II. LA PROPOSITION DE LOI ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

1. Le dispositif de la proposition de loi

Le dispositif de la proposition de loi, qui tend à insérer un article nouveau dans le code général des collectivités territoriales, répond à deux préoccupations :

- permettre aux communes de percevoir un droit d'accès aux portions de la voie publique où sont organisées des manifestations culturelles, tout en donnant un caractère exceptionnel à cette faculté ;

- clarifier la nature juridique de ce droit d'accès et donc les conditions de sa mise en oeuvre.

Les conditions restrictives du recours au droit d'accès

Il est clair que pour les auteurs de la proposition de loi -et votre rapporteur partage entièrement cette conception- l'accès payant aux manifestations organisées sur la voie publique ne saurait devenir une pratique courante. Il ne pourra donc être prévu que sous certaines conditions.

- En premier lieu, c'est au préfet qu'il est donné compétence, à la demande du maire, pour autoriser que l'accès à une manifestation soit subordonné au paiement d'un droit. Cette procédure est dictée par des considérations essentiellement pragmatiques : elle est destinée à favoriser un dialogue entre le maire et le préfet sur le choix des manifestations qui justifient le recours à une telle mesure. On peut cependant s'interroger sur son efficacité : il n'est en effet pas certain que les préfets souhaitent vraiment s'engager dans un tel dialogue. Par ailleurs, il n'est peut-être pas souhaitable de donner au représentant de l'Etat un pouvoir de décision dans des matières -la police municipale et la gestion du domaine public communal- qui sont par nature de la compétence des autorités municipales.

- La deuxième condition tient à la nature culturelle des manifestations. L'exposé des motifs indique que sont essentiellement visées les festivités dont la dimension touristique est importante pour la commune, et qui participent à la promotion du patrimoine historique et architectural décentralisé comme à celle des traditions et coutumes locales : il s'agit, en somme, de manifestations d'intérêt général et qui ne peuvent guère se dérouler ailleurs que sur la voie publique, dans le cadre historique et architectural qui leur donne tout leur sens et qu'elles ont vocation à valoriser. Cependant, le texte se garde, à juste titre, d'en donner une définition précise, ce qui serait sans doute impossible compte tenu de la diversité des cas qui peuvent se présenter, et ce qui permet de laisser, comme il est souhaitable, une large marge d'appréciation aux autorités compétentes.

- De toute façon, tout risque d'abus paraît écarté car, et c'est la troisième condition, chaque commune ne pourrait être autorisée qu'au plus deux fois par an à percevoir une redevance pour l'accès à une manifestation culturelle organisée sur la voie publique. La durée maximale de chaque manifestation n'est pas précisée : dans l'immense majorité des cas, la durée des festivités qui peuvent être visées par la proposition de loi est comprise entre une demi-journée (pour un défilé, ou une animation en soirée) et une ou deux journées (généralement, dans ce dernier cas, en fin de semaine).

La nature juridique du droit d'accès

Il ressort clairement du dispositif de la proposition de loi que le droit d'accès prévu s'analyse comme une redevance domaniale, qui ne peut cependant être assimilée ni à un droit de péage, ni à un droit de stationnement sur la voirie : il ne s'agit pas de faire payer le droit d'emprunter la voie publique, d'y stationner ou d'y exercer une activité commerciale, mais l'accès à un service public culturel dont la voie publique se trouve être le support.

Ce choix n'est pas, juridiquement, celui de la facilité, mais il présente deux avantages :

- en premier lieu, il contribue à confirmer le caractère " non commercial " et d'intérêt général des manifestations qui peuvent donner lieu à la perception de cette redevance. Le droit d'accès constitue une ressource publique qui viendra en atténuation des dépenses exposées par la commune (dispositif de sécurité, subvention à l'organisateur...) dans le cadre d'une mission de service public. Il permet aussi que cette dépense ne soit pas uniquement à la charge des contribuables de la commune mais de l'ensemble du public qui bénéficiera de la fête et du cadre privilégié dans lequel elle se déroule, c'est-à-dire des usagers du service public culturel qu'elle représente ;

- en second lieu, cette qualification juridique du droit d'accès permet aussi d'opérer une clarification des compétences et des rôles respectifs de la commune et de l'organisateur de la fête.

Il est évident, par exemple, que de même que la décision d'instituer un droit d'accès, la fixation des tarifs de ce droit et la détermination des redevables ne pourront en aucun cas être laissées à l'initiative de l'organisateur.

De même, seul le maire, autorité de police, est compétent pour prendre les mesures qui devront être prévues pour que les restrictions imposées à la liberté de circulation n'excèdent, selon la formule consacrée, " ni par leur nature, ni par leur durée, ni par leur importance " celles qui peuvent être imposées dans l'intérêt général, et en particulier pour prévoir les dispositions permettant l'accès des riverains et la desserte des immeubles.

Enfin, la commune devra être attentive à ce que le rôle éventuellement confié à l'organisateur, en matière par exemple de contrôle des accès à la manifestation et de perception du droit d'accès, ne puisse s'analyser comme une délégation illégale de pouvoirs de police ni comme une atteinte aux règles applicables au maniement des deniers communaux.

2. La position de la commission

Votre commission approuve entièrement l'inspiration de la proposition de loi qui, outre qu'elle a le mérite de poser clairement un problème trop longtemps ignoré par les autorités de l'Etat, répond à la nécessité d'adapter les règles de droit à l'évolution des aspirations du corps social et des missions d'intérêt général dont les collectivités publiques doivent assumer la charge.

Elle approuve également l'économie générale du dispositif proposé, auquel votre rapporteur ne vous proposera d'apporter que des aménagements de portée limitée.

Ce dispositif ne porte aucune atteinte, il convient de le souligner, à la liberté d'aller et venir.

On observera d'abord que l'organisation sur la voie publique d'une manifestation culturelle n'apporte pas d'atteinte plus considérable à la liberté de circulation -ni à la destination normale de la voirie- que la tenue d'un marché, le déroulement d'une cérémonie officielle, l'exercice du droit de manifestation, ou certaines compétitions sportives.

De même, le paiement d'un droit d'accès ne constitue pas en lui-même une atteinte à la liberté de circulation. Si l'on peut saluer le souci qui avait conduit le législateur de 1880 -auquel se réfère la réponse ministérielle précitée- à disposer, un peu imprudemment, qu'" il ne (serait) plus construit à l'avenir de ponts à péage sur les routes nationales et départementales " (article 1 er , al. 1 de la loi du 30 juillet 1880), on ne saurait pour autant considérer que ses successeurs, lorsqu'ils ont à nouveau soumis à péage l'utilisation de certains ouvrages d'art, ont voulu porter quelque atteinte que ce soit à la liberté de circulation : ils ont simplement voulu la concilier avec le souci d'une répartition plus équitable des charges publiques entre contribuables et usagers.

C'est dans la même logique que se place la proposition de loi : permettre que des portions de la voie publique soient, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, utilisées pour l'organisation de manifestations culturelles et demander une participation financière à ceux qui veulent y assister ne remet nullement en cause le principe fondamental de la liberté d'aller et venir mais permettra de le concilier avec celui, tout aussi fondamental, de l'égalité devant les charges publiques, comme avec le souci de satisfaire de nouveaux besoins collectifs.

Les aménagements proposés

Votre rapporteur n'a souhaité modifier que sur deux points le dispositif de la proposition de loi :

- en premier lieu, et pour les raisons déjà évoquées, il vous propose de donner au maire, et non au préfet, compétence pour décider de soumettre au paiement d'un droit l'accès des portions de la voirie communale où sont organisées les manifestations culturelles. Cette modification conduit à modifier également l'insertion du texte dans le code général des collectivités territoriales : il est proposé de l'insérer après l'article L. 2213-6 du code, à la fin des dispositions relatives à la police municipale de la circulation et du stationnement ;

- en second lieu, il paraît indispensable que le texte mentionne, de façon explicite, la nécessité de réserver la desserte des immeubles riverains. Tel est l'objet de la précision qu'il est proposé d'ajouter à la fin du dispositif de la proposition de loi.

Enfin, votre commission vous proposera également de préciser l'intitulé de la proposition de loi.

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Au bénéfice des observations qui précèdent, votre commission vous demande d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, et qui figure ci-après.

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