II. UN APPUI INSUFFISANT AU « SPORT POUR TOUS » DANS UN CONTEXTE DE QUESTIONNEMENT SUR LA GOUVERNANCE

A. UNE REMISE EN CAUSE DES PRINCIPAUX AXES DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES SPORTIVES

1. La fin des plans d'équipements

Pour mémoire, les crédits du programme 219 ont augmenté significativement à compter de 2022 pour financer deux plans successifs en faveur des équipements. Le premier plan, doté de 200 M€, a permis de financer 5 300 équipements en 2022 et 2023. Puis le plan « Génération 2024 » a été doté de 100 M€ en 2024 (AE=CP) et de 100 M€, mais en AE uniquement, en 2025. Or, ce plan devait s'élever, au départ, à 300 M€. Ce plan est clôturé en 2026, le gouvernement indiquant que la couverture des restes à payer sera autofinancée par l'ANS.

Le plan « Génération 2024 » devait financer 5 000 équipements dont 3 000 terrains de proximité, 1 500 « cours d'école actives et sportives » et 500 équipements structurants. Les objectifs quantitatifs ont été atteints, avec plus de 5 000 équipements financés, mais à un coût bien moindre que celui prévu au départ, de l'ordre de 160 M€, au lieu des 300 M€ promis au départ.

L'existence d'infrastructures sportives est un préalable indispensable au développement des pratiques. 75 % des équipements sportifs ont plus de 20 ans. La demande est en augmentation, les 120 fédérations agréées par le ministère chargé des sports ayant délivré 17,2 millions de licences annuelles en 2024, soit une augmentation notable de 3,8 % sur un an.

La politique en faveur des équipements se concentre, à ce jour, sur l'ouverture aux clubs des équipements situés dans les établissements scolaires. La loi du 2 mars 2022 a établi que tout nouvel équipement sportif scolaire devait disposer d'un accès indépendant, afin d'en faciliter l'ouverture hors temps scolaire (article L. 212-4 du code de l'éducation). L'expérimentation menée cette année dans cinq régions a montré que, dans la région test de Nouvelle-Aquitaine, 61 % des 512 établissements interrogés disposent d'au moins un équipement sportif et 80 % de ces équipements disposent de créneaux non utilisés. Une circulaire du 8 septembre 2025 demande aux préfets et aux recteurs de régions académiques d'engager une consultation des collectivités locales pour faire avancer la mutualisation. L'objectif est d'ouvrir 100 % des équipements situés dans les établissements scolaires et d'enseignement supérieur à la fin de l'année scolaire 20262027 (et 60 % à la fin de l'année scolaire 2025-2026). Les principaux freins identifiés sont relatifs à la sécurité, à l'entretien des locaux et au partage des coûts.

Si les plans en faveur des équipements sont abandonnés, un effort supplémentaire est néanmoins réalisé, en 2026, pour le développement d'équipements de haut niveau (+ 10 M€ en AE et + 3 M€ en CP) et d'actions innovantes (+ 10 M€ en AE et + 3 M€ en CP) dans le cadre de l'enveloppe attribuée à l'ANS.

Le rapporteur estime que, si la politique de mutualisation des équipements est utile, elle ne sera pas suffisante. Une politique nationale de maillage du territoire en équipements structurants rénovés est nécessaire. Les piscines constituent, en particulier, une réelle urgence. L'enjeu n'est évidemment pas que sportif mais aussi social et de santé publique.

2. Des politiques en faveur de la pratique des jeunes sacrifiées

Créé à la rentrée 2021-2022, le Pass'Sport était une « allocation de rentrée sportive » de 50 euros par enfant, dont le montant pouvait être complété par les collectivités locales, destiné à financer une inscription dans une association sportive. À sa création, il était indiqué que 5,4 millions d'enfants y seraient éligibles. En 2024, ce sont 1,6 million de jeunes qui en ont bénéficié.

À la rentrée scolaire 2025-2026, le Pass'Sport a été modifié dans deux directions6(*) :

- d'une part, son montant a été revalorisé à 70 euros par enfant ;

- d'autre part, il est désormais réservé :

o aux jeunes âgés de 14 à 17 ans qui bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire ;

o aux enfants et jeunes de 16 à 19 ans dont la famille perçoit l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

o aux jeunes de 16 à 30 ans bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés ;

o aux étudiants boursiers de moins de 28 ans bénéficiaires d'une aide annuelle du CROUS.

Le ministère des sports justifie le recentrage du dispositif sur les publics plus âgés au motif que la pratique sportive des jeunes connaît un recul marqué après 13 ans. Le rapporteur regrette toutefois que ce recentrage n'est pas fait préalablement l'objet d'une étude d'impact. Plusieurs fédérations ont constaté une diminution de la pratique des 6-13 ans suite à cette mesure. La Fédération française d'athlétisme indique par exemple que la diminution du nombre de licenciés est de 8 % sur les catégories 6-13 ans. L'effet de ce recentrage est particulièrement préjudiciable dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La tranche d'âge 6-13 ans est celle au cours de laquelle il faut ancrer la pratique sportive.

Le rapporteur regrette que le Pass'Sport ait été recentré de façon hasardeuse pour des raisons purement budgétaires, avec des conséquences mal maîtrisées étant donné les nombreuses externalités positives de cette politique d'incitation à la pratique sportive des jeunes.

Parallèlement, l'État a également revu le dispositif des « deux heures de sport supplémentaires au collège », introduit en 2023. Celui-ci est désormais recentré sur environ 1 000 collèges des zones prioritaires (REP / REP+), afin d'y permettre un accueil élargi de 8 heures à 18 heures. Le rapporteur regrette là aussi ce recul par rapport aux ambitions initiales.

L'État se désengage ainsi de plusieurs politiques sportives, pour un bénéfice immédiat en termes budgétaires, mais au prix d'un coût social et de santé mal maîtrisé. La « grande cause nationale » de l'année 2024 paraît bel et bien sacrifiée.


* 6 Décret n° 2025-630 du 8 juillet 2025 relatif au « Pass'Sport » 2025.

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