B. CONCILIER URBANISME ET ENVIRONNEMENT

La prise en compte de la préservation de l'environnement dans les documents d'urbanisme est l'un des grands acquis du droit de l'urbanisme au cours de ces dernières années.

Les documents d'urbanisme doivent désormais respecter l'environnement, à peine d'être susceptible d'annulation au contentieux.

Votre commission des Affaires économiques tient à souligner d'emblée qu'il est nécessaire de tenir compte de l'environnement et du patrimoine, tout spécialement dans l'élaboration des plans d'occupation des sols et la délivrance des permis de construire. Elle considère cependant que le respect de l'environnement ne peut pas constituer un obstacle systématique au développement des activités économiques sur les parties du territoire qui ont la chance - et parfois l'infortune - de jouir de sites naturels remarquables .

Un premier cas concret, tiré de l'actualité la plus récente, l'élaboration du réseau « Natura 2000 » illustrera son propos, en montrant les enjeux et les limites d'une réglementation pléthorique.

Les problèmes posés par la création d'unités touristiques nouvelles montrent également que le droit de l'urbanisme oppose parfois des difficultés presque infranchissables au développement économique.

1. La mise en oeuvre de la directive « Natura 2000 »


• La mise en oeuvre de la directive en France.

La directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage a pour objet « de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage sur le territoire européens des États membres [...] » .

Les mesures prises par la directive : « visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels, et des espèces de faune et de flore sauvage d'intérêt communautaire » .

À cette fin l'article 3 de la directive précitée tend à créer :

« Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé « Natura 2000 », [...]. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d'habitats naturels et des habitats des espèces figurant [...] doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des type d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle. »

Le même article tend à créer des « zones spéciales de conservation » dans lesquels l'article 6 du même texte prévoit que « Les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés, spécifiques aux sites, ou intégrés dans d'autres plans d'aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d'habitats naturels de l'annexe I et des espèces de l'annexe II présents sur les sites. »

Enfin l'article 4 prévoit que dans les trois ans à compter de la notification de la directive, la liste des sites indiquant les espaces naturels et les espèces indigènes doit être transmise à la Commission européenne.

Le décret n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à la conservation des habitats naturels et des habitats d'espèces sauvages d'intérêt communautaire a transposé les principes posés par la directive, il prévoit :

- la constitution d'une « conférence régionale Natura 2000 » installée par le préfet de région (article 2) ;

- l'établissement d'un inventaire et la consultation du Muséum d'histoire naturelle (articles 4 et 5).

Un inventaire des sites a été établi par les comités scientifiques régionaux du patrimoine naturel qui ont proposé 1.600 sites. Sur ce total, le Muséum a retenu 1.300 sites qualifiés de « remarquables » et de « très intéressants ».

- La consultation des maires des communes concernées par le préfet du département « en vue de recueillir leurs remarques et propositions sur le projet de périmètre, les dispositions envisageables, et les difficultés éventuelles » (article 6).

- L'établissement d'un nouveau projet de liste nationale des sites par le ministre chargé de l'environnement, sur la base de la synthèse des avis et des propositions adressées par les préfets de département (article 7).

Devant les réactions suscitées par la mise en oeuvre des dispositions du décret précité le premier ministre a fait savoir, le 19 juillet 1996 que :

« En application d'une directive communautaire adoptée en 1992, il est prévu de procéder au classement de très nombreux sites naturels et de limiter dans ces sites les activités susceptibles de porter atteinte, même indirectement, à la faune et à la flore .

Cette directive est inapplicable dans son état actuel.

En effet, il n `est pas possible de désigner des sites au titre de cette directive sans connaître à l'avance avec précision les règlements qui y seront applicables et les activités qui pourraient y être interdites.

Bien évidemment, la constitution de ce réseau de sites, dit « Natura 2000 », permettra un travail intéressant d'inventaire et de protection des nombreuses richesses naturelles de notre territoire.

Toutefois, l'incertitude actuelle n'est pas admissible . Le Premier ministre a entendu et compris l'inquiétude des Français dans cette affaire. Il a donc décidé, sur proposition du ministre de l'environnement, que l'application de la directive communautaire était gelée tant que les précisions nécessaires sur les modalités exactes de gestion des sites du réseau « Natura 2000 », sur les activités qui pourront s'exercer dans ces sites et sur les moyens financiers que la commission entend dégager pour la mise en oeuvre de ce dispositif n `auront pas été apportées.

Pour sa part, le Gouvernement français, pour corriger ces lacunes, élabore des propositions qu'il entend soumettre à ses partenaires dans les meilleurs délais. »


• L'entrée en vigueur de la directive à l'étranger

Les problèmes posés par l'application de « Natura 2000 » ne concernent pas que la France, bien loin de là !

L'Allemagne, l'Italie et le Portugal n'ont rien communiqué, à la Commission européenne en ce qui concerne les dispositions nécessaires à l'application de la directive n° 92/43/CEE, alors même que le délai avant le terme duquel ces États étaient tenus de rendre compte à Bruxelles a expire le 5 juin 1994.

La Commission européenne a décidé d'introduire un recours devant la Cour de justice des Communautés Européenne contre ces États, ainsi que contre la France, dont elle estime qu'elle n'a transmis que des dispositions qui permettent une couverture partielle du territoire, et qui sont par conséquent insuffisantes.


• Natura 2000 et l'urbanisme

Si la législation nationale relative l'urbanisme prévoit d'ores et déjà la prise en compte de l'environnement dans les documents d urbanisme, il n'en reste pas moins que la directive Natura 2000 est susceptible d'alourdir, - s'il en était besoin -, le poids de la réglementation. Ce risque est d'autant plus grand que l'on ne connaît pas, actuellement, les mesures de conservation qui devront être prises dans les 1.300 sites retenus.

En effet, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis :

« Pour chacun des sites qui seront retenus « des documents d'objectifs,, seront élaborés en concertation, avant la désignation officielle des sites au plus tard en 2004. Ces documents d objectifs dresseront l'état initial de référence des habitats et des espèces concernées, et définiront des objectifs d conservation à moyen e, long termes. Ils préciseront enfin les mesures de conservation appropriées, les autres dispositions de nature contractuelle, administrative, réglementaire ou technique a prendre, ainsi que les moyens financiers à mettre en oeuvre. Il n'y a pas de mode de conservation préétabli par la directive ou par l'État. »

Votre commission des Affaires économiques tient à souligner qu'elle juge particulièrement souhaitable de protéger l'environnement, mais que l'incertitude actuelle sur l'application de Natura 2000, doit, pour reprendre les termes du Premier ministre, être éclaircie.

Comme le relève la direction de l'aménagement et de l'urbanisme, répondant à votre rapporteur pour avis :

« Face aux inquiétudes que peut soulever la mise en place du réseau Natura 2000, notamment en matière d'aménagement et d'urbanisme, il convient de rappeler que, si le but de la directive est de favoriser le maintien de la diversité biologique, la mise en place du réseau Natura 2000 ne devrait pas avoir pour effet de proscrire toute activité humaine [sic] dans les sites qui y seront incorporés. »

Votre commission estime que le moins que l'on puisse demander, en effet, à la législation est « de ne pas proscrire toute activité humaine » !

Aussi, votre commission des Affaires économiques se félicite-t-elle de la décision prise par le Premier ministre et encourage-t-elle le Gouvernement à faire le point sur l'incidence de la directive, tout spécialement sur l'urbanisme, et sur l'opportunité d'engager des négociations avec les États de l'Union européenne, afin d'en modifier, le cas échéant, le contenu.

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