EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. 1er de la loi du 5 juillet 1983,
devenu Art. L. 218-10 du code de l'environnement)
Sanctions à l'encontre des capitaines des navires de gros tonnage

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale visait l'article 1er de la loi du 5 juillet 1983, devenu l'article L. 218-10 du code de l'environnement.

Cet article concerne les navires-citernes d'une jauge brute égale ou supérieure à 150 tonneaux (TJB) ainsi que les navires d'un autre type d'un TJB d'au moins 500 tonneaux.

Il punit de deux ans d'emprisonnement et de 1.000.000 francs d'amende le fait pour ces navires de déballaster.

L'article L. 218-21 du code de l'environnement étend la portée de cet article aux navires et plates-formes étrangers pour les infractions commises jusqu'à la limite externe de la zone économique exclusive française.

Toutefois, dans ce cas, les peines de prison ne pourront être prononcées si l'infraction n'a pas eu lieu dans les eaux territoriales, les eaux intérieures ou les voies navigables françaises. En revanche, l'Etat du pavillon partie à la convention pourra prononcer une peine d'emprisonnement pour les mêmes faits à l'encontre du capitaine fautif.

En pratique, ceci demeure exceptionnel, tout comme les prononcés de peines de prison à l'encontre des capitaines de navires français.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté les conclusions de la commission des Lois prévoyant de tripler les amendes et doubler les peines d'emprisonnement encourues (qui passent à respectivement 3.000.000 francs d'amende et quatre ans d'emprisonnement).

Ceci n'apparaît pas encore assez dissuasif, du fait du coût que représente l'immobilisation d'un navire dans un port en termes de pertes d'exploitation et du faible pourcentage de poursuites.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement qui, outre une modification de forme visant à tenir compte de la codification, porte à quatre millions de francs le montant maximal de l'amende encourue, quadruplant et non triplant le montant maximal de l'amende (les peines d'emprisonnement, exceptionnelles en pratique, n'étant pas modifiées).

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi amendé.

Article 2
(art. 2 de la loi de la loi n° 83-583,
devenu Art L. 218 -11 du code de l'environnement)
Sanctions à l'encontre des capitaines des navires de faible tonnage

L'article L. 218-11 du code de l'environnement prévoit des amendes d'au maximum 300.000 francs et un an de prison pour le rejet illicite d'hydrocarbures en mer commis par le capitaine d'un navire-citerne de moins de 150 TJB ou d'un autre navire de moins de 500 TJB et dont les moteurs sont d'une capacité propulsive installée supérieure à 150 kilowatts .

L'article adopté par l'Assemblée nationale en première lecture porte désormais les plafonds des peines respectivement à 900.000 francs et deux ans de prison.

Pour les mêmes raisons qu'à l'article 1 er , votre commission vous propose d'adopter un amendement portant à 1.200.000 francs le montant maximal de cette amende et prenant en compte la codification intervenue.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi amendé.

Article 3
(art. 4 de la loi du 5 juillet 1983,
devenu Art. L. 218- 13 du code de l'environnement)
Sanctions à l'encontre des capitaines des autres navires

L'article L. 218-13 du code de l'environnement fixe à 10.000 francs le montant maximal de l'amende encourue pour le rejet d'hydrocarbures par le capitaine d'un navire soumis aux dispositions de la convention internationale de Londres, n'appartenant pas aux catégories définies par les articles L. 218-10 et L. 218-11 du code de l'environnement. Il s'agit des navires de dimension modeste et de faible motorisation (moins de 500 TJB et dont la force propulsive est inférieure à 150 kilowatts).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale porte le montant maximum de l'amende à 30.000 francs et prévoit, en cas de récidive, un doublement de l'amende et une peine de prison pouvant atteindre un an.

Votre commission, pour les mêmes raisons que précédemment, et pour prendre en compte la codification intervenue, vous propose de porter le montant maximal de l'amende à 40.000 francs .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi amendé.

Article 4
(art. 5 ter de la loi du 5 juillet 1983,
devenu l'Art. L. 218-19 du code de l'environnement
Sanctions du non-respect de l'obligation
d'établir un rapport sur certains événements

Le premier alinéa de l'article premier du protocole n°1 de la convention internationale du 2 novembre 1973 impose au capitaine d'un navire, ou à la personne qui en a la charge, de faire " sans retard " et " avec tous les détails possibles " un rapport lors de la survenance de certains événements, rejet non autorisé par la convention notamment.

Le respect de cette obligation est primordial, tout retard dans la mise en oeuvre des moyens de lutte contre la pollution pouvant en accroître l'ampleur.

L'article 5 ter devenu article L. 218-19 du code de l'environnement punit aujourd'hui d'une amende maximale de 300.000 francs et d'un emprisonnement d'un an le capitaine d'un navire qui n'aurait pas transmis un rapport sur ces événements, conformément aux dispositions du protocole précité.

L'article 4 de la proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale porte ces peines à un maximum de 900.000 francs et de deux ans de prison.

Votre commission, pour les mêmes raisons que précédemment, et pour prendre en compte la codification intervenue, vous propose d'adopter un amendement portant à 1.200.000 francs le montant maximal de l'amende.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi amendé.

Article additionnel avant l'article 5
(art. L. 218-20 du code de l'environnement)
Responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant

La rédaction actuelle de l'article L. 218-20 exige que le propriétaire ou l'exploitant ait donné l'ordre de commettre l'infraction pour mettre en cause sa responsabilité.

En pratique, cette disposition est beaucoup trop restrictive et ne permet pas de mettre en cause le propriétaire ou l'exploitant qui fait subir des pressions au capitaine afin qu'il déballaste en mer, pour des questions de rentabilité.

Il serait donc souhaitable de reprendre à l'article L. 218-20 la rédaction du quatrième alinéa de l'article L. 218-22 du code de l'environnement qui traite du comportement des personnes ayant entraîné un accident de mer à l'origine d'une pollution des eaux territoriales, des eaux intérieures ou des voies navigables jusqu'à la limite de la navigation maritime.

Il prévoit que les peines sont applicables soit au propriétaire, soit à l'exploitant ou à leur représentant légal ou dirigeant de fait s'il s'agit d'une personne morale, soit à toute autre personne que le capitaine ou le responsable à bord, exerçant, en droit ou en fait , un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire .

En application de l'article L. 218-25 du code de l'environnement, les personnes morales seraient également passibles de sanctions. Celui-ci prévoit en effet qu'elles peuvent être déclarées pénalement responsables et encourir des peines d'amendes dont le montant est quintuplé par rapport à celui encouru par les personnes physiques ainsi que l'affichage ou la diffusion de la décision. Les personnes morales peuvent également être exclues des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans, une interdiction de faire appel public à l'épargne étant par ailleurs prévue, toujours pour une durée de cinq ans ou à titre définitif.

Les tribunaux, qui recherchent désormais systématiquement la responsabilité de l'armateur, devraient ainsi établir plus facilement sa responsabilité.

Article 5
(art. 12 de la loi du 5 juillet 1983,
devenu les Art. L.218-28 et L. 218-29 du code de l'environnement)
Compétence juridictionnelle

Outre le renforcement des sanctions pénales réprimant la pollution par les navires, il s'agit de la deuxième disposition importante de la proposition de loi.

En l'état actuel du droit, l'article 12 de la loi du 5 juillet 1983, codifié aux articles L. 218-28 et L. 218-29 du code de l'environnement, définit les règles de compétence juridictionnelle.

Il est ainsi prévu à l'article L. 218-29 que les infractions mentionnées sont jugées :

- soit par le tribunal compétent du lieu de l'infraction ;

- soit par celui dans le ressort duquel le bâtiment est attaché en douanes ou immatriculé s'il est français ;

- soit par celui dans le ressort duquel peut être trouvé le bâtiment s'il est étranger.

Le tribunal de grande instance de Paris étant compétent à défaut d'autre tribunal.

L'éclatement des juridictions saisies, conjugué à la relative faiblesse du nombre des poursuites judiciaires (en 1999, sur les 239 rejets volontaires répertoriés, 30 navires ont été identifiés et 27 procédures judiciaires transmises au Parquet), rend aléatoire la condamnation effective des responsables de pollutions volontaires .

Des problèmes de recevabilité de preuves (en l'espèce très souvent des photographies prises lors d'observations aériennes par des agents des douanes ou par la Marine nationale) ont ainsi pu se poser, du fait du manque d'expérience de certains magistrats.

Dans les cas où les poursuites aboutissent, les peines prononcées ne sont pas très sévères : 250 000 francs d'amende (CA de Rennes, 19 septembre 1996) ; 300.000 francs (TGI de Paris, 16 février 1998) ; 150.000 francs d'amende (TGI de Paris, 16 juin 1999). La prison semble exceptionnelle, même avec sursis.

Des séminaires de sensibilisation ont ainsi été organisés pour certains magistrats dans le cadre des accords de Bonn.

Il importe que ce soient les mêmes juridictions qui traitent de ces questions, afin de mieux appréhender ce sujet, de développer de réels pôles de compétence parmi les magistrats et d'aboutir à une harmonisation de la jurisprudence.

Face à cette situation, les conclusions de la commission de la Production de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi prévoyaient de nouvelles règles de compétence juridictionnelle.

Avait ainsi été adoptée une disposition prévoyant de confier aux tribunaux des chefs-lieux des préfectures maritimes (Cherbourg pour la Manche et la mer du Nord, Brest pour l'Atlantique et Toulon pour la Méditerranée) la compétence exclusive de juger les plaintes relatives aux dégazages et déballastages illicites, estimant qu'une telle disposition serait de nature à accélérer les procédures et harmoniser la jurisprudence.

Néanmoins, lors de la discussion à l'Assemblée nationale en première lecture, un amendement présenté par M. Jean-Pierre Dufau a été adopté, modifiant la rédaction de cet article en maintenant la compétence du tribunal de grande instance de Paris.

Il convient tout d'abord de préciser que l'article 12 de la loi du 5 juillet 1983 a, lors de sa codification, été scindé en deux articles : L.218-28 et L. 218-29 du code de l'environnement.

Le paragraphe I de l'article 5 de la proposition de loi correspond ainsi à l'article L. 218-28 du code de l'environnement dont la rédaction n'a pas besoin d'être modifiée.

En revanche, l'article L. 218-29 du code de l'environnement dans sa rédaction telle qu'elle résulterait du texte adopté par l'Assemblée nationale pose un certain nombre de problèmes.

Tout d'abord, s'il est prévu une compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris s'agissant de la zone économique exclusive (ZEE), rien n'est indiqué s'agissant de la haute mer, alors même qu'en raison de l'éloignement du lieu de l'infraction, il est difficile de définir le tribunal compétent.

Par ailleurs, les règles concernant la compétence concurrente des ministères publics du tribunal du lieu de l'infraction et du tribunal figurant sur la liste fixée par décret en Conseil d'État contredisent l'affirmation figurant au paragraphe précédent selon laquelle il y aurait exclusivité de poursuites s'agissant des tribunaux figurant sur la liste.

Par conséquent, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement prévoyant une compétence exclusive de jugement en faveur du tribunal de grande instance de Paris s'agissant des infractions commises dans la zone économique exclusive et en haute mer (pour les seuls navires français dans ce dernier cas).

En revanche, les ministères publics des tribunaux territorialement compétents, du tribunal de grande instance de Paris ainsi que des tribunaux désignés par une liste fixée par décret conservent une compétence concurrente s'agissant de la poursuite et de l'instruction.

S'agissant du problème de la compétence exclusive, il est vrai qu'elle peut s'avérer dangereuse et entraîner des nullités au stade du jugement, si le tribunal du lieu de l'infraction, s'étant indûment saisi, ne renvoie pas le dossier à la juridiction compétente.

Pour éviter cela, la compétence ne devient donc exclusive qu'au stade du jugement et une circulaire ministérielle devrait enjoindre aux ministères publics des juridictions territorialement compétentes de transmettre à la juridiction ayant la compétence de jugement exclusive (c'est à dire le tribunal de grande instance de Paris s'agissant de la zone économique exclusive et de la haute mer ou l'une des juridictions déterminées par décret s'agissant des eaux territoriales) les poursuites.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi amendé.

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ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de procédure pénale

Art. 43 - Sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause.

Art. 52 - Sont compétents le juge d'instruction du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause.

Art. 382 - Est compétent le tribunal correctionnel du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu ou celui du lieu d'arrestation de ce dernier, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause.

Le tribunal dans le ressort duquel une personne est détenue, n'est compétent que dans les conditions prévues au titre VI du livre IV.

Pour le jugement du délit d'abandon de famille prévu par l'article 227-3 du code pénal, est également compétent le tribunal du domicile ou de la résidence de la personne qui doit recevoir la pension, la contribution, les subsides ou l'une des autres prestations visées par cet article.

La compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et contraventions qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ; elle peut aussi s'étendre aux délits et contraventions connexes, au sens de l'article 203.

Art. 663 - Lorsque deux juges d'instruction, appartenant à un même tribunal ou à des tribunaux différents, se trouvent simultanément saisis d'infractions connexes ou d'infractions différentes en raison desquelles une même personne ou les mêmes personnes sont mises en examen, le ministère public peut, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et nonobstant les dispositions des articles 43, 52 et 382, requérir l'un des juges de se dessaisir au profit de l'autre. Le dessaisissement a lieu si les juges en sont d'accord. En cas de désaccord, il est fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article 664.

Lorsqu'un condamné à une peine privative de liberté est détenu au siège de la juridiction qui a prononcé cette condamnation, définitive ou non, le procureur de la République, le juge d'instruction, les tribunaux et les cours d'appel de ce lieu de détention auront compétence, en dehors des règles prescrites par les articles 43, 52 et l'alinéa premier de l'article 382, pour connaître de toutes les infractions qui lui sont imputées.

Art. 706-42 - Sans préjudice des règles de compétence applicables lorsqu'une personne physique est également soupçonnée ou poursuivie, sont compétents :

1° Le procureur de la République et les juridictions du lieu de l'infraction ;

2° Le procureur de la République et les juridictions du lieu où la personne morale a son siège.

Ces dispositions ne sont pas exclusives de l'application éventuelle des règles particulières de compétence prévues par les articles 705 et 706-17 relatifs aux infractions économiques et financières et aux actes de terrorisme.

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