II. LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : LE DÉTOURNEMENT D'UNE RÉFORME ESSENTIELLE

A. LE GOUVERNEMENT DÉNATURE L'OUTIL DES LOIS DE FINANCEMENT

1. Le Gouvernement a sollicité en 1999 l'intervention du Parlement à contretemps

a) Il lui a proposé la ratification devenue inutile d'un décret relevant le plafond des avances de trésorerie au régime général...

L'une des dispositions les plus contraignantes de la loi de financement a fait l'objet par le Gouvernement d'une procédure tout à fait curieuse.

Pressentant un " besoin de trésorerie ", l'ACOSS a alerté, à l'été 1999, le Gouvernement sur la nécessité de procéder au relèvement du plafond des avances de trésorerie du régime général. En vertu d'un " principe de précaution ", que votre rapporteur ne met pas en cause, un décret a été pris le 7 octobre 1999, suivi par l'envoi d'un " rapport " au Parlement expliquant les raisons du relèvement du plafond. Le point le plus bas de la trésorerie du régime général devait être atteint le 12 octobre.

Adopté par l'Assemblée nationale, l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, ratifiant le décret, avait été supprimé par le Sénat dans sa séance du 16 novembre 1999. Votre commission estimait, en effet, que ce relèvement aurait pu être évité, compte tenu de la charge de trésorerie, prévisible, liée au versement de l'allocation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Or, l'administration était en mesure, à la même date, de déterminer que le relèvement s'était avéré inutile.

Etait-il juridiquement nécessaire de ratifier un décret devenu inutile ? Le Gouvernement n'aurait-il pas dû expliquer la situation à la représentation nationale ?

Deux leçons de cette ratification peu glorieuse peuvent être tirées :

- les prévisions de trésorerie de l'ACOSS manquent de fiabilité, en raison notamment de la concentration de recettes arrivant en fin d'année ;

- le Gouvernement n'utilise pas à bon escient l'arme du décret relevant le plafond d'avances de trésorerie du régime général.

b) ... mais il a " rebasé " de lui-même l'ONDAM

Depuis septembre 1999, le Gouvernement a décidé de " rebaser " l'ONDAM, en calculant son taux de progression par rapport aux dépenses estimées pour l'exercice de l'année n-1, au lieu de le calculer par rapport aux dépenses prévues.

Cette manipulation comptable était devenue nécessaire, compte tenu de la dérive des dépenses d'assurance maladie en 1998 et en 1999. Continuer sans rebasage aurait nécessité d'afficher des progressions négatives de l'enveloppe soins de ville de l'ONDAM, à la fois irréaliste et dangereuse pour les professionnels de santé et les patients.

En conséquence, votre commission des Affaires sociales n'avait pas critiqué le fond de la mesure, mais la façon cavalière dont le Gouvernement avait traité à cette occasion le Parlement. Il aurait été plus logique de " faire acter " par le Parlement la dérive de l'ONDAM 1998 et de l'ONDAM 1999, avant de proposer un ONDAM 2000 construit sur une nouvelle " base " : seul le Parlement peut modifier ce qu'il a lui-même voté.

Le " rebasage " de l'ONDAM, devenu un mode de fonctionnement normal, permet au Gouvernement d'afficher des taux de croissance modérés des dépenses d'assurance maladie. Par ailleurs, il vide de son sens toute mesure correctrice. Etait-ce la meilleure façon de respecter l'esprit de la loi de financement de la sécurité sociale ? 12 ( * )

L'année 2000 a confirmé, sans ambiguïté, que le Gouvernement entendait s'affranchir singulièrement des contraintes de la loi de financement.

* 12 Cf. infra le compte rendu de l'audition de M. Jean-Marie Spaeth sur l'utilité du " rapport de novembre ".

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