Rapport n° 299 (2000-2001) de M. Aymeri de MONTESQUIOU , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 mai 2001

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N° 299

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mai 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse ,

Par M. Aymeri de MONTESQUIOU,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2909 , 2955 et T.A. 647

Sénat : 254 (1999-2000)

Aménagement du territoire.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le dépôt du projet de loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse s'impose pour des raisons de temps.

La réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit qui répond aux besoins de développement économique de la région Midi-Pyrénées et de l'agglomération de Toulouse, en particulier, doit impérativement être achevée pour novembre 2003, afin qu'Airbus Industrie puisse l'utiliser pour acheminer les éléments de l'avion gros porteur A 380, qui doit être assemblé à Toulouse.

Compte tenu de ces délais, l'Etat doit pouvoir recourir, en cas de besoin, à la procédure d'extrême urgence prévue par l'article L.15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Au-delà de cet aspect procédural, il importe de veiller à ce que ce projet d'itinéraire à très grand gabarit s'inscrive dans une démarche équilibrée d'aménagement du territoire.

Le développement économique engendré par la construction de l'A380 confirmera la place prépondérante de Toulouse dans l'aéronautique européenne. Cette opportunité toulousaine doit être ressentie comme une chance par tous les départements et les communes traversées par l'itinéraire.

Ce passage peut constituer une gêne, une nuisance et parfois une blessure pour l'environnement.

Outre le rappel des règles d'expropriation rapide rendues indispensables par un calendrier extrêmement tendu, votre commission s'est donc également penchée sur les méthodes à employer pour que gênes, nuisances ou blessures, soient acceptées comme participant à un aménagement du territoire équilibré et donc compensées par un développement économique et des retombées fiscales équitablement répartis.

Il est indispensable qu'un dialogue s'instaure et que les populations concernées ressentent la considération qu'elles attendent des décisionnaires et soient convaincues que ces derniers s'efforcent d'atténuer et de compenser les problèmes causés par la réalisation de cet itinéraire.

De grandes richesses seront générées et des retombées fiscales induites. Le ministère de l'économie et des finances, ainsi que la DATAR à travers le comité national d'aménagement du territoire doivent faire preuve d'une imagination au service de l'équité.

Le calendrier de réalisation de cet itinéraire est très contraignant. Tout doit être fait pour que les populations des collectivités traversées qui en supporteront les préjudices ne subissent pas, en plus, une injustice. Si tel était le cas, leurs réactions génèreraient des retards désastreux car le sentiment d'injustice constitue le plus fort des leviers.

Le rapport de votre Commission des Affaires économiques, au-delà du strict examen du projet de loi permettant la mise en place d'une procédure d'expropriation d'extrême urgence, propose des dispositions à même de convaincre nos concitoyens impliqués dans cet itinéraire, que ce grand projet constitue une vraie chance.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN PROJET DE LOI LARGEMENT COMMANDÉ PAR DES CONSIDÉRATIONS D'ORDRE ÉCONOMIQUE

1. La réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit se justifie d'un point de vue économique

Comme le souligne l'étude d'impact jointe à ce projet de loi, l'agglomération de Toulouse est un pôle industriel de première importance, notamment dans les secteurs aéronautique et spatial, mais qui ne dispose pas d'accès maritime, le grand port le plus proche étant le port autonome de Bordeaux. Or il n'existe aucune liaison terrestre à grand gabarit entre ces deux villes, alors que la Garonne ne permet pas la navigation de grands convois au-delà du port de Langon.

Eu égard aux besoins et perspectives de développement de ce pôle, il est apparu nécessaire d'aménager un itinéraire routier à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.

Le planning des phases industrielles du nouvel avion gros porteur A 380, décidé par Airbus en décembre 2000, prévoit que l'assemblage final de cet avion aura lieu sur le site de Toulouse, conformément au principe de spécialisation de chaque usine en Europe et aux schémas d'assemblage en vigueur.

Le partage retenu est le suivant :

- les tronçons principaux du fuselage sont fabriqués à Hambourg (Allemagne) ;

- les ailes sont fabriquées par BAE Systems à Broughton (Grande-Bretagne) ;

- les empennages horizontaux sont fabriqués à Getafe (Espagne) ;

- l'empennage vertical est fabriqué à Stade (Allemagne) ;

- le concept est fabriqué à Saint-Nazaire/Meaulte (France) ;

- s'agissant de l'assemblage et des différentes étapes liées à la commercialisation, Toulouse sera chargée de l'assemblage final, des essais en vol et de l'aménagement du cockpit alors que Hambourg assurera la peinture et l'aménagement commercial de l'avion.

La livraison des appareils sera assurée à partir de Toulouse, à l'exception de ceux à destination de l'Europe et du Moyen-orient, qui seront livrés depuis Hambourg.

Ce projet vise à renforcer le rôle pilote de l'agglomération de Toulouse en matière aéronautique et spatiale et conforte ainsi les importants projets d'infrastructures déjà programmés pour asseoir le développement économique de la métropole.

Il constitue également une opportunité pour développer des synergies et des politiques de coopération entre Bordeaux et Toulouse, à travers une amélioration des structures de transport.

La nécessité de réaliser un itinéraire à très grand gabarit -appellation qui n'a aucune valeur juridique propre- s'impose en raison des caractéristiques des éléments de l'avion à transporter :

Hauteur
(en raison de l'empennage)

13 mètres

Largeur
(en raison du fuselage central)

8 mètres

Longueur
(en raison des ailes)

42 mètres

Leur importance ne permet pas d'envisager des modes d'acheminement autres que la voie fluviale et le transport routier. Ainsi, le plus gros avion existant (type Béluga) est limité à un diamètre de 7,10 mètres et la plupart des voies ferrées sont conçues pour transporter des gabarits inférieurs à 4 mètres de large. Par ailleurs, plusieurs projets de développement de ballons dirigeables, à l'étude actuellement, offriront peut-être des opportunités intéressantes, mais à une échéance de dix ans seulement, ce qui est incompatible avec le calendrier de fabrication de l'avion gros porteur.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le convoi sera composé de six ou sept camions.

La masse prise en compte est de 176 tonnes au maximum mais la charge par essieu devra rester conforme aux normes routières, soit 13 tonnes par essieu isolé. La vitesse du convoi sera comprise entre 3 et 30 km/h.

La fréquence des convois sera d'un à partir de novembre 2003, puis d'un par mois en 2004 et enfin d'un par semaine à partir de 2005. L'exploitation se fera par tronçon fermé de 15 kilomètres pendant la circulation du convoi, la nuit entre 23 heures et 5 heures du matin.

On peut noter que d'autres secteurs industriels, tels que les travaux publics, l'énergie, l'aéronautique et le spatial ou encore l'industrie sidérurgique sont amenés à transporter, en particulier sur cet itinéraire, des éléments de plus en plus intégrés, dont les caractéristiques en taille et en poids sont exceptionnelles.

Dans le cadre du projet soumis à consultation des schémas de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises , en application de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, l'un des objectifs retenus entend « valoriser le Grand Sud-Ouest et, notamment, les pôles de Bordeaux et Toulouse dans leurs échanges avec les autres pôles régionaux et européens », et améliorer les liaisons internes du Grand Sud-Ouest. A ce titre, sont notamment mentionnés l'établissement d'une « deux fois deux voies » entre Bordeaux et Pau, l'amélioration progressive de la RN21 et la mise à « deux fois deux voies » de la RN124.

Le projet de schémas de services devant être revu à la suite des consultations prévues par la loi, un amendement relatif à cet itinéraire devrait être introduit.

Le lancement du programme A 380 conduit donc à anticiper sur la réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit, en tenant compte de demandes spécifiques d'aménagement.

De plus, la réalisation de l'itinéraire s'articule avec les engagements inscrits dans le XII e contrat de plan signé avec la Région Midi-Pyrénées. Le tracé doit emprunter la RN124 pour laquelle 1 milliard de francs a été inscrit dont 820 millions de francs sur des opérations situées sur le fuseau de l'itinéraire à grand gabarit :

Département

Voie

Opération

Coût

32

RN124

Déviation d'Aubiet (1 ère phase)

210 MF

32

RN124

Aubiet-Auch

240 MF

31

RN124

Déviation de Léguevin à 2 voies avec créneaux de dépassement

370 MF

TOTAL

820 MF

2. Sa réalisation s'inscrit dans des délais très courts, justifiant le recours à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation.

Le calendrier de programmation des phases industrielles de l'A 380 s'inscrit dans des délais très courts qui doivent être impérativement respectés.

La livraison des premiers avions doit intervenir en mars 2006, ce qui implique que l'assemblage du premier avion -qui prendra environ dix mois- commence fin 2003, afin de pouvoir procéder aux essais en vol et finaliser un premier exemplaire fin 2005.

L'itinéraire à très grand gabarit doit donc être réalisé pour septembre 2003.

La mise en oeuvre des procédures de droit commun pour donner à l'Etat la maîtrise des terrains nécessaires ne permet sans doute pas de respecter ce calendrier. Elles impliquent environ trois ans de délai, qui s'ajoutent à huit mois de travaux, pour mettre le tracé retenu aux normes d'un itinéraire à très grand gabarit.

Cet itinéraire constituant un projet d'intérêt national, l'Etat a vocation à être maître d'ouvrage au sens de la loi du 12 juillet1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique puisqu'il s'agit d'une opération d'aménagement du territoire réalisée « pour le compte de l'Etat ». Conformément aux dispositions de l'article L. 131-4 du code de la voirie routière, l'Etat doit solliciter l'accord des départements sur le reclassement, dans le réseau routier national, des routes concernées dans la voirie départementale. Ce reclassement doit intervenir avant la déclaration d'utilité publique des travaux.

En application de l'article L.123-1 du code de l'environnement, ce projet d'itinéraire à très grand gabarit relève du régime des enquête publiques défini par la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement, car il s'agit d'une opération qui, par sa nature, sa consistance et le caractère des zones concernées, est susceptible d'affecter l'environnement.

Dans ce cadre, outre que le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête sont désignés par le président du tribunal administratif et non pas par le préfet, la durée de l'enquête ne peut être inférieure à un mois, et elle peut être prolongée pour une durée maximale de quinze jours.

Cette enquête constitue la première étape de la phase administrative, préparatoire aux opérations d'expropriation des biens immobiliers devant être acquis par l'Etat, à défaut d'accord amiable sur le prix de ces biens.

Les articles L. 11-1 à L.11-9 du code de l'expropriation précisent ainsi que l'enquête préalable est suivie de la déclaration d'utilité publique, puis de l'enquête parcellaire et enfin de l'arrêté de cessibilité.

Au-delà de l'arrêté de cessibilité, prononcé par le préfet, s'ouvre la phase judiciaire de l'expropriation au cours de laquelle s'opère le transfert de propriété et la détermination des indemnités.

C'est au stade de cette phase judiciaire de l'expropriation que le projet de loi prévoit de faire application de l'article L. 15-9 du code de l'expropriation afin d'autoriser l'administration, par décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, à prendre possession immédiate des terrains en cas de difficultés risquant de retarder l'exécution des travaux. Il prévoit expressément que cette procédure d'extrême urgence pourra s'appliquer à l'expropriation de terrains bâtis ou non bâtis et impose à l'Etat des obligations de relogement préalable des occupants.

Au-delà du contenu strict du projet de loi, il convient de s'interroger sur les conditions de réalisation et sur l'impact de cet itinéraire à grand gabarit. On peut, à ce sujet, regretter qu'il ne s'intègre pas plus résolument dans une démarche équilibrée d'aménagement du territoire.

II. LES FAILLES DU PROJET : NI CONCERTATION, NI COMPENSATIONS

A. UNE ABSENCE DE CONCERTATION EN AMONT

Compte tenu des délais très courts impartis pour la réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit, la concertation n'a pas été réellement menée préalablement à la prise de décision concernant cet itinéraire.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, seules des réunions d'information ont été tenues avec les élus des collectivités territoriales concernées :

- le 14 décembre 2000, sous la présidence du ministre de l'équipement, des transports et du logement, une première présentation du projet a été faite aux présidents des conseils généraux des départements de la Gironde, des Landes, de Lot-et-Garonne, du Gers et de la Haute-Garonne, ainsi qu'aux présidents des conseils régionaux de Midi-Pyrénées et Aquitaine ;

- le 19 janvier 2001, le préfet de région Midi-Pyrénées a réuni les présidents des conseils généraux concernés par le projet afin de présenter les différents trajets envisagés, sans qu'aucune décision ne soit prise.

Depuis, est intervenue, le 3 avril 2001, la décision du ministre de l'équipement, des transports et du logement arrêtant le trajet passant par Langon-Captieux-Eauze-Auch-Gimont-Leguevin-Toulouse-Colomiers.

La concertation va désormais se dérouler localement, mais a posteriori, avec les collectivités locales concernées par ce tracé, afin de préciser le détail de celui-ci et arrêter les modalités de son arrivée sur Toulouse.

Tout en comprenant les impératifs de temps qui s'imposent à la prise de décision publique, on ne peut que déplorer qu'un débat public n'ait pas été organisé, en application de l'article 2 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

L'article L. 121-1 du code de l'environnement prévoit, en effet, que, sur « des grandes opérations publiques d'aménagement d'intérêt national de l'Etat... présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un impact significatif sur l'environnement, un débat public peut être organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales des projets, pendant la phase de leur élaboration ».

L'organisation de ce débat est alors confiée à la Commission nationale du débat public, qui en dresse le bilan et publie un compte rendu. Ce compte rendu est mis à la disposition du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête.

Il convient toutefois de noter que, selon l'annexe du décret n° 96-388 du 10 mai1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement, ne sont concernées, dans le domaine des routes, que « les créations d'autoroutes ou de routes express dont le coût est supérieur à 4 milliards de francs ou dont la longueur est supérieure à 80 kilomètres ».

L'aménagement d'un itinéraire à très grand gabarit n'est donc pas expressément visé, et le coût de ce projet ne devrait pas dépasser 1 milliard de francs.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement considère, de plus, que le débat sur l'opportunité du projet a lieu au Parlement à l'occasion de l'examen de ce projet de loi sur l'application de la procédure d'extrême urgence. Mais, force est de reconnaître que la décision de réalisation de cet itinéraire est déjà prise et que le choix du tracé ne relève pas des compétences du Parlement . En conséquence, le débat public préalable, n'aura pas réellement eu lieu et il convient de le regretter, car il aurait sans doute permis d'aplanir, en amont, des difficultés qui ne manqueront pas de surgir localement.

B. DES NUISANCES AU NIVEAU LOCAL INSUFFISAMMENT PRISES EN COMPTE

A travers les auditions menées par votre rapporteur, il est apparu que le projet de l'itinéraire à très grand gabarit suscitait beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes, dues, souvent, à un déficit d'informations sur des données techniques précises.

Même si, a priori, aucun site d'intérêt communautaire Natura 2000 n'est concerné par le tracé, la réalisation de cet itinéraire aura des conséquences certaines dans le domaine environnemental et paysager, puisque la suppression de tous les obstacles s'impose sur une largeur de huit mètres et une hauteur de quinze mètres. Ceci aura, certes, des conséquences positives en ce qui concerne l'enfouissement des lignes électriques, mais ces contraintes de gabarit vont entraîner une modification profonde des paysages avec la suppression quasi systématique de tous les arbres d'alignement situés en bordure de l'itinéraire.

Les engagements annoncés en matière de traitement paysager de cet itinéraire à très grand gabarit ne constituent qu'une atténuation de ces nuisances et non une compensation . De plus, il s'agit, en matière d'aménagement routier, de techniques largement innovantes et il n'y a donc aucun moyen de juger de leur impact réel sur l'environnement.

Ainsi, le trajet devrait bénéficier du plan « Paysage et sécurité », en cours d'élaboration et qui est le prolongement des actions mises en oeuvre sur le réseau national à travers les « plans de gestion des arbres d'alignement ». Il prévoit la replantation de deux arbres pour chaque arbre coupé et l'intervention de spécialistes pour le traitement paysager de l'itinéraire. Il conviendra ainsi de veiller à la replantation d'arbres dont les dimensions permettent de les considérer comme tels.

Par ailleurs, le chantier de l'itinéraire sera conçu, et réalisé en respectant une liste de critères établis pour définir un label de « haute qualité environnementale » (HQE). Cette démarche HQE, utilisée dans le bâtiment depuis 1993, sera transposée aux infrastructures routières.

Il s'agit d'une démarche innovante portant sur l'ensemble du projet, de sa conception à son exploitation, afin d'en maîtriser les impacts sur l'environnement.

A titre d'exemple, les objectifs à prendre en compte en matière d'infrastructure routière peuvent être ainsi présentés :

Eco-construction :

définition du tracé (insertion du tracé dans le paysage, choix du tracé le moins « nuisant » pour les riverains...)

gestion du chantier (choix de produits et de techniques de mise en oeuvre peu polluantes, minimisation des nuisances du chantier pour les riverains...)

Eco-gestion :

réflexion dès l'amont du projet sur les contraintes d'entretien afin de permettre des techniques d'entretien économes et respectueuses de l'environnement,

choix de techniques d'entretien préservant l'environnement (économie de matières, techniques non polluantes, gestion des déchets de chantier...),

entretien défini pour permettre à l'infrastructure de conserver ou améliorer ses qualités environnementales pendant toute sa durée de vie...

Confort

confort des riverains (protections contre le bruit, protection visuelle et aménagements paysagers, utilisation de véhicules équipés de systèmes limitant les vibrations pour les convois exceptionnels...)

sécurité et confort des usagers (sécurité et confort accrus par les aménagements réalisés pour les convois exceptionnels, aménagements paysagers, lisibilité de l'itinéraire...)

Santé

impact sur la qualité de l'air

impact sur l'eau

sécurité de l'itinéraire (application de la démarche de contrôle de sécurité des projets routiers, choix des produits et équipements...)

Il est néanmoins difficile d'espérer la réalisation de ces études et la mise en oeuvre de leurs conclusions avant le début des travaux.

L'impact des nuisances pour l'activité des collectivités locales traversées par ce trajet et pour leurs habitants ne peut pas non plus être négligé et celles-ci sont multiples :

- on peut se demander si la réalisation de cet itinéraire, qui peut constituer un désenclavement opportun, ne vas pas entraîner un effet de délestage d'une partie du trafic des poids lourds de l'autoroute Toulouse-Bordeaux vers cet itinéraire gratuit, aggravant alors les conditions de vie des riverains ;

- sur certaines parties du tronçon, déjà très utilisées pour la circulation des flux de marchandises, y compris la nuit, on peut craindre que les conditions de circulation des convois, évoquées ci-dessus n'entravent l'activité économique des entreprises empruntant déjà ce tracé ;

- les itinéraires de délestage, utilisés lorsque l'itinéraire sera fermé à la circulation, seront détériorés par le passage des poids lourds et leur entretien ne doit pas être mis à la charge des collectivités territoriales mais de l'Etat ;

- l'itinéraire à très grand gabarit ne constitue pas une route express autorisant une grande vitesse, mais en matière de sécurité routière, il conviendra de veiller à ce que les entrées d'agglomérations traversées puissent être protégées, même si les marquages au sol ou les panneaux de signalisation traditionnels doivent être retirés ;

- enfin, pour les territoires les plus proches de ces nouveaux pôles, la nécessité d'accueillir de nouvelles populations, ce qui en soit est positif, rendra indispensables de nouveaux investissements en termes de réseaux, d'écoles, d'offre culturelle, et de services publics en général, ce qui aura un coût pour l'Etat, mais aussi pour les collectivités locales.

Plus généralement, la réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit risque de porter atteinte à l'image de marque des départements concernés.

Ainsi, le Gers a construit une politique touristique centrée sur une promesse d'authenticité, de convivialité et de qualité de vie. Cette activité économique de première importance pour le département représente 750.000 nuitées et un volume d'affaires d'environ 680 millions de francs. De plus, le pôle thermal composé de Barbotan-Cazaubon, Aurauzan, Lectoure et Castera-Verduzan constitue désormais un véritable outil de développement local.

Or, une station thermale est principalement concernée par la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit. Il ne saurait être question que son activité soit remise en cause par ce projet.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : INSCRIRE CE PROJET D'ITINÉRAIRE DANS UNE DÉMARCHE ÉQUILIBRÉE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

En définitive, on peut légitimement s'interroger sur les retombées économiques à attendre pour les collectivités locales traversées par cet itinéraire à très grand gabarit, si aucune action volontariste n'est entreprise.

Or, la région Midi-Pyrénées est déjà caractérisées par la grande inégalité de développement de chacun des départements qui la composent.

La réalisation de cet itinéraire doit donc être replacée dans une perspective d'aménagement du territoire, tant en ce qui concerne l'aménagement d'axes routiers structurants qu'en matière de répartition équitable des richesses induites par cet itinéraire.

- Ainsi, est inscrite dans les schémas de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises la priorité absolue qu'est la liaison rapide, Bordeaux-Pau à 2x2 voies, et l'Etat s'est engagé à réaliser cette opération à l'horizon 2010. Compte tenu de la réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit, ce calendrier prévisionnel doit pouvoir être accéléré.

- S'agissant de la RN124 qui relie Toulouse à Bayonne, que l'itinéraire emprunte sur près de 100 km, il conviendrait également d'obtenir son inscription dans les schémas de transport de voyageurs et de transport de marchandises. De plus, sa mise à 2x2 voies d'Auch à Toulouse, prévue par le XII e contrat de plan doit être accélérée. La programmation de la mise aux normes du tronçon central Auch - Mont de Marsan devient également indispensable et permettrait alors de relier le département du Gers à l'axe rapide Pau-Bordeaux. Il conviendrait ainsi de procéder aux achats de terrains nécessaires et de réaliser, au cours de ce contrat, des tronçons de dépassement entre Auch et Nogaro.

- Enfin, il faut traduire, au niveau national, la reconnaissance, comme axe interrégional de développement, de la RN21, qui est déjà identifiée au niveau européen comme axe structurant. A ce titre, il faut réaliser le contournement de Lectoure, ville patrimoine atteinte par les nuisance du trafic routier. En outre, l'opportunité de la liaison TGV Paris-Bordeaux-Toulouse doit être saisie pour procéder à la remise en fonctionnement de la liaison SNCF-voyageurs d'Auch à Agen.

Votre commission considère enfin que, pour s'inscrire dans une démarche équilibrée d'aménagement du territoire, le projet d'itinéraire à très grand gabarit doit s'accompagner d'actions volontaristes permettant une répartition plus équitable des richesses induites. Il s'agit, par un mécanisme financier adapté, de financer des actions favorisant l'implantation d'entreprises le long du trajet, voire simplement de compenser par des actions positives les nuisances occasionnées.

Pour mettre en place un tel dispositif, deux techniques peuvent être envisagées :

L'une de nature conventionnelle, par laquelle certaines collectivités territoriales conviennent d'attribuer à d'autres collectivités territoriales ou groupement de collectivités territoriales une partie de la taxe professionnelle que ces derniers n'avaient pas légalement vocation à recevoir. Par nature, un tel dispositif, pour être mis en place requiert l'adhésion de l'ensemble des collectivités concernées.

L'autre façon de procéder est de nature législative et plusieurs dispositifs fiscaux insérés dans le code général des impôts ont pour objet d'assurer une certaine redistribution de la taxe professionnelle. Ainsi, en est-il du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires, créé par la loi de finances pour 2000.

Plus généralement, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle créés en 1975 permettent de peréquer ou redistribuer dans un cadre départemental, voire interdépartemental. Les ressources proviennent de l'écrêtement des bases communales de taxes professionnelles d'établissements de particulière importance telles que les centrales hydrauliques, les centrales nucléaires ou encore les industries chimiques et elles sont redistribuées, par les conseils généraux, aux communes dites « concernées » et à celles dites « défavorisées ».

Constatant qu'elle n'a, pour l'instant, pas obtenu les engagements adéquats sur un mécanisme assurant aux collectivités locales des compensations en matière économique, la Commission des Affaires économiques vous propose de mettre en place un dispositif de péréquation interdépartemental au profit des départements traversés par cet itinéraire à très grand gabarit.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier -

Application de la procédure d'extrême urgence pour l'acquisition des terrains nécessaires à l'aménagement d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse

Cet article a pour objet d'appliquer la procédure d'extrême urgence prévue par l'article 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit. Il existe en réalité deux procédures permettant de raccourcir les délais en matière d'expropriation, une fois la déclaration d'utilité publique prononcée, et ce au stade de la phase indemnitaire et de la prise de possession des terrains. En moyenne, la procédure normale se déroule sur un an à compter de la déclaration d'utilité publique, voire plus en cas de contentieux :

- la procédure d'urgence, prévue par les articles 15-4 et 15-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet de réduire les délais de la phase indemnitaire et autorise la prise de possession moyennant le paiement ou la consignation préalable des indemnités, éventuellement provisionnelles, fixées par le juge ;

- la procédure d'extrême urgence est fixée par les articles 15-6 s'agissant de travaux intéressant la défense nationale, et 15-9 pour la construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemin de fer ou d'oléoducs. Dans ce cadre, le pouvoir de prononcer l'envoi en possession de terrains est transféré du juge de l'expropriation à l'administration et cet envoi en possession peut intervenir avant que l'ordonnance de transfert soit rendue.

Des dispositions particulières encadrent la mise en oeuvre de la procédure d'extrême urgence afin de garantir les droits des personnes expropriées :

- elle ne peut s'appliquer qu'à des terrains non bâtis, situés dans l'emprise de l'ouvrage ;

- elle ne peut intervenir que si l'exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession de ces terrains ;

- la prise de possession doit être autorisée par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, en respectant la procédure de l'article L. 15-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à savoir la production par l'administration d'un projet motivé, accompagné d'un plan parcellaire répertoriant les terrains concernés et d'une description générale des ouvrages projetés. Dans les vingt quatre heures de la réception du décret, le préfet prend les arrêtés nécessaires permettant aux agents de l'administration de pénétrer dans les propriétés privées.

Cependant, la prise de possession ne peut avoir lieu qu'après paiement provisionnel d'une somme égale à l'évaluation du service des domaines, ou à l'offre de l'autorité expropriante si celle-ci est supérieure.

En cas d'obstacle au paiement ou de refus de recevoir, l'administration est obligée de consigner la somme correspondante.

Enfin, l'administration est tenue, dans le mois qui suit cette prise de possession, de poursuivre la procédure d'expropriation de droit commun. A défaut, le juge, saisi par le propriétaire, prononce le cas échéant, le transfert de propriété et fixe le montant du prix du terrain. Il peut également décider, en application de l'article L.15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, d'une indemnité spéciale pour compenser le préjudice résultant de la rapidité de la procédure.

La mise en oeuvre de l'article L. 15-9 permet, à l'évidence, de raccourcir les délais, puisque l'Etat peut prendre possession des terrains sans attendre que soit opéré le transfert de propriété par voie d'ordonnance judiciaire et que les indemnités soient fixées par le juge.

Dans sa décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif n'était contraire « à aucune règle non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle » dès lors qu'il ne pouvait être invoqué « que lorsqu'apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l'exécution des travaux et que la procédure normale est déjà largement entamée.

En application de l'article premier du projet de loi, le recours temporaire -géographiquement et juridiquement encadré- à la procédure d'extrême urgence est autorisé pour la réalisation de l'itinéraire à très grand gabarit.

L'article premier mentionne l'itinéraire à très grand gabarit, puisque ce dernier ne rentre pas expressément dans la liste des infrastructures visées à l'article L. 15-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

De plus, il étend le champ d'application de la procédure d'extrême urgence aux terrains bâtis.

En revanche, il limite le recours possible à cette procédure dans le temps, puisque les décrets pris sur avis conforme du Conseil d'Etat devront intervenir au plus tard le 30 juin 2004. Compte tenu des contraintes de calendrier, s'agissant du processus industriel envisagé, les décrets interviendront bien avant cette date butoir.

On peut enfin rappeler que le Parlement a déjà été conduit à quatre reprises à autoriser l'Etat à faire usage de cette procédure d'extrême urgence, lors de :

- la réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques de Grenoble (loi n° 65-496 du 29 juin 1965) ;

- la réalisation de la ligne expérimentale d'aérotrain (loi n° 66-1065 du 31 décembre 1966) ;

- la réalisation des aménagements nécessaires aux jeux olympiques d'Albertville (loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987) ;

- la construction du Stade de France à Saint-Denis (loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993).

Ces textes ont été adoptés à l'unanimité et, dans la pratique, leur application n'a pas donné lieu à des contentieux particuliers entre l'administration et les personnes concernées.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 -

Relogement préalable des occupants

Cet article met à la charge de l'Etat l'obligation d'assurer le relogement préalable des occupants en application des articles L. 314-1 à L. 314-8 du code de l'urbanisme, au cas où il serait procédé à l'expropriation de terrains bâtis.

Cette disposition est une conséquence de l'article premier du projet de loi, qui autorise l'application de la procédure d'extrême urgence à l'expropriation de terrains bâtis.

S'agissant de la liste des bénéficiaires de cette garantie de relogement, l'article 183 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a modifié l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme pour viser expressément l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, qui traite du relogement des occupants d'un immeuble insalubre ou menaçant ruine frappé d'une interdiction d'habiter.

Au sens de cet article, l'occupant bénéficiaire du droit au relogement est :

- le titulaire d'un droit réel conférant l'usage ;

- le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne fois des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant l'habitation principale.

Cette modification a fait entrer les sous-locataires dans la liste des bénéficiaires du droit au relogement.

A cette catégorie de personnes, l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme ajoute les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux.

Les articles L. 314-2 à L. 314-8 du code de l'urbanisme distinguent ensuite les cas où des travaux nécessitent une éviction définitive ou provisoire de ceux où une telle éviction n'est pas nécessaire, et fixent les règles d'indemnisation afférentes.

En cas d'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation.

Les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte, ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d'eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant aux normes d'habitabilité et à certaines conditions de localisation. Ils bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L. 14-1 et L. 14-2 du code de l'expropriation, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires. Ils bénéficient également, à leur demande, d'un droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution, en propriété ou en jouissance, d'un tel local (article L. 314-2).

Les commerçants, artisans et industriels ont un droit de priorité pour l'attribution de locaux de même nature compris dans l'opération lorsque l'activité considérée est compatible avec le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu.

En cas d'éviction provisoire des occupants, il doit être pourvu à leur relogement provisoire dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources et, le cas échéant, leur activité antérieure, et satisfaisant à certaines conditions de localisation (article L. 314-3).

Lorsque les travaux ne nécessitent pas l'éviction des occupants, ceux-ci ont droit au maintien sur place dans les conditions qui sont fixées par l'article L. 314-4 du code de l'urbanisme.

L'indemnisation des commerçants et artisans afférente à l'activité qu'ils exercent dans un immeuble devant être exproprié en vue de sa démolition dans le cadre d'une opération d'aménagement fait, par ailleurs, l'objet de dispositions particulières prévues à l'article L. 314-6 du code de l'urbanisme : l'indemnisation, sur leur demande, doit avoir lieu avant l'acte portant transfert de propriété et doit être fondée sur la situation existant avant le commencement de l'opération.

Enfin, les offres de relogement, définitive ou provisoire, doivent suivre certaines modalités : elles doivent être notifiées au moins six mois à l'avance ; l'occupant doit faire connaître son acceptation ou son refus dans un délai de deux mois , faute de quoi il est réputé avoir accepté l'offre (article L.314-7)

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 2 -

Dispositif de péréquation

L'aménagement ou la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit peut constituer un élément important d'aménagement du territoire favorisant le développement économique équilibré d'une région, s'il est accompagné d'un outil financier qui assure une plus juste répartition de la richesse supplémentaire induite, à un endroit du territoire, par l'existence de cet itinéraire.

En l'absence de cet outil de répartition et de solidarité, il y a tout à craindre que certaines communes situées sur le tracé de l'itinéraire, mais éloignées des lieux de production que le tracé irrigue n'en subissent en définitive, que les contraintes sans en retirer aucun bénéfice économique.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un dispositif de péréquation qui s'inspire du principe des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle créés en 1975 et définis à l'article 1648 A du code général des impôts.

Les ressources du fond, liées à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit, seront constituées, d'une part d'une fraction de la taxe professionnelle générée par l'activité permise par l'utilisation de l'itinéraire et, d'autre part, d'une fraction du produit de la majoration des taux de la cotisation de péréquation de taxe professionnelle versée au budget de l'Etat.

On peut rappeler que la cotisation de péréquation a été créée par la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. En application de l'article 1648 D du code général des impôts, elle est à « la charge des établissements situés dans les communes où le taux global de cette taxe est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national ».

Initialement, cette cotisation devait abonder le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Mais, à deux reprises en 1989 et 1999, l'Etat a majoré les taux de cette cotisation en affectant le produit de cette majoration au budget général. Comme le déplore notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial des crédits Décentralisation, à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2001 1 ( * ) , « depuis 1999, moins de la moitié du produit de la cotisation de péréquation sert à financer la péréquation ».

Les ressources du fonds seraient réparties entre les départements concernés selon plusieurs critères, à savoir 20 % au bénéfice du département siège des établissements utilisant l'itinéraire à très grand gabarit et 80 % pour les départements traversés par cet itinéraire.

Entre ceux-ci, la répartition s'effectuerait au prorata des kilomètres parcourus, en utilisant un coefficient de pondération selon le mode de transport choisi. En effet, on peut considérer qu'un kilomètre de voie fluviale est moins générateur de nuisances qu'un kilomètre de voie ferrée et, surtout, qu'un kilomètre de route à grand gabarit.

A ce stade de la discussion, il est prématuré de vouloir définir le montant du prélèvement alimentant le fonds, puisqu'aucune simulation n'existe sur les retombées attendues en matière de taxe professionnelle. C'est pourquoi l'article prévoit qu'un rapport d'information est transmis au Parlement, sur ce sujet, avant le 15 septembre 2002 et renvoie à la loi de finances pour 2003 pour fixer le taux de la cotisation de péréquation de la taxe professionnelle et la fraction du produit de la majoration visée à l'article 1648 D du code général des impôts.

Cet outil, tel que proposé par votre commission, constitue un élément d'équilibre indispensable à un aménagement harmonieux de nos régions et de nos territoires.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 mai 2001, la Commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du rapport de M. Aymeri de Montesquiou sur le projet de loi n° 254 (2000-2001) relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse.

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que la ville de Toulouse constituait un pôle industriel de première importance, notamment dans les secteurs aéronautique et spatial, mais enclavé. Eu égard aux besoins et aux perspectives de son développement, il est apparu nécessaire d'aménager un itinéraire à très grand gabarit, qui utilise la voie fluviale jusqu'à Langon, puis des itinéraires routiers aménagés jusqu'à Toulouse.

Il a relevé que le principe d'un tel itinéraire était inscrit dans le schéma de services collectifs « transports routiers », mais que sa réalisation devait être accélérée pour permettre, notamment, l'acheminement des éléments du futur Airbus A380 construit à Hambourg, à Saint-Nazaire ou encore en Angleterre ou en Espagne mais assemblé à Toulouse, à partir de novembre 2003, pour que la commercialisation des premiers appareils se fasse en mars 2006.

Il s'est déclaré très favorable à un tel projet, compte tenu notamment des retombées économiques attendues au niveau européen, national et régional, mais a fait valoir que la réalisation de cet itinéraire à très grand gabarit -eu égard aux caractéristiques des éléments transportés- entraînait des nuisances environnementales importantes pour les collectivités locales situées sur son tracé et pouvait avoir de graves répercussions sur l'activité touristique des départements concernés, qu'il convenait donc de prendre en considération.

Il a ainsi regretté que les délais impartis n'aient pas permis de procéder, en amont, à une étude d'impact approfondie sur les conséquences environnementales et économiques du projet.

Tout en relevant que le Gouvernement s'était engagé à atténuer les nuisances évoquées, notamment par l'application de mesures paysagères spécifiques et de normes de Haute Qualité Environnementale, il a considéré que ce projet devait s'accompagner de mesures concrètes permettant de rééquilibrer la répartition des richesses induites par un tel dispositif.

Présentant l'économie du projet de loi, il a indiqué que celui-ci autorisait l'Etat à faire application de la procédure d'extrême urgence prévue par l'article L.15-9 du code de l'expropriation pour l'entrée en possession des terrains bâtis nécessaires à la réalisation de l'itinéraire, au cas où des difficultés risquaient de retarder l'exécution des travaux. Il a fait valoir que cette habilitation, limitée dans le temps, était assortie de toutes les garanties, notamment en ce qui concerne le respect du droit de propriété, puisqu'elle nécessitait, pour être mise en oeuvre, l'avis conforme du Conseil d'Etat et qu'elle donnait lieu au versement ou à la consignation d'une indemnité provisionnelle, dans l'attente de l'indemnisation définitive fixée par le juge de l'expropriation.

Pour compléter ces garanties, en cas d'expropriation de terrains bâtis, a-t-il ajouté, l'article 2 du projet de loi prévoit l'application des articles L.314-1 à L.314-8 du code de l'urbanisme, qui imposent à l'administration d'assurer le relogement des personnes concernées.

Rappelant sa volonté de voir cette opération se réaliser dans les meilleurs délais, et soulignant l'extrême vigueur des oppositions au projet qu'il avait pu constater sur le terrain, le rapporteur a souhaité que le texte du projet de loi soit complété par un dispositif interdépartemental de péréquation de la taxe professionnelle au profit des départements traversés par l'itinéraire à très grand gabarit, reprenant le principe des fonds départementaux de péréquation crées en 1975 et du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires.

Intervenant dans la discussion générale, M. Marcel Deneux a jugé que l'itinéraire à très grand gabarit posait des questions graves en matière d'aménagement du territoire et a regretté qu'il faille recourir, pour respecter des délais incontournables, à des procédures d'urgence en matière d'expropriation. A propos du dispositif de péréquation de la taxe professionnelle, il s'est interrogé sur les conditions de sa mise en oeuvre, lorsque l'établissement acquittant la taxe bénéficie d'exonérations au titre des créations d'emplois.

M. Louis Moinard s'est déclaré surpris que la réalisation de cet aménagement puisse se faire dans des délais aussi rapides, alors que d'autres dossiers d'infrastructures se trouvaient bloqués en raison de considérations environnementales.

M. Gérard César, après avoir déploré l'absence de concertation en amont du projet et s'être étonné du faible degré d'engagement du ministère de l'aménagement et du territoire dans cette affaire, a demandé au rapporteur des éclaircissements sur les études d'impact se rapportant au dispositif envisagé.

M. Gérard Larcher, après avoir regretté, à nouveau, que le Gouvernement ne suive pas, à l'occasion de ce projet, les dispositions des lois « Barnier », « Pasqua » et « Voynet », relatives à l'environnement, a rappelé que le développement du pôle aérospatial constituait un objectif d'intérêt national auquel la majorité sénatoriale ne pouvait qu'adhérer. Il a considéré que le projet d'itinéraire à très grand gabarit devait impérativement s'accompagner d'un dispositif conventionnel ou d'engagements du Gouvernement sur la compensation des nuisances aux collectivités locales concernées.

S'interrogeant sur la pertinence d'un dispositif de péréquation de la taxe professionnelle pour parvenir à un meilleur équilibre en matière d'aménagement du territoire, il a souligné l'intérêt de définir des outils -autres que financiers- pour valoriser les départements concernés, notamment sur le plan touristique.

M. Ladislas Poniatowski a d'abord relevé le consensus existant quant à l'intérêt du projet de construction de l'A-380 à Toulouse et souligné que le Parlement se devait de soutenir celui-ci. Face aux contraintes écologiques liées à un tel projet, réelles et malheureusement exploitées par certains partis à des fins politiciennes, il a jugé scandaleux que la concertation locale ait été à peu près inexistante et a insisté sur l'impérieuse nécessité d'obtenir du Gouvernement, dès maintenant, pour chacune des collectivités affectées par ces contraintes, une compensation appropriée, notamment à travers la prise en charge de travaux d'aménagement sur son territoire. Il a fait valoir, à cet égard, que le dispositif de compensation envisagé par le rapporteur n'était pas forcément le plus pertinent, puisqu'il ne produirait ses effets qu'à partir de 2006 et qu'il pouvait très facilement, par ailleurs, être supprimé par une loi ultérieure.

M. Jean-Pierre Plancade, après avoir reconnu la pertinence des critiques et des objections du rapporteur sur la procédure employée, a rappelé l'enjeu économique qui s'attachait au développement du pôle économique toulousain et le désenclavement réalisé par cet itinéraire à très grand gabarit, qui constitue l'un des objectifs retenu par le schéma des services collectifs « transports routiers ». Tout en reconnaissant que cet itinéraire avait un coût écologique, notamment pour sa réalisation aux abords de Toulouse, et pour les propriétés non expropriées situées aux abords de l'itinéraire, il s'est déclaré opposé à ce que le projet de loi intègre un mécanisme de répartition de la taxe professionnelle et a attiré l'attention de ses collègues sur les risques qu'il y aurait à retarder l'adoption du projet de loi, compte tenu des délais de réalisation des aménagements routiers nécessaires.

Mme Odette Terrade s'est déclarée favorable à une adoption sans modification du projet de loi, eu égard à ses enjeux en matière de développement économique et de création d'emplois. Elle s'est déclarée réservée sur le mécanisme de péréquation de la taxe professionnelle, s'interrogeant sur les conditions de sa mise en oeuvre du fait des règles d'exonération liées aux créations d'emplois ; considérant que la voie explorée par le rapporteur ne garantissait pas des ressources fiscales pérennes, elle s'est prononcée en faveur de compensations et d'aménagements négociés localement.

M. Hilaire Flandre, tout en relevant l'intérêt national qui s'attachait à un tel projet de développement économique, a considéré que celui-ci devait être complété par des compensations préalables négociées avec les collectivités locales concernées.

Leur répondant, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation a déjà été utilisée à quatre reprises, en 1965 pour les aménagements nécessaires aux jeux olympiques de Grenoble, en 1966 pour la réalisation de la ligne expérimentale d'aérotrain, en 1987 pour les aménagements nécessaires aux jeux olympiques d'Albertville et en 1993 pour la réalisation du stade de France à Saint Denis ;

- des aménagements spécifiques, pour tenir compte des dimensions exceptionnelles des convois, devront être réalisés, notamment le contournement des ouvrages d'art, ou la suppression d'alignements d'arbres en bord de route ;

- l'enquête publique sera menée préalablement à la déclaration d'utilité publique sur les travaux entrepris pour l'aménagement de l'itinéraire à très grand gabarit, mais on peut regretter que, compte tenu des délais, le Gouvernement n'ait pas saisi la commission nationale du débat public pour débattre, en amont, des objectifs et des caractéristiques de ce projet dont l'impact sur l'environnement est très important ;

- des mécanismes de répartition de la taxe professionnelle créés par voie législative existent déjà, comme les fonds départementaux de péréquation ou encore le fonds de compensation des nuisances aéroportuaires.

Rappelant sa volonté de voir aboutir ce projet d'intérêt national, le rapporteur a fait valoir que le mécanisme de péréquation qu'il proposait permettait d'en faciliter la réalisation en préservant un traitement équitable pour l'ensemble des collectivités locales et en prévenant, autant que faire se peut, les risques de blocage. Tout en faisant remarquer que les collectivités locales disposaient de peu de temps pour s'associer dans une structure syndicale afin de négocier des compensations, il s'est déclaré décidé à poursuivre la réflexion avec le Gouvernement sur des solutions alternatives à son amendement.

Reprenant la parole, MM. Gérard Larcher et Marcel Deneux ont jugé indispensable que le Gouvernement, d'ici la discussion en séance publique, s'engage sur des compensations appropriées, négociées avec les collectivités locales concernées, qu'il importait de ne pas laisser démunies. Dans l'attente de propositions en ce sens, la commission a adopté l'amendement du rapporteur tendant à insérer un article additionnel instaurant un mécanisme de péréquation de la taxe professionnelle au profit des départements concernés par l'itinéraire à très grand gabarit, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

La commission a approuvé le projet de loi ainsi amendé.

TABLEAU COMPARATIF

ANNEXE N° 1 -

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

1. Ministères

Ministère de l'équipement, des transports et du logement

- Mme Anne Bolliet, conseillère auprès du ministre

- M. Nicolas Notebaert, conseiller technique

- M. Patrick Gandil, directeur des routes

- M. Pierre Rancurel, directeur des programmes aéronautiques civils, responsable du programme Airbus

- Mme Elisabeth Dallo, chargée de mission à la Direction des programmes aéronautiques civils, Affaires européennes et internationales

Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

- M. Jean Lafont, conseiller technique

2. Représentants d'Airbus

- M. Jean-Claude Chaussonnet, président directeur général d'EADS Airbus S.A.

- M. Pascal Parsy, responsable de la logistique, transports, A 380

- M. Jacques Rocca, directeur de la communication

3. Collectivités concernées

- M. Marcel Cazalé, président du Conseil économique et social régional d'Aquitaine

- M. Philippe Martin, président du Conseil général du département du Gers

- M. Raymond Vall, conseiller régional, maire de Fleurance

- M. Dominique Bragato, président de la chambre de commerce et d'industrie du Gers

4. Associations

- Mme Chantal Fauché, présidente de l'Association pour la protection des arbres en bord de route

- Mme Bérengère Chambon, représentante de France Nature Environnement

5. Questionnaire adressé aux collectivités locales susceptibles d'être traversées par l'itinéraire à très grand gabarit

A quelle date et par qui avez-vous été informé du passage éventuel par votre commune de l'itinéraire à très grand gabarit ?

En tant que maire, quelle a été votre première réaction au tracé ? Y êtes-vous favorable ?

Quelles conséquences (positives et négatives) pour votre commune (environnement, économie ...) ?

Quelle a été la réaction de la population ? (enthousiasme, indifférence, inquiétude, désaccord) ?

La population se mobilise-t-elle par le biais d'une association ? Si oui, quel est son nom et a-t-elle été créée spécialement à l'occasion du projet d'itinéraire ?

Comptez-vous organiser une ou plusieurs réunions d'information pour vos concitoyens ?

A votre avis, quel serait le tracé idéal au niveau de votre commune ?

Quels aménagements précis attendez-vous en priorité en compensation de ce passage (contournement, aménagement des carrefours, enfouissement des lignes téléphoniques et électriques, ou autres) ?

De quelles autres informations souhaitez-vous disposer ?

ANNEXE N° 2 -

TRACÉS DE L'ITINÉRAIRE À TRÈS GRAND GABARIT

* 1 Rapport spécial. Loi de finances pour 2001- Décentralisation n° 92-Tome III- Annexe 30 (2000-2001)

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