III. LA POLITIQUE DE LA VILLE : UNE PHASE DE TRANSITION

S'agissant de la politique de la ville, qui fait l'objet cette année d'un fascicule budgétaire spécifique en plus du « jaune » traditionnellement consacré à l'effort financier consacré à « la politique des villes et au développement social urbain », ce budget apparaît destiné à confirmer les engagements pluriannuels déjà pris tout en préparant de nouvelles orientations.

Face à une certaine lourdeur de la ville, le programme national d'intégration urbaine (PNIU) devra donner une impulsion nouvelle.

A. LES INSTRUMENTS CONTRACTUELS ET BUDGÉTAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE POUR 1996

Il convient de rappeler que la politique de la ville repose sur un ensemble d'engagements pluriannuels pris dans le cadre des instruments contractuels du XIe plan (1994-1998).

Le cadre contractualisé de la politique de la ville comprend, à la fois, les contrats de plan État-régions, les contrats de ville, les programmes concertés d'aménagement du territoire (PACT) urbaine, les conventions de sortie des opérations de quartiers du Xe plan et les protocoles d'accord au titre des grands projets urbains.

a) Les contrats de plan État-région

Au nombre de 22, les contrats de plan État-région, s'ils ne sont pas exclusivement consacrés à la politique de la ville lui servent néanmoins de cadre de référence dans la mesure où ils intègrent explicitement ses objectifs et où ils comportent les engagements financiers pris par les assemblées régionales pour la période 1994-1998.

Les régions se sont engagées en grande majorité sur leurs compétences en particulier dans les domaines du développement économique et de la formation ainsi que dans les domaines de l'aménagement urbain et de l'habitat.

b) Les contrats de ville

Expérimentés dans le cadre du Xe plan (1983-1993) et généralisés dans le XIe plan, les contrats de ville, au nombre de 214, ont pour objectif de mettre en place, de manière concertée, un programme d'action sur cinq ans visant à lutter contre l'exclusion dans les quartiers et sites sensibles recensés dans les 185 agglomérations par le conseil interministériel des villes du 29 juillet 1993. Ces programmes d'action peuvent être affinés et actualisés chaque année par avenant.

L'écart entre le nombre de contrats signés et le nombre d'agglomérations initialement visées s'explique par la difficulté de mettre en place, dans certains cas, un seul contrat à l'échelle de certaines agglomérations.

Les contrats de ville sont signés par le préfet au nom de l'État et par les maires des communes concernées ou les présidents des organismes de coopération intercommunale concernée ; ils sont cosignés éventuellement par le président du conseil régional, le président du conseil général ainsi que par le fonds d'action sociale, les caisses d'allocations familiales, les organismes de logements sociaux et la caisse des dépôts et consignations.

Les engagements pluriannuels des signataires précisés par le contrat sont précisés et complétés par une annexe qui permet notamment la récapitulation de l'ensemble des crédits ordinaires de l'État.

c) Les grands projets urbains (GPU)

Les grands projets urbains, au nombre de 12, correspondent à des sites, inclus dans les contrats de villes, qui nécessitent non seulement une politique de développement social, mais également une restructuration urbaine profonde nécessitant un investissement immobilier important visant à l'amélioration du cadre de vie, le maintien des activités , le désenclavement à travers les infrastructures et les équipements collectifs, la diversification de l'habitat, l'implantation de services et la réorganisation urbaine.

Les GPU donnent lieu à un dispositif spécifique par la signature d'un protocole d'accord établi entre l'État et les collectivités locales concernées qui définit les modalités de mise en oeuvre du projet, et la mise en place de structure de pilotage ad hoc (comité de pilotage, conseil d'administration d'un groupement d'intérêt publié ou d'un établissement public spécialisé) accompagnée d'une direction de projet pour l'élaboration et la conduite technique des travaux.

Sites de GPU : Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Clichy-Montfermeil, Saint-Denis/Aubervilliers/La Courneuve, Marseille, Grigny, Le Mantois, Epinay sur Seine, Gennevilliers, Aulnay-sous-Bois, Argenteuil et Roubaix-Tourcoing.

d) Les divers contrats spécifiques

Quatre autres catégories de contrats sont mis en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville dans des domaines spécifiques :

- s'agissant des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte, les conventions de développement social, au nombre de 14, permettent d'assurer des interventions auprès de sites urbains qui, sans être éligibles à la procédure des contrats de ville, présentent des situations de pauvreté et pour certains d'insalubrité certaine.

- les programmes d'aménagement concertés du territoire (PACT) urbains, au nombre de 26, concernent des bassins économiques entiers ou des agglomérations caractérisées par la disposition rigide d'une activité de mono industrie. Ils donnent lieu à l'élaboration d'une convention d'application entre l'État et les collectivités locales concernées permettant de coordonner différentes politiques publiques qu'elles soient d'origine européenne, nationale ou régionale. Sur 26 sites, seules 9 conventions ont été conclues jusqu'ici en raison de la complexité de la démarche.

- les conventions de sortie des opérations de quartiers du Xe plan, concernent les quartiers qui ont bénéficié d'interventions dans le cadre du dernier plan mais qui n'entrent pas. pour la période à venir, dans le champ des contrats de ville ou des PACT urbains. Dans ce cas, la convention de sortie, financée sur les crédits des contrats de plan État-régions, permettra sur deux ou trois ans au plus d'achever les opérations en cours et de conforter les résultats obtenus.

54 quartiers sont concernés dont 8 dans la région Île-de-France, 36 dans les autres régions et 10 outre-mer.

- les contrats d'action, pour la prévention (CAPS) au nombre de 340 environ, signés par les maires et les préfets, visent en-dehors des contrats de ville, à mettre en place dans le cadre des conseils communaux de prévention de la délinquance des programmes triennaux de prévention associant les communes, les services des ministères de la police et de la justice ainsi que tous les intervenants dans le champ social et éducatif.

2. Les instruments budgétaires de la politique de la ville

Il convient de distinguer les crédits budgétaires inscrits directement en faveur de la politique de la ville, des moyens engagés sur les crédits des différents ministères et destinés particulièrement aux sites sensibles.

a) La diversité des crédits engagés au titre de la politique de la ville

Au préalable, il convient de rappeler que les crédits budgétaires de cette année s'inscrivent dans le cadre pluriannuel déterminé pour cinq ans dans le cadre du XIe plan. L'effort financier contractualisé mobilisé par l'État s'élève à 905 milliards de francs sur la période affectés pour 7,32 milliards de francs aux 214 contrats de ville et pour 2,25 milliards de francs aux 12 grands projets urbains. Ces crédits se répartissent entre 8,765 milliards de francs pour la métropole et 800 millions de francs pour les DOM. Les crédits relatifs au logement sur la ligne fongible PLA-PALULOS représentent 4,3 milliards de francs sur 1995.

Sur la même période, l'effort des régions s'élève à 4,22 milliards de francs dont 2,24 milliards de francs au titre de la région d'Île-de-France. Cet apport financier des régions, à peu près égal à la moitié de celui de l'État, représente un quasi-quadruplement des engagements par rapport au Xe Plan.


• L'effort financier au titre de la politique de la ville représente au total de 8,84 milliards de francs en 1996. Ce montant représente une hausse de 540 millions de francs par rapport à 1995, hausse qui consolide l'effort déjà engagé en 1995.

Au sein de cette enveloppe, un sort particulier doit être réservé aux crédits (1,9 milliard de francs) dégagés par des redéploiements effectués à l'intérieur par des dotations de l'État aux collectivités locales (DSV) ou par des prélèvements sur les ressources des collectivités locales (Fonds de solidarité des communes d'Île-de-France) au titre de la solidarité urbaine et dont le rattachement au titre de la politique de la ville apparaît abusif.

Les crédits de la ville, hors transfert entre collectivités locales, représentent donc au sens strict 6,5 milliards de francs pour 1996 qui peuvent se décomposer sommairement en quatre enveloppes :

- les crédits spécifiques de la politique de la ville inscrits dans le fascicule budgétaire et qui relèvent donc directement de l'autorité du département ministériel qui s'élèvent, pour 1996, à 823,5 millions de francs en crédits de paiement ;

- les moyens de la politique de la ville provenant d'autres ministères transférés en cours de gestion pour la politique de la ville dans le cadre notamment du Fonds interministériel des villes (FIV) et des opérations prévention été ; ces crédits représentent 487,5 millions de francs en 1996 et enregistrent une hausse (+ 6,2 %) en raison de la mise en place du FIV. Le FIV, créé en 1994, permet le regroupement, à hauteur de 770 millions de francs en 1996, de divers crédits budgétaires auparavant inscrits sur des lignes différentes afin d'accélérer la procédure de mise en paiement et de faciliter la gestion coordonnée des actions contractuelles ;

- les crédits des ministères relevant de la politique contractuelle, qu'il s'agisse des contrats de plan État-régions (1.355 millions de francs) ou des actions des contrats de ville (386 millions de francs) qui représentent au total, 1,7 milliard de francs. Il est à noter que les crédits inscrits au titre des contrats de ville, enregistrent une domination « optique » par suite du transfert d'une partie de ces crédits sur le Fonds interministériel pour la politique de la ville qui vise à assouplir la gestion déconcentrée des crédits contractualisés. Ces crédits atteindront 1,74 milliard de francs en 1995 ;

- les crédits relevant des budgets de ministères qui bénéficient aux sites sensibles concernés par les contrats de ville mais qui ne donnent pas lieu à contractualisation (dépenses relatives aux zones d'éducation prioritaire par exemple).

Ces crédits augmentent de 3,4 % pour atteindre 3,29 milliards de francs pour 1996.

b) Les évolutions des crédits spécifiques à la ville prévues pour 1996

Les crédits placés directement sous la compétence du ministère de la ville font apparaître deux tendances en 1996.


• Les crédits des opérations « ville-vie vacances », qui ont pris la succession des opérations prévention été, sont destinés en priorité aux jeunes âgés de 13 à 18 ans des quartiers ou des zones urbaines sensibles ; ils enregistrent une progression de l'ordre de 77 % de leur dotation qui passe à 46 millions de francs en 1996.

Cette augmentation est la conséquence de la décision prise lors du Conseil des Ministres du 21 juin 1995 d'étendre les opérations « ville-vie-vacances » à toutes les vacances scolaires et non pas seulement aux vacances d'été.

Le budget consacré par la DIV à ces opérations qui coordonne l'action de douze départements ministériels et mobilise très largement le secteur associatif, a quasiment quadruplé en quatre ans.

En 1995, les opérations ont concerné trente neuf départements dont quatre départements d'outre-mer, au lieu de trente six l'année précédente, et ont bénéficié à 620.000 jeunes.

Les subventions d'investissement (chapitre 67-10) sont largement abondées : leurs crédits passent de 266 millions de francs à 416 millions de francs en 1996 en autorisations de programme. Il s'agit pour le ministère de mettre en place des opérations dites « d'aménagement urbain » qui. sans atteindre la dimension de celles conduites au titre des grands projets urbains, permettront de coordonner, dans des délais raisonnables, les investissements en matière de réhabilitation de grands ensembles, de desserte en transports collectifs et d'amélioration de l'éclairage public sur vingt projets retenus le 20 août dernier à la suite de l'appel d'offre organisé dans le cadre de la charte « partenaires pour la ville » ( ( * )4) .

c) La diversité des modes d'actions des ministères concernés

Les crédits de la politique de la ville se traduisent plus ou moins directement par le versement de subventions, soit pour contribuer au fonctionnement d'associations sur le terrain, soit pour financer des projets ponctuels ; cela étant, la politique de la ville se déploie aussi à travers les moyens d'action engagés par les différents ministères, qu'il s'agisse d'exonérations fiscales, de mesures relatives aux agents publics ou d'aménagement aux règles de passation des marchés publics.


• Concernant les exonérations fiscales destinées à inciter à l'implantation et au développement d'activités marchandes dans les quartiers, leur nombre a été considérablement renforcé par la loi d'orientation du 4 février 1995 en faveur de l'aménagement et du développement du territoire.

Il convient de rappeler que la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991 (article 26) a habilité les collectivités territoriales et leurs groupements à exonérer de taxe professionnelle les créations et extensions d'entreprise dans des « zones urbaines sensibles » définies par décret. Le décret du 5 février 1993 a ainsi défini une liste de 546 quartiers, parmi 365 communes, où peut s'appliquer ce régime d'exonération.

La loi d'orientation a posé le principe d'une fiscalité dérogatoire dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) qui correspondent aux zones urbaines sensibles définies par la loi d'orientation pour la ville, à l'exclusion des quartiers inclus dans le périmètre des communes non éligibles à la dotation de solidarité urbaine : aujourd'hui, les ZRU recouvrent donc 468 quartiers, soit 2,7 millions d'habitants.

Les mesures d'ordre fiscal de la loi d'orientation sont donc entrées en vigueur pour ce qui concerne :

- l'exonération de deux ans d'impôt sur les sociétés et des taxes locales (article 44 sexies du code général des impôts) ;

- la réduction de 6 % à 0 % des droits de mutation sur les fonds de commerce (article 722 bis du code général des impôts) applicable au 7 février 1995 ;

- la réduction à 3,6 % du taux de la taxe départementale de publicité foncière (article 1594 F quater du code général des impôts) applicable au 1er juin 1995 ;

- l'exonération de plein droit de taxe professionnelle compensée par l'État (article 1466 A 1 bis du code général des impôts) ;

- le régime d'amortissement accéléré des immobilisations réalisées par les PME (article 39 quinquies D du code général des impôts).

Il subsiste en revanche deux difficultés :

- tout d'abord, l'exonération des cotisations sociales employeurs pour l'embauche du 4ème au 50ème salarié, prévue à l'article 58 de la loi d'orientation du 4 février 1995 en vigueur tant que le décret définissant les règles de cumul des aides directes et indirectes à l'emploi ne sera pas promulguée ;

- par ailleurs, la liste des quartiers classés en zones urbaines sensibles devrait faire l'objet d'une réactualisation puisque elle dépend d'un décret pris en février 1993, qui n'intègre pas au demeurant les choix faits en matière de sites sensibles pour la signature des contrats de ville.

Votre commission appelle l'attention sur la nécessité d'une mise en oeuvre rapide des dispositions de la loi d'orientation du 4 février 1995 précitée, s'agissant du volet urbain aussi bien que du volet rural, en procédant bien entendu aux remises à jour nécessaires sur les textes d'application auxquels il est fait référence.


• S'agissant des agents publics, diverses mesures ont été prises pour favoriser l'affectation de fonctionnaires compétents et expérimentés dans les quartiers urbains les plus difficiles.

Tout d'abord, une priorité de mutation permet au fonctionnaire ayant exercé ses fonctions pendant cinq ans consécutivement dans un tel quartier, de bénéficier, dans la limite des postes vacants, d'une priorité de mutation pour le poste de son choix.

Ensuite, une bonification d'ancienneté d'un mois par année est accordée aux agents de l'État ayant accompli trois ans de service continu dans un quartier urbain sensible ; l'avantage est porté à deux mois par année de service continu au-delà de la troisième année. Par ailleurs, une formation spécifique sera mise en place, dès 1996, pour les fonctionnaires affectés pour la première fois dans un quartier en difficulté complété par l'assistance technique et morale d'un tuteur choisi parmi les agents ayant déjà une expérience sur le site concerné.

Enfin, la quatrième tranche de la nouvelle bonification indiciaire, mise en place à partir du 1er août 1993, a été affectée à des mesures destinées à valoriser la carrière des fonctionnaires affectés dans les quartiers relevant de la politique de la ville.


L'affectation d'appelés du contingent pour effectuer leur service national auprès des acteurs de la politique de la ville, constitue l'une des formules les plus originales : 6.450 jeunes gens sont ainsi concernés. 2.500 d'entre eux effectuent leur service dans les établissements scolaires, situés notamment dans les ZEP, où ils ont pour fonction d'assurer les relations« entre l'établissement et son environnement », d'assurer des fonctions de tutorat auprès des élèves en grande difficulté et de participer à des tâches de surveillance ; en outre, 3.950 appelés participent dans les quartiers à des tâches de solidarité auprès d'associations, au traitement des demandes dans les agences locales de l'ANPE ou à l'accueil et à l'orientation des jeunes en difficulté dans les « espaces jeunes ».

Ces appelés perçoivent outre la solde de l'armée, une indemnité d'un montant maximum de 1.700 francs versée par le ministère de l'éducation nationale lorsque les prestations de logements, de transport ou de nourriture ne peuvent être fournies en nature.

L'objectif du Gouvernement est de porter à 10.000 le nombre de jeunes concernés par ce type de service d'ici à trois ans.


• S'agissant des marchés publics, la charte « Partenaires pour la ville » signée le 27 avril 1994 par l'AMF, et les représentants des organismes d'HLM ainsi que des secteurs bâtiment, est une voie originale pour favoriser la réinsertion de personnes exclues dans le cadre de projets innovants de réorganisation urbaine. Par ailleurs, un guide d'application de la clause du« mieux disant » social devrait prochainement être diffusé.

Le caractère quelque peu disparate des actions recensées ci-dessus témoigne de la difficulté d'une appréhension globale de la politique de la ville ; cette complexité est parfois à l'origine des dysfonctionnements qui lui sont reprochés.

* (4) La Charte « Partenaires pour la ville » signée le 27 avril 1994, avec l'Association des Maires de France (AMF), l'Union des organismes d'HLM (UNFOHLM) et les grands organismes professionnels du bâtiment et des services publics, vise à promouvoir des projets exemplaires d'intégration urbaine.

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