Rapport n° 295 (2000-2001) de M. José BALARELLO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 mai 2001

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N° 295

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mai 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances , les mesures législatives nécessaires à l' actualisation et à l' adaptation du droit applicable outre-mer ,

Par M. José BALARELLO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Larché, président ; M. Patrice Gélard, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Jean-Patrick Courtois, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Laurent Béteille, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel,
Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Sénat : 269 (2000-2001)

Outre-mer

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 2 mai 2001 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. José Balarello, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à actualiser et adapter, par ordonnances, le droit applicable outre-mer.

Après avoir rappelé que les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, et les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte d'autre part, obéissaient à des régimes juridiques distincts, les premiers étant régis par le principe dit de " l'assimilation législative " et les seconds par celui dit de " la spécialité législative ", M. José Balarello, rapporteur, a regretté la banalisation du recours aux ordonnances, qui entraîne un dessaisissement préjudiciable du Parlement.

MM. Maurice Ulrich et Patrice Gélard ont alors dénoncé un dévoiement de la procédure de l'article 38 de la Constitution.

S'agissant du rôle du Parlement, M. Jacques Larché, président, a regretté qu'il ne soit pas mieux associé à cette procédure, par exemple au travers des commissions, compte tenu de la difficulté d'inscrire à l'ordre du jour la ratification des ordonnances. Il a souhaité qu'une réflexion soit menée en ce sens. Il a par ailleurs souligné les risques d'incohérences du fait des réformes statutaires concomitantes concernant Mayotte et la Polynésie française.

Le rapporteur ayant indiqué les matières constituant le champ de l'habilitation demandée et estimé que le dispositif proposé répondait, formellement du moins, aux exigences fixées par l'article 38 de la Constitution. La commission des Lois a, sous ces réserves , adopté sans modification le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à actualiser et adapter, par ordonnances, le droit applicable outre-mer.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen porte habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Il s'agit une nouvelle fois d'autoriser le Gouvernement, en vertu de la procédure de l'article 38 de la Constitution, à opérer une modernisation du droit applicable dans les départements d'outre-mer, dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et surtout dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Si le recours à la procédure des ordonnances a été relativement fréquent pour opérer les modifications législatives nécessaires à l'outre-mer, il semble désormais devenir usuel, se substituant aux projets de loi portant dispositions diverses ou " projets de loi balai ". Alors que la seconde méthode ne favorise guère un débat parlementaire de fond du fait du caractère extrêmement disparate des dispositions portées à la discussion, la première aboutit encore davantage à escamoter le débat.

Cette technique qui emporte dessaisissement du législateur tend donc à se banaliser et démontre que les consignes gouvernementales résultant des deux circulaires du Premier ministre concernant l'application des textes législatifs outre-mer du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990 adressées aux administrations centrales sont largement restées lettre-morte. La première précisait en effet que son but était de " sensibiliser les administrations à la prise en compte de l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires " et prenait acte qu'il " est encore trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de procédure, à différer l'application de certains textes outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différences non justifiées entre la métropole et les DOM-TOM ". La seconde appelait à nouveau ces administrations à " associer suffisamment tôt le ministère des départements et territoires d'outre-mer aux travaux préparatoires des textes pour qu'il puisse apprécier, en droit et en opportunité, leur applicabilité aux territoires d'outre-mer ".

En dépit de ces appels renouvelés, force est de constater que les projets de texte incluant d'emblée les mesures nécessaires à leur extension ou à leur mise en oeuvre outre-mer sont encore largement minoritaires et il est à craindre que les facilités offertes par un recours banalisé à la procédure des ordonnances ne démobilisent encore plus les administrations des divers ministères, laissant au secrétariat d'Etat à l'outre-mer le soin de procéder par ordonnances au balayage des lois et règlements, afin de les rendre applicables dans l'outre-mer.

Cette situation entraîne des conséquences néfastes pour les administrations locales et les citoyens confrontés à des situations juridiques mal établies dans l'attente de l'entrée en vigueur de telles ordonnances.

Par ailleurs, d'autres facteurs expliquent que l'outre-mer n'applique qu'avec retard les avancées du droit métropolitain. Ses spécificités impliquent en effet des adaptations législatives et réglementaires. De plus, le régime législatif particulier applicable à certaines de ces collectivités, supposant la consultation préalable des assemblées locales et donc la prise en considération des délais correspondants dans le calendrier d'élaboration des textes, ne favorise pas non plus une évolution concomitante du droit métropolitain et du droit applicable outre-mer.

En effet, les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte d'autre part, obéissent à des régimes législatifs différents.

I. LE RÉGIME LÉGISLATIF APPLICABLE AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

A. LE RÉGIME DE L'ASSIMILATION LÉGISLATIVE

1. Le principe dit de " l'assimilation législative " s'applique aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ainsi, les lois métropolitaines y sont de plein droit applicables, l'article 73 de la Constitution prévoyant seulement que " le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ".

Ces mesures d'adaptation ne sauraient cependant être d'une ampleur telle qu'elles tiendraient en échec le principe d'assimilation : le Conseil constitutionnel vérifie ainsi qu'elles n'ont pas " pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une organisation particulière, prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer " (décision n° 82-152 DC du 2 décembre 1982).

Par ailleurs, s'agissant de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, l'adoption de dispositions expresses d'extension est parfois requise, en dehors de ces mesures d'adaptation fondées sur la spécificité de leur situation, concernant des textes antérieurs à 1946, dès lors qu'avant la loi de départementalisation du 19 mars 1946 ces collectivités étaient soumises au régime de la spécialité législative.

Il en est de même concernant Saint-Pierre-et-Miquelon pour l'extension de dispositions législatives antérieures à 1977. A Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité territoriale depuis 1985, les lois sont applicables de plein droit, à l'exception de celles qui relèvent de la compétence du conseil général (urbanisme et fiscalité). Cependant, cet l'archipel ne faisant pas partie de l'Union européenne, l'application de certains textes est impossible, ce qui rend nécessaire une mention expresse d'extension.

2. Un principe qui n'exclut pas une consultation des assemblées locales

Si ce principe d'assimilation vaut à la fois pour les départements d'outre-mer et la collectivité à statut particulier de Saint-Pierre-et-Miquelon, la procédure applicable conservait une spécificité concernant Saint-Pierre-et-Miquelon . En effet, l'article 24 de la loi statutaire du 11 juin 1985 ayant abrogé la loi de départementalisation du 19 juillet 1976 prévoit l'obligation de consulter le conseil général.

Cette obligation existait également pour les départements d'outre-mer mais sa portée juridique était moindre puisqu'elle résultait d'un simple décret (article 1 er du décret du 26 avril 1960 relatif à l'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion).

Or, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 a donné une base légale à la consultation des conseils généraux et des conseils régionaux en introduisant les nouveaux articles L. 3444-1 et L. 4433-3-1 du code général des collectivités territoriales. L'article L. 3444-1 dispose que " les conseils généraux des départements d'outre-mer sont consultés sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions d'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative de ces départements. L'avis des conseils généraux est réputé acquis en l'absence de notification au représentant de l'Etat d'un avis exprès dans le délai d'un mois à compter de la saisine. Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence sur demande du représentant de l'Etat ". L'article L. 4433-3-1 reprend des dispositions similaires s'agissant des conseils régionaux.

Il s'agit de la première application de ces articles en matière législative.

B. LE RÉGIME DE LA SPÉCIALITÉ LÉGISLATIVE

En revanche, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte sont régis par le principe dit de la " spécialité législative ".

Ainsi, l'applicabilité des textes législatifs dans ces collectivités est subordonnée à l'adoption d'une disposition expresse d'extension .

Seules les " lois de souveraineté ", catégorie doctrinale définie de façon imprécise notamment par la circulaire du Premier ministre du 21 avril 1988 relative à l'application des textes législatifs outre-mer qui fait référence aux lois qui, " en raison de leur objet sont nécessairement destinées à régir l'ensemble du territoire de la République ", et fournit une liste non exhaustive comprenant les lois constitutionnelles, les lois organiques ou encore les lois relatives au statut civil des personnes, s'appliquent automatiquement.

Cette obligation d'extension expresse vaut également pour toute modification d'une disposition précédemment rendue applicable. Toute nouvelle avancée législative doit donc formellement être introduite, même lorsqu'elle porte sur une législation déjà étendue (Conseil d'État, arrêt du 9 février 1990 " Elections municipales de Lifou ").

Ce principe de la spécialité législative trouve, pour les territoires d'outre-mer, son fondement dans l'article 74 de la Constitution aux termes duquel " les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République " et " les autres modalités que les aspects statutaires de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée ".

Le Conseil constitutionnel, a par sa décision n° 94-342 DC du 7 juillet 1994, précisé la portée de l'obligation de consulter l'assemblée territoriale intéressée ; les dispositions législatives devant faire l'objet d'une extension expresse nécessitent en principe une consultation préalable, sauf lorsque la disposition concernée " n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique ".

Bien que n'étant plus un territoire d'outre-mer depuis la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, la Nouvelle-Calédonie continue à être régie par ce même principe de spécialité, encore qu'il ne puisse être déduit qu'indirectement du dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution figurant au nouveau titre XIII consacré à cette collectivité sui generis . L'article 90 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 répare en partie cet oubli en prévoyant une obligation de consulter le congrès de la Nouvelle-Calédonie : " Le congrès est consulté par le haut-commissaire, avant leur examen par le Conseil d'État, sur les projets de loi et sur les projets d'ordonnance, lorsqu'ils introduisent, modifient ou suppriment des dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. Le congrès dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. (...) Le congrès est également consulté, dans les mêmes conditions, avant leur adoption en première lecture par la première assemblée saisie, sur les propositions de loi comportant de telles dispositions. ".

Le principe de la spécialité législative s'applique également à la collectivité territoriale de Mayotte en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976. Dans ce dernier cas cependant, la consultation préalable du conseil général, si elle est régulièrement mise en oeuvre, reste juridiquement facultative.

Le projet de loi sur le statut de Mayotte qui fera l'objet d'un examen en première lecture au Sénat début juin prévoit un nouvel article L. 3551-12 du code général des collectivités territoriales qui dispose que le " conseil général est consulté sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions d'adaptation du régime législatif ou de l'organisation administrative des départements et sur les projets de décret pris pour l'application du présent livre " les délais étant les mêmes que pour les départements d'outre-mer, à savoir un mois susceptible d'être réduit à quinze jours en cas d'urgence à la demande du préfet. Il s'inspire donc des dispositions de l'article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales applicable aux départements d'outre-mer et introduit par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000.

En outre, l'article 3 de ce projet de loi précise le champ d'application du principe de spécialité . Il dispose qu'en dehors des lois, ordonnances et décrets qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire national -il s'agit des lois de souveraineté- d'autres actes seraient également soumis à ce régime d'application directe. La notion de lois de souveraineté pour Mayotte serait donc plus étendue puisque seraient ainsi concernés les lois, ordonnances et décrets portant sur la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités, le droit pénal, la procédure pénale, la procédure administrative contentieuse et non contentieuse, les postes et télécommunications, et le droit électoral (cette dernière matière ayant été ajoutée en première lecture à l'assemblée nationale à l'initiative de M. Jacques Floch, rapporteur au nom de la commission des Lois). Cette liste recouvre d'ailleurs l'ensemble des matières pour lesquelles des ordonnances ont déjà été prises ou sont en projet afin de rapprocher au maximum le droit applicable à Mayotte et celui en vigueur en métropole.

Devraient également être applicables de plein droit à Mayotte à compter du renouvellement du conseil général en 2007 les lois, ordonnances et décrets portant sur l'organisation et l'administration des conseils généraux et les règles relatives aux juridictions financières, ainsi que les dispositions législatives modifiant le code de commerce, à quelques exceptions près.

Le principe demeurerait cependant celui de la spécialité pour les autres lois, ordonnances et décrets, qui ne seraient applicables à Mayotte que sur mention expresse.

Toutes les collectivités d'outre-mer concernées par les projets d'ordonnance et dotées d'une assemblée délibérante ont été consultées sur le projet de loi d'habilitation. Cependant, cette consultation est restée largement formelle puisque n'était joint aucun avant-projet d'ordonnance. De ce fait, seul le conseil général de la Guadeloupe a rendu un avis exprès favorable, d'ailleurs intervenu après l'expiration du délai.

II. LE RECOURS AUX ORDONNANCES : UNE BANALISATION PÉRILLEUSE

Il convient tout d'abord d'examiner le respect par le projet de loi d'habilitation des dispositions de l'article 38 de la Constitution, avant d'en apprécier l'opportunité.

A. LE RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNANCES

Le recours aux ordonnances suppose une autorisation du législateur qui accepte ainsi de se dessaisir au profit de l'exécutif : cette habilitation doit donc être correctement délimitée. Le Conseil constitutionnel a été amené à préciser la portée de l'article 38 de la Constitution aux termes duquel " le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ".

Le juge a tout d'abord exigé du Gouvernement qu'il spécifie la finalité des mesures qu'il entend prendre sur le fondement de l'habilitation. Dans sa décision n° 77-72 DC du 12 janvier 1977 (Election des députés du territoire des Afars et des Issas), le Conseil constitutionnel énonce ainsi que " s'il est (...) spécifié à l'alinéa 1 er de l'article 38 (...) de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnances, (...) ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ".

Cependant, ainsi qu'il l'a précisé dans sa décision n°86-207 DC des 25 et 26 juin 1986, le Gouvernement s'il a l'obligation d'indiquer " le domaine d'intervention " des mesures envisagées, ne peut être " tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra ".

S'agissant du présent projet de loi d'habilitation, votre rapporteur n'a pu avoir connaissance d'avant-projets d'ordonnances, contrairement à ce qui avait été le cas lors des précédents projets de lois d'habilitation, les réunions interministérielles n'ayant pas encore eu lieu. Cependant, l'exposé des motifs permet de conclure que les exigences posées par le juge constitutionnel ont été respectées puisqu'il énonce les textes qui devront être étendus à l'outre-mer ainsi que les domaines concernés par des mesures allant au-delà d'une simple transposition.

Le Conseil constitutionnel a ensuite exclu du champ de la délégation les mesures relevant de la loi organique (décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982). Cette limite doit être particulièrement mentionnée concernant la législation relative à l'outre-mer dans la mesure où les statuts des territoires d'outre-mer, en vertu de l'article 74 de la Constitution, relèvent de lois organiques. Le champ de l'habilitation ne saurait donc inclure des matières de nature statutaire relevant du domaine de la loi organique et il importera de vérifier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification, que les mesures figurant dans les ordonnances ne correspondent pas à des " dispositions qui définissent les compétences des institutions propres du territoire, les règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions, y compris les modalités selon lesquelles s'exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l'État, ainsi que les dispositions qui n'en sont pas dissociables " (décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996).

Enfin, l'article 38 de la Constitution ne conçoit la possibilité de la délégation que pour un laps de temps limité. La loi d'habilitation doit fixer la date avant l'expiration de laquelle les ordonnances devront être prises ainsi que la date butoir assignée au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification. Tel est le cas en l'espèce puisqu'il est prévu que les ordonnances devront être prises au plus neuf mois après la promulgation de la loi, les projets de ratification des ordonnances devant être déposés devant le Parlement au plus tard trois mois après ce premier butoir.

Si le respect formel des dispositions de l'article 38 de la Constitution paraît donc assuré, on assiste , ainsi que l'avait déjà souligné votre commission des Lois lors de l'examen par le Sénat du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires en octobre 2000, à une banalisation périlleuse du recours aux ordonnances .

B. UN DESSAISISSEMENT PRÉOCCUPANT DU PARLEMENT

En effet, pour la sixième fois depuis son entrée en fonctions, le Gouvernement demande au Parlement de l'habiliter à prendre par ordonnances des mesures législatives.

- La loi n° 98-145 du 6 mars 1998 a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris sept ordonnances. La loi de ratification de ces ordonnances a été promulguée le 28 décembre 1999.

- La loi n° 99-899 du 25 octobre 1999 a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris dix-huit ordonnances. Il a déposé trois projets de loi portant ratification de toutes ces ordonnances sur le Bureau du Sénat le 19 juillet 2000.

- La loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 a habilité le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris neuf ordonnances relatives notamment au code rural, au code de la route, au code de la santé publique, au code de commerce. Tous les projets de loi de ratification d'ordonnances ont été déposés sur le Bureau du Sénat.

- La loi n° 2000-517 du 15 juin 2000 a habilité le Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs. Sur le fondement de cette loi, le Gouvernement a pris une ordonnance le 19 septembre 2000. Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2001.

- La loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 a habilité le Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire. Sur le fondement de cette habilitation qui couvrait un champ particulièrement important (plus de cinquante directives ainsi que divers règlements), le Gouvernement a pris onze ordonnances relatives notamment à la protection contre les rayonnements ionisants, le système de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur et au droit social, à l'information du comité d'entreprise européen et à l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Dix-huit ordonnances doivent encore être prises avant le 4 mai 2001, tandis que vingt-six autres devront être prises avant le 4 septembre 2001.

Il existe un risque réel, si le recours aux ordonnances se banalise, que ces dernières ne soient jamais ratifiées .

Il appartient en effet au Gouvernement de veiller à ce que chacun de ces projets de loi de ratification soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour des assemblées. Le simple dépôt d'un projet de loi de ratification ne vaut pas ratification implicite.

Or, on observe que plus d'une quinzaine de projets de loi de ratification d'ordonnances sont actuellement en attente d'une inscription à l'ordre du jour du Parlement par le Gouvernement. Cette situation devrait encore se détériorer à partir de juillet prochain, date à laquelle les projets de loi de ratification des ordonnances prises avant le 4 mai 2001 sur le fondement de la loi d'habilitation du 3 janvier 2001 devront être déposés. Or, ces ordonnances, très techniques, représentent un volume d'articles considérable.

Si aucune disposition n'impose formellement leur inscription à l'ordre du jour parlementaire, le Conseil constitutionnel admettant le procédé de la ratification tacite qui résulte de la " manifestation de volonté implicitement, mais clairement exprimée du Parlement " lors du vote d'une loi ultérieure modifiant les mesures prises par ordonnance (décision n° 72-73 DC du 29 février 1972), une ratification expresse semble de loin préférable. Elle constitue l'occasion pour le Parlement jusque-là dessaisi d'exercer un contrôle sur le contenu des ordonnances. Elle permet par ailleurs de conférer valeur législative à l'ensemble des mesures prises sans attendre que cette onction résulte au cas par cas de modifications ultérieures et constitue donc un gage de cohérence et de sécurité juridique pour l'ordonnancement juridique. En outre, une ratification implicite des ordonnances par des lois ultérieures pouvant être partielle, elle ne pourrait que susciter des difficultés d'interprétation de nature à créer la confusion.

On ne peut donc qu'appeler une nouvelle fois le Gouvernement à programmer l'inscription de ces projets de loi de ratification d'ordonnances à l'ordre du jour, tout en rappelant que diverses réformes statutaires, s'agissant de Mayotte et de la Polynésie française, sont encore en cours, ce qui est une source potentielle d'incohérences.

III. L'ÉCONOMIE DU PROJET DE LOI

Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen tente de répondre aux exigences de l'article 38 de la Constitution en procédant dans ses trois articles à la délimitation ratione materiae et ratione temporis du champ de l'habilitation.

* L'article premier énumère les huit matières pour lesquelles le Gouvernement envisage de légiférer par ordonnances. Le champ de l'habilitation est nécessairement très disparate mais les différentes rubriques peuvent s'ordonner autour de trois objectifs principaux :

1- la nécessité de doter la collectivité territoriale de Mayotte, dont le statut doit prochainement faire l'objet d'une évolution, d'une législation adaptée dans une optique de remise à niveau , notamment dans le domaine économique et social.

Telle est en effet la motivation essentielle de ce projet de loi d'habilitation qui doit constituer le pendant en matière économique et sociale du volet statutaire faisant parallèlement l'objet d'un projet de loi, mieux à même de favoriser un véritable débat parlementaire.

Devraient ainsi être prises des ordonnances en matière de protection sanitaire et sociale, de droit du travail et de l'emploi, de règles relatives à l'exercice de l'activité des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs et de statut des instituteurs.

2- la reprise d'un programme d'ordonnances déjà commencé dans la précédente loi d'habilitation du 25 octobre 1999

- Il s'agit des dispositions concernant les transports intérieurs dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique qui étaient prévues dans la précédente loi d'habilitation mais n'avaient pu être adoptées dans le laps de temps imparti au Gouvernement du fait de l'hostilité des transporteurs locaux.

- Une ordonnance devrait également concerner les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie et leurs conséquences sur l'ensemble du territoire de la République, complétant les ordonnances prises en la matière s'agissant des Iles Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française et de Mayotte dans le cadre de la précédente loi d'habilitation.

3- des dispositions plus techniques

- l'extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

- l'extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis et Futuna, à la Nouvelle Calédonie et à Mayotte des dispositions législatives du code de l'aviation civile relatives à la sûreté et à la sécurité des aérodromes.

* L'article 2 prévoit la consultation des assemblées des différents territoires, départements ou collectivités intéressés par les projets d'ordonnance.

* L'article 3 définit les délais de l'habilitation : d'une part le délai avant l'expiration duquel les ordonnances devront être prises, en second lieu le délai imparti au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification sur le bureau du Parlement.

Un délai de neuf mois est ainsi prévu pour permettre au Gouvernement de prendre les ordonnances envisagées, les projets de loi de ratification devant être déposés au cours des trois mois suivants. Le premier délai est ainsi de trois mois supérieur à celui accordé au Gouvernement à l'automne 1999 par la dernière loi d'habilitation ; le second en revanche est le même.

Tout en soulignant une nouvelle fois les inconvénients qui s'attachent à une utilisation systématique de la procédure des ordonnances, votre commission ne s'y opposera pas, soucieuse de ne pas retarder davantage le processus de modernisation de la législation applicable outre-mer, la plupart des extensions et adaptations envisagées répondant à des demandes pressantes des collectivités concernées.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Champ de l'habilitation

Cet article a pour objet de définir la finalité et le champ de l'habilitation législative accordée au Gouvernement. Il énumère ainsi les différentes matières concernées par les projets d'ordonnance. La finalité des mesures envisagées étant la poursuite de l'actualisation et de l'adaptation du droit applicable outre-mer, les exigences fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 38 de la Constitution paraissent satisfaites.

Les matières sont les suivantes :

1° Transports intérieurs dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ;

Selon l'exposé des motifs, sont concernés uniquement les transports terrestres de personnes . S'agissant des transports fluviaux, importants en Guyane puisqu'ils assurent certains transports scolaires, leur situation a été réglée par la loi d'orientation pour l'outre-mer dans son article 20 qui prévoit un aménagement des conditions de capacité financière et professionnelle ainsi que des conditions relatives aux caractéristiques techniques des embarcations, un décret en Conseil d'Etat dont la parution est prévue mi-2001 devant en fixer les modalités d'application .

Actuellement, le réseau de transport public routier interurbain de personnes ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins. Alors qu'à la Réunion, l'autorité départementale organisatrice a permis d'organiser la mise en concurrence, cela n'a pas été le cas dans les autres départements d'outre-mer. En raison de la carence des transports publics, de nombreux professionnels privés ont développé une offre de transport dite de " taxi collectif ".

La loi n° 99-899 du 25 octobre 1999 portant habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer autorisait le Gouvernement à prendre une ordonnance adaptant pour les départements d'outre-mer la législation relative aux transports intérieurs. Cette rubrique avait d'ailleurs été ajoutée lors du débat à l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Camille Darsières et Daniel Marsin.

En effet, le rapport Lise-Tamaya 1 ( * ) , soulignant les difficultés d'application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dite " loi Sapin " sur les modalités de délégation de services publics, appelait à un moratoire pour l'application de cette loi dans ce secteur.

Le projet d'ordonnance élaboré à cette occasion a été validé par la section des travaux publics du Conseil d'Etat en mars 2000, mais n'a pas reçu l'accord des collectivités locales, en raison de l'hostilité des transporteurs, et le Gouvernement a renoncé à le prendre dans le délai d'habilitation. Consulté par le Gouvernement, le Conseil d'Etat a rendu en septembre 2000 un avis estimant qu'une dérogation permanente à la " loi Sapin " serait contraire à l'article 73 de la Constitution mais jugeant cependant acceptable une dérogation provisoire à cette loi.

La concertation s'est poursuivie au plan local. Cette habilitation est donc identique à celle de 1999 et se base sur le projet d'ordonnance précédemment avalisé par le Conseil d'Etat. On peut d'ailleurs se demander si, face à ces difficultés, il n'aurait pas mieux valu procéder par un projet de loi et si un tel renouvellement d'habilitation pour un même sujet n'est pas contraire à l'exigence fixée par le Conseil constitutionnel de fixer une limite temporelle aux habilitations.

Il est prévu:

- la création d'un établissement public local à caractère administratif entre le département, la région, et les communes qui le souhaitent. Il se substituerait au département et à la région (ainsi qu'aux communes qui y auraient adhéré) dans leurs compétences relatives au transport public de personnes.

- Les recettes de l'établissement public pourraient être composées d'une part du Fonds d'Investissement Routier, des versements transports des communes membres de l'établissement public, de contributions des collectivités, du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), de subventions, éventuellement d'emprunts. Ses dépenses porteraient sur le remboursement des emprunts contractés, les subventions d'exploitation aux lignes déficitaires, les investissements nécessaires à l'organisation des transports et le fonctionnement de l'établissement public, ainsi que les aides au départ nécessaires à la réorganisation du secteur.

- Après la création de cet établissement public, les conventions de transport public de personnes faisant référence pourraient être prorogées pendant une certaine période dans l'attente d'une réorganisation du secteur des transports.

Une prorogation des autorisations ou concessions d'exploitation des lignes de transports publics routiers pendant une période maximale de 18 mois avait déjà été prévue dans la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000. Il s'agirait cette fois-ci d'une prorogation soumise à conditions.

- L'établissement public pourrait proposer l'adaptation aux départements d'outre-mer des critères d'accès à la profession de transporteur routier de personnes.

Une première adaptation a été prévue par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 s'agissant des taxis collectifs, dont la situation juridique était ambiguë. Les conditions de capacité professionnelle et de capacité financière pour les artisans exploitant personnellement un seul véhicule d'une capacité maximale de neuf places ont été assouplies, un décret en Conseil d'Etat devant en préciser les modalités d'application.

2° Extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations

L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe expressément les règles de transferts de propriété du secteur public au secteur privé. Or la loi du 6 août 1986 ne s'applique pas aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Mayotte ni à Wallis et Futuna, ce qui interdit dans ces territoires toute cession éventuelle de sociétés dans lesquelles l'Etat ou les collectivités locales sont actionnaires.

Le Gouvernement envisage donc une extension de la loi de 1986, ce qui offrirait l'avantage d'y rendre désormais possibles des transferts de sociétés publiques dans les mêmes conditions et avec les mêmes garanties qu'en métropole. Ceci pourrait notamment contribuer à favoriser le développement de certains services ou de certaines entreprises d'économie mixte.

3° Extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis-et-Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte des dispositions législatives du code de l'aviation civile relatives à la sûreté et à la sécurité sur les aérodromes

Selon l'exposé des motifs, il est prévu d'étendre aux territoires d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte les articles L. 213-1, L. 282-8 et L. 321-7 du code de l'aviation civile.

En effet, la réglementation dans les domaines de la sûreté et de la sécurité sur les aérodromes relève de la compétence de l'Etat, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans son avis du 16 mars 1999 sur la répartition des compétences entre l'Etat et la Polynésie française en matière de services de sauvetage et de sécurité incendie des aéronefs.

Or, si la France vient de traduire par un décret et un arrêté publiés au Journal Officiel du 11 janvier 2001 les nouvelles exigences de sécurité incendie imposées par l'OACI, les territoires d'outre-mer ne sont pour l'instant soumis à aucune obligation, alors même que ces règles ont vocation à s'appliquer à l'ensemble du territoire français. Ils ne s'inspirent à l'heure actuelle que par précaution de la réglementation antérieure issue d'un arrêté de 1979, qui est bien moins contraignante. En cas d'incendie d'aéronef sur un aérodrome des territoires d'outre-mer, l'Etat risque d'être mis en cause pour défaut de réglementation. Il en va de même en ce qui concerne la sécurité aviaire, champ dans lequel une nouvelle réglementation technique est en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

L'application de l'ensemble des normes techniques et de sécurité à l'outre-mer nécessite donc l'extension de ces articles législatifs supports.

De plus, en l'absence d'extension de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile, ni l'Etat, sur ses aérodromes, ni les territoires, sur les autres aérodromes, ne disposent des moyens juridiques pour imposer la prise en charge opérationnelle de ces missions régaliennes par les exploitants d'aérodromes.

4° Conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie et leurs conséquences sur l'ensemble du territoire de la République

Cette ordonnance s'inscrit dans la lignée des ordonnances relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers respectivement dans les îles Wallis et Futuna (n° 2000-371 du 26 avril 2000), en Polynésie française (n° 2000-372 du 26 avril 2000) et à Mayotte (n° 2000-373 du 26 avril 2000), prises sur le fondement de la loi d'habilitation n° 99-899 du 25 octobre 1999 et devant entrer en vigueur le 1 er mai 2001.

En 1999, la Nouvelle-Calédonie n'avait pu être incluse dans les ordonnances, car les textes relatifs à son nouveau statut n'avaient pas encore été adoptés. Il s'agit donc de remédier à cette situation.

Selon l'exposé des motifs, l'ordonnance devrait reprendre la plupart des dispositions de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Des adaptations seraient cependant prévues pour tenir compte du droit existant, des particularités géographiques et de l'organisation administrative et judiciaire de la Nouvelle-Calédonie.

La majeure partie du droit applicable repose encore sur le décret-loi du 13 juillet 1937, même si la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a étendu les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux zones d'attente.

Les conditions d'octroi et de renouvellement des titres de séjour, la libre entrée des ressortissants communautaires et l'exigence de dispositions pénales réellement dissuasives en matière d'immigration clandestine devraient être rénovées ou introduites dans le droit applicable.

Ce projet doit donc contribuer à renforcer l'Etat de droit et à fournir aux autorités locales les moyens juridiques d'assurer la régulation et l'équilibre des flux migratoires.

En outre, quatre projets d'ordonnances concernent Mayotte.

S'agissant de Mayotte, le recours aux ordonnances est une pratique courante puisque, depuis la loi d'ordonnance n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte, le Gouvernement a été autorisé à huit reprises à légiférer par voie d'ordonnances 2 ( * ) . Plus d'une quarantaine d'ordonnances ont ainsi été prises, dans des domaines extrêmement variés, allant du régime fiscal et douanier à des dispositions en matière de droit pénal ou d'urbanisme et d'environnement.

En effet, l'extension pure et simple du régime en vigueur en métropole à Mayotte est exclue en raison de l'importance des particularismes locaux et du niveau de développement de la collectivité territoriale. Or une modernisation est d'autant plus nécessaire que Mayotte est régie par des règles disparates et souvent contradictoires : droit particulier musulman à la base du statut personnel, droit coutumier d'origine africaine ou malgache, éléments du droit en vigueur dans l'ancien territoire d'outre-mer comorien créé en 1957 et enfin droit métropolitain.

Par ailleurs, il faut noter que le projet de loi statutaire concernant Mayotte , qui est parallèlement en examen devant le Parlement, habilite dans son article 55 le Gouvernement à légiférer par ordonnances avant le 31 décembre 2002 dans les domaines suivants : dispositions de droit civil relatives aux personnes, à la propriété, aux contrats, aux obligations, aux privilèges, à la prescription et à la possession ; réforme de l'organisation judiciaire et statut des cadis ; modernisation du régime communal, coopération intercommunale et conditions d'exercice des mandats locaux (la coopération intercommunale et les conditions d'exercice des mandats locaux ayant été ajoutés par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement) ; modernisation et développement du service public de l'électricité ; protection, aménagement et mise en valeur de la zone " des cinquante pas géométriques " et enfin développement de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (cette dernière rubrique ayant été ajoutée par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Jacques Floch).

Il faut d'ailleurs s'interroger dès à présent sur l'ampleur d'une telle habilitation. En effet, les dispositions de droit civil relatives aux personnes, qui visent le statut de droit personnel inspiré par le droit coranique, posent de réels problèmes de constitutionnalité et de compatibilité avec des conventions internationales telles que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Il s'agit donc d'un dessaisissement très grave du Parlement, qui devra faire l'objet d'une étude approfondie lors de l'examen du projet de loi sur le statut de Mayotte au Sénat.

Le présent projet de loi d'habilitation s'intéresse plus particulièrement aux questions de protection sociale, de formation et de développement économique, qui sont d'ailleurs étroitement liées.

5° Protection sanitaire et sociale à Mayotte en matière d'allocations et de prestations familiales, d'aide aux personnes âgées et handicapées, d'assurance vieillesse, de prise en charge des dépenses de santé et d'organisation des soins, de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; mesures d'organisation et d'administration correspondantes

A la suite de l'engagement pris par le Premier ministre dans son allocution devant le conseil général le 24 novembre 1994 de prendre en charge la santé publique à Mayotte, une convention de développement économique et social a été signée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Mayotte en avril 1996.

L'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 qui en a résulté a opéré d'importantes réformes en matière de protection sociale. L'hôpital a ainsi été transformé en un établissement public de santé de droit commun, tandis qu'était instituée une cotisation santé limitée à la couverture des soins hospitaliers. Par ailleurs, la Caisse de Prévoyance Sociale (qui existe depuis 1977) a également été transformée en un organisme de droit privé doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, par analogie avec les caisses primaires d'assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale propres aux départements d'outre-mer. Cette caisse couvre les risques maladie et maternité, les accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les allocations familiales et depuis 1987 la vieillesse au profit des salariés de droit privé.

Elle connaît cependant des problèmes liés aux spécificités de la société mahoraise. La polygamie rend ainsi difficile la répartition des pensions de retraite tandis que l'absence d'état-civil n'est pas de nature à faciliter la distribution des prestations sociales.

Par conséquent, la protection sociale à Mayotte reste très incomplète. De nombreux Mahorais bénéficient d'une protection sociale faible, voire nulle, dans les domaines de l'enfance et de la famille, du handicap, de la retraite, et dans une moindre mesure dans celui de l'accès aux soins.

Le gouvernement a donc décidé une amélioration de la protection sociale, progressive et adaptée, en parallèle des mesures en faveur de l'emploi. Il ne s'agit pas de transposer les règles qui régissent la protection sociale en métropole, mais de tenir compte de la situation particulière de l'économie, du travail, des relations sociales.

Lors de son déplacement à Mayotte en janvier dernier, le Premier ministre M. Lionel Jospin avait annoncé une série de mesures d'ordre économique et social. Si aucun avant-projet d'ordonnance n'est encore disponible, les futures ordonnances devraient reprendre ces propositions, ainsi que celles évoquées au point 7 de " l'accord sur l'avenir de Mayotte " signé à Paris le 27 janvier 2000 prévoyant que le système de protection sanitaire et sociale sera adapté et modernisé.

L'exposé des motifs cite notamment l'instauration de structures de prévention relevant de l'action sanitaire et sociale et de la protection judiciaire de la jeunesse. Plus particulièrement seraient envisagées les mesures suivantes:

- la généralisation des allocations à toutes les familles

Actuellement les allocations familiales sont versées aux seuls salariés dès le premier enfant et plafonnées à quatre enfants. Ceci a pour conséquence paradoxale d'exclure les personnes les plus démunies et de contredire la politique de maîtrise de la natalité que la DASS mène dans en vue de limiter à trois le nombre d'enfants par femme. 7 000 familles en bénéficient actuellement sur 25 000 environ. Une extension progressive à d'autres catégories est envisagée, comme les non salariés, déclarés et cotisants. Il est également envisagé d'augmenter progressivement le niveau des allocations tout en les plafonnant à trois enfants. Des étapes pourraient être nécessaires, compte tenu de l'absence d'état-civil complet.

- l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire , complétée par une aide à l'achat des fournitures scolaires

- la mise en place de cantines scolaires

- l' augmentation significative de l'allocation minimale d'aide sociale des personnes handicapées et des personnes âgées les plus défavorisées , équivalent local du minimum vieillesse ou de l'allocation aux adultes handicapés.

A l'heure actuelle, les retraites servies par la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte (secteur privé) sont de 1.300 F par mois à partir de 60 ans, celles servies par la Caisse de Retraite des Fonctionnaires de Mayotte étant de 2.400 F par mois à partir de 55 ans, tandis que l'aide sociale verse une allocation minimale de 420 F par mois aux personnes âgées ou handicapées ayant des revenus mensuels inférieurs à 600 F.

- l'amélioration de la couverture maladie et d'accès aux soins

Le remboursement de la médecine de ville pourrait être envisagé, ainsi que l'attribution d'indemnités journalières maladie pour les salariés. Une coordination des régimes en matière d'assurance maladie pour les Mahorais se rendant à la Réunion ou en métropole est également à l'étude.

6° Droit du travail et de l'emploi à Mayotte en matière d'aide à la création d'emplois, de maintien de l'exploitation agricole familiale, de formation, de création d'entreprise, d'instauration d'un régime d'indemnisation du chômage, de congé de maternité, d'organisation et de développement des activités d'utilité sociale

Le Gouvernement entend compléter et adapter le code du travail comme le prévoit le point 7 de l'accord sur l'avenir de Mayotte. L'ordonnance pourrait ainsi actualiser l'ordonnance n° 91-246 du 25 février 1991 modifiée relative au code du travail applicable à Mayotte et la compléter principalement par des dispositions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle.

La priorité affichée est de développer les revenus d'activité, notamment pour permettre aux femmes seules d'assumer la charge des enfants. En effet, compte tenu de la situation mahoraise, du chômage massif, de la faiblesse de la culture du travail, de la proportion très élevée de jeunes n'ayant pas ou très peu travaillé, introduire massivement des revenus de transferts sociaux risquerait de conduire à un assistanat généralisé.

Les premières mesures prévoient :

- le lancement par le gouvernement d'une dynamique de négociation entre les partenaires sociaux pour la mise en place d'un régime d'indemnisation du chômage , aujourd'hui inexistant.

Mayotte connaît un taux de chômage très élevé (30% en novembre 2000). Compte tenu de la part des moins de quinze ans dans la population, la hausse du chômage a un caractère structurel du fait de l'arrivée sur le marché du travail d'une population nombreuse que les créations d'emplois ne sont pas en mesure d'absorber.

L'instauration d'un régime d'assurance chômage à Mayotte ne fait cependant pas l'unanimité et devrait être limité à l'indemnisation des pertes d'emploi (pour motif économique) de salariés ayant une certaine ancienneté, avec une indemnisation dégressive. A défaut, le coût de ce régime accroîtrait le coût salarial et aurait des effets économiques négatifs. Ainsi, le rapport élaboré par le groupe présidé par le préfet Bonnelle en 1998, insistant sur le fait que l'extension des avantages sociaux et l'adaptation du droit du travail devaient accompagner les modifications socio-économiques et non les précéder, se montrait réservé quant à son opportunité.

Il pourrait cependant être instauré un dispositif d'aide en cas de chômage partiel, notamment pour les activités subissant des variations conjoncturelles comme le bâtiment et les travaux publics.

- un développement des dispositifs d'aide à la création d'entreprises devrait également être encouragé.

La nécessité de développer l'emploi et l'activité dans le secteur non marchand (particulièrement s'agissant des femmes) est également évoquée. Une évolution des chantiers de développement local (tâches d'intérêt général destinées aux plus de 26 ans) vers des activités plus structurées, avec des durées plus longues (4 à 6 mois au lieu de 6 à 12 semaines) à l'instar de l'action menée dans les départements d'outre-mer par les agences d'insertion paraît souhaitable.

- est également annoncée la création d'un dispositif d'emploi-jeunes , inspiré de celui de la métropole, qui viserait en premier lieu à répondre à la demande d'encadrement et de développement des associations sociales, sportives et culturelles et des collectivités locales.

En définitive, le programme est extrêmement large, étant donné l'ampleur des besoins à Mayotte.

7° Règles applicables à l'exercice de l'activité des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs à Mayotte

Le Gouvernement se propose de définir un régime des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs à Mayotte afin d'assurer une sécurité juridique à l'exercice de ces professions et de définir les droits afférents.

En effet, les commerçants, artisans, exploitants agricoles (9.500 ménages agricoles recensés), principalement des femmes organisées en micro-exploitations, n'ont à l'heure actuelle aucun statut. Le cumul de deux, voire trois activités est fréquent : pêche, agriculture à des fins d'auto-consommation et petit commerce.

Il s'agit donc de doter ces personnes d'un statut, entraînant inscription à la chambre professionnelle et acquittement d'une cotisation sociale, même minimale et sur une base forfaitaire, afin de favoriser leur intégration dans le circuit de l'économie organisée et de les faire bénéficier de la protection sociale.

Si l'économie mahoraise est traditionnellement tournée vers une agriculture d'auto-subsistance, l'économie est en pleine mutation. Alors que l'agriculture, l'élevage et la pêche accueillaient en 1985 plus de 60% des actifs, -la notion d'actif étant par ailleurs difficile à cerner à Mayotte- , ce chiffre n'était plus que de 20% en 1997. Or, le maintien de l'exploitation agricole familiale doit être favorisé car elle assure l'autosuffisance alimentaire et une bonne répartition des activités et des habitants sur le territoire. A défaut, le risque serait d'assister à un exode rural massif et donc une concentration urbaine génératrice de problèmes majeurs. En effet, la forte poussée démographique et l'immigration ne permettent pas de créations d'emplois en nombre suffisant. La baisse du taux de couverture 3 ( * ) ces dernières années (de 75% en 1975 à moins de 5% aujourd'hui) montre les dangers auxquels est confrontée l'économie mahoraise du fait de l'essor mal maîtrisé de la société de consommation.

8° Statut des instituteurs à Mayotte

La convention de développement économique et social signée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Mayotte le 5 avril 1995 a défini comme une priorité le développement de l'enseignement. Elle prévoit notamment un important programme d'amélioration de la qualification professionnelle des instituteurs, puisque beaucoup de ceux recrutés dans les années soixante-dix ont le niveau CM.2 et pour certains maîtrisent difficilement le français. La question de la formation des instituteurs est fondamentale en raison des besoins de recrutement. Chaque année, du fait d'une part d'une démographie galopante et d'autre part d'une forte immigration en provenance principalement des Comores, les besoins en recrutement d'instituteurs pour la seule collectivité territoriale de Mayotte sont, selon les services de la préfecture de Mayotte, égaux à ceux de l'ensemble de la métropole. De plus, le développement de Mayotte passe avant tout par la scolarisation de tous les enfants et un apprentissage précoce de la langue française, alors que 75% de la population n'est pas francophone.

C'est d'ailleurs le seul domaine pour lequel il existe un avant-projet d'ordonnance. Il prévoit de modifier l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 portant statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte, afin de faire bénéficier les 1 200 instituteurs de Mayotte, fonctionnaires ou agents non titulaires territoriaux, soumis aux dispositions de l'ordonnance précitée, d'un statut particulier qui sera précisé par décret en Conseil d'Etat en matière de recrutement et de formation.

Une dérogation générale serait instituée afin d'éviter le recrutement initial par liste d'aptitude, inadapté à des fonctionnaires dont l'employeur unique sera la collectivité territoriale. L'objectif est de supprimer les micro-corps existants pour les instituteurs actuellement répartis en quatre catégories (six avec les non-titulaires) et de constituer un cadre unique d'instituteurs. Cette diversité de statuts entraîne en effet de grandes variations de salaires et une certaine frustration parmi le corps enseignant.

La présidence des commissions administratives partiaires serait soustraite au président du centre de gestion des cadres et donnée au préfet. Les instituteurs sont en effet du cadre territorial et leur gestion, en l'absence de modification du statut de la collectivité, demeure de la compétence du préfet, représentant de l'Etat et exécutif du conseil général. Cette compétence sera assumée par le président du conseil général à partir de 2004 si le projet de loi relatif au statut de Mayotte est adopté.

La formation des instituteurs étant un point fondamental, l'avant-projet d'ordonnance prévoit de créer un institut de formation des maîtres (IFM) exerçant les missions confiées en la matière pour les autres fonctionnaires mahorais au centre de gestion des cadres précité. Un institut existe depuis 1999 dans la commune de Dembeni et assume déjà ces missions, sans avoir cependant juridiquement le statut d'IFM. Il s'agit donc de remédier à cette situation juridiquement gênante alors que l'institut devrait compter rapidement 300 élèves-maîtres en formation initiale auxquels s'ajouteraient les instituteurs en stage de formation continue.

Le statut d'établissement public territorial s'inspirant de celui des ex-écoles normales a été retenu : le fait de lui accorder une autonomie tant pédagogique que financière devrait lui permettre de mener une politique originale en matière de formation.

Enfin, l'avant-projet d'ordonnance prévoit de corriger une erreur formelle contenue dans l'ordonnance (ventilation erronée des commissions administratives paritaires sur les " niveaux " hiérarchiques des cadres de fonctionnaires et non sur les cadres eux-mêmes).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er sans modification.

Article 2
Consultation des assemblées locales

L'article 2 prévoit la consultation des différentes assemblées représentant respectivement les territoires, départements et collectivités territoriales sur les projets d'ordonnances les intéressant.

La procédure applicable en matière de consultation en vue d'étendre et d'adapter des dispositifs législatifs varie en fonction du type de collectivité : obligation de portée constitutionnelle pour les territoires d'outre-mer (article 74 de la constitution), obligation résultant d'une loi organique pour la Nouvelle-Calédonie (article 90 de la loi statutaire du 19 mars 1999, obligation résultant de la loi statuaire du 11 mai 1985 (article 24) pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

En revanche, il s'agit pour Mayotte d'une simple faculté (article 10 de la loi du 24 décembre 1976), même si depuis la loi d'habilitation de 1979, la consultation est régulièrement intervenue. Le projet de loi sur le statut de Mayotte qui doit être examiné au Sénat en première lecture en juin prochain prévoit d'ailleurs de donner une base légale à cette consultation. L'article 2 prévoit que cet avis doit être émis dans le délai d'un mois.

De même, il faut souligner qu'à l'occasion de ce projet de loi d'habilitation a été faite la première application de l'obligation de consultation des assemblées locales des départements d'outre-mer introduite par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, s'agissant de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane.

Pour ces territoires, départements et collectivités, à l'exception de Mayotte, l'article 2 n'opère donc qu'un rappel sans portée normative.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3
Délais d'adoption des ordonnances
et de dépôt des projets de loi de ratification

Conformément aux prescriptions de l'article 38 de la Constitution qui n'autorise la délégation législative que " pendant un délai limité " et prévoit la caducité des ordonnances en l'absence de dépôt d'un projet de loi de ratification dans le délai défini par la loi d'habilitation, l'article 3 a pour objet de déterminer ce double butoir.

Ainsi que la précédente loi d'habilitation de décembre 1999, le projet de loi d'habilitation définit des périodes dont le point de départ est la date de promulgation de la loi d'habilitation. La première, d'une durée de neuf mois, correspond au délai avant l'expiration duquel le Gouvernement devra avoir pris les ordonnances envisagées ; la seconde, d'une durée de douze mois, correspond au délai imparti au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification, à peine de caducité des ordonnances.

Observons qu'à l'instar des précédents dispositifs d'habilitation votés en 1998 et en 1999, l'article 3 fait référence à plusieurs projets de loi de ratification. Permettant un regroupement thématique des ordonnances pour examen par les commissions permanentes compétentes au fond, cette méthode devrait permettre d'assurer un meilleur contrôle du Parlement sur le contenu des ordonnances. La pratique n'a cependant malheureusement pas entériné ces bonnes intentions.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 sans modification.

*

* *

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

TABLEAU COMPARATIF

ANNEXE

_____

Code de l'aviation civile

Article L213-3

LIVRE II : AÉRODROMES.

TITRE Ier : DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE III : POLICE DES AÉRODROMES
ET DES INSTALLATIONS A USAGE AÉRONAUTIQUE.

Les aérodromes assurent, suivant des normes techniques définies par l'autorité administrative, le sauvetage et la lutte contre les incendies d'aéronefs, ainsi que la prévention du péril aviaire. Ils participent à l'organisation des visites de sûreté dans les conditions prévues au b de l'article L 282-8.

Sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police mentionnés à l'article L 213-2, l'exploitant d'aérodrome assure l'exécution des services en cause. Il peut faire assurer celle-ci, en vertu d'une convention, par le service départemental d'incendie et de secours, par l'autorité militaire ou par un organisme agréé dans les conditions fixées par décret.

Article L282-8

LIVRE II : AÉRODROMES.

TITRE VIII : DISPOSITIONS PÉNALES.

CHAPITRE II : PROTECTION DES AÉRODROMES, DES AÉRONEFS AU SOL
ET DES INSTALLATIONS A USAGE AÉRONAUTIQUE.

SECTION III : Police de l'exploitation.

En vue d'assurer préventivement la sûreté des vols, tant en régime national qu'international, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire peuvent procéder à la visite des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes et de leurs dépendances. Ils peuvent aussi faire procéder à cette visite sous leurs ordres :

a) Par des policiers auxiliaires ou des gendarmes auxiliaires ;

b) Et éventuellement par des agents de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, que les entreprises de transport aérien ou les gestionnaires d'aérodromes ont désigné ou fait désigner par des entreprises liées par un contrat de louage de services pour cette tâche ; ces agents devront avoir été agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République ; leur intervention sera limitée, en ce qui concerne la visite des personnes, à la mise en uvre des dispositifs automatiques de contrôle, à l'exclusion des fouilles à corps et de la visite manuelle des bagages à main.

Les agents des douanes peuvent, dans le même but et dans les mêmes lieux, procéder à la visite des bagages de soute, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules en régime international. Ils peuvent y faire procéder sous leurs ordres par des agents désignés dans les conditions fixées à l'alinéa précédent.

Les agréments prévus au b sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. L'agrément ne peut être retiré par le représentant de l'Etat dans le département ou par le procureur de la République qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

Article L321-7 : En vigueur

LIVRE III : TRANSPORT AÉRIEN.

TITRE II : CONTRAT DE TRANSPORT.

CHAPITRE Ier : TRANSPORT DES MARCHANDISES.

En vue d'assurer préventivement la sûreté des vols, les transporteurs aériens doivent recourir aux services d'un "expéditeur connu" pour l'expédition de fret ou de colis postaux en vue de leur transport ou mettre en uvre, dans les conditions définies par le décret prévu au sixième alinéa du présent article, des procédures de sûreté spécifiques pouvant comporter des visites de sûreté pratiquées par des agents agréés dans les conditions prévues par l'article L 282-8.

Peuvent être agréés en qualité d'"expéditeur connu" par le ministre chargé des transports les entreprises ou organismes qui mettent en place des procédures appropriées de sûreté en vue du transport de fret ou de colis postaux expédiés pour leur compte ou celui d'un tiers. Ces marchandises ne sont pas soumises aux contrôles prévus à l'article L 282-8, l'Etat conservant toutefois la faculté d'imposer ces contrôles si les circonstances l'exigent.

En cas de dommage résultant d'un acte malveillant et causé par des colis postaux ou du fret visés par le présent article, la responsabilité d'un "expéditeur connu" ne peut être engagée qu'en raison de l'inobservation des procédures de sûreté prévues par le présent code.

L'agrément peut être refusé ou retiré lorsque l'entreprise ou l'organisme ne se conforme pas aux obligations prévues par les deuxième et cinquième alinéas du présent article ou par le décret d'application mentionné au sixième alinéa, ou peut constituer, par ses méthodes de travail ou le comportement de ses dirigeants ou agents, un risque pour la sûreté. L'agrément ne peut être retiré qu'après que l'entreprise ou l'organisme concerné a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.

Les officiers de police judiciaire et les agents des douanes sont chargés de vérifier que les entreprises ou organismes ayant demandé un agrément sont en mesure de satisfaire aux conditions posées à l'obtention dudit agrément et que ceux l'ayant obtenu respectent ces conditions. A cet effet, ils ont accès, à tout moment, aux locaux et terrains à usage professionnel des entreprises ou organismes titulaires de l'agrément ou qui en demandent le bénéfice, à l'exception des pièces exclusivement réservées à l'habitation. Ils peuvent requérir, pour l'accomplissement de leurs missions, l'ouverture de tous colis, bagages et véhicules professionnels en présence du responsable de l'entreprise ou de l'organisme, ou de ses préposés en cas d'absence de celui-ci, et se faire communiquer les documents comptables, financiers, commerciaux ou techniques propres à faciliter l'accomplissement de leurs contrôles.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Ce décret tient compte des contraintes propres à chacune des catégories de personnes visées au premier ou au deuxième alinéa. Il peut prévoir que le fret ou les colis postaux visés au présent article, ainsi que les correspondances et le transport de la presse, sont soumis à des règles particulières ou sont exemptés de procédures de sûreté.

Il détermine également les prescriptions que les entreprises ou organismes visés au deuxième alinéa doivent respecter en matière de réception et de contrôle pour éviter des dépôts et des expéditions anonymes.

* 1 MM. Claude LISE et Michel TAMAYA : " Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité " 1999

* 2 lois du 24 décembre 1976, du 22 décembre 1979, du 23 décembre 1989, du 23 décembre 1991, du 2 janvier 1996, du 5 février 1996, du 6 mars 1998 et du 25 octobre 1999

* 3 c'est à dire le ratio importations / exportations

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