AVANT-PROPOS : L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE ESPÉRÉ N'EST PAS AU RENDEZ-VOUS

Au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la direction des Monnaies et médailles, service public industriel et commercial doté d'un budget autonome, compte 943 agents équivalent temps plein (environ 1/3 d'emplois administratifs et 2/3 d'emplois de production) et regroupe deux établissements : l'Hôtel de la Monnaie de Paris et l'établissement monétaire de Pessac en Gironde.

De caractère mixte, elle assure des missions de service public - fourniture au Trésor de la monnaie métallique courante, fabrication des poinçons, lutte contre la contrefaçon, gestion du musée de la Monnaie - et exerce des activités commerciales - fabrication de monnaies courantes pour le compte d'Etats étrangers, de monnaies de collections françaises et étrangères, de médailles, de décorations, de fontes d'art et de bijoux - dont les recettes couvrent environ le quart de son financement global.

Le montant net du budget annexe fixé pour 2001 à 1,2 milliard de francs marque un véritable infléchissement ( - 14 %) par rapport au budget voté pour 2000. Il convient de rappeler que les fortes progressions des années précédentes (+ 13 % en 1997, + 21 % en 1998 et + 32 % en 1999) avaient fait place en 2000 à une quasi stabilité du budget (+ 1 %).

Cet infléchissement s'explique par la baisse de 41 % de l'activité de frappe de la monnaie, avec la disparition totale du franc, qui sera restée notre monnaie pendant 206 ans, et la nette décélération du programme de frappe de l'euro.

L'objectif d'équilibre budgétaire durable du budget annexe des Monnaies et médailles, sans recours à la subvention de l'Etat, objectif affiché dans le plan " Monnaie 2000 " et traduit dans les lois de finances initiales 1999 et 2000 se révèle inaccessible. Il y a lieu de constater en 1999 un déficit de près de 23 millions de francs et l'année 2000 annonce également un déficit, qui certes, pourrait être moindre que celui de 1999.

Le budget annexe pour 2001 nécessite le recours à une subvention de l'Etat de 19 millions de francs. En effet, le bénéfice d'exploitation de l'établissement de Pessac, qui s'établissait à 50 millions de francs sur les deux dernières années, est ramené à 39,4 millions de francs compte tenu de la baisse en volume du programme de frappe de l'euro ; il ne suffit donc plus à couvrir le déficit prévisionnel parisien qui passe, quant à lui, de 50 à 58,4 millions de francs.

Le montant de la subvention peut, du reste, paraître modeste comparé à ceux de 1998 (50 millions de francs) et surtout des années 1995, 1996 et 1997 (respectivement 154, 114 et 108 millions de francs). C'est davantage le caractère relativement artificiel de son calcul que retient votre rapporteur puisque cette subvention résulte d'une fixation théorique de prix de cession des pièces d'euro à la direction du Trésor et d'une appréhension difficile et discutable des recettes purement commerciales.

I. LE DÉLICAT CHIFFRAGE DES RECETTES

D'un montant de 1,172 milliard de francs, les recettes d'exploitation, hors subvention d'équilibre, marquent un net recul (- 211,5 millions de francs, soit - 15,3 %), entièrement imputable à la cession au Trésor des monnaies françaises.

A. LE CALCUL THÉORIQUE DE LA CESSION DES MONNAIES FRANÇAISES AU TRÉSOR

Pour 1999, les produits de cession des monnaies françaises au Trésor ont marqué un écart à la prévision dû à un volume de frappe inférieur au programme fixé. En revanche, pour 2000, les réalisations devraient se situer à hauteur du montant budgété, le programme de frappe étant respecté.

Pour 2001, les produits de cession au Trésor, estimés à 700,3 millions de francs (dont 5,2 millions de francs de monnaies de collection), chutent de près de 25 % (- 232,4 millions de francs). Tout en conservant leur place de premier poste de recettes, ils ne représentent plus, en 2001, que 60 % du total des recettes d'exploitation contre 67 % en 2000 et 70 % en 1999.

Part des produits de la cession au Trésor

dans le budget annexe

(hors subvention)

1991

62,3 %

1992

61 %

1993

81 %

1994

55 %

1995

47 %

1996

42,8 %

1997

55,3 %

1998

63,2 %

1999

70 %

2000

66,8 %

2001

59,7 %

Il convient de relativiser l'importance de cette chute , puisqu'elle résulte, d'une part, d'un effet-volume sur lequel l'administration des Monnaies et médailles n'a pas de marge de manoeuvre , d'autre part, d'un effet-prix purement administratif .

Les prix de cession au Trésor ayant été maintenus au niveau de 2000, la baisse se justifie exclusivement l'infléchissement du programme de frappe par rapport à l'année 2000 qui constituait un pic.

1. L'inéluctable diminution du programme de frappe

2001 sera pour l'établissement de frappe monétaire de Pessac la première année de totale disparition du franc.

S'agissant de l' euro , votre rapporteur rappelle que la direction du Trésor et la Banque de France ont arrêté un programme global de frappe pour un volume de 7,6 milliards de pièces à face française, réparti sur la période 1998-2001 , pour une mise en circulation au 1 er janvier 2002. Ce programme pluriannuel, qui comportait une très nette montée en puissance sur les années 1999 et 2000, devrait être réalisé (au 31 mai 2000, près de 5 milliards de pièces étaient détenues en réserve), même si la charge ne se sera pas étalée comme prévu dans le temps comme prévu. La France a été le premier Etat de la zone euro à frapper cette monnaie, dès mai 1998 ; elle est le pays le plus avancé par rapport à son objectif, les principaux pays se situant entre le tiers et la moitié de leur programme prévisionnel.

Suite aux enquêtes menées par la direction du Trésor et la Banque de France sur la détention et l'utilisation de la monnaie métallique, il pourrait être demandé à la direction des Monnaies et médailles de faire face avec souplesse à des demandes imprévues dès 2002.

En 1999, des mouvements sociaux à l'établissement de Pessac ainsi que quelques incidents techniques et difficultés d'approvisionnement liés à l'euro et inhérents à la mise en oeuvre de tout nouveau processus de fabrication, ont affecté la production et n'ont pas permis de réaliser le programme prévu. En revanche, le programme de 2000 sera très vraisemblablement exécuté.

Le programme 2001 était initialement fixé à 1 milliard de pièces d'euro. Il s'établit in fine à 1,6 milliard de pièces (de 2 euros à 1 centime d'euro) - la différence correspondant à la résorption du retard pris en 1998 et surtout 1999 - et marque ainsi une diminution de 35 % par rapport à l'année 2000. Cette révision de programme a reçu un approuvé ministériel le 16 février 2000. Si l'on intègre la disparition du franc, c'est de 41 % que chute l'activité de frappe de la monnaie courante française. Mais cette chute ne constitue en aucun cas une surprise.

2. Le jeu d'écritures de la cession au Trésor

a) Le mécanisme de la cession

Le budget annexe des Monnaies et médailles cède les monnaies courantes et les monnaies de collection à la direction du Trésor, moyennant des prix de cession déterminés en accord avec cette dernière. Ces prix sont déterminés en fonction de trois éléments :

- La valeur du métal contenu dans la pièce. Celle-ci est calculée à partir de la moyenne des cours observés durant les quatre ou cinq premiers mois de l'année d'établissement du projet de budget. Elle n'est pas modifiée par la suite, ni en cas de forte variation des cours, ni en fonction des prix effectivement payés par les Monnaies et médailles ;

- La valeur ajoutée, calculée à partir des données de la comptabilité analytique de la direction des Monnaies et médailles ;

- La " marge du fabricant " : calculée sur la base d'une majoration de 10 % jusqu'en 1997, elle est, depuis, fixée forfaitairement à 50 millions de francs.

Pour les pièces de monnaie de collection qui n'ont pas d'équivalent en pièces de monnaies courantes, les prix de cession sont déterminés de façon conventionnelle, par référence à des coupures de valeur faciale voisine. Ainsi, le prix de cession des pièces de 500 F correspond au prix de cession de la pièce de 100 F majoré conventionnellement de 400 F. Pour leur conférer valeur libératoire, le budget annexe les rachète au compte spécial à leur valeur faciale.

Les monnaies courantes sont achetées, à leur prix de cession, par le compte d'émission des monnaies métalliques (compte n° 906-04) du Trésor, dès leur délivrance. En revanche, ce compte n'est crédité de la valeur faciale de la pièce qu'il a achetée qu'au moment de sa mise en circulation par la Banque de France. Ainsi, s'agissant de l'euro, le compte 906-04 aura été débité de l'avance de fabrication des pièces dès 1998 alors qu'il ne sera crédité qu'à compter du 1 er janvier 2002, année de leur mise en circulation.

Le solde des mouvements entre le budget annexe et le compte spécial 906-04, retracé dans le tableau ci-dessous, est donc purement théorique en ce qui concerne le rachat effectif de la valeur faciale des pièces courantes par la Banque de France, dans la mesure où il est fondé sur le programme de frappe réalisé année après année par le budget annexe alors que la Banque ne procède à des prélèvements qu'en fonction de ses besoins.

Bien qu'il ne constitue qu'un aspect des mouvements financiers, ce compte retrace toutefois les flux et tendances observés.

b) L'affichage d'une logique concurrentielle

Les prix unitaires de cession pour 2001 sont fixes par rapport à 2000 (à l'exception de celui de la pièce de collection de 10 francs qui a fait l'objet d'une révision).

L'année 2000, qui a généré économies d'échelle et gains de productivité, sert donc de référence. La reconduction des prix de cession a pour enjeu de traduire la volonté d'afficher, d'ores et déjà, des prix industriels qui devraient permettre, à terme, de concourir en bonne position dans le cadre des appels d'offres internationaux. Sur le plan interne à l'entreprise, elle indique la nécessité de poursuivre les efforts de productivité en vue de se préparer à la concurrence entre les différents opérateurs.

Etant donné la forte diminution du volume de frappe en 2001, et même si la conjoncture s'annonce favorable sur le prix des métaux les plus utilisés (- 8% sur le nickel et - 15 % sur le zinc), cette stabilité revient à une sous-estimation des prix de revient - l'établissement monétaire de Pessac se trouvant en relative surcapacité de production -, et montre le caractère théorique des prix unitaires de cession déterminés en accord avec la direction du Trésor. Mais dans la mesure où cette sous-estimation n'a pas de réelle incidence sur le budget de l'Etat, puisqu'il ne s'agit en fait que d'un jeu d'écritures entre le budget annexe des Monnaies et médailles et le compte spécial du Trésor n° 906-04 " émission de monnaies métalliques ", le choix d'une démarche industrielle montre la volonté de l'administration des Monnaies et médailles de s'adapter à l'environnement concurrentiel dans lequel elle évolue.

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