II. UN BUDGET QUI ENREGISTRE LES CONSÉQUENCES DES ENGAGEMENTS DÉJÀ PRIS EN MATIÈRE DE VERSEMENT DES DROITS A INDEMNISATION ET DE SOUTIEN A L'AMÉLIORATION DE LA RETRAITE

Les postes de ce budget les plus importants par leur volume et par leur progression sont ceux qui portent sur le financement de dispositifs mis en place depuis longtemps : il s'agit du remboursement des certificats d'indemnisation au titre de la loi du 16 juillet 1987 et de la contribution de l'État aux régimes de retraite des rapatriés.

A. UN BUDGET QUI TIENT LES ENGAGEMENTS PRIS EN MATIÈRE D'ACCÉLÉRATION DU REMBOURSEMENT DES CERTIFICATS D'INDEMNISATION

1. L'amélioration progressive des mécanismes d'indemnisation

Les spoliations de biens consécutives à l'indépendance ont fait l'objet de lois successives destinées à réparer le préjudice subi.


• La loi du 15 juillet 1970 pose les bases du système d'indemnisation notamment quant à son champ d'application.

Sont indemnisables les personnes physiques françaises 2 ( * ) dépossédées avant le 1er juin 1970 par suite d'événements politiques et qui ont résidé au moins pendant trois ans dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

Les territoires concernés visés par la loi sont l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, les États de l'ex-Indochine et la Guinée.

Les biens indemnisables s'entendent des biens agricoles et immobiliers, des éléments corporels et incorporels constituant l'actif des entreprises commerciales, industrielles, artisanales ainsi que des professions libérales.

La valeur d'indemnisation est fixée par décret en fonction de la nature du bien et de son lieu d'implantation. Elle est en outre affectée d'un coefficient dégressif par tranche de patrimoine et le montant total de l'indemnisation est plafonné par rapport à la taille du ménage.


• La loi du 2 janvier 1978 fixe le principe d'une indemnisation totale en créant un « complément d'indemnisation » calculé par différence entre la valeur d'indemnisation actualisée des biens spoliés et la contribution nationale définie par la loi du 15 juillet 1970.

La valeur d'indemnisation demeure toutefois plafonnée à un million de francs par ménage et à 500 000 francs pour les autres bénéficiaires.


• La loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés
corrige certaines insuffisances du régime d'indemnisation précédent en appliquant notamment des coefficients de revalorisation distincts par catégorie de biens aux valeurs d'indemnisation initialement calculées (biens agricoles, biens immobiliers, bien commercial ou artisanal, professions libérales). En outre, le bénéfice du droit à complément d'indemnisation est étendu aux héritiers des personnes déjà indemnisées lorsque celles-ci sont décédées.

Pour être complet, on précisera que le délai de forclusion pour le dépôt des dossiers est rouvert jusqu'au 20 juillet 1988 et que le champ d'application de la loi de 1970 a été étendu à certains agriculteurs rapatriés du Maroc et de Tunisie qui en étaient jusqu'alors écartés.

2. Le raccourcissement de l'échéancier d'indemnisation prévu par la loi du 27 janvier 1993 a une incidence budgétaire significative

L'article 80 de la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a prévu d'accélérer le calendrier de remboursement des certificats d'indemnisation détenus par les personnes dépossédées ou leurs ayants-droit. L'objectif est de solder au plus tard en 1997 (au lieu de 2001) tous les certificats et, dès 1996, ceux des personnes nées entre 1920 et 1929.

Le projet de budget pour 1996 enregistre au budget des charges communes l'impact budgétaire du raccourcissement de l'échéancier d'indemnisation qui a été de 55 millions de francs en 1993, 465 millions de francs en 1994, 912 millions de francs en 1995 et atteindra 2,03 milliards de francs dans le projet de budget pour 1996.

Le chapitre 46-91 du « bleu » des charges communes passe de 4,06 milliards de francs à 4,27 milliards de francs faisant apparaître une hausse de 5,17 % par rapport à l'année dernière. L'indemnisation représente à elle seule près de 64 % de l'enveloppe budgétaire versée aux rapatriés.

L'année 1997 devrait voir la fin du processus d'indemnisation relancé par la loi du 16 juillet 1987. Nombreuses sont les associations de rapatriés qui font valoir le caractère insuffisant des mesures d'indemnisation jusqu'ici retenues par rapport à la réalité des préjudices subis. Elles s'interrogent notamment sur les exclusions maintenues en matière de biens indemnisables, sur le plafonnement en valeur du montant de l'indemnisation et sur le niveau d'indexation retenu pour l'actualisation de la valeur des biens transférés.

Force est pourtant de constater que, depuis 1970, le transfert opéré par la collectivité nationale au titre de l'indemnisation des rapatriés représente 52,2 milliards de francs qui se répartissent comme suit :

- 9,9 milliards de francs au titre de la loi de 1970 (101 000 bénéficiaires),

- 18 milliards de francs au titre de la loi de 1978 (238 000 bénéficiaires),

- 26,5 milliards de francs au titre de la loi de 1987 (410 000 bénéficiaires).

L'effort demandé à la collectivité nationale depuis 25 ans est indéniable. Le légitime souci de maîtriser la dépense publique ne pourra que rendre très difficile la reconduction de tels dispositifs.

Toute amélioration ultérieure du niveau de l'indemnisation mériterait aujourd'hui d'être examinée à la lumière de ses effets réels au regard de la lutte contre l'exclusion sociale qui devrait être l'objectif prioritaire de toute politique de distribution de fonds publics.

Enfin, il convient de rappeler qu'au cours de la campagne électorale, le Président de la République a souhaité, avant que ne s'achève l'application de la loi du 16 juillet 1987 susvisée, qu'une grande réunion soit organisée avec les associations représentatives des rapatriés, suivie d'un débat au Parlement, afin d'établir un bilan de l'exécution de ce texte.

B. UN BUDGET QUI ASSUME LES ENGAGEMENTS PRIS PAR L'ÉTAT POUR ASSURER AUX RAPATRIÉS DES PENSIONS DE RETRAITE SATISFAISANTES

S'agissant des retraites, il faut distinguer les sommes versées par l'État au titre de la garantie et de la prise en charge de divers régimes de retraite locaux mis en place avant l'indépendance, qui représentent environ 1,137 milliard de francs, de la contribution de l'État relative à l'amélioration des retraites par le rachat de cotisations, qui s'élève à 791 millions de francs pour 1996.

1. Les dépenses relatives aux garanties et à la prise en charge des régimes de retraite locaux

Les crédits consacrés à la compensation par l'État des défaillances ou des insuffisances des régimes de retraite auxquels cotisaient les Français avant leur départ d'Algérie, sont en légère diminution, en raison de la diminution démographique de la population bénéficiaire.

Les crédits en question sont pris en charge par le budget des charges communes ou par les ministères de rattachement des caisses de retraite concernées et portent sur :

- le versement de l'État à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) au titre des rapatriés, qui compense le non-versement par les caisses de retraite d'Afrique du Nord des contributions perçues au titre des services effectués par les agents employés avant l'accession à l'indépendance de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc ;

- la participation de l'État aux dépenses de la Caisse de retraite des régimes ferroviaires d'Outre-mer (CRRFOM) ;

- la prise en charge et la garantie de retraite des agents publics ou des anciens agents français des établissements publics, offices et sociétés concessionnaires des services publics d'Algérie, du Maroc, de Tunisie et d'anciens territoires d'Outre-mer (inscrits sur les budgets des ministères des Affaires étrangères, des Transports, de l'Industrie, de l'Agriculture et de la Santé publique) ;

- la subvention à la Caisse de prévoyance des cadres d'exploitation agricole rapatriés (CPCEA) ;

- les crédits d'action sociale (inscrits au budget du Premier Ministre) qui sont consacrés à la prise en charge des retraites des anciens personnels du service des eaux d'Oran et des manufactures de tabac d'Algérie.

2. L'augmentation des aides à l'amélioration des retraites

Depuis quelques années, le budget enregistre la montée en charge des mécanismes d'aide au rachat de cotisations qui sont venus compléter les mesures prises en matière de validation de période d'activité.

Dans la première moitié des années 60, ont été prises les mesures de régularisation de la situation des salariés anciennement installés dans les territoires ayant accédé à l'indépendance au regard des régimes de sécurité sociale en France.

L'accession au régime de l'assurance volontaire vieillesse pour les salariés ayant travaillé dans des territoires anciennement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, a été reconnue par la loi du 22 décembre 1961. S'agissant de l'Algérie, ce droit a été reconnu aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale obligatoire sur ce territoire par la loi du 13 juillet 1962.

Le principe de la validation, à titre onéreux, des périodes d'activité accomplies hors de France, et en particulier dans les anciens territoires d'Outre-mer, est posé par la loi du 10 juillet 1965. Pour l'Algérie, la validation gratuite de certaines périodes d'activité est reconnue par la loi du 26 décembre 1964 : il s'agit des périodes d'activité salariée accomplies avant le I er juillet 1962 dans le cadre du régime d'assurance vieillesse algérien institué en 1953, des périodes d'activité comprises entre le 1 er avril 1938 et l'institution dudit régime et des périodes de présence dans les forces supplétives en Algérie.

La loi du 4 décembre 1985 franchit une étape en ouvrant aux rapatriés le droit de bénéficier d'une aide de l'État, calculée en fonction de leurs revenus, lorsqu'ils souhaitent procéder à un rachat de cotisations rétroactives ou solder un rachat effectué dans le cadre de la loi du 10 juillet 1965.

Entrent notamment dans le champ d'application de cette aide au rachat, les rapatriés ayant exercé une activité professionnelle dans un des territoires d'outre-mer devenus indépendant et n'ayant pu cotiser à un régime obligatoire de base ainsi que les personnes ayant exercé une activité professionnelle en Algérie avant le 1er juillet 1962 et n'ayant pas bénéficié de validation gratuite au titre de la loi du 26 décembre 1964.

Le taux de l'aide varie entre 100 %, pour les salariés dont les revenus sont inférieurs au SMIC et 50 % pour ceux dont le revenu est deux fois supérieur à celui du SMIC ; il correspond en moyenne à 88 % du montant des rachats proposés.

Concernant les retraites complémentaires, une convention conclue le 20 avril 1988 entre l'État et la société des organisations agricoles mutuelles pour l'assurance-vie (SORAVIE) permet aux anciens salariés d'outre-mer de bénéficier, sous certaines conditions, d'une rente destinée à compléter leur retraite. Cette opération qui s'effectue sur la base d'une validation gratuite de points a donné lieu au versement par l'État d'une somme forfaitaire de 620 millions de francs à la SORAVIE. Il reste qu'aucune nouvelle demande d'ouverture de droit ne peut être aujourd'hui instruite au titre de cette retraite complémentaire puisque la date de forclusion, fixée au 30 juin 1991, n'a pas été prorogée malgré les négociations engagées l'année dernière

Le mécanisme d'aide au rachat de cotisations, qui recouvre potentiellement un montant de cotisations susceptibles d'être rachetées de plus de 5 milliards de francs, rencontre un succès croissant à mesure que se rapproche l'âge de la retraite pour les personnes concernées.

Le montant des crédits, fixé à 450 millions de francs en loi de finances initiale pour 1995, devrait faire l'objet d'un abondement complémentaire de l'ordre de 142 millions de francs dans le collectif de la fin de l'année. En outre, ces crédits inscrits au chapitre 47-92 du budget des charges communes passent à 791 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1996, soit une hausse considérable de plus de 75 % par rapport à l'année précédente.

Cette mesure traduit la volonté du gouvernement d'éviter à l'avenir le renouvellement de mesures de régulation importante ; elle souligne aussi le poids croissant de la montée en charge des mesures d'aide au rachat de cotisations de retraite face auxquelles le budget ne peut qu'enregistrer les conséquences des demandes de rachat présentées par les rapatriés.

Il serait souhaitable, en tout état de cause, que les négociations déjà engagées soient poursuivies pour lever la date de forclusion en matière de souscription d'une retraite complémentaire au titre de la SORAVIE.

* 2 Pour les personnes morales, le droit à indemnisation naît dans le patrimoine des associés dans la mesure où ceux-ci sont des personnes physiques indemnisables

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