Rapport n° 240 (2000-2001) de M. Paul MASSON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 29 mars 2001

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N° 240

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 mars 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du Protocole additionnel au Protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni ,

Par M. Paul MASSON

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, René-Georges Laurin, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 220 rect. (2000-2001)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques années, le Royaume-Uni est confronté à un phénomène migratoire dont la nature change : le nombre des demandeurs d'asile dans ce pays est notamment passé de 45 000 en 1998 à 76 000 en 2000. L'opinion publique s'émeut fortement de ce constat. Le drame de Douvres (60 morts d'origine chinoise en juillet 2000) n'a fait qu'amplifier la prise de conscience populaire.

Une part importante du flux d'immigration clandestine venant de l'Europe de l'Est passe par la France. Aussi, les Britanniques ont-ils vivement souhaité que les contrôles exercés, notamment sur la liaison ferroviaire, soient renforcés.

Cette pression politique s'est doublée d'une mesure financière : aux termes d'une loi adoptée en novembre 1999, les Britanniques ont décidé d'appliquer aux transporteurs ferroviaires une amende de 2 000 livres sterling pour chaque clandestin qui aura emprunté le train pour accéder au territoire britannique. Soucieuse de prévenir une source possible de contentieux avec son voisin d'outre-Manche, la France a accepté de compléter les dispositions du protocole de Sangatte, signé le 25 novembre 1991, qui régit les contrôles frontaliers sur la liaison fixe transmanche.

Les négociations engagées en 1998 ont abouti le 29 mai 2000 avec la signature du protocole additionnel au protocole de Sangatte. Ce texte institue, dans le cadre de nouvelles structures -les bureaux de contrôle des personnes- un double contrôle français et britannique sur les voyageurs empruntant l'Eurostar. Par ailleurs, il vise également à alléger la charge que représente l'examen des demandes d'asile pour le Royaume-Uni. La mise en place de ce nouveau dispositif devrait, selon les engagements de la partie britannique, conduire à exempter la SNCF de pénalités financières s'agissant du moins des trains de voyageurs, les seules visés par le protocole additionnel.

La mise en place du nouveau dispositif ne peut se comprendre si on ne rappelle, au préalable, trois éléments qui permettent d'éclairer sa genèse :

- le Gouvernement du Royaume-Uni a adopté une position beaucoup plus " défensive " sur l'immigration -devenue l'un des enjeux du débat politique -même s'il n'a pas levé toutes les ambiguïtés de sa politique dans ce domaine ;

- le Royaume-Uni n'appartient pas à l'espace Schengen et le contrôle des personnes aux frontières reste donc la règle ;

- les contrôles aux frontières franco-britanniques présentent encore des insuffisances, même s'ils ont été renforcés dans la période récente.

Aussi, votre rapporteur évoquera-t-il successivement ces trois points, avant d'analyser le contenu et les conséquences du protocole additionnel.

I. LE ROYAUME-UNI CONFRONTÉ À DES FLUX MIGRATOIRES ACCRUS

Le Royaume-Uni est confronté depuis quelques années à une augmentation rapide et massive des candidats à l'immigration, parmi lesquels de nombreuses personnes en situation irrégulière.

Les entrées clandestines étaient ainsi estimées à 180 000 en 2000 contre 4 000 en 1997.

Même si ces chiffres doivent être appréciés avec prudence, l'évolution des demandes d'asile enregistrées ne laisse aucun doute sur l'intensification de la pression migratoire : 4 000 en 1988, 45 000 en 1998, 76 000 en 2000.

Les principales nationalités représentées sont les Afghans, les Iraniens, les Irakiens, les Kurdes de Turquie, les Albanais du Kosovo, les Chinois et les Sri-Lankais.

Au-delà des aspects attractifs permanents que constitue la langue anglaise, familière à beaucoup de peuples ou encore la présence au Royaume-Uni de communautés étrangères importantes et structurées, cette croissance des flux s'explique par :

- l'absence de tout contrôle d'identité à l'intérieur du pays ( habeas corpus ) ;

- la générosité des dispositions relatives à l'asile (accès aux services sociaux, lenteur des procédures, indemnités de subsistance) ;

- la facilité d'accès au marché du travail (autorisée en principe après six mois de présence sur le territoire) et la tolérance vis-à-vis du travail clandestin ;

- aucune conséquence de fait pour les déboutés d'une demande d'asile (ni reconduite à la frontière, ni renvoi dans leur pays d'origine).

Ces facteurs apparaissent d'autant plus décisifs que les autres pays européens ont renforcé, au cours des dernières années, leurs propres contrôles et leurs dispositifs législatifs. Les demandes d'asile au Royaume-Uni répondent principalement à des motivations de caractère essentiellement économique . Considéré comme un véritable " Eldorado ", le Royaume-Uni est ainsi devenu la destination finale de filières contrôlées par des organisations clandestines aux nombreuses ramifications.

L'immigration est devenue l'une des questions les plus sensibles du débat politique en Grande-Bretagne et, sans aucun doute, l'un des principaux enjeux des élections prévues en mai 2001.

Soucieux de mieux maîtriser cette pression migratoire et de répondre ainsi aux préoccupations de l'opinion publique, le gouvernement britannique a souhaité renforcer sa législation intérieure mais aussi impliquer ses partenaires européens et, au premier chef, la France par laquelle transite l'essentiel des flux migratoires.

Dans un premier temps, le Royaume-Uni a renforcé le dispositif législatif relatif au droit d'asile . La loi sur l'immigration et l'asile du 11 novembre 1999 vise, par un " contrôle de l'immigration plus juste, plus rapide et plus ferme " à " réguler l'entrée et l'établissement au Royaume-Uni dans l'intérêt de la stabilité sociale et de la croissance économique ".

Cette loi comprend trois volets essentiels : la simplification et l'accélération des procédures de traitement des demandes d'asile, la refonte du dispositif d'aide aux demandeurs d'asile, l'élargissement du système des amendes aux transporteurs. Adopté en 1997 pour le transport aérien et maritime de passagers et fondé sur le principe, consacré par les accords internationaux de la responsabilité du transporteur , ce dispositif de sanction a été étendu unilatéralement tant au transport routier des marchandises qu'à l'ensemble des véhicules à destination du Royaume-Uni : une amende de 2 000 livres sterling est désormais appliquée par clandestin découvert. Le transporteur peut cependant s'en trouver exempté s'il a respecté les conditions prévues par un " code of practice ", pour le contrôle des personnes, conformément à la loi de 1999.

L'adoption de la loi a été complétée par un plan de restructuration des moyens et d'optimisation des méthodes de travail du service de l'immigration et de la nationalité (IND) du Home Office -doublement du budget annuel, recrutement en 2000-2001 de 3 000 agents supplémentaires... - ainsi que par le recours à la détention de certains demandeurs afin de limiter le nombre de ceux qui choisissent de disparaître une fois arrivés sur le territoire.

Malgré ses ambitions, ce dispositif n'a pas produit tous les effets escomptés : le nombre de demandeurs d'asile a encore augmenté en 2000 de 7 % (de 71 160 à 76 000). Plusieurs facteurs ont concouru à limiter l'impact des nouvelles mesures : l'attachement traditionnel au droit d'asile (l'objectif d'accroître le nombre de places en centres de détention pour certains demandeurs d'asile a rencontré de vives oppositions de la part des associations des droits de l'homme) et le maintien d'une législation particulièrement généreuse pour le travail des étrangers dont le durcissement aurait sans doute permis de tarir à la source ce qui constitue l'une des plus fortes motivations des candidats à l'immigration et à l'asile.

Devant la relative inefficacité des mesures nationales, le Royaume-Uni a ainsi appelé à une plus forte mobilisation de la communauté internationale, ainsi qu'à un renforcement de l'action de l'Union européenne. Il a cherché à impliquer davantage ses partenaires et, principalement, la France, dans le contrôle des flux de personnes vers le Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni semble être devenu désormais le meilleur avocat d'un renforcement de la coopération européenne : mise en place d'une procédure harmonisée d'examen des demandes d'asile, lutte concertée contre l'aide à l'immigration clandestine. En février dernier, le Royaume-Uni et l'Italie viennent de présenter une initiative commune visant à envoyer dans les Balkans des équipes de policiers et de douaniers pour aider à la formation des personnels locaux chargés des contrôles aux frontières. Il convient de rappeler à cet égard que, d'après une évaluation de la Commission de Bruxelles, la moitié des immigrants illégaux entrant au Royaume-Uni utiliserait la route des Balkans.

Toutefois, vu de Londres, la clef d'une plus grande maîtrise des flux migratoires se trouve en France. En effet, la quasi totalité des immigrants qui entre au Royaume-Uni provient de notre pays, par le Pas-de-Calais. Or, influencée par la presse, l'opinion britannique est convaincue que les autorités françaises n'ont pas pris la mesure de l'effort nécessaire pour exercer un contrôle efficace du flux de personnes vers leur pays. Qu'en est-il exactement ? Comment sont organisés les contrôles à la frontière franco-britannique ?

II. LA FRONTIÈRE FRANCO-BRITANNIQUE : FRONTIÈRE EXTÉRIEURE DE L'ESPACE SCHENGEN

Le Royaume-Uni n'appartient pas à l'espace Schengen. Il en résulte :

- le maintien de contrôles des personnes aux frontières entre les deux pays dans un cadre purement bilatéral ;

- la responsabilité particulière qui incombe à la France d'assurer un contrôle fiable des voyageurs en provenance du Royaume-Uni dans la mesure où ils peuvent ensuite circuler librement au sein de l'espace Schengen.

Le Royaume-Uni bénéficie d'un statut dérogatoire (" Opting out "), aux termes du traité d'Amsterdam (octobre 1997).

La spécificité britannique a été reconnue à deux titres :

- le Royaume-Uni peut participer à tout ou partie des dispositions de " l'acquis " de Schengen. Il a, depuis l'entrée en vigueur du traité, adopté une position très ouverte vis-à-vis de la coopération Schengen ; il a notamment accepté de participer au système d'information Schengen (SIS) même si certaines difficultés liées à l'harmonisation du format des données et à la capacité du SIS n'ont pas encore été réglées ;

- le Royaume-Uni est habilité à exercer à ses frontières avec d'autres Etats membres, sur les personnes souhaitant entrer sur son territoire, les contrôles jugés nécessaires ; les autres Etats membres sont habilités à exercer en contrepartie des contrôles sur les personnes qui cherchent à entrer sur leur territoire en provenance du Royaume-Uni.

Ainsi le dispositif mis en place à Amsterdam présente une souplesse indéniable pour notre voisin d'Outre Manche : il lui permet en effet de conjuguer le refus de principe d'une intervention de l'Union européenne dans les questions liées à la libre circulation des personnes sur son territoire avec la possibilité de participer, en fonction de ses intérêts, aux décisions prises par ses partenaires de l'Union.

Le Royaume-Uni n'en plaide pas moins, et avec une insistance accrue dans la période récente, pour un renforcement de la coopération européenne dans le domaine de l'immigration et en particulier pour une harmonisation des règles relatives à l'asile. Cette position quelque peu contradictoire se comprend mieux à la lumière de la pression migratoire croissante à laquelle le Royaume-Uni se trouve soumis et au sentiment désormais partagé par les autorités britanniques qu'une lutte efficace contre l'immigration clandestine passe nécessairement par une meilleure coordination des moyens et par une plus claire vision d'une politique européenne commune.

III. LES FAIBLESSES ACTUELLES DU CONTRÔLE DES PERSONNES À LA FRONTIÈRE FRANCO-BRITANNIQUE

1. Les voies d'accès au Royaume-Uni

Il existe trois voies d'accès au Royaume-Uni à partir de la France : la voie maritime, la voie ferroviaire et la voie aérienne. Le tableau ci-dessous permet de mesurer leur importance respective.

Flux de personnes entre la France et la Grande-Bretagne
au cours des cinq dernières années

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Voie aérienne

France/Grande-Bretagne

Grande-Bretagne/France

3 607 860

3 472 432

3 558 117

3 269 330

3 380 453

3 265 000

3 720 167

3 635 956

3 973 646

3 899 527

4 268 029

4 218 211

Voie ferroviaire

Trafic total dans les deux sens - nombre de passagers Eurostar

2 920 379

4 866 566

6 004 268

6 707 849

6 593 247

7 130 417

Nombre d'autocars

23 526

57 962

64 579

96 324

82 079

79 460

Nombre de véhicules légers

1 222 713

2 076 954

2 319 200

3 351 348

3 260 166

2 784 493

Voie maritime

France/Grande-Bretagne

Grande-Bretagne/France

12 883 71

12 823 350

13 000 691

13 000 984

13 374 438

13 451 305

12 288 561

12 388 881

11 536 379

11 585 597

chiffres non disponibles

chiffres non disponibles

On constate que les flux clandestins empruntent principalement la voie maritime .

Du 17 août 1999 au 31 décembre 2000, 30 071 irréguliers ont été interpellés au port de Calais, dont 25 331 au cours de l'année 2000, parmi lesquels figuraient 10 524 Irakiens, 5 072 Afghans, 2 366 Yougoslaves, 1 376 Turcs, 953 Sri-Lankais, 659 Iraniens, 461 Albanais, 440 Roumains, 369 Algériens, 342 Somaliens. 7 112 d'entre eux ont été placés en garde à vue, les autres faisant l'objet d'une procédure simplifiée en accord avec le Parquet local. 1 974 ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et 260 passeurs ont été écroués.

30 000 irréguliers sont interpellés au Port de Calais en 2000 ; 759 la même année, à la gare du Nord : l'écart des chiffres nous permet de prendre une meilleure mesure de la disparité des flux migratoires en fonction du moyen de transport emprunté. Le protocole additionnel au protocole de Sangatte ne porte que sur le contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni. Il constitue cependant un jalon nécessaire du renforcement des contrôles.

2. Le cadre juridique du contrôle de la liaison ferroviaire : le premier protocole de Sangatte

A la suite de la signature du traité de Canterbury du 12 février 1986 relatif à la construction et à l'exploitation de la liaison transmanche, le Royaume-Uni avait souhaité qu'un accord particulier définisse les dispositions consacrées aux contrôles frontaliers de la liaison fixe transmanche ainsi qu'à la coopération judiciaire en matière pénale et à la sécurité civile.

Cette liaison prend trois formes distinctes :

- le transport des voitures et camions sur des navettes que fait circuler la société concessionnaire Eurotunnel . Ces véhicules se présentent aux deux extrémités du tunnel situées, côté britannique, sur la commune de Cheriton et, côté français, sur la commune de Coquelles ;

- les trains directs de voyageurs (Paris-Londres, Lille-Londres). La désignation de trains directs ne recouvre pas tout à fait la réalité, dans la mesure où, sur la vingtaine de trains quotidiens de Paris à destination de Londres, trois s'arrêtent en gare de Calais-Frethun ;

- les trains de fret circulent principalement la nuit. Ils proviennent de toute l'Europe. Ils s'arrêtent en gare de Frethun afin de changer de locomotives pour emprunter la liaison fixe transmanche.

Le protocole de Sangatte , signé le 25 novembre 1991, ratifié par la loi n° 93-803 du 21 avril 1993 et entré en vigueur le 2 août 1993, répond aux préoccupations britanniques.

Ce texte prévoit la mise en place de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) dans les installations terminales de la liaison transmanche-Frethun, en territoire français et Folkestone, en territoire britannique, ainsi que la possibilité d'effectuer des contrôles à bord des trains.

Contrairement aux termes du texte, les BCNJ ont été installés en fait aux deux terminaux, en territoire britannique à Cheriton, et en territoire français à Coquelles. Sur chacun des deux terminaux, deux aubettes de contrôle ont été installées, la première pour assurer le contrôle de l'Etat de sortie, la seconde pour assurer le contrôle de l'Etat d'entrée.

3. Les obligations spécifiques de la France

Pour la France, les obligations de contrôle s'inscrivent dans le cadre plus général des obligations qui lui incombent au titre de la convention d'application de l'accord de Schengen .

A cet égard, l'article 6 de la convention mérite d'être cité :

Article 6

1. La circulation transfrontalière aux frontières extérieures est soumise au contrôle des autorités compétentes. Le contrôle est effectué selon des principes uniformes, dans le cadre des compétences nationales et de la législation nationale, en tenant compte des intérêts de toutes les Parties contractantes et pour les territoires des Parties contractantes.

2. Les principes uniformes mentionnés au paragraphe 1 sont les suivants :

a) Le contrôle des personnes comprend non seulement la vérification des documents de voyage et des autres conditions d'entrée, de séjour, de travail et de sortie, mais encore la recherche et la prévention de menaces pour la sécurité nationale et l'ordre public des Parties contractantes. Ce contrôle porte aussi sur les véhicules et les objets en possession des personnes franchissant la frontière. Il est effectué par chaque Partie contractante en conformité avec sa législation, notamment pour la fouille ;

b) Toutes les personnes doivent faire l'objet au moins d'un contrôle permettant l'établissement de leur identité à partir de la production ou de la présentation des documents de voyage ;

c) A l'entrée, les étrangers doivent être soumis à un contrôle approfondi, au sens des dispositions du point a) ;

d) A la sortie, il est procédé au contrôle requis dans l'intérêt de toutes les Parties contractantes en vertu du droit des étrangers et pour les besoins de la recherche et de la prévention de menaces pour la sécurité nationale et l'ordre public des Parties contractantes. Ce contrôle est exercé dans tous les cas à l'égard des étrangers ;

e) Si de tels contrôles ne peuvent être effectués en raison de circonstances particulières, des priorités devront être fixées. A cet égard, le contrôle de la circulation à l'entrée a, en principe, priorité sur le contrôle à la sortie.

La mise en oeuvre de contrôles " approfondis " à l'entrée et de contrôles à la sortie constitue bien l'une des garanties de la sécurité de l'Espace Schengen et engage ainsi la responsabilité de la France vis-à-vis de ses partenaires. La Grande-Bretagne semble à cet égard fondée à formuler quelques observations.

4. Dans les faits, une surveillance lacunaire

S'agissant des contrôles sur la liaison ferroviaire, la France s'en est tenue aux termes du protocole de Sangatte, sans prendre en compte les engagements liés à la convention d'application de l'accord de Schengen.

Les BCNJ installés à Coquelles et Cheriton permettent d'assurer le contrôle des véhicules empruntant les navettes d'Eurotunnel mais non le transport ferroviaire de fret qui passe, lui, par la gare de Calais-Frethun. La commune de Frethun se trouve en zone de compétence de gendarmerie. Les contrôles sont donc assurés dans cette gare par les gendarmes, tandis que la SNCF assume la responsabilité de la sécurité de ses infrastructures, afin d'interdire l'accès des clandestins aux trains de marchandises lors du stationnement en attente du changement de système de traction.

Les voyageurs empruntant les trains directs sont, en principe, contrôlés à bord de ces trains .

Contrairement aux termes de la convention de Schengen, aucun contrôle systématique d'entrée ou de sortie n'avait été instauré dans les gares françaises de départ ou d'arrivée de l'Eurostar. Le souci d'alléger le dispositif de surveillance a toujours été manifeste.

Les contrôles à bord des trains prévus par le protocole de Sangatte se sont révélés insuffisants : d'une part, ils étaient trop aléatoires (des contrôles plus fréquents auraient requis des moyens humains considérables) et, d'autre part, ils s'avéraient trop tardifs (une fois embarqué, un clandestin ne peut se voir imposer de sortir du train).

5. Un renforcement progressif des contrôles sous la pression des Britanniques

Les lacunes du dispositif français de contrôle ont progressivement constitué un sujet de préoccupation pour les autorités britanniques confrontées à des flux croissants d'immigration clandestine. Ainsi, le Royaume-Uni dut faire face, en août 1997, à un afflux de ressortissant Somaliens en situation irrégulière. Sous la pression britannique, la France a alors renforcé ses contrôles par étape.

Au cours d'une rencontre le 30 janvier 1998 avec son homologue britannique, le ministre de l'Intérieur français a accepté d'améliorer l'efficacité du dispositif de surveillance du transport ferroviaire des personnes. Un échange de lettres entre les deux ministres, en date des 24 et 29 juillet 1998, décida la création de bureaux de contrôle des voyageurs empruntant l'Eurostar. Cette mesure supposait cependant une modification du protocole de Sangatte et, en conséquence, des nouveaux délais qui s'accordaient mal aux besoins de la situation.

C'est pourquoi la PAF, après une expérience temporaire conduite à partir d'août 1997, mit en place en juin 1998 en gare du Nord des contrôles frontaliers permanents de sortie du territoire destinés à limiter le nombre d'immigrés clandestins empruntant l'Eurostar vers Londres.

Les contrôles à la gare du Nord ont progressivement remplacé les contrôles embarqués à bord des trains (3 638 en 1998, 596 en 1999 et 642 en 2000) . En pratique, les contrôles de sortie sont exercés dans la mezzanine au-dessus de la gare -point de passage obligé avant l'embarquement-, par deux équipes assurant deux vacations (5 h 45 à 13 h 45 et 13 h 30 à 21 h 30 - le premier train part à 6 h 37 et le dernier à 21 h 37). Les autres contrôles transfrontières sont exercés à bord des trains entre Paris et Londres par six équipes de deux fonctionnaires en civil.

Ces contrôles s'appuient sur un effectif de 71 fonctionnaires en poste à l'unité de contrôle des trains internationaux de la brigade des chemins de fer de la PAF de la gare du Nord.

Quel bilan peut-on dresser de ce renforcement du dispositif ? Le nombre de procédures diligentées sur la base d'infraction à la législation sur les étrangers ou d'utilisation de faux documents administratifs a augmenté au cours des trois dernières années : 252 en 1998, 453 en 1999 et 759 en 2000.

Ces résultats sont-ils liés à une efficacité accrue de la surveillance ou à une progression des flux migratoires ? Il est difficile de l'apprécier.

Par ailleurs, en gare de Lille-Europe, l'unité de la police aux frontières (UPAF), forte de 15 fonctionnaires, assure les contrôles transfrontières des voyageurs à destination de Londres, de 6 h 30 à 23 h (plage horaire des Eurostar). Le contrôle est exercé au niveau des aubettes donnant accès aux quais réservés aux voyageurs munis de leurs titres de transport.

En gare de Calais-Frethun, les fonctionnaires de l'UPAF basée à Coquelles se déplacent en fonction de l'arrivée de l'Eurostar. Les contrôles transfrontières sont réalisés avant l'embarquement dans un local de la gare.

Malgré ces renforcements, les contrôles souffrent de plusieurs faiblesses :

- d'une part, à l'exception de la gare de Frethun, les entrées dans l'espace Schengen par l'Eurostar ne sont pas vraiment contrôlées ;

- d'autre part, les contrôles de sortie exercés par la France se bornent à vérifier l'identité des voyageurs ; ils n'ont pas pour objet de s'assurer que le passager dispose des titres nécessaires pour accéder au territoire britannique (un visa, le cas échéant) ;

- enfin les contrôles britanniques a bord des trains sont trop tardifs : le clandestin demande immédiatement l'asile au Royaume-Uni.

C'est pourquoi le Royaume-Uni souhaiterait la mise en oeuvre rapide du principe d'un double contrôle français et britannique dans les gares de départ, arrêté en 1998.

IV. LE PROTOCOLE ADDITIONNEL AU PROTOCOLE DE SANGATTE : UN JALON NÉCESSAIRE POUR LE RENFORCEMENT DES CONTRÔLES

Le protocole additionnel formalise les engagements sur lesquels s'étaient accordés les deux ministres de l'intérieur dans les lettres échangées des 24 et 29 juillet 1998. Il comprend deux volets : la mise en place de bureaux de contrôle des personnes et l'aménagement des dispositions relatives aux demandes d'asile.

1. La mise en place des bureaux de contrôle des personnes

Le protocole de Sangatte, rappelons-le, prévoyait la mise en place de contrôles nationaux juxtaposés dans les installations terminales de la liaison transmanche, ainsi que la possibilité d'effectuer des contrôles à bord des trains.

Les gares d'accès au train étaient simplement considérées comme des zones de contrôle dites " passives " -les agents de l'Etat limitrophe ne pouvaient en effet y exercer des contrôles à proprement parler mais seulement utiliser ces zones pour les activités connexes et consécutives à des contrôles opérés dans les terminaux ou dans les trains directs. Concrètement, les agents britanniques ne pouvaient exercer de contrôles dans la gare du Nord. Toutefois, à la suite de contrôles effectués dans un train direct à destination de Londres, ils pouvaient procéder à des vérifications d'identité ou retenir une personne suspecte ou en infraction dans les zones de contrôle définies au sein de la gare du Nord.

Désormais, les agents du pays limitrophe pourront exercer le contrôle sur le territoire de l'autre partie dans le cadre des bureaux de contrôle de personnes empruntant les trains directs. Ces bureaux seront installés sur le territoire britannique, aux gares de Londres-Waterloo, Londres-Saint Pancras et Ashford et, sur le territoire français à Paris-Gare du Nord, Calais et Lille-Europe.

Selon le principe fixé par le protocole de Sangatte, les agents en poste sur le territoire de l'autre Etat agiront, dans l'exercice de leurs fonctions, conformément au droit de leur Etat d'origine.

La répartition des tâches est claire :

Le contrôle effectué par les autorités de l'Etat de départ aura pour but de vérifier que la personne peut quitter le territoire de cet Etat, celui exercé par les autorités de l'Etat d'arrivée aura pour objet de s'assurer que la personne est en possession des documents de voyage requis et remplit les autres conditions pour être autorisée à entrer dans l'autre Etat.

Les bureaux de contrôle de personnes constituent donc une structure inédite, distincte des traditionnels BCNJ, dans la mesure où leur contrôle porte sur les personnes exclusivement et non sur les biens.

2. L'examen des demandes d'asile

Le protocole additionnel a également pour objet d'alléger la charge supportée par le Royaume-Uni en matière d'examen des demandes d'asile.

En effet, actuellement, beaucoup d'étrangers en situation irrégulière transitant par la France pour se rendre au Royaume-Uni formulent leur demande d'asile dès leur arrivée sur le territoire britannique.

Les conditions de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, au sein de l'Union européenne, sont fixées par la convention de Dublin (signée le 15 juin 1990 et entrée en vigueur le ler septembre 1997). Cette convention pose pour principe qu'une demande d'asile ne peut être présentée que dans un seul Etat.

Le choix de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile obéit à des critères alternatifs précis et applicables dans l'ordre dans lequel ils sont énoncés. En premier rang :

- l'Etat ayant reconnu la qualité de réfugié à l'un des membres de la famille du demandeur d'asile,

- l'Etat ayant délivré un visa ou un titre de séjour au demandeur d'asile,

- l'Etat par le territoire duquel le demandeur d'asile a pénétré sur le " territoire commun ",

- le premier Etat auquel la demande d'asile a été présentée ;

La responsabilité de l'Etat est déterminée à l'issue d'une procédure administrative basée sur un entretien avec le demandeur d'asile et un questionnaire préétabli et commun à l'ensemble des Etats parties à la Convention. Le demandeur d'asile est physiquement transféré vers l'Etat déclaré responsable de la demande d'asile.

Le Royaume-Uni, soucieux de limiter le nombre des demandeurs d'asile sur son territoire, pourrait faire valoir comme critère de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, l'Etat par le territoire duquel le demandeur d'asile a d'abord pénétré dans l'Union européenne. Cependant, les demandeurs d'asile étant dans leur grande majorité démunis de tout document d'identité et de voyage, il est pratiquement impossible pour les Britanniques de réunir les éléments de preuve qui pourraient permettre d'identifier le premier Etat de l'Union européenne dans lequel ils sont entrés.

Dès lors, le critère selon lequel le premier Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été présentée est responsable de l'examen s'applique et le Royaume-Uni est obligé d'assurer le traitement de la demande d'asile.

La présence d'agents britanniques sur territoire français dans le cadre des futurs bureaux de contrôle des personnes introduit-elle un nouvel élément pour l'examen des demandes d'asile ?

Non, au regard de la convention de Dublin qui a prévu cette hypothèse : lorsqu'une demande est introduite auprès des autorités compétentes d'un Etat membre par un demandeur qui se trouve sur le territoire d'un autre Etat membre, la détermination de l'Etat membre responsable de la demande incombe alors à l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve le demandeur.

En d'autres termes, la France aurait, selon les termes de la convention, la possibilité de désigner le Royaume-Uni comme Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. Il est clair que la portée du protocole additionnel s'en trouverait dès lors fortement limitée. En effet, la présence d'un contrôle britannique sur le territoire français a pour objet de limiter l'entrée des clandestins. Or, l'examen par le Royaume-Uni de demandes d'asile déposées sur le territoire français conduirait à l'admission sur le territoire britannique de nombreux étrangers.

Mais le Royaume-Uni a souhaité que la France renonce au pouvoir d'appréciation que la convention de Dublin lui laissait et prenne en charge les demandes d'asile présentées aux agents de contrôle britanniques exerçant leurs fonctions dans les gares françaises.

Ceci a été décidé dans le cadre du protocole additionnel : l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile sera l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur, avant la fermeture définitive des portes du train et l'Etat d'arrivée, au-delà (article 4).

Le protocole additionnel introduit ainsi une obligation nouvelle pour l'Etat de départ et dans les faits pour la France.

Cependant, d'après les avis recueillis par votre rapporteur, les nouvelles modalités d'examen des demandes d'asile prévue par le protocole additionnel ne devraient pas se traduire par une surcharge de travail pour l'OFPRA, tant que la motivation des étrangers pour obtenir l'asile au Royaume-Uni n'aura pas disparue. Les étrangers pourraient alors chercher d'autres voies d'accès vers le Royaume-Uni plutôt que de déposer une demande d'asile en France. En effet, selon le traité de Dublin, il ne peut y avoir qu'une seule demande d'asile déposée auprès des Etats signataires. Une demande déposée en France élimine toute chance d'obtenir l'asile en Grande-Bretagne.

3. Une question de souveraineté

L'ensemble des voyageurs empruntant l'Eurostar est aujourd'hui soumis à un contrôle d'identité exercé par la PAF (sur la base de l'ordonnance de 1945 pour les voyageurs se rendant à Londres ; sur la base de l'article 78-2 du code de procédure pénale pour ceux qui restent sur le territoire national -contrôles autorisés dans les gares internationales). Cependant, à compter de l'entrée en vigueur de l'accord, ils seront aussi soumis à un contrôle exercé par les agents britanniques. Le protocole additionnel ne constitue une base juridique pour les contrôles exercés sur les seuls voyageurs se rendant au Royaume-Uni, et non pour ceux auxquels seront soumis les passagers demeurant sur le territoire français.

Les bureaux de contrôle ont pour objet de contrôler les " personnes empruntant les trains directs et désirant se rendre dans l'Etat d'arrivée " (article 2). Or, certains voyageurs empruntent l'Eurostar pour se rendre de Paris-gare du Nord à Calais-Frethun. Ils ne devraient pas être soumis à contrôle. Cependant, en l'absence de ce contrôle, les irréguliers peuvent aisément produire un billet Paris-Calais et rester dans le train jusqu'à Londres. Les autorités britanniques, dans le cadre des négociations relatives au protocole additionnel au protocole de Sangatte, ont demandé que soit supprimé l'arrêt de Calais, ce que la partie française ne pouvait accepter.

C'est pourquoi, une mesure législative intérieure s'avérait indispensable pour justifier le contrôle, par des agents britanniques, des ressortissants français qui restaient sur le territoire national .

L'article 14 du projet de loi sur la sécurité quotidienne, présenté par ailleurs en conseil des ministres le 14 mars dernier, prévoit que " les passagers empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni peuvent être soumis aux contrôles prévus [par le protocole additionnel au protocole de Sangatte à compter de sa date d'entrée en vigueur] quelle que soit leur gare de destination ".

Il n'appartient naturellement pas à votre rapporteur de se prononcer sur cette disposition qui sera examinée par notre commission des lois.

4. Une évaluation des moyens

Des aménagements de locaux seront nécessaires pour réaliser rapidement cette modification substantielle du système de contrôle Eurostar en gare du Nord, à Londres Waterloo et Ashford.

Des effectifs supplémentaires ont été évalués avec des créations de postes indispensables.

Le budget du ministère de l'intérieur pour 2002 devra donc nécessairement prendre en compte les nouveaux besoins matériels et humains liés à l'entrée en vigueur du protocole additionnel au protocole de Sangatte.

CONCLUSION

Le protocole additionnel de Sangatte ne constitue qu'une réponse partielle aux difficultés du contrôle des personnes entre la France et le Royaume-Uni.

En effet, il ne renforce le dispositif de contrôle que pour les trains directs de voyageurs. Il ne concerne pas les trains de fret que peuvent également emprunter les étrangers en situation irrégulière.

Le protocole additionnel est ainsi sensé régler pour les trains de voyageurs la question des amendes qu'entend appliquer le Royaume-Uni pour le transport de clandestin. Il la laisse entière pour le fret.

Mais il convient de rappeler également qu'une part prédominante du flux d'immigration clandestine emprunte la voie maritime.

C'est pourquoi, lors du sommet franco-britannique de Cahors du 9 février 2001, les deux parties sont convenues de créer une commission transmanche chargée d'examiner de nouvelles mesures pour lutter contre le passage de clandestins dans les wagons de fret et dans les transports routiers de marchandises. Selon les conclusions du sommet de Cahors, cette commission " examinera les conditions dans lesquelles seront dispensés de pénalités les transports ayant correctement appliqué le " code of practice ", conformément à la loi britannique de 1999 ".

Le protocole additionnel de Sangatte permettra sans doute des contrôles plus efficaces à la frontière extérieure de l'espace Schengen. Le texte trouvera son complément nécessaire dans le renforcement de la coopération franco-britannique en matière de lutte contre l'immigration clandestine. L'expérience démontrera une fois encore que les accords bilatéraux ou régionaux resteront le formules les plus efficaces pour contrôler des phénomènes migratoires de pauvreté qui s'imposeront à l'Europe dans la décennie à venir.

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous invite à adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 29 mars 2001.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est d'abord demandé si le Royaume-Uni se résoudrait à modifier prochainement sa politique actuelle en matière de droit d'asile, qui constituait le principal motif de l'attraction exercée, par ce pays, sur les immigrés clandestins. Par ailleurs, il a regretté que les sanctions actuellement appliquées aux transporteurs soient excessivement légères au regard des bénéfices que ces derniers pouvaient tirer de l'immigration clandestine. Enfin, il a interrogé le rapporteur sur l'application du principe, reconnu par la convention de Dublin, selon lequel l'Etat responsable de la demande d'asile était le premier Etat membre par lequel le demandeur avait accédé au territoire de l'Union européenne.

M. Paul Masson, rapporteur, a précisé sur ce point que, soucieux de présenter sa demande d'asile dans l'Etat de son choix, l'étranger en situation irrégulière procédait souvent à la destruction des éléments de preuve qui permettaient d'identifier l'Etat par lequel il avait d'abord pénétré sur le territoire de l'Union européenne. Par ailleurs, il a relevé que le Royaume-Uni avait renforcé sa législation relative au droit d'asile en 1999, même si ce nouveau dispositif n'avait pas produit les effets escomptés. Il a également observé que notre pays n'appliquait pas aux transporteurs les sanctions financières avec la rigueur qu'impliquerait pourtant la situation actuelle de l'immigration clandestine.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné, pour sa part, que la question de l'immigration clandestine représentait pour la commission un sujet d'intérêt majeur. Il a attiré notamment l'attention sur les nombreuses interrogations qui demeuraient encore sur les conditions dans lesquelles des immigrés kurdes étaient arrivés récemment sur notre territoire.

M. Christian de La Malène a souhaité savoir s'il était possible d'établir une projection sur l'évolution prochaine des demandes d'asile. Tout en relevant que ces demandes s'inscrivaient dans le cadre d'une pression migratoire croissante, le rapporteur a souligné qu'il était extrêmement difficile de faire, dans ce domaine, des prévisions précises. M. Robert Del Picchia a indiqué, sur ce point, que les forces chargées de la surveillance des frontières en Allemagne et en Autriche tablaient, pour leur part, sur une progression annuelle de 20 % des demandes d'asile.

M. Paul Masson, rapporteur, a estimé, d'une manière générale, que les procédures juridiques mises en oeuvre par les Etats pour mieux contrôler les flux aux frontières, demeuraient toujours en deçà des méthodes des organisateurs de l'immigration clandestine et de leur efficacité croissante.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin interrogé le rapporteur sur une éventuelle adhésion du Royaume-Uni aux accords de Schengen. M. Paul Masson, rapporteur, a répondu que si le Royaume-Uni, soucieux de ne pas aliéner sa souveraineté, avait, pour l'heure, refusé de rejoindre l'espace Schengen, il pouvait cependant, aux termes du traité d'Amsterdam, participer à tout ou partie des dispositions de l'  " acquis " de Schengen, et qu'il avait ainsi pris part au système d'information Schengen (SIS).

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation du Protocole additionnel au Protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni, signé à Bruxelles le 29 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

I. ETAT DE DROIT ET SITUATION DE FAITS EXISTANTS ET LEURS INSUFFISANCES

Depuis plusieurs années, la pression migratoire s'accroît au Royaume-Uni. Ce phénomène a connu , à compter de l'automne 1997, une accélération sensible en raison de l'afflux de ressortissants somaliens. Il s'est poursuivi depuis, à la suite notamment des événements du Kosovo. C'est ainsi que le nombre des demandeurs d'asile au Royaume-Uni est passée de 45 000 en 1998 à plus de 70 000 en 1999.

Cette situation est due en premier lieu au caractère attractif que revêtent les prestations offertes aux demandeurs d'asile politique dans cet Etat (ce qui a conduit d'ailleurs les autorités britanniques à modifier les mesures existantes, notamment en ce qui concerne les avantages pécuniaires et sociaux) et en second lieu aux facilités d'accès au marché de l'emploi.

Ces flux d'immigration utilisent essentiellement les voies terrestres, qu'elles soient routières et ferroviaires, et empruntent le plus souvent le territoire français.

C'est pourquoi, dans le cadre de la coopération étroite qu'elle entretient avec les autorités britanniques, la France a procédé à des opérations de contrôle renforcé des personnes aux endroits les plus sensibles. La direction centrale de la police aux frontières a ainsi mis en place, notamment dans le département du Pas-de-Calais, un dispositif spécifique de lutte contre l'immigration clandestine à compter du mois d'août 1999. Cette mesure a été efficace et, à ce jour, près de 29 000 personnes ont été interpellées, et plus de 400 passeurs ont été déférés au Parquet.

Cependant, il est apparu que la liaison ferroviaire entre la France et le Royaume-Uni posait des problèmes spécifiques qui nécessitaient des solutions adaptées à une situation qui n'existait pas lors de la signature des textes initiaux.

En effet, le Protocole relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière pénale, à la sécurité civile et à l'assistance mutuelle, signé à Sangatte le 25 novembre 1991 et ratifié par la loi n° 93-803 du 21 avril 1993, prévoit uniquement l'existence de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés dans les installations terminales de la liaison transmanche, à savoir à Frethun en territoire français, et à Folkestone en territoire britannique, ainsi que la possibilité d'effectuer des contrôles à bord des trains.

II. BÉNÉFICES ESCOMPTÉS

1. De manière générale

a) Ce texte a pour objectif principal de lutter contre l'immigration clandestine et l'action des filières. Par la création des bureaux de contrôle des personnes dans les gares, les deux Etats auront en effet désormais la possibilité d'assurer en amont, avant l'accès au train, le contrôle des personnes franchissant la frontière, ce qui est de nature à permettre d'endiguer les flux d'immigration clandestine et de faire échec à l'entrée dans chacun des Etats de personnes indésirables.

Il appartient naturellement à chacun des deux Etats de mettre concrètement en oeuvre le fonctionnement de tout ou partie des bureaux de contrôle visés, compte tenu de l'appréciation qu'il fait de la capacité de ces structures à optimiser l'efficience du contrôle exercé.

Il convient en outre de rappeler la configuration particulière de la frontière franco-britannique : l'absence de continuité territoriale entre les deux Etats ne permet pas la proximité des services chargés du contrôle de la frontière, gage d'une coopération policière indispensable.

b) Par ailleurs, les dispositions du protocole additionnel prévoient que lorsqu'un passager présentera une demande d'asile sur le territoire de l'Etat de départ, cette demande sera examinée par les autorités de cet Etat, qu'elle ait été faite devant les autorités de l'Etat de départ ou d'arrivée. Cependant, dans le cas où une telle demande est effectuée postérieurement à la fermeture des portes du train au dernier arrêt prévu dans une gare située sur le territoire de l'Etat de départ, elle est traitée par l'Etat d'arrivée, selon ses procédures et règles de droit interne.

Ces dispositions complètent les dispositions de la Convention relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres de la Communauté européenne signé à Dublin, le 15 juin 1990. En vertu de cette dernière convention, l'Etat considéré comme l'Etat de départ par le protocole additionnel au protocole de Sangatte est déjà responsable de la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Il a, en outre, le droit d'examiner -à condition que le demandeur d'asile y consente- une demande d'asile qui lui est présentée par un étranger même si cet examen ne lui incombe pas directement en vertu des critères définis dans la Convention de Dublin.

c) En outre, il permettra d'accroître le crédit de la France auprès de ses partenaires Schengen dans la mesure où il lui revient d'assumer à leur égard le contrôle de cette frontière extérieure.

2. Impact sur l'emploi :

Néant.

3. Incidences financières :

Elles sont difficiles à apprécier en l'état actuel des choses, d'une part parce que cette question sera réglée par un arrangement administratif ultérieur, d'autre part, parce qu'il conviendra, le moment venu, d'apprécier, notamment au regard des flux migratoires observés, le volume des moyens qui devront être alloués sur chacun des sites concernés. Les investissements nécessaires devraient être, en toute hypothèse, très modestes.

4. Impact en termes de formalités administratives :

Néant.

5. Conséquences en termes de complexité administrative :

Des arrangements administratifs devront intervenir pour régler les conditions matérielles et financières de l'installation des bureaux, ainsi que pour déterminer les conditions du port d'armes par les policiers français en territoire britannique.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 220 rectifié (2000-2001).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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