Rapport général n° 92 (2000-2001) de M. François TRUCY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2000

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N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 44

DÉFENSE :

DÉPENSES ORDINAIRES

Rapporteur spécial : M. François TRUCY

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier,
Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

Observation préliminaire : une réforme administrative unique en son genre

Selon la présentation faite par le Gouvernement, le projet de budget militaire pour 2001, dans son titre III, garantit " globalement " la réussite du modèle de professionnalisation arrêté en 1996 et intégré dans la loi de programmation 1997-2002.

Ce succès, qui est celui d'une réforme administrative d'une ampleur considérable, assise sur des suppressions massives d'emplois et des mesures conséquentes de reconversion et d'incitation au départ, mérite réellement d'être salué, tant il constitue un cas d'école absolu en matière de réforme de l'Etat. Aucun ministère civil n'a, à ce jour, été en mesure de mener et de réussir une telle démarche.

L'analyse critique conduit toutefois à mesurer les limites, voire les risques inhérents à la situation atteinte aujourd'hui.

L'évolution des effectifs : une réussite " globale ", mais plus coûteuse que prévu, et qui repose sur des déséquilibres catégoriels qui risquent de s'accroître, au détriment de la professionnalisation

La réduction des effectifs pèse plus lourdement que prévu sur les officiers et les sous-officiers .

De fait, pour les deux exercices 2000 et 2001, sur les 6 658 suppressions d'emplois prévues, 7 402 ont été effectivement réalisées. Comme, parallèlement, la part relative des militaires du rang s'est accrue plus que prévu - 15 596 créations prévues, 16 020 effectives - on risque d'évoluer vers une forme de sous-encadrement et/ou une détérioration de la qualité des effectifs, contraire aux objectifs de la loi de programmation.

Cette diminution du nombre des sous-officiers s'accompagne en outre d'un rajeunissement des cadres, que le ministère présente comme " conforme aux normes d'une armée professionnelle ", mais qui n'est sans doute pas exempt de considérations purement budgétaires, dès lors que le rajeunissement allège d'autant le poids des rémunérations et charges sociales, par l'effet d'un " GVT " négatif.

Ceci posera, assez rapidement, le problème de la coexistence de cadres militaires rajeunis avec des personnels civils plus anciens, parce que non soumis à des impératifs de mobilité et de départ précoce.

• Le recrutement des militaires du rang , enjeu essentiel et principale difficulté des armées professionnalisées, appelle aujourd'hui certaines inquiétudes, plus ou moins clairement exprimées.

Plusieurs facteurs doivent en effet être évoqués, qui pèsent, ou pèseront rapidement sur le volume et la qualité du recrutement au sein des armées, et surtout sur la capacité de celles-ci à " conserver " leur ressource : la reprise du marché du travail, l'application des 35 heures sur le marché civil et sa transposition sur la fonction publique civile, face aux contraintes propres au métier militaire, enfin l'insuffisance évidente, en l'état actuel, des " avantages annexes " proposés, en particulier en ce qui concerne les capacités et aides au logement, et les avantages familiaux.

Dès lors qu'elle " entre " sur le marché du travail, l'armée doit se comporter comme une entreprise, ou du moins savoir attirer des candidats à l'engagement avec des moyens qui tiennent compte du décalage avec la société civile imposé aux militaires.

• Enfin, les prévisions faites en matière de recrutement de personnels civils sont clairement infirmées par la réalité.

Face aux 3 867 emplois nouveaux prévus sur 2000-2001 par la loi de programmation, l'armée a dû se résoudre à afficher la suppression de 651 emplois. De fait, les vacances d'emplois civils constituent un sujet de préoccupation depuis 1998. En réalité, le déficit en personnels civils prend une ampleur inquiétante. Il oblige en particulier à faire assumer une partie croissante de leurs tâches par les personnels militaires, ce qui va évidemment à l'encontre de la notion de " professionnalisation ".

La progression non maîtrisée des dépenses de rémunérations et de charges sociales depuis 1996 ...

A près de 85 milliards de francs, les dépenses de rémunérations et de charges sociales représentent désormais plus de 80 % du titre III, soit près de la moitié du budget militaire.

En exécution, de 1996 à 1999, les dépenses de rémunérations auront progressé de plus de 8 %, celles des charges sociales de près de 17 %, tandis que les crédits de fonctionnement courant auront diminué de près de 20 %.

Plusieurs facteurs, de nature différente, concourent à cette évolution et méritent d'être relevés.

Certes, plusieurs mesures spécifiques prises au cours de la période 1996-1999 ont pesé sur l'évolution des coûts de rémunérations et de charges sociales : application de l'accord salarial de la fonction publique au personnel civil et militaire de la défense, augmentation de l'indemnité compensatrice de la CSG et de la cotisation employeur pour le Fonds spécial de pension des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, intégration de l'administration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, budgétisation des gendarmes affectés aux pelotons autoroutes.

Toutefois, il est clair que l'incidence financière de la professionnalisation n'a pas été évaluée à sa juste mesure.

Dans son dernier Rapport annuel d'exécution de la programmation , le Gouvernement estime à 27 % (soit 2 700 millions de francs) la part de l'incidence de la professionnalisation dans l'augmentation des crédits de rémunérations et charges sociales entre 1996 et 2001.

Si la professionnalisation se traduit par une baisse des effectifs, elle implique - pour être réussie - une modification de leur structure qui fait qu'au total, les professionnels, même moins nombreux que les appelés, coûtent globalement plus cher. Par ailleurs, le coût des aides au départ et celui des aides à la reconversion.

Mais le dérapage constaté en exécution des dépenses de rémunérations et de charges sociales relève également de méthodes de gestion amendables, et régulièrement fustigées par la Cour des comptes. La dérive des dépenses indemnitaires, passée de moins de 13 milliards de francs en 1996 à plus de 16 milliards de francs en 2000, ce qui, rapporté à l'évolution des effectifs, recouvre une très forte progression par emploi occupé, constitue une tendance forte de l'évolution des dépenses de rémunérations.

Assez systématiquement sous-évaluées en loi de finances initiale, ces dépenses méritent assurément que soient améliorées la prévision et la maîtrise de leur évolution. De fait, le projet de budget pour 2001 prévoit un nouveau rebasage en loi de finances initiale de ces indemnités, à hauteur de 200 millions de francs (après une première étape d'un montant équivalent en loi de finances initiale pour 2000).

Le maintien de procédures de gestion dérogatoires - dites " dépenses à bon compte ", qui regroupent " fonds d'avances " destinés aux dépenses de soldes et d'alimentation, et " masses " pour les dépenses d'entretien courant donne lieu à des reports de charge et relativise l'application des principes de spécialité et d'annualité budgétaires. Il demande toutefois à être mesurée à l'aune des besoins militaires, notamment dans le cadre des opérations extérieures.

... Au détriment des crédits de fonctionnement courant et d'entretien, et donc de la capacité opérationnelle des armées françaises

La diminution de 20 % en trois ans - 1996 à 1999 - des dépenses d'entretien et de fonctionnement courant se traduit au niveau des analyses recueillies au cours des différentes visites effectuées sur le terrain : incapacité d'entretenir le matériel de façon correcte, insuffisance croissante des pièces de rechange, détérioration constante de la capacité opérationnelle de l'armée française. Cette situation regrettable est aujourd'hui confirmée par les trois chefs d'Etat-major, appelés à s'exprimer publiquement devant les assemblées parlementaires.

Pendant la première moitié de l'actuelle loi de programmation, les crédits de fonctionnement ont clairement servi de variable d'ajustement au sein du titre III, pour financer la hausse incompressible des crédits de rémunérations et charges sociales.

Certes, cette tendance est partiellement enrayée depuis la loi de finances initiale 2000, mais il conviendra d'être particulièrement attentif aux conditions d'exécution budgétaire définitive, qui s'écartent souvent sensiblement des prévisions initiales. En outre, la très faible reprise ainsi amorcée ne suffit en aucun cas à pallier les effets du retard accumulé depuis trois ans.

De fait, l'augmentation des crédits affichée par le projet de loi de finances pour 2001 ne correspond que très partiellement à une réelle amélioration des moyens.

On relèvera au préalable que si la baisse des effectifs liée à la mise en oeuvre de la professionnalisation ne se traduit pas par une diminution des dépenses de rémunérations et charges sociales, elle permet en revanche une économie assez sensible sur les crédits de fonctionnement - ainsi évaluée à 727 millions de francs pour 2001 -.

Or l'essentiel de ces économies de constatation est absorbé par la hausse de la dotation carburants, majorée de 698 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, sur la base d'hypothèses d'ores et déjà dépassées : baril à 20 dollars et dollar à 6,50 F, soit une sous-estimation de plus de 70 % du baril actuel exprimé en francs, qui impliquera nécessairement d'importants abondements en cours d'exercice.

Il en résulte que les crédits consacrés à la revalorisation des taux d'activité des forces, fortement soulignée par le Gouvernement, reste en réalité modeste et surtout inférieure aux besoins.

De fait, l'amélioration attendue ne permettra pas de combler l'écart - désormais important - avec l'armée britannique : 81 jours de sortie en moyenne pour l'armée de terre française contre 110 à 150 jours pour les Britanniques ; 90 jours de sortie en mer en moyenne pour la marine française, contre 150 pour les Britanniques ; 181 heures de vol pour les pilotes de combat pour l'armée de l'air française, contre 211 pour les Britanniques.

En tout état de cause, l'effort promis à ce titre risque de faire long feu, dans la mesure où la mesure nouvelle annoncée pour 200 millions de francs l'est " à titre non reconductible " à hauteur de 150 millions de francs.

Enfin, on relèvera que l'amélioration du rapport dépenses de rémunérations et de charges sociales/crédits de fonctionnement correspond pour partie à l'incidence de l'externalisation, qui se traduit par le transfert de charges de rémunérations en charges de fonctionnement.

S'agissant de l'" externalisation ", on pourra s'étonner de ce que cette démarche, pourtant qualifiée de " prometteuse ", semble déjà marquer le pas : 216 millions de francs de mesures nouvelles en 2000, la moitié seulement - 104 millions de francs - en 2001. En outre ces " mesures nouvelles " n'en sont pas véritablement, puisqu'elles sont gagées par des gels d'emplois militaires pour un montant équivalent. Il paraît en tout cas souhaitable, avant de poursuivre cette expérience, plus avancée chez nos partenaires allemand et britannique, de procéder à une analyse comparative détaillée des fonctions ainsi exercées, et de s'assurer de la sécurité juridique et financière des activités éventuellement sous-traitées. Ces éléments devraient alors permettre de définir une véritable politique d'externalisation.

Au total, il est difficile de conclure, à ce stade, à une réelle amélioration des moyens de fonctionnement et d'entretien. Celle-ci ne permet en tout cas en aucune façon de combler le retard accumulé depuis 1996. Il en résulte que cette évolution risque de disqualifier la réussite " globale " de la professionnalisation.

La charge croissante des opérations extérieures (OPEX) et des missions de service public

Les modalités actuelles de financement budgétaire des OPEX, dont l'évolution reste fonction de la conjoncture internationale et diplomatique, par nature aléatoire, continuent de susciter des réserves.

Le surcoût - titre III seulement - des opérations extérieures a en effet sensiblement augmenté : 1 879 millions de francs en 1998 ; 2 933 millions de francs en 1999 ; 3 368 millions de francs au 30 juin 2000.

A cet égard, le principe retenu lors de la préparation de la loi de programmation 1997-2002, au terme duquel l'ensemble des dépenses liées aux OPEX courantes seraient financées sur le budget courant, seules les dépenses " imprévues " liées aux OPEX " de grande ampleur ", étant couvertes par des crédits supplémentaires, paraît à l'usage relever d'une cote mal taillée, qui risque en outre de contribuer à renforcer le caractère parfois incertain des évaluations faites à ce titre.

Dans un autre ordre d'idées, les fonctions assumées par le personnel des armées au titre de différentes missions civiles : opération POLMAR et suites du naufrage de l'Erika, opération ORSEC liée aux tempêtes de la fin décembre 1999, appellent un certain nombre d'interogations.

En effet, ces missions, qui finissent nécessairement par s'effectuer au détriment des tâches strictement militaires, ne sont pas conformes à la notion d'armée professionnelle.

En tout état de cause, elles doivent faire l'objet d'un financement, ou d'un remboursement, spécifique, et n'obérer ni la formation, ni l'entraînement, ni les moments nécessaires au repos et à la vie familiale des militaires.

La priorité manifeste accordée à la gendarmerie

L'analyse de l'évolution des principales mesures nouvelles inscrites au titre III souligne en réalité la priorité toute particulière accordée à la gendarmerie.

Hors majoration des crédits de pensions et prise en compte de l'évolution du prix des carburants, c'est bien la gendarmerie qui bénéficie des mesures nouvelles les plus importantes du budget 2001 : + 213 millions de francs pour l'augmentation des effectifs (hors Programmation) ; + 30 millions de francs pour diverses mesures catégorielles ; + 350 millions de francs en moyens de fonctionnement supplémentaires ; + 162 millions de francs pour les brigades territoriales ; + 105 millions de francs pour le fonctionnement associé à la création des emplois de volontaires ; + 53 millions de francs pour le fonctionnement associé aux effectifs supplémentaires dans les brigades ; + 20,5 millions de francs pour le surcoût lié au renforcement des effectifs dans les zones périurbaines et enfin + 7 millions de francs pour l'augmentation des réserves.

Il est certes nécessaire de donner à la gendarmerie les moyens d'assumer la mission, qu'elle partage avec la police, de garantir la sécurité des populations civiles. Mais cela ne peut pas se faire au détriment des armées, aux missions desquelles elle ne participe que marginalement.

PREMIÈRE PARTIE :

PRÉSENTATION GÉNERALE
DES CRÉDITS DU TITRE III

CHAPITRE PREMIER

LE TITRE III
ET LE BUDGET DE LA DÉFENSE

I. ÉVOLUTION GLOBALE DU BUDGET DE LA DÉFENSE

En 2001, le budget de la défense s'élèvera à 244 735 millions de francs, pensions comprises, soit à 188 941 millions de francs hors pensions.

Ceci correspond à une progression, en francs courants, de 0,5 %, qui doit être rapprochée de l'évolution de l'ensemble des crédits de paiement des budgets civils : + 1,6 %.

La part dans le budget général des moyens disponibles pour la Défense s'élèvera à 11,17 % en 2001, contre 12,3 % en 1996. Rapportée au produit intérieur brut, la part du budget de la Défense n'atteindra que 1,86 % en 2001, contre 2,40 % en 1996.

L'évolution prévue des prix du PIB est de 1,2 %. En francs constants, les moyens du budget de la Défense diminuent donc en 2001 de 0,7 %.

II. ÉVOLUTION GLOBALE DU TITRE III

Le montant du titre III s'élève à 161 308 millions de francs. Sur ce montant, les pensions représentent 55 793 millions de francs, soit plus du tiers (34,6 %) du total.

Hors pensions le titre III atteint donc 105 515 millions de francs.

Le tableau ci-dessous retrace son évolution par rapport à 2000, en francs courants.

(Millions de francs)

Evolution 2001/2000

L.F.I. 2000

P.L.F. 2001

En M.F.

En pour-centage

Titre III hors pensions..........

105,0

105,5

+ 0,5

+ 0,5 %

Pensions...............................

54,8

55,8

+ 1,0

+ 1,8 %

Total titre III ...........

159,8

161,3

+ 1,5

+ 0,9 %

En 10 ans, les crédits du titre III ont évolué comme suit :

(Milliards de francs)

Titre III hors pensions

L.F.I. en francs courants

Crédits de paiement ouverts en francs courants

Crédits de paiement ouverts en francs constants 1999

1992

92,3

93,2

101,5

1993

94,9

97,8

103,4

1994

99,8

98,1

102,5

1995

99,8

102,3

105,1

1996

100,6

100,6

102,1

1997

102,2

102,2

102,2

1998

103,7

103,7

102,4

1999

103,9

103,9

102,9

2000

105

105

103,55

2001

105,5

105,5

104,76

III. POIDS DU TITRE III DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE

L'évolution des deux titres au sein du budget de la défense est retracée dans le tableau ci-contre.

La part du titre III dans le budget de la Défense devrait se maintenir en 2001 au niveau atteint en 2000, soit 55,8 %.

De fait, en 2001, le budget de la Défense affiche une structure exactement inverse à celle d'il y a dix ans. En 1990, les dépenses de fonctionnement s'élevaient à 87 milliards de francs et les dépenses d'équipement à 102 milliards de francs. En 2001, les dépenses d'équipement ont été réduites, en francs courants, à 83 milliards de francs, et les dépenses du titre III ont été portées à 105,5 milliards de francs.

En réalité, la progression massive des dépenses de fonctionnement entre 1990 et 2000 est uniquement liée à celle des rémunérations et charges sociales, qui passent de 61 à 84 milliards de francs, tandis que les autres dépenses de fonctionnement diminuent de 26 à 21 milliards de francs, au détriment essentiellement de l'entretien programmé du matériel qui se réduit drastiquement de 5,5 milliards de francs à 1,1 milliard de francs.

TITRES III, V et VI DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE DEPUIS 1990

(Milliards de francs)

Crédits 1990

%
du total

Crédits 1991

%
du total

Crédits 1992

%
du total

Crédits 1993

%
du total

Crédits 1994

%
du total

Crédits 1995

%
du total

Crédits de paiement :

• Titre III 1 ( * ) ..................

• Titres V et VI .........

87 343

102 100

46,1

53,9

91 400

103 148

46,98

53,02

92 334,5

103 148

47,23

52,77

94 976

102 934

47,9

52,1

98 912

100 416

49,6

50,4

99 323

102 430

49,2

50,8

Total ..................

189 443

100

194 548

100

195 482,5

100

197 910

100

199 328

100

201 753

100

Crédits 1996

%
du total

Crédits 1997

%
du total

Crédits 1998

%
du total

Crédits 1999

%
du total

Crédits 2000

%
du total

Crédits 2001

%
du total

Crédits de paiement :

• Titre III 1 ..................

• Titres V et VI .........

100 652

94 941

51,4

48,6

102 223

88 699

53,5

46,5

103 722

81 000

56,1

43,9

103 959

86 000

54,7

45,3

104 516

82 913

55,8

44,2

105 515

83 426

55,8

44,2

Total ..................

195 593

100

190 922

100

184 722

100

189 959

100

187 429

100

188 941

100

CHAPITRE II

LES CRÉDITS DU TITRE III

Confirmant l'évolution des années précédentes, le poids des rémunérations à l'intérieur du titre III continue de s'accroître (80,2 % contre 80,1 % en 2000).

I. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU TITRE III

A. VENTILATION DES CRÉDITS PAR SECTION

L'évolution de 2000 à 2001 est retracée par le tableau ci-dessous :

Evolution par section des moyens du titre III

(Millions de francs)

Crédits de paiement

Variation

Répartition des crédits

2000

2001

En M.F.

En %

en 2001

Terre ................................

30 916

30 932

+ 16

+ 0,1

29,4%

Marine .............................

12 897

12 694

- 203

- 1,6

12,3 %

Air ...................................

15 680

15 706

+ 26

+ 0,2

14,9 %

Gendarmerie ....................

20 892

21 547

+ 655

+ 3,1

19,9 %

Section commune ............

24 606

24 636

+ 30

+ 0,1

23,5 %

Total ......................

104 991

105 515

+ 524

+ 0,5

100

La section gendarmerie est celle qui, une nouvelle fois, progresse le plus nettement, poursuivant une tendance qui se confirme d'année en année .

On rappellera en effet que, en 1990, la part de la gendarmerie dans le titre III du budget de la Défense ne représentait que 17,3 % % du total.

Cette évolution s'est faite essentiellement au détriment de la part prise par l'armée de l'air et la marine.

Évolution de la répartition des dépenses ordinaires (hors pensions)

(En % du total)

1990

2000

Air .............................

16,6%

14,9 %

Terre ..........................

29,7 %

29,4 %

Marine .......................

15,5 %

12,4 %

Gendarmerie ..............

17,3 %

19,9 %

Services communs .....

20,9 %

23,4 %

Évolution des crédits de rémunérations et de charges sociales

(Millions de francs)

L.F.I. 2000

P.L.F. 2001

Évolution

en M.F.

en %

Terre ...............................

25 052

25 237,4

+ 185,4

+ 0,7 %

Marine ............................

10 174,6

9 979,8

- 194,8

- 1,9 %

Air ..................................

12 273,6

12 228,6

- 45

- 0,4 %

Gendarmerie ....................

17 100,1

17 493,3

+ 393,2

+ 2,3 %

Section commune ............

19 448,9

19 722,8

+ 273,9

+ 1,4 %

Total .....................

84 049,2

84 661,9

+ 612,7

+ 0,7 %

A nouveau, dans le cadre du budget 2001, seule la gendarmerie bénéficie d'une sensible progression de ses moyens de fonctionnement, ainsi que, dans une moindre mesure, les services communs. L'armée de terre enregistre une quasi reconduction en francs constants. L'armée de l'air et surtout la marine continuent d'être marquées par une diminution de leurs moyens de fonctionnement.

B. ANALYSE DES DÉPENSES PAR NATURE

Les crédits du titre III, ventilés par nature de dépenses, apparaissent dans le tableau ci-dessous :

Evolution par nature des moyens du titre III

(Millions de francs)

Crédits de paiement

Autorisations de programme

2000

2001

Variation

2000

2001

Variation

En M.F.

En %

En M.F.

En %

Rémunérations et charges sociales

84 049

84 662

+ 613

+ 0,7

-

-

-

Alimentation ...............................

2 264

1 881

- 383

- 16,9

-

-

-

-

Carburants ...................................

2 341

2 970

+ 629

+ 26,9

-

-

-

-

Entretien programmé du matériel .

1 109

815

- 294

- 26,5

1 109

815

- 294

- 26,5 %

Fonctionnement ...........................

15 268

15 187

- 81

- 0,5

-

-

-

-

Total dépenses ordinaires ...

104 991

105 515

+ 524

+ 0,5

1 109

815

- 294

- 26,5 %

1. Les crédits de rémunérations et de charges sociales

Ils s'élèvent à 84,7 milliards de francs et représentent 80,2 % du titre III. Ils augmentent de 0,7 %.

Cette évolution résulte du bilan net des suppressions et des créations d'emplois.

2. Les autres crédits

Ils représentent, au total, 19,8 % des crédits du titre III et s'élèveront à 20,9 milliards de francs, en augmentation en francs courants de + 0,5 % par rapport à ceux de 2000.

On rappellera que, de 1990 à 2000, la diminution relative des dépenses de fonctionnement, nécessaire pour compenser le poids croissant des rémunérations et des charges sociales, se sera faite quasi exclusivement au détriment des dépenses d'entretien programmé du matériel.

De fait, celles-ci seront passées de près d'un quart à un peu plus de 5 % du total des dépenses de fonctionnement autres que rémunérations et charges sociales.

Évolution de la structure des dépenses de fonctionnement

(En % du total)

1990

2000

Alimentation ................................

Carburant .....................................

11,6 %

12,0 %

10,8 %

9,7 %

Entretien programmé du matériel .

21,2 %

5,3 %

Fonctionnement résiduel ..............

55,2 %

74,2 %

II. UNE ÉVOLUTION SUPÉRIEURE AUX PRÉVISIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION

L'évolution du titre III depuis le début de la loi de programmation militaire se traduit par une constante progression des dotations initiales, accentuée par de constants abondements en cours d'exercice, sous forme de décrets d'avances ou de lois de finances rectificatives :

- ouvertures en cours d'exercice 1997 : +3,3 milliards de francs

- ouvertures en cours d'exercice 1998 : +4,5 milliards de francs

- ouvertures en cours d'exercice 1999 : + 4,8 milliards de francs

- ouvertures en cours d'exercice 2000 : + 3,6 milliards de francs.

De fait, le montant exécuté est systématiquement supérieur au montant prévu par la loi de programmation initiale .

Écart entre l'exécution du titre III et la loi de programmation militaire

(Milliards de francs)

1997

1998

1999

Montant prévu en L.P.M. ...

106,3

109,6

109,3

Montant exécuté .................

102,2

103,3

104,0

Écart ........................

+ 4,1

+ 6,3

+ 5,3

III. LE NÉCESSAIRE ÉQUILIBRE ENTRE CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT

A. UN DÉSÉQUILIBRE QUI S'ACCROÎT

Les crédits de rémunérations et de charges sociales augmentent de 0,7 % en 2001. Ils représentent 80,2 % du titre III et compriment de plus en plus les autres crédits.

Leur part relative dans le titre III évolue comme suit :

Évolution de la structure du titre III

1990

1998

1999

2000

2001

Crédits de rémunérations et charges sociales .....................


70 %


77,6 %


79,7 %


80,1 %


80,2 %

Crédits de fonctionnement .....

30 %

22,4 %

20,3 %

19,9 %

19,8 %

Ainsi, à une réduction de 9,25 % des effectifs correspond une augmentation de 0,7 % des crédits de rémunérations et de charges sociales. Ce phénomène s'explique par le remplacement d'une partie des appelés, à la solde réduite, par des civils et des engagés mieux rémunérés. Ceux-ci sont, en outre, largement bénéficiaires des mesures de revalorisation des " basses rémunérations ". Il n'y a guère de raison pour que cette évolution ne se poursuive pas jusqu'en 2002.

A cette accentuation, en construction budgétaire, du poids des crédits de rémunérations et de charges sociales, doivent être ajoutées les ponctions exécutées à leur profit, en cours d'année, sur le titre V. Elles sont la marque d'une insuffisance des dotations initiales, au-delà des surcoûts engendrés par les opérations extérieures.

B. UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES BESOINS DE FONCTIONNEMENT

La diminution de 20 % en trois ans - 1996 à 1999 - des dépenses d'entretien et de fonctionnement courant se traduit clairement au niveau des analyses recueillies au cours des différentes visites effectuées sur le terrain : incapacité d'entretenir le matériel de façon correcte, insuffisance croissante des pièces de rechange, donc, en définitive, détérioration constante de la capacité opérationnelle de l'armée française.

Cette situation regrettable est aujourd'hui confirmée par les trois chefs d'Etat-major, appelés à s'exprimer publiquement devant les assemblées parlementaires.

Pendant la première moitié de l'actuelle loi de programmation, les crédits de fonctionnement ont clairement servi de variable d'ajustement au sein du titre III, pour financer la hausse incompressible des crédits de rémunérations et charges sociales.

Certes, cette tendance est partiellement enrayée depuis la loi de finances initiale 2000, mais il conviendra d'être particulièrement attentif aux conditions d'exécution budgétaire définitive, qui s'écartent souvent sensiblement des prévisions initiales. En outre, la très faible reprise ainsi amorcée ne suffit en aucun cas à pallier les effets du retard accumulé depuis trois ans.

De fait, l'augmentation des crédits de fonctionnement affichée par le projet de loi de finances pour 2001 ne correspond que très partiellement à une réelle amélioration des moyens.

On relèvera au préalable que si la baisse des effectifs liée à la mise en oeuvre de la professionnalisation ne se traduit pas par une diminution des dépenses de rémunérations et charges sociales, elle permet en revanche une économie sensible sur les crédits de fonctionnement - ainsi évaluée à 727 millions de francs pour 2001 - 2 ( * ) .

Or l'essentiel de ces économies de constatation est absorbé par la hausse mécanique de la dotation carburants, majorée de 697,5 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, sur la base d'hypothèses d'ores et déjà dépassées : baril à 20 dollars et dollar à 6,50 F 3 ( * ) , soit une sous-estimation de plus de 70 % du baril actuel exprimé en francs, qui impliquera nécessairement d'importants abondements en cours d'exercice.

Il en résulte que les crédits consacrés à la revalorisation des taux d'activité des forces, fortement soulignée par le Gouvernement, reste en réalité modeste et surtout inférieure aux besoins .

De fait, l'amélioration attendue ne permettra pas de combler l'écart - désormais important - avec l'armée britannique : 81 jours de sortie en moyenne pour l'armée de terre française contre 110 à 150 jours pour les Britanniques ; 90 jours de sortie en mer en moyenne pour la marine française, contre 150 pour les Britanniques ; 181 heures de vol pour les pilotes de combat pour l'armée de l'air française, contre 211 pour les Britanniques.

En tout état de cause, l'effort promis à ce titre risque de faire long feu, dans la mesure où la hausse nouvelle annoncée pour 200 millions de francs 4 ( * ) l'est " à titre non reconductible " à hauteur de 150 millions de francs 5 ( * ) .

Il est donc difficile de conclure, à ce stade, à une réelle amélioration des moyens de fonctionnement et d'entretien. Celle-ci ne permet en tout cas en aucune façon de combler le retard accumulé depuis 1996.

Il en résulte que cette évolution risque de disqualifier la réussite " globale " de la professionnalisation de l'armée française.

On relèvera en conclusion que, en 1999, le montant des moyens de fonctionnement par militaire est, en France, le plus bas des grands pays de l'OTAN. Il est deux fois moindre qu'au Royaume-Uni, et près de trois fois inférieur au niveau américain.

Dépenses de fonctionnement rapportées aux effectifs militaires

(Budget et structure OTAN)

- année 1999 -

France : 300 000 F/ homme

Allemagne : 331 000 F/ homme

Royaume-Uni : 612 000 F/ homme

Etats-Unis : 813 000 F/ homme

Source : OTAN, retraitement ministère de la Défense.

DEUXIÈME PARTIE


LE PERSONNEL

DIFFICULTÉS ET INCERTITUDES
D'UNE PÉRIODE DE TRANSITION

Le passage d'une armée mixte à une armée professionnelle marque profondément la loi de programmation militaire puisqu'il se réalise sur toute sa durée, de 1997 à 2002. Les appelés sont progressivement et en partie remplacés par des militaires engagés, par du personnel civil et par des volontaires ; des postes de sous-officiers et quelques postes d'officiers sont en outre supprimés.

Le respect de l'échéancier qui figure à l'article 3 de la loi de programmation militaire est une des clés de voûte de la réussite de la professionnalisation. La situation réelle des effectifs rend celle-ci incertaine.

CHAPITRE PREMIER


LES EFFECTIFS MILITAIRES ET CIVILS

En l'espace de 12 ans, les effectifs du ministère de la défense, militaires et civils confondus, seront passés de 680 000 à 446 000, soit une réduction de près de 35 %.

Cette décroissance est encore appelée à se poursuivre du fait de la réduction du format des armées. A la fin de la période couverte par la programmation, en 2002, le ministère de la défense ne comptera plus que 440 000 personnes.

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

821 123

712 656

703 791

699 746

699 460

694 059

685 791

679 248

670 137

634 905

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

613 809

609 902

605 977

600 508

572 796

547 467

519 264

491 669

446 143

440 206

Pour 2001, la répartition des effectifs sera la suivante :

Terre

Marine

Air

Gendar-merie

Services communs

Totaux

Militaires :

• Active .......................

127 001

43 720

60 964

80 655

12 760

325 100

• Contingent ................

17 111

625

1 059

3 502

521

22 818

• Volontaires ...............

4 877

1 042

943

11 025

363

18 250

Total militaires ............

148 989

45 387

62 966

95 182

13 644

366 168

Civils ............................

31 089

9 906

5 666

1 921

29 440

78 022

Comptes de commerce (militaires et civils).......

-

-

-

-

18 579

18 579

Total général ................

180 078

55 293

68 632

97 103

61 663

462 769

Écarts entre la loi de finances 2001
et la loi de programmation militaire

(Hors comptes de commerce)

Évolution 2000/2001 de la loi de programmation

Évolution LFI 2000/2001

Écart

Officiers .........................

- 97

- 159

- 62

Sous-officiers .................

- 2881

- 2 482

+ 399

Militaires du rang ...........

+ 7 633

+ 7 707

+ 74

Appelés et volontaires ....

- 27 470

- 32 658

- 5 188

Civils .............................

+ 1 832

- 274

- 2 106

Total ....................

- 20 983

- 27 866

- 6 883

Le projet de loi de finances pour 2001 accentue ainsi de plus de 32 % la réduction d'effectifs prévue par la loi de programmation militaire.

Les principales évolutions par armées et par catégories de personnel figurent dans les tableaux suivants.

I. LES EFFECTIFS MILITAIRES

Les effectifs militaires passeront de 393 760 à 366 168. Le solde net s'établit à - 27 592.

Cette diminution des effectifs frappera principalement les trois armées : l'armée de terre (- 20 353), la marine (-4 104) et l'armée de l'air
(- 3 507).

A l'inverse, la gendarmerie verra ses effectifs augmenter de 517 personnes.

Cette réduction nette des emplois recouvre deux mouvements en sens contraire retracés dans le tableau ci-dessous :

Évolution des emplois militaires

Terre

Marine

Air

Gendar-merie

DGA

Autres

Total

Militaires :

- 20 353

- 4 104

- 3 507

+ 517

- 20

- 125

- 27 592

• Officiers .............

- 232

- 17

- 62

+ 223

- 49

- 22

- 159

• Sous-officiers .....

- 933

- 1 015

- 975

+ 470

-

- 29

- 2 482

• Militaires du rang

+ 5 879

+ 279

+ 1 466

-

-

+ 83

+ 7 707

• Appelés ..............

- 27 086

- 3 954

- 4 369

- 3 901

- 103

- 244

- 39 657

• Volontaires ........

+ 2 019

+ 603

+ 433

+ 3 725

+ 132

+ 87

+ 6 999

A. LA SUPPRESSION DE POSTES D'OFFICIERS ET DE SOUS-OFFICIERS

Pour les officiers , en 2001, seule la gendarmerie (+ 223) bénéficiera d'un accroissement de son effectif ; il s'agit là de la poursuite du plan de requalification. L'armée de terre (- 232), la marine (- 17), l'armée de l'air
(- 62) et la délégation générale pour l'armement (- 49) supporteront l'essentiel des réductions d'effectifs d'officiers.

Pour les sous-officiers , l'effectif subira une réduction de 2 482, essentiellement dans l'armée de terre (- 933), la marine (- 1015), l'armée de l'air (- 975)

La réduction des effectifs pèse plus lourdement que prévu sur les officiers et les sous-officiers (notamment sur les sous-officiers).

De fait, pour les deux exercices 2000 et 2001, sur les 6 658 suppressions d'emplois prévues, 7 402 ont été effectivement réalisées. Comme, parallèlement, la part relative des militaires du rang s'est accrue plus que prévu - 15 596 créations prévues, 16 020 effectives - on risque d'évoluer vers une forme de sous-encadrement et/ou une détérioration de la qualité des effectifs, contraire à l'objectif de la loi de programmation.

Cette diminution du nombre des sous-officiers s'accompagne en outre d'un rajeunissement des cadres, que le ministère présente comme " conforme aux normes d'une armée professionnelle ", mais qui n'est sans doute pas exempt de considérations purement budgétaires, dès lors que le rajeunissement allège d'autant le poids des rémunérations et charges sociales par l'effet d'un " GVT " négatif. De fait, celui-ci permet une économie évaluée à 150 millions de francs par le projet de loi de finances pour 2001.

Ceci posera, assez rapidement, le problème de la coexistence de cadres militaires rajeunis avec des personnels civils plus anciens, parce que non soumis à des impératifs de mobilité et de départ précoce.

B. LA DISPARITION PROGRESSIVE DES APPELÉS

En 2001, les appelés poursuivent leur diminution rapide, avec près de 75 926 suppressions de postes au total sur 2000-2001, soit une accélération par rapport aux hypothèses de la loi de programmation.

De fait, en deux ans, on constate une forte progression des reports, des dispenses à caractère économique et social et du taux d'exemption.

Sans doute pour tenter d'enrayer partiellement cette évolution, le ministère de la Défense vient d'annoncer 6 ( * ) plusieurs mesures en faveur d'" une meilleure insertion des appelés sur le marché du travail " : mise en place d'un bilan de compétences, établissement d'un projet professionnel avec l'aide d'un tuteur et aide aux démarches de recherche d'un emploi pour tous les appelés n'ayant pas encore signé un contrat de travail permanent ; libération anticipée possible après huit mois de service pour tous ceux qui auront ainsi trouvé un emploi, revalorisation de l'allocation de fin de service pour ceux qui auront effectué la totalité de la durée légale 7 ( * ) .

Répartition des appelés du service national

Réalisés

2000

Incorporés en 1996

Incorporés en 1997

Incorporés en 1998

Incorporés en 1999

Effectifs incorporés FIC 2000 (02, 04, 06)

Effectif théorique sous les drapeaux au 31.07.00

Total appelés ...........................

258 476

210 678

138 963

103 157

33 145

79 542

Total service militaire .............

207 074

163 842

115 376

76 648

24 998

54 442

Formes civiles :

• Coopération .......................

5 158

5 712

5 346

4 406

1 899

4 900

• Aide technique ...................

923

595

599

461

233

660

• Sécurité civile ....................

945

996

856

632

219

770

• Police nationale ..................

9 311

7 885

5 757

3 800

1 072

4 080

Protocoles ...............................

13 437

13 235

5 054

4 035

5 090

938

Objecteurs ...............................

9 998

5 847

5 666

4 643

4 200

1 830

Gendarmerie ............................

11 309

12 234

10 018

8 203

5 400

1 966

C. LE RECRUTEMENT INSUFFISANT DES MILITAIRES DU RANG

Le recrutement des militaires du rang , enjeu essentiel et principale difficulté des armées professionnalisées, appelle aujourd'hui certaines inquiétudes, plus ou moins clairement exprimées.

II. LES EFFECTIFS CIVILS

A. EVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGETAIRES

Évolution des emplois civils

(y compris le personnel rémunéré sur comptes de commerce)

Contractuels civils

Effectifs pour 1997

Effectifs pour 1998

Effectifs pour 1999

Effectifs pour 2000

Effectifs pour 2001

2001/2000

Personnel civil ......

98 968

98 945

98 450

99 053

98 875

- 178

Titulaires civils ......

33 879

35 195

37 121

41 950

44 899

+ 2 949

Contractuels civils .

6 973

6 951

6 823

6 741

6 125

- 616

Ouvriers .................

58 116

56 799

54 506

50 362

47 851

- 2 511

On constate que la réduction de l'effectif du personnel civil continue à décroître pour les ouvriers alors que celui des titulaires progresse. Les suppressions et transformations d'emplois sont recensées ci-après.

Créations, suppressions et transformations d'emplois prévues pour 2001

Marine

Air

Terre

Gendar-merie

DGA

Autres

C.C.

Total

Civils : ............

+ 304

+ 159

+ 317

+ 63

- 1 321

+ 204

+ 96

- 178

• Titulaires ....

+ 355

+ 315

+ 1 483

+ 125

- 79

+ 815

- 65

+ 2 949

• Contractuels

- 9

- 33

- 177

-

- 486

- 27

+ 116

- 616

• Ouvriers .....

- 42

- 123

- 989

- 62

- 756

- 584

+ 45

- 2 511

B. UNE ÉVOLUTION NETTEMENT INFÉRIEURE AUX PRÉVISIONS

En réalité, les prévisions faites en matière de recrutement de personnels civils sont clairement infirmées par la réalité .

Face aux 3 867 emplois nouveaux prévus sur 2000-2001 par la loi de programmation, l'armée a dû se résoudre à afficher la suppression de 651 emplois. De fait, les vacances d'emplois civils constituent désormais un sujet de préoccupation croissant depuis 1998.

De fait, le déficit en personnels civils prend une ampleur inquiétante. Il oblige en particulier à faire assumer une part croissante de leurs tâches par les personnels militaires, ce qui va, là encore, à l'encontre de la notion de " professionnalisation ".

On soulignera en outre que, s'agissant des ouvriers, le ministère de l'économie et des finances interdit l'embauche tant que les ouvriers en sureffectif à la délégation générale pour l'armement, à la direction des constructions navales et au GIAT n'ont pas accepté leur mutation dans les armées. Comme ces mutations se font sur la base du volontariat, leur volume n'est jamais suffisant pour permettre les embauches nécessaires, et les besoins des armées ne sont pas satisfaits.

Les mesures prises ou proposées - autorisations exceptionnelles d'embauche en 1999, transformation d'emplois vacants d'ouvriers d'état en emplois de fonctionnaires (987 postes pour 2001), transformation d'emplois vacants d'ouvriers d'état en crédits de fonctionnement destinés à l'externalisation (104 millions de francs en 2001 payés par 1 020 emplois dont 400 emplois d'ouvriers d'état en 2001), ne peuvent être considérées que comme des pis-allers.

III. RÉCAPITULATION GÉNÉRALE

A. UNE PROFONDE MODIFICATION STRUCTURELLE

Evolution des effectifs du ministère de la défense entre 1996 et 2002

(hors comptes de commerce et mesures d'ajustement)

(Milliers)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Militaires d'active ........

298

304

310

316

331

325

330

Appelés du contingent ..

201

170

138

103

62

41

27

Civils ............................

74

75

76

78

78

80

83

Total ...................

573

549

524

497

471

446

440

Au total, au terme de la loi de programmation, la structure des effectifs du ministère de la Défense aura été profondément modifiée : les militaires d'active, qui ne représentaient que la moitié des effectifs en 1996, en représenteront désormais les trois-quarts. Les appelés du contingent, qui en représentaient plus du tiers, n'en représenteront plus qu'à peine 6 %. Parallèlement, les personnels civils auront progressé de 13 % à 19 %, moins toutefois qu'il n'était initialement prévu.

B. L'APPARITION DE SOUS-EFFECTIFS DANS LES ARMÉES ET DANS CERTAINS SERVICES

Les écarts entre la programmation et le budget établissent que la programmation n'est pas respectée dans ce domaine. La situation réelle est pire car dans les armées et dans certains services, un grand nombre d'emplois de personnels civils est vacant.

Plus de 5 000 emplois de personnel civil sont durablement vacants dans les armées. La situation ne s'améliore guère par rapport à l'année précédente.

Les causes de cette situation sont connues : impossibilité d'obtenir une véritable mobilité des ouvriers des établissements de la délégation générale pour l'armement vers les armées, inadéquation des emplois proposés aux qualifications détenues, longueur des procédures de recrutement du personnel titulaire.

La loi de programmation militaire a fixé les étapes du passage progressif d'une armée mixte à une armée professionnelle. Le rapport qui y est annexé insiste, notamment, sur l'importance attachée au remplacement d'une partie des appelés par du personnel civil. Aujourd'hui, les écarts constatés ont des conséquences pernicieuses sur la charge de travail des militaires en place, sur les engagements des militaires du rang et sur les capacités d'action des unités.

Par ailleurs, certains secteurs, au premier rang desquels le service de santé des armées, mais aussi celui des ingénieurs de l'armement, des atomiciens, voire même des informaticiens, rencontrent aujourd'hui de très sérieuses difficultés de recrutement.

Les mesures financières prévues pour pallier cette évolution par le projet de budget - qui concernent les médecins et les ingénieurs de l'armement, ne suffiront pas à l'enrayer.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE PAR CATÉGORIES DE PERSONNEL

(Hors comptes de commerce et avec mesures d'ajustement)

Données chiffrées en gras
Annuité 2001 de la programmation

474 009

446 143

- 27 866

440 206

Officiers

- 5 937

38 542

- 159

38 383

- 194

38 189

Sous-officiers

205 156

- 2 482

202 674

- 3 378

199 296

Militaires du rang engagés

+ 7 707

+ 8 484

76 336

84 043

92 527

Appelés et volontaires

73 726

- 32 658

41 068

- 13 897

27 171

83 023

Civils

80 249

- 274

79 975

+ 3 048

L.F.I. 2000 P.L.F. 2001 Annuité 2002
de la programmation

Source : ministère de la défense - septembre 2000

CHAPITRE II


LES MESURES FINANCIÈRES RELATIVES AU PERSONNEL

Le montant des mesures catégorielles proposées pour 2001 atteint 86,5 millions de francs, dont 50,8 millions de francs pour le personnel militaire et 35,7 millions de francs pour le personnel civil.

I. LE PERSONNEL MILITAIRE

A. MESURES CATÉGORIELLES POUR LE PERSONNEL D'ACTIVE

Les mesures relatives au personnel d'active concernent essentiellement les médecins militaires, le personnel de la gendarmerie et les ingénieurs de l'armement.

Le plan de revalorisation de la rémunération des médecins du service de santé des armées prévoit deux annuités de 15,8 millions de francs chacune, en 2001 et 2002, qui se décompose comme suit :

• attribution d'une indemnité forfaitaire de compensation des gardes hospitalières : ..............................................................


11,3 M.F.

• amélioration de l'avancement au grade de médecin principal :

3,0 M.F.

• création d'une prime pour le recrutement de médecins titulaires d'une thèse : .............................................................


1,5 M.F.

La gendarmerie bénéficiera pour sa part de mesures catégorielles pour un montant de 30 millions de francs, répartis comme suit :

• plan de requalification de ses personnels sous-officiers : ........

4,0 M.F.

• augmentation du contingent des primes de qualification des officiers brevetés : ..................................................................


2,0 M.F.

• augmentation du contingent des primes de qualification des sous-officiers : ........................................................................


22,3 M.F.

• augmentation des crédits de nouvelle bonification indiciaire :

1,7 M.F.

Les ingénieurs de l'armement bénéficieront de 5 millions de francs de revalorisation indemnitaire.

B. MESURES D'ACCOMPAGNEMENT DES RESTRUCTURATIONS

Par ailleurs, les mesures d'accompagnement des restructurations doivent permettre à la délégation générale pour l'armement, et particulièrement à la direction des constructions navales, une réduction des effectifs permettant d'adapter ceux-ci aux flux de charge prévisionnels. Cette déflation des effectifs est accompagnée de diverses mesures destinées à en atténuer les conséquences.

Elles ne comprennent aucune mesure autoritaire mais uniquement des mesures favorisant les départs et la mobilité. Elles s'élèvent à 2 329 millions de francs au total.

Les dotations inscrites à ce titre se décomposent comme suit :

- Aides au départ :

823 M.F.

• pécules anciens et rénovés 8 ( * ) ...............................................

656 M.F.

• indemnités de départ pour sous-officiers et militaires du rang : ................................................................................

167 M.F.

• congés complémentaires de reconversion .........................

17,5 M.F.

• actions d'adaptation et de reconversion ............................

120,0 M.F.

• alimentation du Fonds d'adaptation industriel (FAI) de la DCN 9 ( * ) .................................................................................


769,0 M.F.

• Plan formation mobilité des personnels civils ...................

600,0 MF.

C. MESURES D'ACCOMPAGNEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION

Les mesures d'accompagnement de la professionnalisation au bénéfice du personnel militaire s'élèveront à 652 millions de francs 10 ( * ) qui, sous forme de pécules, permettront le départ anticipé de 600 officiers et de 2 000 sous-officiers.

Cette dotation permettra d'accroître le nombre de départs des officiers mais celui du départ des sous-officiers sera réduit.

La dotation de 17,5 millions de francs inscrite pour 2000 pour les congés complémentaires de reconversion est reconduite au budget 2001. Ceci devrait permettre à 450 sous-officiers et caporaux-chefs de prolonger leur congé de reconversion au-delà de 6 mois pour une période complémentaire de formation d'une durée moyenne de 4 mois.

II. LE PERSONNEL CIVIL

Le budget 2001 prévoit 35,7 millions de francs de mesures en faveur du personnel civil, essentiellement affectés à des revalorisations de primes.

• Revalorisation des primes des personnels d'administration centrale et alignement du régime indemnitaire des personnels des services déconcentrés servant en administration centrale sur celui de l'administration centrale ......................................




18,0 M.F.

• Revalorisation des primes des personnels des services déconcentrés ...........................................................................


7,0 M.F.

• Mesures de repyramidage .......................................................

4,7 M.F.

• Mesures de revalorisation diverses ........................................

2,0 M.F.

TROISIÈME PARTIE


LE FONCTIONNEMENT

CHAPITRE PREMIER


LES CRÉDITS DE VIE COURANTE

I. LES CRÉDITS D'ALIMENTATION

Évolution des crédits d'alimentation

(Millions de francs)

L.F.I.

P.L.F.

Évolution

2000

2001

En M.F.

En %

Marine ..............................................

440,1

371,2

- 68,9

- 15,6 %

Air ....................................................

370,9

316,7

- 54,2

- 14,6 %

Terre .................................................

1 120,7

878,7

- 242,0

- 21,6 %

Gendarmerie .....................................

242,5

228,2

- 14,3

- 5,9 %

Essences ...........................................

4,9

5,4

+ 1,5

+ 30,6 %

Santé .................................................

43,4

39,4

- 4,0

- 9,2 %

Délégation générale pour l'armement

7,4

7,8

- 0,8

- 10,8 %

Direction du service national ............

33,5

33,5

0

0

Total .......................................

2 263,4

1880,9

- 368,4

- 16,9 %

L'évolution des crédits d'alimentation est liée à celle des effectifs, qu'elle reflète globalement de façon fidèle. De fait, la plus forte diminution est enregistrée par l'armée de terre, suivie par la marine et l'armée de l'air.

En réalité, la corrélation est plus ou moins étroite selon les armées, en fonction de la diminution des catégories de personnel qui bénéficient de la gratuité des repas : appelés, personnel de l'armée de l'air pour le déjeuner, personnel en mission (équipages, gendarmes en opérations de maintien de l'ordre, opérations extérieures).

II. LES AUTRES CRÉDITS DE VIE COURANTE

Évolution des crédits de vie courante

- Hors alimentation et entretien programmé des matériels -

(Millions de francs)

L.F.I.

L.F.I.

P.L.F.

Evolution 2001/2000

1999

2000

2001

En M.F.

En %

Administration centrale .....................

279

329,8

329,9

+ 0,1

+ 0,3 %

Délégation générale pour l'armement .

1 131

1 116,9

933,6

- 816,7

- 16,4 %

Service de santé ................................

317

194,3

195,4

+ 1,1

+ 0,6 %

Direction du renseignement militaire .

37

40

39,8

- 0,2

- 0,5 %

Direction protection sécurité défense

44

44

43,4

- 0,7

- 1,4 %

Direction générale de la sécurité extérieure...........................................

160


159,9


159,2


- 0,7


- 0,4 %

Essences ............................................

139

140,1

143,9

+ 2,8

+ 2,7 %

Marine ..............................................

1 621

1 864,2

2 032,4

+ 168,2

+ 9,0 %

Armée de l'air ...................................

2 272

2 456,8

2 765,9

+ 309,1

+ 12,6 %

Armée de terre ..................................

4 656

4 584,8

4 655,1

+ 71,2

+ 1,5 %

Gendarmerie ......................................

3 177

3 197,3

3 473,4

+ 276,1

+ 8,6 %

Total ............................

13 833

14 128,1

14 772

+ 643,9

+ 4,6 %

Les autres catégories de dépenses de fonctionnement (hors alimentation et entretien programmé du matériel) recouvrent les dépenses de chauffage, éclairage, transport, instruction, informatique et entretien immobilier.

On constate que, à l'exception de la délégation générale pour l'armement, les dépenses sont, au mieux, stabilisées et, pour les forces armées, continuent de progresser sensiblement à l'exception de l'armée de terre.

Aucune économie n'est à attendre sur ces postes du fait de la diminution des effectifs liée à la professionnalisation.

Bien au contraire, il convient d'anticiper une progression de ces charges, si la Défense entend attirer et surtout conserver dans la durée des effectifs professionnels.

Dans ce cadre, la quasi reconduction en francs courants des crédits de l'armée de terre pour 2001 doit être soulignée, en ce qu'elle traduit une réelle contrainte. En particulier, les crédits destinés à l'informatique et aux télécommunications paraissent nettement en deçà du niveau nécessaire pour que l'armée de terre française remonte aux normes de nos partenaires en la matière.

De même, les crédits consacrés au recrutement paraissent tout à fait insuffisants. Il a été ainsi calculé que les forces terrestres françaises investissaient actuellement 10 000 francs par recrue, contre 20 000 francs au Royaume-Uni et 70 000 francs aux Etats-Unis.

Parallèlement, on relève la forte progression des crédits affectés à la gendarmerie, qui traduit la priorité du projet de budget pour 2001, conformément aux décisions arrêtées par le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie et par le Conseil de sécurité intérieure. Cette hausse résulte pour l'essentiel de l'attribution de moyens nouveaux pour les brigades territoriales (162,5 millions de francs), pour les frais de fonctionnement associés à la création des postes de volontaires (105 millions de francs) et pour le financement des surcoûts liés au redéploiement en zone périurbaine (20,5 millions de francs).

CHAPITRE II


L'ACTIVITÉ DES FORCES

Les forces françaises sont présentes et actives sur tous les continents. Hors du territoire métropolitain dans les D.O.M. et T.O.M., en tant que forces de souveraineté. Hors du territoire national, comme forces de présence ou comme forces temporaires déployées sur mandat international.

Mais l'activité des forces est aussi, celle différente, moins spectaculaire peut-être, mais néanmoins indispensable, visant à instruire et à entraîner les hommes et les unités. Elle seule permet d'acquérir la capacité à répondre aux besoins des engagements sur le terrain.

I. ÉVOLUTION DES CRÉDITS AFFECTÉS À L'ACTIVITÉ DES FORCES

Évolution des crédits de soutien

(Millions de francs)

L.F.I.

P.L.F.

Évolution

2000

2001

En M.F.

En %

Infrastructures ..............................

10 659

10 859

+ 200

+ 1,9 %

Entretien programmé du matériel .

15 495

14 885

- 610

- 3,9 %

Entretien programmé du personnel

1 801

1 721

- 80

- 16,5 %

Munitions .....................................

4 745

3 962

- 765

- 16,5 %

Total ...................................

32 700

31 427

- 1 273

- 3,9 %

A. LES CRÉDITS DE CARBURANTS

Évolution des crédits de carburants opérationnels

(Millions de francs)

L.F.I.

P.L.F.

Évolution

2000

2001

En M.F.

En %

Marine ................................

311

419

+ 108

+ 34,7 %

Armée de l'air .....................

829

1 070

+ 241

+ 29,1 %

Armée de terre ....................

392

476

+ 84

+ 21,4 %

Gendarmerie .......................

206

294

+ 88

+ 42,7 %

Services communs ...............

9

15

+ 6

+ 66,7 %

Total .........................

1 747

2 274

+ 527

+ 30,2 %

Le projet de budget pour 2001 intègre partiellement la très forte hausse du coût des carburants exprimés en dollars.

On rappellera que le budget 2000 a été construit sur l'hypothèse d'un baril à 14,6 dollars et d'un dollar à 6 francs.

De fait, afin de ne pas totalement immobiliser les armées dès la mi-2000, faute de carburants, il a été nécessaire d'abonder fortement les dotations, dès le projet de loi de finances rectificative de juin.

Abondements des crédits de carburants

(Millions de francs)

Collectif
de juin 2000

Collectif
de décembre 2000

Total

Armée de l'Air ............

+ 220

+ 250

+ 470

Armée de terre ...........

+ 40

+ 100

+ 140

Marine .........................

+ 85

+ 90

+ 175

Gendarmerie ................

+ 50

+ 60

+ 110

Total ..................

+ 395

+ 500

+ 895

Le budget 2001, construit sur l'hypothèse d'un baril à 20 dollars et d'un dollar à 6,47 francs, a prévu une majoration de 698 millions de francs de la dotation carburants.

Ce montant, déjà inférieur au " rattrapage " nécessaire en 2000, l'est d'autant plus évidemment que le baril apparaît déjà durablement supérieur à 30 dollars et le dollar à 7,50 francs 11 ( * ) .

Il semble assez certain que la dotation initiale sera insuffisante et qu'un abondement en cours d'exercice sera à nouveau nécessaire.

B. LES DOTATIONS POUR LES MUNITIONS

Les crédits munitions sont caractérisés dans le projet de budget 2001 par une baisse importante : - 16,5 % par rapport à la dotation 2000, soit moins 783 millions de francs. Il faut espérer que cette évolution ne constituera pas un obstacle supplémentaire au renforcement nécessaire des taux d'activité des forces armées. Selon les réponses apportées à votre Rapporteur, il semble qu'il existe des stocks encore importants qu'il convient d'écouler rapidement.

C. L'ENTRETIEN DES MATÉRIELS

Sur le titre III, les crédits baissent de 26,5 %.

Evolution des crédits d'entretien des matériels

(Millions de francs)

L.F.I.

P.L.F.

Évolution 2001/2000

2000

2001

En M.F.

En %

Marine .............................

365

257

- 108

- 29,6 %

Air ...................................

553

369

- 184

- 33,3 %

Terre ................................

150

149

- 1

- 0,7 %

Aéronautique navale ........

41

40

- 1

- 2,4 %

Total ......................

1 109

815

- 294

- 26,5%

Entretien programmé des matériels

(Millions de francs)

L.F.I.

L.F.I.

P.L.F.

Évolution 2001/2000

1999

2000

2001

En M.F.

En %

Nucléaire - services communs .....

3 520

2 930

2 560

- 370

- 12,6 %

Nucléaire - Marine ......................

1 188

1 347

1 255

- 92

- 6,8 %

Nucléaire - Air ............................

460

420

367

- 53

- 12,6 %

Sous-total nucléaire ...................

5 168

4 697

4 182

- 515

- 10,9 %

Services communs " classiques " .

-

85

112

+ 27

+ 31,8 %

Marine " classique " ....................

4 418

4 395

4 069

- 326

- 7,4 %

• Titre III ...................................

546

407

297

- 110

- 27 %

• Titre V ....................................

3 872

3 988

3 772

- 216

- 5,4 %

Air " classique " ..........................

5 296

4 806

4 763

- 43

- 0,9 %

• Titre III....................................

629

554

368

- 186

- 33,6 %

• Titre V ....................................

4 667

4 252

4 395

+ 143

+ 3,4 %

Terre " classique " .......................

2 241

2 177

2 187

+ 10

+ 0,5 %

• Titre III ...................................

149

150

148

- 2

- 1,3 %

• Titre V ....................................

2092

2 027

2 039

- 12

+ 0,6 %

Sous-total matériels classiques ..

11 955

11 463

11 131

- 332

- 2,9 %

Total ..................................

17 123

16 160

15 313

- 847

- 5,2 %

Gendarmerie ...................................

153

133

156

+ 23

+ 17,3 %

Espace .............................................

417

220

211

- 9

- 4,1 %

TOTAL GÉNÉRAL ..............

17 693

16 513

15 680

- 833

- 5 %

Les crédits d'entretien programmé du matériel sont diminués de 610 millions de francs, soit - 4 % par rapport à 2000 -, et ce, compte tenu pourtant d'un transfert de crédits de 135 millions de francs en provenance du titre III, lié à la prise en compte d'opérations d'" externalisation ".

Cette baisse, apparemment paradoxale compte tenu de l'insuffisance évidente du niveau d'entretien des matériels est, selon les réponses apportées à votre Rapporteur, fondée sur le constat de " gisements de productivité importants " au sein du dispositif de maintenance du ministère de la Défense.

Celui-ci s'est de fait engagé dans d'importantes réformes de structure avec la mise en place de la SIMMAD d'une part ( Structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la Défense ) et d'un Service de soutien de la Flotte d'autre part.

Les deux systèmes ne devant pas être pleinement opérationnels avant 2003, il est sans doute regrettable de continuer d'ici là à réduire aussi drastiquement les crédits d'entretien.

Les nouveaux dispositifs de maintenance

1. La SIMMAD

- La SIMMAD regroupe sous l'autorité unique du chef d'Etat-major des armées, dans une structure interarmées, toutes les fonctions de maintien en conditions opérationnelles de tous les aéronefs (avions et hélicoptères) relevant des trois armées, de la gendarmerie et de la délégation générale pour l'armement.

- Elle a été mise en place à Bretigny, à partir du 4 septembre 2000.

- Elle devrait disposer de 450 personnes en 2001, avec l'intégration des différentes entités assurant le MCO des matériels aéronautiques.

- Elle aura la responsabilité effective de l'ensemble des marchés de MCO le 1 er janvier 2003, date à laquelle elle devra gérer un stock de 700 000 pièces, pour un parc de 2 000 appareils et un budget de l'ordre de 7 milliards de francs.

2. Le service de soutien de la flotte

Placé sous les ordres directs du chef d'état-major de la marine, le service de soutien de la flotte a été créé par décret du 28 janvier 2000.

Il assure la maîtrise d'ouvrage des activités garantissant la disponibilité technique des matériels maritimes, qu'elles soient effectuées par les éléments de force maritime, les ateliers militaires de la flotte, les bâtiments de soutien, l'industrie étatique (DCN), le secteur privé.

De fait, la maintenance et le soutien logistique des navires seront désormais clairement séparés de la construction neuve.

Le service de soutien de la flotte est composé d'une direction centrale à Paris et de directions locales dans les ports de Brest et Toulon.

II. LA PORTÉE LIMITÉE DE L'EXTERNALISATION

Pour la deuxième année consécutive, le projet de budget prévoit une enveloppe spécifique de crédits affectés à l'externalisation, étant entendu toutefois que ceux-ci restent strictement payés par des suppressions de postes vacants.

La dotation 2001 - 104 millions de francs - est inférieure de moitié à la dotation 2000 - 216 millions de francs -.

En réalité, l'enveloppe globale consacrée par les armées est très supérieure. Elle représente environ 2,8 milliards de francs par an, répartis comme suit :

Dépenses " externalisées " en 2000

• Armée de terre : 900 M.F., dont :

- entretien et réparation de l'immobilier : 355

- transport de matériel : 100

- enlèvement et traitement des déchets : 101

- maintenance chauffage : 93

- maintenance informatique : 63

- entretien espaces verts et nettoyage locaux : 52

- alimentation : 39

• Marine : 500 M.F. dont :

- affrètement remorqueurs ou bâtiments de soutien de haute mer : 95

- entretien et soutien technique : 164

- soutien des unités : 130

- formation des contrôleurs aéronautiques : 60

• Armée de l'air : 450 M.F. dont :

- entretien des bases : 363

- autres : - entretien de niveau technique d'intervention 3 des

appareils

- formation des équipages

- assistance en escale

- maintenance informatique

• Gendarmerie : 226 M.F.

- maintenance informatique et développement de logiciels

- entretien des locaux

On pourra s'étonner de ce que la démarche d'externalisation, pourtant qualifiée de " prometteuse ", semble déjà marquer le pas dans le budget 2001 : 216 millions de francs de mesures nouvelles en 2000, la moitié seulement soit 104 millions de francs, en 2001. En outre ces " mesures nouvelles " n'en sont pas véritablement, puisqu'elles sont gagées par des gels d'emplois militaires pour un montant équivalent .

Il paraît de toute façon souhaitable, avant de poursuivre cette expérience, plus avancée chez nos partenaires allemand et britannique, de procéder à une analyse comparative détaillée des fonctions ainsi exercées sur la base de coûts analytiques, et compte tenu également de l'incidence TVA, de s'assurer de la sécurité juridique et financière des activités sous-traitées. Ces éléments devraient alors permettre de définir une véritable politique d'externalisation.

CHAPITRE III


LES OPERATIONS EXCEPTIONNELLES

I. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Répartition par titre et par théâtre
du surcoût des opérations extérieures

(Millions de francs)

1999

2000 *

Titre III

Titre V

Total général

Titre III

Titre V

Total général

Bosnie et Croatie .........

898,60

130,12

1 028,72

900,54

64,33

964,87

Macédoine - Kosovo ....

1 353,89

1 443,66

2 797,54

1 394,71

221,21

1 615,92

Tchad et Centrafrique ..

340,92

22,68

363,61

375,50

31,99

407,49

Liban ...........................

49,33

0,58

49,91

56,26

1,33

57,59

Autres ..........................

290,21

33,42

323,62

268,90

53,16

322,06

Total général ..............

2 932,95

1630,46

4 563,40

2 995,91

372,02

3 367,93

* Estimations au 30 juin 2000.

Pour le seul titre III, le " surcoût " des opérations extérieures a sensiblement augmenté depuis trois ans ; 1 879 millions de francs en 1998, 2 933 millions de francs en 1999, 3 368 millions de francs au 30 juin 2000.

De fait, au 30 juin 2000, les forces françaises engagées en opérations extérieures mobilisent 11 373 militaires ( 3 175 en Bosnie et Croatie, 5 806 au titre des opérations Kosovo et 2 392 sur l'ensemble des autres théâtres d'opérations).

A cet égard, le principe retenu lors de la préparation de la loi de programmation 1997-2002, au terme duquel l'ensemble des dépenses liées aux OPEX courantes seraient financées sur le budget courant, seules les dépenses " imprévues " liées aux OPEX " de grande ampleur " étant couvertes par des crédits supplémentaires, paraît à l'usage relever d'une cote mal taillée, qui risque en outre de contribuer à renforcer le caractère parfois incertain des évaluations faites à ce titre.

II. LES OPÉRATIONS DE " SERVICE PUBLIC "

Dans un autre ordre d'idées, les fonctions assumées par le personnel des armées au titre de différentes missions civiles : opération POLMAR et suites du naufrage de l' Erika le 12 décembre 1999, opération ORSEC liée aux tempêtes des 26 et 27 décembre 1999, nouvelle intervention à la suite du naufrage de l' Ievoli Sun le 31 octobre dernier, appellent un certain nombre d'observations.

Le coût d'intervention des armées dans le cadre du naufrage de l' Erika a été estimé à 200 millions de francs, non remboursés pour l'instant.

De 1 200 à 1 600 hommes des armées ont été déployés quotidiennement sur les plages jusqu'au mois de juin, et encore 200 hommes quotidiennement de juin à septembre, soit 250 000 journées de travail depuis le début.

Le coût d'intervention dans le cadre du plan ORSEC a été évalué à 80 millions de francs. Dans les premiers jours, 7 500 militaires et 16 000 gendarmes ont été mobilisés, ainsi qu'une soixantaine d'hélicoptères, une quinzaine d'avions, une centaine d'engins lourds du génie et 1 500 groupes électrogènes.

Ces intempéries ont provoqué environ 700 millions de francs de dégâts dans le patrimoine du ministère, et plus de 60 millions de francs de dégâts matériels. Aucun remboursement n'a été inscrit à ce titre dans le projet de loi de finances rectificative de juin 2000, contrairement à ce qui a été fait pour les ministères civils.

Ces missions, qui finissent nécessairement par s'effectuer au détriment des tâches strictement militaires, ne sont pas conformes à la notion d'armée professionnelle.

En tout état de cause, elles doivent faire l'objet d'un financement ou d'un remboursement spécifique, et n'obérer ni la formation, ni l'entraînement, ni les moments nécessaires au repos et à la vie familiale des militaires.

(Millions de francs)

Coûts
en 1995

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1995

Coûts
en 1996

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1996

Coûts
en 1997

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1997

Coûts
en 1998

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1998

Coûts
en 1999

Coûts
en 2000
(a)

Crédits addition-nels ouverts en L.F.L. 2000

Rémunérations .....................

2 184

2 209

2 542

2 558

1 960

1 300

804

1 260

1 698

1 746

Alimentation ........................

82

49

173

80

131

-

46

-

105

126

Fonctionnement ...................

567

690

1 100 (b)

600

589

-

167

-

415

411

Entretien programmé des matériels ..............................


227


-


116


-


72


-


15


-


34


12

Total titre III ........

3 060

2 948

3 931

3 238

2 752

1 300

1 032

1 260

2 252

2 295

Equipement ..........................

361

-

239

-

95

-

16

-

211

26

Fabrications .........................

406

-

610

-

366

-

21

-

336

85

Munitions ............................

289

-

190

-

105

-

15

-

906

22

Infrastructures ......................

29

-

172

-

133

-

6

-

121

153

Total titre V ..............

1 085

-

1 211

-

699

-

58

-

1 574

286

Total général .............

4 145

2 948

5 142

3 238

3 451

1 300

1 090

1 260

3 826

2 581

(a) Prévision annuelle arrêtée au 30 juin 2000.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2001


ARTICLE 33

Texte de l'article

Mesures nouvelles. Dépenses ordinaires des services militaires

I. Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 814 855 000 F, applicables au titre III " Moyens des armes et services ".

II. Pour 2001, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III " Moyens des armes et services " s'élèvent au total à la somme de 692 381 000 F.

Exposé des motifs

La comparaison des crédits ouverts en 2000 à ceux prévus pour 2001 au titre des dépenses ordinaires militaires (mesures nouvelles) figure au II de la partie " Analyses et tableaux annexes " du présent projet de loi.

Les justifications par chapitre sont présentées dans l'annexe " Services votés - Mesures nouvelles " relative au budget de la défense.

Décision de la Commission : Votre Commission vous propose de rejeter l'article 33.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé, sur le rapport de M. Maurice Blin, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de la défense.

Abordant l'analyse générale du budget de la défense pour 2001, qui s'établit, hors pensions, à 189 milliards de francs, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a d'abord souhaité, à titre préalable, souligner, avec l'aboutissement de la professionnalisation des armées, l'ampleur d'une réforme administrative unique en son genre, accomplie dans le silence et la discrétion, et qui méritait d'être saluée, tant elle constituait aujourd'hui un véritable cas d'école au sein de l'Etat.

Il a ensuite relevé l'importance des étapes récemment franchies dans la mise en place d'une véritable politique européenne de défense, notamment avec la décision prise en décembre 1999 à Helsinki de constituer une " force commune de réaction rapide ", susceptible de mobiliser, en 60 jours, 60.000 hommes, 400 avions de combat et 100 bâtiments de marine, et de demeurer plus d'un an sur un terrain éloigné. Ce format vient d'être confirmé, le 20 novembre à Bruxelles, par la " Conférence d'engagement des capacités " qui réunissait les ministres européens de la défense.

Tout en se félicitant des progrès ainsi accomplis, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a estimé qu'il convenait de rester vigilant, de nombreux points sensibles et stratégiques restant néanmoins à définir avant que puisse être concrètement mise en oeuvre la force européenne. Il a notamment estimé que les conditions, et même le succès, de la mise en place de la force européenne lui paraissaient étroitement dépendants d'un degré minimum de convergence des choix budgétaires des pays membres. Or, dans ce domaine, l'écart se creusait entre la France et le Royaume-Uni d'un côté, et l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie de l'autre, mais surtout, et ceci lui paraissait plus grave, entre le Royaume-Uni et la France.

De fait, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a indiqué que le projet de budget de la défense pour 2001 s'inscrivait, sans aucune amélioration malgré l'ampleur des opportunités autorisées par l'amélioration de la conjoncture par ailleurs largement utilisées pour les budgets civils, dans une tendance longue de réduction des dépenses militaires.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a souligné qu'ainsi, de 1990 à 2000, en loi de finances initiale, le budget de la défense (hors pensions) était resté quasiment identique en francs courants, revenant de 189,4 milliards de francs à 188,9 milliards de francs, ce qui se traduisait par une diminution de 15 % en francs constants.

De fait, depuis le début de l'actuelle loi de programmation militaire, la part du budget de la défense, dans le budget général de l'Etat s'est sensiblement réduite, revenant de 12,3 % en 1996 à 11,2 % en 2001. Parallèlement, la part du budget militaire dans le produit intérieur brut (PIB) national a décru de 2,4 % en 1996 à 1,96 % en 2001, s'établissant désormais clairement en deçà du taux britannique. De fait, en 1999, la part des dépenses militaires dans le PIB s'établissait déjà à 2,19 % pour la France et à 2,47 % pour le Royaume-Uni, et la part des seules dépenses d'équipement militaire respectivement à 0,64 % et 0,79 % en 2000.

Si l'on se réfère à 1980, l'évolution est encore plus saisissante : le budget de la défense, équivalent alors à celui de l'éducation nationale, représentait 20 % du budget général. En 2001, il est devenu (hors pensions) deux fois moins important que celui de l'éducation nationale -189 milliards de francs, contre 388 milliards de francs- et ne représente plus que 11 % du budget général.

Cette évolution générale recouvre en outre un important " effet de ciseaux " entre dépenses ordinaires et dépenses d'équipement, dont la part relative s'est exactement inversée. Ainsi, en 1990, les dépenses ordinaires (hors pensions) s'établissaient-elles à 87 milliards de francs et les dépenses d'équipement à 102 milliards de francs. En 2001, la situation est exactement inverse, avec 105 milliards de francs de dépenses de fonctionnement et 83 milliards de francs de dépenses d'équipement.

En réalité, la progression des dépenses de fonctionnement est uniquement liée à celle des rémunérations et charges sociales, qui sont passées de 61 à 84 milliards de francs de 1990 à 2000, tandis que les autres dépenses de fonctionnement diminuaient de 26 à 21 milliards de francs, au détriment essentiellement de l'entretien programmé du matériel, réduit de 5,5 milliards de francs à 1,1 milliard de francs.

Au terme de cette évolution, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a estimé que le projet de budget pour 2001, qui se traduisait par une progression de 0,5 % des crédits de paiement -là où les moyens des budgets civils progressaient globalement de 1,6 %- et une diminution de 3 % des autorisations de programme -là où celles des budgets civils progressaient globalement de 4,3 %- pouvait être, au moins par comparaison, qualifié d'" étriqué " et de " contraint ".

De fait, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a estimé que le déficit des dépenses d'équipement s'accroissait par rapport aux hypothèses de la loi de programmation, même amendée par la revue de programme.

Ainsi, avec 83,4 milliards de francs, le projet de budget pour 2001 d'équipement militaire reste clairement inférieur à l'annuité théorique de la loi de programmation initiale (90,3 milliards), mais également à l'annuité issue de la revue de programme (86,1 milliards de francs).

Au total, si on applique aux crédits 2000 et 2001 le même taux de consommation effective que celui constaté en 1999, M. Maurice Blin, rapporteur spécial a estimé qu'on risquait d'aboutir, fin 2001, à un déficit de 63 milliards de francs par rapport à la loi de programmation initiale et de 50 milliards de francs par rapport à la loi de programmation amendée par la revue de programme.

Il apparaît donc clairement que, quel que soit le niveau de l'effort consenti dans le cadre du budget de 2002, l'exécution définitive de la loi de programmation militaire risque de se traduire par une année et demie de retard environ, même sur les hypothèses amendées par la revue de programme.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a estimé que, comparé à l'évolution actuelle de l'effort britannique, ceci risquait d'infirmer le discours tenu par la France dans les enceintes européennes et internationales, et qu'il fallait admettre désormais que la Grande-Bretagne, militairement et industriellement, était clairement en voie de dominer l'Europe de la défense.

Abordant ensuite plus spécifiquement les crédits du titre III, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a estimé que l'évolution des effectifs prévue par la professionnalisation s'accomplissait, globalement, de façon conforme aux objectifs, mais à un coût clairement plus élevé que prévu.

Il a par ailleurs relevé que la réduction des effectifs pesait plus lourdement que prévu sur les officiers et les sous-officiers, que le recrutement, et surtout la fidélisation de militaires du rang, enjeu essentiel et principale difficulté des armées professionnalisées, appelait aujourd'hui des inquiétudes croissantes, plus ou moins officiellement exprimées, et qu'enfin les prévisions faites en matière de recrutement de personnels civils étaient clairement infirmées par la réalité.

De fait, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a souligné que plusieurs facteurs pèsent dès maintenant, ou pèseront rapidement, sur le volume et la qualité du recrutement au sein des armées, et surtout sur la capacité de celles-ci à conserver leur ressource : la reprise du marché du travail, l'application unilatérale des 35 heures sur le marché civil et sa transposition sur la fonction publique civile, face aux contraintes propres au métier militaire, enfin l'insuffisance évidente, en l'état actuel, des " avantages annexes " proposés, en particulier en ce qui concerne les capacités et aides au logement, et les avantages familiaux.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a ensuite souligné la progression considérable des dépenses de rémunérations et de charges sociales depuis 1996.

A près de 85 milliards de francs, les dépenses de rémunérations et de charges sociales représentent désormais près de 80 % du titre III, soit près de la moitié du budget militaire. De fait, en exécution, de 1996 à 1999, les dépenses de rémunérations auront progressé de plus de 8 %, celles des charges sociales de près de 17 %, tandis que les crédits de fonctionnement courant auront diminué de près de 20 %.

Certes, plusieurs mesures spécifiques à l'ensemble de la fonction publique prises au cours de la période 1996-1999 ont pesé sur l'évolution des coûts de rémunérations et de charges sociales. Toutefois, il est clair que l'incidence financière de la professionnalisation n'a pas été évaluée à sa juste mesure. Le gouvernement estime d'ailleurs lui-même à 2,7 milliards de francs le poids de l'incidence de la professionnalisation dans l'augmentation des crédits de rémunérations et charges sociales entre 1996 et 2001.

De fait, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a souligné que si la professionnalisation se traduisait certes par une baisse des effectifs, elle impliquait -pour être réussie- une modification de leur structure de sorte qu'au total, les professionnels, même moins nombreux que les appelés, coûtaient globalement plus cher.

La nécessaire réévaluation des dépenses de rémunérations et de charges sociales, n'a pu se faire, pour rester dans " l'épure " de la loi de programmation, qu'au détriment des crédits de fonctionnement courant et d'entretien, et donc de la capacité opérationnelle des armées françaises.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a donc souligné que la diminution de 20 % en trois ans -1996 à 1999- des dépenses d'entretien et de fonctionnement courant se traduisait clairement au niveau des analyses recueillies au cours des différentes visites effectuées sur le terrain par l'incapacité d'entretenir le matériel de façon correcte, une insuffisance croissante des pièces de rechange, et une détérioration constante de la capacité opérationnelle.

Même si cette tendance était partiellement enrayée depuis la loi de finances initiale 2000, le rapporteur spécial a estimé qu'il convenait d'être particulièrement attentif aux conditions d'exécution budgétaire définitive, qui s'écartaient souvent sensiblement des prévisions initiales. En outre, la très faible reprise ainsi amorcée ne pouvait, en aucune façon, suffire à rattraper le retard accumulé depuis trois ans.

De fait, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a estimé que l'augmentation des crédits affichée par le projet de loi de finances pour 2001 ne correspondait que très partiellement à une réelle amélioration des moyens. En effet, l'essentiel des économies de constatation sur le fonctionnement liées à la diminution des effectifs est absorbé par la hausse mécanique de la dotation carburants, majorée de 697 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, sur la base d'hypothèses d'ores et déjà dépassées -baril à 20 dollars et dollar à 6,50 francs- soit une sous-estimation de plus de 70 % du baril actuel exprimé en francs, laquelle impliquera nécessairement d'importants abondements en cours d'exercice.

M. Maurice Blin a constaté que les crédits consacrés à la revalorisation des taux d'activité des forces, fortement soulignée par le Gouvernement, restaient en réalité modiques et surtout inférieurs aux besoins.

Enfin, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a souhaité souligner l'ampleur prise d'une part par les opérations extérieures, et, d'autre part, par les différentes missions de service public auxquelles l'armée était appelée à participer, plan Polmar et ses suites avec le naufrage de l'Erika, plan Orsec et ses suites avec les tempêtes de décembre 1999.

Le rapporteur spécial a estimé que ces diverses missions, qui finissaient nécessairement par s'effectuer au détriment des missions strictement militaires, n'étaient plus conformes à la notion d'armée professionnelle, et qu'on ne pouvait durablement demander à une armée de métier de faire autre chose que son métier, à tout le moins que ce pour quoi elle avait été recrutée.

Enfin, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a relevé, par comparaison, l'importance particulière de l'effort consacré à la gendarmerie.

Abordant ensuite les crédits d'équipement militaire fixés pour 2001 à 83,4 milliards de francs en crédits de paiement, soit une progression de 0,6 % en francs courants, et à 84,7 milliards de francs en autorisations de programme, soit une diminution de 3,1 % en francs courants, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a rappelé que ce niveau s'inscrivait en deçà de l'annuité fixée par la loi de programmation militaire, même amendée par la revue de programmes.

Il a précisé que la marine était la principale bénéficiaire de l'exercice 2001 avec 649 millions de francs de crédits supplémentaires par rapport à 2000, ainsi que les services communs (essentiellement délégation générale pour l'armement (DGA), direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et direction du renseignement militaire), qui bénéficient de 149 millions de francs supplémentaires. Parallèlement, les moyens de l'armée de terre continuent de diminuer fortement. S'agissant des programmes, le projet de budget 2001 se traduit par une sensible progression des crédits de développement et de fabrication, mais au détriment des études, dont les moyens diminuent de plus de 6 %, ce que M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a vivement déploré.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , s'est également inquiété de la forte diminution des crédits affectés aux munitions et à l'entretien programmé des matériels. Rappelant que la forte baisse des crédits d'entretien programmé du matériel, et ce, malgré un transfert de 135 millions de francs en provenance du titre III lié aux opérations d'" externalisation ", était justifiée par le ministère de la défense par la mise en place de deux nouvelles structures : la structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et le service de soutien de la flotte, le rapporteur spécial, considérant que ces deux systèmes ne devaient pas être pleinement opérationnels avant 2003, a estimé regrettable de continuer d'ici là à réduire aussi drastiquement les crédits d'entretien.

Abordant ensuite très rapidement les différents programmes en phase de développement ou de fabrication, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a relevé l'ampleur des délais généralement constatés entre le lancement du programme de développement et la livraison des premiers matériels opérationnels : ainsi par exemple 14 ans pour le porte-avions Charles-de-Gaulle, d'ailleurs à nouveau en panne, ou 16 ans pour le Rafale. Ceci ne pouvait que contribuer à un dépassement des devis initiaux, et sans doute également à une certaine obsolescence des matériels.

Il a également relevé l'ampleur du vieillissement de certains d'entre eux, comme les C160-Transall, appelés à être remplacés par les Airbus-400M, ou les Puma appelés à être remplacés par les NH90, avec, dans les deux cas, un " trou " important entre 2005 et 2010.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, s'est enfin inquiété de la diminution des crédits accordés au " programme simulation " du nucléaire, et à l'insuffisante reprise des crédits de l'espace, compte tenu de l'ampleur des carences constatées en ce domaine à l'occasion du conflit du Kosovo. Par ailleurs, il a souligné le retard actuellement pris par le programme missiles M51, en raison de désaccords importants entre la DGA et EADS.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a également déploré qu'aucune inscription budgétaire n'ait " gravé dans le marbre " la commande des Airbus A 400M, succès pourtant essentiel de la politique européenne de défense ; de fait il a considéré que l'inscription au collectif de fin d'année de 18,2 milliards de francs, à rapporter aux 40 milliards de francs correspondant à la commande globale, constituait un mauvais signal, à l'égard tant de l'industriel concerné que de nos partenaires européens.

En conclusion, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a estimé nécessaire de souligner l'accroissement de l'écart entre la France et le Royaume-Uni, tant au niveau militaire qu'à celui de l'industrie de défense, conformément d'ailleurs aux discours clairement affiché des Britanniques.

Il a enfin exprimé son inquiétude sur la prochaine loi de programmation, compte tenu notamment des tentations, parfois publiquement exprimées, du ministère de l'économie et des finances d'utiliser le budget de la défense comme variable d'ajustement des finances publiques françaises, dans un contexte éventuellement menacé par une moindre amélioration de la conjoncture, et surtout par l'explosion des dépenses sociales et de celles de la fonction publique.

A cet égard, M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a estimé absolument indispensable de procéder à une " sanctuarisation " des dépenses d'équipement en général, et de l'équipement militaire en particulier.

Suivant l'avis de son rapporteur spécial, la commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la défense pour 2001 .

Réunie le mercredi 22 novembre , sous la présidence de M. Alain Lambert, président , la commission a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la défense (dépenses ordinaires) ainsi que de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2001 .

* 1. Hors pensions

* 2. 332 MF pour le fonctionnement courant, 233 MF pour l'alimentation, 162 MF pour la contribution SNCF.

* 3. On soulignera que le budget 2000, fondé sur un baril à 14,6 dollars, et un dollar à 6 F, s'exécute au prix d'un dérapage massif de la dépense carburants, qui aura nécessité en définitive l'inscription de 895 millions de francs supplémentaires en cours d'exercice.

* 4. 120 MF pour l'armée de terre, 40 MF pour la marine, 40 MF pour l'armée de l'air.

* 5. Elle est en effet financée par un prélèvement à due concurrence sur le Compte spécial des subsistances pour l'alimentation (compte de commerce n° 904-01) . Les évaluations pour 2001 prévoient en effet une forte diminution des dépenses de " vivres ", liée à la baisse des effectifs.

* 6. Examen du budget de la Défense à l'Assemblée Nationale - 2 ème séance du 6 novembre 2000. J.O. Débats A.N. p. 8005.

* 7. 4 000 francs, versée dès la fin du dixième mois de service.

* 8. En 1999, le pécule moyen des officiers était de 450 000 francs et celui des sous-officiers de 263 000 francs.

* 9. Crédits inscrits au titre VI.

* 10. 627 millions de francs pour les " pécules rénovés ", et 7 millions de francs au titre de l'indemnité de départ des sous-officiers et des caporaux-chefs.

* 11. Cours au 23 novembre 2000 : baril à 33,3 $ USD ; dollar à 7,8 FF

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