B. LA DÉTÉRIORATION DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

1. L'accumulation des déficits

Depuis 1990, le solde des opérations courantes du régime général de sécurité sociale a été constamment négatif. Ce déficit de trésorerie, qui était de l'ordre de 15 milliards de francs chaque année, s'est brutalement amplifié en 1993 sous l'effet de la récession économique, pour dépasser 56,4 milliards de francs.

En 1994, l'ensemble des branches du régime général sont devenues déficitaires. Elles l'auraient d'ailleurs été dès 1993, si le produit du relèvement de 1,3 point de la CSG décidé en cours d'année n'avait pas été temporairement versé à la branche famille, avant d'être affecté l'année suivante au fonds de solidarité vieillesse. Cette situation de déséquilibre simultané de toutes les branches du régime général est sans précédent depuis la création de la sécurité sociale en 1945.

En dépit d'un moindre déficit global en 1994, de 54,8 milliards de francs, les comptes du régime général ne se sont pas redressés depuis leur brutale détérioration de 1993. Les rentrées de cotisations sociales ont pourtant retrouvé un rythme de progression de 6,4 % en 1995, mais les dépenses se sont accrues encore plus vite (+ 7,2 %).

Évolution du solde du régime général et ventilation par branches

En 1996, le très net ralentissement des recettes, qui ne progressent que de 1,8 % sur l'année, explique l'aggravation du déficit à 51,5 milliards de francs, en dépit de la modération des dépenses (+ 0,4 %).

Le tableau ci-dessous retrace le besoin de financement des administrations de sécurité sociale tel qu'il apparaît dans les comptes de la Nation, abstraction faite du régime d'indemnisation du chômage.

Besoins de financement des administrations de sécurité sociale

2. L'accroissement des contributions de l'État

Une première réponse à l'accroissement des déficits sociaux a consisté à accroître les contributions de l'État au financement de la sécurité sociale. Dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1996, la Cour des Comptes retrace l'évolution sur la période récente de ces contributions, qui prennent la forme soit de concours budgétaires, soit de taxes ou impôts affectés directement ou par l'intermédiaire du fonds de solidarité vieillesse.

Contributions publiques aux régimes de base

Les concours de l'État progressent fortement du fait des compensations d'exonérations de cotisations sociales liées à la politique de l'emploi. En revanche, les prestations prises en charge par l'État diminuent nettement à compter de 1994, du fait de la prise en charge des dépenses du minimum vieillesse par le FSV. Le relèvement de la fraction de TVA affectée au BAPSA se traduit en 1995 par une diminution des subventions d'équilibre et un accroissement des impôts et taxes affectés.

Au total, les contributions publiques aux régimes de base de sécurité sociale sont passées de 153,3 milliards de francs en 1992, à 224,1 milliards de francs en 1995, soit une progression de 46 % en trois ans.

3. Le recours à l'emprunt

La seconde réponse à l'accroissement des déficits sociaux a été le recours à l'emprunt, sous la forme d'un "cantonnement" de la dette du régime général de sécurité sociale en deux étapes.

Première étape, l'article 105 de la loi de finances pour 1994 a transféré à l'État, à hauteur de 110 milliards de francs, la dette cumulée du régime général au 31 décembre 1993. Bien que cette dette soit juridiquement à la charge de l'État, son amortissement en intérêt et capital était économiquement assuré par un versement annuel du fonds de solidarité vieillesse de 12,5 milliards de francs, appelé à se renouveler pendant 15 ans.

Toutefois, du fait de l'évolution spontanée de son solde de trésorerie, le régime général s'est à nouveau trouvé déficitaire à compter du mois de septembre 1994 et pendant toute l'année 1995. Le plafond conventionnel des avances de la Caisse des dépôts et consignations à l'ACOSS, porté à 20 milliards de francs, s'est révélé rapidement insuffisant, et le régime général a dû recourir de nouveau aux avances du Trésor. Au 31 décembre 1995, le solde de trésorerie de l'ACOSS s'établissait à - 119,5 milliards de francs.

Seconde étape, l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 a créé la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), sous la forme d'un établissement public à caractère administratif.

La CADES a pour mission :

- d'apurer sur une durée de treize années la dette cumulée du régime général depuis 1992, soit 230 milliards de francs (110 milliards de francs repris à la fin de 1993 + 120 milliards de francs accumulés en 1994 et 1995) ;

- de prendre en charge une partie du déficit prévisionnel du régime général pour 1996, à hauteur de 17 milliards de francs ;

- de prendre en charge le déficit prévisionnel de la CANAM pour 1996, soit 3 milliards de francs.

La dette totale portée par la CADES s'élève ainsi à 250 milliards de francs.

Le FSV se trouve en conséquence déchargé de l'obligation de contribuer au remboursement de la dette cumulée du régime général antérieure à 1994, la CADES assurant à sa place le versement annuel à l'État de 12,5 milliards de francs.

Les ressources de la CADES sont constituées essentiellement de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), impôt à large assiette assis sur toutes les catégories des revenus d'activité, de remplacement ou du patrimoine. Le rendement de la CRDS, au taux de 0,5 %, est estimé à 25,5 milliards de francs pour 1997.

Les ressources de la CADES sont constituées également du produit des cessions du patrimoine immobilier locatif des caisses nationales de sécurité sociale, dont la valeur actualisée est estimée à 2,8 milliards de francs, et du remboursement des créances sur des organismes étrangers de sécurité sociale antérieures au 31 décembre 1995.

Dans l'attente de la mise en place de la CADES, la Caisse des dépôts a consenti à l'ACOSS, à compter du 4 décembre 1995, un prêt relais d'un montant de 137 milliards de francs. Ce prêt a été remboursé par la CADES, grâce aux ressources d'emprunt qu'elle a levées sur les marchés financiers au printemps 1996.

L'endettement de la CADES, au 30 septembre 1996, se décompose de la manière suivante :

Dette à long terme : 34 milliards de francs

- emprunt 6,25 % échéance 2007 (FF) 11 milliards de francs

- emprunt 5,50 % échéance 2002 (FF) 14 milliards de francs

- emprunt 6.375 % échéance 2004 (florins néerlandais) : 9 milliards de francs

Dette à court terme : 105 milliards de francs

- titres courts (billets de trésorerie et papier commercial) : 93 milliards de francs

- crédit syndiqué : 12 milliards de francs.

Tableau emplois-ressources de la CADES au 30 septembre 1996

(en milliards de francs)

Le compte d'exploitation prévisionnel de la CADES en 1997 fait apparaître un solde positif de 6,5 milliards de francs, correspondant à la capacité de financement qu'il lui faut dégager afin de pouvoir rembourser le principal des capitaux empruntés.

Compte d'exploitation de la CADES 1996 et 1997

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