II. LA POSITION DE LA COMMISSION : FAIRE FACE AUX ENJEUX CONNUS EN MATIÈRE DE RENSEIGNEMENT ET SÉCURISER JURIDIQUEMENT LES DISPOSITIFS PROPOSÉS

A. UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES GARANTIES NÉCESSAIRES AU FONCTIONNEMENT DU RÉGIME LÉGAL DU RENSEIGNEMENT

1. Alerter sur la nécessité de réformer le cadre des échanges entre services français et étrangers sans attendre une éventuelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme

La commission déplore l'absence dans le projet de loi de mesure prévoyant la mise en conformité du cadre des échanges d'informations entre les services de renseignement français et étrangers. Les insuffisances du cadre actuel au regard des exigences découlant du respect de la Convention européenne des droits de l'homme sont connues depuis plusieurs années et la délégation parlementaire au renseignement a déploré la volonté de ne s'engager dans la mise en conformité du droit français que le plus tard possible, le cas échéant après une éventuelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme.

La commission relève que cette mise en conformité a déjà été conduite par le Royaume-Uni sans entraver l'action de ses services de renseignement. Si, désireuse qu'une solution proportionnée et acceptable par tous puisse être trouvée, la commission, suivant la position du rapporteur, n'a pas souhaité proposer à ce stade de réforme du cadre légal, elle souhaite souligner qu'à défaut d'une initiative gouvernementale, un texte d'origine parlementaire deviendra nécessaire à brève échéance.

2. Maintenir l'équilibre entre les développements des moyens accordés aux services et ceux du contrôle

La commission a également souhaité que les prérogatives accordées aux services et l'évolution de leurs pratiques trouvent leur pendant nécessaire dans le renforcement des pouvoirs de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) et de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La commission des lois a accompagné, avec responsabilité, le développement des moyens techniques et légaux accordés aux services. Mais elle tient à rappeler que l'équilibre du dispositif et sa conformité au cadre tant constitutionnel qu'européen repose sur le développement parallèle des capacités de contrôle effectives. Ces mécanismes de contrôle reposent sur une délégation parlementaire commune aux deux assemblées, chargée de l'ensemble des questions relatives au renseignement, ainsi que sur la CNCTR, clef de voûte non seulement du contrôle des techniques du renseignement, mais également, depuis la loi du 30 juin 2021, de celui des échanges entre services.

À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté quatre amendements COM-127, COM-128, COM-129 et COM-141 poursuivant les objectifs suivants :

- garantir, conformément à l'intention initiale de la loi du 30 juin 2021, que lorsque des sujets d'actualité concernant une action des services de renseignement revendiquée par le gouvernement font l'objet d'une publicité, ceux-ci pourront faire l'objet d'un suivi par la DPR ;

- renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR en prévoyant la présentation à la délégation d'un bilan annuel des recommandations de la commission et son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d'alerte ;

- permettre l'accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en oeuvre des techniques les plus intrusives afin de renforcer le contrôle du respect des autorisations accordées et la destruction des données ;

- supprimer, suivant la position constante du Sénat, la mention de la création d'une délégation au renseignement économique, qui aboutirait à un émiettement du contrôle en décalage avec les enjeux de la souveraineté nationale.

La commission a également adopté les amendements COM-134, COM-136 et COM-139 tendant à ce que la CNCTR puisse donner un avis avant la prise des décrets renforçant les pouvoirs de l'ANSSI. En effet, si l'ANSSI n'est pas un service de renseignement, ses liens avec ceux-ci sont étroits et la nature de son intervention appelle le regard particulièrement informé de la CNCTR sur les pratiques de ces services.

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