Avis n° 78 (1995-1996) de M. Ambroise DUPONT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 29 novembre 1995

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995 ;

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III ENVIRONNEMENT

Par M. Ambroise DUPONT, Sénateur.

Voir les numéros : Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et TA. 413. Sénat : 76 et 77 (annexe n°19) (1995-1996).

Lois de finances.

(1) Cette commission est composée de MM Adrien Gouteyron , président; Pierre Laffitte,Albert Vecten, Jean Delaneau, Jean-Louis Carrère, vice-présidents; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Ivan Renar, secrétaires ; François Autain, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, James Bordas, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Philippe Darniche, Marcel Daunay, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Jean-Paul Hugot, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Matthieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio,MichelPelchat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Mme Danièle Pourtaud. MM.Roger Quilliot,Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Videl, Henri Weber.

Mesdames, Messieurs,

Après plusieurs années d'augmentation constante, le budget du ministère de l'environnement ne pouvait échapper aux rigueurs de l'assainissement des finances publiques : ses dotations stagneront en 1996. Auditionné par votre commission des affaires culturelles, le ministre de l'environnement en est convenu, mettant en avant le caractère « civique » de son budget de 1996. Il faut reconnaître que les priorités retenues par Mme Corinne Lepage répondent à cette définition.

La poursuite active, en particulier, de la mise en oeuvre du plan décennal relatif à la prévention des risques majeurs, et du plan « Loire grandeur nature » initié à la fin de 1994 par M. Michel Barnier, satisfont la conception que votre commission se fait des objectifs de la politique de l'environnement.

La mise en oeuvre du plan Loire, à laquelle votre rapporteur a consacré son rapport pour avis, apparaît spécialement comme une manifestation éclairante, et largement satisfaisante dans son déroulement, de la conciliation qu'il est généralement possible d'opérer et toujours nécessaire de rechercher, entre les deux impératifs trop souvent présentés comme contradictoires, du développement économique et du respect du milieu naturel.

PREMIÈRE PARTIE - LE PROJET DE BUDGET POUR 1996

I. L'ÉVOLUTION DES DOTATIONS

Le projet de budget du ministère de l'environnement s'établit en crédits de paiement, à 1.751,32 millions de francs. Comparé à la loi de finances initiale, il connaît une baisse de 0,3 %. Par rapport à la loi de finances rectificative du 4 août 1995, il progresse cependant de 0,7 %.

En raison d'une diminution de 12,4% des autorisations de programme, d'un montant total de 788 millions de francs, on constate, en termes de moyens d'engagement (dépenses ordinaires et autorisations de programme) une diminution de 5,2 % par rapport au budget voté pour 1995.

Les priorités retenues sont au nombre de quatre :

- la poursuite des programmes décennaux qui visent à prévenir les risques, notamment les risques d'inondations ;

- l'amélioration de la recherche dans les différents domaines de l'environnement, pour mettre en oeuvre une politique scientifique mieux fondée ;

- la protection de la nature, préoccupation constante face aux engagements internationaux de la France et à la demande sociale croissante ;

- la réforme de l'État grâce au meilleur usage des effectifs et des moyens alloués, et le développement de la concertation avec les citoyens.

Le tableau suivant montre la traduction de ces orientations dans l'évolution des dotations regroupées par agrégats.

On notera, en particulier, que la progression des crédits dans le domaine de l'eau permettra la mise en oeuvre du plan décennal relatif à la prévention des risques majeurs ainsi que du plan « Loire grandeur nature ». Ainsi sera poursuivi le programme lancé pour améliorer la cartographie des risques, moderniser les réseaux d'annonce des crues, renforcer l'entretien des cours d'eau et effectuer des travaux de prévention des inondations.

L'effort financier en faveur de la recherche est également significatif. Votre rapporteur, qui avait à plusieurs reprises regretté, les années passées, le sacrifice des crédits de recherche au sein du budget du ministère de l'environnement, ne peut que s'en réjouir.

Si les crédits de connaissance de l'environnement et de coopération internationale baissent fortement (-21,8 %), il faut observer que ces dotations financent essentiellement la politique d'information générale du ministère, ainsi que ses activités internationales dans le cadre, notamment du Fonds d'intervention pour la qualité de la vie (FIQV).

Leur diminution, que devrait compenser un sérieux effort de rationalisation des actions financières, ne porte pas atteinte à la politique de recherche en matière d'environnement.

L'augmentation des crédits consacrée à la protection de la nature est limitée. Pourtant, l'année 1996 verra le début de la mise en place du parc national de la forêt guyanaise qui permettra à la France de tenir ses engagements internationaux en faveur de la protection de la forêt tropicale. La superficie retenue, environ 2 millions d'hectares, les caractéristiques et les contraintes du milieu, ainsi que les composantes de sa population feront de ce parc le « laboratoire » d'un nouveau mode de fonctionnement des parcs.

Les crédits inscrits permettront le recrutement de 9 agents ainsi que les premiers investissements nécessaires à son fonctionnement. En revanche, les dotations des parcs naturels régionaux et des réserves naturelles seront maintenues à leur niveau de 1995.

Enfin, l'évolution des crédits de fonctionnement destinés à l'administration générale devrait permettre de poursuivre l'effort de renforcement des services déconcentrés (directions régionales de l'environnement, DIREN) entrepris les années précédentes.

II. LA MODIFICATION DES CRÉDITS DE L'ENVIRONNEMENT EN PREMIÈRE LECTURE

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture du projet de loi de finances des minorations de crédits compensées en seconde délibération par l'adoption de crédits non reconductibles.

A. MINORATIONS DE CRÉDITS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Ces minorations portent sur le titre VI, article 67-20 « Protection de la nature et de l'environnement-Subventions d'équipement ». Elles portent sur un montant limité de 2 millions de francs en crédits de paiement et 5,5 millions de francs en autorisations de programme, réparti comme suit :

.-0,5 million de francs en crédits de paiement et -1,5 million de francs en autorisations de programme sur les actions de gestion des eaux et des milieux aquatiques (opérations d'assainissement) ;

.-0,5 million de francs en crédits de paiement et -1,5 million de francs en autorisations de programme sur les subventions d'investissement à l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de 1'énergie) ;

.-0,5 million de francs en crédits de paiement et -1,5 million de francs en autorisations de programme sur les actions de gestion de l'espace et d'évaluation environnementale ;

.-0,5 million de francs en crédits de paiement et -1,5 million de francs en autorisations de programme sur la subvention d'équipement au Fonds de la recherche scientifique et technologique.

B. MAJORATIONS DE CRÉDITS À TITRE NON RECONDUCTIBLE

Ces majorations, effectuées en seconde délibération, représentent 5,485 millions de francs en crédits de paiement et 4,985 millions de francs en autorisations de programme répartis comme suit :

ï + 0,5 million de francs sur le chapitre 44-10, article 20 « Protection de la nature et des paysages » ;

ï + 0,5 million de francs en autorisations de programme et crédits de paiement sur le chapitre 57-50, article 20 « Études concernant la protection de la nature » ;

ï + 4,485 millions de francs en autorisations de programme et crédits de paiement sur le chapitre 67-20 « Protection de la nature et de l'environnement-Subventions d'équipement ».

En fin de compte, les modifications apportées par l'Assemblée nationale au projet de budget de l'environnement aboutissent à une légère augmentation des crédits de paiement (+ 0,2 % soit 3,485 millions de francs) et à une diminution plus légère encore des autorisations de programme (-0,06%, soit 0,515 millions de francs). Cependant, le caractère non reconductible des majorations de crédits impliquera de la part de votre commission une grande vigilance sur l'évolution du budget de l'environnement, lors de l'examen du projet de budget pour 1997.

DEUXIÈME PARTIE - LE PLAN « LOIRE GRANDEUR NATURE » DU 4 JANVIER 1994

I. L'OPTION BÉTON

Restée largement à l'écart de la révolution industrielle, la Loire souffrait d'un complexe d'abandon. Le rattrapage entrepris dans les années 1980 afin de donner au fleuve, en fonction de quelques objectifs simples, une cohérence peu sensible à l'infinie diversité des milieux vivant du fleuve et sur le fleuve, devait plier une nature relativement intacte à la logique de l'homme aménageur. Cette entreprise prométhéenne fut directement à l'origine du Plan « Loire grandeur nature » qui allait en atténuer les excès.

A. UN MILIEU PARADOXAL

1. Les Loires

Entre le mont Gerbier-de-Jonc et l'estuaire, la Loire déroule 1.010 km de milieux divers. On peut distinguer, très schématiquement la Loire montagnarde, la Loire moyenne et la Loire océane, entre lesquelles le fleuve n'établit de continuité que géographique et écologique.

Il est intéressant d'introduire le présent rapport par un bref rappel de cette hétérogénéité derrière laquelle se profile un peu vaguement une « âme ligérienne » à l'affirmation de laquelle votre rapporteur fera néanmoins appel en conclusion du même rapport.

a) La Loire montagnarde

La Loire montagnarde, c'est la haute Loire, mais aussi le haut Allier, pays de vastes plateaux entrecoupés de gorges, territoire enclavé que seul le tourisme pourrait, semble-t-il, relever de la déshérence de son agriculture, et l'Allier offre à cet égard, on le verra par la suite, un précieux potentiel que le Plan Loire pourrait contribuer à mettre en valeur.

En haute Loire le fleuve parcourt aussi des gorges que séparent de petits bassins fortement urbanisés en comparaison des massifs volcaniques et des pâturages avoisinants. Le plus connu est celui du Puy-en-Velay que la Loire a sinistré, un dimanche de septembre 1980 provoquant un enchaînement d'initiatives dont l'élaboration du Plan Loire est l'ultime aboutissement.

La plaine du Forez succède au bassin du Puy et à celui de l'Emblaves. Son « écopôle » opération pilote de génie écologique qui devrait déboucher sur la mise en place d'une « écozone » est un outil intéressant de mise au point de méthodes de conservation et de reconstitution des milieux naturels, qui pourrait servir à la mise en oeuvre d'un des objectifs du Plan Loire.

En aval, Loire et Allier traversent les premières plaines, la plaine roannaise, en particulier, après le barrage de Villerest, construit de 1978 à 1984 afin de soutenir l'étiage en été et d'écrêter les crues dont le débit, à l'entrée de la retenue, est supérieur à 1000 m3 /s.

b) La Loire moyenne

Elle commence vers Decize où le lit majeur prend une forme bombée caractéristique et commence à offrir, sur ses sables et ses limons fertiles, un sol propice à l'agriculture. Elle se termine vers le bec de Vienne où l'arrivée de son principal affluent modifie le régime du fleuve et s'achève au niveau du val d'Authion, vers Candes-Saint-Martin. C'est une zone de peuplement dense bordée de terroirs souvent ingrats. D'un chapelet de villes moyennes ou petites, Orléans seule se détache vraiment. Cette zone est prospère sur le plan agricole. On y cultive les fleurs, les fruits, les légumes, la vigne. Le coteau longe le lit sur l'une ou l'autre rive, face aux levées d'où l'on découvre les bancs et plages de sable, ou de gravier, les boires, bras morts remis en eau par les crues, les îles souvent boisées. Le val Orléanais, le val tourangeau, le val angevin sont avec de sensibles différences dans le relief et les paysages, les archétypes du fameux « jardin de France » que l'urbanisation a commencé à remodeler.

c) L'estuaire

A partir d'Ancenis, jusqu'où s'étend l'influence des marées, la Loire est soumise aux influences océanes. La vallée traverse des coteaux parfois abrupts, des vals de petites dimensions, avec les anciens ports fluviaux d'Ingrandes, Saint-Florent-le-Vieil, Ancenis, Champtoceaux, le val de Saint-Julien-de-Concelles, plus vaste, voué aux productions maraîchères, les zones humides de l'estuaire. Ces étendues fréquentées par les oiseaux migrateurs bordent la partie la plus aménagée du fleuve : la chenalisation ancienne de l'estuaire, et du lit mineur pour les besoins de la navigation commerciale, le remodelage de l'estuaire jusqu'à Nantes afin de renforcer le concours des marées à l'entretien du chenal de navigation, les installations industrialo-portuaires du port de Nantes-Saint-Nazaire, marquent le paysage.

2. Crues et étiages

Les extrêmes variations de ses débits sont une des particularités de la Loire : lors de l'étiage de 1949 le débit fut de 11 m3/s à Gien, contre quelque 7.200 m 3 à l'occasion des grandes crues du XIXème siècle.

Il y a trois types de crues, dont les conséquences sont inégales sur l'écosystème et sur l'activité humaine.

Les crues de type cévenol, qui touchent les hauts bassins de la Loire et de l'Allier, sont provoquées, autour de l'équinoxe d'automne, par la rencontre, sur les hauteurs des Cévennes et du Vivarais, de masses humides d'air chaud venant de la Méditerranée et d'un front froid d'origine océanique. Des pluies très abondantes en résultent, qui augmentent très rapidement les débits. Ainsi s'explique la crue du 21 septembre 1980 qui a provoqué à Brives Charensac, près du Puy-en-Velay, la perte de huit vies et de très importants dégâts matériels. Il est intéressant de noter que le débit, qui a alors atteint 2.000 m 3/s à Brives Charensac, a diminué assez rapidement en aval pour tomber à 1.800 m 3 /s à la hauteur du barrage de Villerest au-delà duquel l'influence de la crue « cévenole » s'atténue rapidement.

Les crues de type océanique sont liées à la durée des périodes pluvieuses sur le bassin de la Loire moyenne. Les plus hautes eaux de la Loire peuvent alors être gonflées par les crues des affluents : Cher, Indre, Vienne, Maine.

Il existe enfin des crues mixtes résultant de la concomitance des deux types précédents. La moitié du bassin étant constitué de terrains imperméables gênant la constitution de nappes aquifères susceptibles de contribuer à la régularisation des débits, les quantités d'eau transportées par le fleuve peuvent alors atteindre jusqu'à 8.000 m 3 /s au confluent de l'Allier. Les digues sont alors rompues et les vals submergés, ce qui se produisit à l'occasion des grandes crues de 1846, 1856 et 1866.

Un système de levées qui modèle désormais le paysage ligérien a été peu à peu installé à partir du XIIème siècle, des bassins déversoirs ont été ménagés au XVIIème et au XIXème siècle puis un système d'alerte a été mis en place. De plus en plus, la protection du val de Loire a cependant paru reposer sur la construction de barrages écrêteurs. Des projets se sont succédés en particulier après les grandes inondations du XIXème siècle. Il faut mentionner à cet égard le projet, présenté en 1860 par l'ingénieur général des Ponts-et-Chaussées Comoy, de programme de 85 barrages d'écrêtement d'une capacité totale de 592 millions de m 3 . La chute de l'Empire a empêché la mise en oeuvre de ce plan qui aurait fait de la Loire l'un des fleuves les mieux régulés de France.

La protection de la Loire moyenne contre les crues n'en a pas moins continué de susciter l'intérêt des Gouvernements. En 1970, un plan global de protection a été élaboré ; il prévoyait :

- la construction de deux ouvrages de protection, l'un à Villerest sur la Loire, l'autre au Veurdre sur l'Allier. Le barrage de Villerest a été mis en fonctionnement en 1985 ;

- le renforcement des digues ;

- la création d'un système performant de prévisions des crues.

Ce système appelé « Cristal », conçu pour la prévision des crues et la gestion des barrages, a été mis en place en 1983, au moment de la construction de Villerest.

Il est constitué de 117 stations automatiques de mesures (pluie et débit) transmises par voie hertzienne terrestre, satellite ou téléphone. Ces stations renseignent directement les services d'annonce des crues, ainsi qu'un centre de traitement des données situé à Orléans.

Les étiages constituent sur la Loire l'habituel pendant de la crue avec les mêmes conséquences sur la mise en valeur économique de la vallée : l'insuffisance en eau a limité le développement de l'irrigation et a freiné dans une certaine mesure l'utilisation agricole des sols, par ailleurs, la qualité de l'eau se détériore fortement en période d'étiage, interdisant ou compromettant le développement des activités de sport et de tourisme au bord du fleuve, et posant à la région nantaise un redoutable problème avec la remontée croissante des eaux saumâtres et vaseuses, préjudiciable à l'alimentation de la ville de Nantes en eau potable (la prise d'eau a dû être remontée vers l'amont) et à la préservation de la ressource halieutique.

Pour répondre aux besoins actuels, un plan de soutien d'étiage a été réalisé. Il assure un débit minimum sur certaines sections de l'Allier et de la Loire grâce au barrage de Villerest sur la Loire, et à celui de Naussac. Lors de la sécheresse de 1989-1992, les besoins ont pu être satisfaits grâce à ces barrages mais le problème des soutiens d'étiage sur le Cher n'a pas été pour le moment résolu. On a prélevé jusqu'ici une partie de l'alimentation de la ville de Montluçon dans la retenue du barrage EDF de Rochebut, situé à l'amont de la ville. Le barrage de Chambonchard prévu par le Plan « Loire grandeur nature » vise à satisfaire ces besoins, comme on le verra ci-dessous.

3. Une nature sauvage et domestiquée

Dernier fleuve libre de France, la Loire n'en fut pas moins le plus anciennement aménagé par un système de digues élaboré à partir du XIIème siècle, comme on l'a vu, renforcé au XVème siècle, maintes fois ouvert par les inondations (160 brèches, soit une ouverture totale de 23 km sur les 480 km de digues entre le Bec d'Allier et Nantes en 1856), toujours restauré.

On a aussi mentionné ci-dessus la chenalisation opérée dans l'estuaire afin de maintenir la navigation jusqu'à Nantes et au-delà, dans une course jamais gagnée contre l'ensablement des chenaux de navigation et l'augmentation du tonnage des bateaux.

La fin de la navigation ligérienne, sauf sur l'estuaire, dans la seconde moitié du XIXème siècle a provoqué l'abandon de ces ouvrages. Par ailleurs, l'irrégularité des débits a empêché l'installation d'industries lourdes : la Loire a largement été ignorée par la révolution industrielle. Ce n'est qu'au XXème siècle que les aménagements, et l'exploitation du fleuve ont vraiment repris. Le lit, plus que les eaux, a suscité l'intérêt dans un premier temps, la Loire devenant ainsi une réserve de granulats.

Les extractions excessives de matériaux dans le lit mineur (118 millions de tonnes au cours des 40 dernières années en Loire moyenne, du Bec d'Allier au Bec de Vienne, soit sensiblement l'équivalent d'une bande de 150 mètres de large et de 1,50 mètre de haut) ont été la cause de l'approfondissement du lit de la Loire et de l'abaissement du niveau de l'eau en étiage. Celui-ci a atteint depuis le début du siècle 1,34 mètre au Bec d'Allier et 1,82 mètre à Tours.

Les conséquences de cette situation sont particulièrement graves pour les ouvrages (déchaussement des piles de pont) ainsi que pour les abords et l'environnement (dessèchement des bras secondaires, des boires et des zones humides, abaissement du niveau de la nappe phréatique, réduction des frayères, perturbations de la faune et de la flore ...).

L'aggravation de cette situation à partir des années 1960 a conduit à engager en 1981 une politique de réduction progressive sur cinq ans des extractions de matériaux dans le lit mineur de la Loire et de l'Allier, puis à fixer en décembre 1984 l'objectif de l'arrêt complet de ces extractions à la fin de 1992.

Avant le lancement du Plan Loire, les extractions de matériaux dans le lit mineur de la Loire et de l'Allier avaient ainsi cessé, sauf dans deux départements pauvres en matériaux de substitution où les problèmes de reconversion des entreprises vers d'autres gisements sont plus difficiles à résoudre que dans le reste du bassin : le Maine-et-Loire et l'Indre-et-Loire

Avec l'apparition du nucléaire, la Loire a présenté un nouvel intérêt économique : ses eaux servent à refroidir les turbines des générateurs des quatre centrales en fonctionnement. Le soutien d'étiage revêt alors une nouvelle dimension : il a assuré une pleine production d'énergie lors de la sécheresse exceptionnelle des années 1989 à 1992.

Ainsi aménagé, le fleuve demeure cependant largement naturel. Pour qui a longé les vasières de l'estuaire, parcouru les méandres de Guilly, arpenté les rives du fleuve du côté de Goudet, descendu les gorges de l'Allier, et votre rapporteur a suivi ces parcours afin de réunir les informations nécessaires à l'élaboration du présent rapport, la préservation de ce caractère apparaît comme une nécessité d'intérêt public qu'il importait de concilier avec les impératifs du développement économique.

B. LE PROGRAMME DE 1986

1. L'EPALA

Il convient, avant d'évoquer le programme d'aménagement défini en 1986 par l'accord des principaux partenaires intéressés à la gestion du fleuve, d'expliquer le rôle de l'Établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA).

L'idée d'un aménagement intégré de la Loire n'a pas surgi avec le plan du 4 janvier 1994. Pour s'en tenir à la période contemporaine, on cite la création en 1952 d'un comité parlementaire de défense du bassin de la Loire dont l'objectif fut d'améliorer la rentabilité économique des eaux du bassin. En 1975 fut créée l'Institution interdépartementale pour la protection des vals de Loire contre les inondations, à l'occasion de la création du barrage de Villerest. L'EPALA, qui a pris la suite de cette Institution fut instituée, en réaction contre les crues du début des années 1980, à l'initiative de M. Jean Royer, maire de Tours, par un arrêté du ministre de l'Intérieur en date du 22 novembre 1983.

Il s'agit du plus grand syndicat mixte de France : il groupe 6 régions, 15 départements, 19 villes de plus de 30.000 habitants, 10 syndicats départementaux de communes de moins de 30.000 habitants et couvre ainsi le bassin de la Loire à l'exception de la Sarthe, de la Mayenne, de l'Indre et de la Vienne.

Constitué pour une durée illimitée, il a pour but de « réaliser ou de faire réaliser les études, la construction et l'exploitation des ouvrages publics, ainsi que les aménagements destinés, sur les cours de la Loire et de ses affluents :

- à assurer la protection contre les inondations ;

- à favoriser le développement des activités économiques et la protection de l'environnement, dans le respect des compétences des collectivités territoriales intéressées et dans le respect des options régionales ».

Son action est financée de la manière suivante :

- dépenses de fonctionnement

Réparties entre les quinze départements membres, elles s'élèvent à 4 millions de francs par an. Au 1er janvier 1995, les effectifs propres de l'EPALA étaient de 9 personnes.

- dépenses d'exploitation

L'EPALA a pour vocation, on l'a vu, de lancer à l'échelle du bassin de la Loire des actions structurantes ou exemplaires d'aménagement hydrauliques et d'environnement, qui ne peuvent être réalisées directement par les collectivités territoriales membres.

L'EPALA assure ainsi l'exploitation du barrage de Villerest et le fonctionnement du réseau CRISTAL (le personnel est mis à disposition par l'État). Les dépenses correspondantes s'élèvent à 7 millions de francs par an dont 80 % réparties entre les quinze départements membres de l'EPALA, l'Agence de l'eau couvre les 20 % restants.

- dépenses d'investissement

Le financement des ouvrages et des actions est assuré par des contributions de l'État et de l'Agence de l'eau, avec une part de l'EPALA de l'ordre de 50 %, répartie entre les départements selon les règles suivantes : 10% en fonction du potentiel fiscal de chaque département et 90% en fonction de critères techniques (surfaces protégées contre les inondations, consommations d'eau, intérêt local). Il faut aussi noter que 25 % des dépenses de fonctionnement, d'exploitation et d'investissement réparties entre les 15 départements, sont prises en charge par les régions dont ils font partie.

Quant aux structures administratives de l'EPALA, son assemblée délibérante, le comité syndical est constitué de 72 élus des collectivités adhérentes désignées par celles-ci (deux par région, deux par département, ou par syndicat intercommunal d'aménagement de la Loire et de ses affluents, un par ville).

Le fonctionnement de l'établissement est assuré par un comité directeur (10 membres), un bureau (36 membres), une commission des finances et de la planification, une commission de l'aménagement et de l'environnement et une commission « information et communication ». Son président est élu pour 3 ans. La personnalité de M. Jean Royer, président de l'EPALA depuis sa fondation jusqu'aux dernières élections municipales, n'a pas peu contribué à assurer à cette structure la capacité d'initiative qui lui a permis d'élaborer, en opérant les arbitrages nécessaires entre des collectivités aux besoins et intérêts souvent dissemblables, un programme cohérent d'aménagement de la Loire, de lui obtenir l'adhésion de l'État, d'en lancer les premières mesures d'exécution.

2. Le protocole d'accord du 13 février 1986

Le « protocole d'accord pour la réalisation du programme relatif à l'aménagement hydraulique de la Loire et de ses affluents pour la protection contre les inondations et le maintien des étiages » a été signé le 13 février 1986 par le préfet de la région Centre, le directeur de l'Agence financière du bassin Loire-Bretagne, le président de l'EPALA ainsi que par Mme Huguette Bouchardeau, ministre de l'Environnement, et par M. Jean Auroux, ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports.

Il poursuivait pour l'essentiel un double objectif :


• La construction de quatre ouvrages structurants à l'échelle du bassin :

- Serre-de-la-Fare, sur la Haute Loire, barrage multi-fonctions à vocation prioritaire d'écrêtement des grandes crues (capacité de 130 millions de m 3 ) ;

- Chambonchard, sur le Cher, barrage multi-fonctions à vocation prioritaire de soutien des étiages (capacité de 140 millions de m 3 ) ;

- Le Veurdre, sur le bas Allier, ouvrage uniquement écrêteur de crues ;

- Naussac 2, sur le haut Allier, installation de pompage-turbinage destiné à faciliter le remplissage de Naussac 1.


• La réalisation d'ouvrages locaux en basse Loire :

- transfert de la prise d'eau de Nantes ;

- seuil mobile sur le Maine ;

- relèvement de la ligne d'eau d'étiage entre Nantes et Angers ;

- aménagement intégré des Ponts-de-Cé ;

- travaux de protection des berges ;

- réalisation de l'ouvrage mobile de Pont Rousseau.

L'estimation du coût de ces travaux se chiffrait à 2,3 milliards de francs à l'époque.

Le protocole prévoyait avec précision les étapes de sa mise en oeuvre. Il déterminait le financement des ouvrages, sa répartition ainsi que la programmation financière (1986, 1987 et 1988) jusqu'à l'achèvement du IXème plan pour certaines opérations, notamment les études relatives à la plupart des ouvrages et les acquisitions foncières.

L'analyse du protocole laisse apparaître un certain déséquilibre. Le préambule affirme le souci de concilier la protection des populations, l'exercice des activités économiques et la préservation de l'environnement. Les actions suivantes étaient prévues à ce titre :

- protection des zones humides,

- remise en eau des bras morts,

- mesures pour améliorer la biologie des poissons migrateurs (aménagement d'obstacles existants, ouverture de zones de frayères, reconstitution des populations).

Toutefois, le volet relatif à l'environnement ne figure pas dans le protocole lui-même, qui retrace un échéancier des travaux. Il n'est fait référence à l'environnement que dans l'article 6, de manière très générale : « Des modifications portant notamment sur la protection et la mise en valeur des ressources piscicoles et des milieux naturels aquatiques pourront être décidées entre les parties ».

L'article 7 est tout aussi général dans sa rédaction : il prévoit que « les intérêts agricoles, industriels, touristiques et de protection des sites et des paysages des zones d'implantation des ouvrages seront préservés », et que « les opérations d'accompagnement de chaque ouvrage porteront également sur des actions en faveur de la protection des milieux naturels aquatiques de la Loire et de ses affluents ».

Ainsi l'imprécision des dispositions intéressant l'environnement contrastait-elle fortement avec la précision du programme de travaux. Cela n'a pas manqué de faire apparaître le volet « environnement » du protocole comme une clause de style, le coeur du projet étant la construction d'un ensemble de barrages sur la Loire, le Cher et l'Allier.

Cette démarche, à laquelle l'État s'est initialement ralliée sans réserve, il faut le rappeler, devait rapidement se révéler trop ambitieuse en termes d'aménagement, trop modeste en termes de préservation du milieu naturel.

II. LE CHOIX DE L'ETAT

Le projet piloté par l'EPALA aurait pu être le « dernier coup d'archet » de l'ère de l'aménagement à tout va. Rattrapé par l'évolution des sensibilités, que l'État a su prendre en charge non sans hésitations ni repentirs, il a cédé la place au Plan « Loire grandeur nature », éclairante démonstration du compromis possible entre la satisfaction des besoins économiques des populations et la préservation du milieu naturel.

A. UNE AUTRE LOGIQUE

Dès la signature du protocole de 1986, des oppositions au programme d'aménagement de la Loire se sont manifestées. En juin 1986, le collectif « Loire vivante » a rassemblé les associations de protection de la nature actives sur le terrain, bénéficiant du relais du World Wildlife Found.

« Loire vivante » a ainsi popularisé l'idée d'une gestion globale et à long terme fondée non plus sur une logique d'abondance conduisant, en ce qui concerne l'alimentation en eau, à édifier les réserves nécessaires à des besoins très largement inventoriés, mais sur une logique de l'adéquation consistant à limiter les aménagements, et donc les dommages causés à l'environnement, dans la mesure de besoins évalués au plus juste.

Cette logique amenait à contester l'opportunité de barrages écrêteurs qui, même conçus pour laisser passer les crues décennales, comme celui du Veurdre et ne modifier ni le lit ni l'écoulement du fleuve, allaient porter atteinte au paysage (avec ses 80 mètres de haut et sa retenue de 12 km de long, le barrage de Serre-de-la-Fare devait provoquer la submersion d'une partie intéressante des gorges de la Loire) et rendre possible la poursuite de l'urbanisation des vals inondables, déclenchant un processus cumulatif au terme duquel la mise en oeuvre de programmes de protection du type de celui imaginé par l'ingénieur général Comoy en 1860 serait devenu inévitable.

Les associations demandaient en conséquence d'une part que l'évaluation des besoins en eau soit plus précise (elle est fixée à grands traits et sans véritable remise en cause de prévisions ignorant les conséquences de la réforme de la politique agricole commune dans le rapport de l'ingénieur général Chapon de décembre 1989). Elles demandaient d'autre part que les conséquences sur l'environnement des aménagements hydrauliques soient prises en compte dans toute leur complexité dès la conception des ouvrages.

Dans une lettre transmise en février 1989 par le secrétaire d'État à l'environnement au préfet coordinateur de bassin, préfet de la région centre, l'amorce du ralliement de l'État à la logique de gestion équilibrée apparaît clairement. Le secrétaire d'État notait en effet l'avancée inégale des différents volets du projet d'aménagement, les aspects hydrauliques progressant rapidement depuis la signature du protocole de 1986 alors que les actions intéressant la protection du milieu naturel paraissaient négligées. Il demandait que l'équilibre soit rétabli en précisant les objectifs hydrauliques en réalisant une étude d'environnement, en maîtrisant l'utilisation d'espace ; il annonçait la mise en place d'un observatoire des milieux ligériens ; il précisait, à propos des différents ouvrages prévus, un certain nombre d'orientations. A propos de Serre-de-la-Fare, la lettre estimait le projet justifie au regard du double objectif de protection contre les crues et de soutien des étiages, et jugeait que l'ensemble des impacts sur l'environnement avait été examiné sérieusement. On remarque rétrospectivement que l'État avait encore quelques difficultés à tirer sur ce dernier point les conséquences de sa conversion à la notion de gestion équilibrée.

Celle-ci devait être précisée dans le rapport remis en décembre 1989 par l'ingénieur général Chapon afin de mettre à jour un premier rapport de décembre 1979 sur « la protection de l'aménagement intégré de la vallée de la Loire ». On peut considérer que le Plan Loire procède intellectuellement de la problématique dessinée dans les pages 4 à 7 du rapport Chapon, dont il est intéressant de rappeler les orientations.

L'objectif d'une Loire et de rivières vivantes est-il réalisable sans aménagement, demandait M. Jean Chapon, rappelant que les « excès » des cours d'eau n'avaient pas été jugés insupportables pendant des décennies voire depuis la réalisation des derniers grands aménagements, comme la montré l'urbanisation des zones inondables de la Loire moyenne ainsi que la rénovation des bâtiments sinistrés par la crue de 1980 à Brives Charensac.

Dans la mesure où le risque demeure, aussi bien en matière de crue que de sécheresse, il s'interrogeait sur la possibilité de faire disparaître leurs conséquences par des mesures administratives, pour constater que s'il est possible de limiter le développement des irrigations, d'accepter même la diminution occasionnelle de la production agricole en période de sécheresse, d'envisager l'arrêt des centrales nucléaires quand l'étiage est trop sévère on ne peut raisonnablement envisager de déplacer les populations qui habitent et travaillent dans les zones inondables. Dans ces conditions, une crue un peu dommageable, un étiage compromettant l'alimentation d'une agglomération en eau potable ou infligeant de graves pertes aux agriculteurs, risqueraient de provoquer, sous la pression des événements, des décisions incompatibles avec la protection de la nature.

M. Jean Chapon observait par ailleurs qu'il paraît difficile de faire durablement accepter par les riverains des mesures contraignantes concernant l'implantation des logements et des activités en dehors d'un vaste projet comportant des actions pour réduire les risques. Il notait aussi qu'à l'inverse, la disparition des risques les plus redoutables peut encourager la poursuite de l'urbanisation des vals et l'exploitation intensive des sols agricoles.

Ces considérations l'amenaient à préconiser un aménagement intégré comportant trois volets : l'aménagement hydraulique, la protection et la mise en valeur des richesses naturelles, l'organisation de l'espace. Il notait qu'à condition d'accorder la même importance à chacun des trois volets et de les réaliser de façon concomitante, cette démarche pouvait amorcer une mobilisation de l'ensemble des populations du bassin en faveur de l'aménagement intégré. Celui-ci, précisait-il, doit réaliser un triple équilibre : longitudinal par la répartition harmonieuse des secteurs urbains, ruraux, naturels, équipés, le long du fleuve ; transversal, pour éviter le déversement de populations des hauteurs sur la vallée, fonctionnel, en recherchant une qualité de vie identique dans chacun des secteurs de l'axe du fleuve.

Il concluait que c'est en rendant indissociable les trois volets de l'aménagement que l'on pourrait réaliser ce triple équilibre, tout en notant les insuffisances à cet égard du programme piloté par l'EPALA.

La suite du rapport de l'ingénieur général Chapon énonçait avec une certaine prudence un certain nombre d'orientations concrètes. Il faudra quelque cinq années de polémiques et de tergiversations pour que le Plan « Loire grandeur nature » tire véritablement les conséquences de cette conception tout à fait pertinente des nécessités de l'aménagement intégré de la Loire.

Divers facteurs ont facilité cette évolution.

D'une part, les succès électoraux de 1' « écologie politique » en 1989 n'ont sans doute pas été étrangers à l'attention que le Gouvernement a soudain accordé, revenant sur « la parole » donnée en 1986, au thème de l'aménagement intégré. D'autre part, la connaissance de l'écologie des grands fleuves a connu des progrès récents et permet de mieux cerner les enjeux, les facteurs, les besoins de ces vastes zones. Le bassin versant de la Loire couvre 110.000 km², c'est-à-dire plus du cinquième du territoire : il est difficile d'analyser, sur une telle surface, toutes les interactions transversales et longitudinales qui influencent la vie du fleuve et plus encore d'en tirer des conséquences en termes d'action. La connaissance progresse cependant, des réseaux d'échange d'information se mettent en place, des stratégies sont esquissées, comme l'a montré le colloque international réuni en septembre 1991 à Orléans, à l'initiative du ministère de l'environnement, sur le thème « quels fleuves pour demain ? ».

Au début des années 1990 est donc apparu un terrain favorable à une révision du programme d'aménagement de la Loire tenant compte de ce que l'on désignerait actuellement comme un souci de « développement durable ».

La remise en cause du protocole de 1986 a donc été poursuivie. Le conseil des ministres du 7 février 1990 a décidé la modification du programme au nom de « la nécessité de protéger un patrimoine naturel exceptionnel », prévoyant en particulier que des solutions alternatives au barrage de Serre-de-la-Fare seraient étudiées. Dans la foulée, alors que la déclaration d'utilité publique de ce dernier était annulée pour vice de forme par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand (7 février 1991), un rapport de M. Paul Pierson, ancien chargé de mission à la direction de la sécurité civile, présentait un ensemble de mesures permettant d'améliorer la sécurité des populations de la Haute-Loire contre les crues : amélioration du réseau d'alerte en amont, plan d'évacuation, élargissement et recalibrage du lit du fleuve à Brives Charensac, suppression d'obstacles à l'écoulement des eaux, tout en soulignant que la sécurité apportée par ce dispositif ne pouvait être comparée à celle que garantissait le barrage écrêteur de Serre-de-la-Fare.

Le dernier acte du processus de remise en cause du protocole de 1986 fut le communiqué du conseil des ministres du 31 juillet 1991 qui, affirmant que la Loire devait « rester un fleuve vivant et libre dont seuls les excès sont à supprimer », décidait l'abandon des projets de Chambonchard et de Serre-de-la-Fare et proposait à l'EPALA la conclusion d'une charte pour un aménagement intégré de la Loire visant à protéger les populations contre les fortes crues, à garantir l'approvisionnement en eau, à préserver et à mettre en valeur le milieu naturel.

Le dialogue entre l'État et les collectivités locales réunies dans l'EPALA fut alors rompu, il appartînt à M. Michel Barnier, devenu ministre de l'environnement, de retisser les fils de cette toile de Pénélope que devenait le programme d'aménagement de la Loire, après avoir fait un temps figure de mythe prométhéen.

B. LE PLAN "LOIRE GRANDEUR NATURE"

1. Le retour de l'État ?

Il convient, avant de décrire le contenu du relevé de décisions du comité interministériel « Plan Loire » du 4 janvier 1994, d'évoquer sa signification en termes de rapports entre l'État et les collectivités locales. Le Plan « Loire grandeur nature » manifeste-t-il le retour en force de l'État dans un domaine où, la décentralisation aidant, il avait abandonné aux collectivités locales toute initiative ?

On a souvent observé, à propos de l'élaboration du projet d'aménagement qui a abouti au protocole d'accord de 1986, que l'État s'était fortement reposé sur l'EPALA. Il n'aurait pas, dès lors, assumé complètement sa mission de garant de l'intérêt général national face aux logiques particularistes exprimées par les collectivités locales et arbitrées par elles au sein de l'EPALA. S'il est vrai que l'État aurait pu montrer une capacité d'initiative plus importante dans cette affaire, dans le cadre de ses compétences en matière d'aménagement du territoire, de gestion du domaine public navigable, de planification de la politique de l'eau, de prévention des risques majeurs, il n'en demeure pas moins que son action n'aurait vraisemblablement pas conduit à des décisions très différentes de celles qui ont été prises et auxquelles il s'est associé dans les conditions prévues par les procédures existantes de collaboration avec les collectivités locales. Il paraît en effet raisonnable de considérer que les conceptions de l'aménagement admises dans les années 1980 auraient inspiré son action tout comme elles ont guidé l'EPALA dans la formulation de ses objectifs. Il est aussi justifié de noter que l'EPALA a constitué un remarquable outil de programmation et d'arbitrage entre des intérêts aussi divers que contradictoires. C'est d'ailleurs la qualité de cet instrument et sa nécessité, que l'État a reconnu au point 4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 : « le Gouvernement propose à l'EPALA, outil de mise en oeuvre de la solidarité des collectivités du bassin ligérien, de prendre part à ce plan global dans le respect des orientations définies ».

En définitive, l'État n'a-t-il pas assumé ses responsabilités, déléguant largement le rôle d'initiateur et d'impulseur à l'EPALA quand aucune dissension ne se manifestait sur le sens des actions à entreprendre, reprenant le gouvernail à partir du moment où « l'accélération de l'histoire » imposait d'infléchir la démarche, se dotant alors des moyens de parvenir au but recherché en partenariat avec les collectivités et acteurs de terrain ?

2. Un dispositif d'envergure

Le plan du 4 janvier 1994 est organisé autour de trois objectifs : la sécurité des populations face au risque d'inondation, la satisfaction des besoins quantitatifs et qualitatifs en eau, la restauration de la diversité écologique du milieu.

Ceux-ci recouvrent un certain nombre d'orientations qui vont profondément infléchir la gestion du fleuve :


• L'aspect le plus retentissant de la décision gouvernementale a été le coup d'arrêt donné à la politique des barrages avec l'abandon définitif du projet de Serre-de-la-Fare et le report à la fin 1998 de la décision sur le projet du Veurdre. En ce qui concerne la sécurité contre les crues en Haute-Loire, il a été décidé, dans la logique étudiée par le rapport Pierron de réaliser des travaux d'aménagement et de protection du lit du fleuve ainsi que le déménagement des entreprises obstruant celui-ci à Brives Charensac. Plusieurs mesures financières étaient prévues pour faciliter l'opération : financement par l'État de la réinstallation des entreprises, péréquation de la taxe professionnelle entre Brives Charensac et les communes d'accueil des entreprises expropriées, déplacement des habitations les plus exposées aux menaces de crue, maintien des assurances au-delà de la cinquième année après la date d'application du plan d'exposition aux risques.

En ce qui concerne le Veurdre, destiné à protéger la Loire majeure contre les crues centennales, mais contesté en raison de l'abaissement de la ligne d'eau constatée à l'aval (la crue centennale aura à l'avenir un profil hydrologique différent de celui constaté par le passé), il a été décidé d'étudier la faisabilité d'une politique alternative de renforcement des levées et de restauration du lit.

Ainsi, il a été prévu de relancer le programme de renforcement des levées de la Loire dans le cadre d'un plan d'ensemble de dix ans doté d'une enveloppe de 300 millions de francs. Il a aussi été décidé d'opérer de façon prioritaire la restauration du lit du fleuve, l'effort devant être poursuivi sur dix ans avec un financement de 100 millions de francs. L'étude sur l'écoulement des crues en Loire moyenne devant éclairer l'opportunité du projet du Veurdre sera effectuée par une équipe scientifique pluridisciplinaire.

En dehors de la Loire moyenne, il a été décidé, pour l'Allier, de confirmer la construction du barrage de Naussac 2, petit ouvrage destiné à faciliter l'alimentation en eau du barrage de Naussac 1, et pour le Cher d'autoriser la construction du barrage de Chambonchard, destiné à assurer l'alimentation en eau de la ville de Montluçon, pour une capacité maximale de 80 millions de m 3 , l'État ne participant au financement que de la tranche de 50 millions de m 3 , jugée suffisante, couplée avec la réserve de Rochefort, pour assurer le soutien d'étiage et les besoins d'irrigation de la vallée du Cher.


Le deuxième élément majeur du plan gouvernemental est le contrôle de l'aménagement des zones inondables.

Il s'agit d'élaborer et de publier des atlas des zones inondables de tous les vals de Loire et de contrôler les projets de construction par le biais de « projets d'intérêt général » (PIG) permettant d'introduire dans les documents d'urbanisme trois types de mesures : l'interdiction de nouvelles implantations dans les zones les plus exposées, la limitation des implantations nouvelles dans les autres zones inondables en fonction des aménagements de protection disponibles, l'absence d'aménagements de protection nouveaux susceptibles d'aggraver les risques dans les zones contiguës aux zones ainsi protégées.

ï Le troisième objectif du Plan Loire est la prévention des inondations grâce à la modernisation du système d'alerte « cristal », notamment par l'implantation d'un radar météorologique sur le haut bassin de la Loire et l'extension éventuelle du réseau aux bassins du Cher et de la Maine, grâce aussi à la sensibilisation des populations au risque d'inondation et à la révision des plans d'alerte et d'évacuation des populations.

ï Le fonctionnement naturel du fleuve et de son environnement constitue un autre objectif du plan. A ce titre, a été confirmé l'arrêt de l'extraction des granulats dans le lit mineur et sa limitation sur l'étendue du lit majeur, dans le cadre du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne, en cours d'élaboration, et des schémas départementaux de carrière.

Dans le même esprit, a été prévu un programme de rétablissement de la libre circulation des poissons migrateurs comportant l'effacement des barrages de Maisons-Rouges sur la Vienne et de Saint-Etienne-du-Vigan sur le haut Allier, ainsi qu'un programme de reconstitution des milieux naturels d'un montant de 100 millions de francs dont l'élaboration a été confiée au comité de bassin au sein de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. Les actions de restauration entreprises au titre du programme européen LIFE devaient être intégrées dans ce programme. LIFE est un programme d'action sur cinq ans en faveur des milieux naturels ligériens les plus remarquables du point de vue écologique. Il porte sur sept sites de taille variable (de 1 millier d'hectares à plus de 10.000 hectares), et situés dans des secteurs très différents de la vallée de la Loire et de l'Allier (depuis le haut bassin de l'Allier jusqu'aux basses vallées angevines). Les milieux naturels rencontrés sont très variés. L'objectif est d'y concilier la protection de l'environnement avec une fréquentation maîtrisée.

Sur le plan financier, 50 % des coûts sont à la charge de l'Union européenne, 25 % à la charge de l'État, le solde revenant à chaque maître d'ouvrage local. La maîtrise foncière représente environ la moitié des dépenses du programme. Les terrains sont acquis par les maîtres d'ouvrage, conservatoires régionaux ou associations de protection de la nature associées à la mise en oeuvre du programme.


L'aménagement de l'estuaire est le troisième grand objectif du Plan Loire qui prévoit, afin de concilier le développement économique et l'équilibre du milieu : l'élaboration d'un schéma d'aménagement et de protection sous l'autorité du préfet de région ; la délimitation d'une « écharpe verte » de la Brière au lac de Grand-lieu, classant en zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive « oiseaux sauvages » du 2 avril 1979,les secteurs les plus riches du point de vue ornithologique ; la préservation des vasières de l'estuaire. Enfin, le plan du 4 janvier 1994 confirme l'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire sur les vasières de Donges-est en contrepartie de la remise au Conservatoire du littoral de 1.500 hectares de terrains situés à l'intérieur de l' « écharpe verte », ces terrains devant servir à reconstituer des vasières, à l'amont de Donges-est notamment.


• Enfin, le plan « Loire grandeur nature » prévoit l'instauration progressive d'une politique d'aménagement du paysage, la création de réserves naturelles à la Charité-sur-Loire et au Val d'Allier, la valorisation du patrimoine ligérien dans ses dimensions culturelles, la mise en oeuvre de mesures agro-environnementales.

3. Les moyens de l'action

Le relevé de décisions du 4 janvier 1994 envisage les modalités administratives de mise en oeuvre du Plan Loire. En effet, le multiplicité des administrations, collectivités, établissements et associations susceptibles de concourir à l'exécution du programme rend particulièrement nécessaire un effort de coordination et de suivi.

Les décisions suivantes figurent ainsi au point 4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 :

« Le rôle du préfet coordonnateur de bassin sera renforcé par la mise en place auprès de lui d'une mission interministérielle « Plan Loire » chargée du suivi du plan.

Le Gouvernement associera largement le Comité de bassin à l'exécution de ce plan et à son suivi scientifique et approuve la proposition de création d'une commission Loire attachée au Comité de bassin et associant l'ensemble des partenaires. »

III. LA LOIRE À BOIRE

Décisions claires, financements assurés : « ce n'est pas la Loire à boire » pourrait-on penser, pour reprendre l'expression des anciens mariniers, que l'exécution du plan du 1er février 1994. Si, de fait, le plan semble bien lancé, des incertitudes subsistent, qui interdisent de relâcher l'effort entrepris à la fin de 1994.

Deux des principales difficultés apparues au cours de l'élaboration du Plan Loire et qui pouvaient retarder, altérer ou remettre en cause son exécution sont en voie de résolution. Les visites effectuées par votre rapporteur dans l'estuaire et en Haute-Loire, les entretiens qu'il y a eus ainsi qu'à Paris, lui ont donné le sentiment que les parties prenantes étaient très largement disposées à admettre la logique de l'aménagement durable. La conviction que le dispositif adopté par le Gouvernement est irrévocable dans tous ses éléments y est sans doute pour beaucoup. Chez certains adversaires initiaux du Plan Loire, votre rapporteur a cependant cru pouvoir identifier, au-delà de la résignation à l'inéluctable, une véritable compréhension de la nouvelle logique de gestion intégrée.

Dans la mesure où il n'était guère envisageable de dresser l'inventaire exhaustif d'une situation complexe et évolutive, votre rapporteur a choisi de mettre en relief quelques aspects particulièrement significatifs à ses yeux des conditions de la mise en oeuvre du Plan Loire.

A. UN LANCEMENT SATISFAISANT

1. Le Plan Loire entre dans les moeurs

L'évolution récente de la situation dans l'estuaire et en Haute-Loire tend à démontrer la possibilité de concilier, dans des cas de figure profondément différents, la protection des personnes, la poursuite et le développement de l'activité économique, la protection des richesses naturelles.

a) L'estuaire

C'est un espace paradoxal, le plus aménagé du fleuve sans doute, voué largement à l'activité industrialo-portuaire, mais en même temps l'un des plus préservés, avec ses vasières et ses marécages qui servent d'abri et de site de reproduction à de nombreuses espèces d'oiseaux en disparition sur d'autres portions du fleuve et dans d'autres régions. Cette zone est en contact avec les zones humides voisines, en particulier le lac de Grand-Lieu dont la préservation est aussi prévue dans le cadre du Plan Loire. Le conflit d'usages dont le Plan Loire trace les axes de résolution a été provoqué par le projet d'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire.


L'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire

Le comité interministériel d'aménagement du territoire, du 20 septembre 1994, considérant que les estuaires constituent des pôles de développement privilégié de l'espace littoral, a décidé d'engager sur les trois principaux estuaires, dont fait partie celui de la Loire, des programmes concertés d'aménagement, de développement et de protection qui pourront faire l'objet de directives territoriales d'aménagement au sens de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire adoptée en décembre 1994.

L'élaboration d'un programme d'aménagement de l'estuaire a été lancée dans cette perspective, et dans la continuité de travaux et d'études déjà disponibles sur l'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire.

Celle-ci est d'une incontestable nécessité compte tenu du rôle reconnu au port dans le développement économique de la façade atlantique, que devrait confirmer le schéma d'aménagement portuaire en cours d'élaboration. En effet, le port autonome, qui ne dessert pas les mêmes axes de navigation que les ports de Dunkerque et du Havre, conserve un trafic non négligeable et un dynamisme certain en dépit des problèmes de compétitivité que pose le coût du dragage du chenal de navigation.

Afin que le port dispose des atouts nécessaires à son développement, il paraît indispensable de réaliser à moyen terme les extensions souhaitables. Le site de Montoir à l'amont immédiat du port de Saint-Nazaire, paraît en effet proche de la saturation et juxtapose dans un espace réduit un terminal méthanier, un terminal agro-alimentaire et un terminal charbonnier de façon jugée peu souhaitable sur le plan commercial. Il apparaît donc nécessaire de desserrer les activités liées au vrac. Enfin le terminal à conteneurs, qui assure les trafics à haute valeur ajoutée, n'a pas une capacité suffisante pour permettre le développement de ce type de trafic.

Un projet a donc été élaboré et des crédits d'étude ont été inscrits dans le contrat de plan État-région, afin d'étendre le port, en amont de Montoir, sur le site de Donges-est qui offre 700 hectares de vasières et de roselières intéressantes sur le plan ornithologique bien que partiellement remblayées à partir de 1978. Une digue devait être construite d'autre part sur la rive sud, à la hauteur de Paimboeuf, afin de concentrer la force du courant sur le chenal de navigation du port. L'objectif était de faciliter l'évacuation par la marée des dépôts qui envasent ce chenal et de diminuer ainsi le coût du dragage.

Du point de vue de la conservation de l'environnement, ce projet avait un double inconvénient. Il impliquait d'une part la disparition de vasières fréquentées par les oiseaux migrateurs, il paraissait ouvrir d'autre part, avec la digue sud, dénommée « virgule » de Paimboeuf, la perspective d'un comblement à plus ou moins long terme du bras de Loire situé au sud de l'île de Bilho avec des conséquences très négatives pour la qualité biologique de l'estuaire et pour la pêche professionnelle.


• Le Plan Loire

Le Plan Loire a défini un compromis entre ces divers intérêts dans les termes suivants :

« Afin de concilier le développement économique avec l'équilibre du milieu, le Gouvernement décide d'engager, sous l'autorité du préfet de région, l'élaboration d'un schéma d'aménagement et de protection de l'estuaire de la Loire. Le préfet fera établir un bilan régulier de l'état de l'estuaire en y associant les spécialistes compétents.

Le Gouvernement retient l'objectif visant à assurer la cohérence de la protection des zones humides voisines de l'estuaire et de leur gestion au sein de « l'écharpe verte » allant de la Brière au lac de Grand-Lieu de façon à aboutir au classement en zones de protection spéciales des secteurs les plus riches du point de vue ornithologique. Le préfet de région mettra en oeuvre les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif en s'appuyant notamment sur le Conservatoire du littoral.

La préservation des vasières situées dans l'estuaire, riches en bancs de poissons, notamment au sud de l'île de Bilho, est un objectif prioritaire. Les aménagements hydrauliques dans l'estuaire ne devront pas remettre en cause l'équilibre de ces zones.

Tenant compte de son intérêt économique, le Gouvernement confirme la décision d'extension des aménagements du port autonome sur la zone de Donges-est ainsi que sur la zone du Carnet et autorise le port à solliciter les autorisations nécessaires à cet aménagement. Cette décision est cependant subordonnée à la remise au Conservatoire du littoral par le port autonome de 1.500 hectares de terrains situés à l'intérieur de « l'écharpe verte » présentant un intérêt écologique et ne faisant pas l'objet d'aménagement. Ces terrains seront aménagés par le port de façon à reconstituer des vasières d'importance comparable à celle de Donges-est, notamment à l'amont de Donges-est et dans le secteur du bras de Migron. Le port autonome sera incité à participer à l'entretien de ces terrains ».

Tous les intérêts en présence paraissaient ainsi pris en compte. On notera que le sort réservé à la « virgule » de Paimboeuf n'est pas mentionné dans le relevé de conclusions du 4 janvier 1994. Celui-ci subordonne cependant les aménagements hydrauliques de l'estuaire à la préservation des vasières et des bancs de poissons au sud de l'île de Bilho, ce qui paraît impliquer l'abandon de la digue.

Le ministre de l'équipement de l'époque ne paraît pas avoir interprété dans ce sens l'arbitrage du Premier ministre puisque, autorisant en février 1995 le préfet de Loire-Atlantique à engager les procédures nécessaires au remblaiement des 700 hectares de Donges-est, il précisait, en ce qui concerne la digue de Paimboeuf, que les études hydrauliques devaient être poursuivies afin d'optimiser la gestion écologique et économique des dragages en tenant le plus grand compte du problème essentiel des conditions d'entretien et de servitude des accès maritimes, il rappelait aussi la diminution progressive de la participation de l'État à l'entretien des accès maritimes, insistant en conclusion sur l'intérêt qui s'attache aux projets hydrauliques qui permettent de garantir l'accès aux installations de Donges-est avec les moyens financiers qui lui sont accordés par l'État.

La « virgule » de Paimboeuf dont l'objectif était de faciliter le nettoyage du chenal de navigation de Donges en accentuant la force du courant qui s'y dirige, peut apparaître comme le type de projet hydraulique auquel le ministre paraissait faire allusion.

Il reste que la préservation du site de l'île de Bilho est désignée comme un objectif prioritaire du Plan Loire, ce qui paraît condamner la « virgule » à moins qu'une solution technique de compromis ne permette d'en reprendre l'étude sur de nouvelles bases.

L'incertitude touchant le sort de la « virgule » de Paimboeuf a suscité des interrogations sur la validité de l'implantation d'une nouvelle zone prioritaire à Donges-est. En effet, le coût du dragage est important sur cette portion du fleuve située assez en amont de l'estuaire, et l'entretien d'un chenal de 12 mètres de profondeur au droit de la digue de Donges sans l'effet de chasse attendu de la « virgule » a paru altérer la cohérence de l'opération projetée. D'autres difficultés se sont présentées.


Le rappel à l'ordre de l'Europe

L'aménagement des zones de l'estuaire intéressantes du point de vue ornithologique, et c'est le cas des vasières de Donges-est, est hypothéqué par la réglementation européenne sur la protection des oiseaux sauvages, instituée par la directive du 2 août 1979.

Il est intéressant de présenter un bref rappel du contenu de celle-ci.

La plus ancienne (mais pas la moins controversée) des mesures communautaires édictées en matière de protection de la faune sauvage a été la directive adoptée le 2 avril 1979 « concernant la protection des oiseaux sauvages ».

La protection, la gestion et la régulation de ces espèces prévues par la directive s'appliquent aux oiseaux ainsi qu'à leurs oeufs, à leurs nids et à leurs habitats. La directive accorde une attention particulière aux espèces menacées de disparition, aux espèces rares, aux espèces vulnérables et aux espèces à habitat spécifique ainsi qu'aux espèces migratrices en général.

Elle comporte cinq annexes. L'annexe V dresse la liste des activités de recherche et de protection à mettre en oeuvre par les États membres. Classant les espèces protégées dans les catégories énoncées dans des listes annexes, elle interdit toute chasse des espèces relevant de l'annexe I et invite les États à classer leurs territoires de conservation en « zones de protection spéciale », de même les territoires visités par les espèces migratrices.

Les États membres avaient en principe deux ans pour mettre leurs réglementations nationales en conformité avec la directive. On sait les problèmes de réglementation de la chasse que cette mise en conformité a posés à la France. On découvre avec l'estuaire de la Loire les problèmes de « zonage » qu'elle continue de susciter et la difficulté de résoudre les conflits d'usage sur les territoires répertoriés dans les inventaires de zones intéressantes pour la conservation des oiseaux dont la Commission européenne dispose. En effet, la France n'a pas encore effectué à ce jour la notification des zones de protection spéciale (ZPS) qu'elle entend instituer sur l'estuaire. Ce retard paraît provoquer à la Commission européenne une impatience croissante et somme toute légitime. Une mise en demeure aurait été préparée à la suite de la visite, en mars dernier, de représentants de la direction générale de l'environnement sur l'estuaire, visite qui a mis en lumière l'absence de progrès du dossier de la protection de l'estuaire au sein des administrations françaises. Aucune mise en demeure n'a encore été notifiée à la France par la Commission sur ce sujet. Il apparaît important de prévenir cet acte qui pourrait figer les positions en exacerbant localement les passions des partenaires-adversaires de la gestion de l'estuaire, et en rendant ainsi plus difficile l'exécution d'un élément essentiel du Plan Loire.


Un nouvel arbitrage

C'est ainsi que le ministre de l'environnement a annoncé, au cours d'une visite dans l'estuaire, le 16 octobre 1995, le lancement du processus de délimitation de la ZPS. L'objectif est de donner satisfaction à la Commission européenne sur la mise en oeuvre de la directive tout en permettant l'extension du port sur le site de Donges-est.

La partie aval de ce site, disposant des plus grandes facilités d'accès nautique mais dont l'intérêt écologique est particulièrement remarquable, serait classée en zone de protection spéciale sur une superficie de 180 hectares. La partie amont du site, composée de roselières et de prairies humides, serait également classée sur une superficie de 110 hectares. L'alimentation hydraulique de la vasière aval serait assurée grâce à des travaux exécutés dans le cadre des mesures complémentaires prévues par le Plan Loire.

Resterait alors disponible pour le port un linéaire de 2.600 mètres de quais se développant, en profondeur, sur un espace de 250 hectares. Enfin, au nord du site, une réserve industrielle de 150 hectares serait installée.

En définitive, la ZPS de l'estuaire pourrait s'étendre sur les 17.000 hectares répertoriés dans l'inventaire des zones de conservation des oiseaux à l'exception des 400 hectares de Donges-est maintenus en réserve pour le port, du chenal de Montoir (afin d'y poursuivre les travaux de dragage nécessaires), de la moitié sud du banc de Bilho, la partie nord étant réservée à un éventuel redéploiement des terminaux de Montoir, de la vasière de Méan, enclavée dans l'agglomération de Saint-Nazaire, et de zones humides de l'amont de l'estuaire.

Les consultations préalables à l'adoption définitive de cette délimitation sont en cours et les propositions françaises devraient être transmises à la Commission européenne au début du mois de décembre, ce qui permettra de lever l'hypothèque européenne sur l'extension du port de Nantes-Saint-Nazaire en direction de Donges-est, et de repartir de l'avant.


Les réactions locales et le projet de « port-aval »

Le collectif « Loire vivante » a jugé ce dernier arbitrage « irrecevable » au double motif qu'il abandonnerait au port autonome sur Donges-est une zone plus importante que celle réclamée par le port en 1992 pour son extension, et que les secteurs clés les plus intéressants du point de vue écologique seraient exclus de la ZPS : « Les vasières et les roselières, milieux biologiquement très riches, ont déjà payé un lourd tribut au développement portuaire. Aujourd'hui, le découpage proposé exclut la dernière grande roselière de l'estuaire située à Donges-est, ainsi que deux de ses trois vasières les plus riches : Donges-est et Méan. De plus, l'inclusion, dans le périmètre de la ZPS, du secteur de la Taillée, n'assure pas sa préservation. En effet, la zone de contact avec la Loire, indispensable à la survie du marais, est réduite à la portion congrue. Le port a eu beau jeu d'accepter, en échange, une extension de la ZPS sur la partie est : c'est un secteur qu'il n 'a jamais convoité en raison des difficultés d'accès ».

Par ailleurs, la limitation de la surface qui resterait disponible à Donges-est donne incontestablement un regain d'intérêt au projet d'étendre le port autonome non pas sur Donges mais à l'aval immédiat du port de Saint-Nazaire, à la limite de l'agglomération. Ce projet dit « port aval » avait été soutenu avec vigueur par le maire de Saint-Nazaire devant le conseil d'administration du port autonome en mai dernier avec les arguments suivants :

« - le linéaire de quai offert se situerait aux alentours de 2.000 mètres, à l'aval de l'existant, avec des hauteurs d'eau plus importantes et plus aisément accessibles ;

- cette nouvelle plate forme serait d'une surface et d'une profondeur suffisante pour des fonctions commerciales reliées directement aux infrastructures de Montoir ;

- la consommation d'espaces naturels (60 hectares) serait très réduite et facilement justifiée par la nécessité d'accueillir des sous-traitants des chantiers de l'Atlantique dans leur environnement proche ;

- enfin, la voirie et la voie ferrée de ce nouveau quai desserviraient également la façade sud des Chantiers de l'Atlantique et leurs zones de sous-traitance. Ceci permettrait le désenclavement des Chantiers et le décongestionnement de la voirie portuaire actuelle, (terre-plein de Penhoët et Boulevard des Apprentis). »

Dans une étude sommaire présentée en juin dernier, les services du port ont estimé que les caractéristiques et fonctionnalités du site du port aval ne permettaient pas de présenter le projet comme une véritable alternative à Donges-est qui permet de réaliser tous les types de terminaux. En outre, des problèmes de houle et de courants, dont l'expertise est en cours, se poseraient.

Il semble en tout état de cause, et c'est le sentiment que votre rapporteur retire des nombreux entretiens qu'il a eus à ce sujet, que le projet de port aval, encore insuffisamment étudié, représente sur les plans technique et économique une possibilité d'extension du port autonome susceptible de concurrencer sérieusement et intelligemment le projet de Donges-est.


Quelques remarques

La décision de permettre l'extension du port autonome sur le site de Donges-est, corrigée compte tenu de la contrainte européenne mais confirmée pour l'essentiel, apparaît, dans la logique de développement durable qui a inspiré l'ensemble du Plan Loire, comme un compromis satisfaisant entre la valorisation économique de l'estuaire et la préservation du milieu naturel. On peut certes en critiquer l'équilibre, ce que font les associations de protection de la nature qui en déplorent les conséquences sur la diversité biologique de l'estuaire. Il n'en demeure pas moins qu'il serait dangereux de remettre en cause, au nom d'une conception maximaliste de la préservation de l'environnement, le laborieux travail de conciliation des points de vue effectué ces dernières années sur l'estuaire comme sur l'ensemble de la Loire.

Cela n'interdit pas de reconsidérer éventuellement la pertinence des choix de développement portuaire effectués dans un contexte différent. L'aménagement à Donges-est d'un site amputé de 290 hectares dont il faudra maintenir l'alimentation en eau au prix de travaux dont le coût n'est pas encore évalué peut présenter un intérêt économique moindre et renforcer l'intérêt de l'option de port-aval, écologiquement plus satisfaisante. Aussi serait-il utile d'accélérer les études actuellement effectuées sur la faisabilité de ce projet afin de disposer des moyens d'apprécier, du point de vue économique, l'intérêt relatif des deux sites d'extension du port. Ne serait-il pas désastreux que les études d'impact qui seront nécessairement entreprises avant le lancement des travaux sur Donges-est concluent en faveur d'une autre implantation des extensions portuaires ? Toutes les conditions seraient alors réunies pour le déclenchement de nouveaux contentieux qui ne pourraient que retarder des aménagements qui doivent intervenir dans les meilleurs délais afin de donner au port autonome de Nantes-Saint-Nazaire la marge de développement dont il a besoin. En tout état de cause, le critère d'une reconsidération éventuelle de la décision concernant le site d'extension du port doit être économique. Votre rapporteur considère en effet qu'une remise en cause du compromis défini sur l'estuaire entre la logique d'aménagement et celle de protection du milieu naturel porterait atteinte à la crédibilité de l'ensemble du Plan Loire.

Telle n'est pas la perspective la plus vraisemblable et le déblocage des procédures de mise en oeuvre du plan permis par la délimitation des ZPS permet d'envisager avec confiance la mise en oeuvre du volet estuaire du Plan Loire, quel que soit le choix définitif du site destiné à recevoir les nouvelles installations du port autonome.

b) La Haute-Loire

Ce n'est pas par excès d'optimisme ni par goût du paradoxe que votre rapporteur considère le lancement des travaux prévus par le Plan Loire dans l'agglomération du Puy-en-Velay comme une manifestation convaincante, à quelques conditions près, de la pertinence de la notion de développement durable appliquée à la sécurité contre les crues. Il a en effet constaté lors d'un déplacement en Haute-Loire, que le lancement rapide des études préalables à la définition des travaux à réaliser et la bonne information de la population de Brives Charensac sur les objectifs hydrauliques recherchés, avaient commencé à atténuer le climat de suspicion qui s'est manifesté localement à l'encontre du Plan Loire.

En effet, le département de la Haute-Loire et l'EPALA ont refusé de participer financièrement au programme d'aménagement du lit à Brives Charensac. Celui-ci est donc exécuté avec une maîtrise d'ouvrage de l'État déléguée à la direction départementale de l'équipement de la Haute-Loire.

Celle-ci a mené à bien le choix des solutions techniques destinées à faciliter le passage des crues dans la ville et celui du maître d'oeuvre de l'opération, après un concours qui a assuré la transparence du processus et a permis de bien informer la population et les élus des solutions envisagées.

Le projet retenu prévoit la suppression de plusieurs seuils naturels et l'approfondissement du lit de la Loire dans la traversée de la commune de Brives Charensac. Il prévoit aussi le déroctage de 200.000 m 3 de roches et de 200.000 m 3 de matériaux alluvionnaires, des aménagements des rives (reprofilage des berges, débroussaillage sélectif), la construction de trois barrages mobiles pour le rétablissement de plans d'eau en étiage et des aménagements de loisirs (zones piétonnières, jardins, pistes cyclables).

Il prévoit également l'acquisition et la démolition de trois usines le long du fleuve, qui constituent une gêne à l'écoulement des crues.

L'ensemble de l'opération est estimé à près de 300 millions de francs.

Quelque 1.100 habitants de Brives Charensac devraient être protégés par cet aménagement. En outre, celui-ci aura une incidence négligeable sur l'écoulement des crues en aval de Brives Charensac.

Au droit du pont de Gallard de Brives Charensac, vieux pont en maçonnerie, il est prévu un déroctage entre les piles. Cette opération, délicate et coûteuse, réduira le remous, à l'amont de ce site, en période de crue, à une quarantaine de centimètres, ce qui est encore important. La démolition de ce pont et son remplacement par un ouvrage ne faisant pas obstacle à l'écoulement des crues seraient souhaitables, a-t-il été indiqué à votre rapporteur.

Un comité local de suivi de ce projet a été mis en place.

Votre rapporteur a constaté, lors d'une visite dans l'agglomération du Puy-en-Velay, que la logique du Plan Loire paraissait mieux acceptée que cela n'a été le cas immédiatement après l'annonce de l'abandon du projet de Serre-de-la-Fare. Il a noté par ailleurs qu'une des raisons des réticences persistantes était l'absence de mesures en faveur de la vallée à l'aval de Brives. Or, même si le danger des crues pour les vies humaines s'atténue rapidement dans la partie aval du cours supérieur de la Loire, on n'en est pas moins naturellement porté à considérer, localement, que la renonciation à la sécurité garantie par le barrage de Serre-de-la-Fare justifie que l'État finance des mesures préventives en faveur des quelques sites industriels ou d'habitat qui seraient exposés à des risques de dégâts matériels en cas de crue. Ce sentiment mérite d'être pris en considération. Votre rapporteur souhaite donc que soit étudiée la possibilité de réaliser localement des aménagements de protection ou tout autre mesure de compensation qui pourrait s'avérer justifiée.

c) les autres chantiers


L'ampleur des opérations

La liste des quelque vingt chantiers importants actuellement en cours d'instruction ou d'exécution, dont il n'est pas possible de retracer l'évolution dans le cadre du présent avis budgétaire, montre l'ampleur des opérations :

Les mesures spécifiques à la Haute-Loire, l'écloserie de saumon du haut Allier, le barrage de Naussac 2, le barrage de Chambonchard et les opérations annexes, l'effacement du barrage de Maisons-Rouges, la modélisation hydraulique de la Loire moyenne, les chantiers expérimentaux

de remise en état des berges, les expérimentations intéressant le relèvement de la ligne d'eau en basse Loire, la modélisation de l'estuaire, l'écharpe verte et le sauvetage de Grand-Lieu, les travaux sur les levées, la cartographie des zones inondables, l'adaptation des documents d'urbanisme, la modernisation de l'alerte de l'annonce des crues, le programme « milieu naturel » de 110 millions de francs, le programme « LIFE », l'évolution des extractions de granulats, le programme « Paysages », les mesures agri-environnementales.

Votre rapporteur a choisi de présenter quelques opérations exemplaires afin de dresser un tableau suffisamment évocateur de l'avancée du Plan Loire entre la Haute-Loire et l'estuaire.


L'effacement du barrage de Maisons-Rouges et autres éléments du programme « poissons migrateurs ».

Le Plan Loire prévoit l'effacement du barrage de Maisons-Rouges, sur la Vienne, pour permettre la remontée des poissons migrateurs. Une étude visant à définir les modalités de cet effacement et à proposer des mesures d'accompagnement a été effectuée par l'Agence de l'eau. Elle a été menée d'avril à décembre 1994 par un consortium de bureaux d'études et comprend deux parties :

- une partie étude technique : recueil et analyse des données, bibliographie, enquêtes et mesures de terrains (qualité, quantité, sédimentologie, paysage, analyse et élaboration des financements) :

- une partie programme d'accompagnement : étude des impacts socio-économiques (l'effacement n'entraînerait pas de cessations d'activités de commerces et de services, à l'exception du camping « du bec des deux eaux » qui est reconvertible, et de l'exploitation EDF), rencontre avec l'ensemble des partenaires, entretiens individuels, conception d'un projet global de développement pour la région considérée (restructuration des conditions d'accueil local, aménagement d'un camping 3 étoiles, aménagement d'un espace du voyage et des transports).

Le bureau d'études a étudié trois variantes : la démolition complète du barrage, la démolition de la partie du barrage située dans le lit mineur et la démolition de la partie du barrage située dans le lit mineur au-dessus d'un seuil.

Les mesures d'accompagnement concernent essentiellement le rétablissement des pompages, les aménagements de berges (avec une revégétalisation importante) et le ski nautique (la pratique ne sera plus possible sur le plan d'eau ; il est envisagé de trouver un autre site sur la Loire en amont de Tours).

Le coût total de l'opération serait de 20 millions de francs hors taxes dont près de la moitié pour les mesures d'accompagnement.

II semble que l'exécution de ce volet du programme de rétablissement de la libre circulation des poissons migrateurs prenne du retard en raison d'une forte opposition locale à la disparition du plan d'eau de la retenue.

Dans la mesure où l'effacement du barrage de Maisons-Rouges apparaît comme une condition de la réussite du programme « poissons migrateurs » au profit duquel des crédits importants vont être engagés (pour la construction d'une écloserie sur l'Allier et pour l'adaptation du pont-barrage de Vichy, en particulier), il serait nécessaire que l'État manifeste clairement sa volonté d'aboutir sur ce dossier à des résultats rapides.

En effet, la préparation technique du dossier de l'écloserie a évolué de façon satisfaisante. Le site a été choisi, près de Langeac, et la recolonisation sur dix ans des frayères du haut Allier semble être un jour réalisable. Une production annuelle est prévue de 3 millions d'oeufs, qui devrait permettre de relâcher 500.000 oeufs dans des incubateurs de terrain, d'un million d'alevins et de 300.000 saumoneaux. Des animaux d'âges différents recoloniseront ainsi le milieu naturel.

Mais les modalités du financement, évalué à 50 millions de francs sur dix ans en investissement et en fonctionnement, ne sont pas encore arrêtées. Or l'ouverture de l'écloserie est prévue pour l'automne 1997.

La réussite du rétablissement de la circulation des poissons migrateurs vers les frayères dépend aussi de la solution qui sera donnée au problème du « bouchon vaseux » qui pose sur l'estuaire, un obstacle biologique à la circulation des poissons. Il semble à cet égard nécessaire de lancer rapidement le programme prévu d'expérimentations et d'études sur la section Bouchemaine-Nantes afin de favoriser le relèvement de la ligne d'eau susceptible de faciliter la dilution du « bouchon ». En effet, il semble que l'aggravation du problème soit largement due aux travaux hydrauliques, aux dragages en particulier, qui ont modifié le régime d'écoulement du fleuve.


Le renforcement des levées et la restauration du lit de la Loire

Votre rapporteur a pu constater, au cours d'un déplacement en Loire moyenne, le lancement des travaux prévus par le Plan Loire pour le renforcement des levées et la restauration du lit du fleuve.

Il semble cependant que ces opérations n'aient pas encore été véritablement intégrées dans un programme pluriannuel cohérent et complet susceptible de donner à cette dimension essentielle du plan toute l'efficacité nécessaire.

En ce qui concerne les levées, il s'agit d'achever un programme lancé en 1970 en région Centre et poursuivi jusqu'en 1993 dans le cadre du contrat de plan entre l'État et la région. A cette fin, il reste nécessaire d'élaborer un catalogue complet des levées entre le Bec d'Allier et Nantes et de leur situation juridique, de mener à bien les investigations nécessaires pour établir le diagnostic précis de leur état ainsi que des travaux à entreprendre, compte tenu des enseignements retirés de l'étude prévue sur l'écoulement des grandes crues en Loire moyenne (il s'agit de l'étude qui permettra d'éclairer la décision définitive sur la construction du barrage du Veurdre à la fin de 1998)

En ce qui concerne l'entretien du lit, votre rapporteur a aussi pu constater le lancement de travaux ponctuels sur le cours de la Loire moyenne. Jusqu'à présent, à la différence du renforcement des levées, aucune opération d'envergure cofinancée par l'État et les collectivités locales n'avait été lancée. Il est vrai cependant que quelques travaux de restauration du lit avaient été réalisés dans le cadre du plan de relance de 1993, sur lesquels l'administration s'est appuyée pour lancer l'exécution du Plan Loire dans ce domaine notamment en Indre-et-Loire.

En 1994, des acquisitions de matériel ont été réalisées, une étude générale de repérage a été effectuée, mais il semble qu'aucun programme assurant la cohérence technique et financière de cette action ne soit encore disponible.

2. Le dispositif de mise en oeuvre du Plan Loire

L'un des défis majeurs du Plan Loire est la mise en place des partenariats nécessaires. On a vu ci-dessus que le relevé de décisions du 4 janvier 1994 a apporté un début de réponse à cette nécessité en prévoyant le renforcement du rôle du préfet coordonateur de bassin, le préfet de la région Centre, assisté d'une mission interministérielle « Plan Loire » chargée du suivi de celui-ci.

Le préfet coordonateur, ainsi qu'il l'a précisé à votre rapporteur lors d'un déplacement à Orléans, joue un rôle d'animation, d'information, de suivi, d'arbitrage, sans disposer d'un pouvoir hiérarchique sur les préfets et sur l'ensemble des services de l'État intéressés.

Il est assisté par le chargé de mission interministériel, l'ingénieur général Villey qui assure au jour le jour la coordination de l'ensemble des acteurs avec l'aide d'un secrétaire général du Plan Loire, récemment désigné.

La tâche dévolue à cette structure légère dont votre rapporteur a constaté l'inlassable dynamisme et la compétence sans faille dans le tissage de cette toile de Pénélope que le Plan Loire aurait pu rapidement devenir, est complexe. Il s'agit en effet de nouer des partenariats entre trente préfectures de région et de département, les services déconcentrés, régionaux ou départementaux, de l'environnement, de l'équipement et de l'agriculture l'Agence de bassin Loire-Bretagne, l'EPALA, les collectivités territoriales, les associations associées à la mise en oeuvre du plan, qu'elles soient maîtres d'oeuvre de certaines actions (c'est le cas pour les aspects de la restauration du milieu naturel liés au programme européen LIFE) ou simplement informées et consultées.

Il s'agit aussi de rechercher à monter dans les délais nécessaires à l'exécution des travaux les financements croisés de l'État, de l'EPALA, de l'Agence de l'eau, des collectivités territoriales, de suivre le déroulement des chantiers et la consommation des crédits, et enfin d'informer les différents partenaires, en particulier le comité de bassin dont la décision du 4 janvier 1994 a prévu la large association à l'exécution du plan, ainsi que la commission Loire, créée au sein du comité de bassin, spécialement chargée d'élaborer le programme de reconstitution des milieux naturels doté d'une enveloppe de 110 millions de francs.

Cette situation crée un enchevêtrement de responsabilités que la structure de coordination du Plan Loire paraît avoir jusqu'à présent fort bien maîtrisé en dépit d'un contexte parfois difficile localement comme il a été précédemment indiqué.

Le préfet coordonnateur de bassin n'en relevait pas moins devant votre rapporteur la nécessité de clarifier plus nettement les responsabilités des acteurs directs et des structures concernées par le Plan Loire. Il appartient au ministère de l'environnement de répondre à ce besoin afin d'éviter que la difficulté de lancer certaines études, de mener à bien certaines procédures, de réunir certains financements et d'engager en temps voulu les dépenses nécessaires, ne retarde l'exécution du programme gouvernemental.

Sans doute serait-il d'ailleurs tout aussi nécessaire de renforcer les moyens de certains services déconcentrés, la direction régionale de l'environnement (DIREN) de bassin, en particulier, pour faciliter la mise en oeuvre du plan dans de bonnes conditions administratives et techniques.

Le préfet coordonateur de bassin a suscité la mise en place d'unités de responsabilité qui devraient permettre de préciser les responsabilités des différents acteurs et de faciliter ainsi la mise en oeuvre des actions. Leur compétence sera thématique ou géographique, indépendamment des frontières administratives. Ainsi une unité de responsabilité pourra suivre plusieurs chantiers sur plusieurs départements. Les douze unités de responsabilité géographiques auront à gérer, entre autre, les chantiers suivants : les mesures spécifiques à la Haute-Loire, l'écloserie du haut Allier, le barrage de Naussac 2, la modélisation de l'estuaire. Les 12 unités de responsabilité thématiques seront de leur côté chargées d'opérations telles que : le programme de restauration des levées, les travaux dans le lit de la Loire et dans le lit aval de l'Allier, la modernisation de l'alerte de l'annonce des crues, le programme poissons migrateurs.

L'association de l'EPALA à la mise en oeuvre du Plan Loire était une condition essentielle de réussite compte tenu de son rôle passé et à venir dans la gestion de la Loire. Aussi une charte d'exécution du plan associant l'État, l'EPALA et l'Agence de l'eau a-t-elle été signée le 6 juillet 1994 afin de préciser dans leurs grandes lignes les responsabilités de chacun dans la mise en oeuvre des actions prévues. Cette charte présente une programmation des dépenses jusqu'en 2003 ainsi que leur répartition entre l'État, l'Agence de l'eau, l'EPALA et les collectivités locales, le partage des contributions entre ces derniers n'étant pas précisé. Enfin, l'EPALA ne contribue pas aux travaux réalisés en Haute-Loire.

3. Le financement de l'État

Le ministre de l'environnement, auditionné par votre commission, a indiqué que l'exécution du Plan Loire figurait parmi les priorités du Gouvernement en 1996.

Le tableau ci-après fait apparaître la situation des engagements budgétaires en octobre 1995, ainsi que les engagements de crédits prévus en 1996.

B. QUELQUES SUJETS DE PRÉOCCUPATION

Les opérations mentionnées ci-dessus ont été lancées et suivent leur cours, de façon parfois encore insuffisamment active, mais dans la logique de mise en oeuvre du Plan Loire dont elles manifestent la capacité mobilisatrice.

D'autres opérations, souvent plus modestes, ou plus difficilement programmables compte tenu de l'ampleur de la tâche et de l'éparpillement des domaines d'application, restent en suspens en dépit de l'intérêt qu'elles présentent pour le succès du Plan Loire. Une attention particulière doit par ailleurs être accordée à la maîtrise de l'urbanisme, qui progresse inégalement selon les secteurs et dont l'échec, même partiel, porterait une grave atteinte à la crédibilité de la démarche suivie par le Gouvernement dans le cadre du Plan « Loire grandeur nature ».

1. La maîtrise de l'urbanisation en zone inondable

Il n'est pas aisé de passer en quelques mois du laisser-faire à la rigueur, mais la bonne exécution de ce volet du Plan Loire est indispensable : si le mitage des vals inondables est poursuivi, la logique de respect de la vie du fleuve qui a inspiré l'élaboration du Plan Loire perdra toute vraisemblance et un nouveau programme de barrages écrêteurs devra être lancé, dont la construction alors vraisemblable du Veurdre donnera le coup d'envoi.

L'établissement des atlas des zones inondables est achevé, semble-t-il, en ce qui concerne les vals situés à l'aval de Nevers. Ces documents permettent d'informer l'État, les collectivités et la population des risques liés aux crues. Ils présentent une carte des aléas d'inondation avec une délimitation des zones en fonction de la vitesse et de la hauteur de l'eau, et servent à l'élaboration de projets de protection dénommés projets d'intérêt général (PIG).

L'objectif du PIG est de freiner l'urbanisation des secteurs à risques. Il définit deux types de zones, dans lesquelles sont appliquées des prescriptions diverses :


Les zones d'expansion des crues à préserver de toute urbanisation nouvelle : il s'agit des zones non urbanisées ou peu aménagées où la crue peut stocker un volume d'eau important, dissipant ainsi son énergie au prix de risques limités pour les vies humaines ou les biens. Dans ces zones, seules quelques constructions peuvent être autorisées, en fonction du niveau d'aléa :

- en aléa très fort sont autorisés : la reconstruction de bâtiments sinistrés (incendie par exemple), les vestiaires et sanitaires non gardés de terrains de sports, les constructions nécessaires au fonctionnement des services publics (pylônes, stations de pompage ou d'épuration), les serres (30 % d'emprise au sol). Des extensions de bâtiments existants sont également admises.

- en aléa fort peuvent être autorisés aussi : les bâtiments agricoles nécessaires au fonctionnement des exploitations et les logements de gardiens indispensables aux équipements sportifs.

- en aléa moyen et faible peuvent au surplus être autorisées les habitations indispensables aux exploitants agricoles.


Les zones essentiellement urbaines, c'est-à-dire les secteurs construits où il est nécessaire de préserver les possibilités d'écoulement des crues et de limiter la densité des constructions nouvelles :

- pour les constructions existantes sont autorisées : la rénovation, l'amélioration et les modifications. Les possibilités d'extension sont les mêmes que dans les zones d'expansion des crues.

- en outre, des constructions nouvelles peuvent être autorisées, sauf dans les zones d'aléa très fort, sous réserve du respect de coefficients d'emprise au sol.

Les PIG doivent être intégrés dans les documents d'urbanisme, ce qui nécessite parfois l'active implication des préfets, spécialement dans le département de l'Indre-et-Loire, semble-t-il. Le département du Loiret fait en revanche figure d'élève modèle de l'urbanisation maîtrisée. L'élaboration du PIG d'Orléans, en particulier, qui concerne 15 communes et 205.000 habitants (dont 49.000 vivent en zone inondable), a été prise en compte en juillet 1994 dans le schéma directeur de l'agglomération orléanaise. Douze communes ont décidé de l'intégrer dans leur POS, pour les trois communes réfractaires, l'État a décidé de mettre en oeuvre la procédure de révision du POS.

Il est évident que le Plan Loire n'a de raison d'être que si les PIG couvrent l'ensemble des vals inondables et sont pris dûment en compte par les documents d'urbanisme. On mesure alors le rôle crucial des préfets à qui il appartient de surmonter la réticence de nombreuses communes, les plus exposées aux risques, peut-on penser. Il est indispensable que les préfets reçoivent à cet égard un appui fort du Gouvernement et soient incités à mettre en oeuvre les mesures réglementaires nécessaires à une remise en ordre de l'urbanisation des vals inondables. Il est donc souhaitable que le ministre de l'environnement renouvelle périodiquement l'initiative qu'elle a prise de réunir autour d'elle le 21 octobre dernier l'ensemble des préfets impliqués dans la mise en oeuvre du Plan Loire afin de faire le point sur son déroulement.

2. Les opérations en suspens

Le recours aux instruments agri-environnementaux de la politique agricole commune n'a jusqu'à présent pas été envisagé très activement, semble-t-il, dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan Loire. Pourtant, la généralisation de pratiques agricoles moins intensives, spécialement en matière d'irrigation, l'utilisation pertinente de la jachère fixe sur les rives du fleuve, pourraient contribuer de façon utile à la restauration de la qualité hydrologique de la Loire.

De même, la politique du paysage mentionnée au point 3-4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 ne semble pas avoir été lancée. La création de la réserve naturelle de La Charité-sur-Loire progresse lentement.

Enfin, le volet culturel n'a pas reçu pour l'instant de contenu concret. Le ministère de la culture, promoteur de la valorisation culturelle de la Loire avec le ministère de l'environnement, ne semble pas avoir jusqu'à présent manifesté un intérêt très vif à l'égard de ce projet qui reste à définir.

Pourtant, cette dimension est nécessaire si l'on veut que par-delà la diversité du patrimoine et de l'histoire des peuples de la Loire, s'affirme une « âme ligérienne » qui servirait de point d'appui à la pérennité du Plan Loire. Celui-ci peut en retour être l'élément clé de l'affirmation de l'identité ligérienne : le fleuve n'est-il pas le seul véritable lien entre les populations qui gravitent autour ? Il est donc nécessaire de mobiliser les collectivités autour de quelques projets éclairant les réalités de la Loire, célébrant son histoire, mobilisant son patrimoine, assurant la promotion de son image. L'un des arguments de cette promotion peut d'ailleurs être le Plan Loire lui-même. Celui-ci apparaît, à un moment où l'image « écologique » de la France semble altérée aux yeux de l'opinion publique internationale, comme une opération exemplaire d'aménagement durable, un modèle « d'écologie à la française » susceptible de rehausser notre image à l'étranger, de mettre en avant notre capacité d'expertise en matière de gestion fluviale. Le Plan Loire ne justifierait-il pas, dans ces conditions, la création d'un label « Loire » qui estampillerait d'autres opérations d'aménagement durable d'une envergure comparable ?

Il convient aussi de signaler le problème non encore résolu des modalités techniques de vidange des retenues des barrages.

Votre rapporteur a tenu à présenter quelques pistes susceptibles d'être explorées en vue de la mise en oeuvre effective du volet culturel du Plan Loire. Il considère que l'État, une fois encore, doit donner l'initiative car en dépit de quelques initiatives récentes, aucune structure existante n'a actuellement la capacité de lancer le mouvement. Le relais devra ensuite être pris par les collectivités locales, groupées au sein d'une structure légère du type EPALA, dans un lieu emblématique de la Loire moyenne.

« La Loire est une reine et les rois l'ont aimée », écrivait Péguy 1 ( * ) Il était nécessaire qu'après des décennies d'apparent abandon, « la république, notre royaume de France », comme disait aussi le poète ligérien, marque à son tour, « selon la diversité des temps », la place de la Loire dans notre patrimoine.

Par son ampleur et son originalité, le Plan Loire répond à cette exigence. Il appartient encore à l'État, pour en faire la démonstration définitive, de le mener à bonne fin en concertation vigilante avec toutes les autres parties prenantes. Le ministre de l'environnement s'est attaché à assurer la continuité de l'effort engagé par son prédécesseur, puisse la même détermination se manifester durant les dix années d'exécution du plan et au-delà !

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Ambroise Dupont sur les crédits du ministère de l'environnement pour 1996 lors d'une réunion tenue le mercredi 22 novembre 1995 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Adrien Gouteyron a rappelé le douloureux contexte dans lequel est intervenue, en Haute-Loire, la décision du Gouvernement de renoncer, sans beaucoup de concertation, à la construction du barrage de Serre-de-la-Fare. Si ce retournement a été initialement mal vécu par les élus, les oppositions s'atténuent cependant et le plan Loire apparaît maintenant accepté dans le département.

Il a aussi présenté trois remarques particulières :

- la remontée des saumons est gênée par les ouvrages hydrauliques mais aussi par les conséquences, dans l'estuaire, des prélèvements de matériaux dans le lit du fleuve ;

- le plan Loire n'a pas prévu, en aval du Puy-en-Velay, de mesures permettant de protéger les entreprises dont l'exploitation peut être affectée par les crues, avec des conséquences extrêmement sensibles sur l'économie locale ;

- le volet culturel du plan Loire, négligé jusqu'à présent, peut donner lieu à des travaux intéressants. En effet, les populations de la Loire n'ont pas une connaissance suffisante de ce qui est fait alors que la mise en oeuvre du plan pourrait être l'occasion de renforcer l'identité ligérienne.

M. Guy Lemaire a demandé si les moyens dégagés par le plan Loire permettaient d'accélérer la procédure de classement de grands sites. Il a estimé que sur le cours aval de la Loire, un arbitrage satisfaisant avait été effectué entre les impératifs du développement économique et ceux de la protection de l'environnement. Il a noté que la délimitation des zones de protection sociale de l'estuaire était en cours et que le développement du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire pourrait être effectué sur trois sites : Donges-Est, le « port-aval » et le nord du banc de Bilho.

Il a indiqué que la région pays-de-la-Loire avait créé un « conservatoire des rives » chargé d'étudier les caractéristiques paysagères de la Loire et de proposer des modalités d'intervention pour la protection des paysages.

Il a enfin noté que le « bouchon vaseux » de l'estuaire, qui remonte parfois jusqu'à Ancenis et s'est développé en partie à cause des extractions de sable, gêne la remontée de poissons, spécialement le mulet.

M. James Bordas a regretté le manque de fermeté que les Gouvernements ont manifesté en renonçant à la construction des barrages et noté les difficultés provoquées en Indre-et-Loire par l'établissement des atlas des zones inondables ainsi que par le projet d'effacer le barrage de Maisons-Rouges.

M. Pierre Lacour a estimé que la méthode d'aménagement de vastes territoires instaurée par le plan Loire pouvait servir d'exemple pour d'autres opérations. Il est en effet nécessaire d'éviter une gestion au « coup par coup » méconnaissant les interactions entre problèmes ou entre territoires. Il a demandé si le plan avait prévu la mise en oeuvre de mesures pour résoudre les problèmes suscités par le ruissellement des eaux de pluie, notant que les fonds structurels européens pouvaient offrir des financements à cet égard. Il a rappelé, à propos du programme en faveur des poissons migrateurs, la nécessité de concevoir la protection de l'environnement compte tenu du contexte économique et social local et a regretté que ne soient pas dissuadées les cultures de maïs sur les rives des estuaires en raison des menaces que la pollution par les eaux de ruissellement chargées de pesticides faisait peser sur les activités économiques liées à l'eau, telles l'aquaculture ou l'ostréiculture.

M. Marcel Vidal a critiqué la modestie du budget de l'environnement et jugé très positif le choix du rapporteur pour avis d'approfondir un thème particulier dans le cadre de son rapport pour avis. Il a demandé en outre quel était l'avancement du processus d'élaboration des contrats de rivière, et des « contrats verts » dont il semble que les crédits s'amenuisent. Il a aussi demandé comment évoluait le statut des gardes-champêtres intercommunaux.

M. Jean Bernard, évoquant les problèmes posés par l'aménagement de la Marne, a estimé indispensable de concevoir l'aménagement des rivières dans un cadre global permettant de tenir compte de la solidarité entre l'amont et l'aval. Il a aussi regretté les excès de certaines opérations d'aménagement, prenant l'exemple des méandres de rivières coupés à l'initiative de certains ingénieurs, ce qui provoquait l'accélération du courant et obligeait à construire par la suite des seuils pour ralentir celui-ci.

Il a aussi évoqué les dommages causés aux cultures et à la pisciculture par certaines espèces protégées, telles que les grues cendrées et les cormorans, concluant que la protection de la nature devait respecter un certain équilibre.

En réponse à ces interventions, M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué qu'un des principes inspirateurs du plan Loire était le respect de la vie du fleuve, et que parmi les actions engagées se trouvaient plusieurs opérations de préservation de la capacité de « divagation » du lit dans des zones de méandres.

Il a noté que les choix difficiles opérés en Haute-Loire avaient été inspirés par une logique de respect de la vie du fleuve combinée avec la protection des populations exposées aux crues, très meurtrières dans les gorges de la Loire, comme le président Adrien Gouteyron l'avait rappelé.

Il a estimé nécessaire de favoriser l'émergence d'une communauté de pensée de l'amont à l'aval grâce au volet culturel du plan Loire.

Il a souhaité que la délimitation en cours des zones de protection spéciale sur l'estuaire donne satisfaction à la commission européenne et permette le lancement effectif du processus d'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire.

Il a noté que les problèmes posés localement par l'effacement du barrage de Maisons-Rouges ne conduisaient pas à la remise en cause de ce chantier, et a jugé que le plan Loire ne constituait pas forcément un modèle d'aménagement intégré applicable à toutes les rivières.

Rappelant que les mesures agri-environnementales prévues par le plan Loire n'avaient pas encore été mises en place, il a estimé que le système de la jachère fixe pouvait aider à résoudre le problème de l'écoulement de pesticides dans les rivières, compte tenu de la diversité des situations.

Il a enfin insisté, en ce qui concerne l'évolution passée des crédits du ministère de l'environnement, sur leurs progrès constants en moyenne période.

A l'issue de ce débat, la commission, suivant les propositions de son rapporteur pour avis, a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du budget de l'environnement pour 1996.

AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Article 15

Dans le texte proposé par le 1° de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 1716 bis du code général des impôts, après les mots :

ou de terrains

insérer les mots

bâtis ou non bâtis

* 1 Cahiers de la quinzaine, premier cahier de la 9ème série, 6 octobre 1907

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