Section 5
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Accès à l'emploi des travailleurs handicapés

Art. 39
(art. L. 323-4, L. 323-8, L. 323-8-1, L. 323-32, L. 323-33 et L. 362-2 du code du travail, art. 175 du code de la famille et de l'aide sociale)
Nouvelles modalités devant permettre l'insertion professionnelle
des travailleurs handicapés

Objet : Cet article a pour objet de modifier certaines dispositions de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés afin de lui donner plus d'efficacité. L'Assemblée nationale en première lecture a sensiblement affaibli le dispositif en supprimant deux dispositions importantes du texte qui visaient, d'une part, à faciliter l'embauche de personnes handicapées dans le cadre de contrats d'insertion en alternance et d'autre part à lever une incertitude juridique qui pesait sur les ateliers protégés à propos de la base de calcul des accessoires de salaires à leurs salariés handicapés.

I - Le dispositif proposé

La loi du 10 juillet 1987 ( cf. encadré ci-après ) a permis le maintien d'un taux d'emploi de 4 % de l'emploi total des établissements assujettis au cours de ces dernières années y compris dans les périodes de difficultés économiques.

Cet article propose quelques améliorations d'ordre technique à ce texte.

Les principes fondamentaux de la loi du 10 juillet 1987

Quatre lois importantes ont été adoptées afin de promouvoir la place des personnes handicapées dans notre société en particulier dans le monde du travail. :

- la loi du 2 août 1949 (dite " loi Cordonnier ") créant l'allocation de compensation aux grands infirmes travailleurs ;

- la loi du 23 novembre 1957 qui a créé les ateliers protégés et posé le principe que devait être considérée comme travailleur handicapé " toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d'une insuffisance ou d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales " ;

- la loi d'orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 qui a fait de l'intégration sociale des personnes handicapées une " obligation nationale " et a institué les COTOREP ainsi que la garantie de ressources pour les travailleurs handicapés (GRTH) ;

- la loi du 10 juillet 1987 qui a renforcé la législation antérieure en prévoyant une obligation d'emploi en faveur des travailleurs handicapés.

Tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d'employer, à temps plein ou à temps partiel, des bénéficiaires des dispositions relatives aux travailleurs handicapés dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés.

La loi précise que le service public est également soumis à l'obligation d'emploi. Pour les entreprises à établissements multiples, cette obligation d'emploi s'applique à chacun des établissements occupant 20 salariés ou plus. Les entreprises peuvent atteindre le seuil légal (6 %) par le seul emploi direct ou recourir aux alternatives prévues par la loi pour satisfaire à leur obligation d'emploi de salariés handicapés.

Ainsi, les employeurs peuvent remplir l'obligation d'emploi :

- en passant des contrats de sous-traitance ou de prestations de service avec des établissements de travail protégé, sans toutefois pouvoir dépasser la limite de 50 % de l'obligation d'emploi ;

- en faisant application d'un accord de branche (ou d'entreprise) prévoyant la mise en oeuvre d'un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés dans les conditions précisées à l'article L. 323-8 du code du travail, cet accord devant être agréé par l'administration ;

- en versant au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires qu'ils auraient dû employer. Le montant de cette contribution est fixé par un arrêté dans la limite de 500 fois le SMIC (horaire) et peut être modulé en fonction de la taille de l'entreprise (et non celle de l'établissement).

Aux termes de l'article L. 323-3, les bénéficiaires de la garantie d'emploi reconnus par la loi sont :

- les travailleurs handicapés, reconnus comme tels par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) ;

- les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité partielle permanente (IPP) au moins égale à 10 % ;

- les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre d'un régime de protection sociale obligatoire (ou de dispositions régissant les agents publics) à condition que cette invalidité réduise des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

- les victimes de guerre, anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité, les veuves et orphelins de guerre ainsi que les femmes d'invalides internés pour aliénation mentale imputable à un fait de guerre.

- les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d'une allocation ou d'une rente d'invalidité au titre d'un accident survenu ou de maladie contractée en service.

Le I de cet article propose de diversifier les conditions d'accès de la personne handicapée à l'entreprise

Aux termes de l'article L. 323-4 du code du travail sont considérés comme inclus dans l'effectif annuel des travailleurs handicapés :

- les salariés handicapés sous contrat à durée indéterminée (CDI),

- les salariés handicapés sous contrat à durée déterminée (CDD), sous contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à disposition, y compris les travailleurs temporaires au prorata de leur temps de présence au cours des douze derniers mois (sauf s'ils remplacent un salarié absent ou suspendu),

- les salariés à temps partiel,

- les apprentis.

Le I de cet article a pour objet d'inclure dans la liste susvisée les personnes handicapées titulaires d'un contrat d'insertion en alternance (contrat de qualification, contrat d'adaptation et contrat d'orientation).

•  Toujours afin de diversifier la possibilité d'accès des personnes handicapées au monde l'entreprise, le II de cet article complète l'article L. 323-8 de cet article afin de préciser que les employeurs privés visés à l'article L. 323-1 peuvent s'acquitter de l'obligation d'emploi en accueillant des travailleurs handicapés dans le cadre de stages de formation professionnelle.

Deux catégories de stagiaires handicapés sont concernés selon l'exposé des motifs du projet de loi :

- les demandeurs d'emploi ou les non-salariés effectuant un stage agréé et rémunéré par l'Etat ou la région ainsi que les bénéficiaires d'un stage d'accès à l'entreprise (SAE) ou d'un stage d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) ;

- les bénéficiaires de l'allocation de formation reclassement (AFR) ; il s'agit des bénéficiaires de stages financés concurremment par les institutions mentionnées à l'article L. 351-21, c'est-à-dire les institutions gestionnaires de l'assurance chômage chargées de gérer les allocations de solidarité versées au titre de la solidarité nationale.

Le III de cet article rend plus contraignantes les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent, à titre alternatif, s'acquitter de leur obligation d'emploi en appliquant un accord collectif (accord de branche, d'entreprise ou d'établissement) en faveur des travailleurs handicapés.

Actuellement, aux termes de l'article L. 323-8-1 du code du travail, ces accords doivent comporter au moins deux des actions suivantes :

- plan d'embauche en milieu ordinaire,

- plan d'insertion et de formation,

- plan d'adaptation aux mutations technologiques,

- plan de maintien en cas de licenciement.

Cet article propose que ces accords collectifs prévoient obligatoirement un plan d'embauche des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail et au moins deux des trois dernières actions citées ci-dessus.

Le IV de cet article a pour objet de préciser la base de calcul des accessoires de salaires dus aux travailleurs handicapés employés en ateliers protégés suite à l'inquiétude suscitée pour leurs employeurs des conséquences financières résultant d'un arrêt du 29 juin 1999 de la Cour de cassation (" Bretagne ateliers ") .

Les ateliers protégés

Contrairement aux centres d'aide par le travail (CAT) qui sont des institutions médico-sociales accueillant des personnes lourdement handicapées, les ateliers protégés issus de la loi du 23 novembre 1997 ont été conçus comme des unités de production relevant d'une logique économique.

L'atelier protégé est intégré dans l'économie de marché et, en conséquence, l'ensemble des dispositions réglementaires et contractuelles en vigueur dans les entreprises lui sont applicables ( art. L. 323-32 du code du travail ).

Les ateliers protégés ont pour rôle de permettre aux handicapés d'exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs possibilités. Ils doivent, en outre, favoriser la promotion des travailleurs handicapés et leur accession à des emplois dans le milieu ordinaire de travail.

Sont concernés les travailleurs handicapés dont la capacité de travail est au moins égale à un tiers de celle d'un travailleur valide effectuant les mêmes tâches.

Selon les nécessités de leur production, les ateliers protégés peuvent embaucher des salariés valides dans la limite de 20 % de leurs effectifs.

Les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile (assimilés aux ateliers protégés) peuvent être créés par les collectivités ou organismes publics et privés et, notamment, par les entreprises.

Ils doivent être agréés par le représentant de l'Etat dans la région.

Le travailleur handicapé qui a pu obtenir une place dans un atelier protégé (ou dans un centre de distribution de travail à domicile) reçoit un salaire minimum égal au SMIC affecté du même pourcentage que celui du rendement atteint par l'intéressé par rapport à un rendement normal, sans pouvoir être inférieur à 35 % du SMIC.

Ce minimum de 35 % du SMIC s'applique aussi en cas de période d'essai décidée par la COTOREP.

La garantie de ressources applicable en atelier protégé (ou dans un centre de distribution de travail à domicile) est normalement fixée à 90 % du SMIC, y compris pendant la période d'essai. Toutefois, lorsque le salaire versé par l'employeur (minimum 35 % du SMIC) ne dépasse pas 45 %, le complément de rémunération est uniformément fixé à 55 % du SMIC (la garantie de ressources peut donc, dans ce cas, aller jusqu'à 100 % du SMIC).

La garantie de ressources en milieu protégé peut bénéficier d'une bonification attribuée pour tenir compte du travail effectivement fourni. Cette majoration peut porter la garantie de ressources à 130 % du SMIC pour le travailleur handicapé en atelier protégé (ou en centre de distribution de travail à domicile).

Au 31 décembre 1999, 16.765 travailleurs handicapés étaient employés dans 532 ateliers protégés et 16 centres de distribution de travail à domicile. En vingt ans, le nombre de structures a été multiplié par cinq et l'effectif des salariés employés a triplé.

Les ateliers protégés s'inscrivent dans de multiples secteurs d'activité, tant dans l'industrie (câblage électrique, électronique, montage électromagnétique, menuiserie, confection,...) que dans les services (conditionnement à façon, imprimerie, façonnage de documents, nettoyage industriel, blanchisserie, espaces verts, restauration, routage, bureautique, etc.). Sont abordés également des marchés d'avenir , tels que le marketing téléphonique ou encore le tri sélectif des déchets. Les estimations actuelles, basées sur des extrapolations, font état d'un chiffre d'affaires du secteur de plus de 2 milliards de francs .

Conformément à l'article L. 323-32 du code du travail, les travailleurs handicapés sont soumis aux dispositions de la convention collective applicable à la branche d'activité à laquelle se rattache l'établissement compte tenu de sa production ; s'agissant du salaire, ils bénéficient toutefois du régime dérogatoire de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH).

Handicapés

Garantie de ressources minimales

Salaire légal ou conventionnel

Complément de rémunération

Admis dans un atelier protégé (ou centre de distribution de travail à domicile)

= 90 % du SMIC (voire 100 % si le salaire réel atteint 45 % du SMIC) + bonification possible jusqu'à 130 % du SMIC.

Salaire minimum au prorata du SMIC, et au moins égal à 35 % du SMIC.

= 55 % du SMIC si le salaire réel est compris entre 35 et 45 % du SMIC, sinon montant dû pour atteindre 90 % du SMIC (voire 130 % du SMIC).

En vertu de l'article 33 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, le complément de rémunération sert d'assiette pour certaines cotisations sociales limitativement énumérées (maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, accident du travail, allocations familiales, retraite complémentaire, assurance chômage).

Il reste que, comme tout salarié, les travailleurs handicapés peuvent également percevoir des accessoires de salaire constitués le plus souvent par des primes d'ancienneté ou d'autres avantages conventionnels comme des primes de vacances, de fin d'année, des indemnités de transport, ou des primes de panier. Des litiges sont intervenus entre employeurs et salariés sur le mode de calcul de ces accessoires.

Dans son arrêt de juin 1999, la Cour de cassation a rappelé le principe que les travailleurs handicapés employés dans les ateliers protégés devaient bénéficier des avantages prévus par les conventions collectives, à la différence des CAT. La Cour de cassation a posé également le principe selon lequel l'assiette de référence pour le calcul de l'accessoire de salaire devait être l'intégralité de la garantie de ressources aux travailleurs handicapés, et non la seule part salariale de leur rémunération, sans pour autant se prononcer sur la répartition du coût entre l'employeur et l'Etat.

Cette décision place les ateliers protégés en situation de devoir payer les accessoires de salaire sur l'intégralité de la garantie de ressources sans possibilité d'espérer un remboursement de l'Etat sur la part du complément de rémunération.

Dans son avis sur le budget relatif à la solidarité dans le projet de loi de finances pour 2001, notre collègue, M. Jean Chérioux, avait souligné l'impact financier de cette situation pour les ateliers protégés qui avaient alerté son attention.

Le IV de cet article a été proposé par le Gouvernement afin de préciser que les accessoires de salaire résultant des conventions collectives applicables sont dus à proportion du salaire direct.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a tout d'abord supprimé, à la demande de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, deux paragraphes importants de cet article .

Malgré l'avis défavorable du Gouvernement, elle a supprimé le II qui permettait de prendre en compte les personnes handicapées bénéficiaires d'un stage de formation professionnelle dans le calcul du ratio d'embauche de travailleurs handicapés.

M. Gérard Terrier, rapporteur, a indiqué que cette suppression était prise en quelque sorte " à titre conservatoire " dans l'attente de l'avis des associations concernées, en mettant en avant que la disposition en cause permettrait aux entreprises d'échapper à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés en accueillant des stagiaires financés, non pas par les entreprises, mais par des aides de l'Etat ou des régions.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a supprimé le IV relatif au mode de calcul des accessoires de salaire en milieu protégé au motif que le mode de calcul proposé par le Gouvernement -qui revient en fait au principe du calcul des accessoires sur la base du seul salaire direct versé par les entreprises- avait pour conséquence de " réduire le pouvoir d'achat des travailleurs handicapés ". Il est à noter que le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur une disposition pourtant présentée par lui et adoptée en Conseil des ministres.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté quatre paragraphes nouveaux à la demande du Gouvernement, suite à un amendement déposé en séance publique.

Le V de cet article supprime l'article L. 323-33 du code du travail qui institue des labels destinés à garantir l'origine des produits fabriqués par les travailleurs handicapés.

Le VI prévoit que les entreprises actuellement titulaires de ces labels pourront continuer à en faire usage dans les six mois de la publication de la présente loi.

Le VII abroge l'article L. 362-2 du code du travail qui prévoyait les sanctions pénales applicables aux personnes utilisant illégalement le label précité.

Le VIII enfin abroge l'article 175 du code de la famille et de l'aide sociale qui prévoit que, pour l'ensemble des marchés publics " relatifs aux articles dits de grosse brosserie de savons et de savonnettes, cirages et encaustiques ", les offres présentées par des organismes agréés employant des travailleurs aveugles ou handicapés devaient être traitées " par priorité à égalité de prix ou d'équivalence d'offres ".

Le Gouvernement a mis en avant plusieurs arguments pour la suppression de ces dispositions :

- le fait que ces dispositions anciennes avaient été adoptées à une époque où l'aide naissante à l'insertion des travailleurs handicapés avait " une connotation de solidarité publique " ;

- les dérives constatées dans l'utilisation du label et de l'agrément ;

- la constatation que la délivrance du label n'était plus que " marginale " et que la priorité en matière de commande publique n'était dans les faits plus appliquée.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement afin de rétablir le principe de l'intégration des stagiaires handicapés de la formation professionnelle dans l'effectif des travailleurs handicapés de l'entreprise .

A l'évidence, comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi lui-même, " l'accès à l'emploi se réalise souvent après un stage effectué par le demandeur d'emploi " en particulier pour les personnes handicapées pour lesquelles un stage " est très souvent l'occasion de démontrer ses compétences professionnelles tout en faisant évoluer les représentations liées au handicap ".

Ce serait donc procéder d'un a priori quasi idéologique à l'encontre des entreprises en général que de ne pas reconnaître le caractère positif de la démarche d'intégration de personnels handicapés par la voie de stages de formation. L'objectif premier de la loi de juillet 1987 n'est pas de " pénaliser " les entreprises mais concrètement de faciliter l'accès de la personne handicapée à des postes de travail ordinaire.

Le décompte lui-même dans les effectifs de l'entreprise ne saurait donner lieu par lui-même à des abus puisque -comme c'est déjà le cas pour d'autres catégories de personnes handicapées en formation telles que les apprentis- le décompte sera effectué en tenant compte de la durée de présence effective du stagiaire au cours de l'exercice des douze mois .

Cet article se borne donc à corriger une anomalie du mode de calcul des travailleurs handicapés.

Par ailleurs, votre commission vous proposera un deuxième amendement afin d'inviter l'Etat a faire face à ses responsabilités en ce qui concerne le mode de calcul des accessoires de salaire du travailleur handicapé en atelier protégé.

Si la suppression du IV de l'article 39 peut s'expliquer par le souci de l'Assemblée nationale de ne pas réduire les rémunérations accessoires des travailleurs handicapés par rapport à la situation créée depuis juin 1999 par la décision de la Cour de cassation, il est frappant de constater que nos collègues députés ne sont pas allés au bout de leur raisonnement : si les travailleurs handicapés doivent bénéficier des avantages conventionnels sur l'ensemble de la garantie de ressources, c'est à l'Etat qu'il appartient logiquement de prendre en charge la part de ces accessoires liée au complément de rémunération dont il assure seul la charge.

En l'état, le vote de l'Assemblée nationale fait supporter aux seuls employeurs des ateliers protégés la charge de ces accessoires au risque de déséquilibrer fortement la situation financière de ces organismes déjà fragiles et d'entraîner mécaniquement la fermeture de certaines d'entre eux au détriment en définitive des travailleurs handicapés ainsi mis au chômage .

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement précisant que les accessoires de salaire prennent pour assiette l'intégralité de la garantie de ressources, la part de l'Etat étant calculée proportionnellement au complément de rémunération dans la limite de plafonds fixés par décret.

L'édiction de plafonds permet de limiter le risque de " dérapage " des avantages conventionnels dont l'Etat ne maîtrise pas l'évolution, sachant que la part assumée par l'employeur lui-même aura en tout état de cause le rôle d'un " ticket modérateur ".

Votre commission vous propose d'adopter par amendement deux paragraphes supplémentaires à cet article concernant les ateliers protégés.

Un amendement propose d'insérer un paragraphe supplémentaire après le paragraphe IV afin d'éviter que les mises à disposition provisoire de travailleurs handicapés effectuées par les ateliers protégés en vue de favoriser l'adaptation en milieu ordinaire ou une éventuelle embauche ne soit considérée automatiquement comme un prêt illicite de main d'oeuvre.

Selon les termes de la loi, la réinsertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail fait partie des missions incombant aux ateliers protégés.

Afin de faciliter cette réinsertion, l'article L. 323-32 du code du travail, issu de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, a prévu que les ateliers protégés pouvaient mettre à disposition un ou plusieurs travailleurs handicapés " dans les conditions prévues à l'article L. 125-3 du code du travail (relatif au prêt illicite de main d'oeuvre) suivant des modalités fixées par décrets ".

Le décret n° 78-106 du 27 janvier 1978, codifié aux articles D 323-25-3 à D 323-25-5 du code du travail, a effectivement été pris pour éviter toute dérive dans cette pratique. Les mises à disposition sont limitées à un an.

Une difficulté est survenue suite à un changement d'interprétation par les inspections du travail de l'article L. 125-3 du code du travail : ce dernier dispose que toute opération à but lucratif ayant " pour objet exclusif " le prêt de main d'oeuvre devaient s'effectuer dans le cadre des dispositions prévues en matière de travail temporaire.

Or, de nombreux ateliers protégés sont conduits à facturer à l'entreprise un coût supérieur à celui du seul coût salarial brut du travailleur handicapé pour tenir compte des frais d'accompagnement de la personne handicapée et des frais de gestion.

Il semblerait que diverses inspections du travail aient considéré que les ateliers protégés, nonobstant leur rôle de réinsertion des travailleurs handicapés, effectuaient ainsi une opération ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre qui ne pouvait donc être régulièrement opérée que par des entreprises de travail temporaire.

L'amendement de votre rapporteur vise donc à écarter, s'agissant des ateliers protégés, les dispositions relatives au prêt illicite de main d'oeuvre, étant entendu toutefois que les conditions de cette mise à disposition seront rigoureusement encadrées par décret afin d'éviter tout abus (mise à disposition de longue durée).

Par ailleurs, votre commission vous propose d'adopter un amendement afin de reconnaître sur le plan législatif la mission d'intérêt général assumée par les ateliers protégés .

Les ateliers protégés ont incontestablement une double nature liée à leur rôle en matière d'intégration professionnelle des travailleurs handicapés et à leur vocation à agir comme des unités de production sur le marché économique.

Votre rapporteur a été informé que les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile sont actuellement sous la menace de recours de fédérations professionnelles pour distorsion de concurrence auprès de la Cour de justice Européenne, au motif qu'ils perçoivent des subventions de l'Etat, de collectivités territoriales ou d'organismes de sécurité sociale.

Il ressort de la jurisprudence de la cour de justice européenne que les activités exercées par des organismes dont les fonctions sont essentiellement sociales, qui ne réalisent pas de profits et n'ont pas pour objectif de pratiquer une activité industrielle ou commerciale, sont normalement exclues de l'application des règles communautaires relatives à la concurrence et au marché intérieur.

En revanche, lorsque de tels organismes, dans l'accomplissement de leur mission d'intérêt général, s'engagent dans des activités économiques, l'application des règles communautaires à ces activités économiques tient compte notamment de l'environnement social et culturel dans lequel ces activités sont exercées.

Si l'utilité sociale des ateliers protégés est incontestable, il est néanmoins particulièrement important que le législateur français reconnaisse lui-même leur mission d'intérêt général.

D'ores et déjà, dans le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, l'article 3 mentionne " les missions d'intérêt général et d'utilité sociale " assumées par les établissements et services sociaux et médico-sociaux entrant dans le champ de la loi ; cette disposition recouvre les centres d'aide par le travail (CAT) qui sont des institutions médico-sociales, mais elle ne concerne pas en revanche les ateliers protégés qui relèvent du code du travail. Ceux-ci pourraient paradoxalement être fragilisés par un raisonnement a contrario après la promulgation de la révision de la loi de 1975.

Il est donc urgent de saisir l'occasion ouverte par le présent projet de loi pour faire reconnaître la mission d'intérêt général accomplie par les ateliers protégés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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