D. L'EXTENSION DE LA LISTE DES DÉLITS ENTRAINANT LA SUSPENSION DES AVANTAGES FISCAUX DONT BÉNÉFICIENT LES ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF EN CAS DE CONDAMNATION PÉNALE (ARTICLE 12)

1. Une suspension automatique des avantages fiscaux prévue en cas de condamnation pour délits d'abus de confiance ou escroquerie

Aux termes du II de l'article 1378 octies du code général des impôts, les organismes sans but lucratif 26 ( * ) peuvent faire l'objet d'une suspension des avantages fiscaux en conséquence d'une condamnation définitive pour escroquerie ou abus de confiance, en application des dispositions des articles 313-2 (abus de confiance) et 314-1 (escroquerie) du code pénal . Cette suspension des avantages fiscaux est prévue par la loi : elle prend effet sans nécessiter aucun acte administratif complémentaire à la condamnation.

En pratique, cette suspension des avantages fiscaux s'applique au régime du mécénat (voir supra ). Elle n'intervient qu'en cas de condamnation pénale définitive de la personne morale elle-même, et non en cas de condamnation de ses membres ou dirigeants.

Lorsqu'un organisme est définitivement condamné pour escroquerie ou abus de confiance, les dons effectués à compter du quinzième jour qui suit sa condamnation définitive n'ouvrent pas droit à un avantage fiscal pendant une période d'au moins trois ans. À l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la condamnation définitive de l'organisme, celui-ci est tenu d'informer les donateurs dans tous les documents destinés à solliciter des dons, legs, versements et cotisations qu'aucun avantage fiscal ne peut plus être appliqué. Tout manquement à cette obligation d'information est passible d'une amende égale à 25 % du montant des dons irrégulièrement reçus.

À l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la condamnation définitive de l'organisme, ce dernier peut solliciter le rétablissement des avantages fiscaux auprès du ministre chargé du budget. La décision de rétablissement des avantages fiscaux ne peut intervenir qu'après un avis conforme de la Cour des comptes, qui doit être rendu dans un délai de six mois à compter de la saisine du ministre du budget. Le défaut de réponse dans ce délai vaut avis favorable.

Aux termes du I de l'article 1378 octies, la suspension des avantages fiscaux peut également intervenir sur décision du ministre du budget, en cas :

- de contrôle effectué par la Cour des comptes en application de l'article L. 111-9 du code des juridictions financières , au titre de la vérification du « compte d'emploi des ressources collectées auprès du public par les organismes faisant un appel public à la générosité, afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par un appel public à la générosité. » Aux termes de l'article L. 143-2 du code des juridictions financières, lorsque « la Cour des comptes atteste, à l'issue du contrôle [...], de la non-conformité des dépenses engagées aux objectifs poursuivis par l'appel public à la générosité ou de la non-conformité des dépenses financées par les dons ouvrant droit à un avantage fiscal aux objectifs de l'organisme, elle assortit son rapport d'une déclaration explicite en ce sens [transmise au ministre du budget] » ;

- de refus par le commissaire aux comptes de l'organisme de certifier ses comptes .

2. L'élargissement de la liste des infractions susceptibles d'entraîner la suspension des avantages fiscaux

Le I du présent article modifie le II de l'article 1378 octies du code général des impôts en vue d'élargir la liste des infractions susceptibles d'entraîner la suspension des avantages fiscaux au titre des dons, versements et legs pour une durée de trois ans.

Les nouvelles infractions concernées comprennent à la fois des infractions faisant peser une menace grave sur la société et des infractions de nature économique :

- les actes de terrorisme, sur le fondement des articles 421-1 et suivants du code pénal, ce qui inclut les atteintes à la vie humaine, les actes d'intimidation, l'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes, le financement du terrorisme et l'apologie du terrorisme ;

- le blanchiment d'argent, sur le fondement de l'article 324-1 du code pénal ;

- le recel, sur le fondement de l'article 321-1 du code pénal.

Les ajouts proposés concernent aussi deux nouvelles infractions créées par le projet de loi lui-même :

- l'usage de menaces, de violences ou de tout autre acte d'intimidation à l'égard d'un agent public ou de toute autre personne chargée d'une mission de service public, afin de bénéficier d'une exemption totale ou partielle ou d'une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service, délit qu'il est proposé de créer sur le fondement du nouvel article 433-3-1 du code pénal introduit par
l'article 4 du présent projet de loi ;

- l'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle, sur le fondement du nouvel article 223-1-1 du code pénal créé par l'article 18 du présent projet de loi.

3. La modification adoptée par l'Assemblée nationale : une extension de la suspension des avantages fiscaux en cas de condamnation au délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, un amendement de Marie-Pierre Rixain ajoutant le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, prévu à l'article L. 2223?2 du code de la santé publique à la liste des infractions susceptibles d'entraîner une suspension des avantages fiscaux dont bénéficient les organismes sans but lucratif.

La liste des infractions susceptibles d'entrainer la suspension des avantages fiscaux prévue par le texte initial de l'article 12 ne comprend que des manquements de nature économique (blanchiment d'argent, recel...) ou faisant peser une menace grave sur la société (terrorisme, apologie du terrorisme, etc). Le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse n'entre dans aucune de ces deux catégories et contrevient à la cohérence du dispositif.

Par ailleurs, la condamnation doit concerner la personne morale et non les dirigeants de l'organisme. Les organismes sans but lucratif dont l'objet est de contester le droit à l'avortement et qui se rendraient coupables du délit réprimé par l'article L. 2223-2 du code de la santé publique ne sont de toute manière pas éligibles au régime fiscal du mécénat puisque leur activité ne répond à aucune des finalités prévues par la loi. La présence de cette infraction dans cette liste n'est donc pas utile.

La commission des finances a donc adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, un amendement COM-408 visant à revenir sur cet ajout.

4. De nouvelles suspensions automatiques de l'avantage fiscal dont l'effectivité devrait rester limitée

En l'état actuel du droit, la suspension des avantages fiscaux accordés aux contribuables versant des dons à des organismes sans but lucratif définitivement condamnés n'est prévue qu'en cas de condamnation pour abus de confiance ou escroquerie. Ces infractions sont en effet incompatibles avec l'appel public à la générosité, qui suppose la confiance des donateurs et mécènes dans le fait que leurs dons seront utilisés conformément aux finalités affichées par l'organisme. Le rapporteur pour avis ne s'oppose pas à l'extension de cette suspension aux infractions graves, tenant à la menace qu'elles font peser sur la société ou de nature économique, qui apparaissent incompatibles avec le maintien d'avantages fiscaux octroyés par l'État.

L'effectivité du présent article devrait toutefois rester limitée. Comme le relève l'étude d'impact, l'article 1378 octies du code général des impôts est vraisemblablement peu connu. Même si la mesure ne nécessite pas une décision administrative, l'effectivité de cette suspension des aides fiscales de l'État en cas de condamnation passe par une information adéquate des magistrats et de l'administration fiscale.

L'étude d'impact indique, à cet égard, qu' « une coordination entre ministère de la justice et des finances sera à mettre en place à la faveur de l'adoption de la présente loi », sans en préciser les contours. Les montants en jeu devraient rester limités, puisque le Gouvernement indique que le nombre de condamnations pour l'ensemble des crimes et délits qui seront mentionnés à l'article 1378 octies est inférieur à 100 chaque année. Au vu du faible enjeu et de la rareté des condamnations, la mise en place d'une coordination efficace apparaît peu probable.


* 26 L'article 1378 octies code général des impôts fait référence aux organismes visés à l'article 3 de la loi n°91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant un appel public à la générosité.

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