N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relative à l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ,

Par Mme Annick BOCANDÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (11 ème législ.) : Première lecture : 2132 , 2220, 2225 et T.A 469
Deuxième lecture : 2604 , 2698, 2744 et T.A. 577

Sénat : Première lecture : 258 , 475 (1999-2000), 1 et T.A. 1 (2000-2001)

Deuxième lecture : 111 (2000-2001)

Femmes.

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 2

I. LA NAVETTE PARLEMENTAIRE N'A POUR L'INSTANT PERMIS QU'UN TRÈS FAIBLE RAPPROCHEMENT DES POSITIONS DES DEUX ASSEMBLÉES SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 2

A. LE VOLET DROIT DU TRAVAIL : DES DÉSACCORDS PERSISTANTS 2

B. LE VOLET FONCTION PUBLIQUE : DES CONVERGENCES ENCORE INCOMPLÈTES 2

II. LES NOUVELLES DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL DE NUIT DEVIENNENT DÉSORMAIS L'ENJEU PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LOI 2

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE MODERNISATION DU CADRE JURIDIQUE 2

B. LES LIMITES D'UNE PROCÉDURE HASARDEUSE 2

EXAMEN DES ARTICLES 2

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL 2

Article premier (art. L. 432-3-1 du code du travail) Contenu du rapport de situation comparée 2

• Art. 3 (art. L. 132-27 du code du travail) Obligation de négociation spécifique sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise 2

• Art. 4 (art. L. 153-2 du code du travail) Sanctions pénales en cas de manquement à l'obligation spécifique de négocier dans l'entreprise 2

• Art. 5 (art. L. 132-27-1 nouveau du code du travail) Prise en compte de l'égalité professionnelle dans le cadre des négociations annuelles obligatoires dans l'entreprise sur les salaires, la durée et l'organisation du temps de travail 2

• Art. 6 (art. L. 123-1 et L. 132-12 du code du travail) Obligation de négociation spécifique sur l'égalité professionnelle au niveau de la branche 2

• Art. 6 bis (nouveau) (art. L. 122-46 et 123-6 du code du travail) Harcèlement sexuel 2

• Art. 8 bis (art. L. 513-1 du code du travail) Electorat et éligibilité des conjoints collaborateurs d'artisans aux conseils de prud'hommes 2

• Art. 8 ter (art. L. 129-3 du code du travail) Aide à la garde d'enfant des salariés 2

• Art. 8 quater (art. L. 122-28-1 nouveau du code du travail) Extension du temps partiel choisi 2

• Art. 8 quinquies (art. L. 513-6 du code du travail) Parité pour les élections prud'homales 2

• Art. 8 sexies A (nouveau) (Art. L. 433-2 du code du travail) Accord sur la composition des listes de candidats pour les élections au comité d'entreprise 2

• Art. 8 sexies (art. L. 433-2 du code du travail) Parité pour les élections au comité d'entreprise 2

• Art. 8 septies A (nouveau) (art. L. 434-7 du code du travail) Création d'une commission de l'égalité professionnelle au sein du comité d'entreprise 2

• Art. 8 septies (art. L. 432-2 du code du travail) Parité pour les élections des délégués du personnel 2

• Art. 8 octies (nouveau) Rapport sur la place des femmes dans les élections professionnelles 2

• Art. 8 nonies (nouveau) (art. L. 231-1 à L. 213-6 nouveaux et L. 122-25-1-1 nouveau du code du travail et art. L. 713-9 du code rural) Travail de nuit 2

• Art. 8 decies (nouveau) Rapport sur l'application de la législation relative au travail de nuit 2

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE 2

Art. 14 bis (art. 6 quater nouveau de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée) Institution d'un rapport de " situation comparée " dans la fonction publique 2

• Art. 17 (art. 20 bis nouveau de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée) Renforcement de la mixité dans les jurys de concours de recrutement de la fonction publique d'Etat 2

• Art. 18 (art. 58 bis nouveau de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée) Renforcement de la mixité dans les jurys et les comités de sélection constitués pour l'avancement des fonctionnaires 2

• Art. 19 (art. 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée) Renforcement de la mixité dans les jurys de la fonction publique territoriale 2

• Art. 21 (art. 30-1 nouveau de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée) Renforcement de la mixité pour les jurys de concours de recrutement de la fonction publique hospitalière 2

• Art. 22 (art. 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée) Renforcement de la mixité pour les jurys des examens professionnels de la fonction publique hospitalière 2

TRAVAUX DE LA COMMISSION 2

TABLEAU COMPARATIF 2

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a examiné, le 28 novembre dernier, en seconde lecture la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Le texte qui est aujourd'hui transmis au Sénat est très différent de celui qu'il avait adopté en première lecture le 3 octobre.

Car si " le débat au Sénat a été riche en surprises et en modifications " 1 ( * ) , celui à l'Assemblée nationale l'a été plus encore.

D'une part, le bilan de la navette apparaît très mince, l'Assemblée nationale étant revenue pour l'essentiel à son texte de première lecture et les apports du Sénat ayant largement disparu. Sur les vingt-deux articles restant en discussion après le passage au Sénat, seuls cinq ont en effet été adoptés ou supprimés conformes par l'Assemblée nationale.

D'autre part, la proposition de loi a été profondément transformée par l'introduction, sur proposition du Gouvernement, de nouvelles dispositions relatives au travail de nuit dispositions dont l'importance tend à faire passer désormais les mesures initiales sur l'égalité professionnelle au second plan.

I. LA NAVETTE PARLEMENTAIRE N'A POUR L'INSTANT PERMIS QU'UN TRÈS FAIBLE RAPPROCHEMENT DES POSITIONS DES DEUX ASSEMBLÉES SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

L'examen du texte en première lecture par le Sénat avait pour partie permis d'aboutir à un accord sur un nombre non négligeable d'articles. Sur les trente articles dont il avait été saisi, le Sénat en avait adopté conformes seize, soit plus de la moitié, notamment pour les dispositions relatives à la fonction publique.

Mais la poursuite de la navette montre que les divergences entre les deux assemblées demeurent importantes, même s'il importe toutefois de distinguer selon les deux volets du texte.

A. LE VOLET DROIT DU TRAVAIL : DES DÉSACCORDS PERSISTANTS

Alors que treize articles restaient en discussion sur le titre premier de la proposition de loi après la première lecture au Sénat, l'Assemblée nationale n'a finalement adopté conformes que deux articles, dont la portée est pour le moins mineure (art. 2 relatif à l'information des salariés sur le rapport de situation comparée et art. 7 sur la négociation " intégrée " dans les branches).

Elle a en revanche supprimé ou substantiellement modifié les six articles introduits par le Sénat et est revenue à son texte initial pour cinq articles. Elle a en outre introduit cinq articles additionnels.

Votre rapporteur regrette vivement que l'Assemblée nationale n'ait pas choisi de débattre en profondeur de cette importante question de l'égalité professionnelle et ait préféré le plus souvent écarter d'un revers de la main les propositions du Sénat.

Trois domaines auraient ainsi dû faire l'objet d'un tel débat.

La négociation collective sur l'égalité professionnelle : des conceptions éloignées

En ce domaine, les positions des deux assemblées demeurent éloignées, témoignant d'une conception finalement très différente de la négociation collective.

Il importe toutefois de lever un malentendu. Le Sénat, même s'il a pu émettre certaines réserves, ne s'oppose pas à l'institution d'obligations de négocier sur l'égalité professionnelle. Au contraire, votre commission des Affaires sociales est persuadée que c'est par la négociation effective et non par l'instauration de nouvelles dispositions normatives contraignantes que les inégalités trop souvent constatées se résorberont.

En revanche, c'est sur la forme de ces négociations que les positions respectives divergent. Votre commission estime que la mise en place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux.

Il faut donc que les partenaires sociaux puissent fixer librement le socle de la négociation et non qu'il leur soit imposé par une administration trop souvent coupée des réalités économiques et sociales des branches.

Il faut également que le rythme des négociations sur l'égalité professionnelle s'intègre au mieux dans le déroulement du dialogue social et non que la périodicité des négociations relève d'une logique aussi obscure qu'arbitraire.

Il faut enfin que cette négociation soit souple et directe et non figée dans le marbre d'un quelconque rendez-vous institutionnel, factice et obligatoire dont le non-respect serait, qui plus est, passible de sanctions pénales. Votre commission doute en effet que la pénalisation croissante du droit du travail constitue une réelle solution. Le risque est grand d'aboutir à une succession de négociations formelles simplement destinées à éviter toute condamnation pénale. Ce n'est pas à l'évidence un climat très propice pour ouvrir un dialogue serein.

Aussi, sur ce point, votre commission, ne désespérant pas de convertir l'Assemblée nationale à une conception plus moderne du dialogue social, vous proposera de revenir largement au texte adopté en première lecture au Sénat.

L'articulation entre vie familiale et vie professionnelle : un oubli confirmé

Votre commission avait regretté, en première lecture, que la présente proposition de loi ignore totalement la dimension pourtant essentielle de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Car ce sont bien souvent les difficultés que rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle qui alimentent les inégalités persistantes. Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes difficultés pour réintégrer le marché du travail.

Le Sénat avait fait deux propositions très concrètes sur ces deux points en adoptant, à l'initiative de votre commission, deux articles additionnels. Mais l'Assemblée nationale les a supprimés, sans avoir pris le temps de les examiner en détail.

Votre commission le déplore et proposera en conséquence de les rétablir en deuxième lecture.

La représentation des femmes dans les élections professionnelles : des avancées encore limitées

La navette a été beaucoup moins stérile sur ce troisième sujet, même si subsistent là encore des incompréhensions.

Dans ce domaine, le Sénat avait fait deux séries de propositions.

D'une part, sur l'initiative de votre commission, il avait adopté un article favorisant la reconnaissance professionnelle des conjoints collaborateurs d'artisans en leur permettant d'être électeurs et éligibles aux conseils de prud'hommes.

D'autre part, sur proposition de M. Gérard Cornu, le Sénat avait adopté trois articles instaurant la parité sur les listes de candidats aux élections aux conseils de prud'hommes, aux comités d'entreprise et des délégués du personnel.

Votre commission se félicite que ces initiatives aient été, au moins partiellement, retenues par l'Assemblée nationale.

Ainsi, pour les conjoints collaborateurs, l'Assemblée nationale a accepté de leur permettre de se substituer au chef d'entreprise pour les élections prud'homales. C'est un compromis très satisfaisant qui leur garantit une reconnaissance professionnelle depuis longtemps attendue.

De même, pour les élections prud'homales, les partenaires sociaux se sont saisis du dossier, notamment au travers du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. A la suite de la proposition du Sénat, un consensus s'est ainsi dégagé autour de l'objectif d'une meilleure représentation des femmes. Dans un premier temps, et à défaut d'une stricte parité, les disparités actuelles dans la composition des listes de candidats par rapport à la composition du corps électoral seraient réduites d'un tiers pour le renouvellement de 2002. C'est cet objectif que reprend le texte transmis par l'Assemblée nationale. Là encore, cette proposition, bien qu'en retrait par rapport à celle du Sénat, apparaît acceptable et a le mérite de débloquer la situation.

En revanche, l'objectif d'une meilleure représentation des femmes dans les comités d'entreprise ou parmi les délégués du personnel reste lettre morte. Le texte de l'Assemblée nationale se contente de renvoyer à un énième rapport qui ne sera rendu public qu'au 31 décembre 2003. Il prévoit également une étrange disposition qui renvoie à un accord entre employeur et organisations syndicales la définition des " voies et moyens pour atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures au comité d'entreprise ". Il y aurait là une immixtion évidente du chef d'entreprise dans un domaine qui relève de la seule responsabilité des syndicats.

Dans ces conditions, votre commission juge souhaitable de réitérer les propositions du Sénat de première lecture, mais sous une forme aménagée prenant en compte les spécificités des entreprises et des branches, afin de relancer le dialogue social sur ce sujet.

* 1 Selon l'expression de Mme Catherine Génisson, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale dans son rapport n° 2744.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page