Rapport général n° 92 (2000-2001) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2000

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N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME I

LE BUDGET DE 2001

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

INTRODUCTION

La discussion du projet de loi de finances pour 2001 doit marquer une étape significative dans la reconquête par le Parlement de ses prérogatives budgétaires et fiscales.

Après les atermoiements du gouvernement dans l'affaire de la " cagnotte ", votre commission des finances a souhaité mettre en évidence les conditions de préparation et les moyens du suivi budgétaire à la disposition du pouvoir exécutif 1 ( * ) . Elle en a souligné les failles et, surtout, l'existence d'une véritable " culture du secret " qui va à rebours des exigences croissantes de transparence dont notre société a besoin. A ce titre, elle estime nécessaire que soit réformée l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui est la " constitution financière " de notre pays, et a présenté sous l'autorité du Président Alain Lambert ses préconisations en ce domaine.

Ces réformes sont d'autant plus indispensables que l'évolution de nos finances publiques rend inévitable que celles-ci fassent l'objet d'un véritable débat, et soient effectivement contrôlées. Bénéficiant d'une conjoncture économique qui demeure favorable et offre une occasion historique de procéder à de véritables réformes de structure, le gouvernement persiste à ne pas vouloir choisir, voguant au gré des hésitations et des contradictions de sa " majorité plurielle ".

Il affiche sa volonté de maîtriser la dépense publique mais renoue avec une politique de création massive d'emplois dans la fonction publique mettant fin au " gel de l'emploi public " qu'il avait lui-même érigé en dogme il y a deux ans.

Il préconise la réduction du poids des prélèvements obligatoires qui ont atteint un niveau historiquement élevé et suscitent un rejet de la part du contribuable-citoyen. Or la sphère publique a prélevé à son profit en 1999, 70 % de la richesse nationale et le gouvernement présente un plan de réduction d'impôts qualifié de " plus ambitieux de ces trente dernières années " dont la seule ligne directrice consiste dans le " saupoudrage " de baisses ponctuelles, sans cohérence d'ensemble.

Il prône la réduction des déficits publics afin de réduire un stock de dette évalué à plus de 5.200 milliards de francs en 1999, mais l'Etat reste la seule collectivité publique dont la dette continue de croître tant en valeur relative par rapport au PIB qu'en valeur absolue. Et cela parce que l'effort de réduction du déficit budgétaire est insuffisant : chiffré pour l'année 2000 à 185 milliards de francs en juillet dernier par le ministre de l'économie, son montant, tel qu'il figure dans le présent projet de loi de finances, s'établit à 186 milliards de francs pour 2001.

Autant d'éléments qui perpétuent l'exception française en matière de finances publiques et singularisent notre pays par rapport à ses principaux partenaires et concurrents, que ce soit en Europe ou dans le reste du monde. Ainsi, le gouvernement social-démocrate allemand met actuellement en oeuvre un programme de baisse d'impôt conçu sans oeillères idéologiques, ni tabou fiscal. Le taux marginal de l'impôt sur le revenu y sera baissé de 10 points, l'impôt sur les sociétés réduit à 25 % et les plus-values industrielles détenues depuis plus d'un an exonérées de taxation, et ce au nom du réalisme, de la compétitivité de l'économie allemande et de l'harmonisation fiscale européenne. Dans le même temps, l'excédent budgétaire des Etats-Unis s'élèvera en 2000 à 230 milliards de dollars, soit 2,4 % du PIB pourcentage le plus élevé depuis 1948, ce qui devrait permettre au Trésor américain de rembourser intégralement la dette publique d'ici 2012.

Des solutions existent qui permettraient un redressement volontariste des comptes publics sans pénaliser la croissance à moyen terme : votre commission des finances les a rappelées, simulations macroéconomiques à l'appui, lors du dernier débat d'orientation budgétaire 2 ( * ) . Seuls le courage et la volonté politiques font défaut.

Il appartient au Sénat de rappeler et de diffuser ses positions en la matière. Le réalisme et la lutte pour la compétitivité de notre pays appellent une politique budgétaire et fiscale fondamentalement différente des méthodes électoralistes actuellement appliquées. Alors que le gouvernement est empêtré dans les contradictions de sa " majorité plurielle ", le devoir de votre commission est de faire apparaître avec force ce que représentent à ses yeux les principales priorités de demain.

CHAPITRE PREMIER :

QUELLE CROISSANCE POUR 2001 ?

La prévision de croissance en volume sur laquelle le gouvernement a construit le présent projet de loi de finances consiste, comme c'est désormais l'habitude, en une fourchette allant de 3,2 à 3,6 % pour 2000 et de 3 à 3,6 % pour 2001.

La croissance en valeur du PIB serait quant à elle de 4,7 % en 2001, le PIB passant de 9.188 à 9.624 milliards de francs, dégageant un surplus de 436,7 milliards de francs.


Une fourchette de prévisions, pour quoi faire ?

Etant donné l'impossibilité arithmétique d'établir un compte unique sans se référer à une hypothèse de croissance elle-même unique, l'utilité d'une prévision économique débouchant sur une fourchette aussi ample -0,6 point de PIB en plus ou en moins en 2001, soit 55 milliards de francs, et, donc, le taux des prélèvements obligatoires étant ce qu'il est, environ 25 milliards de francs de recettes fiscales en plus ou en moins- est plus que contestable. Il s'agit ni plus ni moins que d'un pur artifice de présentation, les comptes publics étant évidemment bâtis sur une hypothèse de croissance et une seule. C'est peut être utile en termes d'effets d'annonces mais cela n'a pas de portée opératoire pour construire la loi de finances.

De fait, la croissance économique pour 2001 associée au projet de loi de finances est de 3,3 %. Quoique l'hypothèse posée en la matière soit qualifiée de prudente par le gouvernement, elle repose d'un point de vue conjoncturel sur un scénario de rebond de l'activité.

Ce scénario passe par la cessation rapide de la détérioration du commerce extérieur et par une réaccélération de la demande intérieure.

Après avoir enregistré en 1998 une croissance particulièrement dynamique (+ 3,2 % en moyenne annuelle), l'économie française avait ralenti en 1999 (+ 2,9 %). Pour l'année en cours, la prévision du gouvernement table sur une croissance plus élevée que l'an dernier avec une performance comprise entre 3,2 et 3,6 %. Cependant, contrairement aux apparences, cette prévision, qui a déjà été révisée à la baisse par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), n'intègre pas d'accélération conjoncturelle de l'activité mais au contraire une stabilisation du rythme de la croissance. Un bref retour sur la période 1998-2000 permet d'en saisir les raisons.

Ainsi, c'est bien sur une augmentation du rythme de croissance qu'est assise la prévision pour 2001.

I. RETOUR SUR LA PÉRIODE 1998-1ER SEMESTRE 2000

La demande intérieure a peu souffert en 1998 et 1999 d'un environnement international dont les variations ont, quant à elles, significativement influé sur les performances de l'économie française.

Les incertitudes entourant l'année en cours, incertitudes dont l'évolution des prévisions gouvernementales témoigne, se sont alourdies. Elles portent principalement sur le maintien de la déconnexion entre la demande intérieure et les événements internationaux en cours.

A. 1998-1999 OU LA RÉSISTANCE DE LA DEMANDE INTÉRIEURE AUX VENTS CONTRAIRES

Malgré la crise internationale et les ponctions opérées par les prélèvements obligatoires, la demande intérieure a soutenu la croissance en 1998 et 1999.

1. La crise internationale a pesé sur la croissance

On ne rappellera pas ici les événements souvent décrits qui ont vu l'ensemble du monde en développement connaître une récession en 1998.

Cette récession qui s'est traduite par une contraction du commerce mondial mais aussi, en raison de la dépréciation du taux de change des pays qu'elle a affectés, par une détérioration de notre position concurrentielle, a exercé deux sortes d'effets défavorables sur la croissance française.

En premier lieu, un effet mécanique s'est produit en 1998. La dégradation des performances extérieures de l'économie française a alors provoqué une contraction de l'excédent commercial. Celle-ci a conduit le commerce extérieur à exercer une contribution négative à la croissance du PIB de 0,6 point en 1998.

Ultérieurement, en 1999, la baisse du rythme de croissance du commerce international, qui s'est traduite par une chute spectaculaire de la progression des exportations a pesé sur le comportement des entreprises. Alors qu'en 1998 l'augmentation des stocks avait effacé les effets négatifs du commerce extérieur sur la croissance, le déstockage observé en 1999 a, à l'inverse, plus que compensé l'amélioration du solde extérieur. Si celui-ci a permis de soutenir la croissance (0,1 point de PIB), le déstockage en a altéré le rythme à hauteur de 0,4 point de PIB.

2. Les prélèvements obligatoires ont pesé sur les revenus des agents

L'accélération de la croissance dépend étroitement de l'augmentation du revenu des agents qui, si elle ne suffit pas, contribue souvent à l'expliquer. Une telle accélération s'est produite entre 1997 et 1998. Le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages a progressé, passant d'un gain de 1,5 % en 1997 à un gain de 2,8 % sur 1998. L'excédent brut d'exploitation des entreprises est, quant à lui, passé de 16,4 à 16,8 points.

Toutefois, cette accélération des revenus des agents a été, en totalité, le résultat de facteurs économiques exogènes, la hausse des prélèvements obligatoires venant l'altérer.

L'accélération de la croissance et la désinflation en glissement, les prix à la consommation ont considérablement décéléré entre 1997 (+ 1,1 %) et 1998 (+ 0,3 %) ont constitué des facteurs naturels d'augmentation des revenus.

En revanche, l'augmentation des prélèvements obligatoires répondant à la volonté du gouvernement a constitué un facteur discrétionnaire amputant les revenus des agents économiques.

Effets des impôts et cotisations sociales sur le revenu disponible des ménages

(en %)

1997

1998

1999

- 0,3

- 1

- 1,2

3. La demande interne est, cependant, restée dynamique

Dans ce contexte, la demande intérieure hors stocks est restée dynamique même si ses composantes ont connu des évolutions contrastées.

Sa croissance s'est établie en 1998, comme en 1999, à 3,2 %.

La consommation des ménages , qui représente 53 % de l'ensemble, a fortement progressé en 1998 (+ 3,5 %) pour ralentir un peu en 1999 (+ 2,3 %). Les gains de pouvoir d'achat acquis en 1998, dont la moitié s'expliquent par la réduction du rythme de l'inflation, et la baisse importante du taux d'épargne des ménages passée de 16,1 à 15,7 % de leur revenu disponible entre 1997 et 1998, ont contribué à cette vigueur. Un certain ralentissement des gains de pouvoir d'achat, une légère augmentation du taux d'épargne des ménages et un arbitrage de l'emploi de leur revenu au profit de l'investissement permettent, à l'inverse, d'expliquer la modération du rythme de croissance de la consommation des ménages en 1999.

Ce dernier diagnostic mérite d'être affiné. Tout d'abord, il est notable que la moyenne de l'année 1999 conduit à occulter le dynamisme prolongé de la demande des ménages au cours de cette année. La relative modération de la progression moyenne de la consommation des ménages vient entièrement de l'accès de faiblesse constaté au premier trimestre 1999, le reste de l'année se traduisant par un regain de vigueur. En outre, la croissance de l'investissement des ménages a été particulièrement vive tout au long de l'année avec une augmentation de 8,2 % contre 3,6 % en 1998.

Par ailleurs, une observation de fond s'impose. Une importante évolution des comportements d'épargne des ménages semble être intervenue en 1998. Ainsi, l'accélération de leur pouvoir d'achat ne s'est pas traduite par une augmentation de leur taux d'épargne que les données économétriques traditionnelles permettaient d'escompter. Le gouvernement tend à attribuer ce dernier phénomène à un rétablissement des perspectives d'emplois qui aurait diminué l'épargne de précaution des ménages. Mais d'autres explications pourraient intervenir. Ce phénomène est en effet probablement dû, pour beaucoup, à l'assouplissement constant des conditions monétaires et au dynamisme concomitant des marchés financiers avec des perspectives d'enrichissement " auto-entretenu " qui s'y attachent. Ces données monétaires et ces effets de richesse ne doivent pas être oubliés à l'heure où les perspectives qui les entourent sont plus incertaines.

Il faut aussi mettre en évidence le rôle des modifications intervenues dans les anticipations des ménages quant au redressement des finances publiques. La qualification à l'euro obtenue grâce aux efforts des agents économiques orchestrés par les précédents gouvernements a notamment permis de réunir les conditions de la paix monétaire en Europe.

Ces changements de contexte ont puissamment agi sur les ménages mais également sur les entreprises. En effet, l'investissement des entreprises a, quant à lui, par la stabilité de son dynamisme, contredit leur comportement plus volatile observé en matière de stocks. L'accélération de leur investissement en 1998 (+ 8,3 % contre une baisse en 1997) ne s'est pas démentie en 1999 (+ 7,6 %).

*

* *

Reposant sur le dynamisme de la demande intérieure, la croissance est demeurée soutenue en 1998 et en 1999. A la fin de cette dernière année, elle oscillait sur un rythme annuel autour de 4 %. Ce dynamisme avait convaincu les esprits du retour durable à une croissance très vive, ce dont, un temps, les prévisions du gouvernement pour 2000 ont pu largement témoigner.

B. LE PREMIER SEMESTRE 2000 OU LE RETOUR DES INCERTITUDES CONJONCTURELLES

Les perspectives de croissance pour l'année en cours sont marquées par le retour des incertitudes au cours du premier semestre 2000.

Ces incertitudes ont provoqué une révision à la baisse des perspectives de croissance pour l'année en cours, retenues par le gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2001.

Cette révision apparaît d'ores et déjà insuffisante aux yeux de l'INSEE.

1. Révision et " contre-révisions "

Une révision à la baisse des perspectives de croissance est intervenue dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2001. Elle a succédé à une révision de sens contraire. La forte croissance (+ 4 % en moyenne annuelle) observée au second semestre de 1999 avait conduit le gouvernement à une prévision d'activité plus optimiste que celle établie pour préparer le projet de loi de finances pour 2000.

Celle-ci retenait une augmentation du PIB de 2,8 % en volume. Les perspectives retenues dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2000 et du débat d'orientation budgétaire pour 2001 étaient nettement plus favorables avec une croissance de 3,6 %.

La première révision de la prévision de croissance du gouvernement pour 2000

(en % et en volume)

2000

PIB

3,6

Demande intérieure hors stocks

3,2

Importations

9,5

Dépense de consommation des ménages

2,9

Dépense de consommation finale des APU

1,4

FBCF totale

SNF-EI (1)

Ménages hors EI

6,0

7,2

6,3

Exportations

9,2

(1) Sociétés non financières - Entrepreneurs individuels

Cette révision était motivée par une amélioration des anticipations sur l'ensemble des compartiments de la demande, particulièrement nette toutefois en matière d'exportations et d'investissement des entreprises.

La préparation du projet de loi de finances pour 2001 a, quant à elle, donné lieu à un exercice de révision des perspectives de croissance pour 2000 de sens contraire.

La révision des prévisions de croissance pour 2000 intervenue
entre mars et septembre 2000

2000

Croissance du PIB (Rapport de printemps)

3,6

Contribution de l'environnement international

dont :

0,4

Demande mondiale

0,3

Euro

0,2

Prix du pétrole

- 0,1

Contribution des modifications de comportement à l'exportation et à l'importation

- 0,5

Contribution des nouvelles mesures budgétaires

0,0

Contribution du comportement de stockage

- 0,1

Croissance du PIB (PLF 2001)

3,4

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

La révision de la perspective de croissance pour 2000 retenue pour préparer le projet de loi de finances pour 2001 est restée modérée (- 0,2 point de PIB).

Le gouvernement n'a en effet pas retenu d'effets sur la demande intérieure au moment de réviser ses perspectives de croissance. Tous les enchaînements décrits dans le tableau ci-dessus concernent exclusivement les effets de l'environnement international sur l'activité domestique. Si, en outre, sur ce plan, les effets négatifs l'emportent sur les effets favorables, c'est de très peu.

En bref, cette révision, inquiétante en soi, pouvait apparaître dès l'abord comme assez peu convaincante .

C'est ainsi d'ailleurs qu'en a jugé l'INSEE qui, dans son point de conjoncture d'octobre 2000, a été conduit à réviser à la baisse, une nouvelle fois, la perspective de croissance pour l'année en cours.

Celle-ci est désormais de 3,2 %

Perspectives de croissance pour 2000 (octobre 2000)

(aux prix de 1995)

2000

1998 (1)

1999 (1)

2000

1 er T

2 ème T

3 ème T

4 ème T

PIB (100%)

0,7

0,7

0,8

0,7

3,2

2,9

3,2

Importations (26%)

3,9

3,1

1,7

2,1

11,3

3,8

12,6

(dont marchandises) (23 %)

4,7

3,0

1,8

2,3

12,3

4,7

14,0

Dépense de consommation des ménages (53 %)

0,8

0,2

0,8

0,6

3,5

2,3

2,6

Dépense de consommation des administrations

0,1

0,4

0,4

0,5

0,3

2,5

1,6

FBCF totale (20 %)

1,9

1,7

1,7

1,2

6,6

7,2

6,4

dont : SNF EI (2) (10 %)

1,4

1,9

2,1

1,9

8,3

7,6

6,6

Ménages (5%)

3,0

1,2

0,8

0,3

3,6

8,2

6,2

Exportations (29 %)

3,6

3,9

0,9

2,0

7,7

3,8

12,1

(dont marchandises) (25 %)

4,4

3,8

0,8

2,2

8,8

3,8

13,2

Demande intérieure

0,7

0,4

1,0

0,7

3,9

2,9

3,1

Contributions

Demande intérieure hors stocks

0,8

0,5

0,9

0,6

3,2

3,2

3

Variation de stocks

- 0,2

- 0,1

0,1

0,0

0,6

- 0,4

0,1

Echange de biens et services

0,0

0,3

+ 0,2

0,0

- 0,6

0,1

0,2

(1) Rappel

(2) SNF EI : Sociétés non financières, Entrepreneurs individuels

2. Une révision a minima ?

L'ampleur relativement importante des évolutions de sens contraire prises en compte dans le premier exercice de révision de la croissance pour 2000 auquel le gouvernement a procédé tranchait avec le résultat d'ensemble de cet exercice, plutôt modeste quant à lui. De plus, hors la prise en compte d'un comportement de stockage déprimant légèrement (- 0,1 point de PIB) l'activité, la demande intérieure n'était pas concernée par cette révision.

Quant à elle, la révision des perspectives de croissance pour 2000 opérée par l'INSEE ne provient pas d'une détérioration des perspectives du commerce extérieur plus prononcée que celle retenue dans les " budgets économiques " associés au projet de loi de finances pour 2001. Elle concerne désormais les composantes de la demande intérieure, les stocks des entreprises et la consommation des ménages.

Elle demeure toutefois relativement limitée (- 0,2 point de PIB) et fait l'hypothèse du retour à un réel dynamisme de la consommation des ménages dès le troisième trimestre 2000 et au maintien d'un investissement robuste de la part des entreprises. Après avoir atteint un rythme de croissance annualisé de 3 % au premier semestre de l'année témoignant d'une réduction significative du dynamisme de l'économie française, elle croissait sur un rythme de 4 % au second semestre 1999, une reprise interviendrait au second semestre selon le gouvernement. Cette reprise témoignerait, quant à elle, du caractère passager de l'inflexion de croissance relevée au début de l'année.

Cette prévision repose sur l'hypothèse que la consommation devrait s'accroître parallèlement aux gains de pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages en moyenne annuelle, c'est-à-dire de 2,5 %. Cela suppose d'abord que " l'inflation importée " à la suite de la hausse des prix du pétrole serait cantonnée en cours d'année et qu'elle ne se propagerait pas aux secteurs peu consommateurs d'énergie. Cela suppose aussi que les ménages ne souhaitent pas accroître le niveau de leur taux d'épargne.

Le socle de la consommation des ménages soutiendrait ainsi l'investissement des entreprises qui ne serait pas influencé négativement par les tensions observées sur les taux d'intérêt.

Votre rapporteur général ne se hasardera pas à confirmer non plus qu'à infirmer ces perspectives.

Il faut cependant relever qu'à la belle assurance du gouvernement, qui, un temps, l'a conduit à traiter par le mépris ceux qui ne faisaient que mentionner les aléas entourant ses prévisions de croissance, a succédé une attitude plus confuse justifiée par la survenance de certains de ces aléas.

Il veut également indiquer que les révisions somme toute plutôt modérées des perspectives de croissance pour 2000 tranchent avec la nette dégradation des perspectives des agents économiques dont témoignent les enquêtes de conjoncture réalisées au cours de l'été.

II. UN HORIZON À PRÉCISER POUR 2001

Le scénario de croissance du gouvernement pour 2001 poursuit les tendances de ses prévisions pour le reste de l'année en cours. Le PIB s'accroîtrait de 3,3 % en volume, le supplément de richesses produites s'établissant à 436 milliards de francs avec une croissance nominale de 4,7 %.

Cette prévision n'est, dans ses résultats, pas éloignée du consensus des économistes. Mais elle en diffère pourtant.

Comparaisons entre les prévisions des " budgets économiques " (1)
des instituts indépendants et des organismes privés

Budgets économiques

Moyenne des instituts

Moyenne des organismes privés

2000

2001

2000

2001

2000

2001

Taux d'intérêt à 10 ans

5,6

5,6

5,4

5,4

Volumes (évolution en %)

3,2-3,6

3,0-3,6

PIB

3,4

3,3

3,4

3,3

3,4

3,1

Demande intérieure hors stocks

3,1

3,2

3,1

3,1

3,2

3,1

Importations

12,6

7,6

12,1

8,0

12,9

7,7

Dépense de consommation des ménages

2,7

3,5

2,7

2,9

2,7

3,0

Dépense de consommation finale des APU (2)

1,5

1,5

1,6

1,4

1,5

1,4

FBCF totale

6,1

4,7

6,7

6,2

6,4

5,4

SNF-EI (3)

6,6

6,9

7,3

8,1

6,7

6,7

Ménagers hors EI (3)

6,2

0,9

6,1

3,3

6,5

4,0

Contributions à la croissance du PIB

Commerce extérieur

0,2

0,2

0,2

0,0

0,3

0,1

Dépense de consommation des ménages

1,5

1,9

1,4

1,5

1,5

1,6

Dépense de consommation finale des APU

0,4

0,4

0,4

0,3

0,3

0,3

FBCF

1,2

0,9

1,3

1,2

1,3

1,1

Variations de stocks et objets de valeur

0,2

0,0

0,1

0,1

0,1

0,0

Emploi salarié (moyenne, SMINA (4) ,évolution en %)

3,2

2,5

3,2

2,5

3,1

2,5

Emploi total (moyenne, évolution en %)

2,4

1,8

2,4

1,9

2,6

2,0

Prix, salaire et revenu (évolution en %)

Déflateur du PIB (moyenne annuelle)

0,8

1,4

0,8

1,1

1,1

1,2

Prix à la consommation (glissement annuel)

1,3

1,4

1,6

1,2

1,6

1,2

Prix à la consommation (moyenne annuelle)

1,5

1,3

1,6

1,3

1,6

1,4

Pouvoir d'achat du salaire moyen par tête (moyenne annuelle)

0,6

1,8

0,6

1,4

0,3

0,8

Pouvoir d'achat de la masse salariale (moyenne annuelle)

3,9

4,3

3,4

3,2

2,9

2,6

Pouvoir d'achat du RDB

2,8

3,7

2,5

2,8

2,5

2,7

Taux d'épargne des ménages

15,9

16,1

15,7

15,5

15,6

15,4

Administrations publiques

Capacité de financement (en points de PIB)

- 1,4

- 1,0

- 1,4

- 1,1

- 1,4

- 1,0

Nation

Capacité de financement (en points de PIB°

1,8

2,1

1,9

2,0

1,9

2,0

(1) Prévisions du gouvernement

(2) APU : administrations publiques

(3) SNF-EI : sociétés non financières, entrepreneurs indépendants

(4) SMNA : salaire moyen non agricole

Les différences ne portent que peu sur le rythme de croissance prévu pour 2001. Tout juste peut-on dire que la plupart des prévisionnistes formulent un résultat moins favorable que le gouvernement, la prévision moyenne étant tirée vers le haut par deux instituts.

En revanche, la composition de la croissance escomptée par le gouvernement s'éloigne sensiblement de celle que prévoient les instituts indépendants et les organismes privés. Ainsi, si le gouvernement affiche une forte contribution à la croissance de la demande des ménages, les autres prévisionnistes, qui s'attendent à un plus grand dynamisme de l'investissement, formulent des réserves quant à l'évolution du pouvoir d'achat des ménages. Celle-ci est nettement moins favorable dans leurs prévisions que dans celle du gouvernement en raison des perspectives plus moroses sur le salaire moyen par tête. En résultent des prévisions moins favorables sur la consommation des ménages. Compte tenu du poids de la TVA dans les recettes de l'Etat et des cotisations sociales dans l'équilibre de la sécurité sociale, ces nuances importantes doivent être gardées à l'esprit.

A. LA PRÉVISION DU GOUVERNEMENT

L'hypothèse centrale de croissance retenue par le gouvernement pour 2001 est de 3,3 %.

Elle est en ligne avec celle que formule la plupart des prévisionnistes. La croissance de l'économie française demeurerait légèrement supérieure à celle de la zone euro, ce qui s'expliquerait essentiellement par le rattrapage du " retard de croissance " accumulé par la France au cours des années 90, en raison des conditions monétaires pendant cette période. Celles-ci combinaient en effet les handicaps pour l'économie française, avec une appréciation du taux de change réel suite aux diverses dévaluations de ses partenaires européens et des taux d'intérêt réels élevés. Il est aussi à relever qu'une évolution de la population active plus dynamique en France et la dégradation de la compétitivité allemande après la réunification expliquent cet écart de croissance.


Evolution des ressources et emplois de biens et services

(en milliards de francs et en indices)

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

Valeur aux prix courants

Indice de volume

Valeur aux prix n-1

Indice de prix

Valeur aux prix courants

Indice de volume

Valeur aux prix n-1

Indice de prix

Valeur aux prix courants

Indice de volume

Valeur aux prix n-1

Indice de prix

Valeur aux prix courants

Ressources

Produit intérieur brut

8.536,3

102,9

8.785,9

100,4

8.818,8

103,4

9.118,3

100,8

9.187,7

103,3

9.491,3

101,4

9.624,4

Importations

2.002,7

103,6

2.075,0

100,3

2.080,4

112,6

2.342,6

104,8

2.454,6

107,6

2.640,8

101,2

2.672,5

Total des ressources

10.639,1

103,1

10.860,9

100,4

10.899,2

105,2

11.460,9

101,6

11.642,3

104,2

12.132,1

101,4

12.296,9

Emplois

Dépenses de consommation des ménages

4.644,8

102,1

4.741,4

100,8

4.778,1

102,7

4.907,1

101,4

4.978,2

103,5

5.151,4

101,2

5.213,2

Dépenses de consommation des APU (2)

2.009,6

102,6

2.061,0

101,3

2.087,8

101,5

2.119,5

101,4

2.149,5

101,5

2.182,7

101,5

2.216,3

Formation brute de capital fixe

1.564,3

107,1

1.675,7

100,0

1.675,5

106,1

1.777,4

100,8

1.791,2

104,7

1.875,0

100,9

1.891,8

dont : Sociétés non financières et EI

862,5

107,6

928,1

99,9

927,2

106 ,6

988,7

101,5

1.003,5

106,9

1.072,9

100,9

1.082,5

Ménages hors EI (3)

391,6

107,8

422,1

99,5

420,0

106,2

446,0

98,2

438,0

100,9

441,9

100,9

445,9

Administrations publiques

247,7

102,5

253,8

100,9

256,2

102,7

263,1

102,5

269,7

100,7

271,7

100,9

274,1

Exportations

2.230,7

103,7

2.313,4

99,5

2.302,0

112,2

2.583,4

102,2

2.640,7

107,7

2.843,1

101,8

2.894,7

Variations de stocks

30,8

8,7

- 5,6

10,9

19,2

15,3

15,3

Total des emplois

10.639,1

103,1

10.860,9

100,4

10.899,2

105,2

11.460,9

101,6

11.642,3

104,2

12.132,1

101,4

12.296,9

dont : Demande totale hors stocks

10.508,2

103,3

10.852,2

100,5

10.904,9

105,0

11.450,0

101,5

11.623,1

104,2

12.116,8

101,4

12.281,6

Demande intérieure totale

8.308,4

102,9

8.547,5

100,6

8.597,2

103,3

8.877,5

101,4

9.001,6

103,2

9.289,0

101,2

9.402,2

Demande intérieure hors stocks

8.277,5

103,2

8.538,8

100,8

8.602,9

103,1

8.866,6

101,3

8.982,4

103,2

9.273,7

101,2

9.386,9

(1) Prévisions

(2) APU : Administrations publiques

(3) EI : Entrepreneurs individuels

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001


Compte tenu de la révision des perspectives de croissance en 2000 effectuée par l'INSEE, la perspective retenue pour 2001 devrait logiquement être minorée de 0,2 point. La croissance pour 2001 se rapprocherait ainsi du bas de la fourchette de prévision mentionnée par le gouvernement qui est de 3 %.

Le scénario privilégié par le gouvernement est celui du maintien d'une contribution favorable du commerce extérieur à l'activité et d'une accélération de la demande intérieure hors stocks.

Contributions à la croissance du PIB

(Taux de croissance annuel moyen en %)

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

Dépenses de consommation des ménages

1,8

1,1

1,5

1,9

Dépenses de consommation des APU (2)

0,0

0,6

0,4

0,4

Formation brute de capital fixe totale

1,1

1,3

1,2

0,9

dont : Sociétés non financières et EI (3)

0,8

0,8

0,7

0,8

Ménages hors EI

0,2

0,4

0,3

0,0

Sociétés financières

0,1

0,1

0,1

0,1

Administrations publiques

0,1

0,1

0,1

0,0

Variations de stocks et objets de valeur

0,6

- 0,3

0,2

0,0

Commerce extérieur

- 0,5

0,1

0,2

0,2

dont : Exportations

2,0

1,0

3,2

2,2

Importations

- 2,5

- 0,8

3,0

2,0

PIB

3,1

2,9

3,4

3,4

(1) Prévision

(2) APU : Administrations publiques

(3) EI : Entrepreneurs individuels

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

1. Le commerce extérieur contribuerait favorablement à la croissance

a) Un scénario d'environnement international favorable

L'environnement international de l'économie française, particulièrement dynamique au cours de cette année avec une croissance proche de 5 %, resterait bien orienté l'an prochain. La croissance mondiale ralentirait toutefois un peu. Elle ne serait plus que de 4 % sous l'effet d'un " atterrissage en douceur " de l'économie américaine compensé par une accélération de la croissance dans la zone euro.

Evolution de la croissance mondiale

(en %)

1998

1999

2000

2001

Monde

2,4

3,4

4,7

4,0

Dont : OCDE à 18 (1)

2,5

2,8

3,8

2,9

Etats-Unis

4,3

4,2

5,1

3,1

Japon

- 2,5

0,3

1,5

1,3

Royaume-Uni

2,6

2,1

2,8

2,3

Zone Euro

2,7

2,3

3,4

3,4

Pays émergents

Russe

- 4,9

3,2

4,2

2,0

Europe centrale

3,1

3,1

4,1

4,4

Asie hors Japon

2,7

6,2

7,0

6,6

Chine

7,8

7,2

7,5

6,8

Inde

5,9

5,9

6,9

7,1

Autres pays d'Asie en développement

- 6,6

4,8

6,2

6,1

Amérique latine

2,1

0,4

4,9

3,9

(1) Etats-Unis, Canada, Japon et Union européenne

Le rééquilibrage et la décélération de la croissance mondiale dessinent un environnement international " accommodant ". Les craintes liées aux déséquilibres engendrés par une croissance mondiale trop forte en ressortent estompées. Les tensions sur les prix des matières premières se résorberaient. Le spectre des différentes ruptures, krach boursier, inflation, tensions monétaires, dépréciation du dollar, que pourrait provoquer la poursuite d'une croissance américaine sur un rythme très sensiblement supérieur à son potentiel de croissance, s'éloignerait.

Le maintien, voire le retour à un dynamisme affirmé du climat économique dans la zone euro ainsi qu'à une certaine convergence des rythmes de croissance des différents pays qui la composent sont également très favorables. Le ralentissement des pays les plus dynamiques éloigne les risques d'inflation tandis que l'accélération attendue en Allemagne et en Italie exerce des effets favorables sur la demande adressée à la France.

Croissance du PIB dans la zone euro

(en %)

Taux de croissance

1997

1998

1999

2000

2001

Zone euro

2,3

2,7

2,3

3,4

3,4

Allemagne

1,5

2,2

1,5

3,0

3,1

France

1,9

3,2

2,9

3,4

3,3

Italie

1,8

1,5

1,4

3,1

3,2

Espagne

3,8

4,0

3,7

4,2

4,2

Pays-Bas

3,8

3,7

3,6

3,7

3,2

Belgique

3,5

2,7

2,5

3,8

3,1

Le rééquilibrage de la croissance entre l'Europe et les Etats-Unis provient sans doute davantage du ralentissement américain que de l'accentuation de l'activité en Europe. Cependant, même si une légère dégradation des performances extérieures de l'Europe en résulte, le dynamisme de la demande intérieure compense cet effet.

L'activité dans la " zone euro "

(en %)

Taux de croissance

1997

1998

1999

2000

2001

PIB

2,3

2,7

2,3

3,4

3,4

Demande intérieure

1,7

3,3

2,8

3,1

3,2

Demande intérieure hors stocks

1,5

2,8

2,8

3,0

3,2

Consommation privée

1,5

3,0

2,5

2,6

3,1

Consommation publique

0,9

0,9

1,4

1,3

1,2

FBCF totale

2,1

4,3

4,8

5,5

5,4

Contributions des stocks

0,2

0,5

0,1

0,1

- 0,1

Importations

8,8

9,3

5,9

10,1

7,5

Exportations

10,3

6,9

4,3

11,0

7,9

Contributions à la croissance

Demande intérieure hors stocks

1,4

2,7

2,7

2,9

3,1

Stocks

0,2

0,5

0,1

0,1

- 0,1

Extérieur

0,6

- 0,5

- 0,4

0,5

0,3

Enfin, sous-jacente à ce rééquilibrage, une certaine stabilisation des rapports de change entre l'euro et le dollar soulage les craintes associées à la très forte dépréciation de l'euro.

b) Une contribution positive du commerce extérieur à la croissance

En dépit de la dégradation du solde des transactions courantes observée en 2000, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait positive cette année comme en 2001 à hauteur de 0,2 point de PIB. La dégradation du solde extérieur est, en effet, le résultat d'une hausse des prix des importations plus élevée que celle des exportations. En volume, la progression des exportations est plus rapide que celle des importations, ce qui contribue favorablement à la croissance.

L'écart entre l'évolution du prix des importations (+ 4,8 % en 2000) et celui des exportations (+ 2,2 % en 2000) due à la hausse du prix du pétrole et à la dépréciation de l'euro se réduirait en 2001.

Le scénario du gouvernement privilégie donc le retour à un gonflement du solde du commerce extérieur et la disparition à l'horizon 2001 des phénomènes " d'inflation importée " observés au cours de cette année. Comparée à la contribution du commerce extérieur de la zone euro à la croissance de cette zone (+ 0,3 point de PIB mais 0,2 point de PIB en moins en 2001 par rapport à 2000), la contribution du commerce extérieur à la croissance française serait moins forte mais aussi plus stable.

2. La demande intérieure serait dynamique

La demande intérieure totale, hors stocks, progresserait de 3,2 %, soit un peu plus rapidement qu'en 2000 (3,1 %), mais sensiblement plus vite qu'au cours du deuxième trimestre de l'année en cours.

La reprise de la demande escomptée par le gouvernement pour le reste de l'année 2000 se poursuivrait donc. Elle proviendrait d'une vive augmentation de la consommation des ménages (+ 3,5 %) compensée par une baisse du rythme de progression de leur investissement (0,9 % contre 6,6 % cette année). Ses effets sur l'accroissement de la demande interne seraient atténués par un investissement des entreprises toujours dynamique (+ 6,9 %) mais qui n'accélérerait pas.

Au total on relève une forte accélération de la consommation des ménages. Après une augmentation de 2,7 % en 2000 (davantage qu'en 1999 où elle avait été de 2,1 %), la consommation des ménages progresserait de 3,5 % l'an prochain. Cette perspective est directement dépendante des hypothèses posées quant à la progression du pouvoir d'achat du revenu des ménages.

Celui-ci accélérerait selon le gouvernement, passant de 2,8 à 3,7 % entre 2000 et 2001.

Evolution du pouvoir d'achat des salariés

(en %)

1997

1998

1999

2000
Prév.

2001
Prév.

SALAIRES

Salaires bruts reçus par les ménages (1)

2,9

3,9

3,9

4,7

5,0

Salaire moyen annuel par tête (2)

2,7

1,9

1,8

2,1

3,1

Taux de salaire horaire (2)

2,7

2,1

2,5

5,2

4,4

Effectifs salariés (2)

0,6

2,0

2,3

3,2

2,5

VARIATIONS EN POUVOIR D'ACHAT

Prix de la consommation des ménages

1,4

0,8

0,8

1,4

1,2

Pouvoir d'achat du salaire moyen par tête

1,3

1,1

1,0

0,7

1,9

Pouvoir d'achat du salaire horaire

1,3

1,3

1,7

3,7

3,2

POUVOIR D'ACHAT DU RDB (3)

1,5

2,8

2,2

2,8

3,7

(1) Ensemble de l'économie

(2) Entreprises non financières

(3) RDB : revenu disponible brut

Les revenus salariaux des ménages augmenteraient sensiblement. Exprimés en valeur nominale, ils s'accroîtraient de 5 % après une progression de 4,7 % en 2000 contre un rythme moyen de croissance de 3,9 % en 1998 et 1999.

La dérive du taux de salaire horaire liée à la réduction du temps de travail serait tempérée. Mais le salaire moyen par tête accélérerait nettement, sans que cette évolution reflète à titre principal une baisse de l'inflation, qui ne se réduirait que légèrement. Elle s'appuie donc sur les perspectives de fonctionnement du marché du travail. Pourtant, l'augmentation des effectifs salariés, qui serait moins nette qu'en 2000, contribuerait toutefois positivement à la formation du revenu des ménages.

Le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages progresserait à l'unisson de la masse salariale. Ce résultat repose sur une forte inflexion du rythme de progression des prélèvements obligatoires par rapport aux tendances vérifiées entre 1997 et 1999.

Cette donnée reste à vérifier au vu de l'expérience. A ce stade, il convient de déplorer l'excessif laconisme des " budgets économiques " dans l'explication des hypothèses qui fondent le résultat qu'ils mettent en exergue. La réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 devra comporter des règles exigeantes en la matière, faute de quoi la Nation et le Parlement continueront d'être abreuvés de chiffres sans moyens d'en vérifier la crédibilité.

Comptes des ménages
(1995-2001)

(en % d'évolution nominale)

1995

1996

1997

1998

1999

2000
Prév.

2001
Prév.

Ressources

Salaires bruts

3,6

2,7

2,9

3,9

3,9

4,7

5,0

- Cotisations sociales salariales

3,4

5,5

- 2,6

- 21,4

4,6

5,4

4,4

Salaires nets

3,6

2,1

4,1

9,3

3,7

4,6

5,1

Revenu mixte des EI (*)

2,2

1,9

- 1,2

3,1

0,9

3,8

3,3

Prestations sociales brutes

3,8

4,1

2,8

2,5

3,3

2,5

3,3

Intérêts et dividendes

11,6

0,1

3,7

7,3

3,4

6,1

7,1

Autres ressources

9,1

- 6,8

5,8

4,2

4,3

3,7

1,3

Emplois

Impôts courants sur le revenu et le patrimoine

2,0

7,6

8,7

35,4

6,5

1,9

0,7

Intérêts et dividendes

1,0

- 7,2

- 5,5

1,4

- 2,3

3,9

3,6

Autres emplois

4,4

2,4

2,2

- 6,4

3,2

2,8

2,9

REVENU DISPONIBLE BRUT

4,7

1,9

3,0

3,6

3,0

4,3

5,0

dont : Dépenses de consommation

3,2

3,2

1,5

4,1

2,9

4,2

4,7

Epargne brute

13,2

- 4,6

11,0

1,0

3,6

4,8

8,3

(1 ) Diminution de 4,75 points de la cotisation maladie des salariés privés (0,75 point contre 5,5 points et relèvement de 4,1 points du taux de la CSG (7,5 points contre 3,4 points)

(*) EI = Entrepreneurs individuels

Remarques importantes : Ces chiffres doivent être interprétés en tenant compte de l'évolution du financement de la protection sociale intervenue en 1991. La création de la contribution sociale généralisée et les mesures qui l'accompagnent induisent sur le compte des ménages en comptabilité nationale des variations sans réelle portée économique : augmentation des salaires nets à cause de la baisse des cotisations sociales, augmentation des impôts sur le revenu et le patrimoine (la CSG étant classée en impôt sur le revenu en comptabilité nationale).

Le taux d'épargne des ménages se redresserait un peu en 2000 puis encore en 2001.

Taux d'épargne des ménages

(en %)

1997

1998*

1999

2000
Prév.

2001
Prév.

Taux d'épargne global (1)

16,1

15,7

15,8

15,9

16,1

Taux d'épargne financière (2)

7,7

7,2

7,0

6,7

7,1

Taux d'épargne non financière

8,4

8,5

8,8

9,2

9,0

* Diminution de 4,75 points de la cotisation maladie des salariés privés (0,75 pt contre 5,5 pts et relèvement de 4,1 pts du taux de la CSG (7,5 pts contre 3,4 pts).

(1) Taux d'épargne global : épargne brute/revenu disponible brut

(2) Taux d'épargne financière : capacité de financement/revenu disponible brut

En conséquence, la consommation des ménages qui progresserait rapidement, connaîtrait un rythme moins rapide que celle du revenu des ménages.

B. DE CERTAINS ALÉAS

Le contexte économique international a connu en cours d'année des évolutions importantes. L'économie américaine semble ralentir, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais sa capacité à " atterrir en douceur " reste à démontrer. On ne reviendra pas sur les enjeux d'une telle perspective, votre rapporteur général les ayant déjà présentés l'an dernier. L'évolution de l'euro et les inconnues liées à celle du prix du pétrole appellent quant à eux des développements particuliers

1. L'évolution de l'euro

La glissade de l'euro 3 ( * ) par rapport au dollar a débuté en 1996 , à l'époque où il était encore " innommé ", au moment où la croissance accélérait aux Etats-Unis, et commençait à déjouer systématiquement les prévisions d'un ralentissement de l'activité, de sorte que s'accréditait progressivement l'idée de l'entrée des Etats-Unis dans une " nouvelle économie ".

Variations de la valeur de l'euro

- Au 1 er janvier 1996 " l'euro" valait 1,31 dollar (soit 1$ = 5 francs) ;

- En octobre 1997, l'euro avait déjà baissé à 1,09 dollar (soit 1$ = 6 francs).

Cette évolution s'est temporairement interrompue à la fin de 1997 et en 1998, en raison de la reprise en Europe, d'une part, et sans doute, du succès technique et politique de la mise en place de l'euro, d'autre part.

L'euro est ainsi progressivement remonté et a atteint le 4 janvier 1999 un point haut à 1,18 dollar (soit 1$ = 5F56).

Mais, suite à la crise du Kosovo et à la démission de la Commission européenne, l'euro a rapidement baissé, atteignant un point bas le 13 juillet 1999, à 1,01 dollar.

L'euro a ensuite connu un rebond à l'automne 1999, remontant à 1,09 dollar le 15 octobre 1999.

Depuis lors, la glissade de l'euro a été quasiment ininterrompue pendant un an, jusqu'à la fin de septembre 2000, où l'euro a atteint son point le plus bas à ce jour : 0,84 dollar (soit 1$ = 7,80 FF).

Depuis l'intervention concertée de la Réserve fédérale américaine, de la BCE et de la Banque du Japon, l'euro est légèrement remonté, à 0,86 - 0,87 dollar (soit 1$ = 7,60 FF environ).

Au total, depuis le 1 er janvier 1999, l'euro aura néanmoins perdu un quart de sa valeur par rapport au dollar.

Par ailleurs, la détérioration de la situation au Proche-Orient et l'évolution corollaire des cours du pétrole sont de nouveaux facteurs de vulnérabilité pour l'euro.

A cette dépréciation de l'euro, trois grandes séries d'explications sont apportées.

En premier lieu, le taux de croissance américain plus élevé qu'en Europe a engendré des taux d'intérêt plus élevés aux Etats-Unis qu'en Europe, ce qui aurait soutenu le dollar. Il est toutefois à noter que, si les taux d'intérêt à court terme sont aujourd'hui à 6,5 % aux Etats-Unis, contre 4,75 % dans la zone euro, cet écart de 2 points se maintient depuis deux ans, la Banque Centrale européenne et la Réserve fédérale américaine ayant à peu près parallèlement augmenté leurs taux d'intérêt directeurs. Les taux d'intérêt à long terme se sont d'ailleurs récemment détendus aux Etats-Unis, tandis qu'ils remontaient dans la zone euro, pour converger vers des niveaux proches (un peu moins de 6 %). Cette évolution, qui témoigne notamment d'une plus grande crédibilité de la politique monétaire américaine et qui est de nature à creuser l'écart de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis, conduit à relativiser l'impact de l'écart de taux d'intérêt entre les Etats-Unis et l'Europe sur les évolutions de la valeur de leurs devises.

Il faut sans doute compléter cette explication et reconnaître que ce n'est pas le dollar qui est fort , mais plutôt l'euro qui est faible. Le dollar ne s'est pas apprécié par rapport aux autres devises, alors que l'euro s'est affaibli par rapport à presque toutes les autres monnaies de la planète.

L'explication de la baisse de l'euro est donc à trouver en Europe et une deuxième série d'explications voit dans la baisse de l'euro le reflet des faiblesses de l'Europe.

La reprise en Europe est récente et fragile et l'économie européenne semble aller de " trous d'air " en " secousses conjoncturelles ". De plus l'Europe est beaucoup plus affectée par la hausse du prix du pétrole que les Etats-Unis, et l'inflation a déjà accéléré dans la zone euro bien au-dessus du plafond de 2 % que s'est fixé la Banque centrale européenne. Enfin, l'impression prévaut que les pays de la zone euro ne profitent pas de la reprise pour s'attaquer vraiment à leurs problèmes structurels, alors même que le moment serait propice.

Enfin, un troisième faisceau d'explications souligne les liens entre la faiblesse de l'euro et la désorganisation de l'Europe.

L'une de ses facettes, soulignée par le dernier rapport du Conseil d'analyse économique, est le manque de coordination des politiques économiques en Europe. Le gouvernement français devrait d'ailleurs s'inspirer des conclusions du Conseil créé à son initiative. Plutôt que d'annoncer, dans l'urgence, pour répondre à la hausse du pétrole, des mesures non coordonnées avec les autres pays européens, il devrait essayer de mettre en place un peu d'harmonisation européenne en matière de prix de l'énergie. Enfin, il pourrait contribuer à lever les incertitudes autour des institutions européennes en défendant le principe de la convergence fiscale au sein de la zone euro, avec les conséquences qui s'y attachent quant au fonctionnement de l'Union et en particulier à ses règles de décision.

Les conséquences économiques de la baisse de l'euro sont pour l'heure plutôt favorables pour les pays de la zone euro.

D'un côté, la baisse de l'euro renchérit le prix des produits importés, en particulier du pétrole, ce qui accélère l'inflation et rogne le pouvoir d'achat dans la zone euro. Néanmoins, la baisse de l'euro stimule la compétitivité, donc les exportations et l'emploi des pays de la zone euro. Ce second effet l'emporte jusqu'à présent sur le premier, de sorte que la baisse de l'euro aurait accru la croissance des pays de la zone euro d'environ 1 point de PIB chaque année en 1999 et en 2000 (soit l'équivalent de 500.000 emplois supplémentaires en France).

Mais la baisse de l'euro pourrait, à terme, avoir des effets plus défavorables. Elle affecte la crédibilité de la construction européenne et, partant, pourrait réduire en même temps que la crédibilité extérieure de l'Union économique et monétaire, son attractivité pour les investisseurs internationaux. Par ailleurs, la baisse de l'euro a rendu plus difficile la conduite de la politique monétaire, et a modifié le comportement de la Banque centrale européenne (BCE). A l'avenir, la BCE pourrait être conduite à maintenir des taux d'intérêt plus élevés pour asseoir sa crédibilité. Enfin, l'impact inflationniste de la baisse de la valeur de l'euro pourrait atteindre un point sensible au-delà duquel une série d'effets négatifs se déclencherait.

Les enchaînements à redouter partent de la naissance d'une " spirale prix-salaires ".

Le choc lié à la dépréciation de l'euro qui survient dans le contexte d'un " choc pétrolier " à l'issue incertaine, pourrait se transmettre à l'économie si le supplément d'inflation qui en résulte devait conduire les agents à reconstituer leur revenu réel. Les entreprises augmenteraient leur prix de vente et les ménages réclameraient des hausses de salaire. Ces hausses de salaires amèneraient les entreprises à accroître leur prix, déclenchant de nouvelles hausses de salaires.

Le niveau de l'inflation en serait accru et obligerait sans doute la BCE à intervenir plus abruptement qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent à la suite d'une hausse des prix jusqu'alors due principalement à des facteurs exogènes.

2. " Choc pétrolier " ou " contre-choc pétrolier " ?

L'évolution du prix du pétrole au cours de l'année 2000 n'avait pas été anticipée par les économistes. Les prévisions qu'il est possible de formuler en la matière sont à l'évidence délicates.

Le gouvernement retient l'hypothèse conventionnelle d'un prix du baril de brut de 25,8 dollars en l'an 2001, ce qui correspond à la moyenne des prévisions des instituts indépendants. Cette prévision est, naturellement, incertaine. Relevons qu'elle implique une atténuation des tensions résultant de l'évolution du prix du pétrole au cours de la présente année. Relevons aussi qu'une variation importante de la valeur réelle du prix du baril en plus ou en moins par rapport à cette prévision provoquerait un " choc pétrolier " ou un " contre-choc pétrolier ".

L'ampleur de l'aléa n'est pas négligeable comme en témoigne le tableau ci-après résumant les simulations effectuées par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Impact, en l'an 2001, d'une augmentation du prix moyen du baril cette même année

Organisation

Hypothèse d'augmenta-tion du prix moyen du baril en l'an 2001 par rapport à un scénario de référence ( prix moyen du baril en résultant en l'an 2001) (en dollars)

Impact sur la croissance des pays développés (en points)

Impact sur la croissance des pays en voie de développement (en points)

Impact sur la croissance mondiale (en points)

Croissance prévue pour l'année 2001, en prenant en compte l'augmentation du prix du pétrole (en % du PIB)

FMI

+ 5

(28)

- 0,2

Asie : - 0,4

Autres régions : impact global faible (présence de pays producteurs et importateurs)

-

-

Banque Mondiale

+ 10

-

- 0,75

- 0,5

-

OCDE

+ 10

(33)

OCDE : - 0,4

Etats-Unis : - 0,3

UE - 0,5

Japon : - 0,6

-

-

OCDE : + 2,7

Etats-Unis : + 2,7

UE : + 2,6

Japon : + 1,6

On peut craindre en particulier qu'une augmentation durable du prix du pétrole entraîne le déclenchement d'une spirale prix-salaires (c'est-à-dire une augmentation auto-entretenue des prix et des salaires), qui pourrait susciter une augmentation par la BCE de ses taux d'intérêt, freinant la croissance.

Ainsi, selon l'OCDE, si le prix moyen du baril de pétrole en 2001 était de 33 dollars au lieu des 23 dollars retenus comme hypothèse dans ses prévisions de juin 2000, à politique monétaire inchangée, l'inflation serait accrue de + 0,5 point aux Etats-Unis, + 0,6 point au Japon et + 0,8 point dans la zone euro s'il enclenche une spirale prix-salaires (c'est-à-dire une augmentation auto-entretenue des prix des salaires), et de + 0,3 à + 0,5 point si ce n'est pas le cas.

La croissance dans l'Union européenne serait diminuée à 0,5 point du PIB. Il va de soi qu'une variation inverse provoquerait un " contre-choc pétrolier " avec des évolutions allant dans l'autre sens.

C. UNE MAUVAISE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

1. La réduction du temps de travail vient accroître les menaces sur une situation conjoncturelle déjà délicate

a) Une conjoncture délicate

A bien des égards, la situation conjoncturelle de l'économie française se rapproche dangereusement du " cocktail stagflationniste " atteint en 1989-1990.

Des tensions sur les capacités de production sont apparues . Le taux d'utilisation des capacités de production - 88,2 % en octobre 2000 selon l'INSEE- dépasse désormais le taux record atteint en 1990 ; le niveau des stocks est au plus bas depuis 1989 ; 41 % des entreprises ne peuvent produire davantage, soit une proportion supérieure au pic atteint en 1989 (37 %) ; les délais de livraison s'allongent.

De nombreux secteurs d'activité connaissent des difficultés de recrutement . Selon l'INSEE, en octobre, 53 % des entreprises du secteur manufacturier éprouvaient des difficultés pour embaucher les salariés dont elles ont besoin (contre 31 % un an plus tôt), soit un niveau identique à celui atteint à la fin de 1990, au moment où le taux de chômage butait sur la barre des 9 %.

La politique budgétaire est procyclique. Elle est caractérisée par des mesures privilégiant la demande au détriment de l'offre, par la dérive de la masse salariale publique et par la hausse du déficit structurel (à hauteur de 0,7 point de PIB entre 1988 et 1990, et de 0,2 point de PIB entre 1999 et 2001 selon l'OCDE). Les conditions monétaires et financières sont, pour l'heure, relativement accommodantes et le niveau des prix des actifs (l'immobilier dans les années 1980, la bourse aujourd'hui) est élevé. Une certaine accélération des salaires horaires, de l'inflation et de l'inflation sous-jacente ainsi que le développement des revendications catégorielles dans le secteur public peuvent être observés. Enfin, les incertitudes sur les perspectives de croissance mondiale et la hausse des prix du pétrole se renforcent.

Rappelons que ce " cocktail " s'était traduit dès la fin de 1990 par de fortes tensions inflationnistes et par un coût d'arrêt brutal au dynamisme de l'activité, puis, après deux années de croissance ralentie (1,1 % en 1991 et 1,3 % en 1992), par la pire récession de l'après-guerre en 1993, cependant que le taux de chômage réaugmentait de trois points. Rappelons aussi que ce retournement n'avait pas été anticipé par le gouvernement d'alors.

Aujourd'hui, les mêmes phénomènes, conjugués avec la dépréciation de l'euro, risquent d'entraîner les mêmes effets, avec les 35 heures pour catalyseur.

b) Les risques des " 35 heures "

En effet, les " 35 heures " accroissent toutes les tensions auxquelles l'économie française est actuellement confrontée.

Les " 35 heures " brident le développement de l'offre par les entreprises françaises . La mise en oeuvre des " 35 heures " s'effectue à rebours du cycle : normalement, lors des phases de reprise de l'activité, la durée du travail s'accroît, notamment par un recours accru aux heures supplémentaires. En l'espèce, la durée du travail est arbitrairement réduite, alors même que nombre d'entreprises éprouvent de réelles difficultés à trouver la main d'oeuvre dont elles auraient besoin. Dans certains secteurs d'activité, comme le bâtiment, la situation devient critique.

Il en résulte que nombre d'entreprises ne peuvent ajuster leur production à la demande. En conséquence, elles subissent de plein fouet les conséquences dommageables de la dépréciation de l'euro sur leurs coûts de production, sans pouvoir les compenser en bénéficiant de ses effets favorables sur leur compétitivité pour exporter davantage. Par surcroît, l'effet de signal résultant de la mise en oeuvre isolée des " 35 heures " réduit l'attractivité relative du territoire pour les entreprises étrangères.

Au total, les " 35 heures " réduisent les capacités de production de la Nation. Or, la réduction du temps de travail n'est durablement créatrice d'emplois que si elle ne freine pas la croissance.

La mise en oeuvre des " 35 heures " renforce les tensions inflationnistes. En effet, les entreprises qui sont déjà passées aux " 35 heures " sont celles pour qui l'opération était avantageuse ou relativement aisée. Pour les autres, la réduction du temps de travail accroît les coûts de production. Par ailleurs, les " 35 heures " accentuent les tensions sur les salaires. En effet, en période de reprise, les rémunérations réelles des salariés accélèrent, en raison notamment des heures supplémentaires. Cependant, compte tenu de la modération salariale nécessitée par les " 35 heures ", les salariés voient la période de forte croissance s'accompagner d'une progression du pouvoir d'achat par tête qui reste très faible (moins de 1 % par an). Cette situation est difficilement tenable, notamment dans les secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement. Il est donc à craindre que les coûts salariaux de production n'accélèrent. Or, la réduction du temps de travail n'est durablement créatrice d'emploi que sous la condition d'une modération durable des salaires.

Enfin, le coût des " 35 heures " pour les finances publiques ne cesse d'augmenter. Ce coût dépasse aujourd'hui très largement le point d'équilibre où s'égalisent les dépenses liées aux allégements de charges sociales, d'une part, les recettes liées aux créations d'emplois induites, d'autre part. Par surcroît, cette dérive risque de s'accentuer si les " 35 heures " sont étendues à la fonction publique sans gel des salaires. Or, la réduction du temps de travail n'est durablement créatrice d'emplois que si la mise en oeuvre ne dégrade pas le solde des finances publiques.

Au total, tous les équilibres macroéconomiques sur lesquels le gouvernement fondait la réussite des " 35 heures " sont rompus.

Dans la conjoncture actuelle, non seulement la poursuite de la réduction obligatoire du temps de travail ne pourrait plus créer d'emplois, mais les emplois qui auraient pu être créés sont menacés. Dans ces conditions, votre rapporteur général estime indispensable d'assouplir immédiatement le régime des heures supplémentaires, et de reporter l'obligation légale de réduction du temps de travail, aussi bien pour les petites et moyennes entreprises que pour les secteurs confrontés à des difficultés de recrutement.

Il semble d'ailleurs que le ministre de l'économie et des finances en ait tardivement pris conscience, puisqu'il s'est récemment prononcé en faveur d'un tel assouplissement. Pourtant, le gouvernement n'a, à ce jour, annoncé aucune mesure concrète en ce sens.

Les déclarations publiques du ministre de l'économie quant à la mise en oeuvre
des " 35 heures "

Interrogé le 3 novembre 2000 par Le Parisien sur la situation économique actuelle de notre pays, M. Laurent Fabius émettait certains doutes en ce domaine, et notamment s'agissant des 35 heures...

Question : Faut-il assouplir la mise en oeuvre des 35 heures dans les PME et comment ?

Réponse : Je suis un homme de gauche, mais pas un doctrinaire ; je suis plutôt un pragmatique. Chacun voit que les situations des entreprises ne sont pas toutes les mêmes. Pour certaines petites entreprises, les 35 heures ne posent pas de problème ; pour d'autres, c'est plus difficile. Des lois ont été votées, on ne les annulera pas, mais nous devons certainement traiter les situations diverses avec souplesse.

Comme sur la période 1988-1990, des erreurs de politique économique risquent donc de " casser " la croissance impulsée par un environnement international porteur.

2. Une politique budgétaire mal orientée

Malgré ses " secousses conjoncturelles ", la croissance de l'économie française est forte et la situe sur la phase ascendante de son cycle. Ce positionnement devrait influencer la politique budgétaire. Tel n'est pourtant pas le cas.

La politique budgétaire ne contribue pas à redresser un déficit des administrations publiques qui ne se résorbe que trop lentement, alors que les circonstances seraient particulièrement propices.

Solde des administrations publiques

(en points de PIB)

1997

1998

1999

2000

2001

Zone euro

- 2,6

- 2,1

- 1,2

- 0,6

- 0,5

Allemagne

- 2,6

- 1,7

- 1,1

- 0,5

- 0,7

France

- 3,0

- 2,7

- 1,8

- 1,4

- 1,0

Italie

- 2,7

- 2,8

- 1,9

- 1,2

- 0,9

Espagne

- 3,2

- 2,6

- 1,1

- 0,6

0,3

Les provisions qu'impliquent le niveau de la dette publique et les engagements à venir (les retraites) ne sont pas passées.

Pire encore, alors que le solde structurel des administrations publiques de la zone euro se contracte, la politique budgétaire française va au rebours de cette tendance.

Indicateurs budgétaires de la zone euro

(en points de PIB)

1997

1998

1999

2000

Solde des APU (hors UMTS)

- 2,6

- 2,1

- 1,2

- 0,6

Solde structurel des APU

- 1,8

- 1,5

- 0,6

- 0,4

Les conséquences économiques de la politique budgétaire sont, en outre, potentiellement très dangereuses. Alors que la politique budgétaire devrait être " contra-cyclique " par son orientation générale, elle joue à l'inverse. Ses composantes renforcent encore les problèmes auxquels est confrontée une économie française dont la croissance dépasse le potentiel de production.

Axée sur le soutien de la demande dont le dynamisme paraît excéder les capacités de l'appareil productif, elle " oublie " les entreprises et fait l'impasse sur le nécessaire allégement des coûts du travail que votre commission avait fortement appelé de ses voeux à l'occasion du dernier débat d'orientation budgétaire. Ces impasses ne sauraient être assez dénoncées.

CHAPITRE II :

L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES


La croissance spontanée des recettes devrait être en 2001, selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances, de 102,7 milliards de francs. Elle se répartirait comme suit :

- 25 milliards de francs de hausse des dépenses du budget général (soit 24,3 % du total) ;

- 48,4 milliards de francs de baisse des impôts (soit 47,1 % du total) ;

- 29,3 milliards de francs de réduction du déficit (soit 28,5 % du total).

Pour 2001, les recettes issues de la croissance seront donc affectées pour moitié à la réduction des prélèvements fiscaux, un quart à l'augmentation de la dépense, et un quart à la diminution du déficit.

La " marge de manoeuvre et sa répartition "

Dans le rapport économique, social et financier joint au présent projet de loi de finances, l'augmentation tendancielle des recettes fiscales et non fiscales de l'Etat s'élève à 123 milliards de francs et est répartie conformément au graphique ci-après.

En effet, outre l'augmentation des dépenses, la réduction du déficit et les baisses d'impôts sont également comptabilisés la baisse des prélèvements sur recettes et " divers mouvements ".

(en milliards de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution

Recettes fiscales nettes

1.551

1.671

+ 120

Recettes non fiscales

183

186

+ 3

Total

1.735

1.857

+ 123

Affectation des " fruits de la croissance "

(en milliards de francs)

Le solde général prévu dans le projet de loi de finances s'établit ainsi à 186,002 milliards de francs, soit une baisse de 29,32 milliards de francs (- 13,6 %) par rapport au déficit de la loi de finances initiale pour 2000 qui était de - 215,33 milliards de francs.

I. LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

Afin d'appréhender de façon correcte et complète l'équilibre tel qu'il résulte du présent projet de loi de finances, différentes présentations complémentaires peuvent en être faites : qu'il s'agisse de celle résultant de l'article d'équilibre, ou de la présentation dite " synthétique ". Il est par ailleurs nécessaire de disposer d'un indicateur retraçant les dépenses réelles ainsi que leur progression.

1. La présentation de l'article d'équilibre

Sous forme simplifiée, l'article d'équilibre se présente comme suit :

(en millions de francs)

Ressources brutes

Dépenses brutes ou plafonds de charges

Solde

Budget général

1.895.609

2.090.777

(hors remboursements et dégrèvements)

(1.528.639)

(1.723.807)

Comptes d'affectation spéciale (CAS)

81.899

81.951

Budgets annexes

107.776

107.776

Total opérations définitives

2.085.384

2.280.504

Solde opérations définitives (A)

- 195.120

Total opérations temporaires (CST)

378.434

369.316

Solde opérations temporaires (B)

9.118

Total général

2.463.818

2.649.820

Solde général (A + B)

-186.002

L'article d'équilibre fait apparaître les opérations définitives (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor) et leur solde, puis les opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et leur solde.

L'intérêt de cette présentation est de montrer le volume total des flux transitant par l'Etat, que ce soit de façon temporaire (opérations d'une durée infra-annuelle et prêts) ou définitive. Ainsi l'Etat encaissera 2.463,8 milliards de francs en 2001, et décaissera 2.649,8 milliards de francs, soit 27,5 % du PIB.

2. La présentation synthétique

Cette présentation révèle trois différences essentielles avec la précédente :

- les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale ne sont présentées qu'en solde (ce qui minore le " volume " du budget) ;

- les opérations des budgets annexes ne sont retracées ni dans le total des ressources ni dans celui des dépenses puisqu'elles sont, par construction, équilibrées en ressources et en emplois ;

- les dépenses du budget général sont présentées nettes des dépenses d'ordre et des recettes d'ordre, liées à la gestion de trésorerie de l'Etat, ainsi que des remboursements et dégrèvements d'impôts.

Cette présentation fait apparaître, à structure constante, une progression des dépenses du budget général de 1,49 %.

Ce budget, comme celui de l'an dernier, a néanmoins été affecté de très importantes variations de structure qui nuisent à sa lisibilité et rendent ainsi plus difficiles et délicates les comparaisons d'un exercice budgétaire à l'autre. A l'évidence, nonobstant la " charte de budgétisation " présentée par le gouvernement, une clarification s'impose en ce domaine.

(en milliards de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Variation en %

A. Titre I. Charges de la dette ; hors dépenses et recettes d'ordre

238,2

242,9

+ 1,97

B. Budgets civils

Titre II. Pouvoirs publics

4,8

4,9

+ 2,1

Titre III. Fonctionnement des services

631,5

644,1

+ 1,99

Titre IV. Interventions de l'Etat

466,5

475,0

+ 1,82

Titres V et VI. Investissements

81,1

78,2

- 3,57

Sous-total B

1.183,9

1.202,2

+ 1,54

C. Défense

Titre III. Fonctionnement

159,9

161,3

+ 0,87

Titres V et VI. Investissements

82,9

83,4

+ 0,60

Sous-total C

242,8

244,7

+ 0,78

D. Total des dépenses du budget général à structure constante


1.664,9


1.689,8


+1,49

D'. Total des dépenses du budget général après modifications de périmètre en 2001 (A+B+C)


1.664,9


1.705,3

E. Solde des comptes spéciaux du Trésor

- 3,0

- 9,2

F. Total des charges à structure constante (D+E)


1.661,9


1.680,6

F'. Total des charges après modifications de périmètre en 2001 (D'+E)


1.661,9


1.696,1

G. Recettes nettes y compris modifications de périmètre en 2001


1.446,5


1.510,1

H. Solde général (G-F')

- 215,3

- 186,0

Source : ministère de l'économie

3. Le chiffrage des dépenses réelles

Cette présentation, développée par la commission des finances de l'Assemblée nationale depuis plusieurs années, permet de mettre en évidence les divers agrégats qui reflètent, tous, l'ensemble des dépenses de l'Etat.

Elle convient néanmoins d'être maniée avec précaution, dans la mesure où il faut également prendre en compte les changements de périmètre qui affectent le présent projet de loi de finances.

Charges budgétaires avant correction des changements de périmètre

Les agrégats et leur taux d'évolution

(en milliards de francs)

LFI 1998

Exécution 1998 (a)

LFI 1999

Exécution 1999 (a)

LFI 2000

LFI 2000/ LFI 1999

PLF 2001

PLF 2001 /LFI 2000

1. Dépenses nettes du budget général

1.600,48

1.608,00

1.686,56

1.726,76

1.682,02

- 0,27 %

1.723,81

2,48 %

2. - Pour mémoire : dépenses d'ordre relatives à la dette, mais hors remboursements et dégrèvements d'impôts


13,81


22,18


16,00


17,00


17,17


16,50

Opérations définitives des comptes d'affectation spéciale :

3. - Dépenses

61,02

83,65

46,66

42,98

42,98

81,95

4. - Charge nette

0,04

- 3,64

- 3,44

0,00

0,00

- 0,05

5. - Total des charges définitives (=1+3)

1.661,50

1.691,65

1.733,22

1.725,00

1.725,00

- 0,47 %

1.805,76

4,68 %

6. - Charge nette des opérations temporaires

4,56

- 0,65

0,33

- 3,00

- 3,00

- 9,12

Charges du budget de l'Etat (présentation du tableau d'équilibre)

A. - Budget général + solde des comptes spéciaux du Trésor (=1+4+6)


1.605,08


1.603,52


1.683,45


1.679,02


1.679,02


- 0,26 %


1.714,64


2,12 %

B. - Charges définitives + solde temporaire (=1+3+6)


1.666,06


1.690,80


1.733,65


1.722,00


1.722,00


- 0,67 %


1.796,64


4,33 %

Charges du budget de l'Etat (en termes de dette nette)

C.- Budget général - dépenses d'ordre + solde des comptes spéciaux du Trésor

(= 1-2+4+6) (présentation du PLF)


1.591,27


1.581,34


1.667,45


1.700,52


1.661,86


- 0,34 %


1.696,14


2,06 %

D.- Charges définitives - dépenses d'ordre + solde temporaire (=1-2+3+6)


1.652,25


1.668,62


1.717,55


1.765,10


1.704,84


- 0,74 %


1.776,14


4,30 %

a) Hors FMI, FSC et fonds de concours (égaux à 45,176 milliards de francs en 1998). Dépenses nettes du budget général, y compris fonds de concours : 1.674,25 milliards de francs.

II. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT À GÉOMÉTRIE VARIABLE

A. UN OBJECTIF D'ÉQUILIBRE À MOYEN TERME FIXÉ PAR MAASTRICHT

1. Le programme de stabilité

Depuis la loi de finances pour 1999, ont été instaurées de nouvelles normes relatives aux politiques des finances publiques.

Les pays membres de la zone euro doivent respecter un programme de stabilité qui fixe des objectifs en terme de besoin ou de capacité de financement des administrations publiques, qu'il s'agisse de l'Etat, des régimes de sécurité sociale, des collectivités locales ou des organismes divers d'administration centrale (ODAC). Conformément au Pacte de stabilité et de croissance, les pays-membres de l'Union européenne doivent en effet, à terme, tendre vers un équilibre de leurs finances publiques, voire être en excédent. Cet objectif doit permettre aux Etats-membres de faire face aux fluctuations conjoncturelles.

Les objectifs actuellement fixés par le programme 2001-2003 et transmis aux autorités communautaires sont retracés dans le tableau suivant.

Hypothèses et principaux résultats du programme pluriannuel

de finances publiques 2001-2003

Croissance annuelle du PIB (2001-2003)

2,5 %

3,0 %

1999

2000

2003

2003

Déficit public en point de PIB

- 2,1

- 1,7

- 0,5

- 0,3

Dette publique en point de PIB

60,3

59,4

57,7

57,2

Source : ministère de l'économie

Ces hypothèses ont été transmises au début de l'année 2000 et ne prennent pas en compte les résultats définitifs de l'exécution du budget 1999. Au demeurant, elles ne sont pas détaillées par sous-catégories d'administrations publiques et ne fixent qu'un objectif pour 2003 sans fournir d'indications intermédiaires pour les années 2001 et 2002.

2. Un déficit budgétaire de 1,95 point de PIB

Pour 2001, le gouvernement entend réduire le besoin de financement de l'Etat de 0,35 point de PIB, hors prise en compte des licences UMTS. Celui-ci passerait ainsi de 2,3 points de PIB en 2000 à 1,95 point de PIB en 2001.

Ces chiffres sont ceux qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2001 : s'ils intègrent, à la différence de ceux transmis dans le cadre du programme pluriannuel, les résultats définitifs de l'exécution 1999 ils ne dépassent pas l'horizon 2001. Ils présentent cependant les évolutions attendues pour chaque sous-catégorie d'administration publique.

Capacité ou besoin de financement des administrations publiques
au sens du Traité de Maastricht

(en % du PIB)

1997

1998

1999

2000

2001

Etat

- 3,6

-3,0

- 2,5

- 2,3

- 1,95

Administration de sécurité sociale

- 0,4

- 0,1

0,2

0,4

0,5

Organismes divers d'administration centrale (ODAC)

0,2 (a)

0,1

0,2

0,2

0,1

Administrations publiques locales (APUL)

0,2

0,3

0,4

0,3

0,35

Total des administrations publiques

- 3,5

- 2,7

- 1,8

- 1,4

- 1,0 (b)

(a) Hors soulte France Télécom

(b) Hors UMTS

Source : ministère de l'économie

Les prévisions des instituts indépendants quant à l'évolution des finances publiques en 2000-2001

La prévision du gouvernement, selon laquelle la capacité de financement des administrations publiques passerait de - 1 ,4 % du PIB en 2000 à - 1 % en 2001, correspond à la moyenne des prévisions des instituts indépendants, malgré des divergences importantes entre ces derniers, reflétant celles des prévisions de croissance : ainsi, le BIPE prévoit une capacité de financement de - 1 % en 2000 et - 0,4 % en 2001, alors que Rexecode avance respectivement les chiffres de - 1,5 % et - 1,4 %.

Gouvernement

BIPE (1)

REXECODE (2)

OFCE (3)

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

Capacité de financement des administrations (en % du PIB)

- 1,4

- 1,0

- 1,0

- 0,4

- 1,5

- 1,4

- 1,5

- 0,9

(1) BIPE : Bureau d'informations et de prévisions économiques

(2) REXECODE : Centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises

(3) OFCE : Observatoire français des conjonctures économiques

Source : service des études du Sénat

3. Un triplement du solde des opérations temporaires qui contribue pour 9,2 milliards de francs à la baisse du déficit

Pour 2001, le solde général s'établira à 186 milliards de francs, en diminution de 29,3 milliards de francs par rapport à celui prévu en loi de finances initiale pour 2000. S'agissant du solde des opérations définitives du budget général 4 ( * ) , il est réduit de 23,2 milliards de francs, soit une diminution de 10,6 %.

A contrario , en 2001, l'excédent prévu pour les opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor devrait tripler et passer de 3 milliards de francs en 2000 à 9,1 milliards de francs en 2001. Cette évolution contribuera donc de façon significative à la diminution du solde général. Elle résulte notamment de l'excédent prévu au titre du compte d'avances sur le montant des impositions locales, mais surtout de celui des comptes de prêts et notamment du compte " Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation des dettes envers la France ".

Evolution du solde des opérations temporaires

(en millions de francs)

LFI 1997

- 2.767

LFI 1998

- 4.561

LFI 1999

- 329

LFI 2000

+ 2.998

PLF 2001

+ 9.118

En l'espace de 3 années, entre la loi de finances initiale pour 1998 et le projet de loi de finances pour 2001, ce solde sera passé de - 4,6 milliards de francs à + 9,1 milliards de francs : il aura ainsi contribué pour 13,7 milliards de francs à la réduction du déficit budgétaire 5 ( * ) .

L'amélioration très significative du solde des opérations temporaires

(en millions de francs)

B. LA SITUATION BUDGÉTAIRE EN EXÉCUTION

Le déficit budgétaire en loi de finances initiale et en exécution

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

Loi de finances initiale

- 284,8

- 257,8

- 236,5

- 215,3

Loi de règlement

- 267,7

- 247,5

- 206

?

Amélioration en exécution

+ 17,1

+ 10,3

+ 30,5

?

Source : Cour des comptes

1. Un bref retour sur l'exécution 1999

En loi de finances initiale pour 1999, le déficit budgétaire avait été chiffré à - 236,5 milliards de francs : en exécution il s'est révélé être inférieur à ce chiffre de près de 30,5 milliards de francs. Le Parlement n'en a été informé que très tardivement ainsi que votre commission l'a démontré 6 ( * ) .

Evaluation du déficit budgétaire
Chronologie de l'exécution budgétaire 1999

Dates

Chiffrages de la direction du budget (en milliards de francs)

Evaluation communiquée par les ministres au Parlement (en milliards de francs)

Décembre 1998 : Vote de la loi de finances pour 1999

- 236,5

7 avril 1999

- 235,1

13 juillet 1999

- 210,7

26 octobre 1999

- 211,2

24 novembre 1999 (dépôt du collectif pour 1999)

- 234,1

14 décembre 1999

- 200,8

20 décembre 1999 (discussion du collectif par le Sénat)

- 225,9

9 février 2000 (audition des ministres par la commission sur l'exécution budgétaire)

- 206

2. Un déficit budgétaire en exécution pour 2000 inférieur à celui prévu en projet de loi de finances pour 2001 ?

Lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, votre rapporteur général avait estimé que le niveau de déficit budgétaire affiché par le gouvernement pour 2000 (- 215,4 milliards de francs) " aurait très vraisemblablement pu être atteint dès cette année (1999) ". Force est de constater que la réalité a même dépassé ses espérances puisque le niveau du déficit exécuté en 1999 (- 206 milliards de francs) a été finalement inférieur de près de 10 milliards de francs à celui prévu en loi de finances initiale pour 2000.

Dans ce contexte, il convient de relever avec la plus grande attention les propos tenus le 11 juillet 2000 par M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant l'association " Paris Europlace " et qui faisait état pour 2000, après les réévaluations effectuées par le collectif de printemps, d'un nouveau surplus de recettes fiscales de 30 milliards de francs qui serait affecté à la réduction du déficit et partant, allégerait le poids de la dette de l'Etat. Selon ces indications, le déficit pour 2000 devrait donc s'élever non à 215,4 milliards mais à 185 milliards de francs. Il apparaît donc que pour la seconde année consécutive, le déficit budgétaire exécuté sera inférieur à celui prévu par le projet de loi de finances de l'année suivante, ce qui relativise amplement l'effort de réduction du déficit avancé par le gouvernement.

Un accroissement du déficit budgétaire en 2001
par rapport à 2000 ?

(en milliards de francs)

L'exécution budgétaire au 30 septembre 2000

Le solde budgétaire

Il s'établit à - 147,1 milliards de francs au 30 septembre 2000 contre - 174,9 milliards de francs à la fin septembre 1999, soit une amélioration de 27,8 milliards de francs d'une année sur l'autre.

Les recettes du budget général

Elles s'élèvent à 1.174,8 milliards de francs, soit une hausse de 3,3 % par rapport à la fin septembre 1999. Hors fonds de concours, la hausse est même de 3,8 %. Il convient de relever au sein des recettes fiscales tant le dynamisme de l'impôt sur le revenu (+ 6,7 % par rapport à septembre 1999) que celui de l'impôt (en net) sur les sociétés (+ 17,0 % par rapport à septembre 1999).

Les dépenses du budget général

A la fin de septembre 2000, elles représentent 1.214,2 milliards de francs, soit une progression de 0,2 % par rapport à septembre 1999 (1.211,7 milliards de francs). En tenant compte des changements de périmètre, la hausse des dépenses est de 1,8 %.

Source : ministère de l'économie

La dernière situation hebdomadaire, en date du 26 octobre 2000, adressée à votre commission, confirme cette bonne exécution budgétaire : le solde (hors FMI et FSC) s'élève à - 186,81 milliards de francs contre - 237,59 milliards de francs l'année passée.

C. LA RÉDUCTION DES DÉFICITS REPOSE TOUJOURS SUR LA CONJONCTURE ET NON SUR LES RÉFORMES DE STRUCTURE

L'amélioration relative de la situation de l'Etat reste limitée : elle repose sur la conjoncture et non sur les indispensables réformes de structure dont notre pays a besoin. En ce domaine, le gouvernement fait preuve de laxisme.

1. Un déficit de fonctionnement de 13,8 milliards de francs en 2001

La persistance en 2001 d'un déficit de fonctionnement significatif (- 13,8 milliards de francs), quoiqu'en réduction notable par rapport à 2000 (- 46,1 milliards de francs), montre que l'Etat continue d'emprunter pour régler ses dépenses courantes, ce qui est critiquable au plus haut point. A cet égard, s'inspirant des exemples d'un certain nombre de pays étrangers ou de ce que pratiquent déjà les collectivités locales, des améliorations significatives doivent être apportées à cet état de fait, le cas échéant en modifiant, à cette fin, les dispositions de l'ordonnance organique de 1959.

Tableau du budget en actions de fonctionnement et d'investissement
Section de fonctionnement

(en milliards de francs)

Dépenses

Recettes

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

1. Charges à caractère général

62,1

63,3

66,1

68,7

1. Produits de gestion courante
(recettes non fiscales)

134,7

161,3

176,9

181,6

- Matériel et fonctionnement civils

39,8

43,2

46,2

48,9

- Fonctionnement des armées

22,3

20,1

19,9

19,8

2. Charges de personnel

610,7

652,1

674,2

684,2

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)

1.448,2

1.534,9

1.551,2

1.629,2

- RCS civiles

372,8

389,4

398,0

401,8

- RCS militaires

80,5

82,8

84,0

84 ,7

- Pensions civiles et militaires

157,5

179,9

192,2

197,7

3. Autres charges de gestion courante

547,5

568,1

541,5

557,0

- Pouvoirs publics

4,4

4,5

4,7

4,9

- Subventions aux EPA

53,7

48,8

50,6

53,2

- Interventions

464,1

495,7

466,5

487,6

- Subventions d'investissement

17,0

18,8

19,2

17,4

- Garanties (titre I)

1,6

1,5

1,2

1,1

- Divers (titre I)

1,9

2,0

2,3

2,1

- CST (hors affectation des recettes de privatisation)

4,6

- 3,1

- 3,0

- 9,2

4. Charges financières

248,7

253,3

251,9

258,2

3. Produits financiers

20,3

22,0

23,6

25,0

- Charge brute de la dette

248,7

253,3

251,9

258,2

- recettes liées à la dette

13,8

16,0

17,2

18,5

- intérêts sur prêts du Trésor

6,5

6,0

6,5

6,5

5. Charges exceptionnelles

0,0

0,0

0,0

0,0

4. Produits exceptionnels

0,0

0,0

0,0

0,0

6. Dotations aux amortissements et provisions

0,0

0,0

0,0

0,0

5. Reprises sur amortissements
et provisions

0,0

0,0

0,0

0,0

7. Reversements sur recettes

233,1

248,8

264,2

281,5

- Prélèvement CEE

91,5

95,0

98,5

99,5

- Prélèvements collectivités locales

141,6

153,8

165,7

182,0

Déficit section de fonctionnement

98,6

67,4

46,1

13,8

Total

1.701,8

1.785,6

1.797,9

1.849,6

1.701,8

1.785,6

1.797,9

1.849,6

Section d'investissement

(en milliards de francs)

Dépenses

Recettes

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

1. Dépenses d'investissement

159,1

168,5

166,7

170,9

Déficit section de fonctionnement

- 98,6

- 67,4

- 46,1

- 13,8

- Equipement civil

78,1

82,5

85,7

87,5

- Equipement militaire

81,0

86,0

83,0

83,4

Redevances d'utilisation des fréquences

32,5

Cessions d'immobilisations financières

28,0

17,5

16,9

16,9

2. Dépenses opérations financières

378,2

300,9

423,9

456,4

Ressources d'emprunt

607,9

519,3

621,8

591,7

- Remboursements d'emprunts (et autres charges en trésorerie)

350,2

283,4

407,0

407,0

- Participations (dotations en capital)

28,0

17,5

16,9

16,9

- Fonds de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'Etat

32,5

- Autres immobilisations financières (désendettement)

0,0

0,0

0,0

0,0

TOTAL

537,3

469,4

592,6

627,3

537,3

469,4

592,6

627,3

Source : ministère de l'économie

En 2001, le gouvernement empruntera 591,7 milliards de francs sur les marchés financiers qui serviront pour 407 milliards de francs à rembourser des emprunts contractés antérieurement pour 170,9 milliards de francs à financer des investissements et pour 13,8 milliards de francs à régler des dépenses courantes.

2. Un déficit structurel qui n'est pas réduit

La persistance d'un déficit structurel important montre bien que les charges de structure restent trop lourdes et que le secteur public continue de " vivre au dessus de ses moyens ".

Comme l'indique l'INSEE 7 ( * ) , la réduction des déficits publics prévue dans le programme de stabilité 1999-2003 repose essentiellement sur la conjoncture et non sur des réformes de structure : le solde structurel devrait rester stable sur cette période. Il n'y a donc aucune " intensification structurelle de la consolidation budgétaire " mais uniquement des facteurs conjoncturels (relèvement des hypothèses de croissance) qui expliquent cette baisse des déficits publics.

La ventilation du déficit des administrations publiques depuis 1994

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Prévisions 2000

Déficit structurel

- 4,6

- 4,0

- 2,6

- 2,2

- 2,0

- 1,8

- 1,5

Déficit conjoncturel

- 1,1

- 0,9

- 1,5

- 1,3*

- 0,9

- 0,5

- 0,5

* dont 0,5 au titre de la soulte de France Télécom

Source : rapport économique, social et financier pour 1999 8 ( * )

Dans ses perspectives économiques de juin 2000, l'OCDE a fourni une version actualisée de cette ventilation entre déficit structurel et déficit conjoncturel pour l'ensemble du secteur public. Elle confirme bien que la réduction des déficits publics entre 2000 et 2001 repose uniquement sur l'évolution favorable de la conjoncture.

La décomposition du déficit public pour 2000 et 2001

2000

2001

Evolution 2001/2000

Croissance du PIB

3,7

2,9

-

Solde conjoncturel

+ 0,3

+ 0,5

+ 0,2

Déficit structurel

- 1,7

- 1,7

0

Solde total

- 1,4

- 1,2

+ 0,2

Source : OCDE - Perspectives économiques juin 2000

3. L'Etat seule collectivité publique déficitaire depuis 1999

Capacité ou besoin de financement au sens de Maastricht

(en points de PIB)

1998

1999

2000

2001

Etat

- 3,0

- 2,5

- 2,3

- 1,95

Sécurité sociale

- 0,1

+ 0,2

+ 0,4

+ 0,5

ODAC

+ 0,1

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,1

Collectivités locales

+ 0,3

+ 0,4

+ 0,3

+ 0,35

Evolution du déficit par catégorie d'administrations publiques entre 1998 et 2001

(en points de PIB)

Si, comme le relève le gouvernement " toutes les administrations publiques prennent désormais part, peu ou prou, à la réduction du déficit public " 9 ( * ) , l'Etat reste la seule collectivité publique déficitaire, et ce pour des montants toujours très importants. Ainsi convient-il de relever que pour la cinquième année consécutive, les collectivités locales dégagent une capacité de financement importante de l'ordre de 0,35 point de PIB : elles peuvent ainsi financer leurs dépenses tout en poursuivant leur mouvement de désendettement.

D. UNE DETTE DE L'ÉTAT TOUJOURS EN PROGRESSION

La part de la dette publique dans le PIB a été stabilisée et commence même à décroître à partir de 1999. Au sein de celle-ci, il convient cependant de relever que la progression rapide de ces dernières années est pour l'essentiel imputable à l'Etat et que, au demeurant, comme le note le gouvernement dans le rapport économique, social et financier, " son niveau ne prend pas en compte les engagements de l'Etat au titre des retraites des fonctionnaires ".

La dynamique de la dette publique

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Part de la dette dans le PIB (en %)

57,1

59,3

59,7

58,9

58,4

57,2

Coût apparent de la dette (en %)

7,4

6,7

6,3

5,8

5,8

5,8

Solde primaire effectif (en point de PIB)

- 0,2

0,7

0,9

1,6

1,9

2,2

Solde primaire stabilisant (en point de PIB)

2,6

1,9

1,3

1,4

0,9

0,6

Intérêts (en point de PIB)

3,9

3,7

3,6

3,4

3,3

3,2

Solde effectif (en point de PIB)

- 4,2

- 3,0

- 2,7

- 1,8

- 1,4

- 1,0

Solde stabilisant (en point de PIB)

- 1,4

- 1,8

- 2,3

- 1,9

- 2,4

- 2,6

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'endettement directement issu des déficits publics antérieurs acquiert une dynamique autonome très difficile à maîtriser (effet " boule de neige "). Il faut donc éviter une dérive auto-entretenue de l'endettement public et réserver le financement par emprunt aux seules dépenses ayant un caractère d'investissement. A l'évidence l'Etat doit s'imposer des règles plus strictes que celles suivies jusqu'à maintenant.

Le " carré budgétaire " : évolution du déficit public et de la dette publique
entre 1992 et 2001

Déficit public en points de PIB

Dette publique en points de PIB

1. Le solde primaire de l'Etat

Solde primaire du budget de l'Etat

(en milliards de francs)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

LFI 2000

PLF 2001

A. Montant du solde en exécution (a)

-131,7

-226,3

-315,6

-299,1

-323,0

-295,4

-267,7

-247,5

-206,0

-215,3

-186,0

B. Charge nette de la dette

137,5

157,1

159,5

185,6

205,8

219,5

223,5

244,5

244,7

238,2

242,9

C. Solde primaire (A + B)

+5,8

-69,2

-156,1

-113,5

-117,2

-75,9

-34,2

-15,6

+38,7

+22,8

+56,9

D. Solde primaire hors privatisations

+3,9

-79,2

-174,1

-163,5

-122,3

-75,9

-34,2

-23,1

+8,28

+5,8

+30,4

(a) Solde général des opérations définitives et temporaires, hors opérations avec le FMI et le fonds de stabilisation des changes

Evolution du déficit budgétaire et du solde primaire (hors privatisations)

(en milliards de francs)

Seule collectivité publique durablement déficitaire pour des montants significatifs, proches de 200 milliards de francs, l'Etat est cependant revenu depuis 1999 à une situation d'excédent primaire 10 ( * ) , et ce pour la première fois depuis 1991. Cette amélioration indéniable doit néanmoins être confortée et confirmée : ainsi par exemple, le solde primaire, qu'il soit " brut " ou calculé hors privatisation, a baissé de façon significative en loi de finances initiale pour 2000 par rapport à 1999.

Cela est d'autant plus nécessaire que les charges de la dette dépendent non seulement du stock (" l'effet volume ") mais également du niveau des taux d'intérêt (" l'effet prix "). Or, après avoir diminué de 1,38 milliard de francs en 2000 (- 0,6 %) pour s'établir à 251,87 milliards de francs en 2000, les charges d'intérêt de la dette de l'Etat devraient s'accroître en 2001 de 6,30 milliards de francs et représenter 258,18 milliards de francs 11 ( * ) .

Evolution de la charge brute de la dette de l'Etat

(en milliards de francs)

2000

2001

Ecart

Dette négociable

243,16

251,25

+ 3,3 %

Dette non négociable

8,40

6,62

- 21,2 %

Charges de gestion de la dette et frais de trésorerie

0,31

0,31

0

Total

251,87

258,18

+ 2,5 %

2. L'Etat seule collectivité publique dont la dette augmente en valeur absolue et en valeur relative

Structure de la dette publique au sens du traité de Maastricht

(en milliards de francs et en points de PIB)

Administrations

Sous-secteurs

Années

publiques

Etat

Organismes divers d'administration centrale

Administrations publiques locales

Administrations de sécurité sociale

1999

5.194,5

4.093,8

330,1

688,9

81,7

en points de PIB, en %

1995

54,6

40,2

2,8

8,9

2,8

1996

57,1

42,5

4,2

8,8

1,6

1997

59,3

44,2

4,6

8,5

2,0

1998

59,7

46,1

4,3

8,2

1,0

1999

58,9

46,4

3,7

7,8

0,9

Sources : INSEE bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ; Banque de France ; calculs Direction de la Prévision avant 1995

(1) La dette au sens de Maastricht est la dette de l'ensemble des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale à trois niveaux : il s'agit d'une dette consolidée, exprimée en valeur nominale et elle exclut certaines formes d'endettement (crédits commerciaux, décalages comptables).

Le poids de l'ensemble de la dette publique dans le PIB a diminué en 1999 de 0,8 point et ce pour la première fois depuis 20 ans. Néanmoins, le stock de dette publique globale continue toujours à croître en valeur absolue et représentera 5.194,5 milliards de francs en 1999 contre 5.093,1 milliards de francs en 1998.

Évolution en 1999 des différentes composantes de la dette publique

(en points de PIB)

S'agissant de la dette de l'Etat, stricto sensu , la situation est nettement moins favorable. En effet, la stabilisation du poids de la dette publique dans le PIB est le résultat d'évolutions contradictoires : en 1999, la dette de l'Etat 12 ( * ) rapportée au PIB a augmenté de 0,3 point. Au contraire, la dette de toutes les autres collectivités publiques a diminué tant en valeur relative par rapport au PIB qu'en valeur absolue : la dette des collectivités locales a été réduite de 0,7 point entre 1997 et 1999, ce qui représente également en francs courants une diminution nette.

L'encours de la dette des collectivités publiques (autres que l'Etat) au sens de Maastricht
entre 1995 et 1999

(en milliards de francs)

La persistance d'un niveau élevé de déficit budgétaire (186 milliards de francs pour 2001) contribuera encore à accroître le poids de la dette de l'Etat, qu'il soit calculé en valeur absolue ou en valeur relative par rapport au PIB. Cet accroissement est particulièrement significatif s'agissant de la dette négociable de l'Etat qui représente près de 90 % de la dette totale de l'Etat : elle augmentera de 252 milliards de francs en 2000 et de 248 milliards de francs en 2001.

Evolution de la dette totale de l'Etat

(en milliards de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000 (p)

2001 (p)

Dette négociable

1.776,63

2.132,61

2.480,36

2.825,65

3.111,40

3.376,99

3.674,66

3.830,26

4.082

4.330

Dette non négociable

334,70

328,16

424.15

425,62

430,06

411,39

347,44

462,11

nd

nd

Dette totale de l'Etat

2.111,33

2.460,77

2.904,52

3.251,27

3.541,46

3.788,38

4.022,11

4.292,37

-

-

Durée de vie moyenne de la dette négociable

6 ans 139 jours

6 ans 187 jours

6 ans 176 jours

6 an 95 jours

6 ans 47 jours

6 ans 57 jours

6 ans 93 jours

6 ans 100 jours

-

-

Source : direction du Trésor

L'accroissement de la dette négociable de l'Etat

(en milliards de francs)

3. Un hors-bilan un peu mieux appréhendé

L'année dernière, votre commission avait rappelé qu'il convenait d'ajouter à la dette actuelle les engagements " hors-bilan " de l'Etat , qui pour une part sont conditionnels (les garanties accordées aux établissements publics, aux crédits à l'exportation, à certaines formes d'épargne etc.) et pour d'autres sont certains (les structures de défaisance, les primes d'épargne-logement, ou les charges de remboursement de la dette de Réseau ferré de France), mais également, et surtout, les engagements en assurance-vieillesse et en assurance-maladie liés au vieillissement de la population.

A ce titre, la question du coût des pensions de la fonction publique 13 ( * ) illustre le problème budgétaire majeur auquel l'État sera confronté dans un avenir finalement très proche : celui du " hors-bilan ", ou de la " dette publique invisible " 14 ( * ) .

L'encours de la dette garanti par l'Etat stricto sensu

Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être appréhendées et contrôlées de façon objective, le " hors-bilan ", quant à lui, fait l'objet d'une grande imprécision.

Cette situation a été dénoncée par l'Assemblée nationale. Le groupe de travail, qu'elle avait constitué à l'initiative, et sous la présidence de M. Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, estimait ainsi (1) , que la dette est " sous-évaluée " , l'Etat pratiquant " une politique de provisionnement minimal, alors que le principe de sincérité budgétaire milite pour qu'apparaissent, à la lecture du bilan de l'Etat, les causes d'éventuels déséquilibres futurs ".

En effet, le gouvernement apprécie actuellement le " hors-bilan " d'une manière extrêmement restrictive, ne s'en tenant qu'à une simple définition juridique.

D'après des informations fournies à votre rapporteur général, le gouvernement ne prend en compte que la notion de dette garantie par l'Etat inscrite aux sous-comptes 801 (emprunts intérieurs) et 802 (emprunts extérieurs) de la comptabilité de l'Etat, qui est publiée chaque année au compte de la dette publique. Il s'agit ainsi des seuls engagements de sociétés françaises, entreprises nationales, collectivités et établissements publics bénéficiant de la garantie de l'Etat, ce dernier s'étant engagé, dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, à effectuer lui-même le règlement.

Au 31 décembre 1999, cette dette inscrite " hors-bilan " s'élevait à 246,05 milliards de francs contre 311,54 milliards de francs au 1 er janvier 1999 , soit 207,79 milliards de francs d'emprunts intérieurs, et 38,26 milliards de francs d'emprunts extérieurs.

(1) Rapport d'information du 27 janvier 1999, page 160.

Votre commission rappelait également que le " hors-bilan " faisait l'objet, jusqu'à présent, d'une grande imprécision , empêchant les citoyens de connaître précisément la situation financière exacte de l'État, en raison de chiffres épars et déterminés de façon incertaine. Or, le gouvernement a annoncé des mesures visant à améliorer la connaissance de la réalité de la situation financière de l'Etat.

Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une réforme de la comptabilité de l'Etat, actuellement en cours, et qui poursuit quatre objectifs :

- essayer de doter l'Etat d'un système comptable plus proche du droit commun ;

- intégrer dans les comptes une information enrichie sous l'angle économique ;

- soutenir une démarche de performance dans la gestion des services publics ;

- assurer un meilleur suivi et une plus grande lisibilité des engagements de l'Etat à moyen et long terme.

Le compte général de l'administration des finances (CGAF) pour 1999 , annexé au projet de loi de règlement de ladite année, comporte des premiers éléments répondant à ces objectifs : il continue de reposer sur une comptabilité de caisse, mais l'enrichit d'éléments patrimoniaux grâce à l'introduction d'éléments exprimés en termes de bilans et de comptes de résultat .

Une première prise en compte du hors-bilan

Le compte général de l'administration des finances pour 1999 comporte, pour la première fois, une annexe qui tente de préciser les engagements à moyen et long terme de l'Etat.

Trois secteurs d'intervention ont été retenus :

- les retraites des fonctionnaires de l'Etat des régimes spéciaux : toutefois, aucune indication chiffrée ne figurera dans l'annexe, seule une méthodologie étant précisée !

- les engagements de l'Etat en matière d'épargne-logement : l'engagement potentiel maximal a été estimé à 50 milliards de francs ;

- les garanties accordées par l'Etat aux entreprises, ainsi que les garanties à l'exportation passant par l'intermédiaire de la COFACE : ces engagements représentent 247 milliards de francs pour les premières et 534 milliards de francs pour les secondes.

Soit un total, hors pensions publiques, de 831 milliards de francs.

Il convient toutefois de préciser que le ministère de l'économie et des finances n'en est qu'à l'étape de la connaissance des engagements et pas de leur mode de comptabilisation.

Il s'agit notamment de :

- la meilleure valorisation des immobilisations non financières et l'introduction, pour la première fois concernant les matériels et les équipements, de dotations aux amortissements : par exemple, les avancées réalisées en 1999 ont permis de valoriser de 500 milliards de francs les immeubles détenus par l'Etat, et recensés au Tableau général permanent des propriétés de l'Etat (TGPE) ;

- l'amélioration de la lisibilité du compte qui retrace les dotations et participations de l'Etat, les comptes consolidés et pas seulement les comptes sociaux des principales entreprises publiques étant pris en considération ;

- la comptabilisation de la dette en droits constatés et non plus en encaissements/décaissements ; ainsi, la totalité des charges de la dette inscrites au budget de l'Etat est retraitée en droits constatés, en vertu du règlement communautaire relatif à la comptabilité européenne - le SEC 95 -, les intérêts courus non échus étant pris en compte ;

- la création d'une provision pour dépréciation des créances fiscales ;

- la présentation, pour la première fois, dans une annexe relative au hors-bilan, d'engagements à moyen et long terme de l'Etat.

Un exemple de " dette cachée " : la dette ferroviaire

Au 31 décembre 1999, l'endettement à long terme de la SNCF s'élevait à 44 milliards de francs et la dette du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD) à 58,7 milliards de francs, soit au total 102,7 milliards de francs.

Par ailleurs, l'endettement de Réseau ferré de France (RFF) s'élève à 170 milliards de francs. La dette brute de RFF a fortement augmenté en 1999, en raison de la mise en place par l'établissement d'un programme de restructuration du profil de sa dette par la constitution d'un portefeuille d'actifs pour 20 milliards de francs.

Au total, l'endettement global du secteur ferroviaire atteint 253 milliards de francs au 31 décembre 1999.

Dette du secteur ferroviaire au 31 décembre 1999

(en milliards de francs)

SNCF

44

RFF

150

SAAD

59

TOTAL

253

Or, RFF ayant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, dont plus de la moitié des recettes est d'origine commerciale, sa dette n'est pas agrégée à la dette des administrations publiques.

Pour le moment, l'Etat se contente de " stabiliser " la dette de RFF autour de 160 milliards de francs, mais il devra bien trouver le moyen de la rembourser.

Une anomalie est également constituée par le service annexe d'amortissement de la dette ferroviaire. Les 59 milliards de francs de dettes qu'il représente ne figurent ni dans les comptes de la SNCF, ni dans les comptes de l'Etat ! Il s'agit, si ce terme a un sens, du " hors-bilan " de la SNCF. Ce " hors-bilan " s'accroît d'ailleurs puisqu'au 1er janvier 1999, 4,1 milliards de francs de dettes au bilan de la SNCF ont été transférés dans ce " hors-bilan ". Chaque année, l'Etat verse une dotation de 4,42 milliards de francs pour résorber cette dette dont on ne sait plus très bien si, juridiquement, elle lui appartient, ou si elle appartient à la SNCF.

Cet engagement apparaît à votre commission bien tardif et limité, des progrès restant à accomplir afin de doter l'Etat d'une véritable comptabilité patrimoniale.

III. L'INFLEXION À LA HAUSSE DES DÉPENSES PUBLIQUES

La politique budgétaire du gouvernement reposerait sur la maîtrise des dépenses publiques permise par la détermination, et le respect, d'une norme de progression des charges de l'Etat. Le rapport économique, social et financier accompagnant le présent projet de loi de finances souligne ainsi l'" évolution maîtrisée de la dépense publique ".

Toutefois, votre commission n'est pas convaincue par cette affirmation , pour au moins deux raisons : d'une part, l'examen attentif des différents postes de dépenses ne peut que susciter son scepticisme quant à la soutenabilité d'un tel objectif, et, d'autre part, les conclusions de sa récente commission d'enquête ont révélé que l'évolution des dépenses faisait l'objet d'une présentation destinée à en démontrer la maîtrise 15 ( * ) .

En fait, le volet dépenses du projet de budget a opéré des choix éminemment politiques pour 2001.

A. LA PROGRESSION DES DÉPENSES EN 2001 : ENTRE AFFICHAGE POLITIQUE ET RÉALITÉ BUDGÉTAIRE

1. L'objectif affiché du gouvernement : une progression relativement modérée des dépenses

Le projet de loi de finances pour 2001 se fixe l'objectif d'une progression des dépenses de l'Etat de 0,3 % en volume , soit de 1,5 % en francs constants, compte tenu d'une prévision d'inflation de 1,2 %.

Cette norme de progression des dépenses apparaît donc relativement modérée, même si la loi de finances initiale pour 2000 était construite sur la stabilité en volume des dépenses. Ce choix se traduira par une hausse de 25 milliards de francs des dépenses nettes du budget général.

Elle s'inscrit dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques 2001-2003 que le gouvernement a notifié à la Commission européenne au début de l'année, et qui repose sur une hypothèse de croissance des dépenses de 1 % en francs constants sur la période.

Il convient toutefois d'insister sur un fait important : le choix de cette norme de progression des dépenses relativement modérée dissimule l'inflexion à la hausse de la politique budgétaire du gouvernement.

En effet, l'Etat, non seulement, continuera de dépenser davantage en 2001, mais ses dépenses augmenteront également au cours des deux années suivantes, de 0,6 % au total, puisqu'une progression globale de 1 % est d'ores et déjà prévue sur la période 2001 à 2003 , alors que, jusqu'à présent, le gouvernement avait alterné stabilisation et légère progression des dépenses.

Enfin, il convient de s'interroger sur la capacité du gouvernement à respecter ses engagements en matière de progression des dépenses , votre commission rappelant qu'ils n'ont pas été tenus dans le passé :

Source : Cour des Comptes

2. La nécessité de dépasser la nomenclature budgétaire

Votre commission considère que la norme de progression des dépenses présentée par le gouvernement manque de sincérité.

En effet, le budget de l'Etat , comme elle l'avait déjà souligné l'année dernière, n'est plus que " la partie d'un tout ", dont la lisibilité souffre de l'absence d'une consolidation des comptes de l'Etat, d'une part, et des comptes de la sécurité sociale, d'autre part.

Dans ces conditions, quelle valeur peut-on accorder à l'affirmation selon laquelle les dépenses sont maîtrisées, alors que les principaux facteurs de leur augmentation ont été " sortis " du budget de l'Etat, faisant l'objet de nombreux fonds destinés à financer des " dépenses sociales " qui, en fait, pourraient très bien être supportées par le budget général ?

Le cas le plus emblématique est sans doute celui du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de financer la réduction du temps de travail.

En décidant de créer un fonds distinct du budget général, le gouvernement a procédé à une débudgétisation massive, extrêmement préjudiciable à la sincérité des comptes publics, mais permettant de dissimuler la progression réelle des dépenses.

Les dépenses du FOREC sont passées de 67 milliards de francs en 2000 à 85 milliards de francs en 2001, desquels il faut retrancher 3,7 milliards de francs au titre de mesures nouvelles prises en charge par ce fonds. A structure constante, le coût des 35 heures a donc crû de 14,3 milliards de francs de 2000 à 2001, ce qui relativise fortement la portée de la norme de progression des dépenses de 0,3 % applicable au seul budget de l'Etat.

B. UNE DYNAMIQUE DES DÉPENSES PEU PROPICE À LEUR DIMINUTION

1. L'évolution des dépenses en 2001

Pour 2001 les dépenses primaires de l'Etat se caractérisent par une nouvelle progression de 20 milliards de francs.

Le montant brut des dépenses du budget général s'élève à 2.090,8 milliards de francs en 2001, dont il convient retrancher les remboursements et dégrèvements d'impôts et les recettes de coupons courus (ou recettes d'ordre) pour en obtenir le montant net :

Toutefois, ce montant de 1.705,3 milliards de francs tient compte de changements de périmètre, portant au total sur 15,48 milliards de francs en 2001.

Par conséquent, à structure constante, et compte tenu d'une hypothèse d'inflation de 1,2 %, les dépenses de l'Etat devraient augmenter de 1,5 % en 2001, passant de 1.664,86 milliards de francs en 2000 à 1.689,83 milliards de francs en 2001 , soit une progression de 25 milliards de francs.

Cette hausse est de 20 milliards de francs hors dette. Dans le rapport économique, social et financier précité, le gouvernement indique en effet que " bien que cette progression globale [des dépenses de l'Etat] soit légèrement supérieure à celle de l'année 2000, les dépenses primaires de l'Etat (dépenses hors dette) progresseront de 20 milliards de francs en 2001, soit légèrement moins vite en 2001 qu'en 2000 (respectivement 0,2 % en volume en 2001 contre 0,3 % en 2000) ".

Dépenses supplémentaires par rapport à l'année précédente

(en milliards de francs)

Après prise en compte du solde des comptes spéciaux du Trésor, qui était de - 3 milliards de francs en 2000 et qui devrait s'établir à - 9,2 milliards de francs en 2001, soit une contribution de 6,2 milliards de francs à la réduction du déficit, les charges budgétaires s'élèveront à 1.680,7 milliards de francs en 2001, contre 1.661,9 milliards de francs en 2000, soit une progression de 1,1 % (après + 0,9 % en 2000).

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, à structure constante, des dépenses entre 2000 et 2001 :

Il faut relever de nouvelles modifications substantielles du périmètre du budget général.

Le projet de loi de finances pour 2001 modifie le périmètre du budget de l'Etat de façon importante, le majorant de 15,48 milliards de francs. Au contraire, la loi de finances pour 2000 avait réduit le budget général de 24,9 milliards de francs.

Le tableau suivant présente les modifications prévues pour 2001 :

Ces modifications résultent de plusieurs opérations de nature différente :

- suite à la suppression de divers fonds de concours (droits de chancellerie, service du recouvrement de la redevance audiovisuelle, collecte de l'épargne...), les dépenses du budget général se trouvent majorées de 1,9 milliard de francs ;

- la suppression du compte d'affectation spéciale n° 902-26 " Fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables " (FITTVN) accroît le budget de l'Etat de 1,6 milliard de francs ;

- la diminution de 35 % de la taxe parafiscale finançant les centres techniques de la mécanique aboutit à faire supporter par le budget général 169,5 millions de francs supplémentaires ;

- le budget de l'Etat est amené à assurer la compensation aux collectivités territoriales concernées d'un montant de 18,6 milliards de francs, suite à la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, pour 6,1 milliards de francs, et de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur (vignette) due par les personnes physiques pour leur voiture particulière, soit 12,5 milliards de francs ;

- un mouvement inverse portant sur un montant total de 6,8 milliards de francs réduit le budget général, se décomposant ainsi : 7,9 milliards de francs " sortent " du budget de l'Etat en raison du transfert au FOREC des crédits jusqu'alors alloués au dispositif " de Robien " et du remplacement de la subvention du budget de l'emploi au FOREC par des recettes affectées, tandis que 1,1 milliard de francs y sont inscrits pour la première fois au titre de la prise en charge de la subvention au Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille (FASTIF).

2. Les véritables priorités budgétaires : des créations massives d'emplois publics

a) Les dépenses de fonction publique : 42,2 % du budget général

Votre commission considère que, par-delà les déclarations, les véritables priorités d'un gouvernement se révèlent à la lecture des chiffres figurant au budget général.

Le tableau ci-après montre que les dépenses de personnel proprement-dites de l'Etat s'établissent à 675 milliards de francs en 2000 mais à plus de 684 milliards de francs en 2001 . Cette évolution de 1,4 % engendre donc des dépenses supplémentaires de près de 10 milliards de francs. Il convient de relever la dynamique de la progression des rémunérations d'activité, 2,4 % et 2,8 % pour les seuls services civils, et, surtout, celle des pensions, soit + 2,9 %, et + 3,4 % pour les pensionnés des services civils.

Or, il faut rappeler que les dépenses de fonction publique s'accroissent de façon largement automatique , en raison du mécanisme du glissement-vieillesse-technicité (GVT). Ainsi, l'essentiel de la progression des dépenses de l'Etat résulte des dépenses de fonction publique, comme le montre le tableau ci-après, qui provient du rapport économique, social et financier précité :

Ainsi, de 1997 à 2001, les dépenses de la fonction publique, qui ont augmenté de 11,5 % depuis le début de la législature, ont représenté plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix premiers postes du budget général, soit 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs. Elles représentent 42,2 % du budget de l'Etat.

La progression des dépenses du budget général depuis 1997 résulte essentiellement des dépenses de la fonction publique

Les premières informations relatives à l'exécution de la loi de finances initiale de 2000 laissent présager une accentuation de cette tendance. Au 31 août 2000, les rémunérations, pensions et charges sociales s'établissaient à 390,1 milliards de francs, contre 378,4 milliards de francs à la même date de 1999, et à 365,1 milliards de francs en 1998. En un an, ces dépenses ont augmenté de 3,1 %.

Le coût croissant de la rémunération des fonctionnaires

L'accord salarial du 10 février 1998, qui a eu son plein effet en 2000, s'est révélé extrêmement coûteux.

L'année dernière, l'ensemble des mesures adoptées a entraîné un coût annuel total de 23,3 milliards de francs, après 5,3 milliards de francs en 1998, et 14,8 milliards de francs en 1999. Du reste, au cours de ses trois années d'application, le coût de l'accord salarial de 1998 s'est établi à 41,3 milliards de francs dans l'ensemble des trois fonctions publiques.

Or, il convient de rappeler que le ministre a annoncé l'ouverture prochaine de négociations salariales dans la fonction publique, avec pour objectif de parvenir à un accord avant la fin de l'année. Le gouvernement, à cette occasion, risque de se retrouver face à ses propres contradictions, ayant indiqué qu'il ne voulait pas faire de 2000 " une année blanche ", c'est-à-dire sans hausse du pouvoir d'achat, mais étant aussi tenté de privilégier la modération salariale dans le cadre de la réduction du temps de travail dans la fonction publique.

La part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité du budget de l'Etat. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes notait que " la part des dépenses de personnel et des dépenses obligatoires dans le budget de l'Etat n'a cessé d'augmenter au cours des derniers exercices. La rigidité du budget s'en trouve accentuée et les efforts de réduction des dépenses seront à l'avenir plus difficiles ". Elle renouvelle cette observation dans son rapport 1999, notamment à l'occasion de la monographie qu'elle consacre au budget de l'enseignement scolaire de 1990 à 1999.

La Cour des comptes note, par ailleurs, la forte concentration de ces dépenses. Cinq ministères 16 ( * ) représentent 89,9 % (89,4 % en 1998) de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par l'Etat en 1999. A eux seuls, le budget de l'enseignement scolaire et celui de l'enseignement supérieur regroupent plus de 50 % des dépenses salariales du budget général, et 64,7 % de celles des ministères civils.

b) La fin du dogme du " gel " de l'emploi public

Le gouvernement avait, depuis 1997, affiché un gel de l'emploi public. Sa position officielle consistait à stabiliser le nombre de fonctionnaires, tout en procédant à des redéploiements d'effectifs en direction des secteurs prioritaires comme la justice ou la sécurité 17 ( * ) .

A la différence des années antérieures - stabilisation des effectifs en 1999, création de 247 emplois en 2000 -, le présent projet de loi de finances renoue avec des créations massives d'emplois publics telles qu'il n'y en avait plus eu depuis le début des années 1990, et prévoit la création de 11.337 emplois nouveaux , dont 10.112 au sein des services et 1.225 dans les établissements publics. Il convient bien de préciser qu'il s'agit de créations nettes d'emplois, intervenant en dehors du remplacement des 60.000 fonctionnaires qui partiront à la retraite en 2001.

Le tableau ci-après récapitule ces créations d'emplois par section budgétaire :

Votre commission désapprouve vivement cette orientation, pour au moins trois raisons :

1) La création de nouveaux emplois de fonctionnaires n'est motivée par aucun argument objectif.

Le gouvernement a une attitude contradictoire. Il a, au cours des dernières années, fait le choix politique d'un maintien du niveau des effectifs de la fonction publique, tout en précisant que l'apparition de gains de productivité dans l'administration permettait de réaliser des redéploiements. Or, il décide désormais de procéder à de nouveaux recrutements, rendus nécessaires par une politique axée sur la qualité du service public, alors que c'est précisément la plus grande efficacité de cette dernière qui permet de dégager des gains de productivité, lesquels devraient être mis à profit pour réduire le nombre de fonctionnaires !

En outre, l'essentiel des créations d'emplois en 2001 - 6.601 sur 10.112, soit près des deux tiers - concerne le ministère de l'éducation nationale, alors que le nombre des élèves comme celui des étudiants ne cesse de diminuer.

2) La répartition de ces emplois ne paraît guère réaliste

En effet, quelle signification faut-il donner, par exemple, à la création de 2 emplois au ministère de la culture et à la suppression de 2 autres emplois au ministère des finances, alors que, d'une part, le gouvernement envisageait initialement de supprimer 3.000 emplois en trois ans dans ce dernier, et que, d'autre part, les travaux de la Cour des comptes ont montré que l'Etat méconnaissait le nombre de ses fonctionnaires, en tout cas à l'unité près 18 ( * ) ?

Un redéploiement d'effectifs suggéré par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale

Le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, a établi, dans le cadre des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), un rapport consacré au recouvrement de l'impôt 19 ( * ) .

Or, dans ce rapport, il centre son propos sur la redevance audiovisuelle, qualifiée d'" exemple d'impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer ". Il indique en effet, s'appuyant sur des travaux de l'Inspection générale des finances, que le coût global de ce service s'élève en 1998 à 896,28 millions de francs.

Votre commission n'entend pas se prononcer sur les appréciations portées par l'Assemblée nationale, mais observe simplement que le rapport précité propose de supprimer la redevance d'ici 2002. Or, le service de la redevance dispose de 1.433 emplois budgétaires. La suppression de cet impôt occasionnerait donc nécessairement un redéploiement d'effectifs, ou, selon les termes de M. Didier Migaud, " une reconversion au sein du réseau de la comptabilité publique ".

Votre commission constate donc que les redéploiements d'effectifs sont possibles au sein de l'administration de l'Etat, des exemples de services sur lesquels il est souhaitable de réaliser des économies pouvant même être très précisément cités.

3) La création de plus de 11.000 emplois nouveaux va alourdir le poids des dépenses de fonction publique, et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du budget de l'Etat.

Fonctionnaires et agents publics

Au-delà des 2,18 millions d'agents civils de l'Etat et de ses établissements publics, il convient en effet de comptabiliser dans l'emploi public :

- plus de 440.000 agents des exploitants publics de la Poste et de France-Telecom ;

- les 300.000 militaires (hors appelés du contingent) ;

- les 1,48 million d'agents de la fonction publique territoriale ;

- les 849.000 agents de la fonction publique hospitalière (hors médecins) ;

- ainsi que 147.000 enseignants des établissements privés sous contrat, et 125.000 salariés des établissements de santé privés à but non lucratif tarifés en dotation globale.

Au total, on recense donc plus de 5,5 millions d'agents publics 20 ( * ) pour une population active de 22,4 millions, soit plus d'un actif sur cinq .

C'est la totalité de cette population qui est concernée par la négociation salariale dans la fonction publique, même si seule une partie de ses effets apparaît dans le budget de l'Etat.

En outre, le présent projet de loi de finances, au titre de la première année d'application de l'accord de résorption de la précarité dans la fonction publique de juillet 2000, prévoit l'inscription de 4.020 supports budgétaires réservés aux titularisations, dont 3.000 à l'éducation nationale, en raison de l'importance du nombre de maîtres auxiliaires. Il comporte par ailleurs la consolidation de 5.463 emplois en surnombre " liés à l'effet différé des réussites aux concours d'enseignants ". Il ne s'agit pas de créations nettes d'emplois puisque ces agents travaillaient déjà dans l'administration, mais ils étaient rémunérés sur des crédits de fonctionnement et non sur des emplois budgétaires.

Au total, ce seront donc 20.820 emplois budgétaires supplémentaires qui sont créés par le projet de loi de finances pour 2001.

c) L'inquiétante évolution des pensions

Votre commission attire régulièrement l'attention sur l'explosion programmée du coût des pensions de la fonction publique, mais n'est guère entendue par le gouvernement qui a choisi l'attentisme sur ce dossier. Or, les échéances approchent.

Le rapport économique, social et financier précité comporte des développements extrêmement intéressants sur ce point. Il indique que " le caractère budgétaire du régime des pensions des fonctionnaires ne permet pas d'appréhender directement les équilibres de son financement ", les charges étant retracées sur divers chapitres des différentes sections du budget de l'Etat. Dès lors, " les évolutions tendancielles sont masquées, notamment les conditions de partage de l'effort contributif entre l'Etat et ses agents, et les comparaisons et rapprochements avec les autres régimes de retraite ".

Ce rapport présente un compte simplifié du régime vieillesse des fonctionnaires de l'Etat, c'est-à-dire ce que serait l'équilibre emplois-ressources du régime des fonctionnaires de l'Etat si ce dernier existait en tant que tel.

De 1998 à 2001, la charge budgétaire des pensions de la fonction publique s'est accrue de près de 20,8 milliards de francs, soit une progression de 12 % en quatre ans. Or, l'Etat supporte l'essentiel de ce coût : 71,5 % en 2001. Sur cette même période, les cotisations salariales n'augmentent que de 4,5 %, tandis que le contribution de l'Etat hors compensation progresse de 15,3 %. Le " papy boom " dans la fonction publique aura, si rien n'est fait, des conséquences dramatiques sur le budget de l'Etat.

3. La progression des charges de la dette

La charge budgétaire de la dette connaît un évolution beaucoup plus défavorable qu'en 2000, puisqu'elle s'alourdit en raison de la remontée des taux d'intérêt (" effet-prix ").

La charge nette de la dette s'élève à 239,68 milliards de francs, en progression de 2,1 %, après une diminution de 1,07 % en 2000. La baisse constatée sur ce poste de dépenses en 2000, qui résultait d'éléments exogènes totalement indépendants de la politique gouvernementale, ne constitue qu'une exception au sein d'une tendance de hausse continue du poids de la charge de la dette de l'Etat. Celle-ci, à la différence des autres collectivités publiques, augmente toujours (" effet-volume "), que ce soit en valeur relative par rapport au PIB ou en valeur absolue.

Cette orientation, si elle se confirmait, serait extrêmement préoccupante pour nos finances publiques, car elle signifierait que, une fois encore, le budget de l'Etat verrait ses faibles marges de manoeuvre réduites par des dépenses stériles progressant de façon quasiment automatique.

Evolution de la dette publique nette depuis 1997 (à structure constante)

(en milliards de francs)

4. Le fonctionnement au détriment de l'investissement

Depuis 1990, la structure des dépenses du budget général n'a cessé de se détériorer , la part des dépenses de fonctionnement s'accroissant sans cesse, tandis que celle des dépenses d'investissement diminuait de façon quasi-symétrique :

Or, le projet de loi de finances pour 2001 accentue ce phénomène.

Le tableau ci-après illustre le choix du gouvernement de privilégier, une fois encore, les dépenses de fonctionnement plutôt que celles d'investissement. Ainsi, si les dépenses progresseront, en francs courants, de 1,5 % en 2001, les budgets civils connaîtront une hausse plus importante, de 1,55 %, tandis que les crédits militaires n'augmenteront que de 0,78 %.

Au sein même des budgets civils, il convient de constater, pour le déplorer, que, une fois encore, les crédits des titres V et VI connaîtront une baisse sensible de 3,58 %, tandis que tous les autres postes de dépenses progresseront plus rapidement que la moyenne.

Évolution des différents postes de dépenses du budget général

5. De lourdes incertitudes demeurent pour l'avenir

a) L'avenir des emplois-jeunes : la pérennisation dans la fonction publique ?

Le devenir des centaines de milliers de jeunes recrutés dans le cadre du dispositif des emplois-jeunes ne laisse pas d'inquiéter votre commission. A la fin du mois d'août dernier, 263.800 jeunes avaient bénéficié de ce programme, ainsi répartis :

Le gouvernement attend le recrutement de 280.000 jeunes d'ici la fin de l'année 2000, et affiche le respect de son engagement initial de porter à 350.000 le nombre de jeunes embauchés dans le cadre de ce dispositif à la fin de l'année 2001. Le coût complet du dispositif est relativement difficile à établir, en raison de l'opacité des documents budgétaires, plusieurs sections du budget général, et parfois plusieurs chapitres au sein de la même section, en supportant les crédits.

Le tableau ci-dessous récapitule l'ensemble des sections budgétaires qui supportent le coût des emplois-jeunes en 2001 :

Le coût budgétaire des emplois-jeunes en 2001

(en millions de francs)

Emploi

22.009

Éducation nationale

1.265

Intérieur

426

Justice

45

Outre-mer

829

Total

24.574

Le coût total des emplois jeunes en 2001 s'élève donc à 24,57 milliards de francs. Mais le coût budgétaire annuel du dispositif, si l'objectif affiché de 350.000 emplois-jeunes est atteint, devrait s'établir à environ 37 milliards de francs. Encore ne s'agit-il là que du coût supporté par le budget général. Il conviendrait d'y ajouter les diverses sources de cofinancements.

Par ailleurs, l'avenir de la grande majorité des jeunes embauchés dans le cadre de ce dispositif est très incertain. Il y a effectivement un véritable risque de voir ces emplois pérennisés au sein de la fonction publique, et leurs bénéficiaires être titularisés en son sein.

b) Les 35 heures dans la fonction publique

Suite à l'échec, en mars dernier, des négociations visant à l'élaboration d'un accord-cadre sur la réduction du temps de travail dans l'ensemble de la fonction publique, le gouvernement a renvoyé les négociations au niveau ministériel, et a publié un décret relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat 21 ( * ) , précisant que, à partir du 1 er janvier 2002, la durée hebdomadaire dans la fonction publique de l'Etat sera de 35 heures. Or, à ce jour, le coût de la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat reste totalement inconnu.

IV. LA RÉFORME IMPOSSIBLE DES PRÉLÈVEMENTS FISCAUX

Aujourd'hui, le gouvernement annonce triomphalement un plan de réductions d'impôts de 120 milliards de francs sur la période 2001-2003, en prédisant " des gains de revenu de grande ampleur pour les ménages comme pour les entreprises ". Or, malgré cette annonce, l'opinion publique n'y croit pas.

Elle n'y croit pas, parce que depuis son arrivée au pouvoir en juin 1997, le gouvernement n'a cessé de créer de nouveaux prélèvements (contributions sur les bénéfices des sociétés, taxe générale sur les activités polluantes...) et n'en a réduit significativement aucun. De fait, lorsque le gouvernement indique que " ces allégements fiscaux permettent de contrecarrer l'augmentation spontanée de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale ", il feint d'oublier qu'il lui appartient déjà depuis trois ans de déterminer la politique fiscale de notre pays, et de diminuer les prélèvements pesant trop lourdement sur les Français.

Elle n'y croit pas, parce que la France a bénéficié, ces trois dernières années, d'une croissance exceptionnelle, et que le gouvernement n'en a tiré aucun profit pour engager une réforme structurelle de notre système fiscal . Alors que les incertitudes de la conjoncture internationale, les risques inflationnistes et la montée des taux d'intérêt suscitent maintenant quelques inquiétudes, alors que la croissance économique devrait être un peu moins forte l'an prochain, le gouvernement annonce qu'il va engager une importante réduction des impôts dans ce contexte plus incertain.

Enfin, elle n'y croit pas, parce que le gouvernement n'a pris aucune mesure pour contenir la dépense publique et réduire l'endettement . La hausse des prélèvements obligatoires ces trois dernières années a servi à financer les dépenses courantes et non à réduire le déficit. La montée en charge de dispositifs coûteux (les trente-cinq heures, les emplois-jeunes), l'augmentation de l'emploi public, vont créer de nouvelles charges que les contribuables seront bien contraints d'assumer pour l'année à venir et les années suivantes.

En conséquence de cette appréciation, votre rapporteur général ne pourra qu'afficher son scepticisme sur les engagements contenus dans le présent projet de loi de finances.

A. DES RECETTES TOUJOURS DYNAMIQUES EN 2000 MAIS DES INCERTITUDES POUR L'AVENIR

1. La contribution des recettes aux exercices budgétaires 1999 et 2000

a) D'importants surplus fiscaux en 1999

En 1999, la hausse des recettes a fortement contribué à l'exécution budgétaire. Les recettes du budget général ont augmenté de 6,4 % en 1999 contre 2,6 % en 1998. Les recettes nettes hors fonds de concours ont été supérieures de 110,8 milliards de francs à celles de l'année précédente, soit 8,2 %. L'augmentation du produit fiscal net a été beaucoup plus soutenue en 1999 (7,8 %) qu'en 1998 (2,5 %).

Sous le titre " une loi de finances manifestement insincère ", votre rapporteur général avait rappelé, lors de l'examen du collectif budgétaire pour 2000, que la commission des finances du Sénat avait estimé que les évaluations de recettes fiscales associées au projet de loi de finances pour 2000 n'étaient pas sincères, car elles reposaient sur une révision des recettes de 1999 très inférieure à la réalité.

Le caractère volontaire de cette sous-évaluation a été confirmé par les conclusions des travaux de notre commission des finances, qui s'était constituée, pour l'occasion, en commission d'enquête .

La dissimulation de l'excédent de recettes en 1999 ou le " mensonge budgétaire "

Soumis aux aléas de la conjoncture, les encaissements de recettes font l'objet d'un suivi attentif et constant.

Des réunions de suivi des encaissements sont organisées mensuellement par la direction du budget avec les autres directions du ministère et deux réunions d'arbitrage politique ont lieu chaque année aux mois de février et juillet. Par ailleurs, le ministre est destinataire, chaque semaine, chaque mois et chaque trimestre, des notes et analyses de la direction du budget qui lui permettent, presque en temps réel, de connaître la situation d'exécution du budget. Le suivi de l'année 1999 montre que, dès les arbitrages de juillet, le gouvernement avait connaissance des très bonnes rentrées fiscales, mais qu'il a choisi, fin août, de ne pas les révéler.

Le suivi des recettes fiscales s'est déroulé conformément à la procédure habituelle pendant toute l'année 1999.

En début d'année, les services du ministère des finances font l'hypothèse d'une très légère moins-value des recettes fiscales, de 4 milliards de francs. Cependant, les réalisations du premier semestre ne traduisent pas de moins-values. Dès le 6 juillet 1999, lors de la réunion d'arbitrage des recettes fiscales, le surplus de recettes fiscales nettes en fin d'année est chiffré à 20,2 milliards de francs. Mi-juillet, le ministre est donc informé par ses services des plus-values substantielles portant sur l'impôt sur les sociétés, comme sur l'impôt sur le revenu.

Le gouvernement a choisi délibérément en 1999 de ne pas révéler les plus-values.

L'évaluation retenue par le gouvernement le 2 septembre, soit + 11 milliards de francs, est revue à la baisse, à 6 milliards de francs, dans la révision associée au projet de loi de finances pour 2000. Dans le même temps, les tableaux de suivi budgétaire comme les notes de la direction du budget montrent, au cours du dernier trimestre 1999, que les plus-values de recettes s'amplifient. Dans la note pour le ministre du directeur du budget du 26 octobre 1999, le surplus de recettes fiscales nettes est une nouvelle fois revu à la hausse pour s'établir à 23,5 milliards de francs, soit " 17,5 milliards de francs par rapport à l'estimation affichée dans les " voies et moyens " du PLF 2000 ". La dernière note trimestrielle de la direction du budget, du 14 décembre 1999, estime le surplus total à 29,9 milliards de francs.

Au total, l'écart aura été constant entre les informations détenues par le ministre et ses déclarations officielles.

b) La nouvelle révision à la hausse des recettes pour 2000 confirme " la bonne tenue des recettes "

En 2000, les recettes devraient progresser encore très fortement.

En effet, le projet de loi de finances pour 2001 s'appuie d'abord sur des recettes révisées pour 2000. Celles-ci ont été une première fois réévaluées par la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000, et elles sont une nouvelle fois revues à la hausse.

En juillet dernier, les chiffres donnés dans la loi de finances rectificative pour 2000 paraissaient à votre rapporteur général relever d'une transparence contrainte et inachevée . En effet, par un heureux hasard, la réévaluation de recettes inscrite dans le projet de loi de finances rectificative correspondait exactement au chiffrage du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, soit 51,4 milliards de francs.

Loin d'avancer des chiffres aussi précis, votre rapporteur général avait estimé que, compte tenu des effets de reports et de la croissance attendue, il s'agissait d'une révision a minima . De fait, il note que les réévaluations de recettes fiscales pour 2000 sont très élevées, près de 40 milliards de francs de plus que les estimations de la loi de finances rectificative . Les évaluations du gouvernement et de la commission des finances de l'Assemblée nationale se sont révélées une nouvelle fois très éloignées de la réalité. Ces fortes réévaluations traduisent les très bons résultats enregistrés dans les situations budgétaires mensuelles.

Les plus fortes réévaluations portent sur la TVA (+ 20 milliards de francs), l'impôt sur les sociétés (+ 12 milliards de francs) et l'impôt sur le revenu (+ 7,6 milliards de francs).

Les révisions de recettes pour 2000 associées au PLF 2001

(en milliards de francs)

1999

LFI 2000

LFR 2000

révisé 2000 22 ( * )

écart à la LFR

1999/2000

Recettes fiscales nettes

1565,6

1551,2

1546,4

1585,2

38,8

1,2 %

IR

333,6

337,8

338,7

346,3

7,6

3,8 %

IS

229,7

229,3

243,7

255,7

12

11,3 %

TIPP

161,7

167,1

167,1

166,4

-0,7

2,9 %

TVA

671,1

681,2

672,1

691,9

19,8

3,1 %

autres

169,5

143,2

124,8

124,9

0,1

-26,3 %

Recettes non fiscales*

168,4

183,3

198,5

180,3

-18,22

19,1%

Prélèvements sur recettes

-267,7

-288

-288,3

-284

4,3

6,1%

Recettes nettes du budget général**

1466,4

1446,5

1456,6

1481,4

24,8

2,2%

* Hors recettes d'ordre

** Hors fonds de concours

Ces réévaluations démontrent surtout, s'il en était encore besoin, combien la loi de finances pour 2000 votée l'an dernier était fondée sur des chiffres irréalistes : les recettes fiscales étaient minorées au minimum de 90 milliards de francs, soit près de 6 % de leur montant.

Votre rapporteur général constate ainsi que, en apparence, les recettes du budget général auront progressé modérément en 2000 (+2,2 %), mais il faudrait tenir compte des importants transferts à la sécurité sociale (plus de 40 milliards de francs). Une fois ceux-ci pris en considération, et alors que le gouvernement a annoncé pour 80 milliards de francs de baisses d'impôts en 2000, les recettes auront tout de même progressé de 3,6 %.

La révision pour 2000 associée au projet de loi de finances pour 2001 ne permet évidemment pas d'exclure de nouveaux excédents en fin d'année, compte tenu de la bonne tenue de l'exécution budgétaire, dont témoignent les chiffres au 30 septembre 2000.

c) L'exécution budgétaire au 30 septembre 2000

(en milliards de francs)

Niveau à la fin septembre

Variation

1999

LFR 2000

1999

2000

LFR 2000/1999

09.2000/
09.1999

Recettes fiscales

1.565,6

1.546,4

1.193,5

1.238,9

- 1,2 %

3,8 %

Impôt sur le revenu

333,6

338,7

285,2

304,4

1,5 %

6,7 %

Impôt sur les sociétés-net*

229,7

243,7

159,2

186,2

6,1 %

17 %

Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)

161,7

167,1

121,3

122,9

3,3 %

1,3 %

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)-nette*

671,1

672,1

504,3

514,3

0,1 %

2 %

Autres recettes fiscales-nettes*

169,5

124,8

123,5

111,1

- 26,4 %

- 10 %

Recettes fiscales (hors FSC et recettes d'ordre relatives à la dette)

151,4

198,5

111,7

120,9

31,1 %

8,2 %

Prélèvements sur recettes**

- 267,7

- 288,3

- 198,5

- 210,7

7,7 %

6,1 %

Recettes du budget général (hors fonds de concours)

1.449,3

1.456,6

1.106,7

1.149,1

0,5 %

3,8 %

Fonds de concours

45,2

-

30,5

25,7

-

- 15,7 %

Recettes du budget général (y compris fonds de concours)

1.494,5

-

1.137,2

1.174,8

-

3,3 %

Valeur en milliards d'euros (1 euro = 6,55957 francs)

227,8

-

173,4

179,1

-

3,3 %

* Recettes nettes des remboursements et dégrèvements

** Prélèvements au profit des collectivités territoriales et des communautés européennes

La situation mensuelle budgétaire de septembre témoigne du dynamisme des recettes fiscales. Dans ces conditions, il est légitime de s'interroger sur l'exécution des recettes en fin d'année.

Quel sera le niveau des recettes en fin d'année 2000 ?

La situation budgétaire mensuelle de septembre montre que les recettes fiscales nettes progressent de 3,8 % par rapport à l'an dernier, dont 6,7 % pour l'impôt sur le revenu, 17 % pour l'impôt sur les sociétés et 2 % pour la TVA.

Ces chiffres témoignent d'un très grand dynamisme de l'impôt et paraissent, à première vue, en contradiction avec les chiffres d'exécution annoncés pour la fin de l'année.

En effet, avec une simple règle de trois, sachant que les recettes fiscales nettes fin septembre 2000 s'élèvent à 1.239 milliards de francs, si tout se passait comme l'an dernier, l'exécution se monterait à 1.625 milliards de francs fin 2000, soit 80 milliards de francs de mieux que les chiffres avancés par la loi de finances rectificative pour 2000 (1.546 milliards de francs).

Or, les évaluations révisées du gouvernement établissent une estimation de 40 milliards de francs de surplus en fin d'année par rapport aux estimations de la loi de finances rectificative.

Cette faible réévaluation peut s'expliquer par trois facteurs :

1) Les incertitudes sur la croissance : celle-ci semble montrer quelques signes de faiblesse, d'après les derniers indicateurs de l'INSEE. Si cet affaiblissement devait se confirmer, il pourrait avoir un impact sur les recettes en fin d'année (sur la TVA notamment, qui pour l'instant reste dynamique malgré la baisse d'un point décidée en juillet) ;

2) Surtout, contrairement à l'année dernière qui avait connu très peu de réformes, des mesures fiscales vont prendre effet au second semestre de l'année, dont les mesures relatives à l'impôt sur le revenu, au droit de bail et la fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, l'examen des versements de septembre pour l'IR et de septembre et décembre pour l'IS seront déterminants.

3) Enfin, certaines dispositions, comme la suppression de la vignette et la baisse de la TIPP sur le fioul domestique, auront un impact sur les recettes en 2000.

En définitive, votre rapporteur général estime que l'année 2000 restera une très bonne année pour les recettes fiscales, malgré les mesures annoncées par le gouvernement.

Il souhaite que tout report de recettes fiscales ou non fiscales sur l'exercice 2001, pour lequel le gouvernement a manifestement des inquiétudes, se fasse dans la plus grande transparence à l'égard du Parlement.

Votre rapporteur général ne souhaite pas faire de procès d'intention au gouvernement mais réaffirme la volonté du Parlement d'être informé, en temps réel, de l'exacte situation du budget afin que ne persistent pas les mauvaises habitudes, à savoir un discours officiel sur l'exécution du budget pour l'opinion publique et le Parlement et une réalité officieuse.

Au-delà de l'utilisation qui peut être faite des situations budgétaires mensuelles et hebdomadaires, votre rapporteur général relève, à l'expérience des exécutions budgétaires passées, que le gouvernement dispose de moyens afin de " lisser " l'exécution budgétaire en fonction de la présentation qu'il veut faire du budget, au mépris de l'information du Parlement. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat a relevé de nombreuses irrégularités ayant pour objet, en 1998 comme en 1999, de masquer la réalité budgétaire et notamment l'accroissement du produit fiscal. Il ose espérer que ce type d'opérations ne sera pas utilisé une nouvelle fois pour masquer la réalité budgétaire.

Les enseignements de la commission d'enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat : de nombreuses opérations comptables et budgétaires ont affecté l'exécution en recettes des années 1998 et 1999.

La note pour le ministre du directeur de la prévision associée aux budgets économiques d'hiver 1999 (note du 22 février 1999) fait clairement référence à d'importants reports de recettes fin 1998 tout en annonçant par avance l'impossibilité de poursuivre les reports de 1999 sur 2000 :

" Le respect du déficit budgétaire affiché pour 1999 pourrait donc nécessiter de mobiliser les marges de manoeuvre ménagées par la fin de l'exécution 1998. Si ce pronostic se révélait exact, il s'ensuivrait qu'aucun report de recettes analogue à celui de décembre dernier ne serait disponible pour faciliter la poursuite du processus de l'assainissement budgétaire en 2000. " Un peu plus loin, la note envisage le cas où " l'exécution budgétaire 1999 devrait mobiliser le report de recettes de 1998 ".

Ainsi, le gouvernement, fin 1998, tirant parti des très bonnes rentrées fiscales, a-t-il choisi d'en reporter une part significative sur l'exercice 1999 pour deux raisons principales : afficher une stabilité des prélèvements obligatoires en 1998 et dégager une " marge de manoeuvre " pour l'exercice 1999 pour lequel quelques inquiétudes naissaient. Toutefois, dès le mois d'août 1999, les abondantes rentrées fiscales ont remplacé la " marge de manoeuvre " en un véritable surplus qui s'est révélé " encombrant ".

Les reports de recettes fiscales fin 1998 ont été rendus possibles par des modifications comptables qui ont altéré la signification des résultats en recettes fiscales de l'année 1998, mais aussi des années ultérieures .

(1) Concernant la TVA , le 9 mars 1999, la direction de la prévision cite deux facteurs d'évolution contraires : " d'une part, une révision à la baisse de la croissance des emplois taxables en 1999 d'un point en valeur et, d'autre part une minoration de la TVA nette 1998 de près de 8 milliards de francs (engendrée par des reports de recettes de 1997 à 1998, une accélération du rythme des remboursements fin 1998, une modification exceptionnelle des règles comptables sur les produits pétroliers 1998) autorisant une majoration de près de 7 milliards de francs de la TVA en 1999 ".

Des mesures qualifiées d'exceptionnelles (modification des règles comptables sur les produits pétroliers, accélération des remboursements) ont été prises par le gouvernement.

(2) Concernant la TIPP , la note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 indique : " la moins-value dégagée sur décembre 1998 (-3,2 milliards de francs) par rapport à l'arbitrage de juillet, provient d'une modification de la comptabilisation de la TIPP. Ainsi, pour 1998, la dernière décade de décembre est comptabilisée sur janvier de l'année suivante ".

(3) Concernant les autres impôts indirects , la note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 indique que la baisse des droits sur les tabacs (- 4,2 milliards de francs) " est imputable à un nouveau mode de comptabilisation des droits qui se traduit par un report de recettes de 1998 sur 1999 à hauteur de 4,5 milliards de francs ".

Pour la TIPP comme pour les droits sur les tabacs, la direction de la prévision " fait l'hypothèse d'une nouvelle modification en fin d'année du mode de comptabilisation des droits " engendrant une augmentation des recettes de 3,1 milliards de francs environ pour la TIPP et 4,5 milliards de francs pour les droits sur les tabacs.

2. Les recettes dans le projet de loi de finances pour 2001

a) Une hypothèse de croissance " soutenue " des recettes fiscales...

Les recettes fiscales nettes avant modifications de périmètre et avant impact des allégements d'impôts sont évaluées par le gouvernement à 1.671,4 milliards de francs, soit une progression tendancielle de 5,4 % par rapport aux estimations révisées pour 2000.

Hors prise en compte des mesures fiscales, l'impôt sur le revenu progresserait spontanément de 5,6 % pour atteindre 360 milliards de francs, le produit de l'impôt sur les sociétés augmenterait fortement en raison de la croissance de 16 % des bénéfices des sociétés et la TVA progresserait de 5,2 %.

Par rapport à la progression constatée en 1998 ( + 2,5 %) et en 1999 ( + 7,8 %) pour les recettes fiscales nettes, le chiffre retenu pour 2001 semble relativement optimiste.

De fait, même avec les allégements d'impôts, le gouvernement annonce que les recettes seront "soutenues ".

Les recettes totales du budget général pour 2001 s'établiraient tendanciellement à 1.551,3 milliards de francs, soit 70 milliards de francs de plus que l'évaluation révisée pour 2000. Cette évolution résulterait des éléments suivants :

- des allégements d'impôts à hauteur de 46,7 milliards de francs pour 2001, dont 35,9 milliards de francs pesant directement sur les recettes de l'Etat ;

- un mouvement de rebudgétisation de 4,5 milliards de francs de recettes fiscales (les taxes anciennement affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables) et de 2 milliards de francs de recettes non fiscales ;

- des transferts de ressources à la sécurité sociale pour 11,1 milliards de francs.

b) ... mais le gouvernement constitue déjà des réserves de recettes non fiscales

De fortes incertitudes pèsent sur l'hypothèse de croissance retenue par le gouvernement pour 2001 (3,3 %) en raison des aléas de la conjoncture internationale. Evidemment, tout essoufflement de la croissance aurait un impact direct sur les rentrées fiscales en 2001.

Pour compenser la très forte hausse des recettes fiscales en 2000, le gouvernement a donc revu très fortement à la baisse les recettes non fiscales pour 2000 (- 18 milliards de francs), soit en chiffre révisé pour 2000, 180 milliards de francs. Ce mouvement marque un retour en arrière après la réévaluation de la loi de finances rectificative et traduit le choix de mettre en réserve des recettes pour l'exercice 2001, dont l'exécution s'annonce donc plus incertaine . Le gouvernement indique d'ailleurs, dans le document budgétaire associé au projet de loi de finances pour 2001, sa proposition de " reporter sur 2001 l'encaissement de 15 milliards de francs de recettes non fiscales ".

Hors recettes d'ordre, le produit des recettes non fiscales attendu en 2000 était évalué à 183,3 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000. Ce montant a été porté à 198,5 milliards de francs en loi de finances rectificative par intégration du potentiel de 15 milliards de francs de prélèvements votés en 1999 mais non effectués (fonds d'épargne et COFACE) et du report sur le début 2000 du versement de 5 milliards de francs de la CADES attendu fin 1999. Le projet de loi de finances pour 2001 intègre un report de 15 milliards de francs de recettes non fiscales dont 8 milliards de francs au titre des fonds d'épargne et 7 milliards de francs au titre de la COFACE.

Evolution des recettes non fiscales pour 2000 et 2001

(en millions de francs)

Révisé 2000

PLF 2001

Produit des entreprises publiques

21.816

20.087

Revenus du domaine, taxes et redevances

46.023

47.150

Intérêts

4.940

6.386

Retenues et cotisations au profit de l'Etat

59.161

59.605

Prélèvements sur les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations

15.000

20.000

Reversements de la COFACE

4.000

11.000

Versements de la CADES

17.500

12.500

Autres

11.845

11.248

Total

180.285

187.976

Les prévisions de recettes non fiscales, variable éminemment politique, varient au gré des hésitations gouvernementales. Il est ainsi surprenant de constater qu'après une première révision dans la loi de finances rectificative, elles sont revues à la baisse exactement pour le même montant dans les évaluations associées au projet de loi de finances pour 2001. Plus surprenant encore, les prévisions du projet de loi de finances pour 2001 font apparaître des recettes non fiscales moins élevées que celles attendues initialement pour l'an 2000, et ce malgré d'importants reports.

La plus importante variable d'ajustement est la rubrique " divers " qui regroupe les lignes 801 à 899, et qui varie d'une révision à l'autre de plus de 15 milliards de francs. La variation des recettes de la catégorie " divers " conditionne en grande partie l'évolution de l'ensemble des recettes non fiscales. Evaluées à 64 milliards de francs dans la loi de finances initiale, ces recettes ont été portées, dans un souci très temporaire de transparence, à 79 milliards de francs dans la loi de finances rectificative, avant de retomber à 66 milliards de francs dans la révision pour 2000. Malgré les reports indiqués par le gouvernement, les recettes devraient être limitées à 71 milliards de francs pour 2001.

Les recettes de la catégorie " divers " comprennent essentiellement les recettes accidentelles à différents titres (3,5 milliards de francs dans l'évaluation révisée pour 2000), les recettes en atténuation des charges de la dette et des frais de trésorerie (19,9 milliards de francs), les reversements de la COFACE (4 milliards de francs), les prélèvements sur les fonds d'épargne (11 milliards de francs) et les versements de la CADES (17,5 milliards de francs). Les trois dernières catégories de recettes font l'objet de modifications constantes, en fonction des besoins de la conjoncture.

D'une manière générale, comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, les recettes non fiscales sont la variable " politique " par excellence.

Une constante soulignée par la commission d'enquête :
le pilotage politique du niveau des recettes non fiscales

La direction du budget note : " Les recettes non fiscales revêtent des spécificités fortes puisqu'une partie d'entre elles ont par nature un caractère exceptionnel ou volatil. Tel est le cas des prélèvements opérés sur la trésorerie d'entités agissant pour le compte de l'Etat (compte Etat à la Coface, fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, par exemple ). L'opportunité d'opérer ces prélèvements doit être appréciée en fonction de l'évolution en cours d'année de la situation financière de ces organismes, de leurs règles de provisionnement, de leurs perspectives à moyen terme et de l'évolution de l'ensemble des recettes de l'Etat. La direction du budget examine donc, en cours d'année, la faisabilité ainsi que les avantages et inconvénients de ces prélèvements. Elle soumet son analyse au ministre qui prend les décisions. Les décisions du ministre sont, autant que possible, et en fonction des contraintes de calendriers, retracées dans le PLFR de fin d'année " .

Dans ces conditions, il est bien difficile à votre rapporteur général de se prononcer sur la sincérité des évaluations de recettes non fiscales pour 2000 et 2001, compte tenu de leur caractère de variable d'ajustement. Il note pourtant une tendance forte associée au projet de loi de finances : la révision à la baisse d'un très grand nombre de recettes non fiscales, avec des explications très limitées.

S'agissant de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés versée par la Caisse des dépôts et consignations (ligne 110), la contribution est revue à la hausse pour 2000 (2,4 milliards de francs et non 1,8 milliard de francs) mais elle serait nulle pour 2001, du fait de " l'effet amplificateur du mécanisme des acomptes ".

De même, le produit des participations de l'Etat dans les entreprises non financières et les bénéfices des établissements publics non financiers chuterait de 7,4 milliards de francs en évaluation révisée pour 2000 à 6,9 milliards de francs en prévisions pour 2001.

De nombreuses lignes de la rubrique taxes, redevances et recettes assimilées sont revues en baisse pour 2000 et stagnent pour 2001. Il s'agit notamment des prélèvements sur les produits des jeux dans les casinos et du PMU, dont les recettes en 2001 correspondraient exactement aux évaluations de la loi de finances initiale pour 2000 (respectivement 5,2 milliards et 2,2 milliards de francs), des frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, de la rémunération des prestations rendues par divers services ministériels.

Les intérêts des avances, des prêts et dotations en capital sont également revus en forte baisse pour 2000 (de 6,5 milliards de francs à 4,9 milliards de francs) pour revenir au niveau de la loi de finances initiale pour 2000 en 2001. Les retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat seraient stables en 2001 à 59,6 milliards de francs.

Les recettes provenant de l'extérieur progresseraient modestement, de 1,5 milliard de francs à 1,7 milliard de francs, en raison de la réintégration des droits de chancellerie auparavant comptabilisés en recettes de fonds de concours (119 millions de francs).

Les opérations entre administrations et services publics, d'un montant limité, passeraient de 623 millions de francs évaluées en loi de finances initiale pour 2000 à 570 millions de francs en évaluations révisées et 580 millions de francs en 2001.

Les opérations " diverses " connaissent les modifications les plus erratiques, compte tenu des reports affectant les versements de la COFACE et les prélèvements sur les fonds d'épargne pour 15 milliards de francs. Malgré ces reports, elles ne progresseraient que de 5 milliards de francs pour 2001.

Il faut donc considérer que les évaluations de recettes non fiscales pour 2001 soit ne sont pas sincères, et cherchent à minorer le produit attendu, soit traduisent une diminution inquiétante d'importantes ressources pour l'Etat.

Les révisions à la baisse portent en particulier sur les ressources provenant des entreprises publiques, de la Caisse des dépôts et consignations et du produit des jeux. Si ces révisions sont exactes, elles traduiraient l'anticipation de résultats moins favorables pour le secteur public, ce qui serait le signe d'un certain pessimisme quant aux perspectives d'évolution de l'économie française pour 2001. Dans un contexte de relative inquiétude du gouvernement quant aux perspectives de croissance dont découlent directement les recettes fiscales, la possibilité d'un recours limité aux recettes non fiscales restreindrait donc les " marges de manoeuvre " traditionnelles du gouvernement.

3. Un programme d'allégements d'impôt hétéroclite

a) L'art de " l'improvisation fiscale "

Déjà, votre rapporteur général avait regretté la faible cohérence du programme fiscal gouvernemental dans le collectif budgétaire pour 2000.

Les allégements d'impôts inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 étaient au nombre de trois 23 ( * ) :

- une réduction de la taxe d'habitation pour un coût de 11 milliards de francs ;

- un allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11 milliards de francs (diminution d'un point de chacun des deux premiers taux d'imposition) ;

- la baisse d'un point du taux normal de la TVA pour 18,45 milliards de francs en 2000.

Votre commission avait fait procéder à une évaluation des mesures fiscales présentées dans le collectif budgétaire.

Cette évaluation montrait que les mesures fiscales ne concernaient que les ménages et contribuaient au soutien de la demande. Pourtant le contexte actuel est déjà celui d'une bonne tenue de la demande intérieure, alors que des doutes subsistent sur l'aptitude de l'économie française à accroître ses capacités de production et, en conséquence, à avoir une croissance soutenue sans saturation de l'offre et sans risque inflationniste.

L'Union européenne se caractérise par des différences sur les fiscalités du travail, de l'épargne et des entreprises, qui constituent des ressources délocalisables. C'est sur ce type d'impôts qu'une réforme est nécessaire, de façon à améliorer la compétitivité fiscale. Ni cette contrainte, ni celle de l'harmonisation des fiscalités en Europe ne sont prises en compte dans le programme d'allégements d'impôts annoncé au risque d'accroître les phénomènes de délocalisation.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé des réductions d'impôts pour 48 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001. Contrairement aux années précédentes, le détail de ces réductions et leur répartition entre ménages et entreprises n'est pas clair.

On peut néanmoins relever que les principales mesures fiscales concernent :

- l'impôt sur le revenu , avec un allégement de 23,4 milliards de francs en 2001 (28,7 milliards compte tenu de l'indexation du barème) ;

- l'impôt sur les sociétés avec un dispositif d'imposition au taux réduit de 25 % en 2001, puis 15 % en 2002 pour les petites entreprises, pour un coût de 2,3 milliards de francs en 2001, une réduction de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, financée presque intégralement par l'aménagement de régimes fiscaux particuliers ;

- la fiscalité agricole , avec une série de mesures découlant du rapport de nos collègues députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac (aménagement de la déduction pour investissement lorsqu'elle est affectée à l'acquisition de parts de sociétés coopératives agricoles, abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs, imputation des déficits agricoles sur le revenu global, clarification des règles d'exonération des plus-values professionnelles...) ;

- la fiscalité pétrolière : le projet de loi de finances comprend une baisse de la TIPP sur le fioul domestique pour un coût de 3,5 milliards de francs, et une série de mesures dont l'impact budgétaire est incertain : un nouveau dispositif de TIPP " stabilisatrice " ou " flottante " permettant de restituer aux consommateurs les surplus de TVA consécutifs à la hausse des prix des carburants lorsque la hausse du " Brent daté " est supérieure à 10 %, un gel du plan d'augmentation de la TIPP sur le gazole, des mesures de remboursements de la TIPP aux transporteurs routiers (pour un coût de 1,6 milliard de francs) et une contribution exceptionnelle des grandes entreprises pétrolières (+ 3,5 milliards de francs 24 ( * ) );

- la vignette automobile : le projet de loi de finances pour 2001 comporte une exonération de vignette pour les voitures particulières pour un coût de 12,5 milliards de francs ;

- un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement outre-mer qui " n'entraîne pas de coût pour les finances publiques et est destiné à contribuer de manière plus efficace au développement de l'économie et de l'emploi outre-mer " selon les termes du gouvernement.

Au total, le gouvernement aura choisi le " saupoudrage " plutôt que la réforme, au risque d'ailleurs d'oublier de nombreux Français et de fragiliser encore la compétitivé de nos entreprises .

Ainsi les classes moyennes sont-elles les oubliées du plan d'allégement d'impôt sur le revenu , qui d'ailleurs ne propose qu'un aménagement et non une réforme de fond.

De même, les entreprises bénéficieront d'allégements que l'on peut qualifier d'homéopathiques, en comparaison avec les hausses réelles qu'elles doivent par ailleurs supporter . Si le projet de loi de finances prévoit un allégement d'impôt de 2,3 milliards de francs et une suppression progressive de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, il faut tout de même rappeler que, en trois ans, du fait notamment de l'alourdissement de la fiscalité, le produit de l'impôt sur les sociétés aura progressé de près de 50 %. Par ailleurs, certaines entreprises sont lourdement taxées dans le projet de loi de finances (les entreprises pétrolières) et le collectif budgétaire pour 2000 viendra bientôt alourdir la taxe générale sur les activités polluantes, qui touche un nombre croissant de secteurs de notre économie.

Ainsi, seule une consolidation de l'ensemble des mesures prises au cours de l'année 2000, dans les deux lois de finances rectificatives pour 2000, de juillet et bientôt décembre, dans la loi de finances pour 2001 et dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, permettrait de tirer des enseignements sur la réalité du programme fiscal français et de comparer ce programme avec les alourdissements d'impôts opérés depuis 1997.

En l'absence d'une telle consolidation, et compte tenu du flou sur l'impact exact des mesures du projet de loi de finances pour 2001 sur les contribuables, il faut se contenter d'observer l'évolution des principaux impôts.

Les recettes du projet de loi de finances pour 2001

(en milliards de francs)

révisé 2000

PLF 2001

évolution

Recettes fiscales nettes

1.585,2

1.629,2

2,8 %

IR

346,3

343,5

-0,8 %

IS

255,7

280,8

9,8 %

TIPP

166,4

167,6

0,7 %

TVA

691,9

714,5

3,3 %

Autres

124,9

122,8

-1,7 %

Recettes non fiscales

180,3

187,9

4,3 %

Prélèvements sur recettes

-284

-307

8,1 %

Recettes nettes du budget général

1.481,4

1.510,1

1,9 %

On remarque que les allégements sur l'impôt sur le revenu et la TIPP devraient, selon les évaluations du gouvernement, permettre de les stabiliser en 2001 (- 0,8 % pour l'IR et + 0,7 % pour la TIPP).

L'impôt sur les sociétés continuerait toutefois d'être très dynamique (+ 9,8 %) malgré la suppression de la contribution additionnelle. Selon le gouvernement, la hausse aurait été de 15 % à législation inchangée.

Les prélèvements sur recettes sont revus fortement à la hausse (+ 8,1 %) en raison de la compensation de la suppression de la vignette automobile pour les particuliers.

Enfin, la TVA progresserait assez faiblement par rapport à la croissance attendue (+ 3,3 % soit exactement le niveau de la croissance en volume) en raison de " l'impact résiduel " de la mesure de baisse d'un point de TVA et de l'allégement de la TIPP sur le fioul.

b) Un programme en contradiction avec les exigences européennes ?

Lors du Conseil ECOFIN du 28 février 2000, les quinze Etats membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur les objectifs auxquels devraient répondre les baisses d'impôts . Quatre critères sont retenus :

- les réductions fiscales non compensées ne peuvent intervenir que dans les Etats membres qui présentent à moyen terme des finances publiques proches de l'équilibre ou en excédent ;

- les réductions fiscales ne doivent pas avoir d'effet accélérateur du cycle économique (mesures " procycliques ") ;

- les Etats doivent tenir compte du niveau global de leur dette et de leurs futurs engagements de long terme, du fait notamment des tendances démographiques ;

- les réductions d'impôts doivent entrer dans le cadre de " paquets de réforme globaux " incluant par exemple les systèmes de protection sociale.

La Commission européenne a l'intention d'appliquer ces critères lorsqu'elle évaluera les prévisions budgétaires pour 2001 et les futurs programmes de stabilité et de convergence actualisés. Selon la Commission européenne en effet, " l'idée est que les Etats membres doivent profiter de la forte croissance pour opérer les réformes structurelles difficiles qui permettront une diminution durable de la pression fiscale et non opter pour une solution de facilité consistant dans une baisse temporaire des impôts . Toutefois, pour que les réductions d'impôts puissent être permanentes, elles doivent être accompagnées de diminution comparable des dépenses ".

L'évaluation des mesures fiscales présentées par le gouvernement, telle que décrite plus haut, met en évidence plusieurs contradictions avec les critères retenus pas le Conseil ECOFIN. Outre le caractère hétéroclite des mesures fiscales annoncées, l'absence de programme de réforme global et de maîtrise des dépenses publiques témoignent d'une certaine " improvisation fiscale " dénoncée en termes généraux par la Commission européenne.

B. UNE DIMINUTION DURABLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EST IMPOSSIBLE SANS RÉFORME DE L'ETAT

1. Dans un contexte de croissance soutenue, les prélèvements obligatoires n'ont cessé de s'accroître

a) Le pic historique des prélèvements obligatoires

Lors des débats d'orientation budgétaire pour 2000 et 2001, et lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, votre commission des finances avait fait observer que les annonces de baisses d'impôts du gouvernement depuis 1997 avaient toujours été démenties dans les faits.

De fait, le pic historique atteint par les prélèvements obligatoires en 1999 (45,7 % du PIB) a malheureusement confirmé son analyse.

Pour l'année en cours, le gouvernement annonce une légère décroissance du taux de prélèvements obligatoires (- 0,5 point) qui, même si elle se réalisait, ne permettrait pas de rejoindre le taux de prélèvements de 1997 .

Evolution du taux de prélèvements obligatoires depuis 1996
(en points de PIB )

En 1999, 70,7 % de l'augmentation de la richesse nationale aura ainsi été prélevé par la sphère publique , un chiffre exceptionnellement élevé comparé à ceux de 1998 (43,4 %) et 1997 (50,8 %).

Le bilan des hausses d'impôts sur la période 1997-2000 est impressionnant et révélateur.

Les recettes d'impôt sur le revenu ont augmenté de 18,1 % en trois ans, passant de 293 milliards de francs en 1997 à 346 milliards de francs dans les évaluations révisées pour 2000. Les recettes nettes d'impôt sur les sociétés auront progressé de 48,6 % depuis 1997, dont une hausse de 24,4 % pour la seule année 1999, avec un produit passant de 172 milliards de francs en 1997 à 255,7 milliards de francs en évaluations révisées pour 2000. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aura progressé de 10,5 % en trois ans, passant de 626 milliards de francs à 692 milliards de francs. La taxe intérieure sur les produits pétroliers aura progressé de 10,8 % sur trois ans, passant de 150 milliards de francs à 167 milliards de francs.

Ainsi, au cours des trois années passées aura bien été enregistrée une hausse massive de tous les impôts, au premier rang desquels l'impôt sur les sociétés, mais également l'impôt sur le revenu, pesant sur les ménages.

La France se situe donc toujours dans le peloton de tête des pays de l'OCDE en terme de niveau de prélèvements obligatoires. En 1998, elle occupait le 5 ème rang sur 29 pays.

Recettes courantes des administrations publiques en 1999

(en pourcentage du PIB nominal)

Source : OCDE

b) Respecter enfin les engagements du gouvernement ?

Les prélèvements obligatoires ont atteint 45,7 % du PIB en 1999, soit 1,2 point de plus que le chiffre figurant dans le programme de stabilité de janvier 1999 et 0,4 point de plus que celui figurant dans le programme de janvier 2000, qui était déjà moins ambitieux. Le programme de stabilité publié en janvier 2000 avait en effet décalé d'un an tous les objectifs de réduction des prélèvements obligatoires.

Pour 2000, le taux de prélèvement prévu par le gouvernement (45,2 % du PIB) sera encore supérieur aux annonces du programme pluriannuel publié en janvier dernier.

Rappelons qu'en avril dernier, le gouvernement avait annoncé que les mesures fiscales prises dans le collectif budgétaire permettraient d'atteindre un taux de prélèvement de 44,8 % du PIB pour 2000, taux presque identique à celui de 1997.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait ensuite promis, lors du débat d'orientation budgétaire en juin 2000, une réduction plus forte des prélèvements obligatoires, qu'il entendait ramener à 44,7 % du PIB en 2000 puis 44,2 % en 2001.

Avec la présentation du projet de loi de finances pour 2001, le gouvernement repousse une nouvelle fois ses engagements d'une année, en annonçant que l'objectif de 44,7 % du PIB ne serait atteint que fin 2001. Le premier programme pluriannuel prévoyait que cet objectif serait atteint ... en 1998.

Le programme pluriannuel sur les finances publiques 1997-2003 : des annonces à la réalité

1997

1998

1999

2000 (e)

2001 (e)

2002 (e)

2003 (e)

Taux de

Chiffres donnés dans le programme de stabilité

de janvier 1999

44,9

44,7

44,5

-

-

43,7-44,0

prélèvements obligatoires

Chiffres donnés dans le programme de stabilité

de janvier 2000

-

44,9

45,3

44,8

-

-

43,7-44,2

(en points de PIB)

Taux de prélèvements obligatoires réalisé

44,9

44,9

45,7

45,2 ?

44,7 ?

Ecart/ annonces de janv 99

0

+ 0,2

+ 1,2

?

?

2. Un programme de réductions d'impôts très fragile

a) Les incertitudes de la croissance pèseront sur la réduction des prélèvements obligatoires

D'une manière générale, votre commission estime que si le gouvernement n'a pas réussi, pendant une période de trois ans de croissance soutenue, à baisser les prélèvements obligatoires, il est peu probable qu'il y parvienne dans les deux ans qui viennent, alors que les incertitudes sur la croissance sont plus fortes.

b) Les transferts entre l'Etat et la sécurité sociale brouillent la lisibilité des baisses d'impôts

Comme l'an dernier, le projet de loi de finances est marqué par des transferts de recettes à la sécurité sociale. Ces transferts visent en partie à compenser l'allégement de CSG sur les bas salaires qui sera présenté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais également le financement des trente-cinq heures. Les transferts portent sur les droits d'enregistrement et les droits de timbre (une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance, le produit de la taxe sur les véhicules de sociétés et le reliquat des droits de consommation sur les tabacs).

En deux ans, plus de 60 milliards de francs auront ainsi été transférés à la sécurité sociale, soit l'équivalent de 4 % des recettes du budget général. Il faut noter que les modalités précises d'affectation des ressources transférées figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Des transferts de ressources très importants

(en milliards de francs)

Transfert de recettes du budget de l'Etat vers la sécurité sociale

LFI 2000

- 45,2

Transfert d'une partie des droits de consommation sur les tabacs pour le financement de la ristourne dégressive, de la CMU et du " fonds amiante "

- 43,2

Transfert de la TGAP à la sécurité sociale

- 2,0

PLF 2001

-18,5

Transfert d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance pour compenser la perte de CSG liée à la ristourne sur les bas salaires

- 7,5

Transfert d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance au FOREC

- 4

Transfert de la taxe sur les véhicules des sociétés au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)

- 4

Transfert du reliquat des droits sur les tabacs

-3

TOTAL

- 63,7

Or, on peut rappeler que la hausse des prélèvements obligatoires résulte en grande partie de l'augmentation des prélèvements en faveur des administrations de sécurité sociale . La part des prélèvements affectés à la sécurité sociale passera en effet de 46 % en 1998 à 48 % en 2001, après le transfert des droits de consommation sur les tabacs.

Les principales causes de l'accroissement des prélèvements fiscaux affectés à la sécurité sociale sont de deux ordres :

- l'augmentation des ressources (droits de consommation sur les tabacs, taxe sur les conventions d'assurance, taxe sur les véhicules de société, taxe générale sur les activités polluantes, contribution sociale sur les bénéfices des sociétés) affectées au financement des allégements de charges inscrits sur le budget du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) ;

- la progression du rendement de la CSG (+2,3 % après intégration de l'impact des réductions consenties aux bas salaires).

Dans ces conditions, il apparaît une fois de plus que le débat sur la réforme de notre système fiscal et des prélèvements obligatoires est tronqué, du fait de l'examen séparé du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale .

c) Ce programme n'est pas tenable sans réforme de l'Etat

Votre rapporteur général rappelle que toute baisse durable des prélèvements obligatoires doit s'accompagner d'une réduction de la dépense publique.

Or, tout comme le programme pluriannuel des finances publiques n'est pas respecté en matière de prélèvements obligatoires, l'hypothèse de croissance des dépenses de 1 % en francs constants sur la période n'est pas tenue non plus. Les dépenses ont progressé de 3 % en 1998 et de 2,8 % en 1999. Pour 2001, malgré des annonces de hausse modérée, les facteurs de " dérapage " traditionnels sont déjà présents, avec en premier lieu les augmentations d'effectifs dans la fonction publique.

Dans ces conditions, la question des allégements d'impôts et de la modération des dépenses sont les deux faces d'une même médaille, qui pour le moment se résume à l'incapacité du gouvernement à tenir ses engagements .

Votre rapporteur général estime en effet qu'il n'est pas acceptable de faire croire aux Français qu'ils pourront bénéficier d'allégements d'impôts, alors même que le gouvernement tire un trait sur la modération des effectifs de la fonction publique et sans doute bientôt, sur la modération salariale. Sauf à s'engager dans une politique irresponsable de laisser aller du déficit budgétaire, particulièrement néfaste dans une période de croissance économique soutenue, le gouvernement ne pourra, sans réviser sa politique, tenir ses engagements sur le moyen terme.

CHAPITRE III :

POUR UNE APPRÉCIATION PLUS GLOBALE DE L'ÉTAT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

Reprenant la démarché initiée lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, votre commission des finances pense qu'il est indispensable de porter un regard d'ensemble sur la gestion des finances publiques françaises et, dans le cadre de l'actuel programme pluri-annuel des finances publiques de les comparer utilement avec celles de nos principaux partenaires économiques.

I. LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE DE L'UNION EUROPÉENNE

Lors du dernier débat d'orientation budgétaire, votre commission des finances s'était interrogée : " Comment être crédible en Europe ? " 25 ( * ) . Elle estimait en effet que les " non-choix " opérés par le gouvernement et l'absence de réformes structurelles contribuaient à perpétuer " l'exception française ", marquée par un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires, une absence de maîtrise de la dépense et un déficit insuffisamment contrôlé, le tout aux dépens de l'avenir et de la crédibilité de notre pays en Europe.

A. DES DÉFICITS PUBLICS TOUJOURS PLUS ÉLEVÉS QUE LA MOYENNE DE LA ZONE EURO

S'agissant de l'évolution des finances publiques, les comparaisons internationales devraient inciter le gouvernement à plus de modestie.

Ainsi que le souligne fort justement la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, s'agissant du déficit des administrations publiques, " une comparaison avec les autres Etats de l'Union européenne conduit à relativiser ces résultats. En effet, au sein de l'Union européenne, la position de la France n'est pas parmi les meilleures. Les données publiées par la Commission indiquent qu'avec 1,8 %, le déficit public français, tout en ayant diminué sensiblement, reste, en 1999, l'un des plus élevés des Etats membres de l'Union européenne dont le déficit moyen s'établit à 1,2 % du PIB pour la zone euro et à 0,7 % du PIB pour les Quinze ".

Solde des administrations publiques des principaux pays
de la zone euro et des autres pays du G7

(en points de PIB)

Années

France

Allemagne

Italie

Zone euro

Royaume-Uni

Etats-Unis

OCDE

1993

- 6,0

- 3,2

- 9,4

- 5,5

- 8,0

- 5,0

- 4,8

1994

- 5,5

- 2,5

- 9,1

- 5,0

- 6,8

- 3,6

- 4,0

1995

- 5,5

- 3,2

- 7,6

- 4,9

- 5,8

- 3,1

- 3,8

1996

- 4,1

- 3,4

- 7,1

- 4,2

- 4,4

- 2,2

- 3,0

1997

- 3,0

- 2,6

- 2,7

- 2,6

- 2,0

- 0,9

- 1,7

1998

- 2,7

- 1,7

- 2,8

- 2,0

0,2

0,4

- 1,2

1999

- 1,8

- 1,1

- 1,9

- 1,2

1,1

1,0

- 0,8

2000

- 1,4

- 1,2

- 1,5

- 1,0

1,1

1,6

- 0,4

2001

- 1,2

- 1,7

- 1,1

- 0,9

0,9

1,7

- 0,3

Source : OCDE

Evolution comparée du déficit public français (1993-2001)

(en points de PIB)

1. Un déficit structurel toujours supérieur à la moyenne de la zone euro

Le déficit structurel de notre pays a été très significativement réduit entre 1993 et 1997 passant de - 4,9 à - 2 points de PIB. Depuis 1997, son évolution est plus contrastée : non seulement sa réduction a été faible entre 1997 et 1999 (amélioration de 0,5 point de PIB) mais il devrait s'accroître en 2000 de 0,2 point. Par ailleurs, l'écart entre le solde français et le solde moyen de la zone euro ne se réduit toujours pas. La France connaît toujours un déficit structurel supérieur à celui de la moyenne de la zone euro : le décalage est de 0,8 point pour 1999 et 2000, et devrait être de 0,4 point en 2001.

Solde structurel des administrations publiques

(en points de PIB potentiel)

Prévisions

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Etats-Unis

- 4,5

- 3,5

- 2,9

- 2,1

- 1,1

0,1

0,5

0,9

1,1

Allemagne

- 2,6

- 2,2

- 2,9

2,6

- 1,8

- 1,1

- 0,3

- 0,9

- 2

France

- 4,9

- 4,6

- 4,7

- 2,9

- 2

- 2,2

- 1,5

- 1,7

- 1,7

Italie

- 7,6

- 7,9

- 7,2

- 6,5

- 2

- 1,9

- 0,7

- 0,7

- 0,8

Royaume Uni

- 6,4

- 6,4

- 5,6

- 4,3

- 2,5

- 0,2

0,9

0,6

0,5

Zone Euro

- 4,4

- 4,1

- 4,3

- 3,3

- 1,8

- 1,5

- 0,7

- 0,9

- 1,3

Source : OCDE

Des déficits structurels supérieurs à la moyenne européenne

(en points de PIB)

2. Les déficits publics parmi les plus élevés

La France s'inscrit depuis 1997 dans le mouvement général de réduction des déficits publics rendu nécessaire par la mise en place des critères de convergence. Ces déficits demeurent néanmoins parmi les plus élevés de l'Union européenne, et sensiblement plus importants que ceux de ses principaux partenaires.

Comme le montre en effet le tableau ci-après, la France connaissait en 2000 l'un des niveaux de déficit public les plus importants des principaux pays européens, juste derrière l'Italie, avec un niveau de 1,4 point de PIB. Celui-ci restera supérieur à la moyenne de la zone euro de 0,4 point en 2000 et de 0,3 point en 2001.

Solde financier des administrations publiques

(en points de PIB nominal)

Prévisions

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Etats-Unis

- 5,0

- 3,6

- 3,1

- 2,2

- 0,9

0,4

1,0

1,6

1,7

Allemagne

- 3,2

- 2,5

- 3,2

- 3,4

- 2,6

- 1,7

- 1,1

- 1,2

- 1,7

France

- 6,0

- 5,5

- 5,5

- 4,1

- 3,0

- 2,7

- 1,8

- 1,4

- 1,2

Italie

- 9,4

- 9,1

- 7,6

- 7,1

- 2,7

- 2,8

- 1,9

- 1,5

- 1,1

Royaume-Uni

- 8,0

- 6,8

- 5,8

- 4,4

- 2,0

0,2

1,1

1,1

0,9

Zone Euro

- 5,5

- 5,0

- 4,9

- 4,2

- 2,6

- 2,0

- 1,2

- 1,0

- 0,9

Source : OCDE

Ce constat fait pour 2000-2001 demeure valable pour les années à venir, la France continuant de connaître des niveaux élevés de déficit public toujours supérieurs à ceux de ses partenaires ainsi que cela ressort des programmes de stabilité actualisés des différents Etats-membres.

Au demeurant, la France se singularise toujours par un niveau très élevé de prélèvements obligataires : c'est " l' exception française " en matière de finances publiques.

Évolution du déficit public : 2000-2003

(en points de PIB)

Source : programmes de stabilité actualisés des Etats membres

B. UNE SITUATION EN MATIÈRE DE DETTE PUBLIQUE MOINS FAVORABLE QUE PAR LE PASSÉ

Le niveau d'endettement de la France la situait en 1999 au 7 ème rang au sein de l'Union européenne dont le ratio d'endettement moyen est passé de 69 % en 1998 à 67,6 % en 1999. Néanmoins, sa situation relative par rapport à l'ensemble de ses principaux partenaires, qu'il s'agisse des pays membres de l'Union européenne ou de la zone euro, naguère favorable, continue à se dégrader régulièrement.

Les raisons de la " dérive de l'endettement public " selon le gouvernement

" Cette dérive de l'endettement public est à mettre en rapport avec le ralentissement durable de la croissance et des recettes qui a suivi le premier choc pétrolier, alors même que les dépenses publiques tardaient à s'infléchir. Si l'endettement public peut aider, dans certaines circonstances, à lisser les fluctuations de la conjoncture et à soutenir temporairement l'activité, il apparaît peu probable, en revanche, qu'il apporte à plus long terme une contribution positive à la croissance.

Dans le long terme, la dette conserve, certes sa légitimité lorsqu'elle vient financer des dépenses publiques ou des baisses d'impôts dont la contribution au potentiel de croissance est avérée. Dans l'hypothèse, en revanche, où elle finance des dépenses courantes ou des investissements à faible retour économique et conduit à une hausse des taux d'intérêt réels, l'endettement contribue à évincer l'investissement privé et à affaiblir la croissance potentielle . Ces considérations ne permettent pas à elles seules de définir avec précision ce que serait un "bon " niveau de dette publique. Dans ce domaine, la politique budgétaire ne peut que s'appuyer sur des règles de conduite pragmatiques. Ces règles visent à se prémunir contre plusieurs écueils : le basculement dans une dérive auto-entretenue de l'endettement public, le financement par l'emprunt de dépenses publiques sans effet positif véritable sur le potentiel de croissance, le gonflement, enfin des charges d'intérêt au détriment de dépenses publiques les plus utiles " .

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

1. Une situation correcte en apparence

En 2000, la France devrait compter parmi les 8 pays sur les 15 que comporte l'Union européenne à avoir une dette des administrations publiques inférieure au plafond de 60 % du PIB fixé par le traité de Maastricht. Par ailleurs, comme le montre le tableau ci-dessous, la part de la dette publique française rapportée au PIB est inférieure tant à la moyenne des pays de l'Union européenne qu'à celle des pays de la zone euro.

Dette brute des administrations publiques

(en points de PIB)

1995

1996

1997

1998

1999 (estimation)

2000
(prévision)

2001 (prévision)

Allemagne

57,0

59,8

60,9

60,7

61,0

60,7

59,5

Espagne

63,2

68,0

66,7

64,9

63,5

62,3

59,9

France

51,9

57,1

59,0

59,3

58,6

58,2

57,1

Italie

123,2

122,1

119,8

116,3

114,9

110,8

106,6

Pays-Bas

75,5

75,3

70,3

67,0

63,6

58,7

54,4

Royaume-Uni

52,0

52,6

50,8

48,4

46,0

42,4

39,4

Moyenne de l'Union européenne

69,5

72,1

71,0

69,0

67,6

65,1

62,6

Moyenne de l'euro-11

71,4

74,7

74,5

73,1

72,3

70,5

68,2

Source : commission des Communautés européennes

2. Une dégradation certaine par rapport à la situation de nos principaux partenaires

La France connaît toujours un niveau de dette publique inférieur à la moyenne de ses principaux partenaires. Cet écart longtemps important en faveur de notre pays tend cependant à se réduire significativement : l'effort qu'accomplit notre pays pour réduire ses déficits publics et son endettement est moins net et volontariste que celui de ses principaux partenaires. Comme le montre le graphique ci-après, notre " différentiel " s'est ainsi très significativement réduit : il était en 1995 de 17,6 points de PIB par rapport à la moyenne de l'Union européenne. Il ne devrait plus être, en 2001, que de 5,5 points de PIB. De même, l'écart par rapport à la moyenne de la zone euro s'est, lui aussi, considérablement réduit en notre défaveur : il est passé de 19,5 points de PIB en 1995 à 12,3 points en 2000 et est estimé à 11,1 points pour 2001.

L'évolution de la dette publique française
par rapport à la moyenne européenne

(en points de PIB)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

France

51,9

57,1

59

59,3

58,6

58,2

57,1

Moyenne de l'Union européenne

69,5

72,1

71

69

67,6

65,1

62,6

Moyenne de la zone Euro

71,4

74,7

74,5

73,1

72,3

70,5

68,2

Ecart France/moyenne de l'Union européenne

- 17,6

- 15

- 12

- 9,7

- 9

- 6,9

- 5,5

Ecart France/moyenne de la zone euro

- 19,5

-17,6

- 15,5

- 13,8

- 13,7

- 12,3

- 11,1

L'écart entre le poids de la dette publique française

et celle de nos principaux partenaires

(en points de PIB)

Déficit et dette publique aux Etats-Unis

Le solde budgétaire aux Etats-Unis devrait s'élever en 2000 à 230 milliards de dollars, contre 69 milliards de dollars en 1998, soit 2,4 % du PIB, pourcentage le plus élevé depuis 1948.

Cet excédent budgétaire permettra au Trésor américain de réduire le stock de la dette publique en 2000 de 223 milliards de dollars, l'objectif étant de rembourser celle-ci intégralement d'ici 2012.

Evolution du déficit public aux Etats-Unis
(en point de PIB)

Source : OCDE

Ainsi, dans le rapport économique, social et financier joint au présent projet de loi de finances, le gouvernement consacre de longs développements à la situation budgétaire des Etats-Unis. Il rappelle que " les finances publiques américaines ont connu une nette amélioration au cours des années récentes " et que " cet assainissement s'est moins opéré par une hausse des prélèvements (la part des recettes courantes des administrations publiques dans le PIB est relativement stable autour de 30 % du PIB au cours des dernières années), que par une chute marquée des dépenses (baisse de leur part dans le PIB d'environ 5 points depuis dix ans) (...).

Une grande partie de ces efforts a résulté des mesures adoptées au début des années 1990 (Balance Budget Act de 1990, renforcé en 1993 puis 1997) : plafonnement des dépenses non obligatoires (" caps ") et annulation obligatoire de crédits compensant toute dépense budgétaire nouvelle (" paygo "). Parallèlement, des procédures de contrôle budgétaire et de financement sur objectif ont été mises en place. Enfin, une part importante de ces économies a résulté " des dividendes " de la fin de la guerre froide, quant aux dépenses d'armement " .

Il estime ainsi que l'on se dirige vers une disparition de la dette publique fédérale : " Deux principaux exercices de projection des finances publiques sont réalisés régulièrement aux Etats-Unis. Le premier est effectué par l'OMB (" Office of Management and Budget ") sous l'égide du pouvoir exécutif ; l'autre est réalisé par le CBO (" Congressional Budget Office "), issu du Congrès américain. Au sens strict, ces projections ne concernent que les finances de l'Etat fédéral. Elles donnent toutefois une image assez juste de l'endettement de l'ensemble des administrations publiques. En effet, la dette des collectivités, qui représente un tiers de la dette de l'Etat fédéral, est relativement limitée, et la quasi-totalité des fonds du système de sécurité sociale transitent par le budget fédéral. Ces projections ont été révisées dans un sens favorable au cours de l'été. Elles suggèrent désormais une disparition de la dette publique américaine d'ici la fin de la décennie 2000-2010 " .

II. CONSOLIDER LA VISION DES COMPTES SOCIAUX

A. L'ILLUSION DE LA BONNE SANTÉ DES COMPTES SOCIAUX

1. La sécurité sociale renoue avec les excédents...

Les finances sociales donnent l'illusion d'une bonne santé. En effet, la sécurité sociale a renoué cette année avec les excédents, et le solde des administrations sociales de sécurité sociale devrait continuer à croître.

Solde du régime général après imputation des mesures

du projet de loi de financement pour 2001

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

2001

Maladie

- 14,1

- 15,9

- 8,9

- 6,1

- 1

Accidents du travail

0,3

1,5

1,1

2,1

1,7

Vieillesse

- 5,2

- 0,2

3,7

0,6

1,7

Famille

- 14,5

- 1,9

4,8

6,8

1,8

Régime général

- 33,8

- 16,5

0,7

3,3

4,2

Source : CCSS septembre 2000

Cependant, ces chiffres ne doivent pas faire illusion. En dehors du problème de leur élaboration, fruit de conventions librement consenties à lui-même par le gouvernement 26 ( * ) , les soldes cachent une réalité plus rude et gênante pour ce dernier dans le contexte de concurrence et de comparaisons internationales qui est le nôtre.

La première réalité est celle établie par la comparaison des rythmes d'évolution des recettes et des dépenses du régime général comme des agrégats de la loi de financement. Le solde n'a pu être obtenu que grâce à une forte dynamique des recettes, supérieure à celle déjà forte des dépenses. Or si les recettes ont un caractère transitoire, les dépenses ont elles un caractère pérenne : les premières sont pour une large part le fruit de la croissance économique ; les secondes obéissent à des effets de cliquet qui rendent presque impossible tout retour en arrière.

Le vrai redressement de la sécurité sociale ne peut se fonder que sur une décélération très vive du rythme de progression des dépenses. Or, les résultats de 2000 et les prévisions de 2001 en sont loin :

Rythme d'évolution des recettes et dépenses du régime général

(en %)

1998/1997

1999/1998

2000/1999

2001/2000

CNAMTS maladie

Dépenses

+ 3,5

+ 2,8

+ 5,6

+ 3,5

Recettes

+ 3,3

+ 4,1

+ 6,2

+ 4,4

CNAMTS AT

Dépenses

+ 0,6

+ 2,6

+ 4,3

+ 2,8

Recettes

+ 3,5

+ 1,3

+ 6,4

+ 5,4

CNAVTS

Dépenses

+ 3,8

+ 3,7

+ 3,7

+ 3,1

Recettes

+ 5,2

+ 4,7

+ 2,9

+ 3,7

CNAF

Dépenses

- 1

+ 3,2

+ 1,2

+ 2,7

Recettes

+ 4,1

+ 5,9

+ 1,9

+ 3,6

Total dépenses consolidées

+ 2,9

+ 3,2

+ 4,3

+ 3,2

Total recettes consolidées

+ 4,4

+ 4,6

+ 4,5

+ 4,1

Source : CCSS septembre 2000

Ces résultats obèrent la crédibilité de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Ainsi, alors que le programme pluriannuel des finances publiques prévoyait pour la période 1999 / 2001 une progression des dépenses de prestations sociales de 1,8 %, la France aura fait 2,5 % ; de même, les dépenses maladie augmentent deux fois plus vite que les engagements du gouvernement (2,9 % au lieu de 1,5%).

Dépenses des administrations publiques :
comparaison avec le programme pluriannuel des finances publiques

2000

2001

Moyenne 2000-2001

Evolutions en volume

Programme pluriannuel

Prévisions d'exécution

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS 2001

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS 2001

Administrations publiques

1,3

1,0

1,1

1,9

1,2

1,4

Etat (norme budgétaire)

0

0

0,3

0,3

0,2

0,2

Prestations, transferts sociaux

2,1

2,0

1,6

3,0

1,8

2,5

Dépenses maladie

1,5

3,3

1,5

2,6

1,5

2,9

Administrations publiques locales

1,9

2,1

2,0

2,0

2,0

2,0

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

2. ... au prix de prélèvements sociaux toujours plus élevés

Dans le même temps, les prélèvements obligatoires sociaux ne cessent de croître, passant de 20,4 % du PIB en 1997 à 21,4 % du PIB en 2001, malgré les mesures annoncées par le gouvernement, révélant bien que la dynamique haussière des dépenses de sécurité sociale doit s'accompagner d'une évolution tout aussi haussière des recettes que fournissent les Français :

Les prélèvements sociaux dans le PIB

(en points de PIB)

Enfin, il faut noter que la bonne santé des finances sociales est soumise à de lourdes hypothèques : la prévision d'augmentation de la masse salariale (qui conditionne les deux tiers des recettes des régimes de sécurité sociale), l'absence totale de dispositif de maîtrise des dépenses d'assurance maladie à court terme, et la montée en charge des dépenses liées à la vieillesse et aux retraites à long terme.

B. L'ARTICULATION ENTRE LE PROJET DE LOI DE FINANCES ET LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

1. L'articulation formelle des deux textes

a) Les enjeux de la révision constitutionnelle

La réforme constitutionnelle de 1995 a représenté une avancée démocratique et financière majeure dans la mesure où elle a pour la première fois permis au Parlement d'avoir un droit de regard à la fois sur le niveau de recettes dont bénéficient, en prévision, les organismes de sécurité sociale, mais aussi sur le niveau souhaitable de leurs dépenses. Parallèlement, elle devait aussi être l'occasion de débattre des grandes orientations de santé publique. Cependant, la coexistence entre ces deux grands textes financiers que sont les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale n'apparaît pas, à l'usage, satisfaisante.

Comparaisons et ressemblances

Les comparaisons sont nombreuses entre les deux textes, tant l'influence formelle des lois de finances se fait sentir sur les lois de financement. Cela se lit avec évidence dans la procédure d'examen devant le Parlement, qu'il s'agisse des délais et de la sanction de leur non-respect ou du rôle de chaque assemblée. Cependant, au-delà de ces ressemblances de forme, les différences de fond sont essentielles et expliquent en grande partie les difficultés de coordination entre les deux textes.

La portée normative des deux catégories de textes diffère ainsi grandement.

La loi de finances est une autorisation limitative, sauf exceptions dûment mentionnées, de dépenser. La loi de financement n'est qu'un objectif de dépenses. La loi de finances est une prévision de recettes assortie d'une autorisation, alors que la loi de financement ne contient pas cette dernière. La loi de finances prévoit un article d'équilibre, alors que la loi de financement n'en comprend pas, et de façon délibérée, l'équilibre dépendant en partie des décisions des partenaires sociaux. De même, la structure des deux textes diffère : les lois de finances contiennent deux parties à la teneur précisément détaillée par l'ordonnance organique ; les lois de financement n'ont aucune obligation de cette nature ; recettes et dépenses de la loi de financement ne recouvrent pas le même champ ; cette dernière vise des organismes très diversifiés, alors que la loi de finances ne concerne que l'Etat.

En réalité, les lois de financement n'ont pas résolu le problème de l'éclatement des finances publiques et de l'absence, dans le débat parlementaire, de leur présentation consolidée, alors que les exigences européennes en rendaient, mais pas seulement elles, indispensable l'appréhension. De même, elles n'ont pas résolu non plus la question de l'éclatement du produit des impositions de toutes natures, alors même que les citoyens ressentent plus fortement leur concentration et leur alourdissement. De ces deux points de vue, l'établissement des lois de financement a mis en lumière deux difficultés du droit financier public français et les a rendues moins supportables pour les parlementaires, légitimement frustrés d'une vision consolidée des finances publiques et des prélèvements votés.

La réforme en cours de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances 27 ( * ) peut ainsi être l'occasion d'une amélioration de cette situation, même si la nature actuelle des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses de la loi de financement empêchent de réellement remédier aux défauts mentionnés précédemment.

b) La nature des liens entre la loi de finances et la loi de financement

Les liens entre le budget de l'Etat et les organismes de sécurité sociale, entre lois de finances et lois de financement, sont de plusieurs natures.

Il existe un lien technique indispensable par le biais d'un socle commun d'hypothèses macro-économiques. Par ailleurs, les liens sont de nature fiscale. La loi de financement retrace la prévision du premier impôt payé par les Français, la CSG, ainsi que chaque année d'un nombre croissant d'impôts. Par ailleurs, elle tient compte de l'ensemble des transferts budgétaires existants de l'Etat vers les organismes de sécurité sociale. Employeur, l'Etat verse des cotisations. Redistributeur, l'Etat verse des compensations aux régimes qu'il prive de recettes. Régulateur, l'Etat verse des subventions aux régimes en situation difficile. Lui-même régime de retraite, l'Etat contribue aux mécanismes de compensation entre régimes. Distributeur de prestations sociales, l'Etat utilise les organismes sociaux pour instruire les demandes et verser les prestations. L'ensemble de ces mouvements se traduit par des flux à l'importance budgétaire croissante dont il conviendrait d'avoir une vision claire. Enfin, les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont un des éléments de la stratégie française de finances publiques telle que notifiée à nos partenaires de l'Union européenne. Au même titre que les projets de loi de finances, ils s'inscrivent donc dans une stratégie globale qui doit être cohérente.

Votre commission, attachée à un éclaircissement des liens entre les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, souhaite saisir l'opportunité d'une réforme de l'ordonnance organique pour procéder aux ajustements possibles du côté des finances de l'Etat .

Il s'agira par exemple de préciser le rôle prééminent des lois de finances en matière d'autorisation unique de perception des impositions de toute nature. Par ailleurs, des progrès sont possibles dans l'information parlementaire sur l'intégralité du produit des recettes issues de prélèvements obligatoires dont bénéficient les organismes de sécurité sociale afin que l'examen des stratégies fiscales soit éclairé par une connaissance de la totalité des prélèvements obligatoires. De même, le rapport d'orientation budgétaire qui serait soumis au Parlement devrait retracer l'ensemble des finances publiques et non pas seulement la situation budgétaire qui ne saurait s'apprécier sans une mise en perspective. Enfin, l'introduction d'une obligation de sincérité et d'exhaustivité des lois de finances permettrait de limiter au maximum les tentations et possibilités de " jouer " sur l'examen concomitant des deux textes. Sincères, les lois de finances devront donc tenir compte des lois de financement.

2. Les nombreux passages d'un texte à l'autre

La lecture commune du projet de loi de finances et du projet de loi de financement pour 2001 fait apparaître de nombreux passages de l'un à l'autre.

a) En matière de recettes

Il s'agit au premier chef de différentes mesures relatives aux recettes, qui figurent à l'article 17 du présent projet de loi de finances. Dans le cadre du financement du passage aux 35 heures, l'Etat procède à un nouveau transfert de ressources fiscales vers le FOREC. Ce dernier devrait ainsi bénéficier en 2001 de 14,1 % du produit de la taxe sur les conventions d'assurance (pour 4 milliards de francs), de la taxe sur les véhicules de sociétés (4 milliards de francs), de droits sur les alcools (11 milliards au titre de 2000, 11,5 milliards au titre de 2001) et de 3,1 milliards supplémentaires du produit des droits sur les tabacs restant jusqu'à présent affecté à l'Etat.

Dans le cadre de la compensation de la ristourne consentie sur la CSG 28 ( * ) , l'Etat a procédé par ailleurs à d'autres transferts de ressources fiscales vers la sécurité sociale. La CNAMTS, la CNAF et le FSV se partageront 26,5 % du produit de la taxe sur les conventions d'assurance (pour un montant total de 7,5 milliards de francs).

L'article 24 du présent projet de loi de finances effectue, à nouveau, un prélèvement sur le produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) au profit du BAPSA pour un montant total de 1,35 milliard de francs. Quant à l'article 25, il allège les cotisations sociales agricoles et prévoit donc une baisse de 104 millions de francs de ressources pour le BAPSA. Enfin, l'article 23 du projet de loi de finances crée un compte d'affectation spéciale n° 902-33 " Fonds de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat ", destiné à accueillir le produit des licences UMTS. Les 130 milliards de francs de recettes attendues étant affectées à hauteur de 28 milliards de francs à la CADEP et pour le reliquat soit 102 milliards de francs, au FRR.

b) En matière de dépenses

S'agissant des dépenses, outre celles traditionnellement liées aux charges sociales de l'Etat employeur (265,4 milliards de francs en 2001), aux transferts de trésorerie liés à certaines politiques sociales de l'Etat (versements du RMI et de l'AAH), et les subventions budgétaires aux régimes sociaux (30 milliards de francs en 2001), les liens sont nombreux.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2001 prend acte de la prise en charge par l'Etat de la subvention versée auparavant par la CNAMTS au Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille (pour un montant en 2001 de 1,12 milliard de francs). De manière implicite, par son absence d'inscription dans le projet de loi de finances et sa prise en compte dans les comptes prévisionnels de la CNAF, le financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, conformément aux annonces du Premier ministre lors de la conférence sur la famille de juillet 1999, est pris en charge par la CNAF.

L'Etat transfère de nouvelles dépenses vers la CNAMTS dans l'article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec les frais liés aux appartements de coordination thérapeutique (74 millions de francs) et aux consultations en alcoologie des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (89 millions de francs) 29 ( * ) .

Par ailleurs, dans le cadre du règlement du litige entre l'Etat et l'AGIRC/ARRCO sur la prise en charge des cotisations versées aux régimes complémentaires au titre des périodes de chômage et de préretraites indemnisées par l'Etat, l'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que le FSV prendra à sa charge les montants correspondants à l'apurement de la dette de l'Etat (pour 2,85 milliards de francs) puis prendra à sa charge le coût réel des cotisations.

3. Les difficultés d'application

Outre les difficultés formelles d'articulation entre les deux textes, votre commission reste dubitative devant les engagements que prend l'Etat et dont il fait supporter le coût à des organismes publics situés hors du champ des lois de finances : il en est ainsi de la prise en charge par le FSV des cotisations retraites des chômeurs et préretraités indemnisés par l'Etat. Il ne s'agit pas d'en contester le principe mais la méthode : il est difficile de se rendre compte, à la seule lecture du budget, que l'Etat a souscrit un engagement supplémentaire qui se traduira par des charges publiques de près de 3 milliards de francs.

Il convient également de s'interroger sur le montant et l'affectation des sommes dont l'Etat va bénéficier en provenance de l'Unedic aux termes des accords en cours de conclusion.

A l'évidence le besoin de clarification et d'une démarche plus transparente s'impose. Chacun reconnaît aisément que les différences de nature et d'objet des deux textes rendent les choses délicates. Des efforts doivent être accomplis en ce domaine, en coordonnant mieux le travail gouvernemental de préparation, en informant mieux le Parlement, ou en intégrant, comme souhaite le faire votre commission, cet aspect dans la future réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

*

La situation d'ensemble n'est guère satisfaisante. Les lois de financement sont soit très lentement appliquées, soit vidées de leur sens par le gouvernement. Dans le même temps, la lecture croisée des deux textes financiers majeurs dont le Parlement a à connaître en souligne les incohérences et les imperfections.

L'outil des lois de financement représente une étape sur la voie de la clarification des liens entre l'Etat et la sécurité sociale, de la compréhension par les différents acteurs, de la responsabilisation du Parlement en matière sociale. Mais ce progrès se double encore de lourds dysfonctionnements.

III. LE CONTRASTE ENTRE LA GESTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LA POLITIQUE DE L'ETAT EN MATIÈRE DE FINANCES LOCALES

Les collectivités locales devraient encore dégager un excédent budgétaire en 2001, notamment grâce à leur politique de modération des dépenses de fonctionnement.

Ce résultat contraste avec les conséquences budgétaires de la politique de l'Etat consistant à remplacer certains impôts locaux par des dotations budgétaires, qui aboutit à augmenter significativement les dépenses de l'Etat sans pour autant ni accroître les ressources locales, ni réduire la pression fiscale.

A. LES COLLECTIVITÉS LOCALES DEVRAIENT ENCORE DÉGAGER UN EXCÉDENT BUDGÉTAIRE EN 2001

1. De bonnes performances unanimement saluées

Les bonnes performances des collectivités locales en matière de gestion financière depuis le début des années 90 (maîtrise des dépenses de fonctionnement et désendettement), réalisées dans un contexte de fort accroissement des charges, ont été " récompensées " en 1996 par l'apparition d'une capacité de financement des administrations publiques locales.

Cet excédent budgétaire, sans lequel la France n'aurait pas satisfait aux critères de convergence requis par le Traité de Maastricht pour participer à la monnaie unique, s'est confirmé en dépit du redémarrage de l'investissement local à partir de 1997.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 1999 relève que l'excédent des collectivités locales a enregistré une augmentation en volume, pour s'établir à 34,6 milliards de francs contre 27,2 milliards en 1998.

Au cours de son audition par la mission d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation, le 8 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a considéré que les collectivités locales constituaient un exemple pour l'Etat qui, pour sa part, " en est encore à réduire le déficit ".

Capacité ou besoin de financement des administrations publiques

(en milliards de francs et en % du PIB)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Etat

- 328,3

- 4,1

- 296

- 3,7

- 287,4

- 3,5

- 259,2

- 3

-220,4

- 2,5

- 2,3 ?

- 1,95 ?

ODAC

- 40,5

- 0,5

+ 2

+ 0

+ 58,3

+ 0,7

+ 8,7

+ 0,1

+ 14,3

+ 0,2

+ 0,15 ?

+ 0,15 ?

Administrations publiques locales

- 13,8

- 0,2

+ 4,8

+ 0,1

+ 22,7

+ 0,3

+ 28

+ 0,3

+ 34,7

+0,4

+ 0,35 ?

+ 0,35 ?

ASSO

- 52,4

- 0,7

- 40,7

- 0,5

- 40,6

- 0,5

- 9,7

- 0,1

+ 14,6

+ 0,2

+ 0,45 ?

+ 0,5 ?

Total APU (SEC 95)

- 434,9

- 5,5

- 330,1

- 4,2

- 247,1

-3

- 232,2

- 2,7

- 156,8

- 1,8

Source : Les finances des collectivités locales en 1999, Observatoire des finances locales, 1999. Rapport économique et financier (PLF 2000 et PLF 2001)

2. Une progression des recettes plus rapide que celle des dépenses

En 2000 et en 2001, l'excédent des collectivités locales serait attribué à la progression des recettes, plus rapide que celle des dépenses.

La progression des recettes est principalement liée au dynamisme des bases. S'agissant des " quatre taxes ", on constate, malgré la suppression d'une partie de l'assiette de la taxe professionnelle et la stabilité des taux, que le produit perçu augmente malgré tout légèrement (+ 1,4 % entre 1999 et 2000) 30 ( * ) . En ajoutant à ce produit perçu les compensations d'exonérations versées par l'Etat, les recettes des collectivités locales " liées " aux quatre taxes augmentent de 4,3 % entre 1999 et 2000.

Le dynamisme des bases concerne aussi les impôts indirects. Le Crédit local de France estime que, en 2000, le produit des droits de mutation perçus par les départements devrait progresser malgré la réduction de leur taux intervenue à compter du 15 septembre 1999 31 ( * ) .

S'agissant des dépenses , les collectivités locales doivent toujours faire face en 2000 à l'augmentation des dépenses de personnel liées à l'accord salarial du 10 février 1998. Les notes de conjoncture réalisées par la direction générale de la comptabilité publique 32 ( * ) indiquent que les dépenses de personnel des communes ont progressé de 5,4 % en 1999 et de 3,7 % au cours des cinq premier mois de 2000 (par rapport à la même période de 1999). Pour les cinq premiers mois de 2000, la progression des dépenses de personnel s'élève à 6,7 % pour les départements.

En réponse au questionnaire de votre commission relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2001, le ministère de l'économie et des finances estimait que la progression de la masse salariale devrait ralentir en 2001, " en raison du faible nombre d'embauches réalisées par les collectivités locales ".

Le Crédit local de France indique également que " les frais de personnel constituent le principal facteur de hausse des charges courantes, la maîtrise des autres postes contribue à modérer le rythme de progression des dépenses totales de fonctionnement ".

Les dépenses d'équipement augmentent quant à elles de manière très significative , de 7,1 % en 2000 selon le Crédit local de France, qui note que " l'accélération des dépenses d'investissement des collectivités locales pourrait être freinée par une insuffisance des moyens de production ".

Les notes de la direction générale de la comptabilité publique confirment la reprise de l'investissement en 2000, en soulignant notamment que, au cours des cinq premiers mois de l'année, l'investissement des communes a progressé de 24 % et que " les communes ont retrouvé le niveau de leurs investissements de 1994 " 33 ( * ) . Les communes tirent l'investissement local puisque le ministère des finances constate que, s'agissant des départements, ce sont surtout les subventions d'investissement versées aux communes qui progressent. Quant aux régions, leurs investissement sont en légère baisse pour les cinq premiers mois de 2000.

En 2001 , le ministère des finances considère que " la situation financière se stabiliserait grâce à la plus grande modération des dépenses (elles augmenteraient de 2,8 % en valeur). (...) Globalement toutefois, les recettes des administrations locales progresseraient au même rythme qu'en 1999, à 2,8 % ".

En 2000 et en 2001, les recettes comme les dépenses des collectivités locales devraient évoluer moins rapidement que le produit intérieur brut.

B. LA SUPPRESSION DES IMPÔTS LOCAUX ENTRAÎNE UNE RIGIDIFICATION DES DÉPENSES DE L'ETAT

1. D'importants transferts de charges vers le contribuable national, qui n'allègent pas la pression fiscale globale

Le gouvernement mène une politique de réduction du pouvoir fiscal des collectivités locales, par suppression totale ou partielle de certains impôts (taxe professionnelle, taxe d'habitation, vignette, droits de mutation des régions) ou par suppression de la possibilité pour les collectivités de voter les taux de certains impôts (droits de mutation des départements).

Cette politique ne se traduit pas par un allégement de la pression fiscale mais par un transfert de charge du contribuable local vers le contribuable national, puisque l'Etat verse aux collectivités des compensations budgétaires.

Le contribuable national n'est pas forcément conscient que l'augmentation des dépenses de l'Etat qui en résulte aurait pu se traduire par une baisse de ses impôts. Le contribuable local, en revanche, se satisfait de l'allégement de ses prélèvements.

Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances souligne que " les baisses d'impôts locaux décidées par le gouvernement 34 ( * ) leur sont compensées [aux collectivités locales] et pèsent sur le budget de l'Etat ". Le coût budgétaire de cette politique est en effet très élevé :

2. Une forte augmentation des dépenses de l'Etat qui n'a pas pour objet d'accroître les ressources des collectivités locales

Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit que l'Etat consacrera 92,2 milliards de francs à remplacer des ressources locales fiscales par des ressources budgétaires . Ce montant a triplé depuis 1998 : il s'élevait alors à 29,7 milliards de francs 35 ( * ) . Il augmente de 52 % entre 2000 et 2001, sous l'effet conjugué de la réforme de la taxe professionnelle et de la suppression de la vignette.

Evolution des compensations d'exonérations fiscales

(en milliards de francs)

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

2001/1998

Total, dont :

29,7

47,5

60,6

92,2

62,5

DCTP

17,3

13,8

11,8

11,5

- 5,8

Suppression de la part salariale de la taxe professionnelle

11,8

22,8

35,3

35,3

Diverses exonérations de fiscalité locale

11,9

11,9

12,5

12,7

0,8

Suppression de la vignette

12,5

Au terme de la réforme de la taxe professionnelle, lorsque l'Etat compensera la suppression de l'intégralité de la part " salaires " de l'assiette de cet impôt, le montant des compensations d'exonérations d'impôts locaux sera supérieur à celui de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Votre rapporteur général s'inquiète de cette progression rapide des dépenses de transfert de l'Etat, d'autant plus que les compensations d'exonérations fiscales sont des dépenses difficilement compressibles (même si le ministère des finances a su par le passé faire la preuve de sa grande imagination en ce domaine). Il considère que cette évolution ne va pas dans le sens d'une amélioration de son solde primaire.

Il relève par ailleurs que cet accroissement des dépenses de l'Etat ne se traduit pas par une augmentation des ressources des collectivités locales puisqu'il s'agit de remplacer une recette par une autre.

Il s'interroge enfin sur la logique d'une politique consistant à consacrer, depuis 1998, 87 % de l'augmentation des dépenses de l'Etat en faveur des collectivités locales (62,5 milliards de francs sur 71,8 milliards de francs 36 ( * ) ) à remplacer les anciennes ressources fiscales desdites collectivités par des concours budgétaires, tandis que seulement 13 % ont servi à augmenter le montant des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Utilisation de l'augmentation du montant des concours financiers versés par l'Etat aux collectivités locales entre 1998 et 2001

CHAPITRE IV :

AMÉLIORER LA PRÉSENTATION ET LE CONTENU DU BUDGET DE L'ÉTAT

Le niveau atteint par les prélèvements obligatoires, dans un climat marqué par la persistance d'interrogations quant au niveau réel de la croissance, et ce dans un contexte de progression en termes réels de la dépense publique et de réduction insuffisante du déficit budgétaire, impose de réorienter la politique des finances publiques menée par le gouvernement français.

Au-delà, sur le plan des méthodes budgétaires, les conclusions du rapport d'information de votre commission sur la transparence très relative des comptes de l'Etat 37 ( * ) ont, pour la première fois depuis 1958, démontré, preuve à l'appui, l'opacité sciemment construite et entretenue des mécanismes budgétaires. A l'évidence une profonde rénovation s'impose en ce domaine. Cette nécessaire mutation devra passer par la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, la " constitution financière " de notre pays, à laquelle votre commission des finances, sous l'autorité de son président Alain Lambert, a souhaité oeuvrer.

I. RÉFORMER LA " CONSTITUTION FINANCIÈRE " DE LA FRANCE

L'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances constitue la base du fonctionnement des finances publiques. Cadre strict limitant les pouvoirs du Parlement, celle-ci souffre d'un indéniable vieillissement conceptuel, ainsi que votre rapporteur général l'avait déjà souligné l'année dernière, rendant sa réforme indispensable.

Dans ce cadre deux dispositions doivent être selon votre rapporteur général au coeur de ladite réforme .

Il s'agit, d'une part, de bien distinguer les dépenses ordinaires des dépenses extraordinaires et d'affirmer avec force la règle d'or selon laquelle les ressources tirées de l'emprunt ne peuvent en aucun cas être affectées au financement des dépenses ordinaires. Une telle règle déjà appliquée par les collectivités locales et par nombre de nos principaux partenaires doit concerner également l'Etat.

Par ailleurs et dans le prolongement des observations déjà faites lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, il est impératif de prévoir un débat consolidé devant le Parlement portant sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des prélèvements au profit de l'Etat ou de ceux affectés aux régimes de sécurité sociale.

A. LA VOLONTÉ DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT DE MODIFIER L'ORDONNANCE DE 1959

1. Un travail entamé dès 1999 par son président

Au début de 1999, le bureau de la commission a mandaté son président M. Alain Lambert en vue de travailler à cette réforme, et de réunir les éléments nécessaires à cette ambition. Des observations précieuses ont été recueillies auprès de la Cour des comptes, des comparaisons internationales ont été effectuées et de nombreuses contributions écrites ont été produites au cours de cette étude.

La décision de s'inscrire dans la démarche proposée par le président de l'Assemblée nationale et son rapporteur général a été prise, ce qui impliquait de s'abstenir de déposer une proposition de loi concurrente. Votre commission a en effet souhaité faire état de sa réflexion et de ses propres propositions, en vue de se préparer en amont à la discussion de la proposition déposée par le rapporteur général du budget.

2. Concrétiser une volonté ancienne de réforme

L'histoire des propositions de réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances est aussi longue et abondante que stérile. L'une des plus ambitieuses et des plus complètes avait été rédigée en 1980 par M. Laurent Fabius, à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 1980. Elle avait essentiellement pour but d'affirmer davantage l'autorité du Parlement, les auteurs qualifiant l'ordonnance de " texte de conception technocratique et largement antiparlementaire " . Mais depuis vingt ans, le monde et les finances publiques ont changé, et ces vingt années ont sans doute également changé la vision des signataires de la proposition de loi, entre-temps confrontés aux difficultés de la gestion gouvernementale.

En effet, les finances publiques ont changé. Leur poids s'est considérablement accru, elles sont devenues plus complexes avec la montée en charge de la sécurité sociale et des collectivités locales. De même la compétition internationale s'est accentuée, l'Europe s'est intégrée, et l'avènement de l'euro n'est plus seulement un événement monétaire majeur, mais aussi un événement pour les finances publiques, dont témoigne le Pacte de stabilité et de croissance.

Un consensus s'est donc progressivement forgé quant à l'urgence d'une telle réforme d'autant plus que les travaux de votre commission des finances, dans le cadre de son enquête sur l'élaboration et l'exécution des lois de finances, ont démontré que, sous son aspect budgétaire, le mode de fonctionnement traditionnel de l'Etat n'était plus acceptable.

Dans ce contexte, la réforme de la constitution financière doit avoir deux objectifs. Le premier est de moderniser la gestion publique, en faisant des lois de finances des outils efficaces de décision et de pilotage du budget de l'Etat. Le second est de rééquilibrer les pouvoirs en matière de finances publiques, dans le strict respect de l'initiative gouvernementale et de l'interdiction pour le Parlement de dégrader le solde du budget de l'Etat.

B. LES OBJECTIFS DE LA COMMISSION DES FINANCES

L'ensemble de ces propositions figure dans le rapport d'information 38 ( * ) déposé par le président de la commission des finances.

1. Redonner sens aux lois de finances

a) Une budgétisation par objectifs

La volonté de restaurer le sens de l'autorisation parlementaire conduit à mettre en relation les moyens consentis à l'exécutif avec les objectifs poursuivis et les résultats obtenus par les différentes actions publiques. Cette " budgétisation par objectifs " implique la mise en oeuvre de programmes , qui deviendront l'unité de vote et d'exécution des crédits, et qui pourront être interministériels .

b) Une meilleure prise en compte de la dimension temporelle des finances publiques

La commission considère que la dimension pluriannuelle des finances publiques doit être mieux prise en compte, notamment en posant l'exigence d'une étude d'impact des mesures nouvelles et d'une revue des performances des administrations située dans la durée.

c) Une comptabilité au service de la bonne gestion de l'Etat

La comptabilité de l'Etat doit se rapprocher de la comptabilité générale, et, pour ce faire, instituer une comptabilité en droits constatés à côté de la comptabilité de caisse . La comptabilité de l'Etat doit appréhender l'ensemble des éléments financiers et patrimoniaux, et constituer un outil d'aide à la gestion et à la prise de décision. Cela implique en particulier une comptabilité consolidée des opérations des différentes administrations publiques. Enfin, les comptes de l'Etat doivent être soumis à une véritable certification par la Cour des comptes.

d) Restaurer l'universalité des lois de finances

Les nombreuses atteintes portées à l'universalité budgétaire, en raison de la multiplication des artifices destinés à amputer le budget de l'Etat d'une partie de sa substance doivent être dénoncées. Ainsi, les lois de finances doivent être les seules à pouvoir autoriser la perception de l'ensemble des impositions de toutes natures.

De plus, tous les fonds de concours doivent être évalués dans la loi de finances de l'année et le mécanisme des prélèvements sur recettes doit être consacré afin d'identifier les relations financières de l'Etat avec les autres administrations publiques.

2. Assurer un meilleur équilibre entre le Parlement et le gouvernement en matière de finances publiques

a) Desserrer quelques contraintes inutiles

Il en va ainsi de la nomenclature d'exécution du budget, qui, consacrant le chapitre budgétaire, est trop étroite. Il conviendra de globaliser davantage les crédits.

Il est également proposé d'assouplir la procédure de transformations d'emplois. Les cas d'annulations de crédits seraient accrus mais les annulations soumises à une information préalable des commissions des finances. Cette obligation s'imposerait par ailleurs à toutes les pratiques de régulation budgétaire qui ne prennent pas la forme d'annulations formelles (gel, contrats de gestion...).

S'agissant des modalités de financement des dépenses ordinaires votre rapporteur général estime nécessaire de rappeler qu'il lui apparaît indispensable d'interdire l'affectation de l'emprunt à ce type de dépenses. Il s'agit là indéniablement de l'un des points majeurs de la réforme de l'ordonnance organique qui doit être entreprise.

b) Eliminer plusieurs anomalies budgétaires

Dans le droit en vigueur, il est possible de se passer de l'autorisation parlementaire et de porter atteinte au caractère limitatif des crédits à travers la procédure des décrets d'avances. Ce dispositif qui donne lieu à des pratiques très contestables doit n'être conservé que pour les décrets d'avances justifiés par l'urgence, et des conditions strictes doivent être posées à leur utilisation.

Par ailleurs, les opérations de fin de gestion seront encadrées : les comptes d'imputation provisoire devront être régularisés avant la fin de l'exercice ; la période complémentaire , qui pourrait être supprimée , sera, si elle devait être maintenue, limitée dans son objet et dans le temps. En outre, les opérations réalisées entre le 1 er décembre et la fin de la période complémentaire devront faire l'objet d'un rapport justifiant de manière précise chacune d'entre elles.

c) Conforter le contrôle parlementaire

Le rééquilibrage des rapports entre les pouvoirs publics implique que la loi organique contienne les dispositions fondamentales relatives au contrôle des commissions des finances des deux assemblées. Les pouvoirs de contrôle des commissions des finances et de leurs membres seraient consacrés, et les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions de contrôle ou d'évaluation seraient reconnus . Il en va notamment ainsi du droit d'accès aux documents et en particulier, aux rapports des organismes chargés du contrôle de l'administration, du droit d'auditionner, du droit de saisir la Cour des Comptes d'une enquête et du droit de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière. Enfin, le gouvernement devra désormais répondre dans un délai raisonnable aux observations notifiées à la suite d'une mission de contrôle des commissions des finances.

d) Créer les conditions du débat

Concernant les modalités de discussion et de vote au Parlement, il est souhaitable que le débat d'orientation budgétaire soit reconnu , que des débats thématiques puissent concerner les prélèvements sur recettes désormais consacrés (prélèvement au profit du budget européen, mais aussi des collectivités locales et de la sécurité sociale), et que les irrecevabilités financières soient assouplies, dans le respect des dispositions de l'article 40 de la Constitution. S'agissant des conditions du débat parlementaire, votre rapporteur général estime indispensable l'établissement d'un débat consolidé portant sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, qu'ils soient affectés à l'Etat, à des établissements publics ou aux régimes de sécurité sociale.

II. BAISSER DURABLEMENT LE DÉFICIT ET LA DETTE DE L'ÉTAT

Pour votre commission des finances l'orthodoxie budgétaire consistant à réduire prioritairement le déficit budgétaire et à diminuer le poids de la dette publique n'est pas un dogme absolu s'imposant erga omnes . Elle estime cependant que la situation actuelle permet d'accroître l'effort de réduction du déficit afin de se rapprocher de la moyenne de nos principaux partenaires.

A ce titre, elle relève avec satisfaction que son analyse est reprise par le gouvernement qui déclare ainsi : " d'une façon générale, il faut avoir le courage de reconnaître nos retards : ils constituent un handicap mais ouvrent d'importantes opportunités de rattrapage. C'est vrai pour les nouvelles technologies. C'est vrai pour le poids de la dette qui tend à évincer des investissements privés ou publics susceptibles de relever notre potentiel de production. Une politique constante de réduction des déficits est donc nécessaire " 39 ( * ) . S'interrogeant sur les orientations à adopter en matière de politique de la dette, le gouvernement émet même deux sages recommandations : " Eviter une dérive auto-entretenue de l'endettement public ; réserver le financement par emprunt aux dépenses ayant le caractère d'investissement " 40 ( * ) .

La vertu budgétaire en paroles

Lors de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2001 (1) , notre collègue député Jean-Pierre Balligand, a émis de sages préconisations consistant à ne pas accroître les dépenses publiques, à réduire le niveau des déficits publics ainsi que celui des impôts :

" M. Jean-Pierre Balligand : Faut-il d'abord accroître la dépense publique ? (...) J'observe même qu'en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas ou en Irlande, on assiste à la fois à une baisse de la dépense publique et à une hausse du taux d'investissement public. Ainsi, pour être en cohérence avec ce qui se passe ailleurs en Europe, le choix raisonnable consiste à ne pas profiter de cette phase de croissance pour accroître les dépenses publiques. S'il ne faut donc pas augmenter la dépense publique, faut-il alors réduire le niveau des déficits publics ? Au moins deux cas peuvent justifier la réduction des déficits publics. Premier cas : la dette publique et le déficit public créent un effet d'éviction de l'investissement privé. Second cas : il faut réduire le déficit public pour être capable de le réaugmenter suffisamment ensuite en cas de récession.

Nous constatons en Europe la persistance de déficits publics, y compris dans un pays comme l'Espagne qui connaît un taux de croissance annuelle de l'ordre de 4 %. En même temps, le taux d'endettement public diminue lentement, sauf aux Pays-Bas et en Irlande. Enfin, la remontée des taux d'investissement privé est encore beaucoup trop récente et fébrile.

Dans ces conditions, il n'est pas illogique que la France accompagne le mouvement européen de réduction des déficits publics. D'ailleurs, pour l'ensemble de la zone euro, il n'est pas non plus illogique de réduire les déficits publics alors que la zone dégage un déficit de la balance courante. (...) Cela dit, à plus court terme, la réduction des déficits publics doit conduire aussi à la réduction des impôts.

Quel enseignement tirer de la concurrence fiscale européenne ? Si l'on se situait dans un cadre d'harmonisation fiscale européenne, on pourrait espérer que les décisions fiscales seraient prises de manière coopérative, de façon à éviter une concurrence fiscale excessive.

M. Michel Bouvard : Ce n'est, hélas, pas le cas !

M. Jean-Pierre Balligand : Chaque pays ne chercherait pas à attirer des entreprises et des facteurs mobiles de production. Dès lors, si la tendance en Europe est de baisser les taux d'imposition et si la priorité est la coopération fiscale, il n'est pas choquant de jouer la coopération plutôt que l'inverse. (...) Mon sentiment est que nous sommes dans une phase intermédiaire qui nous autorise la réduction des taux d'imposition, sans toutefois verser dans le jeu sans fin de la concurrence fiscale européenne. De ce point de vue, il est tout à fait salutaire de ramener nos taux d'imposition à des niveaux comparables à ceux de nos voisins et en même temps de relancer la coopération fiscale en Europe ".

(1) In JO Débats Assemblée nationale - 17 octobre 2000, page 6920.

Votre commission a cependant le sentiment que, en ce domaine comme dans d'autres, les faits tardent à rejoindre les intentions surtout lorsque celles-ci sont vertueuses.

A. LE JUGEMENT TRÈS CRITIQUE DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES SUR " L'EXCEPTION FRANÇAISE "

Qu'il s'agisse de la Commission européenne ou de la Banque centrale européenne (BCE), celles-ci critiquent la voie retenue par la France pour réduire son déficit public qui consiste à tirer profit d'une conjoncture favorable sans entamer les réformes de structure seules en mesure de réduire le poids des dépenses publiques et ainsi de diminuer durablement, tant le montant du déficit que l'encours de la dette.

1. Les conclusions du Conseil européen des 23-24 mars 2000 : assainissement, qualité et viabilité des finances publiques

Rappelant l'opportunité que constitue aujourd'hui pour les pays européens la croissance, le Conseil de Lisbonne de mars dernier a souhaité que se poursuive plus avant le mouvement d'assainissement des finances publiques.

A ce titre, il a préconisé que soient réorientées les dépenses publiques, réduite la pression fiscale qui pèse sur le travail et que soit mieux pris en compte le vieillissement des populations afin d'assurer la viabilité à long terme des finances publiques.

2. L'évaluation du programme de stabilité par la Commission européenne

Le 8 mars 2000, la Commission européenne se prononçait sur le programme pluriannuel 2001-2003 de la France et rappelait que la réduction du déficit public en 1999 tenait " exclusivement au dynamisme des recettes fiscales, en particulier celles provenant des impôts directs dans la mesure où les normes de progression de la dépense n'avaient pas été respectées ". Elle indiquait dans le cas " où la marge de manoeuvre budgétaire [serait] plus importante, .... [qu'] il conviendrait d'en profiter pour réduire le déficit public plus rapidement " . Par ailleurs, le 24 mai 2000, M. Pedro Solbes, lors de la remise du premier rapport sur les finances publiques de l'UEM, rappelait que " le défi à long terme consiste dans une réduction durable de la dette et de la pression fiscale ". Une telle voie permet en effet d'éviter une orientation budgétaire procyclique et de trouver un bon équilibre entre les réductions des déficits et les baisses d'impôts.

3. La Banque centrale européenne plaide pour l'assainissement budgétaire

Dans son bulletin de septembre 2000, la Banque centrale européenne se montrait critique quant aux politiques budgétaires suivies par les gouvernements de la zone euro, déplorant implicitement la voie suivie par la France : " Les gouvernements de la zone euro ont également un rôle important à jouer en s'employant à ne pas donner l'impression fausse que l'on pourrait, en assouplissant les politiques budgétaires, éviter les coûts liés à la hausse des cours du pétrole pesant sur l'économie dans son ensemble . De telles mesures ne seraient pas conformes à la nécessité d'obtenir des soldes budgétaires proches de l'équilibre ou en excédent, comme le stipule le Pacte de stabilité et de croissance. (...) Les réformes fiscales constituent une mesure souhaitable en vue de réduire les dysfonctionnements de l'économie et de produire des effets positifs sur l'offre, mais elles doivent être contrebalancées par une réduction des dépenses, afin d'empêcher un assouplissement pro-cyclique de la politique budgétaire, et par la poursuite du processus d'assainissement budgétaire ".

Le jugement du vice-président
de la Banque centrale européenne

Dans une interview accordée au journal " Les Echos " en date du 18 septembre 2000, M. Christian Noyer, vice-président de la Banque centrale européenne réitérait les critiques adressées, notamment à l'égard du gouvernement français.

" Question : L'Allemagne et la France, qui représentent ensemble environ la moitié du PIB de la zone euro, ont annoncé des plans fiscaux ambitieux. Estimez-vous qu'il s'agit de réformes structurelles ?

Réponse : Je ne me prononce pas sur un pays en particulier. Le fait est qu'on assiste à un mouvement d'allégements fiscaux dans toute l'Europe. Cela va dans le bon sens. Mais il s'agit là de la partie la plus facile des réformes structurelles. En outre, une réduction des prélèvements n'est une bonne chose que si elle s'accompagne d'une réduction des dépenses d'un même montant. Ce n'est pas le cas. Le rythme de désendettement des pays européens est inférieur à la croissance. Cela va à l'encontre des engagements pris par les gouvernements dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ".

De la même façon, évoquant les conséquences du renchérissement des prix de l'énergie la Banque centrale européenne indiquait dans son bulletin d'octobre 2000 que " les gouvernements doivent éviter de reproduire les erreurs du passé qui s'étaient traduites par l'assouplissement des politiques budgétaires afin de compenser les effets des hausses des prix de l'énergie ". A ce titre, elle réaffirmait la priorité qui doit être celle des politiques budgétaires suivies en Europe : " elles doivent également tenter d'atteindre, plus rapidement que programmé à ce jour, des positions budgétaires en équilibre ou en surplus conformes au Pacte de stabilité et de croissance ".

B. LES MISES EN GARDE INTERNATIONALES

1. La situation économique française jugée par le Fonds monétaire international

A l'occasion de sa mission de juillet 2000, le FMI a fait état des perspectives favorables de croissance en France ainsi que de la baisse du chômage et de la solidité de la demande intérieure. Il a cependant souhaité que soient définis " des principes clairs concernant l'utilisation des plus-values fiscales " estimant souhaitable que l'objectif de retour à l'équilibre des comptes publics prévu pour 2004, soit atteint dès 2002. Au total, la réduction du déficit doit être, selon le FMI, privilégiée par rapport à la baisse des impôts dont il souhaite qu'elle contribue plus au développement de l'offre qu'elle ne le fait actuellement. Il estime ainsi que le niveau du déficit structurel devrait se détériorer légèrement en 2001, et que l'objectif affiché pour 2003 (- 0,8 point de PIB de solde structurel) est insuffisant au regard des performances de nos partenaires : à cette date en effet, les deux-tiers des pays de la zone euro devraient se situer en équilibre ou en excédent structurels.

2. Les perspectives économiques de l'OCDE

Relevant le caractère " encourageant " des perspectives de croissance et d'emploi à court terme dans la zone euro, l'OCDE lors de la publication de ses perspectives économiques en juin 2000 estime que " toute détente importante de la politique budgétaire serait inappropriée à ce stade du cycle ". Faisant implicitement référence à la situation française, l'OCDE rappelle en effet qu' : " il faudrait donc que dans la plupart des pays les allégements d'impôt s'accompagnent de réductions parallèles des dépenses et que les suppléments de recettes par rapport aux prévisions soient utilisés afin de réduire l'endettement. Les conditions économiques favorables offrent également la possibilité de mettre en oeuvre et/ou d'accélérer de vastes réformes structurelles des marchés et des produits. La poursuite d'avancées sensibles dans le domaine structurel aiderait les économies à s'adapter au potentiel offert par les nouvelles technologies et à l'exploiter pleinement ".

La poursuite de la consolidation budgétaire en France reste nécessaire selon l'OCDE

Dans sa monographie de juillet 2000, consacrée à la France, l'OCDE évoque les questions de politique budgétaire en des termes sévères : " toutefois, la poursuite de la consolidation budgétaire reste nécessaire. Les pouvoirs publics ont en effet choisi une approche graduelle pour le redressement des finances publiques, à mi-chemin entre le soutien à l'activité et le rétablissement de l'équilibre financier. Contrairement à la plupart des autres pays de l'OCDE, la France n'a donc pas encore tout à fait ramené son budget dans une zone de sécurité où il serait à l'abri d'un fléchissement de l'activité . Dans ces conditions, un retournement conjoncturel sévère pourrait ramener le déficit au-delà de la limite de 3 pour cent du PIB imposée par le traité d'Amsterdam. La situation est fragile notamment parce que la dette publique s'est accrue de 20 points de PIB en 10 ans et atteint maintenant 59 pour cent du PIB .

Un allégement de certains prélèvements obligatoires a été engagé afin de stimuler le potentiel de production. Mais, des problèmes budgétaires structurels n'ayant pas pu être abordés pendant la période de crise restent en suspens. Comparée aux autres pays de l'OCDE, la France consacre encore une partie importante de ses ressources aux dépenses publiques de fonctionnement . Les retraites risquent de ne pas être financées à long terme sans une profonde réforme. Enfin, des progrès restent à accomplir pour améliorer la transparence des pratiques budgétaires ".

L'OCDE estime par ailleurs que des objectifs plus ambitieux pourraient être, à la fois souhaitables et atteignables, estimant que les objectifs du programme doivent être " considérés comme des minima à atteindre et non pas comme des objectifs optimaux. La poursuite d'un effort de consolidation budgétaire à moyen terme est nécessaire pour atteindre la zone de réussite au delà de laquelle les finances publiques seraient à l'abri d'un retournement conjoncturel et ne risqueraient plus d'entrer en contradiction avec les limites fixées par le Pacte de stabilité et de croissance ".

Pour l'OCDE, le déficit structurel doit être inférieur à un point de PIB contre un niveau estimé à 1,5 point de PIB pour la France en 1999. Elle pense " qu'il est possible d'atteindre la zone de sécurité en 2001 en continuant un effort de consolidation similaire à celui effectué en moyenne annuelle entre 1995 et 1999 (...) Dans un tel contexte, la consolidation budgétaire et la réduction des prélèvements appellent la poursuite et l'amplification des efforts de maîtrise de la dépense publique ".

C. LES CRITIQUES DE LA BANQUE DE FRANCE

En juin 2000, lors de la transmission au Président du Sénat du rapport de la Banque de France portant sur la politique monétaire et ses perspectives, son gouverneur, M. Jean-Claude Trichet avait estimé que " si une politique monétaire saine est une condition nécessaire du succès économique, elle n'est pas une condition suffisante pour garantir à elle seule croissance et création d'emplois ".

Il précisait ainsi qu'il fallait " une politique budgétaire saine visant à la maîtrise de la dépense publique et à la réduction durable du déficit " et faisait deux observations : " Rappelons que le Conseil de la politique monétaire recommande, au titre d'une indispensable première étape, le passage aussi rapide que possible de nos dépenses publiques au-dessous du seuil de 50 % du PIB (52,4 % en 1999). Rappelons également que le Pacte de stabilité et de croissance recommande, dans la période présente, que les finances publiques soient " proches de l'équilibre ou en excédent ". Ce n'est pas encore le cas en France. Ce sera probablement le cas dans au moins quatre pays membres de la zone euro et, au total, dans au moins sept pays membres de l'Union européenne, à la fin de l'année 2000 ".

L'orientation des finances publiques jugée pro-cyclique
par la Banque de France

La Banque de France (1) s'est livrée à une analyse approfondie de la politique des finances publiques suivie par la France, notamment dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques 2000-2003. Ses conclusions sont pour le moins critiques : elle estime que " la consolidation budgétaire marque le pas " et déplore " son insuffisante orientation contracyclique dans les périodes de forte croissance, ce qui nuit à la solidité de long terme de la situation budgétaire ".

" Sur les vingt dernières années, il ressort de l'analyse des composantes du PIB qui sont déterminées par les finances publiques (consommation et investissement des administrations publiques) que l'orientation des finances publiques en France présente un caractère asymétrique : elle est plutôt contracyclique dans les périodes de croissance faible et parfois pro-cyclique dans les périodes où l'activité progresse à un rythme élevé.

Un tel schéma, s'il devait être durablement maintenu, nuirait à l'équilibre de long terme des finances publiques, puisque les périodes de forte croissance ne seraient pas mises à profit pour restaurer de manière structurelle les comptes publics. Cette configuration des finances publiques pèserait également sur la capacité de la politique budgétaire à atténuer l'impact des retournements conjoncturels sur le niveau d'activité et d'emploi. Or, le bon fonctionnement du Pacte de stabilité et de croissance implique une orientation clairement contracyclique des politiques budgétaires nationales, dans la mesure où il leur revient d'accommoder les éventuels chocs asymétriques, tout en respectant l'objectif d'équilibre de la situation budgétaire sur l'ensemble du cycle. Pourtant, la politique budgétaire française semble actuellement pouvoir être davantage qualifiée de pro-cyclique, avec une réduction substantielle de la pression fiscale intervenant dans un contexte de hausse déjà conséquente du revenu des ménages.

Dans la plupart des cas, ce relâchement devrait prendre la forme d'une réduction substantielle de la pression fiscale, qui ne sera pas compensée par une baisse structurelle des dépenses publiques, mais proviendrait d'une utilisation du surcroît de recettes engendré par une croissance souvent plus forte que prévue. Dans le cas de la France, cette orientation apparaîtrait clairement dès cette année, puisque les ressources nées de l'amélioration des recettes fiscales sont essentiellement affectées à des réductions d'impôt, qui vont intervenir, alors même que le revenu des ménages, sous l'effet de l'amélioration marquée de la situation de l'emploi, progresse déjà spontanément de manière substantielle. Il s'agit donc là d'une orientation clairement pro-cyclique des finances publiques ".

(1) In Bulletin de la Banque de France n° 80 - août 2000, pages 65 à 81.

D. AVOIR UN " POLICY-MIX " PLUS EFFICACE

A l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, votre commission des finances avait demandé au Centre d'observation économique (COE) de simuler une diminution des prélèvements obligatoires de 2,9 points de PIB assortie d'un retour à l'équilibre des comptes publics à l'horizon 2003 41 ( * ) . Il serait pour cela nécessaire de réduire les dépenses publiques de 3,8 % en quatre ans, soit une baisse annuelle de 0,95 % en volume.

Les principaux résultats de cette étude montrent, s'agissant de la réduction des prélèvements obligatoires, que les voies les plus favorables à la croissance et à l'emploi consistent à réduire le poids de l'impôt sur le revenu et à baisser les cotisations sociales et que celles-ci peuvent être combinées avec l'objectif de retour à l'équilibre des comptes publics. Il est en effet possible d'assurer une politique budgétaire rigoureuse et une réduction des prélèvements obligatoires, sans pénaliser la croissance à moyen terme .

Un tel " policy-mix " serait particulièrement adapté à la conjoncture actuelle puisqu'il ne pénaliserait pas la croissance à moyen terme, permettrait un redressement volontariste des comptes publics, stimulerait la dynamique de l'offre et serait anti-inflationniste, contribuant ainsi à maintenir les conditions d'une politique monétaire favorable à l'activité.

E. QUELLE AFFECTATION POUR LE PRODUIT DES LICENCES UMTS ?

Le traitement comptable des recettes liées à l'octroi des licences UMTS

Les recettes liées à l'octroi de licences UMTS (au total 130 milliards de francs) ont un impact notable sur les finances publiques. En comptabilité budgétaire, la moitié des recettes est concentrée sur les années 2001-2002. Pour plus de la moitié, les recettes devraient être dirigées vers le Fonds de réserve des retraites, le reste servant à désendetter l'Etat. En comptabilité nationale (au sens des critères de Maastricht), l'opération d'attribution des licences est traitée comme la vente d'un actif non financier (la licence) et enregistrée au moment de son attribution (en l'occurrence en 2001). Les recettes de la vente ont dès lors un impact massif mais temporaire sur le besoin de financement des administrations publiques.

Toutefois lorsque, comme dans le cas français, les paiements sont étalés dans le temps, tout se passe comme si une opération de crédit était accordée par l'Etat aux opérateurs, le crédit initial correspondant à la valeur actualisée de la licence en 2001 (130 milliards en francs courants). Ainsi, en comptabilité nationale, outre le montant de la vente en 2001, 1,1 point de PIB, les recettes non financières des administrations publiques comprennent également la partie des versements des opérateurs sur la période 2002-2016 qui s'apparentent à des charges d'intérêts. Des recettes non financières en comptabilité nationale seront donc comptabilisées sur la période 2002-2016, mais elles seront sans commune mesure avec celle qui sera enregistrée en 2001.

Au total, les recettes non financières des administrations publiques correspondent bien en comptabilité nationale à 130 milliards de francs sur la période 2001-2016.

Source : rapport économique, social et financier - PLF 2001

1. Des sommes considérables en jeu

Le montant total du produit des redevances UMTS s'élève en francs courants à 130 milliards de francs, soit 1,1 point de PIB.

Ainsi, en intégrant ce produit qui, selon la comptabilité nationale sera réalisé en 2001 pour l'essentiel, le solde des administrations publiques passerait d'un déficit d'un point de PIB en 2001 à un excédent de 0,1 point. Par ailleurs, la répartition proposée par le gouvernement consiste à affecter en deux années (2001 et 2002) 28 milliards de francs à la réduction de la dette de l'Etat. A l'issue de cette période, non seulement la dette de l'Etat dans le PIB sera mécaniquement réduite de près de 0,3 point, mais la charge nette supportée chaque année par le budget de l'Etat sera minorée d'environ 1.600 millions de francs, pour un coût apparent de la dette chiffré à 5,8 % par le gouvernement. Il y aura donc un double dividende pour l'Etat, que ce soit au titre de la moindre progression du stock de la dette et de la baisse de son poids dans le PIB, ou au titre de la réduction du coût annuel des charges d'intérêt supportées par le budget.

2. Une affectation directe et exclusive au désendettement de l'Etat

Le produit des redevances UMTS qui sera versé au compte d'affectation spéciale n° 902-33 " Fonds de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat " s'élève à 130 milliards de francs sur 15 ans. Ces sommes seront affectées à hauteur de 28 milliards de francs, soit 21,5 % du total, à la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP) et pour le reliquat, soit 102 milliards de francs (78,4 % du total), au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), conformément à l'échéancier ci-dessous.

Année de paiement des

Montant des redevances versées (en millions de francs)

redevances

CADEP

FRR

Total

Cumul général

2001

14.000

18.496

32.496

32.496

2002

14.000

18.496

32.496

64.992

2003 à 2016

-

4.644

4.644

130.008

Total

28.000

102.008

130.008

130.008

La moitié des versements sera donc concentrée sur les deux premiers exercices et répartis sur la période 2001-2002 à hauteur de 56,9 % au profit du FRR et de 43,1 % à la CADEP. A compter de 2003 et jusqu'en 2016, les versements annuels représenteront 4,6 milliards de francs et bénéficieront intégralement au FRR.

Evolution du produit des versements UMTS
(en millions de francs)

Votre commission estime nécessaire que l'intégralité de ces sommes soit consacrée à la réduction du poids de la dette de l'Etat : le produit de la cession des licences UMTS doit être versé à la CADEP en totalité et cela d'autant plus que le mode de gestion et de fonctionnement du Fonds de réserve pour les retraites n'est toujours pas défini de façon claire 42 ( * ) .

A la recherche du fonds de réserve pour les retraites et de son financement

Un fonds toujours virtuel

Créé par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve pour les retraites (FRR) avait comme objectif de consolider l'avenir des régimes de répartition. Il prenait alors la forme d'une seconde section au sein du Fonds de solidarité vieillesse.

Le décret n° 99-898 du 22 octobre 1999, pris plus de dix mois après la création du fonds, lui a donné une première existence formelle en fixant quelques principes transitoires de gestion : le fonds de réserve fait l'objet d'une gestion budgétaire comparable à celle des autres opérations du FSV. La trésorerie se trouve dans un compte distinct ouvert auprès du Trésor public et placée en titres du marché monétaire et obligations de moins de deux ans. Le fonds de réserve possède ainsi un budget, sous la forme d'un budget annexe au FSV, d'un bilan et d'un compte de résultat. Le conseil de surveillance du FSV a été ouvert aux partenaires sociaux pour tenir compte de la création du fonds de réserve. Depuis lors, rien n'a changé.

Le premier débat à trancher est celui de l'objectif précis qui est assigné au fonds : s'agit-il d'aider simplement les caisses de retraite par répartition à passer le moment difficile de l'arrivée de l'âge de la retraite des classes d'âge correspondant au baby-boom par un complément de ressources ou bien d'apporter durablement un complément de ressources à ces régimes ? Les deux solutions ne sont pas incompatibles mais emportent des choix stratégiques différents. Il semble ainsi acquis que le fonds de réserve aura une fonction de lissage, c'est-à-dire qu'il lui reviendra de lisser sur une assez longue période les hausses de cotisations rendues nécessaires et, ainsi éviter de surtaxer les actifs au moment où des générations nombreuses arrivent à l'âge de la retraite. Dans ce cas, le fonds est destiné à être alimenté par une accumulation d'épargne, puis à être complètement dépensé. Ce lissage permet d'établir un calendrier prévisionnel des hausses de cotisations, d'en atténuer le niveau et de répartir de manière plus harmonieuse la charge supplémentaire : les actifs d'aujourd'hui comme ceux de demain se partagent ainsi le fardeau. La question suivante sera de savoir si le fonds doit survivre au passage des classes d'âge nombreuses. En ce cas, les produits du fonds servent de troisième cotisant comme le fait le Canada qui cherche à constituer un fonds à même de prendre en charge le quart des charges de pension. De ces choix découlent plusieurs données indispensables à connaître : quelle durée de période de lissage ? quels modes de financement ? quel niveau de réserve souhaité en fin de période ?

Différents scenarii techniques montrent l'importance financière des ces éléments 43 ( * ) : la période d'accumulation peut être inférieure à celle d'utilisation des ressources accumulées ; plus l'abondement est régulier, moins les cotisations futures auront besoin d'être relevées ; un point de rendement financier pour le fonds fait gagner un an sans hausse de cotisations pour les actifs ; plus la période de lissage est longue, plus celle d'accumulation augmente mais aussi plus l'amplitude des hausses de cotisations se réduit.

Ces études montrent aussi l'importance du schéma de gestion retenu. Il faudra mettre en place un cadre certes sécurisé et contrôlé mais surtout géré par de vrais professionnels du long terme. Cela ne souffre pas l'improvisation et l'architecture provisoire est loin du compte en cette matière. Il semble désormais urgent de sortir le fonds de réserve du FSV et de le doter d'une architecture de gestion adaptée à sa tâche particulière.

Ainsi, les tâches de contrôle et de gestion devront être strictement séparées, la gestion devant être déléguée à un ou plusieurs professionnels, avec des règles précises sur la nature des actifs, leur dispersion, leur maturité, mais aussi des contraintes fortes de reporting et de contrôle. Le fonds pourra s'adjoindre une structure d'étude et d'évaluation, chargée notamment d'actualiser des scenarii actuariels et d'établir des comparaisons, le tout dans la plus grande transparence. Le fonds devrait être doté d'une très grande indépendance et rendre compte au Parlement de sa gestion.

Des ressources largement insuffisantes

Les ressources du fonds de réserve pour les retraites sont énumérées par l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. Elles comprendraient, selon les dispositions en cours de discussion (projets de loi de financement de la sécurité sociale, de loi de finances et de loi relatif à l'épargne salariale) : une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) ; tout ou partie du résultat excédentaire de la première section du FSV ; les excédents de la CNAVTS ; une partie du produit de la cession des licences UMTS ; le produit des fonds en déshérence de l'épargne salariale après la prescription trentenaire ; le produit de la cotisation de 8,2 % applicable aux abondements d'un plan partenarial d'épargne salariale volontaire supérieurs à 15.000 francs ; le produit de ses placements ; la moitié du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine ; et toute autre ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives.

Au total, le fonds devrait détenir environ 55 milliards de francs à la fin de 2001.

Cependant, l'abondement du fonds se fait en contradiction avec ce que prévoit le code de la sécurité sociale et ce qu'avait annoncé le gouvernement. Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ponctionne le FSV pour financer les 35 heures ce qui fait perdre plus de 10 milliards de francs de recettes en 2001 au fonds de réserve. De même, le gouvernement préférera affecter le solde de la C3S au budget annexe des prestations sociales agricoles plutôt que de l'affecter au fonds de réserve comme prévu. Le Premier ministre avait quant à lui prévu un abondement à hauteur de 1.000 milliards de francs en 2020, dont 400 milliards de francs en provenance du FSV et de la C3S, au titre desquels il n'a eu jusqu'à présent que 2 milliards de francs.

Au total, alors que les exemples étrangers et les études montrent que la réussite d'un fonds de réserve dépend de sa clarté et de la parfaite lisibilité de chacun de ces critères (mode de financement pérenne et connu, horizon déterminé longtemps à l'avance, rythme de hausse des cotisations, réformes sur les régimes par répartition, modes de gestion, modes de contrôles, etc.), le fonds de réserve français en est complètement démuni.

Plus de deux ans après la création du fonds, et huit mois après les déclarations du gouvernement, le fonds de réserve, de toute évidence, piétine. On peut donc se demander si, à l'image de la politique du gouvernement en matière de vieillesse et de retraite, le fonds de réserve existe vraiment.

III. POUR UNE AUTRE POLITIQUE FISCALE

La baisse du niveau des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire des impositions de toute nature pesant sur les Français, est non seulement souhaitable mais également possible à l'instar du programme volontariste de baisse de la pression fiscale mis en oeuvre en Allemagne par le gouvernement social-démocrate du chancelier Schroëder.

A. LES PRÉCONISATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

1. Libérer l'initiative et l'emploi

La commission des finances du Sénat souhaite un véritable programme fiscal, de caractère pluriannuel, seul en mesure de libérer véritablement l'initiative et l'emploi.

A ce titre, le 14 mars 2000, votre président et votre rapporteur général avaient rappelé leurs priorités : " plus loin, plus vite, plus fort ".

Il s'agit d'une part, de corriger les hausses d'impôts décidées depuis 1997 et d'autre part, d'entamer une réforme structurelle de notre système de prélèvements obligatoires.

S'agissant des ajustements à réaliser, il est indispensable de lutter contre toutes les formes de prélèvements rampants ou de doubles impositions qui, de façon insidieuse, accroissent la charge fiscale pesant sur les Français. Votre commission vous avait fait à ce titre, lors de la discussion du projet de loi de finances 2000, un certain nombre de propositions en ce sens que malheureusement, ni le gouvernement ni l'Assemblée nationale n'avaient cru devoir retenir.

En outre, dans une économie ouverte et de plus en plus mondialisée, mettre fin à l'alourdissement continuel depuis 1997 de la pression fiscale est une priorité pour nos entreprises : ce sont elles qui tirent la croissance et qui assurent l'embellie conjoncturelle actuelle. La suppression des mécanismes de double imposition, et du mode de financement des 35 heures (par la contribution sociale sur les bénéfices et la taxe générale sur les activités polluantes) permettraient, par exemple, de restaurer la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs partenaires.

Une illustration de ses orientations peut être donnée avec la fiscalité écologique.

2001 : an III de la fiscalité écologique ?

L'année 2001 constitue en principe, dans le calendrier du gouvernement, " l'an III de la fiscalité écologique ". Or force est de constater que les réalisations du gouvernement en matière de fiscalité écologique pour 2001 sont moins que glorieuses.

En matière de fiscalité pétrolière tout d'abord, le gouvernement a donné un net coup de volant, guidé par des considérations électoralistes, pour revenir sur ses ambitieux projets.

En effet, la loi de finances pour 1999 avait prévu un rattrapage progressif de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb afin de l'aligner sur la moyenne européenne et d'enrayer le mouvement de " diésélisation " du parc automobile français (les véhicules diesel comptent pour 40 % de la circulation et représentent 46 % des véhicules légers). En effet, il semblait légitime de mettre fin à un système qui avantageait le diesel (la TIPP perçue par kilomètre était environ deux fois plus faible pour une voiture diesel que pour une voiture roulant à l'essence) alors que le coût social du gazole est légèrement supérieur à celui de l'essence sans plomb. Votre commission avait même proposé d'accélérer ce rattrapage. Or le gouvernement propose pour 2001 un moratoire, " une pause " dans ce rattrapage de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb .

Il convient également de noter que les dispositifs en faveur des patrons routiers se sont multipliés, nous éloignant encore plus de l'objectif de rééquilibrage de la fiscalité en faveur de carburants, et d'une façon générale, de modes de transports, moins polluants.

La neutralisation par la baisse de la TIPP de la hausse des recettes de TVA induites par la hausse des prix du baril de pétrole n'est pas non plus, loin s'en faut, une mesure courageuse qui ferait prendre conscience aux automobilistes du coût écologique de leurs déplacements. Elle aboutit à rendre presque nulle l'élasticité prix de la consommation de carburants (le prix de l'essence, son rôle de frein à l'augmentation des volumes consommés) et entraîne une redistribution des coûts de hausse du baril entre l'Etat et les consommateurs, au profit exclusif des producteurs et distributeurs de pétrole. Est-ce ainsi, au-delà des grands programmes et des effets d'annonce, que l'on compte maîtriser la consommation d'énergie des Français ?

A cela, il convient d'ajouter la décision de supprimer la vignette : la suppression de cet impôt pesant sur l'automobile doit s'analyser aussi comme une mesure anti-écologique puisqu'il aboutit à rendre moins coûteux les déplacements en automobile.

S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) , créée dans la loi de finances pour 1999 et qui ne cesse de s'enrichir de nouvelles assiettes, votre commission s'interroge sur la finalité de cette taxation. Il lui semble en effet clair que l'affectation de ces taxes à des dépenses pérennes considérables (financement des 35 heures) transforme leur nature : l'objectif environnemental passe au second plan et l'objectif de rendement fiscal devient prioritaire.

La création de l'éco-taxe , taxation des consommations intermédiaires d'énergie, dans le prochain collectif budgétaire, devra donc permettre au gouvernement de " boucler " le financement des 35 heures en 2001, soit 85 milliards de francs, en apportant quelques 3,8 milliards de francs supplémentaires.

On est loin, dans ce schéma, d'une fiscalité écologique, qui à défaut de " rapporter ", doit au contraire viser à éteindre une pollution et donc voir son produit s'épuiser et devenir nul.

Bien évidemment, le programme fiscal de la commission des finances du Sénat, de caractère pluriannuel, s'accompagne d'un discours de responsabilité sur la dépense publique.

2. Les simulations du COE sur un retour à l'équilibre des comptes publics

La commission des finances du Sénat avait demandé au Centre d'observation économique (COE) de simuler une diminution des prélèvements obligatoires de 2,9 points de PIB à l'horizon 2003, assortie d'un retour à l'équilibre des comptes publics à cette même date 44 ( * ) .

A ce titre, elle a demandé au COE de simuler trois modalités de baisse des prélèvements obligatoires :

- une baisse de 1 point de TVA accompagnée d'une baisse de l'impôt sur le revenu de 8 % environ ;

- une baisse de l'impôt sur le revenu de 8 % associée à une baisse des cotisations sociales employeurs de l'ordre de 40 milliards de francs ;

- une baisse de 1,5 point de TVA combinée à une réduction de l'impôt sur les bénéfices de 5 %.

Le COE a, dans un premier temps, simulé l'impact des trois modalités de réduction des prélèvements obligatoires sans économie sur les dépenses publiques, afin d'apprécier l'effet " pur " sur la croissance des réductions de prélèvements à hauteur de 2,9 points de PIB en 4 ans.

Or il ressort de cette étude que l'impact favorable sur la croissance de la combinaison " baisse de l'impôt sur le revenu + baisse des cotisations sociales employeurs " apparaît nettement supérieur à celui des deux autres combinaisons.

Réduction du taux de prélèvements obligatoires de 2,8 points en 4 ans

(objectif : 42,4 % du PIB en 2003)

Ecarts variantiels (en %) sauf (1) et (2)

Baisses* de la TVA et de l'impôt sur le revenu

Baisses* de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales employeurs

Baisses* de la TVA et de l'impôt sur les sociétés

1 ère année

4 ème année

1ère année

4ème année

1ère année

4ème année

PIB

0,2

1,6

0,3

3,0

0,2

1,3

Consommation

0,3

3,3

0,4

2,5

0,1

2,2

Investissement privé

0,5

2,7

0,7

4,4

0,4

2,4

Prix à la consommation

- 0,5

- 2,7

- 0,4

- 8,6

- 0,7

- 4,3

Taux de chômage (1)

- 0,1

- 0,5

- 0,3

- 2,4

0

- 0,5

Solde public (2)

- 0,6

- 2,3

- 0,6

- 2

- 0,6

- 2,5

(1) Ecarts en points.

(2) Ecarts en points de PIB

Source : COE avec le modèle multinational OEF

* Les pondérations appliquées correspondent à l'importance respective des différents impôts dans le total.

Ce scénario se traduit en effet par une augmentation du PIB de 0,3 point la première année et de 3 points la quatrième année (soit 0,75 point de croissance supplémentaire chaque année, contre 0,4 point dans les deux autres scénarios). De surcroît, le taux de chômage est plus bas de 2,4 points au bout de 4 ans (contre - 0,5 point dans les autres scénarios).

Dans un second temps, le COE a simulé une réduction équivalente de prélèvements obligatoires gagée par une baisse des dépenses publiques sans dégradation du solde public. La combinaison " baisse de l'impôt sur le revenu + baisse des cotisations sociales employeurs " est encore la plus favorable.

Baisse des prélèvements obligatoires (- 2,8 points in fine )

financée par une baisse des dépenses publiques sans détérioration du solde public

Ecarts variantiels (en %) sauf (1) et (2)

Scénario I

Baisse de l'impôt sur le revenu et de la TVA

Scénario II

Baisses* de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales employeurs

Scénario III

Baisses* de la TVA et de l'impôt sur les sociétés

1 ère année

4 ème année

1ère année

4ème année

1ère année

4ème année

PIB

- 0,3

0

- 0,2

1,7

- 0,4

- 0,4

Consommation

0,3

2,6

0,3

1,8

0,1

1,5

Investissement privé

- 0,6

0,2

- 0,4

2,4

- 0,8

- 0,3

Prix à la consommation

- 0,6

- 3,9

- 0,5

- 9,7

- 0,8

- 5,7

Taux de chômage (1)

0,1

- 0,1

- 0,2

- 2,2

0,1

- 0,1

Solde public (2)

0

0

0

0

0

0

(1) Ecarts en points.

(2) Ecarts en points de PIB

Source : COE avec le modèle multinational OEF

Dans ce scénario, le PIB se contracte légèrement en début de période mais augmente sensiblement au bout de 4 ans (+ 1,7 point contre une stabilité ou une légère baisse dans les deux autres scénarios). Surtout, le taux de chômage se réduit de 2,2 points au bout de 4 ans, alors qu'il ne baisse que de 0,1 point dans les autres scénarios.

Deux conclusions peuvent être tirées de ces résultats :

- une réduction des prélèvements obligatoires est extrêmement favorable en termes de croissance et d'emploi dès lors qu'on y intègre une baisse des cotisations sociales employeurs. Celle-ci a en effet un impact direct sur l'emploi et le chômage (grâce à une diminution du coût du travail), un impact désinflationniste qui permet d'améliorer la compétitivité et un effet accélérateur sur l'investissement des entreprises ;

- la simulation du COE montre clairement qu'il est possible de conduire une baisse des prélèvements obligatoires financée par une baisse des dépenses publiques sans détérioration du solde public, tout en favorisant la croissance et l'emploi.

3. Préserver la CSG et aider les familles grâce à  la mise en place d'un crédit d'impôt en faveur des revenus d'activité

a) La ristourne de CSG-CRDS annoncée par le gouvernement

Dans le cadre de son plan d'allégement des prélèvements, le gouvernement a prévu, dans l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une réforme de la CSG et de la CRDS qui reviendrait à en exonérer complètement les revenus égaux au SMIC à partir de 2003, et à alléger la charge jusqu'à 1,4 SMIC, pour un coût total de plus de 28 milliards de francs en année pleine. Le gouvernement a prévu de mettre en place cette réforme de manière progressive, avec un allégement d'un tiers en 2001 et des deux tiers en 2002.

Cette réforme entend selon le gouvernement réduire l'écart entre les revenus tirés de l'inactivité et ceux de l'activité pour favoriser le retour à l'emploi . A cet objectif que partage votre rapporteur général s'en ajoutent deux autres plus contestables. Le premier est de rendre progressives la CSG et la CRDS. Le second est de trouver un moyen d'augmenter le salaire net bloqué en raison du passage aux 35 heures.

Cependant, cette réforme encourt de nombreux reproches. Elle est d'abord complexe par son dispositif même qui la rend difficilement compréhensible pour les citoyens , mais aussi par les transferts de recettes qu'elle implique entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale bénéficiaires de la CSG (la CNAMTS, la CNAF et le FSV). Elle risque également d'enfermer ceux qui en bénéficieraient dans une trappe à bas salaire en les concentrant dans des rémunérations proches du SMIC sans intérêt financier pour eux à s'en éloigner.

Par ailleurs, la mesure risque de susciter de nombreuses injustices, en ce sens où elle est construite sur le revenu cédulaire et non sur le revenu total d'activité des ménages. Il en résulte des biais lourds de conséquences. Un ménage composé de deux adultes gagnant chacun le SMIC bénéficiera deux fois de la mesure, là où un ménage composé d'un seul actif gagnant 2 SMIC n'en bénéficiera pas. De même, un actif gagnant 1,4 SMIC ne percevra rien, là où un autre actif embauché à deux endroits différents pour 0, 7 SMIC à chaque fois bénéficiera d'une ristourne importante (plus de 9.000 francs par an). Enfin, un ménage avec des enfants percevra la même chose qu'un ménage sans enfant ou qu'un célibataire.

La mesure est aussi dangereuse dans la mesure d'abord où elle altère le mécanisme de la CSG qui a pourtant fait ses preuves en devenant le premier impôt de France, en voulant l'utiliser comme un outil de progressivité alors qu'il n'a pas été conçu pour cela, ce rôle revenant à l'impôt sur le revenu . De plus, la CSG étant le seul lien existant entre les salariés et l'assurance maladie, la mesure revient à supprimer toute cotisation maladie pour des millions de personnes, soulevant des lourdes questions de principe sur cette dernière (premier pas vers une fiscalisation ? vers une mise sous condition de ressources de certaines prestations ? quelle place pour les partenaires sociaux ?). Le dernier danger concerne la CRDS. Les exonérations consenties par l'Etat ne sont en effet pas compensées pour la CADES ce qui fragilise davantage cet établissement et fait peser des doutes sur sa capacité de remboursement finale alors que l'Etat avait le moyen par le biais du prélèvement annuel sur les recettes de CRDS qu'il réalise, de compenser cette baisse de recettes pour la CADES.

b) Le mécanisme alternatif du crédit d'impôt

Pour toutes ces raisons, en accord avec la commission des affaires sociale, la commission des finances a proposé au Sénat de supprimer cette mesure complexe, injuste et dangereuse et de la remplacer par un mécanisme alternatif construit autour du crédit d'impôt.

Cette solution a ainsi plusieurs avantages. En restant au sein du budget de l'Etat, elle n'atteint pas les régimes sociaux, n'altère pas la CSG, ne fragilise pas la CADES, ne complexifie pas un peu plus les relations entre lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Le crédit d'impôt remboursable proposé par votre rapporteur général supprime tous les biais dénoncés ci-dessus puisqu'il s'appuie sur le revenu annuel d'activité de l'ensemble du foyer fiscal. De plus, il permet par le biais d'une majoration de favoriser les familles ayant des enfants à charge. Enfin, les économies réalisées par le choix du revenu du ménage et non du revenu cédulaire permettent de financer une extension de la mesure jusqu'à 1,8 SMIC ce qui réduit considérablement les risques de trappe à pauvreté que recelait la ristourne proposée par le gouvernement.

Tel est l'objet de la mesure que votre rapporteur général vous proposera d'adopter lors de l'examen des articles de première partie du présent projet de loi de finances.

B. LA RÉFORME FISCALE ALLEMANDE : UN EXEMPLE À MÉDITER PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS

Le jeudi 31 août 2000, M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a présenté un " plan global d'allégement et de réforme des impôts " sur les années 2001-2003 d'un montant total cumulé de 119,6 milliards de francs 45 ( * ) , soit environ 1,3 % du PIB sur la période.

Par comparaison, le gouvernement social-démocrate de M. Gerhard Schroëder a mis en oeuvre une réforme fiscale présentée comme la plus importante de l'histoire de l'Allemagne qui prévoit des allégements d'impôts en faveur des particuliers et des entreprises correspondant à 45 milliards de deutschmarks en 2001, soit pour cette seule année 1,1 % du PIB. En prenant en compte des mesures décidées antérieurement, les allégements atteindront 95 milliards de DM, soit environ 2 % du PIB en " année de référence " (ou " année pleine ") par rapport au système fiscal de 1998.

Ces allégements bénéficieront à hauteur des deux-tiers soit 66,9 milliards de DM aux ménages et, pour le tiers restant, soit 28,1 milliards de DM, aux entreprises (PME et grandes entreprises).

1. Les grands axes de la réforme fiscale

La réforme résulte de la combinaison de différents textes dont les dates d'effet sont échelonnées jusqu'en 2005 :

- les mesures " Lafontaine " : il s'agit de diverses lois votées en 1998 et 1999, pour un total d'allégements nets de 30,9 milliards de DM en année pleine ; ces allégements profitent surtout aux ménages (- 32,7 milliards de DM) et aux PME (- 6,7 milliards de DM). Elles sont financées par un accroissement des charges pesant sur les grandes entreprises (+ 8,5 milliards de DM) ;

- les mesures " Schroëder- Eichel " : il s'agit, stricto sensu , de la réforme fiscale 2000 pour un ensemble d'allégements nets de 62,5 milliards de DM ; deux textes restent encore à adopter : ils représentent un allégement supplémentaire de la fiscalité pesant sur les ménages à hauteur de 1,6 milliard de DM.

Les principales mesures du plan " Schroëder-Eichel "

Allemagne

Période

2001-2005

Total

210 mds F (1,6 % PIB)

Sociétés

2000

2001

Impôt sur les sociétés

Entreprises à bénéfice redistribué

30 %

25 %

Entreprises à bénéfice réinvesti

40 %

25 %

Autres

- Suppression de la taxation des plus values sur ventes de participations industrielles (40 %)

Ménages

2000

2005

Impôt sur le revenu (1)

Taux minimum

22,9 %

15 %

Taux maximum

51 %

42 %

(1) 80 % des entreprises allemandes sont constituées en sociétés de personnes et redevables à ce titre de l'impôt sur le revenu. L'impôt sur les sociétés ne concerne que les 20 % d'entreprises qui sont des " sociétés de capitaux ".

Tableau récapitulatif du coût de la réforme fiscale en " année de référence "

(en milliards de DM)

Année pleine

PME

Ménages

Grandes Entreprises

Allégement

- 67

- 44,7

- 15,7

- 6,6

1/ Mesures " Lafontaine "

Augmentation

+ 36,1

+ 12,0

+ 9,0

+ 15,1

Solde

- 30,9

- 32,7

- 6,7

+ 8,5

Allégement

- 80,8

- 32,8

- 27,9

- 20,1

2/ Mesures "Schröeder-Eichel "

Augmentation

+ 18,3

+ 0,2

+ 4,8

+ 13,3

Solde

- 62,5

- 32,6

- 23,1

- 6,8

Allégement

- 147,8

- 77,5

- 43,6

- 26,7

3/ Total

Augmentation

+ 54,5

+ 12,2

+ 13,8

+ 28,4

Solde

- 93,4

- 65,3

- 29,8

+ 1,7

Allégement

- 1,6

-

-

-

4/ Lois non encore votées

Augmentation

0

-

-

-

Solde

- 1,6

-

-

-

Source : agence financière pour l'Allemagne

2. Une réforme fiscale menée " à l'allemande "

a) Une réforme pragmatique sans préjugés idéologiques ni tabou fiscal.

Ainsi, en France le taux marginal de l'impôt sur le revenu devrait passer de 54 % en 2000 à 52,5 % en 2003 au terme de longs débats au sein de la majorité plurielle.

En Allemagne l'impôt sur le revenu est nettement diminué : entre 1998 et 2005, le taux de la tranche inférieure baissera de 10,9 points et celui de la tranche supérieure de 11 points pour s'établir à 42 %. Parallèlement, l'abattement à la base passera à 15.000 DM, et le système de l'avoir fiscal sera remplacé par l'imposition de la moitié du dividende afin d'éviter une double imposition des bénéfices distribués.

De la même façon, afin de restructurer en profondeur le tissu industriel allemand, les plus-values des cessions de participations par les sociétés de capitaux seront exonérées à partir de 2001 dès lors que les titres auront été détenus au mois un an. L'idée est donc bien, après une première série de dispositifs (les mesures " Lafontaine ") qui ont accru la charge pesant sur les grandes entreprises, de renforcer par un second train d'allégements (les mesures " Schroëder-Eichel ") la compétitivité allemande, de soutenir la croissance en aidant les entreprises quelque soit leur statut. Selon le ministère des finances, cette réforme devrait ainsi entraîner un demi-point de croissance supplémentaire.

b) Une réforme concertée avec le Parlement, les Länder et les acteurs économiques.

Au travers de cette concertation c'est une autre philosophie de l'action publique qui se dessine et une autre vision de la réforme fiscale qui vise à renforcer le modèle de " l'économie sociale de marché ". Les banques ont ainsi été consultées en amont et ne se sont pas opposées à cette réforme. De même, pour les représentants du secteur industriel qui ont accepté l'ensemble du dispositif, et même certaines mesures de durcissement des conditions d'amortissement car elles étaient compensées par la diminution de l'impôt sur les sociétés, et la suppression de la taxation des plus-values.

De la même façon le Parlement dans sa composante bicamérale a été largement associé à cette réforme : le Bundesrat, qui représente au travers d'un mandat impératif les Länder, a ainsi obtenu le 14 juillet 2000 une baisse supplémentaire du taux marginal de l'impôt sur le revenu, et une réduction de l'imposition des PME soit un allégement global supplémentaire chiffré à 7 milliards de DM.

c) Une réforme plus efficace qu'en France

Au travers de la démarche allemande, c'est une autre méthodologie de la réforme fiscale qui est mise en oeuvre : les objectifs sont simples, peu nombreux et à ce titre aisément compréhensibles par les contribuables. Ces mesures de baisse des impôts feront au demeurant l'objet d'anticipations favorables de la part des acteurs économiques.

Ainsi, la réforme allemande qui a deux objectifs centraux, la justice sociale et la compétitivité économique s'articule autour de trois principaux dispositifs (unification et baisse de l'impôt sur les sociétés, suppression de la taxation des plus-values, baisse massive des taux de l'impôt sur le revenu) alors que le plan français d'allégement comprend plus d'une dizaine de rubriques.

Les signaux adressés aux acteurs économiques sont donc clairs car les réductions sont franches et de nature à créer un choc psychologique (10 points de baisse pour l'impôt sur le revenu, entre 5 et 15 points de baisse pour l'impôt sur les sociétés). Il n'y a donc ni saupoudrage ni baisse homéopathique. En outre, ces mesures atteignent deux objectifs connexes : elles simplifient le système fiscal et de ce fait réduisent les possibilités de fraude. Par ailleurs, en rapprochant les taux allemands, de la moyenne de ses principaux partenaires européens, elle prépare efficacement et activement l'harmonisation fiscale.

IV. RÉDUIRE LES DÉPENSES PUBLIQUES

A. LA NÉCESSITÉ DE RAMENER LES DÉPENSES PUBLIQUES EN-DESSOUS DU PLAFOND DE 50 % DU PIB

1. Le poids des dépenses publiques en France est trop élevé

L'orientation apparemment modérée que le gouvernement donne à sa politique budgétaire lui permet de mettre en avant la réduction graduelle du poids des dépenses publiques dans le PIB, de près de trois points, passant de 55 % en 1997 à 52,1 % en 2001.

Il n'en reste pas moins vrai que le niveau des dépenses publiques totales en France , même s'il diminue, demeure à un niveau extrêmement élevé , bien supérieur à celui de nos voisins ou principaux partenaires, comme le montre le tableau ci-après :

Source : ministère de l'économie

C'est d'ailleurs ce que relevait le gouverneur de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet, lors de la transmission au Président du Sénat du rapport de la Banque de France portant sur la politique monétaire et ses perspectives : " Rappelons que le Conseil de la politique monétaire recommande, au titre d'une indispensable première étape, le passage aussi rapide que possible de nos dépenses publiques au-dessous du seuil de 50 % du PIB ".

Part des dépenses publiques dans le PIB des pays de la zone euro
et certains autres pays du G7

(en points de PIB)

Surtout, il convient de constater que l'Italie, par exemple, qui, en 1992, avait un niveau de dépenses publiques plus élevé que celui de la France, a réalisé des efforts bien plus importants de réduction du poids de ses dépenses, à tel point que ses performances sont bien meilleures que les nôtres aujourd'hui.

L'attitude précautionneuse en matière de dépenses en France

Lors de son audition devant votre commission constituée en commission d'enquête, le gouverneur de la Banque de France a par ailleurs déclaré : " nous avions la réputation d'être extrêmement bien gérés en matière de finances publiques jusqu'à la fin des années 1980. Lorsqu'on a négocié le traité de Maastricht, ce sont plutôt nos thèses qui l'ont emporté. C'est nous qui avons imposé les 3% [de déficit budgétaire] à l'ensemble des Européens. [...] Nous avions une proportion de dettes par rapport au PIB la plus faible d'Europe, ce qui nous donnait la position de celui qui avait été, dans le passé, parmi les meilleurs gestionnaires, sinon le meilleur gestionnaire, des pays industrialisés d'une certaine taille ".

Il a conclu : " notre pays s'est montré beaucoup plus nonchalant. [...] Nous avons vécu sur notre passé assez brillant, sans nous rendre compte que nous étions progressivement dépassés " .

Ainsi, selon lui, " nous payons pour cela un prix relativement important. Nous pourrions croître plus vite, avoir un niveau de vie plus élevé, si nous arbitrions différemment ".

Il convient, à cet égard, de souligner la conception très différente de l'opinion publique américaine, convaincue que la diminution des dépenses publiques ne peut qu'entraîner une amélioration de la situation économique.

2. La réduction des dépenses publiques est une recommandation largement partagée, sauf par le gouvernement français

a) Des efforts très insuffisants

Il convient de rappeler que la France a contracté des engagements internationaux, européens notamment, qui lui imposent de facto d'engager un réel reflux de ses dépenses publiques.

En effet, le Pacte de stabilité et de croissance signé à Amsterdam en 1997, dispose notamment que les Etats membres doivent " atteindre l'objectif à moyen terme d'un solde budgétaire proche de l'équilibre ou en excédent ". Afin de tendre vers cet objectif, la situation de chacun des Etats membres fait l'objet d'une surveillance multilatérale.

La marge de manoeuvre de la France en matière en matière d'évolution des dépenses publique est donc limitée. La principale préoccupation du Pacte de stabilité et de croissance consiste à éviter l'apparition d'une crise budgétaire grave en cas de retournement conjoncturel , comme ce fut le cas au début des années 1990.

Or, votre commission ne peut que constater que le gouvernement reste très en-deçà de ces exigences, et que, si la conjoncture venait à se détériorer durablement, les dépenses publiques ne manqueraient pas de progresser très fortement.

Cette situation est d'ailleurs sévèrement critiquée, tant en France qu'à l'étranger.

• Comme cela a déjà été évoqué, le Conseil de la politique monétaire de la Banque de France a estimé que le poids de la dépense publique devait s'établir en France en-deçà du plancher de 50 points de PIB contre 52,2 points en 1999 selon le ministère de l'économie et l'OCDE.

L'OCDE , dans ses études économiques de la mi-année, critiquait l' " exception française " en matière de finances publiques : " contrairement à la plupart des autres pays de l'OCDE, la France n'a pas encore tout à fait ramené son budget dans une zone de sécurité où il serait à l'abri d'un fléchissement de l'activité. Dans ces conditions, un retournement conjoncturel sévère pourrait ramener le déficit au-delà de la limite de 3 % du PIB imposée par le traité d'Amsterdam ". L'organisation internationale pointe en particulier les " problèmes budgétaires structurels n'ayant pas pu être abordés pendant la période de crise [qui] restent en suspens " et appelle à poursuivre et amplifier " les efforts de maîtrise des dépenses publiques ".

L'OCDE consacre des développements importants au poids des dépenses de fonctionnement dans notre pays, en particulier aux dépenses de fonction publique, jugeant que " la maîtrise des dépenses publique passe notamment par celle des effectifs de la fonction publique ". Rappelant la conduite de réformes structurelles dans de nombreux pays de l'OCDE, elle conclut sur la nécessité, pour la France, de mieux définir les moyens des administrations " en fonction des besoins des usagers et des performances attendues ", ajoutant que " les départs massifs à la retraite de fonctionnaires d'ici à 2010 créent une opportunité historique pour changer le mode de gestion des effectifs ".

La Banque centrale européenne (BCE) , dans son rapport mensuel de septembre 2000, estime que, si " le rythme de croissance des dépenses globales semble être proche des objectifs de moyen terme fixés par les gouvernements , certains risques de dépassement existent en 2000, en dépit de l'introduction dans plusieurs pays de nouvelles règles destinées à renforcer le contrôle des dépenses ".

L'institut d'émission européen redoute en particulier des " pressions visant à relâcher les dépenses " et " un risque de dérive à la hausse des salaires dans le secteur public ". Il ne perçoit donc pas " de nouveaux progrès vers l'assainissement budgétaire ", et dénonce " un biais pro-cyclique dans les politiques budgétaires, puisque ces allégements [d'impôts] ne sont que partiellement compensés par des [...] réductions de dépenses ". L'allusion au cas de la France est ici à peine implicite.

La BCE insiste donc sur la nécessaire " réduction des dépenses primaires afin d'éviter que se produise un assouplissement pro-cyclique de la politique budgétaire ", et considère que " les réformes budgétaires devraient s'intégrer dans un cadre plus général de réformes structurelles ".

b) Les " économies " gouvernementales : de simples redéploiements rendus possibles par la conjoncture et fondés sur de faux " contrats " de gestion

Dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2001, le gouvernement indique que la progression de 25 milliards de francs des dépenses nettes du budget " s'accompagne simultanément d'un effort d'économie et de redéploiement, évalué à 38 milliards de francs ".

Depuis 1998, le gouvernement se targue, en effet, de réaliser d'importantes économies, dont le montant est, du reste, croissant : 29 milliards de francs en 1998, 31 milliards en 1999, 34 milliards cette année, et 38 milliards pour l'année prochaine.

En réalité, ces " économies " ne résultent pas d'un " effort " de la part du gouvernement : il s'agit de simples réductions de crédits apparaissant de façon automatique grâce à la bonne tenue de la conjoncture. Les dispositifs sur lesquels elles sont constatés, ceux de la politique de l'emploi par exemple, ne manqueront pas d'engendrer des dépenses supplémentaires en cas de net ralentissement de la croissance.

Votre commission souhaiterait surtout que la communication gouvernementale n'en vienne pas à brouiller le véritable sens des mots : une économie ne sert pas à financer des priorités, mais se traduit par une diminution nette des dépenses, ce qui ne sera pas le cas en 2001, et ce qui ne s'est d'ailleurs jamais produit depuis 1998.

Enfin, elle souhaite rétablir la vérité en ce qui concerne les contrats de gestion , qui, d'après le gouvernement, permettent de réaliser les " économies " en question.

Elle a déjà amplement démontré, dans le rapport qu'elle a établi alors qu'elle était investie des prérogatives des commissions d'enquête, que les contrats de gestion ne constituent, en réalité, que la version " politiquement correcte " du gel de crédits. Or, elle vient d'être confortée dans son analyse par les propos que M. Bernard Cieutat, conseiller-maître à la Cour des comptes, a tenus devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999 : " ces contrats n'ont de contractuel que le nom et les économies correspondantes restent très largement imposées " 46 ( * ) .

B. TRANSPARENCE BUDGÉTAIRE : DE BONNES RÉSOLUTIONS DONT VOTRE COMMISSION NE SAURAIT SE SATISFAIRE

1. Des annonces gouvernementales ambitieuses

Le gouvernement a accordé une place très importante, dans la présentation du présent projet de loi de finances, à la mise en oeuvre de mesures de transparence, annoncées d'ailleurs lors du dernier débat d'orientation budgétaire du printemps 2000. Il a ainsi mis en avant pas moins de 12 mesures visant à accroître la transparence budgétaire, réparties entre " transparence dès aujourd'hui " et " transparence pour l'avenir ", insistant sur le fait que neuf de ces mesures sont d'ores et déjà entrées en application, tandis que trois autres seront mises en oeuvre dans les prochains mois.

Les neuf mesures au titre de la " transparence dès aujourd'hui "

Les trois mesures au titre de la " transparence pour l'avenir "

Ces mesures sont les suivantes :

- les lettres de cadrage du Premier ministre ont été transmises aux commissions des finances du Parlement ;

- l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2001 comporte une charte de budgétisation, destinée à faciliter les comparaisons d'une année sur l'autre en neutralisant les changements de périmètre ;

- la présentation des comptes de 1999 a permis d'améliorer le compte-rendu de l'état réel des finances publiques ;

- le projet de loi de règlement de l'exercice 1999 a été déposé en juillet 1999, soit en avance par rapport aux années précédentes ;

- des comptes-rendus de gestion budgétaire des ministères ont été remis au Parlement à l'occasion du dépôt du projet de loi de règlement ;

- la situation budgétaire de l'Etat est communiquée, depuis le 11 juillet dernier, aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances des assemblées ;

- les prévisions de recettes du projet de loi de finances sont désormais examinées par la commission économique de la Nation ;

- un résumé, par ministère, des objectifs, des coûts et des résultats quantifiés sera fourni en annexe au projet de loi de finances ;

- un " jaune " budgétaire sur les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sera déposé en annexe au projet de loi de finances.

Il devrait s'agir de :

- la place croissante accordée à l'efficacité de la gestion publique, abordée notamment au cours du comité interministériel à la réforme de l'Etat réuni en octobre dernier ;

- l'information des commissions des finances du Parlement et la discussion par celles-ci du prochain programme pluriannuel des finances publiques qui sera transmis à Bruxelles ;

- l'insertion, dans la déclaration de revenus 2000, d'informations destinées aux contribuables sur la façon dont leurs impôts sont utilisés.

2. Une réalité moins avantageuse

Votre commission ne peut être que favorable à ces mesures, mais elle les estime, si ce n'est insuffisantes, en tout cas peu à même de répondre à ses préoccupations.

De surcroît, les principales d'entre elles doivent être sérieusement nuancées.

La charte de budgétisation est présentée comme devant permettre de rendre plus lisibles les modifications affectant le périmètre du budget de l'Etat, mais cet exercice rencontre rapidement ses limites.

En effet, à moyen terme, les chiffres fournis par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le niveau des dépenses de l'Etat par exemple, ne peuvent être comparés avec pertinence, à moins de retraitements complexes dont seul le ministère a la maîtrise. Surtout, une charte ne remplacera jamais les enseignements qui pourraient être tirés de la stabilité des principes et des méthodes utilisés pour établir les comptes publics.

Enfin, n'est-on pas en droit de parler d'affichage dès lors que près de 85 milliards de francs représentant le coût des 35 heures en 2001 sont " sortis " du budget de l'Etat ? Pourquoi, en effet, cette débudgétisation a-t-elle été opérée, alors que le budget général aurait pu assurer le financement de la réduction du temps de travail, si ce n'est pour masquer la progression réelle des dépenses ?

D'une manière générale, votre commission considère que les " tuyauteries " installées entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale rendent peu compréhensibles les relations financières entre le premier et la seconde.

La présentation des éléments de hors-bilan , censée améliorer le compte-rendu de l'état réel des finances publiques, est largement incomplète.

Pourtant, les retraites des fonctionnaires, soit la plus grosse partie du hors-bilan de l'Etat, ne fait l'objet d'aucune indication chiffrée, seule une méthodologie étant précisée. La connaissance de la réalité des engagements de l'Etat en matière de retraite sera en revanche améliorée, suite à une initiative de votre commission des finances. En effet, des informations très complètes sur le coût des pensions de la fonction publique devraient figurer dans le " jaune " portant sur les rémunérations des agents de l'Etat grâce à l'adoption d'un amendement présenté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.

La vraie question est de savoir quels enseignements le gouvernement entend tirer de ces informations sur une meilleure transparence en termes d'amélioration de la gestion publique : il devrait en particulier au-delà des déclarations d'intention donner des exemples d'économies engendrées par la meilleure analyse de l'efficience des dépenses publiques.

Les comptes-rendus de gestion budgétaire n'apportent aucune véritable information pertinente.

Votre commission partage entièrement l'analyse que le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, a faite des comptes-rendus de gestion budgétaire des ministères présentés en même temps que le projet de loi de règlement du budget de 1999, dans son rapport consacré à l'examen dudit projet de loi 47 ( * ) .

L'analyse des comptes-rendus de gestion par la commission des finances de l'Assemblée nationale

M. Didier Migaud note tout d'abord que " comme cela était prévisible, les comptes-rendus de gestion sont de qualité très inégale ", estimant qu'il est " très décevant de constater le caractère lacunaire des informations fournies dans les comptes-rendus des sections budgétaires de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la technologie, ou encore de la ville ".

En fait, il se montre extrêmement critique sur le contenu de ces documents, notamment lorsqu'il déplore " le caractère tautologique " des informations fournies, jugeant même " pas acceptable " l'énoncé d'une définition.

Il porte l'appréciation suivante sur l'utilité de ces informations : " il est cependant manifeste que [...] il restera difficile à la représentation nationale d'apprécier chaque année l'efficacité de la politique suivie et de chercher, le cas échéant, à l'infléchir par une meilleure allocation des ressources ".

C. TIRER LES CONSÉQUENCES DU RAPPORT DE LA COMMISSION DES FINANCES SUR LA TRANSPARENCE TRÈS RELATIVE DES COMPTES DE L'ÉTAT

1. La mesure de l'efficience de la dépense publique...

Votre commission prend acte de ces mesures, dont elle espère néanmoins qu'elles contribueront à accroître la transparence des comptes de l'Etat.

Elle rappelle toutefois que, en matière de transparence, les outils techniques, aussi sophistiqués soient-ils, n'ont qu'une faible portée, tant que les habitudes et les attitudes, la " culture du secret " intrinsèque au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en particulier, ne changent pas.

La récente mission d'information de votre commission a bien montré, par exemple, que le niveau du solde budgétaire faisait l'objet de " manipulations " dans un souci d'affichage, quelle que soit la réalité. Par ailleurs, votre commission, dans le même rapport, a fait un certain nombre de remarques concernant les insuffisances relatives à la budgétisation des dépenses : approche essentiellement quantitative consistant en une reconduction des services votés, cadre comptable largement obsolète, prévisions fluctuantes, quasi-inexistence de l'évaluation de la dépense...

L'ensemble de ces pratiques est trop souvent marqué par la désuétude et la prédominance de procédures juridiques permettant le contrôle a priori des dépenses mais non leur contrôle a posteriori : la maîtrise des dépenses ne s'en trouve dès lors que plus délicate.

Votre commission considère que la réduction des dépenses publiques nécessite de savoir mesurer leur efficience, afin d'apprécier le coût réel de telle ou telle politique publique.

2. ... reste absente du projet de loi de finances pour 2001

En dépit des mesures de transparence annoncées par le gouvernement, votre commission ne peut que constater l'absence d'une véritable réflexion, au sein du projet de loi de finances pour 2001, sur l'efficience des dépenses publiques , mais également l'aggravation de l'opacité des comptes publics , concernant les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale en premier lieu.

Elle vous proposera donc le rejet des crédits dont elle ne peut admettre l'orientation donnée par le présent projet de loi de finances, parce qu'ils privilégient le fonctionnement au détriment de l'investissement, parce qu'ils ne corrigent pas certaines mauvaises gestions manifestes, ou encore parce qu'ils sont incompatibles avec la politique budgétaire qu'elle défend.

V. RETROUVER L'ÉQUILIBRE DE LA DÉCENTRALISATION

A. PRÉSERVER L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le financement des collectivités locales par des ressources propres et non par des dotations budgétaires est ancien dans notre pays. Il a été renforcé par les lois de décentralisation, qui ont prévu notamment que les compétences transférées devraient être financées par des transferts d'impôts, le financement budgétaire ne devant intervenir qu'à titre résiduel.

Les évolutions enregistrées depuis trois ans en matière de fiscalité locale vont à l'encontre de cette tradition de la " décentralisation à la française ".

Le Sénat a adopté le 26 octobre dernier, à l'initiative du président Christian Poncelet, une proposition de loi constitutionnelle tendant à inscrire dans la loi fondamentale certains grands principes de l'autonomie financière des collectivités locales, aujourd'hui remis en cause.

1. Enrayer le recul de l'autonomie fiscale

L'autonomie fiscale des collectivités locales a significativement reculé depuis le début de l'année 1999. La part " salaires " de la taxe professionnelle a été supprimée, tout comme les droits de mutation et la taxe d'habitation perçus par les régions. Les départements ont perdu la faculté de voter les taux des droits de mutation. Le présent projet de loi de finances prévoit de supprimer la vignette dont le produit est perçu par les départements.

Les tableaux ci-dessous mettent en évidence l'ampleur du recul de l'autonomie fiscale des collectivités locales. Ils comparent, pour l'année 1997, quelle était la part des recettes fiscales dans les recettes totales des collectivités, et quelle aurait été cette part si toutes les réformes intervenues depuis 1997 avaient déjà été en vigueur.

Sur la base des comptes des régions en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/Recettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

77,8

77,8

77,8

Recettes totales hors emprunts

69,2

69,2

69,2

Recettes fiscales directes

24,1

19,6

14,3

31 %

25 %

18 %

35 %

28 %

21 %

Taxe d'habitation

5,30

5,3

0,0

TP

12,85

8,4

8,4

Taxes foncières

5,95

6,0

6,0

Recettes fiscales indirectes

15,8

10,7

10,7

20 %

14 %

14 %

23 %

15 %

15 %

Autres

10,7

10,7

10,7

Droits de mutation

5,1

0,0

0,0

Recettes fiscales totales

39,9

30,3

25,0

51 %

39 %

32 %

58 %

44 %

36 %

Sur la base des comptes des départements en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/rRecettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

234,6

234,6

234,6

Recettes totales hors emprunts

207,9

207,9

207,9

Recettes fiscales directes

85,3

70,2

70,2

36 %

30 %

30 %

41 %

34 %

34 %

Autres

42,1

42,1

42,1

TP

43,2

28,1

28,1

Recettes fiscales indirectes

37,4

29,6

18,6

16 %

13 %

8 %

18 %

14 %

9 %

Autres

16,9

16,9

5,9

Droits de mutation

20,5

12,7

12,7

Recettes fiscales totales

122,7

99,8

88,8

51 %

43 %

38 %

59 %

48 %

43 %

Sur la base des comptes des communes et EPCI en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/rRecettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

506,2

506,2

506,2

Recettes totales hors emprunts

455,6

455,6

455,6

Recettes fiscales directes

237,0

203,4

203,4

47 %

40 %

40 %

52 %

45 %

45 %

Autres (dont TEOM et VT)

140,9

140,9

140,9

TP

96,1

62,5

62,5

Recettes fiscales indirectes

13,6

13,6

13,6

3 %

3 %²

3 %

3 %

3 %

3 %

Recettes fiscales totales

250,6

217,0

217,0

50 %

43 %

43 %

55 %

48 %

48 %

Source : ministère de l'économie

Il ressort de ces éléments que la part de la fiscalité dans les recettes totales hors emprunt des régions est passée en trois ans de 58 % à 36 %, de 59 % à 43 % pour les départements et de 59 % à 48 % pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

Votre rapporteur général s'est efforcé , à chaque fois que les règles applicables en matière de recevabilité financière des amendements le permettaient, de proposer au Sénat des alternatives aux projets du gouvernement . C'est ainsi que, à son initiative, le Sénat a refusé la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, lui préférant un système de dégrèvement qui, s'il avait été retenu, aurait d'ailleurs évité de perturber les indicateurs de richesse des collectivités tels que le potentiel fiscal. De même, le Sénat a refusé le remplacement de la taxe d'habitation des régions par une dotation budgétaire, préférant réduire dans les mêmes proportions les frais perçus par l'Etat au titre de l'assiette et du recouvrement des impôts locaux.

Ces fragiles digues n'ont pas suffi à contenir un mouvement de fond, tendant à supprimer progressivement les impôts locaux. A l'appui de sa démarche, le gouvernement considère que la libre administration des collectivités locales ne dépend pas de l'origine de leurs ressources mais de leur faculté à dépenser librement.

Votre rapporteur général observe que l'argument du gouvernement est spécieux puisque, parallèlement à sa politique de suppression des impôts locaux, il " flèche " de plus en plus les dépenses des collectivités locales, soit par le biais des contrats de plan, soit par le biais de dispositions législatives telles que la loi sur les gens du voyage.

Il considère surtout que l'existence d'un lien fiscal entre les élus et les contribuables reste à la fois un impératif citoyen et une nécessité économique et que, puisque le Conseil constitutionnel a dans sa jurisprudence validé cette analyse tout en s'abstenant de censurer les dispositions allant à son encontre, la proposition de loi constitutionnelle adoptée le 26 octobre 2000 par le Sénat s'apparente à un sursaut salutaire .

2. Réaffirmer le principe de la compensation des transferts de charges

L'autonomie financière des collectivités locales est remise en cause en matière de recettes par la suppression progressive des impôts locaux. S'agissant des dépenses, la marge de manoeuvre financière des collectivités locales est rognée par l'augmentation du coût de charges qui s'imposent aux collectivités locales en raison de décisions de l'Etat, mais qui ne font pas l'objet d'une compensation financière faute de texte les prévoyant. Il s'agit principalement des revalorisations des traitements des agents de la fonction publique territoriale et des dépenses liées à la mise aux normes d'équipements.

Il pourrait sembler logique que l'Etat, lorsqu'il impose une dépense aux collectivités locales, se demande comment celles-ci vont la financer. Pourtant, non seulement il ne le fait pas, mais il semble ne pas considérer cette situation comme posant un problème.

Face à un tel " mur ", la proposition de loi constitutionnelle adoptée le 26 octobre dernier propose d'élever au rang de norme constitutionnelle le principe du transfert aux collectivités des ressources nécessaires au financement de charges résultant de décisions de l'Etat.

B. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES AU PARTAGE DES FRUITS DE LA CROISSANCE

Les collectivités locales participent du dynamisme de l'économie nationale. Leurs investissements, plus des deux tiers de l'investissement public, ont un impact direct sur le niveau du produit intérieur brut.

Pourtant, dans ses relations financières avec les collectivités locales, l'Etat considère celles-ci comme une charge coûteuse et non comme des partenaires envers lesquels il convient d'être, sinon généreux, du moins loyal.

1. L'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales est plafonnée à un niveau très bas

Depuis 1996, il existe un mécanisme très efficace de plafonnement du montant des concours de l'Etat aux collectivités locales : l'enveloppe normée, dont le mode de fonctionnement a d'abord été défini dans le cadre du pacte de stabilité (1996-1998), et aujourd'hui du contrat de croissance et de solidarité (1999-2001).

Le contrat de croissance prévoit que le montant total de certaines dotations 48 ( * ) ne peut pas augmenter plus au titre d'une année que les prix à la consommations majorés d'une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut (20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001).

Il résulte de ce mécanisme 49 ( * ) que, en 2001, l'ensemble de ces dotations augmentera de 2,3 % alors que les recettes du budget général de l'Etat progresseront de 4,4 % et que les dépenses obligatoires des collectivités conservent leur rythme de progression dynamique. Ainsi en 1999, les dépenses de personnel des communes ont progressé de 5,4 %.

2. Le plafond doit prendre en compte au moins 50 % de la croissance du produit intérieur brut

La principale dotation qui compose l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales est la dotation globale de fonctionnement (DGF). Le code général des collectivités locales prévoit qu'elle évolue chaque année en fonction d'un certain indice, déterminé en prenant en compte l'évolution des prix à la consommation et la moitié du taux de croissance du PIB.

La DGF n'a pas toujours été indexée sur un tel indice. Elle a été indexée sur l'évolution des recettes de la TVA, sur les seuls prix à la consommation et sur les prix et les deux tiers du taux de croissance du produit intérieur brut. Cependant, depuis la réforme de la DGF en 1993, cet indice n'a pas changé.

Dès lors, on peut se demander pourquoi, d'une part, il est admis que la principale dotation de fonctionnement doit au minimum évoluer en tenant compte de la moitié de la croissance du produit intérieur brut mais que, d'autre part, on juge que l'ensemble des dotations aux collectivités locales peut se contenter d'une progression moins importante (un tiers de la progression du produit intérieur brut en 2001).

Ce décalage n'est pas satisfaisant car il conduit à réduire d'année en année le montant de la variable d'ajustement de l'enveloppe normée, la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP). Il en résulte une moins-value de recettes pour les collectivités locales. Cette situation suscite l'incompréhension des élus locaux qui constatent que la DCTP baisse surtout en période de forte croissance.

En outre, ce décalage n'est pas conforme à l'esprit de l'enveloppe normée, qui devrait être conçue comme un instrument apportant aux collectivités la prévisibilité de l'évolution de leurs recettes et à l'Etat une garantie que le montant des concours qu'il verse aux collectivités ne dérapera pas.

En aucun cas l'enveloppe normée ne devait être un moyen pour l'Etat de réaliser des économies budgétaires au détriment des collectivités locales. Depuis l'entrée en vigueur du contrat de croissance et de solidarité, le Sénat estime que le " plafond " pour l'évolution de l'enveloppe normée qui permet de respecter l'esprit de ce dispositif est d'aligner le taux de progression de l'enveloppe sur celui de la DGF . Dans cette hypothèse, la DCTP ne joue son rôle de variable d'ajustement que si la progression des dotations qui composent l'enveloppe autres que la DGF est supérieure à celle de la DGF.

3. Pourquoi proroger d'un an le contrat de croissance et de solidarité ?

A l'occasion de l'examen par le Sénat de la proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités locales, le 26 octobre 2000, le ministre de l'intérieur a fait part de la volonté du gouvernement de proroger d'un an le contrat de croissance et de solidarité, dont l'article 57 de la loi de finances pour 1999 prévoit qu'il s'applique aux exercices 1999, 2000 et 2001.

Cette annonce suscite un regret et une interrogation.

En premier lieu, la décision du gouvernement de proroger le contrat de croissance et de solidarité déconnecte la négociation sur le contenu du prochain contrat de croissance de la nécessaire réflexion sur le financement de l'intercommunalité qui interviendra au cours de l'année 2001 puisque, dès 2002, il ne sera plus possible de financer les communautés d'agglomération par prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle 50 ( * ) . Plutôt que d'aborder les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales de manière globale, il semble que le gouvernement préfère régler les problèmes les uns après les autres, au détriment de la cohérence d'ensemble.

En second lieu, votre rapporteur général s'interroge sur l'indexation de l'enveloppe normée que le gouvernement proposerait de retenir si le contrat était prorogé d'une année. S'agira-t-il de reconduire les dispositions applicables pour 2001 (prix + 33 % du taux de croissance du PIB), ou bien s'agira-t-il de poursuivre la progressivité du contrat de croissance actuel (20 %, puis 25 %, puis 33 %) en fixant la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte pour l'indexation de l'enveloppe quelque part entre 33 % et 100 % ?

C. AMÉLIORER LA PÉRÉQUATION DES DOTATIONS DE L'ETAT

La réduction des écarts de richesse entre les différentes parties du territoire est la raison d'être de la politique d'aménagement du territoire. En matière de finances locales, cet objectif doit être recherché par la modulation des concours versés par l'Etat en fonction du niveau de richesse des collectivités bénéficiaires.

Pourtant, aujourd'hui, la logique péréquatrice est peu prise en compte par les critères de répartition des concours de l'Etat aux collectivités locales.

1. La place réduite de la péréquation dans les concours financiers de l'Etat

La péréquation ne peut être au coeur de tous les concours financiers de l'Etat. Ainsi, ni les dégrèvements, ni les compensations d'exonérations fiscales ne doivent obéir à une logique péréquatrice puisqu'ils ont pour objet de remplacer une ressource fiscale par une ressource budgétaire. En principe, leur effet doit être neutre sur le niveau des ressources locales.

En revanche, la péréquation doit être au coeur des dotations versées par l'Etat, qui est le garant de l'unité nationale et de l'égalité des chances sur tout le territoire.

En pratique, le volume des crédits consacrés à la péréquation est très faible (22,2 milliards de francs en 2000) au regard de la masse totale des dotations de l'Etat (169,6 milliards de francs en 2000) 51 ( * ) .

Effort financier de l'Etat en faveur de la péréquation en 2000

(en millions de francs)

Dotation de solidarité urbaine

3.770,29

Dotation de solidarité rurale

2.340,07

Dotation de fonctionnement minimale

895,86

Part " potentiel fiscal " de la dotation de péréquation de la DGF des départements

3.607,61

Fonds national de péréquation

3.815,17

DGF des groupements

6.971,19

Modulation/compensation des pertes de DCTP

892,50

TOTAL

22.292.69

Source : ministère de l'intérieur

2. La péréquation, contrepartie nécessaire de l'autonomie fiscale

La décentralisation engendre inévitablement des inégalités puisque les territoires ne sont pas tous également dotés en bases fiscales. Ces disparités ont servi à justifier la mise en place de dispositifs de péréquation " forcée " des ressources fiscales des collectivités locales, peu respectueux de la libre administration des collectivités locales. Il en va ainsi, par exemple, des prélèvements au profit du fonds de solidarité de la région Ile-de-France.

Poussée à son terme, la politique tendant à réduire les inégalités de richesse fiscale par une mutualisation généralisée du produit des impôts conduit à la disparition de la fiscalité directe locale. Par conséquent, pour que les ressources des collectivités locales continuent d'être assises à la fois sur la fiscalité et sur des dotations, il faut des dotations qui soient péréquatrices, de manière à corriger les inégalités de richesses qui résultent de la dispersion non-uniforme des bases fiscales sur le territoire.

Le ministre de l'intérieur a semblé partager ce point de vue lorsque, à l'occasion de l'examen par le Sénat le 26 octobre 2000 de la proposition de loi constitutionnelle présentée par le président Christian Poncelet relative à l'autonomie fiscale des collectivités locales, il s'est demandé : " Comment remédier à la mauvaise localisation des bases d'imposition actuelles, si ce n'est par la péréquation et donc par une répartition générale des recettes nationales - donc par des dotations ? ".

Le constat étant partagé, il importe aujourd'hui de le traduire en une réforme des concours financiers de l'Etat . Votre rapporteur général observe simplement que le gouvernement n'a pas semblé habité par l'objectif de renforcement de la péréquation lorsqu'il a décidé de la répartition entre les régions des crédits des contrats de plan, puisque l'objectif d'accorder des sommes plus importantes aux régions les moins riches, qui avait été affiché mais pas respecté au cours de la précédente génération de contrats, n'a même pas été repris.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2001, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué que le projet de loi de finances pour 2001 était le premier du nouveau siècle, mais probablement le dernier avant la réforme annoncée de l'ordonnance organique de 1959. Il a jugé qu'il était indispensable, pour le Sénat, de l'apprécier au regard des conclusions de la récente mission de la commission des finances pour laquelle celle-ci était investie des prérogatives des commissions d'enquête.

Le rapporteur général a noté que le projet de loi de finances pour 2001 perpétuait l'exception française qui consiste à prendre acte d'une amélioration conjoncturelle, sans toutefois engager de véritables réformes structurelles. C'est ainsi que ce projet de loi de finances affiche un niveau élevé de prélèvements obligatoires, dans la continuité du taux atteint en 1999, 45,7 % du produit intérieur brut (PIB), et qu'il est marqué par un retour à une hausse des dépenses publiques, ainsi que par une progression de la dette, tant en valeur absolue qu'en valeur relative. Cette exception française a, du reste, été critiquée par la Banque de France, mais également par de nombreuses organisations internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Fonds monétaire international (FMI) ou encore la Banque centrale européenne (BCE).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé, que la croissance économique, au cours de la période 1998-2001, s'établissait à un niveau soutenu en raison d'un contexte international favorable, d'un assainissement budgétaire acquis dès 1997, d'un desserrement de la politique monétaire rendu possible par la création de la monnaie unique européenne, qui a permis une baisse des taux d'intérêt, et par une désinflation qui s'est accentuée. Il a néanmoins estimé que des menaces pesaient sur les perspectives de croissance, qu'elles viennent de l'extérieur, comme l'évolution de la situation économique américaine, le prix du pétrole ou encore l'éventuelle reprise de l'inflation en Europe ou qu'elles aient des origines domestiques, citant un possible ralentissement de la demande interne, la saturation des capacités de production dans certaines branches ou les comportements des salariés fortement influencés par des tensions sociales nées de la mise en place des 35 heures.

Le rapporteur général a ensuite présenté l'équilibre du projet de loi de finances pour 2001. Il a indiqué que, selon les informations communiquées par le Gouvernement, les recettes fiscales et non fiscales supplémentaires devraient s'établir à 103,4 milliards de francs en 2001, réparties de la manière suivante : 48,4 milliards de francs, soit 46,8 % du total, au titre des réductions d'impôts, 25 milliards de francs, soit 34,2 %, en dépenses supplémentaires, et 30 milliards de francs, soit 29 %, affectés à la réduction du déficit.

Il a regretté le niveau toujours extrêmement élevé des prélèvements obligatoires, estimant que le pourcentage prévu pour 2000, soit 45,2 du PIB, serait très probablement dépassé. Si le projet de budget a été élaboré dans un contexte économique porteur, propice à d'importants surplus de recettes, des inquiétudes n'en demeurent pas moins pour l'avenir. Il a en effet rappelé que le collectif du printemps dernier avait procédé à une réévaluation sensible des recettes pour un montant de 40 milliards de francs, soit 20 milliards de francs sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), 12 milliards de francs au titre de l'impôt sur les sociétés (IS), et 7,6 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu, auxquels il convient d'ajouter une réserve de 15 milliards de francs au titre de recettes non fiscales reportées par le Gouvernement sur l'exercice suivant afin de " lisser " l'évolution du déficit. Il a qualifié d'" hétéroclite " le programme gouvernemental d'allégements d'impôts, de nombreux impôts étant en effet concernés : TVA, taxe d'habitation, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, fiscalité agricole, fiscalité pétrolière et vignette automobile. Estimant qu'il s'agissait de " clientélisme fiscal ", il a manifesté sa préférence pour le choix d'un nombre limité d'impôts à réduire afin de donner plus de clarté et de lisibilité aux allégements fiscaux.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a souligné la faible crédibilité des affirmations du Gouvernement selon lesquelles le taux de prélèvements obligatoires diminuerait en 2001, en raison des incertitudes pesant sur la croissance. Il a rappelé, en effet, qu'au cours de la période 1996-1999, lorsque le taux de croissance a progressé de façon significative, le niveau des prélèvements obligatoires a progressé jusqu'à un niveau jamais atteint. Or, maintenant que la croissance devrait plafonner dans les années à venir, le Gouvernement, paradoxalement, promet une diminution régulière des prélèvements obligatoires. Il s'est interrogé sur la possibilité de tenir ces promesses dans une période moins faste, du fait de l'incapacité de les réaliser en période de forte croissance. Il a ensuite souligné la part croissante de la sécurité sociale dans les prélèvements obligatoires, les excédents dégagés par les organismes de sécurité sociale résultant d'une augmentation continue des prélèvements sociaux. Présentant les préconisations de la commission, le rapporteur général a estimé qu'il convenait de réduire le niveau des prélèvements obligatoires de 2,9 points d'ici 2003 afin de rejoindre l'Allemagne et d'équilibrer les comptes publics, considérant que cette évolution conditionnait le succès de l'euro et de la construction européenne en général. Il a ajouté qu'il était indispensable, selon lui, de privilégier la baisse de l'ensemble des taux du barème de l'impôt sur le revenu, et celle des cotisations sociales acquittées tant par les employeurs que par les salariés. Sur la forme, il a montré en exemple les qualités de la méthode retenue par nos voisins d'outre-Rhin, pragmatisme, concertation et efficacité.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite vivement déploré l'inflexion à la hausse des dépenses publiques dans le projet de loi de finances pour 2001. Il a par ailleurs rappelé que l'objectif de progression des dépenses fixé par le Gouvernement n'avait jamais jusqu'à présent été respecté : les dépenses de l'Etat ont en effet progressé de 3 % en 1998 pour un objectif de stabilisation en volume, elles se sont accrues de 2,8 % en 1999 pour un objectif d'augmentation de un point. Les objectifs fixés pour 2000 et 2001, respectivement une stabilisation en volume et une progression de 0,3 %, ne seront, dès lors, probablement pas respectés non plus.

Il a en effet noté que la progression des dépenses était largement automatique, citant l'exemple des dépenses de fonction publique, qui expliquent près de 71 % de l'augmentation des dépenses des dix principaux postes du budget de l'Etat depuis 1997, soit 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs. De surcroît, les choix du Gouvernement privilégient largement les dépenses de fonctionnement par rapport à celles d'investissement, dont la part relative ne cesse de diminuer. Il a souligné les incertitudes sur le financement des priorités politiques du Gouvernement qui sont, selon lui, extrêmement contestables. C'est notamment le cas de la création de 20.820 emplois budgétaires supplémentaires qui constituent un engagement de l'Etat sur une soixantaine d'années. Il s'est inquiété des conséquences des négociations salariales annoncées dans la fonction publique, rappelant qu'une augmentation de 1 % du point de la fonction publique se traduisait par des dépenses supplémentaires à hauteur de 6,7 milliards de francs hors effets induits. Il a également indiqué que le coût des emplois-jeunes s'élèverait en 2001 à 24,5 milliards de francs, et à 37 milliards de francs en année pleine. Enfin, il a regretté le manque total d'informations de la part du Gouvernement sur les conséquences budgétaires du passage de la fonction publique de l'Etat aux 35 heures.

Si le Gouvernement se targue de maîtriser les dépenses publiques, il convient de rappeler que leur niveau est toujours largement supérieur à celui de nos principaux partenaires, la France étant notamment en tête des pays de l'OCDE, de l'Union européenne comme de la zone euro en ce qui concerne la part des dépenses publiques dans le PIB. Or, il a noté que le conseil de la politique monétaire de la Banque de France avait récemment considéré qu'il était indispensable de ramener rapidement ce niveau en deçà de 50 % du PIB. Le rapporteur général a ensuite présenté les préconisations de la commission en matière de dépenses. Il a estimé indispensable de développer une approche qualitative de la dépense publique, de renforcer le contrôle et l'évaluation des politiques publiques, et, par conséquent, a exprimé l'opinion que le Sénat devait rejeter les budgets mal gérés, en particulier, au regard de la priorité donnée au fonctionnement sur l'investissement ou de l'absence de réels efforts de gestion.

M. Philippe Marini, rapporteur général, abordant l'évaluation du déficit, a rappelé que ce dernier, comme l'avait montré le récent rapport de la commission sur la transparence relative des comptes de l'Etat, faisait l'objet d'un contrôle politique très serré, à l'exemple de celui de 1999. Il a dénoncé une réduction du déficit budgétaire à " géométrie variable ". Ainsi, en 1999, le déficit a été présenté en exécution à 206 milliards de francs, 11 jours après le vote du collectif qui le fixait à 225,9 milliards de francs. En 2000, le déficit prévu est de 185 milliards de francs mais il s'agit d'une appréciation a minima, son niveau allant probablement s'établir en deçà de ce montant. Le projet de budget pour 2001 prévoit un déficit de 186 milliards de francs, soit un niveau supérieur au déficit tel qu'il s'établirait à la fin de l'année 2000. Or, le rapporteur général a rappelé que l'Etat était la seule collectivité publique déficitaire depuis 1999, la sécurité sociale comme les collectivités territoriales étant désormais excédentaires. Il a constaté que la dette de l'Etat, en effet, augmentait de façon constante en valeur absolue, son encours allant passer de 3.628 milliards de francs à la fin de l'année 1997 à 4.340 milliards de francs à la fin 2001. De surcroît, le déficit public français, représentant 1,2 point de PIB, est toujours supérieur à celui de la zone euro (0,9 point de PIB) comme à celui de l'OCDE (0,2 point de PIB). Il a dès lors considéré qu'il était fondamental de réduire de façon volontariste le déficit public afin de préparer l'avenir, et a préconisé l'affectation de la totalité du produit des licences de téléphonie mobile de troisième génération, dites UMTS, au désendettement. Il a vivement critiqué le flou dont est entouré le fonds de réserve pour les retraites mis en place par le Gouvernement, dont on ignore tout des modalités de gestion comme de la nature des produits financiers qui y seront affectés. Il a proposé de s'inspirer de l'exemple des Etats-Unis, qui affichent un excédent budgétaire de 230 milliards de dollars en 2000, et qui devraient avoir remboursé la totalité de leur dette en 2012.

Le rapporteur général a ensuite souligné le coût croissant pour le budget de l'Etat de la compensation des exonérations d'impôts locaux, passée de 30 milliards de francs en 1998 à 90 milliards de francs en 2001. Ce triplement du montant des exonérations en quatre ans traduit la perte de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, comme l'a rappelé récemment le Sénat à l'occasion du vote de la proposition de loi constitutionnelle de son président, M. Christian Poncelet, mais traduit aussi la rigidité croissante du budget de l'Etat.

M. Jacques Oudin a souhaité que le rapport écrit du rapporteur général fasse état de l'évolution de la situation des partenaires européens de la France, et notamment de l'apparition d'excédents budgétaires dans plusieurs pays et de la réduction du déficit réalisée par l'Italie. Il a également souhaité que les critiques adressées à la France par les organismes internationaux soient mentionnées.

M. Jacques Oudin a qualifié d'" abracadabrantesques " les liens financiers entre les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, qui portent sur 560 milliards de francs en 2001. Il a jugé indispensable que les sénateurs soient mieux informés sur les liens entre ces deux entités. Il a également plaidé en faveur de la poursuite des efforts entrepris par la commission des finances pour parvenir à une consolidation des comptes publics.

M. Marc Massion n'a pas partagé la volonté du rapporteur général de s'inspirer de l'exemple des Etats-Unis, observant que 42 millions d'Américains ne bénéficiaient pas d'une couverture sociale.

Il a estimé que les remarques formulées par le rapporteur général étaient plutôt moins critiques qu'à l'accoutumée à l'égard de la politique menée par le Gouvernement. Il a notamment remarqué que, pour la première fois, le rapporteur général avait reconnu que le Gouvernement procédait à des baisses d'impôts, tout en critiquant leur caractère ciblé. Il a, pour sa part, approuvé les baisses ciblées en estimant qu'elles permettaient de prévenir l'émergence de revendications catégorielles.

Il s'est interrogé sur le montant des réductions d'impôt qui seraient nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par le rapporteur général de réduction de 2,9 points du taux de prélèvements obligatoires. Il a également demandé quels seraient les impôts qu'il faudrait réduire en priorité. S'agissant des dépenses publiques, dont il faudrait réduire le montant, il a souhaité savoir quels seraient les postes de fonctionnaire dont la suppression pourrait être envisagée.

M. Marc Massion a remarqué que les différents rapporteurs spéciaux reprochaient souvent au Gouvernement de n'avoir pas mis en oeuvre certaines mesures. Il a demandé que la commission procède au chiffrage du coût budgétaire des préconisations des rapporteurs spéciaux.

M. Maurice Blin a estimé que la dévaluation de l'euro constituait l'un des leviers principaux de la croissance en Europe. Observant que, par le passé, la dévaluation n'avait jamais été bénéfique à long terme, il s'est interrogé sur le caractère durable de la croissance actuelle. Il a regretté que l'Allemagne semble s'accommoder de la dépréciation de l'euro, mais s'est félicité de la politique budgétaire et fiscale menée par le gouvernement allemand.

Il a jugé peu raisonnable le choix du Gouvernement de procéder à l'embauche de 20.000 fonctionnaires supplémentaires en 2001. Il a considéré que le recrutement d'agents pour une durée d'une trentaine d'années ne correspondait pas aux besoins du monde d'aujourd'hui, caractérisés par des bouleversements fréquents. Il a rappelé que, pour évaluer le coût budgétaire du recrutement de fonctionnaires, il convenait de prendre aussi en compte les pensions versées pendant une durée presqu'aussi longue que la période d'activité.

S'agissant de la recherche d'économies budgétaires, M. Maurice Blin a observé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'était récemment demandé s'il était raisonnable que la dotation budgétaire du ministère de l'emploi soit la même en période de baisse du chômage qu'en période de hausse du chômage.

Il a noté que, en 2000, l'Etat avait emprunté 600 milliards de francs supplémentaires et a souhaité savoir si une partie de ces sommes avait été utilisée pour financer des dépenses de fonctionnement, comme c'est arrivé par le passé.

M. Roland du Luart s'est demandé si les hypothèses économiques retenues pour l'élaboration du projet de loi de finances, en matière de taux de croissance du produit intérieur brut, d'évolution des prix, de parité entre l'euro et le dollar et de prix du baril de pétrole, n'étaient pas déjà périmées.

Il a jugé illisible les modalités du financement du passage au 35 heures et a observé que le coût en 2001, 85 milliards de francs, était supérieur à l'investissement civil de l'Etat.

Il s'est demandé si, compte tenu de la réduction du nombre d'enfants scolarisés et du fait que de nombreux professeurs ne se consacrent pas à des tâches d'enseignement, il n'était pas possible d'envisager une réduction des effectifs de l'éducation nationale.

M. Roland du Luart a relevé un écart entre la prévision d'exécution du budget 2000 annoncée par le ministre au cours de l'été 2000, fixant le déficit à 185 milliards de francs, et le solde inscrit dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, dont on dit qu'il s'établirait aux environs de 200 milliards de francs.

M. Philippe Adnot a estimé qu'il convenait de mettre le montant des investissements civils et militaires de l'Etat prévus pour 2001 en regard du déficit prévu pour cette même année. Il a jugé fondamental que l'Etat, comme les collectivités locales en ont l'obligation, n'utilise pas l'endettement pour financer les dépenses de fonctionnement. Il a relevé que le Gouvernement espagnol envisageait d'interdire les déficits budgétaires et s'est demandé si la France pourrait encore longtemps s'exonérer de cette règle.

Il a estimé que les baisses d'impôt annoncées par le Gouvernement devaient être comparées aux augmentations de prélèvements obligatoires, notamment dans le domaine de la fiscalité écologique. Il a considéré que ces nouveaux impôts pesaient sur l'ensemble des citoyens, puisque les entreprises redevables répercutaient le poids de ces nouvelles charges dans les prix de vente. Il a observé, par ailleurs, que l'Etat transférait une part croissante de ses dépenses aux collectivités locales, notamment par le biais des contrats de plan.

M. Alain Lambert, président , a considéré que l'augmentation des prélèvements obligatoires reflétait l'absence de maîtrise des dépenses publiques. Il a observé que l'hypothèse d'augmentation de 0,3 % en volume des dépenses publiques prévue par le projet de loi de finances pour 2001 avait été élaborée à effectifs constants. Or, il a noté que le projet de loi de finances pour 2001 prévoyait le recrutement de plus de 20.000 fonctionnaires. Dans ces conditions, il s'est demandé si la norme de progression des dépenses publiques prévue pour 2001 était réaliste. Il a, par ailleurs, remarqué que les Français n'avaient pas vraiment l'impression que le poids de leurs impôts se réduisait.

M. Alain Lambert, président , a fait observé à M. Marc Massion que les rapporteurs spéciaux appartenant à la majorité sénatoriale ne demandaient pas l'accroissement des moyens des départements ministériels dont ils assurent le suivi, mais préconisaient des redéploiements de crédits afin d'améliorer leur gestion. Il a cependant remarqué que ces préconisations ne pouvaient pas être traduites en amendements en raison des dispositions de l'ordonnance de janvier 1959 relative aux lois de finances.

M. Alain Lambert, président , a considéré qu'une comparaison du coût annuel de la mise en place des 35 heures et des crédits affectés au ministère de la justice permettrait de mettre en évidence les véritables priorités du Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a jugé qu'il était central et essentiel d'inscrire la " règle d'or ", l'interdiction du financement des dépenses de fonctionnement par l'emprunt, au centre de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Il a estimé que la dévaluation de l'euro avait constitué un puissant adjuvant de l'activité en Europe mais que, aujourd'hui, cette dévaluation avait des conséquences négatives sur la psychologie des acteurs économiques et des marchés.

Il a considéré que la convergence fiscale entre les pays européens était la clé du succès de l'euro. En l'absence de convergence, il a pronostiqué une contestation de la monnaie unique, qui pourrait intervenir au pire moment, lors de la mise en circulation des billets et des pièces de monnaie le 25 février 2002. En matière fiscale, il a jugé indispensable de modifier le système de décision à la majorité absolue au sein du Conseil européen.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a confirmé que les éléments évoqués par M. Jacques Oudin figureraient dans le rapport écrit. Il a considéré que la consolidation des comptes publics devrait constituer un autre élément essentiel de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Il a remarqué que les baisses d'impôts, ciblées et de portée réduite, auxquelles a procédé le Gouvernement n'avaient pas été efficaces et n'avaient pas emporté l'adhésion de l'opinion. Il a cité l'exemple de la baisse de la TVA qui a coûté 18 milliards de francs au budget de l'Etat mais n'a eu aucun impact sur la justice sociale ou sur la compétitivité de l'économie nationale. Il a jugé que la multiplication des mesures ciblées pouvait s'apparenter à du clientélisme.

S'agissant des économies budgétaires susceptibles de rendre possible une baisse des prélèvements obligatoires, il a indiqué qu'elles pouvaient être réalisées en revenant sur la mise en place des 35 heures, dont le coût budgétaire s'élève à 110 milliards de francs en année pleine et à 85 milliards de francs en 2001. A titre de comparaison, il a indiqué que le budget du ministère de la justice s'élevait à environ 30 milliards de francs. Il a, par ailleurs, remarqué que des économies étaient possibles puisque le Gouvernement avait prévu de financer le coût des 20.000 créations d'emplois publics en procédant à des redéploiements de crédits, notamment au sein du budget de l'emploi. Il s'est souvenu que, lorsque le Sénat avait proposé de tels redéploiements, le Gouvernement avait jugé cette orientation " anti-sociale ".

M. Philippe Marini, rapporteur général , a rappelé que la commission d'enquête sénatoriale présidée par M. Adrien Gouteyron avait établi que, au sein des effectifs du ministère de l'éducation nationale, l'équivalent d'une académie n'était pas affecté à des tâches d'enseignement.

Il a confirmé que le rapport écrit insisterait sur les incertitudes relatives à la conjoncture. Il a observé que le Gouvernement était tenté de reporter certaines recettes de 2000 sur l'exercice 2001 de manière à être en mesure de faire face à un retournement. Il a indiqué que la majorité sénatoriale entendait faire de la critique des modalités du financement des 35 heures l'un des axes majeurs des débats sur le projet de loi de finances pour 2001 et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Observant que les 85 milliards de francs consacrés par l'Etat au financement des 35 heures avaient permis de créer 200.000 emplois, il s'est demandé si une réduction de 85 milliards de francs des prélèvements obligatoires supportés par les entreprises n'aurait pas permis de créer plus de 200.000 emplois.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé que l'hypothèse d'un déficit pour 2000 évalué à 200 milliards de francs n'était pas crédible et que l'inscription d'un tel montant dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 pourrait signifier que les pratiques constatées en 1999 avaient toujours cours au ministère de l'économie et des finances.

Il a estimé que M. Philippe Adnot avait raison d'insister sur la complexité du programme fiscal du Gouvernement, qui cumule de nombreuses baisses et de nombreuses hausses d'impôts. Il a jugé qu'un tel dispositif était illisible pour les contribuables et l'a opposé à l'exemple de l'Allemagne, qui préfère envoyer des messages clairs et simples à destination des petites entreprises. Il a par ailleurs observé que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ne relevait pas de la fiscalité écologique, mais était plutôt un impôt de rendement destiné à financer les 35 heures.

* 1 In " En finir avec le mensonge budgétaire : enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat ", n° 485 (1999-2000).

* 2 In " Débat d'orientation budgétaire pour 2001 : comment être crédible en Europe ? ", n° 373 (1999-2000).

* 3 En fait, le panier synthétique des monnaies qui allaient se fondre dans l'euro.

* 4 Le solde des opérations définitives des comptes spéciaux du Trésor est négligeable : il s'élève à + 48 millions de francs dans le PLF 2001 contre + 1 million de francs dans le PLF 2000.

* 5 En loi de finances pour 1998, le solde général s'établissait à - 257,9 milliards de francs.

* 6 Rapport d'information n° 485 (1999-2000) : " En finir avec le mensonge budgétaire ".

* 7 In Rapport sur les comptes de la Nation de l'année 1999 - PLF 2001 - Tome I, pages 75 et suivantes.

* 8 Aucun tableau chiffré ne figure en effet, que ce soit dans le Rapport économique, social et financier pour 2000 ou dans celui pour 2001.

* 9 Rapport économique, social et financier, page 178.

* 10 Le solde primaire correspond à la différence entre les recettes et les dépenses (hors prise en compte de la charge de la dette sous forme d'intérêts). Lorsque ce solde devient excédentaire, cela signifie que l'Etat n'emprunte plus pour financer les intérêts de sa dette.

* 11 Il s'agit de la charge brute de la dette. La charge nette, qui prend en compte les recettes en atténuation des charges de la dette (lignes 806 et 411 du fascicule voies et moyens) s'élève à 239,68 milliards de francs en progression de 2,1 % en 2001 après une diminution de 1,07 % en 2000.

* 12 La part de l'Etat dans la dette brute des administrations publiques est prépondérante et s'accroît : elle représente 78,9 % en 1999 contre 73,6 % en 1995.

* 13 Adopté à l'initiative de votre commission, l'article 117 de la loi de finances pour 1999 prévoit que le " jaune " budgétaire relatif à l'évolution des traitements dans la fonction publique doit désormais comporter des développements substantiels sur les retraites publiques. Ce document budgétaire ainsi enrichi, doit être déposé, pour la première fois dans le cadre du présent projet de loi de finances.

* 14 Selon un chiffrage réalisé en 1993 par l'OCDE, le montant de la " dette publique invisible " de la France serait de 216 % du PIB de 1990, contre 157 % pour l'Allemagne, 156 % pour le Royaume-Uni et 89 % pour les Etats-Unis.

* 15 Rapport d'information n° 485 (1999-2000) : " En finir avec le mensonge budgétaire ".

* 16 Il s'agit de l'éducation nationale (enseignement scolaire et supérieur), de l'économie et des finances, de l'intérieur, et de l'équipement et des transports.

* 17 Le 1 er février 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait d'ailleurs affirmé, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, qu' " il existe un risque d'hypertrophie de certaines administrations centrales que le gouvernement entend corriger ". Il est à craindre que l'échec de la réforme de l'administration fiscale n'ait conduit le gouvernement à ne plus chercher à prévenir ce " risque d'hypertrophie ".

* 18 Le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, M. Michel Sapin, a lui-même reconnu que l'Etat ne connaissait pas le nombre de ses fonctionnaires.

* 19 " Recouvrement de l'impôt : une réforme nécessaire ", Assemblée nationale n° 2543 XIème législature.

* 20 Enfin, environ 4,3 millions de personnes voient leur pension directement indexée sur la rémunération des fonctionnaires : 1,77 million de personnes bénéficiant d'une pension civile ou militaire de retraite et 587.000 bénéficiaires d'une pension versée par la CNRACL, 1,39 million de  bénéficiaires du régime de retraite complémentaire IRCANTEC ainsi que 500.000 personnes ayant droit à une pension militaire d'invalidité.

* 21 Décret n° 2000-815 du 25 août 2000, Journal Officiel du 29 août 2000.

* 22 L'écart entre les évaluations révisées pour 2000 et la loi de finances initiale n'atteint pas 90 milliards de francs en raison de l'impact supposé des mesures fiscales adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2000 et présentées dans le projet de loi de finances pour 2001.

* 23 Hors la mesure concernant l'aménagement des remboursements aux transporteurs routiers au titre de la TIPP pour 200 millions de francs.

* 24 Cette contribution a été portée à environ 5 milliards de francs par l'Assemblée nationale.

* 25 Rapport d'information n° 373 (1999-2000).

* 26 Ainsi,selon que l'on intègre tout ou partie du coût des mesures introduites par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, ou selon que l'on raisonne en droits constatés plutôt qu'en encaissements / décaissements, le solde du régime général peut varier dans une proportion de un à cinq.

* 27 Rapport d'information de M. Alain Lambert sur la réforme de l'ordonnance organique n° 37 (2000-2001).

* 28 L'exonération de CRDS n'est, quant à elle, pas compensée.

* 29 Il convient de rappeler que la loi de financement pour 1999 avait déjà prévu la prise en charge par la CNAMTS des dépenses de dépistage de certaines maladies, et que celle pour 2000 avait fait de même pour les dépenses de dépistage des centres de dépistage anonymes et gratuits et les centres de planification ou d'éducation familiale (les décrets ne sont toujours pas parus...) et pour les dépenses liées au cures de désintoxication réalisées avec hébergement dans un établissement de santé.

* 30 Bulletin d'informations statistiques du ministère de l'intérieur, septembre 2000.

* 31 Dexia Crédit local de France, note de conjoncture, juillet 2000.

* 32 Numéros de septembre 2000.

* 33 L'effort d'investissement est particulièrement assumé par les communes de plus de 10.000 habitants, dont les dépenses sont supérieures de 8 points à celles de 1994.

* 34 Il est pour le moins surprenant d'apprendre ainsi que c'est le gouvernement qui décide les baisses d'impôt.

* 35 Le montant des compensations d'exonérations fiscales serait encore plus élevé si la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) n'était pas la variable d'ajustement de l'enveloppe normée, ce qui provoque une réduction annuelle de son montant (-5,8 milliards de francs depuis 1998).

* 36 Ce chiffre ne prend pas en compte les dégrèvements de fiscalité locale pris en charge par l'Etat.

* 37 Rapport d'information n° 485 (1999-2000).

* 38 Rapport d'information n° 37 (2000-2001).

* 39 Rapport économique, social et financier - PLF 2001 ; Avant-propos, page 4.

* 40 Rapport précité pages 70-71.

* 41 Ces simulations étaient détaillées en annexe au rapport d'information " Comment être crédible en Europe ? ", n° 373 (1999-2000).

* 42 Sur l'ensemble de cette question on se reportera très utilement au commentaire de l'article 23 du présent projet de loi de finances.

* 43 Source : étude de la Caisse des dépôts et consignations.

* 44 L'ensemble de ces analyses figure en annexe au rapport n° 373 (1999-2001).

* 45 57,1 milliards de francs en 2001 ; 37,5 milliards de francs en 2002 ; 25 milliards de francs en 2003.

* 46 Assemblée nationale, commission des finances, compte-rendu n° 65, réunion du mercredi 20 septembre 2000.

* 47 Rapport n° 2601, XIème législature, pages 155 à 157.

* 48 La dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation spéciale instituteurs, la dotation élu local, la dotation générale de décentralisation (DGD), la DGD de Corse et la DGD formation professionnelle, les dotations au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation, la dotation globale d'équipement, la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

* 49 Le fonctionnement de l'enveloppe normée fera l'objet de développements plus fournis dans le commentaire de l'article additionnel avant l'article 26 figurant dans le tome II du présent rapport général.

* 50 Sur le financement des communautés d'agglomération, on se reportera utilement au commentaire de l'article 26 du présent projet de loi de finances.

* 51 Le commentaire de l'article 27 du présent projet de loi de finances explique pourquoi le principal concours de l'Etat aux collectivités locales, la DGF des communes, est faiblement péréquateur.

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