c) Une mesure profondément injuste

1. L'équité socio-fiscale ne sera pas atteinte

D'ores et déjà, un ménage fiscal avec 2 enfants doit déclarer aux alentours de 140.000 francs nets (13.000 francs bruts par mois, soit grosso modo 2 fois le SMIC) de revenus pour être imposable. Ces ménages ne bénéficieront ni de l'allégement de l'impôt sur le revenu, ni de l'allégement de CSG sur les bas salaires. Ils représenteraient 3,5 millions de personnes.

La mesure est ainsi particulièrement injuste envers les ménages dont l'un des conjoints ne travaille pas (inactivité, congé parental...) et qui dispose d'un revenu compris entre 1,4 et 2 SMIC 40 ( * ) . Ces ménages se retrouvent piégés dans une " trappe à impositions ".

2. La trappe à bas salaires risque de se refermer

Le salarié en dessous d'1,4 SMIC n'aura pas grand avantage à une augmentation de son salaire : on risque de passer d'une trappe à inactivité à une trappe à bas salaires .

Certes, pour l'employeur, une augmentation du salaire est neutre. Mais pourra-t-il expliquer à ses salariés que, s'il les augmente, leur gain de pouvoir d'achat sera nul ?

La majorité plurielle ne s'y est pas trompée, demandant une ristourne de CSG allant jusqu'à 1,8 SMIC... ce qui ne fait qu'élargir le champ de la trappe.

d) L'atteinte au principe d'universalité

Votre rapporteur estime que l'état d'impréparation n'a d'égal que l'inconséquence de la mesure.

A force de " propos " autorisés de certains économistes et de différents penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième impôt sur le revenu.

Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

De plus, la CSG et la CRDS ne sont pas identiques à l'impôt sur le revenu, affecté de manière générale aux dépenses de l'Etat . Comme l'a rappelé la Cour de justice des communautés européennes, quand elle a fait échec à la volonté de l'Etat français d'assujettir les travailleurs frontaliers résidant fiscalement en France, mais relevant d'un régime de protection sociale d'un Etat membre de la communauté, ces deux prélèvements sont affectés à la protection sociale, et plus précisément à chacune des branches ou des organismes qui la composent :

- 1,1 point pour la famille ;

- 1,3 point pour le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- 5,1 points pour l'assurance maladie ;

- 0,5 point pour l'amortissement de la dette sociale (CRDS).

Le système d'exonération revient ni plus ni moins notamment à désengager les salariés au SMIC quasiment de toute contribution au financement des régimes maladie 41 ( * ) ... La représentation des salariés aux conseils d'administration, à travers les organisations syndicales, est fragilisée.

La mesure proposée par le Gouvernement risque de mettre fin à dix années d'une politique publique, menée sous six gouvernements différents.

L'histoire de la contribution sociale généralisée

1983 : le " Livre blanc de la protection sociale " évoque l'institution d'une contribution sociale généralisée.

1987 : le rapport du " Comité des sages " préconise la mise en place d'un " financement proportionnel sur tous les revenus " pesant sur " tous les particuliers sans que les entreprises, considérées globalement, aient à supporter une charge supplémentaire ".

1991 : la loi de finances crée un prélèvement non déductible de l'impôt sur le revenu de 1,1 % assis sur l'ensemble des revenus, affecté à la branche famille. Le schéma comprend une baisse des cotisations salariales vieillesse, une baisse des cotisations patronales famille et une hausse des cotisations patronales vieillesse. Un effet redistributif en faveur des faibles et moyens revenus est attendu, en raison du plafonnement des cotisations vieillesse et de la non-déductibilité.

1993 : la loi " Balladur " crée un prélèvement non déductible de l'impôt sur le revenu de 1,3 %, assis sur l'ensemble des revenus, affecté au fonds de solidarité vieillesse.

1997 : la première loi de financement crée un prélèvement déductible de 1 % destiné aux régimes maladie, en échange d'une baisse des cotisations salariales de 1,3 point.

1998 : la seconde loi de financement procède à un " basculement " massif des cotisations maladie (- 4,75 points) vers la CSG (+ 4,1 points). De fait, il existe deux CSG, une " contribution sociale généralisée " de 2,4 %, non déductible, et une " cotisation sociale généralisée ", de 5,1 %, déductible.

2000 : le Conseil national des impôts préconise de mettre fin à la déductibilité de la CSG maladie.

2001 : le projet de la loi de financement met fin à l'universalité de la CSG et introduit un caractère progressif.

La contribution sociale généralisée a été conçue pour donner à la protection sociale une assiette beaucoup plus large que les seuls salaires. Ainsi, elle frappe les revenus de remplacement et les revenus du capital. Ce prélèvement a un rendement important : 371,3 milliards de francs prévus pour 2000, 387 milliards de francs en " recettes tendancielles " pour 2001.

Pour autant, le principe était de ne supporter aucune exception sur les revenus d'activité . Son taux en fait un prélèvement parfaitement proportionnel. Les revenus de remplacement supportent un taux légèrement moins élevé (6,2 % pour les ménages imposables, 3,8 % pour les ménages supportant la taxe d'habitation, 0 % pour les ménages ne s'acquittant pas de cette taxe).

La création d'une catégorie de Français (moins d'1,4 SMIC) ne payant pas ou peu de CSG crée un précédent dangereux. Toute profession spécifique, toute situation particulière sera dès lors fondée à demander qui un taux réduit, qui un abattement pur et simple.

Exemples :

- les retraités, disposant d'une pension aux alentours du SMIC ;

- les personnes disposant de revenus du patrimoine, sans bénéficier de revenus d'activité ou de remplacement importants ;

- etc.

Un mécanisme de réduction de la base et de l'assiette de la CSG est ainsi entamé : ce prélèvement risque de subir le même processus que celui dont souffre aujourd'hui l'impôt sur le revenu (49 % des Français en sont exonérés ; 10 % en payent 50 %).

L'impôt cédulaire et l'impôt unitaire

Les revenus des contribuables peuvent être soumis :

- soit à une imposition de type cédulaire : chaque catégorie de revenu (ou cédule) est soumise à un impôt propre dont les règles d'assiette et le taux sont adaptés à la nature du revenu ;

- soit à une imposition de type unitaire qui permet d'atteindre l'ensemble des revenus imposables d'un contribuable, sans distinguer leur origine et en les soumettant à un taux de taxation uniforme.

La CSG est une imposition de type cédulaire. L'impôt sur le revenu est une imposition de type unitaire.

* 40 Dans le cadre du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale.

* 41 Il reste une cotisation maladie salariale de 0,75 %.

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