Rapport général n° 92 (2000-2001) de M. René TRÉGOUËT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2000

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N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 34

RECHERCHE

Rapporteur spécial : M. René TRÉGOUËT

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Concernant les TGE (très grands équipements)

Les dépenses en faveur des TGE ne sont plus sommairement considérées comme s'effectuant au détriment des laboratoires.

a) Votre rapporteur se réjouit :

- de la décision de construire à Saclay le synchrotron de troisième génération Soleil ;

- de la poursuite de la mission d'astronomie spatiale " COROT " ;

- des décisions prises en faveur du renouvellement de la flotte de recherche océanographique de l'IFREMER ou du renforcement des moyens d'affrètement de navires par l'IFRTP (institut français pour la recherche et la technologie polaires) ;

- enfin, de l'augmentation de la dotation consacrée au programme de satellites d'observation météorologiques (+ 45 MF) considérés, pourtant, comme non scientifiques !

b) Mais les TGE méritent une réflexion concernant leur définition et un effort de programmation (notamment en matière spatiale, voir observation suivante).

c) Plus ponctuellement, votre rapporteur compte interroger le ministre sur :

- les délais dans lesquels sera constituée une société civile en mesure de piloter efficacement le projet " Soleil " ;

- les conditions d'attribution dans les mers australes du navire Marion Dufresne (répartition entre usages scientifiques et touristiques...).

2. Concernant les dépenses spatiales

La subvention versée au CNES diminue de 130 millions de francs.

a) Le Gouvernement explique cette diminution par :

- une augmentation moindre que prévue de la contribution à l'agence spatiale européenne en raison des excédents de trésorerie dont celle-ci dispose ;

- un étalement du programme franco-américain de retour d'échantillons martiens, dont l'échéance est repoussée de deux ans à 2007 ;

- un répit avant le démarrage de nouveaux programmes.

b) Mais le CNES fait observer qu'il avait déjà tenu compte de ces évolutions dans ses demandes budgétaires initiales et que l'arbitrage effectué est incompatible avec le respect du calendrier d'exécution de son plan stratégique à moyen terme.

Devraient être notamment retardés ou réduits, les engagements de moyens consacrés à la réalisations d'objectifs pourtant très importants tels que :

- la recherche et développement en télécommunications spatiales ;

- notre contribution au programme capital de positionnement par satellite Galiléo (au profit de l'Italie, en rivalité avec nous, qui a mesuré toute l'importances des enjeux en cause)

- la réalisation d'un nouvel étage supérieur cryotechnique de la fusée Ariane V, plus performant et réallumable (ce qui est indispensable au lancement, par grappe, de constellations de satellites défilants de télécommnications) ;

c) A ce sujet, votre rapporteur voudrait faire observer que :

- l'espace, comme les TGE, doit faire l'objet d'une programmation budgétaire à moyen terme qui évite de sacrifier aux nécessités du court terme les moyens essentiels à l'avenir de notre recherche ;

- La composante spatiale des technologies de l'information représente, pour notre économie, un enjeu industriel et commercial majeur.

Les arbitrages budgétaires effectués ne doivent pas nous conduire à restreindre les moyens que nous lui consacrons en nous laissant contraindre, par ailleurs, par des contributions démesurées à certaines coopérations (station orbitale, exploration de Mars, ou même, développement d'Ariane V dont nous avons assumé jusqu'à 75 % de certains surcoûts !) ;

- L'Europe consacre cinq fois moins de ressources à l'espace que les Etats-Unis.

Or, il s'agit d'un enjeu majeur d'un point de vue non seulement scientifique mais stratégique et économique.

Il importe à cet égard de développer les recherches et les applications " duales " (c'est-à-dire à la fois civiles et militaires). Le programme Galiléo est exemplaire de ce point de vue.

Or, la contribution du budget de la Défense aux dépenses spatiales devrait diminuer de 250 MF en 2001 !

3. Concernant l'emploi scientifique

a) Votre rapporteur compte interroger le ministre au sujet de l'impact sur le budget du CNRS des détachements d'agents de cet établissement dans différents ministères et diverses administrations.

b) L'allocation de recherche versée au thésard n'a pas été revalorisée depuis 1991

c) Concernant les " post-doctorants ", différentes initiatives ont été prises par le Gouvernement (aide au recrutement par les entreprises, créations d'emplois d'enseignants-chercheurs), mais, dans les organismes publics et le CNRS en particulier, se pose un problème d'insuffisance des rémunérations proposées.

Les procédures de financement communautaire apparaissent, enfin, d'une lourdeur excessive en la matière.

d) Il est dommage que les représentants de l'administration se privent, lorsqu'ils participent à des conférences internationales sur l'environnement, des conseils des scientifiques français compétents dans ce domaine (ce qui n'est pas le cas, par exemple, de la délégation américaine).

4. Concernant l'évaluation de la recherche

Votre rapporteur réitère ses observations de l'an dernier, concernant la nécessité vitale d'améliorer l'appréciation non seulement des travaux des chercheurs mais de l'efficacité des aides publiques (y compris aux universités), notamment en matière technologique (s'agissant, en particulier, du FRT).

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des finances est attachée -comme chacun sait- à une maîtrise des dépenses publiques qui passe par une stabilisation, voire un recul, des effectifs et des dépenses de fonctionnement des administrations, sans que soient sacrifiés pour autant les investissements qui préparent l'avenir.

Votre rapporteur, néanmoins, a toujours plaidé, personnellement, pour une exception en faveur de la recherche dont il souhaite, -mais pas de n'importe quelle façon et pour des raisons bien particulières-, voir les crédits augmenter.

Parce qu'il s'agit, tout d'abord, d'un moteur de la croissance et de l'emploi et d'un gisement de ressources fiscales et sociales : les start-up d'aujourd'hui sont les gros contribuables et cotisants de demain.

Et aussi, en raison du retard de la France par rapport à ses principaux concurrents -notamment les Etats-Unis et le Japon- en ce qui concerne tant l'effort financier global que le rajeunissement des effectifs de chercheurs ou encore certaines disciplines cruciales comme les sciences du vivant ou les technologies de l'information et de la communication.

Mais, votre rapporteur est en même temps partisan d'une sélectivité assez forte, en faveur de priorités correspondant aux principaux besoins et surtout d'une évaluation rigoureuse de l'efficacité des dépenses publiques de recherche.

Il souhaite, par ailleurs, voir les entreprises privées augmenter encore leur participation, qui reste insuffisante, à l'effort de recherche national.

L'ensemble des dépenses civiles de recherche regroupées dans le BCRD (Budget civil de recherche et de développement technologique) doit augmenter en 2001 de 2,2 % 1 ( * ) , soit nettement plus que le total des dépenses civiles de l'Etat, ce qui n'était pas le cas l'an dernier.

Les autorisations de programme de ce même BCRD sont en hausse de 6,4%.

Ont été qualifiées d'" embellie " ces évolutions assez favorables, il est vrai, du point de vue de ceux qui, comme votre rapporteur, sont partisans d'une progression des crédits de la recherche.

Une telle augmentation est cependant inférieure à la croissance économique prévue et à celle d'autres budgets jugés plus prioritaires comme l'environnement ou l'intérieur.

Elle ne devrait donc pas faire progresser le pourcentage dans notre PIB de nos dépenses intérieures de recherche-développement qui demeure inférieur à son niveau d'il y a cinq ans et à celui des Etats-Unis et du Japon.

Quant au budget du ministère de la recherche, qui représente 70 % du BCRD, son accroissement n'est que de 0,7% à structure constante, les autorisations de programme augmentant, il est vrai, de 4,6 %.

Les sujets de satisfaction cette année sont cependant, pour votre rapporteur, assez nombreux :

- On note, tout d'abord, l'amorce d'une politique de l'emploi scientifique à laquelle correspondent les créations de 130 emplois de chercheurs et de 135 postes d'ingénieurs techniciens.

- L'augmentation des autorisations de programme permettra d'améliorer l'équipement de base des laboratoires sans négliger pour autant les très grands équipements puisque la construction à Saclay du synchrotron Soleil doit être commencée.

- Dans la continuité de la politique menée par le précédent ministre, une forte priorité continuera à être accordée aux technologies de l'information et aux sciences du vivant.

-  Enfin, les actions conjointes sont encouragées, qu'il s'agisse de recherches interdisciplinaires ou en réseau, ou encore de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, avec la mise en place des CNRT (centres nationaux de recherche technologique).

I. L'ANALYSE DES CRÉDITS

A. VUE D'ENSEMBLE

1. Le BCRD

a) Evolution globale

Le BCRD (Budget civil de recherche et de développement technologique) regroupe l'ensemble des crédits consacrés aux dépenses civiles de recherche et de développement technologique de l'Etat par les différents ministères (y compris celui de la Défense).

Il doit s'élever, en 2001, à :

- 55,86 milliards s'agissant des dépenses courantes de l'exercice (dépenses ordinaires + crédits de paiement), soit + 2,2 % par rapport à 2000 ;

- 24,3 milliards en autorisations de programme, ce qui correspond à une progression de + 6,4 % par rapport à l'année qui s'achève.

b) Ventilation

Le tableau suivant rend compte de sa ventilation par départements ministériels. Certaines évolutions justifient un commentaire particulier, il s'agit :

- de la baisse, préoccupante, de la contribution du budget de la défense (-250 millions de francs) qui doit affecter particulièrement les recherches spatiales dites " duales " ;

- de l'impact -il est vrai, assez mineur- du rattachement au budget de l'environnement d'une partie des crédits de l'IPSN (366 millions de francs) qui n'étaient pas inclus, l'an dernier, dans le BCRD ;

- de la progression (+12 %) des dépenses d'équipement aéronautique sous l'effet, en partie, du programme de recherche relatif au projet d'Airbus gros porteur A 3 XX (+170 millions de francs en CP) ;

- enfin, de l'augmentation sensible de la dotation de l'enseignement supérieur (+6 %) qui devrait bénéficier à la recherche universitaire.

2. Le budget du ministère de la recherche

a) L'évolution globale apparente

Dans cet ensemble, les crédits du ministère de la recherche, qui a retrouvé son autonomie vis-à-vis de l'éducation nationale, au printemps dernier, évoluent, globalement, de la façon suivante :

- concernant la somme des dépenses ordinaires et des crédits de paiement, les 40 milliards de francs sont dépassés (le total est de 40,268 milliards). Toutefois, l'augmentation n'est que de 1 % (+ 0,7 % à structure constante) ;

- mais la progression des autorisations de programme (14,36 milliards) semble plus satisfaisante (+ 6,7 %). Elle l'est cependant moins, envisagée à structure constante (+ 4,6 %).

b) Les changements de structure

Les principaux changements de périmètres qui affectent le budget du ministère de la recherche concernent :

- le regroupement au sein du budget de l'industrie de l'ensemble des subventions de fonctionnement versées au CEA civil (- 205,6 MF) ;

- le transfert à partir du budget de l'enseignement scolaire des dépenses de fonctionnement (hors personnel) du ministère, comme suite à son retour au statut de département ministériel de plein exercice (+ 55 MF) ;

- un versement, en cours de gestion 2001, d'une participation du ministère de la défense aux dépenses spatiales du CNES à double finalité, civile et militaire (+ 250 MF).

Au total, les transferts au bénéfice du ministère sont plus importants que ceux effectués à son détriment, ce qui explique que l'évolution du budget à structure constante (+ 0,7 %) soit moins favorable que celle à structure variable (+ 1 %).

Cependant, le ministère de la recherche est censé coordonner la détermination, la répartition et l'exécution de l'ensemble du BCRD. Il est chargé, notamment, " d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique de recherche universitaire. "

L'évolution du BCRD peut donc être considéré comme plus significative que celle du seul budget de la recherche stricto-sensu directement affecté au ministère de la rue Descartes.

Il n'en demeure pas moins que l'objet du présent rapport spécial est limité au budget du ministère de la recherche, lequel représente plus de 70 % du BCRD.

B. ANALYSE DÉTAILLÉE

1. Répartition des crédits

Le " bleu " de la recherche distingue deux agrégats :

- un agrégat correspondant aux dépenses des organismes de recherche (36,67 milliards, soit 91,7 % du budget) ;

- un autre regroupant les interventions directes du ministère (3,3 milliards, soit les 8,3 % restant).

Le tableau ci-après rend compte, de façon détaillée, de l'évolution des crédits au sein de chacune de ces deux grandes catégories de dépenses.

a) Les organismes de recherche

Avant d'analyser les priorités retenues, il peut être observé que les organismes de recherche se subdivisent en :

- établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) : 22,9 milliards, 62,3 % du total des dépenses considérées ;

- établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : 13,2 milliards, 32,8 % des dépenses ;

- institutions de recherche (instituts, fondations, associations, etc... à but non lucratif) spécialisés dans les sciences du vivant : 716 MF, 4,9 % du total.

Les subventions de l'Etat couvrent 87 % du budget des EPST et sont affectées pour plus de 70 % à leurs dépenses de personnel.

Elles ne financent, en revanche, que 63 % du budget des EPIC, 28 % seulement de ces subventions étant consacrées aux dépenses de personnel des établissements concernés.

Au total, l'INRA, le CNRS, l'IRD, l'INSERM, le CNES et le CEA 2 ( * ) , dont les subventions dépassent le milliard de francs, mobilisent près de 90 % des crédits des organismes de recherche (87,6 %), soit 32,33 milliards au profit de 6 organismes sur plus d'une vingtaine...

La part du CNRS et du CNES avoisine les 60 % (58,45 %). En y ajoutant celles de l'INRA et du CEA, quatre établissements consomment plus de 80 % (84,6 %) des crédits destinés aux organismes de recherche dont la structure de financement apparaît ainsi comme à la fois assez dispersée (quant au nombre de bénéficiaires de subsides de l'Etat) et très concentrée (de par l'inégalité du montant des subventions versées).

b) Les interventions du ministère

Les interventions du ministère s'effectuent essentiellement par l'intermédiaire de deux fonds dont l'affectation n'est pas connue à l'avance :

- le Fonds national de la science (718 MF en crédits de paiement et 885 MF d'autorisations de programme) ;

- le Fonds de la recherche et de la technologie (680,5 MF en crédits de paiement et un milliard en autorisations de programme).

Au total, ces deux Fonds mobilisent plus de 40 % des crédits d'intervention du ministère (DO + CP), la quasi totalité des autorisations de programme considérées (99,5 %) et 13 % de l'ensemble de celles du ministère.

2. Priorités et principales mesures nouvelles

a) Etat des lieux

Les effectifs de la recherche publique sont actuellement d'environ 64.000 personnes :

- 44.309 dans les EPST (dont 26.793 ingénieurs et techniciens) ;

- 18.664 dans les EPIC ;

- 1.019 dans les organismes (instituts et fondations...) spécialisés dans les sciences du vivant.

Par principaux domaines scientifiques, la ventilation des dépenses du BCRD est, en 2000, la suivante :

b) Définition des objectifs

Les priorités de ce budget concourent à un même objectif : améliorer la contribution de la recherche française aux attentes de notre société (en matière de croissance et d'emploi, de santé et d'environnement...).

Cela suppose un progrès non seulement des connaissances scientifiques et techniques mais de leur valorisation, un rajeunissement des effectifs de chercheurs, un redéploiement vers des disciplines (ou des champs d'investigation interdisciplinaires) les plus importantes dans lesquelles, soit nous sommes en retard (sciences de la vie, technologies de l'information), soit des besoins nouveaux apparaissent (piles à combustible, maladies à prions...).

Ces priorités peuvent se décliner de diverses façons, du point de vue de l'emploi scientifique ou sur le plan thématique, instrumental, méthodologique...

C. PRINCIPALES MESURES

Du point de vue de l'emploi scientifique

Après une pause en 2000, sous le prétexte d'un accroissement des départs naturels à la retraite, 2001 sera marqué par une reprise d'un mouvement significatif de créations d'emplois, dans une démarche d'anticipation tendant à éviter des recrutements " en accordéon " au cours des années à venir.

130 emplois de chercheurs (+ 18 MF) et 135 d'ingénieurs techniciens (+ 14,7 MF) seront créés en 2001.

Mais la politique gouvernementale de l'emploi scientifique passe aussi par des mesures qualitatives (améliorations des carrières, homogénéisation et simplification des corps) ou tendant à promouvoir la mobilité des chercheurs (au sein du secteur public ou entre secteur public et privé).

La formation à la recherche (200 allocations supplémentaires en 2001) et l'accueil de " post doctorants " dans les établissements publics de recherche et les entreprises privées sont également encouragés.

Du point de vue thématique

Les créations d'emplois qui viennent d'être évoquées, comme d'autres mesures d'affectation de crédits décrites ci-après, privilégient les disciplines jugées prioritaires, notamment :

- les technologies de l'information (58 créations d'emplois de chercheurs et autant d'ingénieurs techniciens bénéficient à l'INRIA. Par ailleurs, le tiers des 35 emplois créés au CNRS sera affecté à son futur département spécialisé dans ce domaine) ;

- les sciences du vivant (création de 35 emplois à l'INSERM et affectation des 2/3 des 35 emplois créés au CNRS au département de cet établissement compétent dans les disciplines concernées...).

Du point de vue des instruments

Le budget de la recherche pour 2001 favorise :

- soit les instruments d'intervention directe du ministère (Fonds nationaux de la science et de la recherche technologique) ;

- soit les organismes de recherche spécialisés dans les disciplines prioritaires.

Le Fonds national de la science (FNS) doit connaître à nouveau, en 2001, une forte progression (+ 26,4 % en AP et + 27,1 % en CP). Cet accroissement servira essentiellement à financer des recherches dans le domaine des sciences du vivant (génome, post génome...) auxquelles ont déjà été consacrés les 2/3 de la dotation pour 2000. C'est un instrument non seulement de financement, mais de coordination des recherches fondamentales des laboratoires publics.

L'augmentation du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) est moins spectaculaire (+ 10,5 % en AP et + 7,5 % en CP). Néanmoins, le cap symbolique du milliard de francs sera atteint en 2001 en autorisations de programme.

Devraient être privilégiées, là encore, les sciences du vivant et les technologies de la communication (250 MF, soit 25 % des AP chacune) ainsi que la création d'entreprises et d'autres actions en réseau. Une des missions du FRT est de favoriser les partenariats entre recherche publique et privé. Par ailleurs, les aides du Fonds ont été réorientées vers les PME (38 % des crédits leur sont consacrés, contre 21 % pour les grands groupes).

Parmi les organismes de recherche, sont plus particulièrement favorisés l'INRIA (+ 11,3 % en AP et CP) et l'INSERM (+ 100 MF environ, soit + 3,7 % pour le total DO + CP, mais + 15,9 % en AP et + 13,8 % en CP).

Cependant, du fait notamment de la progression des subventions d'investissement de ce budget, les moyens des laboratoires publics de recherche (y compris universitaires) devraient, dans l'ensemble, être renforcés de façon significative sans que les TGE (très grands équipements) soient pour autant négligés. La construction à Saclay du synchrotron Soleil devrait, en particulier, démarrer dès 2001 (1,2 milliard sur les 1,8 milliard du coût total de cet équipement étant pris en charge par les collectivités locales sur la période 2001-2008).

Du point de vue méthodologique

Sont privilégiés, non seulement l'emploi scientifique, les disciplines prioritaires et les instruments qui leur sont consacrés, mais aussi un certain type d'actions qui associent différents partenaires.

On peut citer :

- les actions concertées incitatives (ACI), soutenues par le FNS, à caractère souvent interdisciplinaires ou portant sur des thématiques nouvelles et tendant à rattraper certains retards ou à aider de jeunes chercheurs (ACI " Blanche ") ;

- les groupements d'intérêt public (GIP) constitués, par exemple, dans le domaine de la génétique ;

- les réseaux de recherche, comme PREDIT 3 ( * ) , dans le domaine des transports ou le RNRT 4 ( * ) , dans celui des technologies de l'information et de la communication, aidés par le FRT ;

- les centres nationaux de recherche technologique (CNRT), structures de partenariat public-privé lancées en 2000, destinées à développer, en un site donné et sur des thèmes précis, de nouvelles collaborations entre les laboratoires publics et les grands groupes industriels (auxquels peuvent se joindre des PME-PMI).

II. UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT DONT L'EFFICACITÉ N'EST PAS ÉVIDENTE

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT

1. Une contribution publique comparativement élevée

Lors de sa présentation à la presse du budget de la recherche pur 2001, le ministre M. Roger-Gérard Schwartzenberg a précisé que la France se situait au 2 ème rang, parmi les grands pays de l'OCDE, en matière de dépense publique de recherche civile, derrière l'Allemagne.

2. Une participation relativement insuffisante du secteur privé

Le tableau suivant montre , en revanche, que nous ne figurons qu'au quatrième rang du classement de ces mêmes pays (et aussi derrière la Suède) s'agissant de la part de la DIRD 5 ( * ) en pourcentage du PIB marchand, celle-ci ayant, en outre, reculé depuis 1993 (de 2,01 à 1,83 %).

3. Un résultat global à améliorer

C'est donc bien, comme le dit le ministre, l'insuffisance des dépenses de recherche des entreprises qui explique, principalement, notre place en queue de peloton de tête des principaux pays industrialisés.

La baisse, depuis 1996, de la part des administrations dans le financement de la DNRD 6 ( * ) n'a cependant évidemment pas amélioré cette situation.

Même si notre rang a été maintenu, notre effort, un pourcentage du PIB n'en a pas moins diminué, de façon inquiétante, de 1991 à 1998, tandis que celui des pays mieux classés s'accentuait.

Quant au partage des dépenses entre les administrations et les entreprises, il a évolué de la façon suivante :

Il ressort des tableaux précédents que la part des entreprises dans le financement de la R&D française a bel et bien augmenté mais insuffisamment pour que :

- leur effort rejoigne, en pourcentage du PIB marchand, celui de leurs concurrentes étrangères ;

- nos résultats globaux et notre classement s'en trouve amélioré.

Le ministre en tire comme conclusion qu'" il importe d'amplifier l'effort de recherche public et privé pour conforter la place de notre pays parmi les grandes nations scientifiques ".

Le jugement de votre commission des finances, dans sa majorité, serait plutôt qu'il convient d'inciter les entreprises, par un allégement de leurs charges et une amélioration de leur environnement économique, à augmenter leurs dépenses de R&D tout en évitant, pour ménager les deniers publics, de trop mettre à contribution le budget de l'Etat.

B. DES DÉPENSES PUBLIQUES DONT L'EFFICACITÉ N'EST PAS ÉVIDENTE

Lors de l'examen de ce budget en commission (voir compte-rendu in fine), le Président Alain Lambert et le rapporteur général, Philippe Marini, ont insisté, le premier, sur l'efficacité décevante de l'important effort budgétaire accompli en matière de recherche, le second, sur l'absence de progrès en matière d'évaluation des dépenses des Fonds d'intervention du ministère .

L'appréciation de l'efficacité de la recherche et l'évaluation des dépenses publiques effectuées en sa faveur, directement ou par l'intermédiaire d'organismes, sont effectivement des problèmes importants.

1. Des résultats qui peuvent sembler décevants

Le tableau suivant extrait du dernier rapport de l'OST (Observatoire des Sciences et Techniques) révèle que pour un financement public de sa recherche de près de 50 %, la France arrive loin derrière l'Allemagne, les Etats-Unis et le Japon, où les financements privés sont largement majoritaires, en terme de publications et de brevets.

En outre, selon la même source, si la part mondiale des publications scientifiques de la France s'est améliorée depuis 1982, il n'en va pas du tout de même en matière de brevets ou, à l'exception de la chimie fine et de la pharmacie, le repli français est sensible dans tous les domaines technologiques, depuis 1994, y compris les technologies clé, particulièrement dans les domaines des technologies de l'information.

2. Une évaluation encore insuffisante

a) Un point de vue partagé

Parmi les dix orientations prioritaires pour la recherche qu'il a défini dans sa conférence de presse du 4 mai 2000, le ministre, Roger Gérard Schwartzenberg a fait figurer l'amélioration de l'évaluation, condition, à ses yeux, d'une garantie de la qualité de la recherche par une politique de vérité et de transparence.

Le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. Christian Cuvilliez a évoqué, pour sa part, " le déficit d'évaluation des résultats de la recherche ".

Votre rapporteur, de son côté, avait largement abordé leur question dans son rapport de l'an dernier, rappelant que l'évolution, " clé de voûte " d'un système de recherche, selon l'expression de MM. Cohen et Le Déaut, était à la fois particulièrement difficile, en raison notamment de la complexité et de la faible lisibilité de notre système, et particulièrement nécessaire.

Il avait souligné la multitude d'évaluations possibles selon leur objet (évaluation stratégique d'une politique particulière ou des orientations d'ensemble de la recherche, d'un organisme ou des travaux d'un chercheur), le moment où elles se situent (préparation, suivi de l'application, appréciation ex post des résultats des décisions) ou, enfin en fonction de leurs destinataires (autorités de tutelle, instances dirigeantes des organismes, etc...)

Il est évident que les besoins du Parlement portent en priorité sur l'évaluation des orientations stratégiques de la politique de la recherche. Mais il doit être à même d'apprécier aussi :

- le bien-fondé des choix particuliers opérés en fonction de ces orientations (en terme d'avancée scientifique, de valorisation, de compétitivité) avec l'aide d'experts

- la conformité aux objectifs affichés des décisions prises et des actions menées

- l'efficacité, en terme de résultats, des dépenses effectuées

b) Une tâche difficile

Or, il est difficile de satisfaire à ces exigences, pourtant essentielles, en raison :

- de la complexité et de la technicité des sujets en cause

- du caractère de plus en plus concerté, collectif, démultiplié et déconcentré des actions menées souvent en réseau, qui pose des problèmes de remontée et de consolidation de leurs résultats

- de la multiplicité même des instances compétentes soulignées, l'an dernier, par votre rapporteur (CSRT, CNER, CNE, Conseil national de la science, etc...)

Il importe absolument pour emporter l'adhésion de l'ensemble de la représentation nationale à l'effort public de la recherche :

- que le ministère et les organismes accentuent leurs actions de communication (qui passe par une " vulgarisation ", au bon sens du terme, des données scientifiques des problèmes de société : SIDA, prions, climatologie...)

- que soient mis en place des indicateurs simples et rapidement actualisés (les dernières statistiques exploitables de l'OST datent de 1997, c'est à dire d'il y a trois ans...)

c) L'ensemble des fonds d'intervention du ministère

L'an dernier, votre rapporteur avait souhaité que soient donnés au Parlement les moyens d'apprécier les actions financées par les crédits, en très forte augmentation, du fonds national de la science (FNS) et du fonds de la recherche technologique (FRT).

Le ministère Claude Allègre s'était engagé à tenir les assemblées informées de l'utilisation des crédits de ces fonds.

Il a tenu parole, mais les dossiers transmis aux parlementaires constituent davantage un rappel des priorités retenues et un inventaire des dépenses effectuées qu'un instrument de jugement de leur efficacité.

Les objectifs de ces fonds (soutien aux jeune chercheurs, aux recherches interdisciplinaires, aux sciences de la vie et aux technologies de l'information et de la communication), ne peuvent être qu'approuvés.

Mais qu'en est-il de la sélection des actions, de la qualité de la gestion des crédits, et des résultats des dépenses ?

S'agissant du Fonds national de la science, on sait que chaque directeur de programme est assisté d'un comité scientifique et que les priorités sont définies avec l'aide du Conseil national de la science (dont les membres sont cependant tous nommés par le ministre...)

Les modalités de sélection des priorités et de suivi de l'exécution des actions du FRT sont beaucoup moins bien connues.

Sans doute cela tient-il au fait que ce fonds finance essentiellement des réseaux et des opérations menées en partenariat, au niveau des régions.

La réorientation des interventions du fonds vers la création et le développement d'entreprises innovantes, le soutien aux PME, les réseaux associant structures publiques et privées, les sciences de la vie et les technologies de l'information, ne sauraient être critiquées.

Mais le problème de l'évaluation de la recherche technologique reste posé. En réponse à une interview au courrier de l'ANVAR 7 ( * ) Mme Geneviève Berger, nommée, depuis, à la tête du CNRS et alors directrice de la technologie avait déclaré :

" Nous devons disposer d'une vision plus claire des critères d'appréciation, à travers les produits et applications qui peuvent découler des résultats de la recherche comme au regard de leurs potentialités de transfert. C'est l'un des grands chantiers que je veux lancer. Au-delà de ce qu'on sait déjà identifier (brevets, licences, redevances, etc), il s'agit de définir de nouveaux indicateurs et de les pondérer de façon à ce que cette évaluation devienne plus objective : ce travail doit être conduit en fonction des spécificités propres à chaque secteur et en collaboration avec les organismes de recherche concernés ".

Votre commission approuve ces intentions mais constate qu'elles sont, pour le moment, restées sans effets.

De leur côté, le CNER et le CSRT, tout en approuvant certaines initiatives financées par les deux fonds (action concertée incitative en faveur des jeunes chercheurs, concours de création d'entreprises, réorientation vers les technologies de pointe essentielles à la compétitivité industrielle et vers les PME) ont fait part d'un certain nombre de préoccupations :

- souci d'une implication de toutes les structures de recherche et d'une bonne acceptation par la communauté scientifique, notamment en ce qui concerne les organismes publics qui peuvent craindre de voir diminuer les ressources qu'ils consacrent à certains programmes, compte tenu de leurs faibles marges de manoeuvre financières, alors qu'il s'agit de les inciter à s'associer à des équipes du secteur industriel ;

- regret de l'absence d'un suivi analytique de ces instruments permettant de mieux évaluer l'adéquation des recherches aux objectifs poursuivis , en terme notamment de coopération et de restructurations et souhait d'un bilan périodique dressé par des experts indépendants ;

- crainte que ne se trouve rigidifiées les interventions du FNS du fait de la pérennisation de certains soutiens (dans le domaine des sciences de la vie notamment), mais nécessité, en même temps, de trouver le moyen de prolonger des actions incitatives arrivées à leur terme (en les confiant à des organismes de recherche ou à des universités) ;

- problème de la coordination entre les priorités du Fonds et la mise à niveau des moyens des laboratoires concernés ;

- ajout, chaque année, de nouvelles priorités tendant à en banaliser la notion ;

- nécessité, enfin, d'assurer la réactivité des fonds, dont la souplesse doit être la principale qualité, aux attentes de la société.

Pour sa part, la Cour des comptes, comme le rappelle M. Cuvilliez, a également porté un jugement nuancé sur le fonctionnement de ces deux fonds.

L'absence de progrès réalisé depuis l'an dernier dans leur évaluation est l'une des principales raisons qui ont conduit votre rapporteur général à préconiser le rejet, cette année, des crédits de la recherche .

Il a également rappelé que les réformes de structures, posées par M. Claude Allègre, comme condition préalable à l'augmentation de ce budget, n'avaient pas beaucoup avancé.

III. LES RÉFORMES DE STRUCTURE ET L'APPLICATION DE LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE

A. DES RÉFORMES DE STRUCTURES LIMITÉES AU CNRS

Comme il est rappelé ci-dessus, M. Claude Allègre avait fait de la réforme des structures de la recherche française un préalable à l'augmentation de ses moyens budgétaires.

Or, à ce jour, le CNRS, seul a fait, depuis l'an dernier, l'objet d'une réforme importante qui est, d'ailleurs, seulement en train d'entrer en application.

1. La réforme du CNRS

a) L'échec d'un précédent projet

La réforme envisagée par le prédécesseur du ministre actuel avait dû être ajournée en raison de l'hostilité des chercheurs qui y voyaient la transformation du centre en simple agence de moyens et une tentative de renforcement du contrôle du ministère.

M. Claude Allègre avait en conséquence été contraint d'édulcorer son projet initial, notamment en ce qui concerne les laboratoires propres du CNRS qu'il n'était plus question de supprimer, tout en continuant de souhaiter un réaménagement des procédures de recrutement des chercheurs ainsi qu'une plus grande mobilité, appelée à devenir un élément déterminant de l'évolution des carrières, vers l'enseignement supérieur.

b) La réforme annoncée le 25 octobre

Sur proposition du ministre de la recherche, le Conseil des ministres a adopté, le 25 octobre 2000, un projet de décret modifiant l'organisation et le fonctionnement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) approuvé préalablement par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie.

Cinq objectifs principaux ont été privilégiés :

- clarifier la répartition des compétences entre le président et le directeur général ;

- étendre les attributions du conseil d'administration ;

- renforcer l'autonomie du CNRS ;

- assurer l'ouverture du CNRS vers l'extérieur et sur la communauté scientifique internationale ;

- instituer un Comité d'éthique au CNRS.

Le président du Centre anime et coordonne la réflexion conduisant à la définition de la politique générale du Centre. Il veille à l'application des orientations définies par le conseil d'administration. Par ailleurs, il gère le relations du CNRS avec ses partenaires socio-économiques ainsi qu'avec les universités et les organismes de recherche étrangers ou internationaux.

Pour sa part, le directeur général assure la direction scientifique, administrative et financière du Centre.

Les attribution du conseil d'administration sont élargies. Le Conseil d'administration fixe les grandes orientations du budget annuel du Centre et définit les principes qui régissent ses relations avec les organismes extérieurs. Il détermine le fonctionnement des deux nouvelles instances que constituent le comité d'évaluation externe et le comité d'éthique et en propose la nomination des membres.

Les instances scientifiques de l'établissement bénéficient d'un renforcement de leurs attributions et d'un allégement de la tutelle administrative.

Le conseil scientifique du CNRS ne comportera plus ainsi de représentants de l'administration.

La création des départements scientifiques et des instituts nationaux du CNRS ne relèvera plus désormais d'un arrêté du ministre de la recherche, mais d'une décision du directeur général après approbation par le conseil d'administration.

Plusieurs mesures assureront une ouverture accrue du CNRS sur l'extérieur et sur la communauté scientifique internationale.

Un comité d'évaluation externe est créé. Composé de personnalités scientifiques françaises et étrangères extérieures au Centre, il évaluera, au moins tous les quatre ans, les activités de celui-ci.

Le conseil scientifique du CNRS comprendra 30 membres : 8 seront des personnalités scientifiques étrangères dont 5 au moins exerçant leur activité dans un pays de l'Union européenne autre que la France ; par ailleurs, trois personnalités appartenant au monde économique siègeront dans ce Conseil.

De même, les conseils scientifiques de département comprendront eux aussi des personnalités étrangères, dont la moitié au moins exerçant leur activité dans des pays de l'Union européenne autres que la France.

Enfin, le CNRS est doté d'un Comité d'éthique. L'avis de ce comité pourra être demandé parle conseil d'administration et le conseil scientifique. Ce comité pourra se saisir de toute question qu'il jugera pertinente.

c) Les priorités

La nouvelle Directrice générale du centre, Mme Geneviève Berger, entend lui insuffler un nouveau dynamisme en le rendant plus audacieux et plus interdisciplinaire.

Deux priorités ont été fixées, qui sont dès cette année privilégiées en terme de créations d'emplois : les sciences de la vie, et les technologies de l'information et de la communication qui devraient faire l'objet de la création, au sein de l'établissement, d'un département spécialisé.

Principales données concernant le CNRS

25.000 agents, 15,8 milliards de francs de budget

- Effectifs . Un peu plus de 25.000 agents, dont 11.300 chercheurs et 14.000 ingénieurs, techniciens et administratifs.

- Unités de recherche . 1.230, dont la majorité en partenariat avec l'enseignement supérieur.

- Départements . 7, couvrant tous les champs disciplinaires : sciences physiques et mathématiques ; physique nucléaire et corpusculaire (dont l'IN2P3, Institut national de physique nucléaire et de physique des particules) ; sciences de l'Univers (dont l'INSU, Institut national des sciences de l'univers) ; sciences pour l'ingénieur ; sciences chimiques ; sciences de l'homme et de la société. Un huitième département, des sciences et technologies de l'information et de la communication, est en projet.

- Interdisciplinarité . Des actions de recherches communes sont menées dans cinq domaines : le vivant et ses enjeux, l'environnement, la dynamique de la société, les télécommunications et la cognition, les matériaux et la technologie.

- Budget . 15,8 milliards de francs (2,4 milliards d'euros) en 2000 dont plus des trois quarts sont consacrés à la masse salariale. Les ressources propres de l'établissement s'élèvent à 1,77 milliard de francs.

- Valorisation . 3.230 brevets actifs, 470 licences et 2.600 contrats industriels en cours ; plus de 220 créations d'entreprises à partir de laboratoires du CNRS.

- Coopération internationale. 180 programmes internationaux de coopération scientifique ; 35 laboratoire européens associés et jumelés ; 5.000 stagiaires étrangers accueillis dans les laboratoires.

Mme Berger, ancienne directrice de la technologie du ministère, souligne qu'il n'y a pas de développement industriel réussi ou de bonne valorisation économique, sans l'apport solide de la recherche fondamentale qui constitue la mission du CNRS.

Elle se déclare attachée, plus particulièrement, en ce qui concerne les grands équipements, à la mise en place de réseaux de transmission de données à très haut débit et à l'édification d'une très grande biothèque du vivant.

2. Les autres changements nécessaires

a) Le décloisonnement des activités

Promouvoir l'interdisciplinarité et la mobilité fait partie des dix orientations prioritaires du ministre.

Dans son rapport sur la science et la technologie en France (sur les années 1998-2000), l'Académie des sciences affirme, pour sa part, que " la manière dont est abordée et sera résolue la pluridisciplinarité est pour l'heure le sujet principal qui se pose dans notre pays ".

Or, le cloisonnement excessif de la recherche française entre ses composantes privées et publiques, d'une part, et au sein de cette dernière, entre EPST, EPIC et universités, constitue l'une des faiblesses endémiques de la recherche française.

La génomique, enjeu scientifique majeur au niveau mondial, nécessite, par exemple, une collaboration étroite entre généticiens et bio-informaticiens.

Les sciences de l'information et de la communication concernent, d'autre part, à la fois, les spécialistes du langage, de l'informatique et de l'électronique.

L'Académie préconise la création de Contrats-programmes interorganismes (CPI) entre établissements publics de recherche, laboratoires universitaires et, dans certains cas, entreprises industrielles.

Lors de la discussion du budget de la recherche à l'Assemblée nationale, le député Jean Yves Le Déaut a estimé que l'insuffisance des postes d'accueil de chercheurs dans l'Université ou d'universitaires dans la recherche était sans doute le point le plus négatif de ce budget .

S'agissant de la mobilité des chercheurs vers les entreprises, elle dépend, en grande partie, de l'application de la loi de juillet 1999 sur l'innovation et la recherche dont tous les décrets nécessaires ne sont pas encore parus (voir plus loin).

b) Une programmation pluriannuelle des recrutements

" Rajeunir la recherche " constitue la toute première priorité du ministre.

De fait, la situation, comme l'avait analysé votre rapporteur l'an dernier, est préoccupante.

Une politique de l'emploi scientifique a certes été amorcée cette année avec la reprise des recrutements évoqué dans la première partie de ce rapport.

Mais, une vision pluriannuelle, de l'avis unanime, est nécessaire, comme l'ont réclamé les 1.401 scientifiques signataires de l'appel public du 2 novembre dernier.

C'est, en effet, à peu près la moitié des ressources humaines de la recherche publique et universitaire qui devront être renouvelées d'ici 2010 (30 %, dans certaines disciplines, d'ici cinq ans).

Cette situation offre, en même temps, une opportunité unique de redéploiement des effectifs vers des disciplines prioritaires et donne des marges de manoeuvre au budget de la recherche (le salaire d'un jeune chercheur étant inférieur à celui du scientifique partant à la retraite qu'il remplace).

Une programmation pluriannuelle des recrutements, en fonction des départs prévisibles et des besoins qui doivent être privilégiés, semble absolument nécessaire.

Or, à l'exception de la réforme du CNRS ou de mesures ponctuelles comme la mise en place des CNRT, le stade des déclarations d'intention ne semble pas avoir été vraiment dépassé et on attend des décisions à la hauteur des enjeux en matière de mobilité, d'interdisciplinarité et de programmation des recrutements .

B. L'APPLICATION INACHEVÉE DE LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE

1. La non parution irritante de certains décrets

A propos, tout d'abord, des mesures d'incitation à la mobilité et à la création d'entreprises par les personnels de la recherche, deux décrets en étaient encore en septembre dernier, plus d'un an après la promulgation de la loi, au stade de la consultation en comité technique paritaire ministériel, s'agissant :

- d'une part de maîtres de conférences et professeurs d'universités associés à temps plein dans certains établissement d'enseignement supérieur,

- d'autre part de l'extension du dispositif à certains personnels non fonctionnaires de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Concernant, d'autre part, les collaborations entre organismes de recherche et d'enseignement supérieur et entreprises :

- la mise en place de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) n'est toujours pas effective et " nécessite encore -paraît-il- 8 ( * ) réflexion et consultation ".

- Heureusement, les décrets relatifs à la mise en place des incubateurs, ainsi qu'aux modalités de participation de structures de recherche publique à des GIP ou à des GIE ont été publiés.

- Enfin, il est dorénavant possible aux EPST et aux établissements d'enseignement supérieur de cotiser aux ASSEDIC.

Ces retards -lorsqu'ils ont été portés à sa connaissance- ont particulièrement irrité le président de votre commission, M. Alain Lambert, qui se souvenait des conditions de précipitation extrêmes dans lesquelles le Sénat avait été contraint de délibérer de ces dispositions .

2. Un bilan néanmoins prometteur

Selon les réponses fournies au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, un premier bilan, assez positif de l'application de la loi innovation-recherche peut néanmoins être dressé puisqu'au 18 juillet 2000, sur 54 dossiers ayant reçu un avis favorable de commission de déontologie, 52 concernaient des créations d'entreprises.

*

* *

Le ministre Claude Allègre avait fait de la réforme des structures de la recherche un préalable à l'augmentation de ses crédits. Votre rapporteur souhaitait au contraire, l'an dernier, que la progression de ce budget constitue une incitation aux changements.

Il n'a pas été suivi, cette année, par votre commission.

Celle-ci souhaite qu'une amélioration de l'évaluation des dépenses, notamment du FNS et du FRT, puisse apporter la preuve de leur efficacité. Elle estime insuffisantes les réformes effectuées en ce qui concerne la modernisation des grands organismes, l'interdisciplinarité, la mobilité et la gestion prévisionnelle des effectifs.

IV. OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

A. L'EMPLOI DES JEUNES DOCTEURS

1. Une insertion professionnelle difficile

Selon les résultats, pour 1997, de l'enquête annuelle effectuée auprès des responsables des formations doctorales, 18 mois après la soutenance :

- 28,1 % (contre 15,9 % en 1991) des 8.335 nouveaux docteurs (sur 11.081) 9 ( * ) pour lesquels des informations sont disponibles effectuent un stage post-doctoral.

- 5,1 % sont sans emploi (contre 8,2 % en 1995, ce qui constitue une amélioration)

- mais, 2,9 % occupent, cependant, un emploi précaire

- 63,9 % seulement ont donc trouvé une situation dans un organisme de recherche, dans l'enseignement supérieur, dans une administration ou dans une entreprise.

Cela n'est pas satisfaisant.

2. Les séjours à l'étranger

Des données plus récentes (mars 2000) font état d'un pourcentage de séjours post-doctoraux qui atteint dorénavant 25 %. Près de 70 % de ces séjours ont lieu à l'étranger, dont près de la moitié (49,6 %) en Europe et plus de 40 % (43,3 %) aux Etats-Unis.

Même si 7 % seulement des jeunes docteurs concernés ne reviennent pas en France au-delà de trois ans, cela représente pour notre pays un gaspillage financier (eu égard au coût de la formation qui leur a été donnée) et un gâchis de matière grise.

Par ailleurs, l'âge moyen de recrutement s'est nettement décalé au-delà de trente ans.

3. Les mesures prises au bénéfice surtout d'un recrutement en entreprise

Aussi, un certain nombre de mesures ont-elles été prises pour favoriser le retour de l'étranger et l'emploi de nos " post doctorants ".

Tous n'ont certes pas nécessairement vocation à occuper un emploi dans le secteur public et les efforts du gouvernement tendent d'ailleurs plutôt à favoriser l'insertion en entreprise (dès la préparation de la thèse dans le cadre de " doctoriales " ou par les actions de l'association Bernard-Grégory, ou encore en application de nouveaux dispositifs d'aides au recrutement de post-doctorants dans les entreprises telles que les conventions CIFRE ou les nouvelles procédures ARI de l'ANVAR de soutien à l'embauche par les PME).

Cette politique a, du reste, porté ses fruits puisque, d'après une récente enquête du CEREQ, la part des docteurs en entreprise est passée de 35 à 40 % de 1997 à 1999.

Mais, il serait dommage, à l'heure où elle doit renouveler massivement ses effectifs, que la recherche publique ne puise pas, elle aussi, dans ce vivier, d'autant qu'il risque de se réduire pour des raisons démographiques ou du fait d'une moindre attractivité des filières scientifiques.

Encore faudrait-il que le secteur public offre des perspectives de rémunérations et de carrière avantageuses.

Or, d'après l'enquête précitée du CEREQ, les docteurs qui travaillent en entreprise ont des salaires nettement plus élevés que ceux qui entrent dans l'enseignement supérieur ou la recherche publique.

4. Une moindre attractivité de la filière doctorale

Outre les problèmes de débouchés évoqués ci-dessus, le niveau de l'allocation ministérielle de recherche de 7.400 francs bruts mensuels (n'ayant pas été revalorisé depuis 1991 !) est de nature, lui aussi à décourager les vocations.

Sans doute, ce fait contribue-t-il à donner une explication à l'une des principales conclusions de l'enquête précitée du CEREQ, selon laquelle, en 1999-2000, le nombre de thèses stagne alors que les effectifs des autres formations supérieures explosent : les étudiants semblent se diriger de plus en plus vers les écoles d'ingénieurs et les DESS.

En effet, l'offre de postes d'ingénieurs se développe rapidement dans le secteur privé alors que le marché des emplois d'enseignants et de chercheurs stagne ou progresse peu.

B. LES TRÈS GRANDS ÉQUIPEMENTS

1. Le concept de TGE

a) Une extension progressive

A l'origine, les TGE, dont le coût , très supérieur à celui des laboratoires, excédait les capacités des organismes de recherche, étaient dédiés exclusivement à la physique (physique des particules, nucléaire, fusion, astrophysique).

La notion s'est ensuite progressivement étendue aux grands instruments de l'astronomie au sol, aux navires océanographiques et même à l'espace à vocation scientifique (sondes, satellites...).

Aujourd'hui, elle inclut les grands équipements des sciences de la vie comme ceux de l'organisation européenne pour la biologie (EMBL) et pourrait englober des infrastructures comme les grands réseaux informatiques, les réseaux de bibliothèques, voire des installations comme les grandes animaleries.

b) Des estimations de coût variées

En raison de leur diversification et du fait de l'absence précise de définition des TGE, leur seul critère d'identification semble être leur coût élevé.

Or, la part de ces équipements et son évolution au sein des dépenses de recherche, font l'objet d'appréciations diverses.

En effet, selon un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche 10 ( * ) , le montant consacré aux TGE, répertoriés par le ministère 11 ( * ) s'élève à près de 4,6 milliards de francs. Le taux de croissance de l'enveloppe financière consacrée à ces équipements depuis 1990 a été de 69,2 %, soit le triple de celui observé pour le BCRD qui n'a progressé dans le même temps que de 22 %.

Le ministère de la recherche fournit, pour sa part, l'estimation suivante, d'après laquelle la part des TGE dans le BCRD est restée constamment voisine de 10 % à la fin de cette même période, leur évolution ayant donc, apparemment, été maîtrisée.

La contradiction entre ces deux appréciations tient principalement à la prise en compte des dépenses spatiales.

Le ministère, en effet, considère que certains équipements spatiaux (satellites de météorologie, station spatiale) ne relèvent pas de la recherche et les comptabilise séparément.

En 1999, le montant de leur enveloppe spécifique était de 1,1 milliard de francs.

Le pourcentage indiqué, dans le tableau ci-dessus, correspond à la part des dépenses annuelles totales (DO + CP), hors rémunérations 12 ( * ) , consacrées aux TGE dans le montant des AP du BCRD (y compris les contributions aux organisations scientifiques internationales...).

Selon le ministère, la fermeture de certains instruments et l'ouverture de nouveaux équipements s'est opérée, hors espace, à enveloppe constante.

Pour une augmentation, en francs courants, de 24 % en 10 ans (1989-1999) du coût de l'ensemble des TGE scientifiques, les dépenses relatives aux TGE non spatiaux ont diminué de 12 % tandis que celles consacrées aux TGE spatiaux croissaient de 37 %.

c) Une clarification s'impose

Les divergences exposées ci-dessus dans l'évaluation d'ensemble du poids des TGE dans le budget de la recherche, conduisent à souhaiter une clarification et une redéfinition de cette notion.

Il importe aussi, en raison de leur effet structurant sur la recherche, de programmer de façon pluri-annuelle le financement et la réalisation de ces équipements, afin de les faire échapper aux fluctuations budgétaires conjoncturelles.

2. Le synchrotron soleil

Votre rapporteur avait l'an dernier, à l'occasion de l'examen des crédits de la recherche, émis de sérieuses réserves à l'encontre de la décision que semblait avoir pris le ministre Claude Allègre, de renoncer à la construction en France d'un synchrotron de troisième génération, successeur du LURE d'Orsay.

Il avait soulevé, d'abord, en commission, les points suivants :

"- il convient de s'interroger sur l'avenir de l'installation actuelle d'Orsay ;

- d'autres pays conservent des équipements nationaux, tout en participant à l'exploitation de machines européennes ;

- il existe une tendance à la saturation de ce type d'équipements, du fait de leur très grand intérêt scientifique et de la variété de leurs utilisations ;

- leur caractéristiques étant très diverses, ils peuvent être réalisés, selon leur dimension et leur coût, au niveau soit européen, soit national ;

- leur usage, enfin, est, par essence, coopératif, c'est-à-dire international, d'une part, interdisciplinaire, d'autre part ".

Puis, dans son rapport écrit, il avait fait valoir que :

" Soleil (source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure) a été conçu de telle sorte que ses caractéristiques soient complémentaires 13 ( * ) de celles de l'ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble.

Un synchrotron est un instrument scientifique à vocation pluridisciplinaire et internationale, susceptible d'utilisations très variées (physique, chimie, biologie, recherche fondamentale et appliquée) et accessible à toutes sortes d'usagers (laboratoires, PME, thésards...).

Le CSRT (conseil supérieur de la recherche et de la technologie) a arrêté, en 1997, une position très favorable au projet .

Une coopération européenne, voire mondiale, est évidemment nécessaire mais certains équipements, suivant leurs dimensions et leurs coûts, ou pour des raisons stratégiques (défense), peuvent être, légitimement, réalisés au plan national.

La question principale est de déterminer dans quelle mesure les besoins de la recherche française pourront être satisfaits ".

Enfin, votre rapporteur observait que " le coût du projet, estimé à 2 milliards de francs sur huit ans (exploitation comprise), pourrait être pris en charge en partie (jusqu'à hauteur de 40 %) par la région d'accueil. Cette machine remplacerait le LURE 14 ( * ) actuel d'Orsay, dont les frais de fonctionnement, alourdis par la vétusté des installations en cause, seraient ainsi économisés ".

Sous l'influence, en grande partie, d'un rapport de l'OPECST sur cette question, dont votre rapporteur était, avec le député Christian Cuvilliez, l'auteur, la décision a finalement été prise de construire cet équipement à Orsay, ce dont il convient de se féliciter.

Toutefois, votre rapporteur voudrait souligner la nécessité de constituer, très rapidement, une société civile qui soit à même de diriger l'exécution du projet.

A l'heure actuelle, le ministère de la recherche assure, en effet, le pilotage direct du lancement de SOLEIL, ce qui constitue une erreur grave, compte tenu de l'inexpérience des responsables de la direction de la recherche. Ainsi, dans les négociations avec l'Espagne, le ministère s'est satisfait d'une participation de 50 millions de francs de ce pays à SOLEIL, alors que sa forte motivation aurait pu conduire à exiger de lui un financement largement supérieur.

En tout état de cause, il est impératif de créer une structure dotée d'une autonomie réelle pour le lancement de SOLEIL, avec une équipe de haut niveau. La structure de société civile paraît être la seule à apporter une réponse adaptée.

C. L'ÉVOLUTON PRÉOCCUPANTE DES CRÉDITS DE L'ESPACE

1. Une dotation en baisse

a) Le constat

La dotation du CNES évolue comme suit :

Elle diminue donc de 1,6 % en autorisations de programme et de 1,8 % pour le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement.

b) Les explications du gouvernement

Selon le gouvernement, cette diminution n'aurait que peu de conséquences pour l'établissement, celui-ci pouvant escompter une économie de 285 millions de francs sur sa contribution à l'agence spatiale européenne (ESA), du fait de l'excédent de trésorerie dont elle dispose 15 ( * ) .

Il convient de rappeler, toutefois, que l'arriéré de contribution du CNES à l'ESA était encore, à la fin de l'an 2000, de 230 millions de francs.

Le budget du CNES pour 2001 prévoit un remboursement à ce titre de 115 millions de francs.

D'autre part, on voit mal comment une diminution de versements de trésorerie pourrait compenser une baisse d'autorisations de programmes (engagements pluriannuels portant sur des investissements).

Cependant, outre l'argument avancé de la réduction de la contribution à l'ESA (opportunité qui risque de ne pas se représenter), une pause ou un décalage dans le lancement ou la réalisation de nouveaux projets sont également invoqués (la mission commune avec la NASA pour le retour de l'échantillon de la planète mars a été notamment repoussée de deux ans jusqu'à 2007).

2. Le point de vue du CNES

Le CNES fait valoir, de son côté, qu'il avait déjà pris en compte dans sa demande de subvention la baisse de la contribution à l'ESA et le retard de la mission martienne.

Il estime d'autre part que la réalisation des objectifs de son plan stratégique à moyen terme se trouve remise en cause.

Par rapport aux prévisions de ce plan, la diminution d'AP n'est pas, en effet, de 130 mois de 237 millions de francs.

Pour 2001, l'établissement a prévu de répartir cette baisse en :

- 88 millions de francs de contribution à l'ESA

- 149 millions de francs de réduction des dépenses consacrées aux projet et activités réalisés en dehors de l'agence européenne.

Cette diminution aura des conséquences, dans le cadre de la programmation pluriannuelle des dépenses du CNES, sur les exercices ultérieurs.

Parmi les économies envisagées par l'agence, votre rapporteur s'inquiète plus particulièrement de celles concernant :

- au niveau national, le programme de R&D en télécommunications ;

- au niveau européen, le très important programme stratégique Galileo de positionnement par satellite, dans le champ duquel l'Italie affiche ses ambitions.

Par ailleurs, les programmes de développement technologique pourtant, très importants pour le maintien de l'excellence du niveau du CNES, constituent malheureusement, en général, une variable d'ajustement en cas de restriction budgétaire, car la France ne peut pas remettre en cause ses engagements internationaux pris dans le cadre de l'ESA ou avec la NASA.

Cependant le lancement prévu en 2001 de Spot 5 n'est pas remis en cause ni celui, la même année, du satellite franco américain Jason 1.

Votre rapporteur est enfin préoccupé par la remise en cause, dont il a eu écho, au sein de l'agence spatiale européenne, de la réalisation d'un nouvel étage supérieur cryotechnique réallumable de la fusée Ariane 5 (indispensable au lancement de constellations).

L'Allemagne exige, en effet, une réduction forfaitaire de 10 % des coûts du programme correspondant, et la France est en situation difficile, en raison de son différend avec l'Italie au sujet du petit lanceur Vega.

3. Les enjeux

Les satellites sont de très grands équipements et l'espace a besoin aussi, en ce qui le concerne, d'une programmation à moyen et long terme de ses objectifs qui ne puisse pas être remise en cause au gré de la conjoncture.

L'Europe consacre, d'autre part, cinq fois moins de ressources à l'espace que les Etats-Unis.

Or, il s'agit d'enjeux dont certains sont tout à fait majeurs d'un point de vue non seulement scientifique mais stratégique et économique.

La composante spatiale des technologies de l'information est, à cet égard, essentielle, et le programme européen Galiléo de positionnement par satellite, futur rival du GPS américain, apparaît tout à fait fondamental.

Il ne faut pas oublier que l'industrie spatiale américaine bénéficie de commandes militaires très importantes, notamment dans le secteur des télécommunications, alors que les recherches dites " duales ", c'est-à-dire à financement mixte civil et militaire, sont encore peu développées en France et en Europe. Votre rapporteur regrette, de ce point de vue, la diminution de 250 millions de francs en 2001 de la contribution du budget de la défense aux dépenses spatiales.

Il souhaite que les arbitrages budgétaires effectués ne privilégient pas, aux dépens des priorités susmentionnées, des contributions -qui paraissent parfois démesurées- à certaines coopérations internationales, qu'il s'agisse, par exemple, de l'exploration de Mars, de la station internationale orbitale ou même du développement d'Ariane V dont la France a assumé jusqu'à 75 % de certains surcoûts.

CONCLUSION

Votre rapporteur aurait été partisan d'une adoption des crédits de la Recherche eu égard à :

- la communauté des chercheurs

- la prise en considération par le ministre de certaines de ses préoccupations essentielles (réalisation du synchrotron Soleil, reprise des recrutements, progression appréciable sans être excessive des crédits orientée vers de vraies priorités comme les sciences du vivant et les technologies de l'information et de la communication).

Il appelle de ses voeux une programmation pluriannuelle des dépenses en ce qui concerne les TGE et le recrutement des chercheurs, et se déclare plus particulièrement préoccupé par l'évolution des crédits de l'espace et la situation de la filière doctorale.

Toutefois, votre commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits du budget de la recherche, estimant que l'efficacité des dépenses importantes proposées n'était pas avérée et insuffisamment évaluée et qu'il convenait de procéder à des réformes pour changer cette situation.

Votre rapporteur partage l'analyse de la commission en ce qui concerne la nécessité d'améliorer les performances et l'évaluation de la recherche française, et d'y voir les entreprises contribuer de façon plus importante.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé , sur le rapport de M. René Trégouët, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2001.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé les raisons pour lesquelles il était partisan d'une augmentation de ces crédits tout en partageant le souhait de la commission de voir diminuer les prélèvements obligatoires grâce à une maîtrise des dépenses publiques.

La recherche, a-t-il tout d'abord fait valoir, constitue un moteur de la croissance et de l'emploi et un gisement de ressources fiscales et sociales futures : les " start-up " d'aujourd'hui sont, en effet, les gros contribuables et cotisants de demain. La France, a-t-il ensuite souligné, a un retard à rattraper par rapport à ses principaux concurrents, Etats-Unis et Japon, en ce qui concerne tant le niveau de son effort financier global que le nécessaire rajeunissement des effectifs de ses chercheurs ou ses lacunes dans certaines disciplines cruciales, comme les sciences du vivant ou les technologies de l'information et de la communication.

Mais M. René Trégouët, rapporteur spécial, s'est déclaré en même temps favorable à une sélectivité assez forte, en faveur de priorités correspondant à nos besoins et surtout à une évaluation rigoureuse de l'efficacité des dépenses publiques de recherche. Il a souhaité, par ailleurs, voir les entreprises privées augmenter encore leur participation à l'effort de recherche national.

L'ensemble des dépenses civiles de recherche regroupées dans le budget civil de recherche et de développement (BCRD) doit augmenter, a-t-il indiqué, en 2001, de 2,2 %, soit nettement plus que le total des dépenses civiles de l'Etat, ce qui n'était pas le cas l'an dernier, pour atteindre 55,86 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Les autorisations de programme de ce même ensemble sont en hausse de 6,4 %.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a noté que cette augmentation était cependant inférieure à la croissance économique et à celle d'autres budgets jugés plus prioritaires, comme l'environnement ou l'intérieur. Elle ne devrait donc pas faire progresser le pourcentage, dans la richesse nationale, de nos dépenses intérieures de recherche-développement, qui demeurera inférieur à son niveau d'il y a cinq ans et à celui des Etats-Unis et du Japon. Quant au budget du ministère de la recherche, qui représente 70 % du BCRD, son accroissement n'est que de 0,7 % à structure constante, les autorisations de programme augmentant, il est vrai, de 4,6 %.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a cependant estimé que cette évolution donnait lieu à d'assez nombreux sujets de satisfaction cette année, en raison :

- de l'amorce d'une politique de l'emploi scientifique à laquelle correspondent les créations de 130 emplois de chercheurs et de 135 postes d'ingénieurs techniciens ;

- de l'augmentation, précitée, des autorisations de programme, qui permettra d'améliorer l'équipement de base des laboratoires sans négliger, pour autant, les très grands équipements, puisque la construction, à Saclay, du synchrotron " Soleil " doit être commencée ;

- de la forte priorité accordée aux technologies de l'information et aux sciences du vivant, dans la continuité de la politique menée par le précédent ministre ;

- enfin, des encouragements aux actions conjointes, qu'il s'agisse de recherches interdisciplinaires ou en réseau, ou encore de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, avec la mise en place des centres nationaux de recherche technologique (CNRT).

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a ensuite fait part à la commission de ses principales observations. Il a tout d'abord insisté sur la nécessité d'une programmation des très grands équipements de recherche (TGE) qui ont un caractère structurant et dont le financement ne saurait, en conséquence, fluctuer au gré de la conjoncture. De manière plus ponctuelle, il s'est étonné de l'utilisation, à des fins en partie touristique, du navire Marion Dufresne dans les mers australes et a jugé urgente la constitution d'une société civile qui soit à même de piloter efficacement le projet " Soleil " de synchrotron de troisième génération. L'espace, a-t-il poursuivi, a besoin également d'une programmation à moyen et long termes de ses objectifs. Or, les visées du plan stratégique du centre national d'études spatiales (CNES) sont remises en cause par la diminution de 130 millions de francs de la subvention qui lui sera versée en 2001.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a alors souligné les enjeux stratégiques et économiques majeurs de la composante spatiale des technologies de l'information et du programme européen Galiléo de positionnement par satellite, qui ambitionne de rivaliser avec le " Global positioning system " (GPS) américain.

Il a souhaité que les arbitrages budgétaires effectués ne privilégient pas, aux dépens de ces deux priorités, des contributions -qui paraissent parfois démesurées- à certaines coopérations internationales, liées, par exemple, à l'exploration de Mars ou aux vols habités.

Rappelant que l'industrie spatiale américaine bénéficie de commandes militaires très importantes, notamment dans le secteur des télécommunications, alors que les recherches dites " duales ", c'est-à-dire à financement mixte civil et militaire, sont encore peu développées en France et en Europe, il s'est inquiété, enfin, de la diminution de 250 millions de francs en 2001 de la contribution du budget de la défense aux dépenses spatiales.

Concernant la gestion des ressources humaines de la recherche, M. René Trégouët, rapporteur spécial, a annoncé qu'il interrogerait le ministre, lors du débat budgétaire en séance publique, au sujet :

- de l'ampleur des détachements de personnels du CNRS ;

- de la participation souhaitable de nos scientifiques aux conférences internationales sur l'environnement ;

- ou, enfin, de l'emploi de " post-doctorants " français de retour de l'étranger auxquels sont proposés, semble-t-il, des rémunérations insuffisamment attractives.

Enfin, il a déclaré vouloir, comme l'an dernier, insister sur l'importance de l'évaluation de la recherche en général et de celle, plus particulièrement, des aides versées par le fonds de la recherche technologique (FRT), dont le niveau des autorisations de programme doit atteindre, en 2001, le milliard de francs.

A l'issue de l'exposé du rapporteur spécial, M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles , a présenté des observations relatives :

- au défaut d'ambition globale de ce budget pour 2001 ;

- à la nécessité d'intensifier, notamment en province, l'effort de diffusion de la culture scientifique et technique ;

- enfin, au manque d'implication des militaires dans la recherche, contrairement à ce qui se produit aux Etats-Unis.

Une série de questions a été posée à M. René Trégouët, par :

- M. Maurice Blin , au sujet du caractère flou du périmètre des dépenses civiles de recherche et des raisons de la contribution à ces dépenses du budget de la défense ainsi que sur l'avenir du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui constitue une " exception française ", qui peine à se renouveler, et dont les effectifs vieillissent ;

- M. Yann Gaillard , sur les motifs de la décision finale de construction à Saclay du synchrotron " Soleil " et sur la recherche médicale ;

- M. Alain Lambert, président, à propos de la non-parution de certains décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche, dont l'adoption avait pourtant été présentée par le Gouvernement, lors de sa discussion au Sénat, comme extrêmement urgente.

M. Alain Lambert, président, a estimé en outre que l'examen de ce budget ne faisait pas apparaître de vrais motifs de l'approuver et s'est interrogé sur l'efficacité des dépenses publiques de recherche, alors que la France se situe au deuxième rang mondial pour le niveau des dépenses par habitant.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré pencher, de son côté, pour un rejet de ce budget, en invoquant plusieurs raisons.

D'abord du point de vue des finances publiques dans leur ensemble, une augmentation n'est pas en soi satisfaisante.

Ensuite, les réformes de structure, et notamment celle du CNRS, posées par le précédent ministre comme un préalable à une progression plus significative des crédits, ne semblent pas avoir été encore réalisées. Enfin, il ne paraît pas non plus s'être produit d'amélioration de l'évaluation de l'utilisation des fonds d'intervention du ministère (fonds national de la science et fonds de la recherche technologique).

En réponse, M. René Trégouët, rapporteur spécial, a apporté les éléments suivants :

- à M. Maurice Blin, il a précisé que certaines dépenses de recherche, en matière notamment spatiale ou aéronautique, présentaient un caractère " dual " justifiant la contribution du budget de la défense et que l'on s'efforçait de renouveler le CNRS, notamment par de nouveaux recrutements et la création d'un département des sciences de l'information et de la communication ;

- à M. Yann Gaillard, il a indiqué que l'étendue et la variété des besoins dans ce domaine justifiait la construction d'un synchrotron de troisième génération en France et que la découverte de nouveaux médicaments dans notre pays était en régression, mais pourrait être facilitée, précisément, par une machine telle que " Soleil " ;

- comme M. Alain Lambert, président, il a convenu que les résultats de la recherche publique française, pouvaient, il est vrai, sembler décevants, notamment du fait d'une moins bonne complémentarité qu'à l'étranger avec la recherche privée, et surtout mal évalués.

Il a toutefois considéré qu'un rejet des crédits risquait d'être mal reçu et mal compris par la communauté scientifique nationale. M. René Trégouët, rapporteur spécial, a par ailleurs indiqué au président que, bien qu'il soit exact que les décrets relatifs à la mise en place de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) dans les établissements d'enseignement supérieur ne soient pas encore parus, 54 dossiers, dont 52 concernant des créations d'entreprises, avaient été examinés au 18 juillet 2000, dans le cadre de l'application des dispositions nouvelles de la loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits du ministère de la recherche.

MODIFICATIONS ADOPTÉES
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté en seconde délibération un amendement consistant à majorer de 580.000 francs, à titre non reconductible, le chapitre 43-01 " actions d'incitation, d'information et de communication ", dont :

- 0,53 MF sur l'article 20 " diverses interventions " ;

- et 0,05 MF sur l'article 50 " appui à la réalisation de produits pédagogiques ".

* 1 L'augmentation, à périmètre constant, est cependant moindre, compte tenu de l'inclusion, dans le BCRD, en 2001, d'une partie des crédits de l'IPSN (institut de protection et sécurité nucléaire) qui n'y figuraient pas en 2000.

* 2 Pour les sigles, voir notes en bas des tableaux précédents

* 3 PREDIT : Programme de recherche et de développement pour l'innovation technologique dans les transports

* 4 RNRT : Réseau national de recherche en télécommunications

* 5 Dépense Intérieure de Recherche Développement, effectuée sur le territoire français.

* 6 Dépense nationale de recherche et développement, effectuée en France et à l'étranger par des entreprises et administrations françaises.

* 7 N° 124 - avril 2000

* 8 Réponse à la question n° 41 du questionnaire budgétaire de votre commission.

* 9 On estime que les 2/3 environ des jeunes docteurs pour lesquels aucune donnée n'a pu être recueillie sont des étrangers rentrés dans leur pays.

* 10 Rapport conjoint IGT-2000 sur les grands équipements scientifiques, dans la loi de finances pour 2000- M 024 01 et IGAENR 00 0034 Juin 2000.

* 11 Au nombre d'une quarantaine.

* 12 Le montant des salaires, payés par les organismes de recherche pour les TGE nationaux, s'élève à 566 millions de francs.

* 13 Soleil (2,5 Gev d'énergie) a été optimisé pour l'étude des propriétés électroniques de la matière tandis que l'ESRF (6 Gev) est dédié avant tout à l'analyse de ses caractéristiques structurelles

* 14 Laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique

* 15 L'ESA disposerait pour faire face à des besoins estimés à 300 millions de francs d'une trésorerie de 550 millions qu'il serait envisagé de ramener à 400 millions

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