IV. ACTIVITÉS DES SOCIÉTÉS ET ORGANISMES

Votre rapporteur spécial n'a pas souhaité, cette année, entreprendre le vaste panorama de l'audiovisuel afin de se concentrer sur certains dossiers d'actualité.

Son objectif est de parvenir sur un cycle de trois ou quatre ans à passer en revue les organismes de l'audiovisuel public pour en exposer les conditions de fonctionnement et les problèmes de financement.

Au moment où le groupe France Télévision se met en place, il a paru prématuré de se pencher sur France 2 et France 3 dans la mesure où les structures du groupes ne semblent pas encore définitives et où le contrat d'objectifs et de moyens est encore en gestation.

En l'occurrence, et compte tenu des développements consacrés à certaines sociétés dans les rapports déposés à l'Assemblée nationale, il a choisi de traiter :

• des projets numériques de France télévision dans la mesure où en dépendent le besoins de financement évoqués précédemment dans le rapport ;

• de la situation de Radio France internationale, dont il estime qu'il s'agit d'une société qui assume effectivement une mission de service public, souvent méconnue, si ce n'est délaissée ;

• de la politique de l'Institut National de l'audiovisuel, qui a paru exemplaire sinon par les efforts de restructuration du moins par le fait qu'il apparaît pionnier dans la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens.

A. LES AMBITIONS NUMÉRIQUES DE FRANCE TÉLÉVISION

Le numérique terrestre dont la loi du 1 er août 2000 a fixé le cadre juridique, constitue une chance historique et à certains égards, la dernière chance du service public de trouver sa place dans le nouveau paysage numérique audiovisuel.

En fait, cette nouvelle frontière qui est au coeur de la stratégie de développement de la nouvelle holding France Télévision, est des plus incertaine, au point que un nombre croissant d'opérateurs doute de la viabilité du numérique terrestre dans sa configuration actuelle.

En tout état de cause, les ambitions de France Télévision ne sont toujours pas financées. Comme on l'a souligné en première partie, le milliard promis, semble-t-il, par la ministre de la culture n'est pas à la mesure des investissements que doit effectuer France Télévision, si le groupe veut rester dans le peloton de tête des opérateurs audiovisuels.

1. Un contexte économique incertain

Comme l'y invitait la loi du 1 er août 2000, le Conseil Supérieur de l'audiovisuel a procédé à la consultation sur l'organisation du numérique terrestre. Ses conclusions, dont le contenu a été rendu public au début du mois de novembre, ont indirectement contribué à mettre l'accent sur un certain nombre de points controversés.

C'est ainsi qu'un certain nombre d'opérateurs consultés ont fait part de leurs critiques, alimentant un certain climat de scepticisme :

- TPS et NRJ/Tower Cast insistent sur la nécessité de ne pas renoncer aux avantages de la mobilité : la préservation de canaux serait, à cet égard, une solution pour préserver l'avenir ;

- Canal+ estime que la diffusion de six programmes par Multiplex semble problématique si l'on veut bénéficier d'une transmission de qualité et se donner les moyens de profiter de l'interactivité ;

- BT France pose une question : est-ce raisonnable d'augmenter les coûts du réseau terrestre pour atteindre un objectif de couverture de 80 % alors que l'offre satellitaire peut permettre la réception d'un service équivalent ?

- enfin, l'AVICAM et AB Groupe mettent l'accent sur les services de proximité qui leur paraissent insuffisamment pris en compte.

La question qui se pose actuellement, est celle de l'économie des chaînes du numérique hertzien .

La télévision numérique de terre naît, en effet, sous le signe de l'ambiguïté : certes, la loi affiche clairement la priorité aux émissions en clair c'est-à-dire aux services publics, et, dans une moindre mesure, aux opérateurs analogiques historiques, mais elle associe d'une façon pas toujours claire initiative privée et initiative publique, offre gratuite et services commerciaux.

Les coûts de diffusion sont estimés à un niveau compris entre 30 et 50 millions de francs par an, selon le taux de couverture du territoire recherché.

Il est couramment estimé que Télédiffusion de France devra investir 3 milliards de francs pour l'aménagement de ses émetteurs, étant entendu que l'entreprise devra compter avec des nouveaux concurrents.

Face à ces coûts, certains avancent que le numérique de terre constitue une offre en clair supplémentaire de nature à répondre à une demande publicitaire actuellement non satisfaite. C'est ainsi que certaines études considèrent que les investissements publicitaires à la télévision, qui se montent actuellement à 20 milliards de francs, pourraient atteindre 30 milliards vers 2010.

Mais, une des inconnues de l'équation numérique terrestre reste le problème de l'équipement des ménages en appareils pouvant recevoir le numérique terrestre et notamment de la migration des décodeurs analogiques vers le numérique. Canal+, en tant que premier opérateur numérique européen, apparaît au coeur du problème.

Sans évoquer le sort funeste du plan câble des années 80, ni l'échec de l'introduction du numérique en Suède, certains doutent de la viabilité économique du système actuel. Une des faiblesses est l'absence d'opérateurs commerciaux susceptibles d'assumer les dépenses de publicité et de marketing nécessaires au succès du numérique : " le problème du numérique hertzien, c'est qu'il n'y a personne pour tenir la boutique ", aurait déclaré le directeur du développement de TF1.

En outre, la limitation à 49 % du contrôle des chaînes par un même opérateur, est un obstacle relevé par de nombreux observateurs et même admis par le conseil supérieur de l'audiovisuel. On voit mal en effet TF1 accepter de céder la majorité du capital de sa chaîne d'information continue LCI pour la faire migrer sur le numérique terrestre.

Alors que le budget annuel d'une chaîne sur le numérique terrestre serait compris entre 100 et 200 millions de francs, l'étude de la Direction du développement des médias déjà mentionnée, estime qu'une chaîne en clair dotée d'un budget de 100 millions pourrait trouver sa rentabilité à l'issue d'un délai de 10 ans de fonctionnement.

2. Les projets de France Télévision

France Télévision espère consacrer 1,5 milliard de francs pour son développement sur le numérique hertzien. Le montant exact de ce qui doit s'analyser comme une dotation en capital fait l'objet d'une discussion entre l'Etat et France Télévision dans le cadre de la mise au point du contrat d'objectifs et de moyens prévu par la loi du 1 er août 2000. L'importance et les modalités de l'apport de l'Etat étant largement conditionnées par les projets concrets de France Télévision, il a paru intéressant de rappeler brièvement leur contenu en ce qui concerne tant le numérique hertzien proprement dit que les développements vers l'interactivité.

a) La stratégie numérique

France Télévision va être amenée à diversifier son offre. Elle va décliner son offre de la façon suivante :

1. Il est prévu la duplication en numérique de France 2, France 3 ainsi que de la Cinquième (24 heures sur 24) ;

2. Un canal multichoix permettra de mettre en valeur les contenus des trois chaînes historiques au-delà de la simple rediffusion décalée ;

3. Un fil d'informations doit être constitué à partir des travaux des quelques 1350 journalistes des trois rédactions ;

4. L'offre de télévision régionale et locale sera renforcée : France 3 proposera de nouveaux programmes locaux, tandis que France Télévision s'efforcera de développer des multiples partenariats locaux en liaison avec la presse locale, les radios et les associations, sans oublier les collectivités locales ;

5. Un fil sport sera également mis en place pour mieux utiliser le potentiel du groupe dans le domaine sportif et rentabiliser le portefeuille de droits qu'il a acquis notamment en partenariat avec le Comité olympique ;

6. Une chaîne des arts et des spectacles doit être créée pour offrir une véritable ouverture culturelle à vocation populaire sur des domaines qui ne trouvent pas à s'exprimer sur les chaînes généralistes hertziennes, les arts plastiques, le théâtre, la danse, l'opéra et le spectacle vivant en général ;

7. Une chaîne à vocation éducative et multi-culturelle doit être élaborée en partenariat avec la Cinquième, de façon à permettre à la télévision d'appréhender l'évolution des styles de vie et la variété des cultures des adolescents et des jeunes adultes, à l'image notamment de ce qu'a fait Radio France avec sa radio Le Mouv' :

8. Enfin, une offre interactive et de services sera créée pour tirer parti des nouvelles possibilités techniques et répondre aux attentes des spectateurs.

b) Le pari sur l'interactivité

Marc Tessier a annoncé dès le début de l'année que son groupe allait investir au cours des trois prochaines années près de 200 millions pour développer des services interactifs.

Le projet, porté par le GIE France Télévision interactive, va s'appuyer sur une équipe d'une quarantaine de personnes, dont la moitié de journalistes, pour développer des contenus sur le site Internet de France Télévision.

Le projet Editorial consiste à créer une offre généraliste en jouant de la complémentarité et de la synergie des marques du groupe France Télévision :

•  Autour de France 3 seront privilégiés des programmes et des informations issus des régions ;

•  Autour de France 2, les services seront axés autour de l'information nationale et internationale ainsi que le divertissement ;

•  Autour de la Cinquième, les services développés concerneront les connaissances et les savoirs.

France Télévision interactive devrait apporter un certain nombre de services aux téléspectateurs et à l'internaute :

•  Un guide électronique des programmes,

•  des services pour les internautes, mail gratuit, chats, fil météo, fil d'information financière,

•  des services de proximité en liaison avec les services publics locaux.

France Télévision interactive réalisera des sites " portails " France2.fr et France3.fr qui devront s'appuyer sur la force promotionnelle des antennes.

Le développement de la société passe par des accords de partenariats pour la production de contenus qui seraient passés tant avec les organisateurs d'événements sportifs qu'avec des opérateurs techniques (diffuseurs haut débit sur Internet, tableau opérateur) à la recherche de sociétés capables de proposer des contenus susceptibles de leur attirer du public.

c) Le plan de financement

Pour France Télévision, l'économie du projet pourrait reposer sur les principes de financement mixte par la redevance et la publicité.

Les ressources consacrées aux activités numériques devraient donc pouvoir prendre quatre formes :

•  des gains de productivité, grâce à la mise en synergie des antennes et des équipes dédiées au projet numérique et par l'effet d'économies de gestion consécutives à la création du groupe ;

•  un accès à la redevance permettant d'affecter au numérique une part importante de la hausse de redevance espérée par le groupe à partir de 2001 ;

•  des recettes supplémentaires issues du développement escompté du marché publicitaire, lorsque le numérique terrestre sera monté en régime ;

•  des fonds de partenariat qui seraient trouvés, non pas sous forme capitalistique, mais au moyen de contributions diverses, qu'il s'agisse de coproduction ou de mise à disposition de moyens.

En définitive, France Télévision estime que le coût de cette offre numérique pourrait atteindre à terme entre 1,6 et 1,8 milliard de francs dont 1,3 à 1,4 milliard de francs directement lié à la réalisation des programmes.

Ce projet sera développé progressivement, tant en termes de couvertures que de nombre de chaînes et c'est la raison pour laquelle France Télévision estime que le coût du projet en 2001 pourrait être compris entre 200 et 500 millions de francs.

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