milliards d'euros, prévoit un certain nombre de dispositifs en faveur des jeunes, qui complètent les crédits de la mission Travail et emploi mais également ceux de la mission Recherche et enseignement supérieur et ceux de la mission Enseignement scolaire.

Parmi les principaux dispositifs, on peut relever :

- l'aide à l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans entre le 1 er août 2020 et le 31 janvier 2021, dont le coût total est estimé à 1,1 milliard d'euros dont 900 millions d'euros en 2021 ;

- la prime exceptionnelle à l'apprentissage, qui se substitue à l'aide unique pour les contrats d'apprentissage conclus entre le 1 er juillet 2020 et le 28 février 2021, dont le coût en 2021 est estimé à 801 millions d'euros. Une aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation pour les moins de 30 ans est prévue dans les mêmes conditions et représenterait en 2021 un coût de 640 millions d'euros ;

- les « emplois francs + », qui représenterait une dépense de 3,8  millions d'euros en 2021 ;

- la création de 60 000 PEC et 50 000 CIE en faveur de jeunes, pour une dépense totale de 411,6 millions d'euros en 2021 ;

- le financement de 80 000 places de plus en Pacea et 50 000 places supplémentaires en Garantie jeunes, pour une dépense de 217 millions d'euros en 2021 ;

- le financement de 35 000 places d'IAE fléchées vers des jeunes (47 millions d'euros) ;

- le renforcement de l'AIJ (69 millions d'euros) ;

- le financement de 115 000 formations en faveur des jeunes dans le cadre du PIC, dont 15 000 dans le domaine du numérique (192,5 millions d'euros).

Si certains dispositifs ne sauraient être qu'exceptionnels, comme les aides à l'embauche ou le recours aux contrats aidés, d'autres relèvent de l'extension de dispositifs pérennes et habituellement financés au titre de la mission Travail et emploi. Leur financement par le plan de relance permet au Gouvernement d'afficher un effort plus important au titre de la réponse à la crise au détriment de la lisibilité par le Parlement des moyens alloués à la politique de l'emploi.

5. Une poursuite et une extension de l'expérimentation territoriale « zéro chômeur de longue durée » qui s'accompagne d'une révision à la baisse de ses ambitions
a) L'absence de validation de l'hypothèse de neutralité financière

La proposition de loi IAE prévoit la poursuite pour cinq années supplémentaires et l'extension de l'expérimentation territoriale « zéro chômeur de longue durée » menée depuis 2016 dans 10 territoires.

Cette expérimentation consiste à permettre l'embauche en contrats à durée indéterminée de personnes privées d'emploi stable depuis plus d'un an par des entreprises à but d'emploi (EBE) pour des activités n'entrant pas en concurrence avec celles qui existent déjà sur le territoire. Le nombre de personnes pouvant être embauchées par une EBE n'est pas limité, l'expérimentation se fixant pour objectif d'atteindre l'exhaustivité des personnes durablement privées d'emploi sur le territoire.

L'État finance actuellement les emplois créés par les EBE à hauteur de 95 % du SMIC, soit un niveau nettement plus important que celui de l'aide au poste au sein des SIAE.

L'expérimentation n'a à ce stade pas permis de vérifier l'hypothèse de neutralité pour les finances publiques sur la base de laquelle elle a été élaborée. En effet, selon les analyses de la Dares reprises par les rapports d'évaluation du comité scientifique de l'évaluation 4 ( * ) et de la mission conjointe Igas-IGF 5 ( * ) , le coût net de chaque emploi créé par une EBE serait en moyenne de 25 000 euros. Rien n'indique à ce stade que ce coût baisserait de manière substantielle sur le long terme.

b) Les difficultés de montée en charge

Le développement de l'expérimentation fait face à un certain nombre de difficultés qui n'avaient pas été anticipées et le nombre de personnes embauchées est nettement inférieur aux prévisions.

Le PAP pour 2017 estimait que l'expérimentation pourrait permettre la création de 2 000 emplois avant la fin de l'année 2018, signe d'une ambition sans doute exagérée. Même si cet objectif a par la suite été revu à la baisse, le nombre d'emplois créés grâce à cette expérimentation est chaque année nettement inférieur aux prévisions.

Ainsi, alors que le PAP pour 2020 prévoyait la création de 1 750 emplois, les données communiquées au rapporteur par la DGEFP le 17 novembre 2020 faisaient état de 772 personnes embauchées, pour 691 ETP.

Enfin, d'un point de vue qualitatif, la nature des emplois créés et l'absence de perspective d'insertion dans l'emploi non-subventionné des personnes embauchées interroge quant à sa philosophie même.

Le rapporteur espère que la poursuite et l'élargissement de l'expérimentation à de nouveaux territoire permettra d'analyser avec la rigueur nécessaire son efficience, notamment par rapport aux autres dispositifs d'insertion par l'activité économique.

c) La révision à la baisse des objectifs, qui apparaissent toujours optimistes

Le PAP pour 2021 tient compte des résultats nettement inférieurs aux attentes observés en 2020 et abaisse à 1 519 l'objectif de création d'emplois malgré l'extension à de nouveaux territoires. Atteindre cet objectif supposerait néanmoins de doubler les résultats obtenus depuis 2016, alors que l'habilitation de nouveaux territoires ne devrait intervenir qu'à compter du second semestre 2021.

Les crédits correspondant s'élèveraient à 22,61 millions d'euros, soit un niveau moindre qu'en LFI pour 2020, mais supérieur à la consommation prévue pour 2021. Un amendement de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances, adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du Gouvernement, a prévu le transfert de 6 millions d'euros du programme 103 vers le programme 102, afin d'accorder à l'expérimentation un niveau de crédits correspondant à celui qui avait été voté pour 2020. Cela semble manifestement disproportionné compte tenu de la révision à la baisse des objectifs fixés.

Source : Documents budgétaires

NB : le PAP pour 2017 fixait une cible de 2 000 ETP recrutés à fin 2018.


* 3 Cette proposition de loi, qui a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 28 octobre 2020, a été adoptée définitivement par le Sénat le 4 novembre 2020 et doit l'être prochainement par l'Assemblée nationale.

* 4 Igas et IGF Évaluation économique de l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD), octobre 2019.

* 5 Rapport intermédiaire du comité scientifique d'évaluation présenté le 25 novembre 2019.

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