N° 283

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 avril 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces
armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l' exploration et de l' utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du
26 novembre 1996,

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Auban, Pierre Biarnès, secrétaires ; Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Jean-Yves Mano, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière, Raymond Soucaret.

Voir le numéro :

Sénat : 127 (2000-2001)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation du protocole, signé à Moscou le 12 janvier 1999, à l'accord franco-russe du 26 novembre 1996 relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques.

Le Sénat avait approuvé au printemps 1998 cet accord bilatéral destiné à accompagner la réorientation de la coopération spatiale franco-russe. Initiée en 1966, cette dernière était longtemps restée cantonnée aux échanges à caractère scientifique mais les profondes évolutions politiques et économiques intervenues en Russie, et la restructuration de l'industrie spatiale qui en a découlé, ont conduit à privilégier désormais le volet industriel et commercial de la coopération.

C'est pour développer ces échanges industriels et commerciaux que l'article 9 de l'accord de 1996 a posé le principe d'exemptions fiscales et douanières pour les importations de marchandises liées à la coopération bilatérale. Toutefois, l'étendue exacte de ces exonérations, comme leurs modalités d'application, n'avaient pu être définies de manière suffisamment précise, ce qui a d'ailleurs soulevé au cours des dernières années certaines difficultés, tout particulièrement pour les importations en Russie opérées par la société franco-russe Starsem, qui exploite et commercialise le lanceur Soyouz.

Dès 1996, il avait envisagé qu'un protocole vienne compléter le volet douanier et fiscal de l'accord bilatéral. C'est l'objet du texte signé le 12 janvier 1999 qui réaffirme le principe de l'exonération des droits et taxes douanières et définit avec précision la nature des marchandises exonérées ainsi que les modalités de ces exonérations.

Au-delà de son contenu essentiellement technique, ce protocole présente un intérêt économique et financier évident car il doit éviter des difficultés administratives et des surcoûts qui entacheraient l'efficacité de la coopération industrielle et commerciale franco-russe dans le domaine spatial.

En tout premier lieu, il offrira à la société Starsem, créée en 1996, de meilleures conditions de compétitivité pour réussir son développement sur le créneau du lancement spatial de satellites en orbite basse, et pour conforter ainsi, en complément d'Ariane, l'offre commerciale européenne sur un marché des lancements de plus en plus concurrentiel.

Votre rapporteur évoquera brièvement le nouveau contexte dans lequel s'inscrivent la politique spatiale russe et la coopération avec la France, avant de présenter le dispositif et les enjeux du protocole du 12 janvier 1999.

I. LA SITUATION DE L'INDUSTRIE SPATIALE EN RUSSIE : UNE SURVIE LIÉE À L'OBTENTION DE RESSOURCES ÉTRANGÈRES

Confronté à l'éclatement de l'Union soviétique et à la dégradation de la situation économique et financière, l'industrie spatiale russe continue de traverser une période très difficile. La survie de ce secteur, qui constituait des décennies durant un fleuron national, passait par une profonde restructuration, entreprise dès 1992, et implique désormais la recherche de ressources extérieures, en particulier grâce à la coopération internationale pour l'exploitation commerciale des lanceurs spatiaux.

A. UNE RESTRUCTURATION MENÉE SOUS FORTE CONTRAINTE FINANCIÈRE

Le secteur spatial occupait une place de premier plan dans le complexe militaro-industriel développé par l'Union soviétique. Fortement soutenue pour des raisons politiques, liées au prestige national, mais aussi militaires, l'industrie spatiale soviétique atteignait un haut degré de performance dans tous les domaines, qu'il s'agisse des lanceurs et des moteurs, des satellites de télécommunications, de la navigation, avec le système Glonass, de l'observation de la terre, des vols habités, avec la station orbitale Mir, ou encore de la recherche scientifique.

Depuis 1991, les autorités russes ont du réorganiser profondément le secteur spatial pour tenir compte du contexte nouveau créé par l'accession à l'indépendance des anciennes républiques soviétiques et pour mettre en place des structures plus efficaces au regard des difficultés économiques. Cette restructuration n'a pas empêché une dégradation rapide de la situation du secteur spatial.

1. La nécessité de coopérer avec les anciennes républiques soviétiques

Le premier problème posé lors de l'éclatement de l'Union soviétique a été celui du contrôle d'un potentiel spatial réparti , outre la Russie, sur plusieurs Etats nouvellement indépendants. La tentation, pour ces nouvelles républiques, de revendiquer les installations spatiales situées sur leur territoire s'est assez rapidement révélée peu réaliste, compte tenu de l'interdépendance des différents acteurs, dont l'intérêt résidait plutôt dans une coopération capable de préserver le fonctionnement des entreprises et des infrastructures.

Ainsi, les républiques concernées, à l'exception de l'Ukraine, ont signé en décembre 1991 à Minsk un accord de coopération qui laisse à la Russie la gestion du secteur spatial.

Pour autant, cette situation a engendré, pour le secteur spatial russe, des contraintes nouvelles.

Sur le plan industriel, les relations entre les sociétés russes et celles situées sur les autres républiques s'effectuent désormais sur une base purement commerciale. Les difficultés financières en Russie ont provoqué un ralentissement progressif de ces relations et une tendance à organiser sur le territoire russe la production des composants indispensables.

Sur le plan politique, la Russie doit tenir compte des exigences d'Etats tiers abritant sur leur territoire des installations majeures. C'est principalement le cas du Kazakhstan sur lequel se situe le principal site de lancement spatial utilisé par la Russie : le cosmodrome de Baïkonour . Ce dernier a réalisé 104 des 150 lancements opérés par la Russie entre 1996 et 2000.

Un accord signé avec le Kazakhstan en 1994 prévoit la location du cosmodrome de Baïkonour à la Russie pour une durée de 20 ans moyennant une redevance annuelle de 115 millions de dollars .

En accord avec le Kazakhstan, la Russie n'a commencé à payer cette redevance qu'en 1999, en partie en devises et pour le restant en marchandises. Outre ce loyer, la Russie effectue également des versements pour la gestion des infrastructures.

Au cours des années récentes, la relation russo-kazakhe sur l'utilisation du cosmodrome n'a pas été exempte de difficultés . Les dommages liés à l'échec du lancement d'une fusée Proton-K en 1999 ont amené le Kazakhstan à interdire des lancements russes depuis Baïkonour jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé, renforçant son droit de regard sur les calendriers de lancement.

Par ailleurs, le Kazakhstan a manifesté à plusieurs reprises son souhait de percevoir une part des recettes engendrées par les tirs commerciaux depuis Baïkonour.

L'intérêt mutuel des deux pays à préserver l'utilisation du cosmodrome contribue à limiter les tensions bilatérales sur ce sujet, mais la volonté de s'affranchir des contraintes de cette " cogestion " n'est pas étrangère au projet de développement du cosmodrome de Plessetsk, situé en territoire russe, qui aura désormais vocation à réaliser le lancement de tous les satellites militaires, sous réserve toutefois qu'un effort financier suffisant soit consenti pour en améliorer les infrastructures.

2. La création de l'agence spatiale russe et la restructuration de l'industrie spatiale

La refonte de l'industrie spatiale russe a débute avec la création en 1992 de l'Agence spatiale russe (RKA), devenue depuis juin 1999 l'Agence aéronautique et spatiale (Rosaviacosmos).

L'Agence aéronautique et spatiale, qui a rang de ministère, est chargée d'élaborer le programme spatial de la Fédération de Russie, de passer les commandes de l'Etat pour les projets de satellites d'utilité nationale, d'exploiter et de développer les infrastructures au sol.

Elle attribue également les licences et certificats pour le développement, la production, l'exploitation et l'exportation des biens et services spatiaux. Son originalité tient surtout à la responsabilité qu'elle exerce sur l'ensemble des acteurs du secteur aéronautique et spatial , à l'exception des entreprises purement militaires, qu'il s'agisse d'instituts ou d'entreprises, parfois strictement privées. Environ 500 sociétés et organismes sont ainsi coiffés par l'Agence aéronautique et spatiale dont l'objectif est également de mener à bien la concentration et la restructuration du secteur. Ces dernières, amorcées au cours des dernières années, sont loin d'être achevées, les responsables de Rosaviacosmos estimant que le nombre d'entreprises du secteur aéronautique et spatial devant encore être réduit de moitié.

3. Les difficultés financières de l'industrie spatiale

Exclusivement financé par l'Etat jusqu'au début des années 1990, le secteur spatial a durement souffert de la brutale diminution des ressources consécutive à la crise économique et financière que traverse la Russie.

Les entreprises n'ont pu suffisamment renouveler leurs moyens techniques et matériels, si bien que certaines productions ont dû être réduites ou arrêtées.

Les difficultés de paiement des salaires ont eu pour effet de réduire l'embauche de jeunes spécialistes qui se sont tournés vers des carrières plus rémunératrices.

Enfin, le programme spatial russe a dû être revu à la baisse , la recherche et le développement de nouveaux projets ont été très rigoureusement limités. Le maintien des différentes constellations de satellites en fonctionnement n'est plus correctement assuré. Selon les informations publiées par Rosaviacosmos, entre les deux-tiers et les trois quarts des satellites russes, qui se montent à plus d'une centaine, ont dépassé leur durée de vie et présentaient un risque non négligeable de panne. Faute de renouvellement suffisant de ce parc, la qualité des différents systèmes satellitaires, tant civils que militaires, se détériore progressivement .

Face à cette situation, les crédits alloués à l'Agence aéronautique et spatiale demeurent largement en deçà du niveau qu'exigerait le déroulement du programme spatial russe. En 2001, le budget spatial devrait progresser (1,2 milliard de francs contre 1 milliard de francs en 2000), mais le montant réel des crédits transférés à Rosaviacosmos est généralement inférieur à celui inscrit au budget.

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