III. LE TOURISME COMME INSTRUMENT DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Le tourisme est un vecteur essentiel de la politique d'aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales et de montagne.

A. DÉVELOPPER LE TOURISME RURAL

1. Le poids encore modeste du tourisme rural dans l'économie touristique

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, on constate que 72 % de la fréquentation touristique de la France n'intéresse que 20 % du territoire et que sur 320 milliards de dépenses touristiques évaluées en France, 22 % seulement bénéficient au tourisme de la campagne.

La faiblesse du tourisme en espace rural, en dépit de ses nombreux atouts, réside essentiellement dans le caractère atomisé de son offre. Elle est trop souvent axée sur une seule composante, par exemple un hôtel, un club, un château, une activité de loisirs. Les expériences de regroupement des prestations touristiques dans les espaces ruraux les plus attrayants sont encore trop rares ou peu organisées.

2. Encourager la valorisation des sites naturels et du patrimoine


• Il faut donc encourager les tentatives d'organisation territoriale menées par des structures telles que les pays d'accueil touristiques, les parcs naturels régionaux, les stations vertes ou les plus beaux villages de France, qui constituent aujourd'hui les principaux réseaux de coordination du tourisme dans les espaces ruraux.

Il faut favoriser la mise en valeur des potentialités des sites les plus propices au développement touristique. À titre d'exemple, on peut citer l'intéressant projet de valorisation du site naturel de la zone ostréicole de Marennes, qui s'inscrit dans une démarche d'aménagement du territoire microrégional. Il s'agirait de mieux « irriguer » une région dont la fréquentation touristique est aujourd'hui assez concentrée autour de ses plages, en valorisant le marais ostréicole et en créant une Cité de l'huître.

3. Favoriser l'agri-tourisme

En France, seuls 2 % des agriculteurs se livrent à des activités touristiques, contre 20 % en Suède, 7 % au Royaume-Uni et 4 % en Allemagne.

La loi de modernisation de l'agriculture du 17 janvier 1995 a levé certaines contraintes qui freinaient le développement du tourisme à la ferme, en favorisant l'exercice de la pluri-activité (tant des exploitants agricoles que des autres catégories socio-professionnelles). Diverses mesures sociales et fiscales améliorent ainsi le statut du pluri-actif et devraient, par ailleurs, faciliter la réhabilitation d'immeubles ruraux actuellement vacants ou à l'état d'abandon et destinés à la location durable.

On peut se féliciter de cette évolution positive.

Le développement de ce type de tourisme doit cependant s'effectuer dans des conditions de concurrence loyale. C'est pourquoi, il convient parallèlement de lutter contre le paracommercialisme.

4. Lutter contre le paracommercialisme

Rappelons quelques-unes des propositions du rapport Radelet sur le thème « paracommercialisme et espace rural » :

- généralisation de la déclaration en mairie de toutes les formes d'hébergement et de restauration ;

- égalité de traitement pour les aides publiques attribuées aux différentes catégories d'acteurs qui participent à la restauration dans le tourisme rural ;

- étude des mesures fiscales incitatives de nature à encourager le classement des hébergements ;

- mise à niveau des charges sociales et éventuellement fiscales à payer par l'ensemble des acteurs participant à la restauration et à l'hébergement en milieu rural (particuliers).

Sur la base des propositions de ce rapport, les pouvoirs publics ont entrepris la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre le paracommercialisme.

- Ils ont, en premier lieu, encouragé les rapprochements récents entre, d'une part, les acteurs du tourisme vert et, d'autre part, les hôteliers et restaurateurs traditionnels (signature de protocoles, mise en place de solutions dynamiques en matière d'animation, mise en place de réseaux, valorisation du patrimoine culturel, gastronomique).

C'est ainsi qu'un protocole a été signé dans ce sens, le 6 avril dernier, entre la FNSEA, la Fédération nationale de l'Industrie hôtelière et la Fédération nationale des Gîtes de France.

- Comme on l'a indiqué, le Gouvernement s'apprête, en second lieu, à publier un décret rendant obligatoire la déclaration en mairie de toutes les formes d'hébergement et de restauration. À l'heure actuelle, il n'existe aucune obligation de cet ordre dans les communes ne percevant pas la taxe de séjour.

- Enfin, le ministre du Tourisme a arrêté un plan pour assurer une résorption progressive des formes les plus préoccupantes de cette économie touristique souterraine.

Le dispositif comprend quatre phases :

. une phase d'information ;

. une phase de recensement, possible grâce à la déclaration obligatoire. Elle prévoit également un recensement des salles communales exerçant des activités de restauration, et des tables d'hôtes ;

. une phase de contrôle des fermes-auberges, mais aussi des buvettes, des lycées hôteliers, des ventes ambulantes en bordure de routes ;

. une phase de réglementation. Outre le décret précité, une réflexion est en cours sur la réglementation fiscale et sociale.

5. Améliorer l'organisation du secteur et faciliter la commercialisation des produits

À la suite du rapport Descamps sur le tourisme rural, plusieurs actions sont en cours pour améliorer l'organisation du secteur et faciliter la commercialisation des produits touristiques. Il s'agit de :

- l'élaboration d'un plan marketing du tourisme en espace rural à partir d'études de clientèles sur des filières de produits ;

- la participation à la politique d'aménagement du territoire, en particulier à la politique du « pays » à la suite de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, avec la mise en oeuvre de« pays touristiques » ;

- l'amélioration de la commercialisation par la création d'un serveur national de réservation.

B. ENCOURAGER LE TOURISME À LA MONTAGNE

1. Grandes, moyennes et petites stations : des situations différentes justifiant des stratégies adaptées

Jadis en croissance, le marché est devenu mature et concurrentiel, désormais commandé par la demande. Il convient donc d'encourager l'effort d'adaptation indispensable aux modifications intervenues sur le marché et d'aider certaines stations en difficulté, mais ayant un bon potentiel à sauvegarder leur outil.


• Les grandes stations bénéficient d'un enneigement garanti, de vastes domaines skiables et disposent d'une importante présence commerciale en France et à l'étranger, ainsi que d'une excellente image.

C'est ainsi que sur 350 stations ou centres de ski, les 100 stations principales induisent 90 % du chiffre d'affaires total du tourisme en montagne (qui s'élève à 20 milliards de francs, dont 5 milliards en devises).


La situation des stations moyennes est plus inquiétante. Le plus souvent situées en moyenne montagne, elles sont confrontées au risque d'une perte de clientèle, attirée par les grands domaines skiables ou d'autres lieux de vacances. Elles présentent souvent des atouts en terme de qualité des paysages naturels et urbains. Mais, en dépit de domaines skiables variés, l'insuffisance du nombre de lits banalisés, de l'accueil, des modes de commercialisation, constituent un réel handicap. Le financement des investissements, notamment en remontées mécaniques performantes, a souvent été réalisé sans fonds propres. Certaines communes connaissent d'importantes difficultés financières qui risquent de se répercuter sur l'emploi et le maintien de l'activité.

Ces stations représentent un enjeu important pour l'augmentation de la fréquentation touristique, qui pourra être obtenue grâce à un enrichissement de l'offre et une amélioration de la mise en marché.

Des mesures dans ce sens, concernant la moyenne montagne, sont inscrites dans la plupart des nouveaux contrats du XIe Plan (1994-1999). Elles visent à :

- développer l'observation économique ;

- développer l'organisation et la professionnalisation des acteurs ;

- organiser des actions territorialisées de manière variable suivant les massifs : soit le montage et le financement de projets de station, soit le financement de contrats d'objectifs sur une vallée ou un « pays » ;

- mener des actions par filière ayant pour vocation l'aide au développement d'une activité touristique (randonnée, espaces naturels de haute montagne, routes ou chemins touristiques à thèmes, etc.).

Ces actions ont pour objectif le développement du tourisme d'hiver comme d'été.


Quant aux petites stations, elles souffrent d'une fragilité économique, ainsi que d'une rentabilité et d'une base capitalistique insuffisante pour supporter des à-coups conjoncturels. La conjonction de besoins de réinvestissement, des aléas conjoncturels et de l'accroissement de la concurrence les placent en situation difficile.

Heureusement, les deux dernières saisons (1993-1994 et 1994-1995), correctement enneigées, ont permis de poursuivre l'exploitation dans de bonnes conditions, sans résoudre les problèmes de fond cependant.

Ces problèmes tiennent aussi aux difficultés de commercialisation. À cet égard, les pouvoirs publics incitent les petites et moyennes stations de moyenne montage à se regrouper en « stations-villages » et à organiser leurs relations avec les distributeurs, afin de faciliter leur commercialisation.

2. Des propositions récentes


• Cette action des pouvoirs publics s'inspire des propositions du rapport Pascal 1 ( * ) sur les
« problèmes structurels des stations de moyenne montagne ». Celles-ci ont pour objet de « sécuriser les acteurs économiques de la moyenne montagne par un plan d'assainissement à long terme ».

Le rapport préconise notamment :

- la mise en place d'un volet « moyenne montagne » dans les contrats de plan État-région, avec le souci prioritaire de soutenir les structures intercommunales qui prendraient en charge les stations en difficulté ;

- l'incitation aux stations à pratiquer des audits et à opérer une « mise à plat » des investissements. Il s'agit de favoriser les investissements apportant des améliorations durables sans engendrer des coûts de fonctionnement importants (par exemple le reprofilage des pistes pour les adapter à l'enneigement) ;

- l'amélioration de la qualité, la professionnalisation, la promotion et la mise en marché des produits.

En outre, s'agissant du plan d'assainissement à long terme, le rapport Pascal estime que la solidarité locale doit jouer au maximum et qu'il conviendrait même d'introduire une « mutualisation minimum du risque d'exploitation ».

À cet égard, l'idée de créer un « fonds neige » -auxquels participeraient l'ensemble des stations pour aider celles qui connaîtraient des difficultés d'enneigement- est défendue par certains. Elle ne fait bien entendu pas l'unanimité, l'effort de solidarité n'étant pas nécessairement bien accueilli par les grandes stations.

Il faut pourtant souligner que ces dernières bénéficient d'un transfert de clientèle en provenance des stations de moyenne montagne en difficulté en cas d'enneigement insuffisant.

Votre rapporteur pour avis adhère à une autre suggestion du rapport Pascal : il s'agirait « d'aider le « désarmement » d'une toute petite minorité des remontées mécaniques structurellement non viables ».

Il faut avoir conscience de l'enjeu que cela représente pour les petites stations concernées et pour la politique d'aménagement du territoire.


• Un autre rapport récent émet des propositions tendant à garantir le développement touristique des zones de montagne. Il s'agit du rapport Cupillard 2 ( * ) sur les « perspectives économiques et sociales de la montagne française ».

Sans être exhaustif, citons quelques-unes de ses propositions :

- le réaménagement du calendrier scolaire. À cet égard, l'aménagement du calendrier scolaire permet aujourd'hui un meilleur étalement des saisons. Votre commission estime que cet effort doit être poursuivi ;

- l'aménagement de tarifs pour l'électricité des remontées mécaniques ;

- l'octroi de subventions (départementales ou régionales) pour enneigement automatique ;

- le développement les labels touristiques en montagne.

* 1 Rapport remis en juillet 1993 au Ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.

* 2 Rapport remis au Premier ministre en 1994.

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