AUDITION DE M. PIERRE PACTET,
PROFESSEUR ÉMÉRITE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS XI

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M. Pierre Pactet a estimé que la réforme du calendrier électoral, sans bouleverser le régime de la Ve République, appelait néanmoins de sérieuses réserves tenant à la cohérence institutionnelle.

Regrettant que la révision constitutionnelle relative au quinquennat n'ait pas fait l'objet d'un débat approfondi portant notamment sur ses incidences sur le régime, il a affirmé que celle-ci constituait l'une des plus grandes révisions de la Ve République depuis une quarantaine d'années, comparable à celle de 1962 relative à l'élection au suffrage universel direct du président de la République et à celle de 1974 ouvrant la saisine du Conseil constitutionnel à l'opposition parlementaire.

M. Pierre Pactet a rappelé que la révision constitutionnelle relative au quinquennat, décidée afin de rendre la cohabitation moins fréquente, ne pouvait avoir cet effet, dans la mesure où le droit de dissolution était maintenu et où le décès du président provoquait une nouvelle élection présidentielle, du fait de l'absence d'un vice-président de la République. Ajoutant que les électeurs, dans un souci d'éviter une trop grande concentration des pouvoirs, pouvaient très bien émettre des votes différents lors des élections législatives et présidentielle, il s'est demandé si la motivation du quinquennat ne résidait pas dans une conception nostalgique des périodes de convergence observées au début de la Ve République.

Citant l'exemple des Etats-Unis, M. Pierre Pactet a démenti l'argument selon lequel le régime présidentiel serait moins propice à la cohabitation que celui de la Ve République.

Concernant la logique des institutions de la Ve République, il a noté que le régime, à l'origine conçu en réaction contre le régime des partis, avait beaucoup évolué et était redevenu un régime de partis, semblable en cela aux autres démocraties occidentales. Il a ajouté que le président de la République ne demeurait la clé de voûte du régime que dans l'hypothèse où il était soutenu par la majorité parlementaire, celle-ci constituant le véritable moteur du régime depuis la cohabitation.

Soulignant la complexité et l'ambiguïté de la répartition des pouvoirs, M. Pierre Pactet a estimé que le régime avait bien fonctionné, amenant la stabilité des institutions et de l'exercice des pouvoirs et permettant l'alternance. Se prononçant contre un changement de régime, il a regretté que le quinquennat, premier pas vers un régime présidentiel, puisse être suivi d'un second pas plus accentué, celui de l'inversion du calendrier électoral. Il a rappelé que le régime présidentiel, qui ne fonctionnait que dans un seul pays, les Etats-Unis, y était conforté par deux siècles de traditions, mais manquait totalement de souplesse et n'empêchait pas la cohabitation.

Estimant souhaitable d'éviter les périodes de cohabitation conflictuelles entre le président de la République et le Premier ministre, M. Pierre Pactet a indiqué que le septennat, assorti de l'interdiction de la réélection immédiate du président de la République, aurait été préférable au quinquennat.

Il a de plus regretté le " pointillisme constitutionnel " consistant à réviser la Constitution par réformes successives, au détriment d'une vision d'ensemble des institutions, aboutissant à insérer des dispositions contradictoires dans le texte constitutionnel.

En conclusion, il a noté qu'il n'était pas cohérent de modifier le calendrier électoral sans agir sur le droit de dissolution ni tenir compte du décès éventuel du président de la République. Il s'est ensuite prononcé contre l'inversion du calendrier électoral, jugeant choquant de chercher à influencer le résultat des urnes en agissant sur la date des élections.

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