Section 2
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Financement de l'apprentissage

Si le projet de loi aborde le financement de l'apprentissage, les dispositions proposées, qui concernent le financement des centres de formation d'apprentis (CFA) et la collecte de la taxe d'apprentissage, ne constituent pas, loin s'en faut, la réforme si souvent attendue, mais si souvent reportée de l'apprentissage. La plupart des personnes auditionnées, sur ce sujet, par votre rapporteur l'ont d'ailleurs qualifiée de " réformette ".

Certes, votre commission se félicite que ces dispositions rompent avec la vision strictement budgétaire de l'apprentissage qu'a retenu le Gouvernement depuis 1997. En la matière, sa politique se limitait jusqu'à présent à une succession de mesures " malthusiennes " visant à réduire les primes à l'embauche d'apprentis (lois de finances pour 1999 et pour 2001).

Quelques données chiffrées sur l'apprentissage

o Les apprentis

Au 31 décembre 1999, le nombre d'apprentis sur la France entière s'élevait à 364.650.

En 1999, près de 230.000 jeunes sont entrés en apprentissage.

Le niveau de la formation préparée tend à s'élever d'année en année.

Niveau I à III 10 %

Niveau IV 17 %

Niveau V (CAP - BEP) 71 %

o Les CFA (1)

En 1999, il existait 979 centres de formation :

- 848 CFA

- 89 sections d'apprentissage

- 42 CFA " hors les murs ".

La nature des organismes gestionnaires tend à se diversifier :

- chambres consulaires 20 % des CFA

- établissements publics d'enseignement 23 % des CFA

- municipalités 3 % des CFA

- organismes associatifs (branches professionnelles) 38 % des CFA

- autres 16 % des CFA.

o Les masses financières en jeu

En 1999, l'apprentissage représentait des masses financières importantes : 18,7 milliards de francs.

Les contributeurs sont :

- l'Etat 9,2 milliards de francs, soit 50 % du total

- les régions 4,7 milliards de francs, soit 25 % du total

- les entreprises 4,1milliards de francs, soit 22 % du total
(hors salaires)

- l'Europe 0,6 milliard de francs, soit 3 % du total.

Ces masses financières ont doublé en 10 ans.

(1) Chiffres issus du rapport du CCPRAFPC " L'apprentissage en France 1996-1999 "

En réalité, le projet de loi esquive pourtant la difficulté en n'abordant pas le coeur du problème.

D'une part, le projet de loi est bien une " réformette " car il ne s'attaque pas au régime de la taxe d'apprentissage . Le système de financement de l'apprentissage a en effet été progressivement détourné de son objectif initial car la taxe d'apprentissage ne finance plus que marginalement l'apprentissage. Elle assure moins d'un tiers des ressources des CFA et les deux tiers de son produit finance autre chose que l'apprentissage. A ce problème, le projet de loi n'apporte pas de réponse. Il s'inscrit plutôt dans la continuité des différentes lois précédentes (cf. encadré ci-après) sur l'apprentissage, mais pour une portée qui risque d'être encore plus limitée.

Evolution législative du régime de l'apprentissage depuis 1971

La loi du 16 juillet 1971

Dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, le législateur s'inspirant de la plupart des dispositions de l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel, modifie le régime juridique de l'apprentissage issu de la loi du 25 juillet 1919 dite " loi Astier ".

La loi n° 71-576 du 16 juillet 1971 relative à l'apprentissage fait de l'apprentissage une des modalités de l'enseignement technique, conduisant à l'obtention d'un diplôme de l'enseignement technique.

Elle rapproche le statut de l'apprenti de celui du travailleur salarié et définit le mode de formation de l'apprenti : la formation est obligatoirement assurée pour partie dans un centre de formation d'apprentis (CFA) et pour partie dans une entreprise.

Parallèlement est mis en place un contrôle pédagogique de l'Etat sur le dispositif, au niveau des centres de formation d'apprentis et des entreprises.

Elle prévoit enfin l'attribution d'aides en faveur des employeurs qui emploient des apprentis ainsi qu'à l'égard des centres de formation d'apprentis.

La loi de 1971 a été ultérieurement modifiée par :

- la loi n° 77-767 du 12 juillet 1977 vise à préciser le statut des apprentis, à instituer une procédure d'agrément des maîtres d'apprentissage et à mettre en place un système de forfaitisation des charges sociales ;

- la loi n° 79-13 du 3 janvier 1979 adopte le principe de la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales dues par les entreprises occupant dix salariés au plus et crée un fonds national interconsulaire de compensation (FNIC) destiné à verser aux artisans une indemnité compensant une partie des salaires des apprentis, pendant leur temps de présence au CFA.

La loi du 7 janvier 1983

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat transfère aux régions une compétence de droit commun en matière d'apprentissage.

La loi du 23 juillet 1987

La loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre premier du code du travail et relative à l'apprentissage , a pour objet principal d'ouvrir l'apprentissage à tous les diplômes de l'enseignement technologique ainsi qu'aux titres homologués et d'affirmer clairement la possibilité de conclure des contrats d'apprentissage successifs afin de favoriser le développement de l'apprentissage.

Elle modifie les conditions de délivrance de l'agrément aux maîtres d'apprentissage, ouvre la possibilité de moduler la durée du contrat d'apprentissage et relève la durée de formation en centre de formation.

Elle pose le principe de la prise en charge par l'Etat de la part patronale des cotisations de sécurité sociale dues par les entreprises de dix salariés et plus.

Elle modifie en outre la loi du 7 janvier 1983 sur la décentralisation par l'institution du schéma prévisionnel de l'apprentissage pour inciter les régions, l'Etat et les professions à coordonner leurs efforts.

La loi du 17 juillet 1992

La loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail , prend en compte les dispositions de l'avenant du 8 janvier 1992 à l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 relatif à la formation et au perfectionnement professionnel.

Elle aménage la législation sur plusieurs points : modulation de la durée du contrat d'apprentissage en fonction du niveau initial de l'apprenti, revalorisation de la rémunération minimale de l'apprenti, modification de la procédure d'agrément qui est désormais accordé à l'entreprise et non plus au maître d'apprentissage, incitation financière à la formation des maîtres d'apprentissage, accroissement du rôle des partenaires sociaux.

Elle outre en outre, à titre expérimental, l'apprentissage au secteur public non industriel et commercial, possibilité qui sera pérennisée par la loi du 13 octobre 1997.

La loi n° 93-953 du 27 juillet 1993 institue pour une période de six mois une aide forfaitaire de l'Etat pour les employeurs qui concluent un contrat d'apprentissage à compter du 1er juillet 1993. Cette aide sera prorogée par les lois du 8 août 1994, du 4 février 1995 et du 5 août 1995.

La loi du 20 décembre 1993

La loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle , autorise l'ouverture de sections d'apprentissage dans les établissements d'enseignement professionnel publics ou privés sous contrat ainsi que dans les établissements de formation et de recherche relevant de certains ministères.

La procédure d'agrément préalable des entreprises est remplacée par une procédure déclarative assortie d'un contrôle administratif a posteriori. La loi réduit à quinze jours le délai imparti à l'administration pour enregistrer le contrat d'apprentissage. Elle prévoit enfin l'institution d'un titre de maître d'apprentissage.

La loi du 6 mai 1996

La loi n° 96-376 du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage simplifie les incitations financières en faveur de l'apprentissage : suppression du crédit d'impôt d'apprentissage, création d'une indemnité compensatrice forfaitaire se substituant aux diverses aides préexistantes, suppression du FNIC.

Elle vise également à faciliter le financement des centres de formation des apprentis par le doublement du " quota " de la taxe d'apprentissage qui leur est réservé et par la suppression des exonérations s'imputant sur cette taxe.

Elle institue une péréquation nationale d'une fraction de la taxe d'apprentissage afin de résorber les inégalités entre CFA. La loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes complète ce dispositif en mettant en place un fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage.

Elle renforce enfin le contrôle financier de l'Etat sur les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage.

Votre commission observe en outre qu'il est particulièrement difficile, en l'état actuel des choses, d'apprécier la portée prévisible du projet de loi en matière d'apprentissage. Celui-ci se caractérise en effet par sa très faible lisibilité, encore amplifiée par les modifications apportées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. En clair, le projet apparaît largement inabouti et son impact dépendra en définitive de la teneur des décrets d'application. A ce propos, votre rapporteur regrette que le contenu de ces futurs décrets d'application n'ait pas pu lui être communiqué.

Aussi, votre commission s'attachera principalement, sur ce volet, à simplifier et à clarifier le dispositif proposé.

Art. 43
(art. L. 115-1 du code du travail)
Finalités de l'apprentissage

Objet : Cet article est de coordination.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 115-1 du code du travail, que le présent article modifie, détermine les finalités de l'apprentissage et notamment les diplômes et titres qu'il permet d'obtenir.

Toutefois, l'article 41 du présent projet de loi modifie profondément le système français de certification, en supprimant par exemple la procédure d'homologation.

Le présent article est de coordination. Il se contente de tirer les conséquences de la disparition de l'homologation sans rien changer ni aux finalités de l'apprentissage, ni aux diplômes et titres qu'il permet d'acquérir.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de codification du Gouvernement, sous-amendé par le rapporteur, visant simplement à tirer les conséquences rédactionnelles de la publication du code de l'éducation.

III - La position de votre commission

Votre commission observe que cet article est un simple article de coordination. Il ne modifie en aucun cas la nature des diplômes et des titres accessibles par l'apprentissage. Ainsi, les certificats de qualification professionnelle (CQP) ne pourront être préparés par la voie de l'apprentissage, même s'ils sont inscrits au répertoire national des certifications professionnelles, car il s'agit de qualifications et non de titres et diplômes qui sont seuls ici visés.

En conséquence, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 44
(art. L. 118-2-2 du code du travail)
Financement des centres de formation d'apprentis (CFA)

Objet : Cet article tend à modifier les règles actuelles de financement des CFA. Il prévoit notamment l'affichage des coûts de formation et la définition d'un minimum de ressources pour chaque CFA, ainsi que l'affectation prioritaire des sommes issues de la péréquation de la taxe d'apprentissage vers les CFA n'atteignent pas ce minimum de ressources.

I - Le dispositif proposé

Les CFA, et notamment ceux des régions rurales, sont confrontées à des difficultés de financement préoccupantes.

Le financement des CFA (en fonctionnement) repose aujourd'hui sur quatre ressources distinctes :

- la taxe d'apprentissage (TA)

2,1 milliards de francs en 1997 (32 % du total)

- la participation des régions

3,5 milliards de francs en 1997 (54 % du total)

- l'apport des branches professionnelles

Celle-ci passe soit par une affectation des fonds de l'alternance en application d'un accord de branche, soit par la création de taxes parafiscales (il n'en existe toutefois que dans trois branches : le bâtiment, le transport et la réparation automobile).

Cet apport a atteint 0,7 milliards de francs en 1997 (11 % du total)

- la participation des organismes gestionnaires

0,2 milliard de francs en 1997 (3 % du total)

Ces ressources restent toutefois inégalement réparties selon les régions, les branches professionnelles ou le statut des CFA.

Ainsi, en 1997, s'agissant du montant de la TA par jeune en CFA, l'écart entre les moyennes régionales la plus élevée et la plus basse était de 3,2 (12.900 francs en Ile-de-France contre 4.019 francs en Auvergne).

Les montants des subventions régionales par apprenti variaient en outre presque du simple au double en 1997 (8.900 francs en Corse contre 15.500 francs en Poitou-Charentes).

De même, l'apport des branches professionnelles est lié à l'existence d'un accord de branche autorisant l'affectation des fonds de l'alternance ou à celle d'une taxe parafiscale.

Certains organismes gestionnaires de CFA ne peuvent participer à leur financement en l'absence de fonds propres suffisants.

La progression des ressources constatée ces dernières années n'a cependant pas suffi à limiter ces disparités.

Depuis 1996, les ressources des CFA (hors participation des organismes gestionnaires) ont significativement augmenté principalement du fait du doublement du quota décidé en 1996. Cette progression se ralentit toutefois depuis 1998.

Ressources annuelles moyennes des CFA par apprenti

1996

1997

1998

20.295 F

22.554 F

22.744 F

Source : CCPRAFPC

Il convient également d'observer que le surplus de ressources lié au doublement du quota a été largement absorbé par l'augmentation du nombre d'apprentis.

Or, le coût annuel moyen d'un apprenti par CFA (en coût de fonctionnement) a lui sensiblement augmenté.

Coût total annuel moyen par apprenti dans les CFA

1996

1997

1998

23.001 F

24.428 F

25.144 F

Source : CCPRAFPC

Dès lors, cette inadéquation croissante entre les ressources et les coûts conduit de nombreux CFA à afficher des déficits.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent article qui vise, selon les mots de Nicole Péry, à " assurer une répartition équitable des ressources entre les CFA et assurer leur présence sur l'ensemble du territoire national " 98 ( * ) .

Il prévoit de modifier l'article L. 118-2-2 du code du travail pour la troisième fois en cinq ans après les modifications issues de la loi du 6 mai 1996 et celle du 16 octobre 1997.

Les modifications proposées sont au nombre de trois.

La définition d'un minimum de ressources pour chaque CFA

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 118-2-2 prévoit que chaque CFA doit disposer d'un " minimum de ressources ". Ce minimum sera calculé par apprenti, par domaine et par niveau de formation.

Ce minimum de ressources aurait une double fonction.

D'abord, en application du premier alinéa du texte proposé, il servirait de critère pour l'affectation des sommes reçues par les régions au titre de la péréquation de la taxe d'apprentissage.

Le Fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage

Si le principe d'une péréquation nationale de la TA a été instituée par la loi du 6 mai 1996, elle n'est devenue véritablement effective qu'avec la loi du 16 octobre 1997 qui a créé, à l'initiative du Sénat, le Fonds national de péréquation de la TA.

Ce fonds, qui dispose de l'autonomie financière et dont la gestion financière est assurée par le Trésor, reçoit en recettes une partie du quota de la TA. Cette part, fixée par décret, est actuellement de 8 % de la TA (ou 20 % du quota).

Ces sommes sont reversées aux régions (fonds régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle) pour être affectées aux CFA selon des critères définis par décret, conformément à des recommandations du Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage (CCPRAFPC).

Les sommes collectées par le Fonds ont atteint 660 millions de francs en 1999.

Ensuite, le présent article (dans le troisième alinéa proposé pour l'article L. 118-2-2) fait de ce minimum de ressources une condition à l'ouverture d'un CFA ou d'une section d'apprentissage. Si le centre ou la section n'atteint pas ce minimum, il ne pourrait être ouvert.

La fixation des coûts de formation

Le deuxième alinéa proposé pour l'article L. 118-2-2 prévoit la détermination obligatoire dans la convention portant création du CFA (en pratique, par avenant à cette convention), et pour la durée de ladite convention, des coûts de formation pratiqués.

La détermination des coûts ici visés est large puisqu'elle inclut les charges d'amortissement des immeubles et des équipements, ce qui impose d'ailleurs que les CFA se soient dotés d'une comptabilité propre.

Ces coûts, fixés par convention avec la région, seraient ensuite pris en compte pour calculer le plafonnement des ressources.

La révision des règles actuelles de plafonnement des ressources

Actuellement, en application de la loi du 6 mai 1996, l'article L. 118-2-2 du code du travail prévoit déjà un dispositif de plafonnement et d'écrêtement.

Ce dispositif est le suivant :

- le produit total des concours apportés à un CFA ou à une SA ne peut dépasser un maximum fixé en fonction du nombre d'apprentis inscrits et d'un barème de coût par niveau et par type de formation déterminée par arrêté interministériel après avis du CCPRAFPC ;

- si le produit total des concours dépasse ce maximum, les sommes excédentaires sont reversées au fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue ;

- les sommes reversées sont ensuite affectées par la région aux CFA et aux SA dont les recettes en taxe d'apprentissage sont inférieures à un minimum défini par décret en Conseil d'Etat après avis du CCPRAFPC.

Ce dispositif de plafonnement et d'écrêtement des ressources n'a jamais fonctionné en l'absence de textes d'application.

Aussi, le présent article (dans les quatrième, cinquième et sixième alinéas du texte proposé pour l'article L. 118-2-2) prévoit d'y substituer un nouveau dispositif.

Ce nouveau dispositif prévoit un double plafonnement des ressources :

- les ressources annuelles ne doivent d'abord pas être supérieures à un maximum fonction du nombre d'apprentis inscrits et des coûts de formation fixées par la convention avec la région ;

- les ressources en taxe d'apprentissage et en taxe parafiscale ne doivent ensuite pas être supérieures à un maximum fixé en fonction du nombre d'apprentis inscrits et d'un barème déterminé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, après avis du CCPRAFPC.

Il est complété par un dispositif d'écrêtement, les sommes excédentaires étant reversées à la région qui doit alors les affecter en priorité aux CFA n'atteignant pas le minimum de ressources défini par le présent article.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement supprimant le double plafonnement des ressources initialement envisagées.

Seul, subsiste le plafonnement défini en fonction du coût de formation, le plafonnement défini sur le fondement d'un barème national étant, lui, supprimé.

Il est vrai qu'un tel plafonnement aurait été complexe et difficile a mettre en place, comme en témoigne l'échec du plafonnement actuellement prévu par le code du travail.

III - La position de votre commission

Votre commission considère qu'une réforme du financement des CFA doit, en l'absence de réforme plus profonde de la taxe d'apprentissage, reposer sur deux principes.

D'une part, elle doit renforcer le système de péréquation afin d'assurer une répartition optimale des ressources entre CFA. Il est donc nécessaire de maintenir le double système actuel de péréquation national (fondé sur la péréquation de la taxe d'apprentissage) et régional (fondé sur l'écrêtement des ressources supérieures au plafond), mais surtout de le rendre plus effectif. Il s'agit donc moins d'augmenter le montant des sommes prélevées au titre de la péréquation (il n'est donc pas forcément utile d'augmenter le taux de péréquation de la taxe d'apprentissage comme l'a annoncé le Gouvernement), que d'assurer l'affectation réelle des sommes ainsi prélevées vers les CFA les plus en difficulté. Cela passe alors par une clarification nécessaire des circuits financiers de la péréquation.

D'autre part, elle doit se fonder sur un renforcement de la contractualisation entre les différents intervenants (CFA, région, organismes consulaires, branches professionnelles...) plutôt que sur un encadrement administratif déterminant des barèmes nationaux aussi complexes qu'inadaptés. On a vu par le passé que cela ne fonctionnait pas.

Dans cette perspective, votre commission vous proposera d'adopter plusieurs amendements visant à simplifier et clarifier le dispositif proposé dans le respect de ces principes.

Le premier amendement vise à corriger une erreur matérielle. A l'évidence, il n'est pas dans l'intention du projet de loi de mettre en place un double dispositif d'écrêtement qui serait redondant.

Le second amendement prévoit d'améliorer l'information sur l'affectation des sommes issues du dispositif de péréquation nationale de la taxe d'apprentissage et reversées aux régions.

Le projet de loi se propose en effet de renforcer la transparence des circuits de financement de l'apprentissage. Or, l'une des sources d'opacité majeure réside dans l'utilisation des disponibilités du Fonds national de péréquation qui prélève 8 % de la taxe d'apprentissage soit environ 676 millions de francs prévus pour 2001. On ne dispose à l'heure actuelle d'aucune information précise et exhaustive sur leur utilisation par les régions. Le présent article ne prévoit pourtant aucune disposition en ce sens. Cet amendement propose alors de faire des nouveaux COREF, tels que restructurés en application de l'article 45 bis du présent projet de loi, les lieux d'une information en la matière.

Le troisième amendement tend à préciser les modalités de calcul des coûts de formation des CFA.

La fixation de ces coûts prévue par le présent article ne sera en effet pas sans soulever d'importantes difficultés d'application. Pour autant, votre commission partage ce souci de transparence. Il importe toutefois d'évaluer ces coûts de manière réaliste. Une fixation sur 5 ans paraît en l'état actuel des choses difficilement praticable. Il faut donc permettre un réexamen annuel des coûts.

Le quatrième amendement est relatif aux effets juridiques du minimum de ressources.

Le présent article subordonne l'ouverture d'un CFA à l'existence d'un minimum de ressources. Cette disposition paraît difficilement acceptable. D'une part, elle réduit considérablement les prérogatives des conseils régionaux qui ont compétence pour l'ouverture des CFA. D'autre part, elle n'est guère applicable. On voit mal en effet comment déterminer le minimum de ressources d'un CFA avant son ouverture.

Aussi, cet amendement supprime cette disposition. Il est en effet préférable de s'en tenir à un renforcement de la logique de péréquation, c'est-à-dire d'une affectation prioritaire des sommes issues de la péréquation vers les CFA n'atteignant pas un minimum de ressources.

Cet amendement précise également la procédure de fixation de ce minimum de ressources. Il sera défini par arrêté après avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue. Cela permettra d'associer l'ensemble des acteurs de l'apprentissage (Etat, régions, partenaires sociaux, organismes consulaires) à la détermination de ce barème qui ne peut relever exclusivement de l'arbitraire d'une décision administrative.

Le dernier amendement est un amendement de précision. Les coûts de formation des CFA visés par le présent article sont ceux définis par convention. Ce sont donc des coûts prévisionnels et non des coûts réels.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 45
(art. L. 118-2-4 nouveau et L. 119-1-1 du code du travail)
Circuits de collecte de la taxe d'apprentissage

Objet : Cet article vise à rationaliser les circuits de collecte de la taxe d'apprentissage en redéfinissant les conditions d'agrément ou d'habilitation des organismes collecteurs et en élargissant le contrôle sur ces organismes.

I - Le dispositif proposé

Le système actuel de collecte de la taxe d'apprentissage frappe aujourd'hui plus par son opacité que par son inefficacité.

La collecte de la taxe d'apprentissage (TA)

A la différence de la collecte des fonds de la formation professionnelle continue réformée par la loi quinquennale du 20 décembre 1993, la collecte de la TA n'a pas été modifiée en profondeur et reste largement régie par le décret du 12 avril 1972. La loi du 6 mai 1996 s'est contentée de soumettre les organismes collecteurs de la TA au contrôle financier de l'Etat, pour la seule utilisation des ressources.

Les organismes collecteurs

Actuellement, il existe trois sortes de collecteurs :

1°) les collecteurs " de droit "

Ce sont les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les chambres des métiers et les chambres d'agriculture (275 au total)

2°) les collecteurs agréés par les Préfets de département

Ils sont au nombre de 281.

3°) les collecteurs agréés dans le cadre d'une convention nationale

Actuellement, il existe 28 conventions-cadres signées par le ministre de l'Education nationale avec des organismes couvrant une branche ou un secteur d'activité.

Les sommes collectées

Au titre de l'année 1997, l'ensemble des collecteurs ont perçu 5,8 milliards de francs. Cette collecte se répartit comme suit :

- collecteurs " de droit " : 3,0 milliard de francs

- collecteurs agréés : 2,2 milliards de francs

- collecteurs conventionnés : 0,6 milliard de francs.

La collecte moyenne est relativement faible : 11 millions de francs par collecteur de droit, 8 millions de francs par collecteur agréé, 22 millions de francs par collecteur conventionné.

77 % de la TA est aujourd'hui captée par les collecteurs.

Certes, le groupe national de contrôle (GNC) a, dans son dernier rapport 99 ( * ) , dénoncé plusieurs dysfonctionnements de la collecte :

- reversement tardif aux établissements destinataires 100 ( * ) ,

- versement de la TA à des écoles non habilitées à les recevoir, via un " établissement écran ",

- sous-traitance de la collecte,

- transferts entre collecteurs (échange barème-quota).

Il n'en reste pas moins que le problème majeur réside moins dans la collecte de la taxe que dans son affectation.

Le présent article tend à modifier le régime actuel sur deux points.

Le paragraphe I , qui introduit un nouvel article L. 118-2-4 dans le code du travail, est relatif à l'habilitation des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage.

Il prévoit d'abord un aménagement des règles d'habilitation à la collecte au niveau national.

Deux types d'organismes pourraient être habilités dans ce cadre :

- les organismes ayant conclu une " convention-cadre de coopération " avec le ministre chargé de l'Education nationale, celui chargé de l'enseignement supérieur ou celui chargé de l'agriculture ;

- les organismes agréés par les ministres chargés de la formation professionnelle, du budget et, le cas échéant, par le ministre compétent par le secteur d'activité concerné.

On observe qu'on étend ici les habilitations nationales puisque le droit existant ne prévoit aujourd'hui que la première de ces possibilités.

Le régime de la taxe d'apprentissage (TA)

La TA est un impôt créé en 1925 et du par les entreprises. Mais seule une faible part de son produit est effectivement inscrit au budget de l'Etat dans la mesure où les entreprises peuvent s'exonérer du versement au Trésor en déduisant certaines dépenses du montant de la TA.

o Champ d'application

La TA est due par les employeurs (personnes morales ou physiques) exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ainsi que par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés.

Sont toutefois exonérées les entreprises employant un ou plusieurs apprentis si la base d'imposition de la TA n'excède pas 6 fois le SMIC.

Surtout, l'employeur est exonéré du versement de la TA s'il a lui-même réalisé les dépenses exonératrices de TA : dépenses affectées à l'apprentissage, dépenses affectées à la formation professionnelle initiale, part de la contribution pour fais de chambre de commerce et d'industrie ou de chambre d'agriculture.

o Assiette et montant

La base de la TA est constituée par la masse salariale. Celle-ci est calculée, depuis 1997, sur la même assiette que celle des cotisations du régime général de la sécurité sociale.

Le taux de la TA est de 0,5 % (0,2 % en Alsace-Moselle).

o Structure

La taxe se décompose en deux parts :

- le " quota " (40 % de la TA) qui revient aux CFA,

- le " barème " (60 % de la TA) qui est versée aux établissements d'enseignement professionnel ou technologique, soit directement par l'entreprise, soit par l'intermédiaire d'un organisme collecteur.

Une partie du quota (20 % du quota, soit 8 % de la TA) doit cependant être obligatoirement versée au Trésor en vue d'alimenter le fonds national de péréquation.

o Rendement

En 1999, les versements au titre de la TA ont représenté 8,252 milliards de francs (dont 660 millions au profit du fonds de péréquation).

Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit un rendement de la TA de 8,450 milliards de francs.

Il organise ensuite une régionalisation de l'habilitation à la collecte territoriale.

A l'heure actuelle, le département est le cadre de droit commun d'habilitation à la collecte territoriale : les organismes consulaires sont des collecteurs de droit, le préfet de département peut agréer des organismes.

Désormais, le niveau d'habilitation sera régional :

- ce seront les chambres consulaires régionales qui seront collecteurs de droit, et non plus les chambres départementales. Il convient néanmoins d'observer que le paragraphe II du présent article autorise une délégation de la collecte ;

- pour les autres organismes, l'agrément sera délivré par le préfet de région.

Mais surtout un collecteur ainsi habilité ne sera plus habilité qu'à collecter dans la région en question, et non plus comme aujourd'hui à collecter sur l'ensemble du territoire national.

Le même paragraphe apporte en outre trois précisions.

Il impose à chaque organisme collecteur d'inscrire de façon distincte dans ses comptes le " quota " de la taxe d'apprentissage.

Il interdit le cumul d'agrément ou d'habilitation. Ainsi, un organisme habilité ou agréé au niveau national ne peut être habilité ou agréé au niveau régional.

Il renvoie à un décret le soin de fixer les conditions d'agrément. A ce propos, il est à noter que le décret aura à fixer les conditions du seul agrément et non celles de l'habilitation.

Le paragraphe II apporte trois modifications à l'article L. 119-1-1 du code du travail relatif au contrôle de l'Etat sur les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage.

Le 1° étend le contrôle financier de l'Etat aux " procédures de collecte " et non plus seulement aux conditions d'utilisation des ressources collectées.

Le 2° interdit le recours à un sous-traitant non agréé ou non habilité pour la collecte des versements exonératoires de la taxe d'apprentissage, sauf conclusion d'une convention soumise à avis du service de contrôle de la formation professionnelle.

Le 3° prévoit le reversement par l'organisme collecteur au Trésor public des sommes collectées dans des conditions non-conformes aux dispositions de l'article L. 118-2-4 du code du travail.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre, un amendement de coordination du rapporteur introduisant un 2° bis dans le paragraphe II du présent article, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement précisant les conditions de délégation de la collecte.

Il prévoit que la liste des conventions de délégation de collecte est transmise chaque année au comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, institué en application de l'article 45 bis du présent projet de loi.

III - La position de votre commission

Cet article vise à rendre la collecte de la taxe d'apprentissage plus efficace. L'objectif affiché est de limiter le nombre d'organismes collecteurs. Ainsi, dans un document publié en janvier 2001 par le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, il est indiqué que " grâce à ces dispositions, le nombre d'organismes collecteurs devrait être réduit de 600 à 250 environ " .

Votre commission s'interroge sur les possibilités d'aboutir à un tel résultat. Elle s'interroge d'autant plus que le présent article ouvre une nouvelle voie d'agrément au niveau national et autorise la délégation de la collecte.

Elle estime en outre que la multiplicité des collecteurs est peut-être un " faux-problème ". Elle ne peut en effet être considérée comme étant uniquement une source de déperdition des ressources car elle permet, par sa variété même, de s'adapter aux réalités du terrain.

Elle observe également que la portée du présent article dépendra largement du contenu des décrets d'application. Sur ce point, il semble que le Gouvernement entende notamment fixer un seuil minimal de collecte pour l'agrément 101 ( * ) et autoriser un prélèvement de frais de gestion administrative sur la collecte (qui devrait être inférieur à 5 % de la collecte).

Aussi, votre commission estime que la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage doit moins s'attacher à réduire coûte que coûte le nombre de collecteurs, mais plutôt à :

- éviter la déperdition de ressources ;

- renforcer la transparence de la collecte ;

- rationaliser l'utilisation des ressources collectées ;

- encourager la régionalisation du dispositif d'habilitation et d'agrément.

Dans cette perspective, votre commission vous propose d'adopter trois amendements.

Le premier amendement vise à préciser le régime d'habilitation des organismes collecteurs sur le territoire national.

Le présent article esquisse une régionalisation de la collecte de la taxe d'apprentissage. Dès lors, il importe de ne pas multiplier les organismes autorisés à une collecte nationale. Aussi, pour juger de la pertinence des habilitations à une collecte nationale, il est souhaitable que ces habilitations soient soumises à l'avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle. On envisage mal en effet qu'un ministère puisse habiliter de nouveaux collecteurs, par simple convention, sans avoir consulté au préalable les principaux intervenants de l'apprentissage que sont les régions et les partenaires sociaux qui siègent au comité.

Le deuxième amendement modifie les conditions de la collecte de la taxe d'apprentissage.

Le présent article prévoit que la collecte régionale ne peut se faire qu'auprès des entreprises ayant leur siège social dans la région. On imagine alors sans mal le risque de créer de très graves déséquilibres entre les régions car les sièges sociaux sont en France très concentrés. Il est donc nécessaire d'autoriser également la collecte auprès des établissements implantés dans la région.

Le dernier amendement est de précision et porte sur les conditions d'application du présent article.

Dans la rédaction actuelle, le décret ne détermine que les conditions d'agrément et non les conditions d'habilitation des organismes. Il ne vise donc au niveau national que les organismes agréés par le ministre de la formation professionnelle et au niveau régional que des organismes agréés par le préfet de région. Or, ce décret déterminera les règles d'habilitation des organismes.

Il importe alors que tous les organismes collecteurs soient soumis à des règles communes, qu'il s'agisse des organismes soumis à agrément, des collecteurs de droit ou des organismes ayant conclu une convention-cadre de coopération.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 98 JO Débat AN - 3 e séance du 11 janvier 2001 - p. 319.

* 99 " Le contrôle de la formation professionnelle continue en 1997 ", La documentation française, 2000.

* 100 Le décret du 31 mai 2000 a toutefois prévu un reversement avant le 30 juin de chaque année .

* 101 Il pourrait être de 10 millions de francs pour les organismes à vocation nationale et de 5 millions pour les organismes à vocation régionale.

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