TITRE II LE PLAN GOUVERNEMENTAL ET LES PISTES SUGGÉRÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR

A. LE PLAN GOUVERNEMENTAL : DES MESURES «D'EFFET IMMÉDIAT» ET DES MESURES STRUCTURELLES POUR RÉDUIRE UN DÉFICIT LARGEMENT DÛ À LA CONJONCTURE

1. Des mesures « d'effet immédiat »

En effet, il faut rappeler que, de la moitié des années soixante jusqu'en 1993, la branche famille a accumulé un excédent de 64 milliards de francs qui lui a été indûment confisqué pour renflouer les branches déficitaires, maladie et vieillesse, en l'absence d'une véritable séparation des branches. Le paradoxe a voulu que l'on offre des garanties sur ce point à la branche famille grâce à la loi relative à la sécurité sociale et à la loi relative à la famille, toutes deux du 25 juillet 1994, au moment où la situation de la branche famille commençait de se dégrader du fait de l'influence de multiples causes : difficultés économiques qui minorent les rentrées de cotisation, baisse du taux de cotisation, imputation de charges (majoration d'allocation de rentrée scolaire), création de nouvelles prestations. Cette année 1995 encore, la CNAF a subi les conséquences de la montée en charge de la loi relative à la famille pour 3,6 milliards de francs. De plus, elle doit prendre en charge une partie, soit 1,5 milliard de francs, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée par le Gouvernement. Le déficit serait bien entendu beaucoup plus important, il sera de 13,271 milliards en 1995, si n'étaient à l'oeuvre deux mécanismes de modération des montants servis, à savoir l'indexation sur les prix et le déclin démographique.

Ces mesures d'effet immédiat sont nombreuses et obéissent avant tout à des considérations financières même si ce n'est pas leur unique but. Ainsi, en 1996, et en 1996 seulement, les prestations familiales ne seront pas revalorisées sur les prix, comme l'avait très clairement prévu la loi relative à la famille précitée. Cette garantie de revalorisation fonctionnant pour cinq ans, le Gouvernement devra inclure les dispositions nécessaires à cette stabilisation de la BMAF dans le projet de loi d'habilitation. Cette mesure devrait permettre à la CNAF d'économiser 2,6 milliards de francs en 1996 et 2,8 milliards en 1997. Ensuite, ce sera l'intégralité de l'allocation pour le jeune enfant (APJE), c'est-à-dire à partir du quatrième mois de grossesse, qui sera mise sous condition de ressources. Actuellement, ce n'est qu'à partir du quatrième mois de l'enfant, que cette prestation est servie sous condition de ressources. Votre rapporteur ne peut s'empêcher de déplorer cette initiative qu'il trouve fâcheuse, en ce sens qu'elle fait perdre à l'APJE tout l'aspect prime à la naissance. L'application de cette disposition pose un autre problème : en faisant de cette prestation une prestation sociale, elle risque de la réintroduire dans les prestations exportables au plan européen, alors qu'actuellement l'APJE est considérée comme une allocation de naissance et, à ce titre, est exclue du versement à l'extérieur du territoire français. Applicable aux personnes dont le droit à l'APJE sera ouvert à compter du 1 er janvier 1996, elle devrait permettre d'économiser 0,6 milliard de francs en 1996 et 1,2 milliard de francs en 1997.

A côté de cette disposition à laquelle votre rapporteur ne peut être favorable, d'autres dispositions apparaissent de bon sens ou d'équité comme la rationalisation des aides au logement. En effet, ces allocations sont actuellement calculées sans que l'on tienne compte de l'ensemble des revenus de remplacement, c'est notamment le cas pour les indemnités en cas de maternité, les rentes d'accidents du travail et pour certains abattements liés à des exonérations fiscales. Ainsi, à niveau de revenu identique, selon le type de ressources, les personnes concernées pouvaient avoir une allocation de logement ou pas. C'était incontestablement une source d'inéquité. Les revenus précités seront donc réintégrés dans la base de calcul des allocations de logement à compter du 1 er juillet 1996. Il faut noter, toutefois, qu'une autre mesure entrera parallèlement en vigueur : la réévaluation de la participation minimale à l'effort de logement demandée aux familles. La conjonction de ces deux mesures devrait permettre une économie de 1,2 milliard de francs en 1996 et autant en 1997.

En cohérence avec le premier point, il devrait être également tenu compte de l'intégralité des revenus de remplacement, y compris les indemnités versées en cas de maternité et les rentes d'accidents du travail pour l'attribution des prestations sous condition de ressources.

Par ailleurs, le mode de revalorisation des prestations sous condition de ressources sera aligné sur la base mensuelle des allocations familiales.

Enfin, et ceci peut s'avérer contestable dans la mesure où cette durée est considérablement raccourcie, le délai de prescription pour l'attribution des prestations familiales sera harmonisé à la baisse puisqu'il sera désormais de six mois. L'ensemble de ces trois dispositions devrait permettre d'économiser 600 millions en 1996 et 1,1 milliard en 1997 pour la branche famille.

Enfin la dernière de ces mesures à effet immédiat consiste à procéder à l'harmonisation des modalités de gestion des prestations familiales pour tous, y compris pour l'Etat et certaines entreprises publiques comme EDF, la SNCF la RATP France Telecom, et la Poste qui assument encore la gestion des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale de leur personnel. Dans cette optique, le taux de cotisation de l'Etat et des entreprises publiques précitées sera aligné sur les taux applicables aux entreprises Cette disposition, qui devrait permettre d'économiser globalement 700 millions en 1996 et 1,7 milliard en 1997, est d'effet réellement immédiat pour les entreprises publiques (1 er janvier 1996) et applicable seulement en 1997 pour l'Etat. L'ensemble de ces dispositions auxquelles s'ajoute la fiscalisation des allocations familiales devrait permettre dès 1997 le retour à un excédent de 6,5 milliards alors qu'en 1996 le déficit sera sensiblement réduit.

Ceci montre, à l'évidence que les problèmes financiers de la branche famille ne sont pas structurels, mais conjoncturels. On peut alors s interroger sur l'opportunité de prendre dans ce domaine de dispositions structurelles.

Dispositions financières à l'égard de la branche famille y compris la fiscalisation des allocations familiales

Economies prévues

Source : Dossier de presse du plan de réforme de la protection sociale

2. Les mesures structurelles

Dans le plan du 15 novembre 1995, votre rapporteur peut distinguer deux mesures structurelles. Tout d'abord, la branche famille verra son financement conforté par l'élargissement de la base de la contribution sociale généralisée (CSG) qui lui est affectée (soit 1,1 % de CSG). Une telle annonce ne peut être accueillie que positivement dans la mesure où, dans les années passées, la branche famille avait vu le fondement de ses ressources réduit (baisse du taux des cotisations).

Ensuite, sera mise en oeuvre, à partir de 1997, la fiscalisation des allocations familiales, attribuées à toutes les familles de deux enfants ou plus sans condition de ressources et qui ont une visée démographique. Une telle mesure ne peut être approuvée par votre rapporteur. Il y voit une confirmation de la tendance qui a émergé à partir des années 70 de transformer la politique familiale en une politique sociale, idée à laquelle se sont toujours opposés les mouvements familiaux.

Cette disposition devrait avoir pour conséquence d'assujettir à l'impôt sur le revenu environ 250.000 familles de plus, qui perdraient, de ce fait même, un certain nombre d'avantages liés à la non-imposition. Il faut, toutefois, préciser que le produit de cette imposition sera pour moitié consacré à des aménagements du barème au profit des familles modestes et des familles nombreuses, ce qui conduira à lisser l'effet de cette fiscalisation, et pour moitié, reversé à la CNAF pour contribuer au rééquilibrage de la branche famille. Sur le plan de la politique familiale, cela conduit à une opération blanche. Votre rapporteur se demande donc si une telle réforme est bien nécessaire et bien opportune.

Votre rapporteur tient à souligner qu'il comprend le souci du Gouvernement de mieux gérer et de rendre plus équitable le système de protection sociale. Mais il pense que la meilleure solution, en matière de politique familiale, serait de procéder à une refonte des prestations. Elles sont, en effet, trop nombreuses et ont perdu de leur lisibilité. De plus, certaines devraient être réexaminées dans leurs conditions d'attribution comme l'Allocation de Parent isolé dont le contrôle est difficile à effectuer et dont le coût annuel est tout de même de 5 milliards.

Par ailleurs, votre commission, sur la suggestion de son président, M. Jean-Pierre Fourcade, s'est demandé si une aide dès le premier enfant ne serait pas opportune et s'il ne fallait pas non plus également mettre l'accent sur le troisième enfant afin de favoriser les familles nombreuses. Votre rapporteur s'est déclaré en accord avec les deux points, à condition toutefois, pour l'aide au premier enfant, que celle-ci soit assortie de conditions d'âge.

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