TITRE II
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FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES

Votre commission des Affaires sociales avait considéré, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qu'il était urgent de doter le fonds de réserve d'un statut.

Aussi se félicite-t-elle du principe de la présence du titre II dans ce projet de loi, même si ce sujet aurait mérité à l'évidence un projet de loi autonome.

Elle rappellera toutefois que le fonds ne saurait tenir lieu d'alibi pour repousser à plus tard les mesures nécessaires à l'équilibre de nos régimes de retraite ni prendre la forme d'une sorte de « livret A » où l'on « mettrait de côté » une fois satisfait le financement des nombreuses priorités de court terme.

De plus, le projet de loi du Gouvernement, par ses absences et ses déficiences, montre que des questions fondamentales restent à trancher.

I. LE FONDS DE RÉSERVE : UNE RÉPONSE LARGEMENT INCOMPLÈTE AU DÉFI DU FINANCEMENT DES RETRAITES

A. UN BESOIN DE FINANCEMENT DES RÉGIMES DE RETRAITE SANS COMMUNE MESURE AVEC LES PERSPECTIVES D'ABONDEMENT DU FONDS

1. Le dossier enterré de la réforme des retraites

« Gouverner, c'est prévoir » . Pourtant, le dossier de la réforme des retraites, qui devait reposer sur le triptyque « diagnostic, dialogue, décision » , est désormais enterré : le Premier ministre, le 21 mars 2000, a fait connaître ses « grandes orientations », qui ne répondent en rien au défi majeur posé par le financement des retraites.

Sous la pression d'un diagnostic -celui du rapport Charpin- qui confirmait ceux déjà formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites.

La création d'une commission, le « conseil d'orientation des retraites », chargée d'être « vigilante » et de faire un rapport en 2002 ne pouvait à l'évidence à elle seule persuader les Français que l'avenir de leur retraite était garanti.

Un rapport tous les trois ou quatre ans de 1991 à 2002 ne saurait, en effet, être raisonnablement considéré comme une médecine décisive.

La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement.

Le chiffre annoncé de 1.000 milliards de francs par M. Lionel Jospin peut avoir pour « vertu pédagogique » de frapper l'opinion, et donner ainsi l'illusion que, de rapport en rapport, de concertation en concertation, le Gouvernement a engagé une réforme des retraites.

Mais il convient de rappeler que ce montant, à supposer qu'il soit atteint, ne correspond en rien aux besoins de financement des régimes.

2. Les besoins de financement des régimes : les nouvelles projections du conseil d'orientation des retraites

Le conseil d'orientation des retraites a fait connaître, le 17 mai dernier, de nouvelles projections qui confirment largement le constat établi par le rapport Charpin.

Les nouvelles projections de besoins annuels de financement

(en millions de francs)

2005

2010

2015

2020

2040

Prévision Charpin

CNAV

25.782

6.477

- 32.052

- 71.657

- 252.760

- 379.600

Salariés agricoles

- 12.951

- 14.066

- 15.206

- 16.621

- 19.416

- 22.008

Agirc

4.805

6.627

- 5.008

- 12.514

- 26.949

- 20.989

Arrco

31.725

35.549

14.311

- 7.010

- 93.454

- 25.916

Ircantec

1.574

329

- 1.500

- 3.782

- 13.202

- 12.664

FPE

- 23.251

- 61.997

- 99.903

- 132.424

- 241.134

- 254.785

CNRACL

14.168

- 2.517

- 24.608

- 48.754

- 137.138

- 110.269

SNCF

- 17.295

- 17.686

- 18.715

- 17.879

- 19.700

- 24.348

Cancava

- 5.216

- 6.320

- 7.373

- 8.084

- 11.980

- 12.973

CNAVPL

3.303

3.063

1.988

923

1.586

1.140

Exploitants agricoles

- 41.908

- 38.177

- 34.039

- 30.396

- 21.976

- 24.820

Autres régimes

- 42.859

- 47.132

- 52.809

- 58.617

- 58.566

-

Source : Conseil d'orientation des retraites.

Le déficit de la seule CNAVTS, pour la seule année 2020, est ainsi de 71,6 milliards de francs.

3. Le seul déficit cumulé de la CNAVTS de 2007 à 2020 représente entre 600 et 920 milliards de francs

Votre rapporteur rappellera le constat effectué à l'occasion de son rapport de contrôle : le seul déficit cumulé de la CNAVTS de 2007 à 2020 représente entre 600 et 920 milliards de francs.

Interrogé par la commission des Affaires sociales, M. Jean-Luc Cazettes 21 ( * ) , président de la CNAVTS, prévoyait que, selon les hypothèses du Gouvernement d'un taux de chômage ramené à 4,5 %, « le déficit cumulé de cette caisse atteindrait 600 milliards de francs en 2020 ». Cette estimation ne semble d'ailleurs pas prendre en compte les frais financiers qu'engendrerait, pour la branche vieillesse, l'accumulation d'un tel déficit sur la période 2010-2020.

La Direction de la Prévision, le 21 janvier 2000, évalue ce déficit à 779 milliards de francs avec un taux de chômage ramené à 6 %.

Le FSV 22 ( * ) a validé un calcul comprenant en sus les frais financiers liés au financement de ce déficit, et a estimé ce dernier en cumulé, à 920 milliards de francs pour la seule CNAVTS 23 ( * ) , sur la période 2010-2020 selon l'hypothèse d'un taux de chômage ramené à 6 %.

En quelque sorte, les « 1.000 milliards » de 2020 risquent de servir à « éponger » les déficits cumulés entre 2007 et 2020. Le problème du financement des retraites entre 2020 et 2040 resterait alors entier.

B. UN AVENIR HYPOTHÉQUÉ PAR LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

1. Le constat du rapport de contrôle d'avril 2001

Votre rapporteur rappellera les principaux enseignements du contrôle qu'il a effectué sur pièces et sur place le 8 mars 2001.

En présentant un fonds de réserve construit sur l'hypothèse d'un taux de chômage de 4,5 % en 2020, le Gouvernement retenait un « scénario pédagogique » : convaincre les partenaires sociaux que, même en retenant des hypothèses extrêmement favorables, une réforme des retraites était inéluctable.

Un an plus tard, ce scénario pédagogique est devenu, dans l'esprit du Gouvernement, une « prévision crédible » qui permet de rassurer les Français avec un fonds de réserve aux recettes gonflées et aux échéances dédramatisées.

Il apparaît en outre que ce scénario repose sur une hypothèse de stricte indexation sur les prix de l'évolution des pensions. Or, ce scénario se révèle irréaliste dès sa première année d'application puisque le Gouvernement a choisi de donner un « coup de pouce » pour faire participer les retraités aux fruits de la croissance.

Votre rapporteur rappellera également qu'en raison des « ponctions » exercées sur le Fonds de solidarité vieillesse -dont les excédents constituent la principale source d'alimentation du fonds de réserve- pour financer les trente-cinq heures et l'allocation personnalisée d'autonomie, l'avenir du fonds de réserve est bien « hypothéqué » par la politique du Gouvernement.

Prélèvement sur le FSV
au titre du financement des trente-cinq heures

en milliards de francs

Droits alcools

- 244*

Part de CSG

- 167

Total

- 411

Source : commission des Affaires sociales
Source : * Direction de la Prévision

Le principal objectif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 était ainsi d'essayer de compenser au FSV les pertes de recettes liées au financement des trente-cinq heures et à l'allocation personnalisée d'autonomie, et le surcroît de dépenses engendré par la prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO. Le Gouvernement a ainsi imaginé de solliciter la branche famille, par l'intermédiaire des majorations pour enfants, de telle sorte que c'est désormais une illusion de prétendre que les excédents du FSV financent le fonds de réserve. C'est aujourd'hui la branche famille qui est censée alimenter le fonds de réserve.

« Ponctions » et compensation des « ponctions » (mars 2001)

(en milliards de francs)

« Ponctions »

Compensation des « ponctions »

Trente-cinq heures

411

Transfert majorations de pensions

375

Dette AGIRC-ARRCO

14

Part produit 2 %

40

APA

115

Total des « ponctions »

540

Total compensation

415

Source : commission des Affaires sociales

Enfin, le fonds de réserve connaît un démarrage particulièrement laborieux, ne respectant pas les prévisions affichées par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001.

Votre rapporteur montrait que dès la deuxième année de son existence, le fonds de réserve était en retard sur son plan de marche. Fin 2001, il manquerait plus de quinze milliards de francs par rapport à la somme affichée en loi de financement pour la sécurité sociale du fait, notamment, des produits des licences UMTS.

Plan de financement du fonds de réserve 2000-2001

en milliards de francs

2000

2001

Premier ministre 21 mars 2000

20,0

50,0

Conseil Orientation des retraites 27 septembre 2000

32,5

65,0

Loi de financement Sécurité sociale 2001

23,2

55,0

Ministère Emploi et Solidarité 26 mars 2001

20,0

40,0

FSV

20,7

38,7

Source : commission des Affaires sociales

Dans un communiqué de presse 24 ( * ) , la ministre de l'Emploi et de la Solidarité déclare « (...) ce scénario correspond à environ 40 milliards de francs de réserve cumulés fin 2001 et 65 milliards de francs fin 2002 ; rien ne permet de penser que ces objectifs ne seront pas atteints ».

Renonçant ainsi à l'objectif affiché en loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (soit 55 milliards de francs), la ministre n'en affiche pas moins de nouvelles projections pour 2002 : 65 milliards de francs.

Cette estimation de 65 milliards pour trois années (2000-2001-2002) représente, en linéaire, des flux de ressources de l'ordre de 20 ou 21 milliards de francs par an. Ces montants sont de 10 à 15 milliards de francs inférieurs aux exigences posées par le COR.

Certes, il est tentant de prétendre, comme ne manque pas de le faire le Gouvernement, qu'un décalage au démarrage n'est pas significatif dès lors que l'objectif se situe dans le long terme.

Un tel raisonnement fait peu de cas du principe sur lequel repose un fonds de réserve, c'est-à-dire l'accumulation de produits financiers. De fait, ceux-ci doivent représenter le tiers des actifs du fonds en 2020.

Aussi le respect scrupuleux d'un échéancier est-il fondamental car le retard ne se rattrape jamais.

Est-il convenable que le Gouvernement obère les marges de manoeuvre financière de ses successeurs en renvoyant sur ceux-ci les efforts qu'il n'a pas faits ? A ce titre, une telle question est paradoxale puisque le Gouvernement crée un fonds ayant pour objet de répartir équitablement sur plusieurs générations la charge des retraites, alors que lui-même repousse à plus tard la charge de l'abonder !

La nature même des ressources du fonds de réserve et la conjoncture économique rendent extrêmement peu crédible le rattrapage de ce retard.

2. Les nouvelles projections présentées au COR : le retour de la « multiplication des pains ? »

La Direction de la sécurité sociale a présenté au conseil d'orientation des retraites, le 2 mai dernier, de nouvelles projections relatives au fonds de réserve.

Comparaison entre les deux projections
des 21 mars 2000 et 2 mai 2001

(en milliards de francs)

Premier ministre
21 mars 2000

Conseil d'orientation des retraites
2 mai 2001

Différence

Excédents CNAVTS

100

30

- 70

Excédents C3S FSV

400

650

+ 250

2 % patrimoine

150

160

+ 10

Caisse d'épargne et CDC

20

20

-

Sous-total

670

860

+ 190

Produits financiers

330

320

- 10

Total

1.000

1.180

+ 180

Source : Commission des Affaires sociales

Ces nouvelles projections confortent le diagnostic posé par votre rapporteur sur deux points :

- les excédents de la CNAVTS ne seront pas de 100 milliards de francs, mais de 30 milliards de francs , en raison des mesures de revalorisation des retraites prises par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001, qui n'avaient pas été prises en compte par le Premier ministre ;

- le montant des produits financiers diminue de 10 milliards de francs, alors même que le montant des abondements augmente de 190 milliards de francs : c'est bien l'aveu que le fonds de réserve connaît un retard dans son plan de marche, puisque le montant des produits financiers sera d'autant plus important que les abondements l'auront été en début de période.

Mais, par un grand mystère, les excédents du Fonds de solidarité vieillesse et de la C3S progressent miraculeusement de 400 à 650 milliards de francs. Cette progression étonnante explique que le Fonds serait désormais doté de 1.180 milliards de francs, et non de 1.000 milliards de francs.

Prudente, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité est restée, devant votre commission des Affaires sociales, à l'objectif des 1.000 milliards.

On rappellera que les projections de mars 2000 reposaient déjà sur des hypothèses fort optimistes : un taux de chômage de 4,5 %. Il est impossible de recourir une nouvelle fois à cette explication, censée expliquer la « chute » des cotisations des chômeurs prises en charge par le FSV.

L'argument de la diminution du nombre de titulaires du minimum vieillesse ne peut pas non plus « servir » deux fois.

Interrogée par votre rapporteur sur cette question lors de son audition par la commission des Affaires sociales, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a indiqué que ces données seraient communiquées ultérieurement.

Dans ces conditions, votre rapporteur ne peut que faire part de ses suppositions.

Les excédents du FSV auraient-ils été sous-estimés en mars 2000 ? Leur affectation au fonds de réserve aurait-elle reposé sur une clef de répartition demeurée secrète ?

Votre rapporteur attend les données promises par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est en effet essentiel que les Français puissent, en toute transparence, en prendre connaissance.

Une forme moderne de la « multiplication des pains » ?

Les disciples avaient « sept pains et quelques petits poissons ( N.B . : les licences UMTS ) ». « Tous mangèrent et furent rassasiés » ( N.B . : les trente-cinq heures, l'APA, l'AGIRC-ARCCO) « et on enleva sept paniers pleins de restes ». « Quant aux mangeurs, ils étaient quatre mille hommes sans compter femmes et enfants ».

Source : Matthieu, XV - 34-38

Pour le moment, le Gouvernement donne l'impression de recourir à une version revisitée de la « multiplication des pains ».

II. LE TEXTE GOUVERNEMENTAL : LES DÉFICIENCES ET LES ABSENCES DU PROJET DE LOI

Le texte frappe d'abord par ses déficiences, particulièrement inhabituelles pour un projet soumis à l'examen des Assemblées.

Les régimes bénéficiaires du fonds seraient le régime général et les régimes alignés ORGANIC et CANCAVA. Or, l'exclusion de s autres régimes d'assurance vieillesse ne repose sur aucun fondement constitutionnel, compte tenu notamment du caractère universel de la majeure partie des recettes du fonds : CSG « excédents » du FSV, C3S, prélèvement social de 2 % sur les revenus patrimoine et les produits de placement.

Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur, le Gouvernement estime que « les autres régimes de retraite ont vocation à être éligible au FRR dès lors qu'ils auront été réformés » 25 ( * ) . La réforme de juillet 1993 est ainsi la « summa divisio » entre les régimes et le critère d'éligibilité aux concours du fonds.

Votre rapporteur constate avec satisfaction que la réforme de juillet 1993 est désormais la référence du Gouvernement. Pour autant, quelles que soient les qualités de la « réforme Balladur », cette loi n'a pas -encore ?- valeur constitutionnelle.

Les relations entre le directoire et le conseil de surveillance sont placées sous de curieux auspices.

L'article L. 135-8 prévoit que sur proposition du directoire, « le conseil de surveillance fixe les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds » . Que se passe-t-il si le conseil de surveillance n'est pas d'accord ? Presque rien : le directoire présente une nouvelle proposition. Et si cette proposition n'est pas approuvée, « le directoire met en oeuvre les mesures nécessaires à la gestion du fonds » . Ce mécanisme, en dehors de son caractère particulièrement subtil, semble parfaitement inadéquat pour assurer un réel contrôle.

De manière générale, le conseil de surveillance n'est ni un organisme de contrôle, ni un organisme décideur : est-il prévu par simple souci d'affichage ?

Rien n'est prévu pour assurer au fonds de réserve un statut « indépendant » des contingences politiques : le directoire -qui a de fait tous les pouvoirs- est composé de trois membres nommés par le Gouvernement ; quant au conseil de surveillance, il comprend dans ses quatre composantes, deux qui seront nommés par le Gouvernement : les représentants de l'Etat et les « personnalités qualifiées ».

De plus, il est particulièrement essentiel de s'assurer que les abondements et les produits du fonds ne pourront pas être utilisés à une autre fin.

Cette garantie ne pourrait être véritablement efficace que par l'instauration d'un « verrou constitutionnel », car ce qui est décidé aujourd'hui par la loi peut être demain remis en cause par une autre loi.

Notre excellent collègue M. Jean Chérioux a rappelé à cet égard le précédent de la Caisse d'amortissement de la dette de 1926.

Le précédent de 1926

Exposé des motifs de la proposition de résolution tendant à insérer un article nouveau dans les lois constitutionnelles, présenté au nom de M. Gaston Doumergue, président de la République française, par M. Raymond Poincaré, président du Conseil, ministre des Finances, et par M. Louis Barthou, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

« Messieurs, poursuivant l'oeuvre de redressement financier à laquelle le Gouvernement l'a convié, le Parlement a ratifié le projet de loi ayant pour objet la création d'une caisse de gestion des bons de la défense nationale et d'amortissement de la dette publique.

« Marquant votre volonté de voir diminuer, sans qu'il soit dérogé en quoi que ce soit à des engagements que nous considérons comme sacrés, le volume de la partie la plus dangereuse de notre dette, il n'est pas douteux que cette création contribue puissamment à la restauration du crédit de l'Etat.

« Mais ce résultat ne saurait être pleinement atteint que si l'existence autonome de la caisse, d'une part, l'intégrité des ressources que vous lui avez affectées, d'autre part, sont entourées, durant toute la période de son fonctionnement de garanties solennelles . Le pays doit être assuré que les lourds sacrifices qu'il s'est imposés pour le redressement définitif des finances publiques ne sont et ne seront pas consentis en vain et que les recettes réservées à la caisse d'amortissement ne pourront, quels que soient les événements , être détournées de leur destination .

« Il apparaît au Gouvernement que seule l'insertion, dans notre Constitution, des dispositions essentielles de la loi créant la caisse d'amortissement donnera au pays cette indispensable garantie ».

Source : documents parlementaires - Chambre des députés - séance du 7 août 1926.

Sans aller aujourd'hui jusqu'à une réforme constitutionnelle, il est possible de prévoir un statut du fonds de réserve, permettant indépendance et transparence.

Le respect des règles de déontologie imposées aux membres du directoire constitue un monument. L'article L. 135-12 prévoit ainsi, de manière sage, qu'aucun « membre du directoire ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat ou a un intérêt » . Comme le président du directoire est par ailleurs le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, il lui sera particulièrement difficile d'exercer pleinement ses fonctions : les deux autres membres risquent, dans la plupart des cas, de délibérer seuls. Mais surtout, grave incohérence de ce texte, le président du directoire sera amené à s'informer lui-même des intérêts qu'il détient ou vient à détenir et des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer dans une activité économique et financière. Enfin, le respect des obligations et interdictions est du ressort du président du directoire : il devra ainsi contrôler lui-même s'il s'est informé correctement et suffisamment à temps !

Votre rapporteur laisse juge des réponses particulièrement alambiquées du Gouvernement sur cet article L. 135-12 26 ( * ) .

La notion de « gestion administrative » , dans l'acception que semble en faire le Gouvernement, est particulièrement impropre. En effet, ce dernier mélange visiblement gestion interne de l'établissement (gestion informatique, gestion des ressources humaines), gestion budgétaire, gestion comptable et conservation des titres. Or, il importe de clarifier cette notion, afin d'apprécier le champ de l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations.

Le texte frappe également par ses absences.

Il n'aborde pas la question centrale de la répartition des encaissements du Fonds , en 2020, entre régimes bénéficiaires : les « 1.000 milliards de francs seront-ils répartis en fonction des besoins des régimes, ou au prorata de l'importance des régimes dans le système français de retraite ? Cette question pourra être, il est vrai, utilement précisée d'ici 2020 : le projet de loi est ainsi un texte d'attente.

Le texte ne précise pas les règles prudentielles auxquelles doit obéir le fonds , ce qui paraît particulièrement grave compte tenu de l'objectif d'obéir aux « principes de prudence et de répartition des risques » .

La question de l'exercice des droits de vote du Fonds de réserve semble « taboue » . Or, elle représente à l'évidence un sens, à partir du moment où le fonds gérera « 1.000 milliards de francs » et sera nolens volens un « investisseur institutionnel » important.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : GARANTIR AU FONDS DE RÉSERVE UN STATUT LUI DONNANT INDÉPENDANCE ET TRANSPARENCE

Votre commission propose ainsi un dispositif alternatif , permettant de répondre à la plupart des questions laissées pendantes par le texte du Gouvernement et de donner au Fonds de réserve un statut lui garantissant indépendance et transparence :

- le fonds serait un établissement spécial, placé sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative , se substituant à la « tutelle ministérielle » qui caractérise les établissements publics administratifs. Sans aller peut-être jusqu'à une réforme constitutionnelle, un statut « spécial » semble le moins que l'on puisse prévoir pour un fonds censé garantir le financement des retraites des Français à partir de 2020 ;

- les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés , afin de n'interdire a priori à aucun Français la possibilité de bénéficier des concours du fonds de réserve ;

- les membres du directoire seraient désignés de manière solennelle, en raison de leur expérience et de leur compétence professionnelles, par le président de la République et les présidents des Assemblées. Les membres seraient nommés pour une durée non renouvelable de six ans. Cette fonction serait exclusive de toute autre : le fonds de réserve a besoin d'un directoire « à plein temps » ;

- le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de contrôle ;

- la notion de gestion administrative serait précisée et confiée à la Caisse des dépôts et consignations ; dans ces conditions, il est évident que la Caisse ne pourrait pas participer aux appels d'offre de gestion financière des ressources du fonds : ainsi serait-t-il prévue explicitement une « muraille de Chine » pleinement efficace ;

- la description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios d'emprise » , empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un actionnaire trop zélé du capitalisme français.

Art. 6
(art. L. 135-1, L. 137-5, L. 135-6, L. 135-7 à L. 135-14 (nouveaux),
L. 251-6-1, L. 651-1, L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale
et 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999,
relative à l'épargne et à la sécurité financière)
Création du fonds de réserve pour les retraites

Objet : Cet article crée le fonds de réserve pour les retraites, jusqu'alors constituée sous la forme d'une section comptable du fonds de solidarité vieillesse.

Le I de cet article insère au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale un chapitre V bis, comprenant neuf articles, relatifs au fonds de réserve pour les retraites.

Art. L. 135-6 du code de la sécurité sociale
Statut juridique et missions du Fonds de réserve pour les retraites

I - Le dispositif proposé

Cet article crée le « Fonds de réserve pour les retraites » sous la forme d'ailleurs redondante d'un établissement public de l'Etat à caractère administratif, « placé sous la tutelle de l'Etat » .

Le fonds de réserve pour les retraites est, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, constitué sous la forme d'une « deuxième section » comptable du Fonds de solidarité vieillesse.

Le fonds a pour mission de « gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite » . Son champ est néanmoins limité, selon le troisième alinéa, au régime général (CNAVTS) et aux régimes dits « alignés », le régime d'assurance vieillesse des commerçants (ORGANIC) et des artisans (CANCAVA).

Enfin, le quatrième alinéa prévoit que « les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu'en 2020 » .

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission souhaite que le « Fonds de réserve pour les retraites » fasse l'objet d'un statut particulier, à l'image de celui régissant la Caisse des dépôts et consignations depuis 1816 : celui d'un « établissement spécial », placé sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative.

En effet, le dispositif d'un « établissement public administratif », placé sous tutelle ministérielle, ne semble pas répondre à l'exigence de l'indépendance d'un tel fonds.

C'est l'objet du premier amendement proposé par votre commission.

Restreindre le champ du fonds de réserve aux seuls régime général et régimes alignés (ORGANIC, CANCAVA) semble douteux du point de vue constitutionnel. Il serait intéressant que le Gouvernement explique au nom de quels critères il entend priver les autres régimes d'assurance vieillesse du bénéfice du fonds. En effet, les ressources du fonds sont largement universelles : CSG (du fait des excédents du FSV), prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, fonds des caisses d'épargne, licences UMTS, C3S, etc. Force est de s'interroger sur les raisons qui ont conduit à exclure, par exemple, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).

Rendant un hommage explicite à la loi du 22 juillet 1993, le Gouvernement a précisé dans ses réponses au questionnaire que les régimes bénéficiaires étaient ceux ayant engagé une « réforme » 27 ( * ) . Mais soit leur exclusion est transitoire, et dans ce cas elle n'a pas lieu d'être au sein d'un article censé poser les « principes » régissant le fonds de réserve jusqu'en 2020, soit leur exclusion est définitive et, dès lors, rien ne le justifie au regard des sources d'alimentation du fonds.

Aussi votre commission, estimant que l'exclusion des autres régimes doit au moins reposer sur des critères objectifs, propose-t-elle de supprimer la mention des régimes bénéficiaires : c'est l'objet du second amendement déposé sur cet article.

Enfin, votre commission propose de citer dès cet article, qui pose les principes du fonds de réserve, les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds, mentionnées à l'article L. 135-8 : c'est l'objet du troisième amendement adopté par votre commission.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-7 du code de la sécurité sociale
Ressources du Fonds de réserve pour les retraites

I - Le dispositif proposé

Cet article énumère les différentes ressources du fonds.

Cinq d'entre elles sont sans changement par rapport à la rédaction actuelle de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, résultant des lois de financement de la sécurité sociale pour 1999, 2000 et 2001 :

- « une fraction du solde du produit » de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ;

- « tout ou partie » du résultat excédentaire du Fonds de solidarité vieillesse, dans des conditions fixées également par arrêté des ministres concernés ;

- le résultat excédentaire de l'exercice clos des fonds de la CNAVTS, à l'exception du fonds gérant le régime spécial institué par la loi du 22 juillet 1922 28 ( * ) ;

- le cas échéant, en cours d'exercice, un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice tel que présenté par la Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du mois de septembre (dispositions résultant de l'article L. 251-6-1 du code de la sécurité sociale) ;

- une fraction égale à 50 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ;

- les versements du compte d'affectation des licences UMTS, institué par le II de l'article 36 de la loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.

Deux d'entre elles reprennent des dispositions de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale  :

- les sommes issues, au terme de la prescription fixée par l'article 2262 du code civil (trente ans), de l'application du titre IV du livre IV du code du travail (intéressement et participation) : elles sont d'abord reçues en consignation par la Caisse des dépôts et consignations (article 15 de la loi) ;

- le produit de la contribution de 8,2 % sur la fraction de l'abondement de l'employeur au plan partenarial d'épargne salariale volontaire défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail, qui excède, annuellement pour chaque salarié, la somme de 2.300 euros (environ 15.000 francs) majorée, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 443-7 du même code (II de l'article 16 de la loi).

Deux « recettes nouvelles » sont prévues :

- un versement d'un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice excédentaire du Fonds de solidarité vieillesse , tel que présenté par la Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du mois de septembre, et fixé par arrêté conjoint des ministres de tutelle ;

- les produits financiers du fonds.

Encore faut-il constater que dans l'un et l'autre cas ces deux recettes étaient déjà affectées au fonds de réserve.

Enfin, par l'intermédiaire d'une disposition balai, il est prévu que les ressources du fonds sont également constituées par « toute autre ressource affectée au Fonds de réserve pour les retraites » .

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose de supprimer l'affectation des « excédents prévisionnels » du Fonds de solidarité vieillesse. Une telle disposition est presque une « provocation », au moment où le Gouvernement le ponctionne pour financer les trente-cinq heures jusqu'à le rendre déficitaire.

Ce mécanisme se calque sur celui retenu pour la CNAVTS : or ledit mécanisme a fait la preuve de sa complexité et de son opacité. Le Gouvernement n'est pas « obligé » de verser les excédents « prévus ». Il est de surcroît difficile de déterminer si ces excédents sont comptabilisés en « encaissements/décaissements » ou en « droits constatés », même si le Gouvernement assure, dans ses réponses au questionnaire, que le deuxième mode de comptabilisation est désormais retenu.

L'objectif suivi par le Gouvernement est semble-t-il de glaner quelques millions de francs de produits financiers : il est préférable, pour des raisons de simplicité, gage de transparence, de renoncer à un gain si peu élevé et de ne pas affecter des excédents avant que ces excédents ne soient constatés et effectifs.

Votre commission propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-8 du code de la sécurité sociale
Conseil de surveillance et directoire

I - Le dispositif proposé

Cet article décrit les organes de direction et de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites.

Le fonds bénéficierait d'un conseil de surveillance et d'un directoire.

La composition du conseil de surveillance, constitué de membres du Parlement, de représentants des « assurés sociaux », de représentants des employeurs et travailleurs indépendants, de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées, sera précisée par un décret en Conseil d'Etat.

La mission de ce conseil de surveillance serait triple :

- sur proposition du directoire, il fixe « les orientations générales de la politique de placement du fonds en respectant, d'une part, l'objectif et l'horizon d'utilisation des ressources du fonds et, d'autre part, les principes de prudence et de répartition des risques »

- il contrôle les résultats du fonds ;

- il établit un rapport annuel public sur la gestion du fonds.

Le directoire serait composé de trois membres, dont le président, nommés par décret pour une durée de six ans, après consultation du conseil de surveillance. Le directoire assure la direction de l'établissement public et est responsable de sa gestion. Mettant en oeuvre les orientations de la politique de placement, il contrôle le respect de celles-ci... tout en rendant compte régulièrement au conseil de surveillance.

Mais le directoire, comme on l'a vu précédemment, exerce également un pouvoir exclusif de proposition des « orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds » . Lorsque ses propositions ne sont pas approuvées par le conseil de surveillance, le directoire doit présenter à nouveau des propositions, puis si elles ne sont toujours pas adoptées, a tout pouvoir « pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires à la gestion du fonds » .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, prévoyant que le conseil de surveillance approuverait les comptes annuels du fonds.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur, précisant que le président du directoire ne serait autre que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. En conséquence, seuls les deux autres membres du directoire restent nommés par décret, après consultation du conseil de surveillance, pour une durée de six ans. En effet, aux termes de l'article 14 de la loi n° 94-679 du 28 août 1994 29 ( * ) , « le directeur général est nommé pour cinq ans par décret en Conseil des ministres. Ce mandat est renouvelable une fois. Il pourra être mis fin à ses fonctions par décret en Conseil des ministres, après avis de la Commission de surveillance qui peut décider de le rendre public ou non sur proposition de cette Commission » .

Elle a adopté enfin un troisième amendement de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, précisant que le directoire rendait compte notamment de la manière dont les orientations générales de la politique de placement du fonds prenaient en compte « des considérations sociales, environnementales et éthiques » .

III - La position de votre commission

Votre commission propose d'adopter un amendement procédant à une rédaction globale de cet article, portant sur les seuls mode de désignation et de nomination des membres du conseil de surveillance et du directoire. Les missions de ces deux instances font l'objet d'un amendement portant insertion d'un article additionnel.

Le fonds de réserve pour les retraites sera un établissement sui generis .

Il comprendra un conseil de surveillance et un directoire.

Le conseil de surveillance en sera l'organe de contrôle.

Le directoire, constitué de trois membres, en sera l'organe exécutif. S'agissant d'un fonds chargé de gérer mille milliards de francs qui seront utilisés dans vingt ans pour garantir les retraites des Français, il est souhaitable que le mode de nomination du directoire soit solennel et garantisse sa parfaite indépendance.

Aussi, les membres du directoire seraient, en raison de leurs compétences et de leurs expériences dans le domaine financier, désignés respectivement par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Son président serait nommé par le président de la République.

En outre, la Caisse des dépôts et consignations étant chargée de la gestion administrative du fonds, il n'apparaît pas souhaitable que le directeur général soit également président du directoire.

L'amendement, s'inspirant du mode de nomination du Conseil supérieur de l'audiovisuel mais également du Conseil de politique monétaire, apporte un certain nombre de précisions :

- sans composer dans le détail le Conseil de surveillance, il met un garde-fou : le nombre de représentants du Parlement doit être égal au nombre de représentants des administrations de l'Etat ;

- il prévoit que le Conseil de surveillance élit son président ;

- les membres du directoire ne seront pas renouvelables à l'issue de leur mandat de six ans : il s'agit d'une garantie supplémentaire d'indépendance ;

- leurs fonctions sont incompatibles avec toute autre fonction : le mandat de membre du directoire sera un « temps plein », ce qui constitue une garantie supplémentaire.

Cet amendement supprime également les considérations sociales, environnementales et éthiques mentionnées dans le projet de loi, qui doivent être « prises en compte » par les orientations du fonds. Même si ces considérations sont bien évidemment « généreuses », le fonds de réserve doit avoir une mission univoque : contribuer à financer les retraites des Français.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-8-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale
Missions du conseil de surveillance et du directoire
du Fonds de réserve pour les retraites

Cet article additionnel tend à préciser les missions du conseil de surveillance et du directoire du Fonds de réserve pour les retraites.

Le directoire sera l'organe exécutif du fonds, chargé de mettre en oeuvre les orientations de gestion et d'organiser les différents appels d'offre.

Le conseil de surveillance délibérera au moins une fois par an sur les orientations de gestion. Afin de prévoir un « contre pouvoir », le directoire devra « revoir sa copie » si le conseil de surveillance, à la majorité des deux tiers, le lui demande.

Il n'était guère admissible, dans le texte du Gouvernement, que le directoire puisse, sans autre formalité, passer outre le rejet de ses propositions par le conseil de surveillance.

Le conseil approuvera non seulement les comptes annuels du fonds mais encore appréciera les résultats de sa gestion.

Il exercera un pouvoir de contrôle permanent sur le directoire. A ce titre, le conseil pourra se faire communiquer tous les documents et informations qu'il jugera utiles.

Le rapport au Parlement, établi par le conseil de surveillance, permettra d'assurer une pleine transparence.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. L. 135-9 du code de la sécurité sociale
Secrétaire général, personnel et frais de gestion
du Fonds de réserve pour les retraites

I - Le dispositif proposé

Le premier alinéa de cet article prévoit qu'un secrétaire général est nommé pour cinq ans, par arrêté des ministres chargés de l'économie et de la sécurité sociale, après avis du président du directoire.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que le fonds peut employer des agents de droit privé, ainsi que des contractuels de droit public, recrutés sur la base de contrats à durée déterminée ou indéterminée.

Par ailleurs, l'ensemble des frais de gestion est à la charge du fonds de réserve.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a supprimé le rôle et le poste de secrétaire général du fonds de réserve au motif un peu abscons que « la caisse des dépôts n'a pas pour rôle d'assister le secrétaire général du fonds mais agit sous l'autorité du directoire » 30 ( * ) . Or, dans le texte de l'Assemblée nationale, c'est le directeur général de la caisse qui préside le directoire. La CDC se trouverait ainsi en quelque sorte deux fois sous l'autorité de son propre directeur général.

III - La position de votre commission

Le directoire et le conseil de surveillance devront être entourés de collaborateurs de haut niveau, ayant un profil professionnel diversifié. Aussi est-il logique de prévoir une gestion des ressources humaines aussi souple que possible.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 135-10 du code de la sécurité sociale
Rôle de la Caisse des dépôts et consignations et instruments financiers

I - Le dispositif proposé

Le premier alinéa de cet article dispose que la Caisse des dépôts et consignations assure la gestion administrative du fonds, en assistant le directoire et le secrétaire général.

La notion de gestion administrative reste floue : selon le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, « la gestion administrative doit s'entendre par opposition à la gestion financière qui concerne les fonds eux-mêmes » .

Le texte prend le soin de préciser que « cette activité est indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales » .

Les instruments financiers que le Fonds de réserve est autorisé à détenir ou à utiliser sont ceux énumérés au I de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, résultant de l'article premier de la loi de modernisation des activités financières n° 96-597 du 2 juillet 1996 :

- les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription en compte ou tradition ;

- les titres de créance qui représentent chacun un droit de créance sur la personne morale qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;

- les parts ou actions d'organismes de placements collectifs ;

- les instruments financiers à terme ;

- tous instruments financiers équivalents à ceux mentionnés aux précédents alinéas, émis sur le fondement de droits étrangers.

Il s'agit ainsi des fonds gérés par les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), qui regroupent les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) et les fonds communs de placement (FCP).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, supprimant la mention d'un secrétaire général par cohérence avec sa position exprimée à l'article L. 135-9, a renversé quelque peu la problématique : ce n'est plus la Caisse des dépôts qui assiste le directoire dans la gestion administrative du fonds, mais la Caisse qui assure clairement la gestion administrative, sous l'autorité du directoire. Il est vrai qu'à partir du moment où le président du directoire n'est autre que le directeur général de la Caisse des dépôts, il aurait été curieux que la Caisse assiste son propre directeur général...

Par ailleurs, sur proposition de M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, elle a prévu que la gestion financière du fonds serait confiée par voie d'appel d'offres, à des entreprises d'investissement exerçant à titre principal la gestion de portefeuille pour compte de tiers (service visé au 4 de l'article L. 321-1 du code monétaire et financier).

III - La position de votre commission

Votre commission propose, comme l'Assemblée nationale, de confier la « gestion administrative » du fonds de réserve à la Caisse des dépôts et consignations, qui entend l'exercer « à prix coûtant » 31 ( * ) . Compte tenu de l'image dans l'opinion de la Caisse, créée en 1816 « sous le sceau de la foi publique » , cette garantie sera de nature à renforcer la sécurité de l'établissement spécial « fonds de réserve ».

De plus, la Caisse des dépôts présente une expérience de longue date, née de la gestion de plusieurs régimes, en matière d'études et de veille sur les questions de retraite.

Mais, votre rapporteur estime dans ces conditions qu'il est logique de prévoir que la Caisse des dépôts et à ses filiales ne peuvent participer aux appels d'offre relatifs à la gestion financière : c'est le seul moyen d'établir sans aucune ambiguïté une « muraille de Chine » efficace entre les activités traditionnelles de la Caisse et ses activités concurrentielles.

Aussi est-il nécessaire de préciser, par la voie d'un premier amendement , que la gestion administrative est exclusive de toute participation aux appels d'offre de gestion financière

Il importe de préciser également, et c'est l'objet du second amendement , que ces appels d'offre de gestion financière seront renouvelés régulièrement, afin que les entreprises y participant soient remises en concurrence.

Encore faut-il s'entendre sur la notion de « gestion administrative ». Dans l'esprit du Gouvernement, elle recouvre visiblement plusieurs missions : la gestion interne de l'établissement (gestion des ressources humaines, gestion de l'informatique), la gestion comptable et la gestion de la conservation des titres.

Pour votre commission des Affaires sociales, la conservation des instruments financiers est un métier spécifique. Il convient de prévoir, par la voie d'un troisième amendement , que cette mission sera confiée par appel d'offres aux prestataires de services d'investissement spécialisés en la matière.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-10-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale
Règles prudentielles

Cet article additionnel prévoit que les règles prudentielles auxquelles est soumis le fonds seront déterminées par décret en Conseil d'Etat.

En effet, le texte du Gouvernement ne mentionne en aucune façon les règles prudentielles que devra suivre le fonds. Cet article additionnel permet ainsi de disposer d'une base législative.

Il aurait été certes préférable que la loi définisse un minimum de règles. Mais votre commission des Affaires sociales ne dispose pas, sur ce sujet, de la compétence étendue et reconnue de votre commission des Finances. Elles pourront du reste être précisées par un texte législatif postérieur.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. L. 135-10-2 (nouveau) du code de la sécurité sociale
Ratios d'emprise

Cet article additionnel a pour objet de fixer des « ratios d'emprise » que devra respecter le fonds de réserve des retraites, c'est-à-dire un pourcentage maximal du capital ou des droits de vote d'une société que pourrait détenir ledit fonds.

En premier lieu, cette disposition permet de s'assurer que la participation du fonds dans le capital d'une entreprise n'atteint pas un niveau suffisamment conséquent pour lui permettre d'exercer une influence significative sur ses orientations stratégiques et sur sa gestion. Elle évite ainsi une forme de « nationalisation » de l'économie française.

En second lieu, elle permet de s'assurer que le fonds ne peut être détourné de son objectif vers une politique de soutien à une entreprise particulière.

Cette disposition a ainsi pour objet d'assurer la neutralité du fonds de réserve pour les retraites à l'égard des marchés d'actions, ainsi que de l'unicité de l'objectif qui doit lui être assigné.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. L. 135-11 du code de la sécurité sociale
Commissaires aux comptes

I - Le dispositif proposé

Cet article prévoit que deux commissaires aux comptes sont désignés pour six exercices par le directoire. Ces commissaires aux comptes certifient l'exactitude de l'inventaire de l'actif établi semestriellement par le directoire avant sa présentation au conseil de surveillance et sa publication.

Les dispositions des articles du code de commerce relatives au contrôle des sociétés anonymes par les commissaires aux comptes (articles L. 225-18 à L. 225-42) de ce code leur sont applicables, à l'exception de celles qui apparaissent incompatibles avec le statut d'établissement public du Fonds de réserve.

Les membres du conseil de surveillance exercent les droits reconnus aux actionnaires et à leurs assemblées générales par les articles L. 225-30 et L. 225-33 du code de commerce.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Compte tenu du rôle tenu par le conseil de surveillance, sorte « d'assemblée générale des actionnaires », il apparaît logique à votre commission de lui donner le rôle, comme dans les sociétés anonymes, de nommer les commissaires aux comptes.

Ce mode de désignation permet de leur garantir une indépendance accrue à l'égard du directoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-12 du code de la sécurité sociale
Règles de déontologie applicables aux membres du directoire

I - Le dispositif proposé

Cet article détermine les règles de déontologie applicables aux membres du directoire.

Le premier alinéa précise que les membres du directoire sont tenus d'informer le président des intérêts qu'ils détiennent ou viennent à détenir et des fonctions qu'ils exercent ou viennent à exercer dans une activité économique et financière ainsi que de tout mandat qu'ils détiennent ou viennent à détenir au sein d'une personne morale. Le président du directoire, membre du directoire, s'informe ainsi lui-même. Ces informations concernant les membres du directoire sont tenues à la disposition... des membres du directoire.

Le second alinéa dispose qu'aucun membre du directoire ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même, ou le cas échéant une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat, a un intérêt. Ce principe d'abstention s'applique également sur les dix-huit mois passés.

Le troisième alinéa précise l'autorité chargée d'assurer le respect de ces dispositions : le président du directoire.

Enfin, le quatrième alinéa impose aux membres du directoire, ainsi qu'aux salariés et préposés du fonds, aux experts et aux personnes consultées, une obligation de secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles L. 266-13 et L. 266-14 du code pénal, soit un an d'emprisonnement et 100.000 francs d'amende.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a précisé que le principe d'abstention ne s'appliquait que lors de la mise en oeuvre de la gestion financière.

III - La position de votre commission

Cet article d'« auto-contrôle » pourrait faire sourire : il s'agit pourtant d'un texte éminemment sérieux, proposé par le Gouvernement, portant sur un point capital : les règles de déontologie des membres du directoire.

Car enfin, comment peut-on prévoir que le président du directoire s'informe lui-même des intérêts qu'il détient et que le président du directoire prend ensuite les mesures appropriées pour assurer le respect de ses propres obligations ?

Votre commission, qui souhaite une instance efficace de contrôle, propose de confier ces missions au conseil de surveillance.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-13 du code de la sécurité sociale
Contrôle exercé sur le Fonds de réserve pour les retraites

I - Le dispositif proposé

L'alinéa unique de cet article prévoit que le fonds est soumis au contrôle de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances.

Cette disposition apparaît superfétatoire, compte tenu du caractère du fonds de réserve, établissement public à caractère administratif.

Cette redondance législative introduit de surcroît une forme de doute a contrario : la Cour des comptes serait-elle compétente pour se saisir du contrôle de l'établissement ? Le Parlement est-il compétent pour contrôler ce fonds ? Même si la réponse est positive, ces questions montrent le caractère dangereux de préciser dans la loi certains contrôles, sans être exhaustif.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission souhaite que le fonds de réserve soit un « établissement spécial ». De ce fait, l'article L. 135-13 cesse d'être superfétatoire : il importe même de le compléter, par la mention du contrôle de la Cour des comptes.

Le fonds de réserve sera à la fois un établissement indépendant et soumis à contrôle des deux inspections (Affaires sociales et Finances) et de la Cour des comptes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. L. 135-14 du code de la sécurité sociale
Modalités d'application

I - Le dispositif proposé

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application des articles L. 135-6 à L. 135-13. Le décret doit préciser notamment :

- les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de surveillance, du directoire et du secrétaire général ;

- les modalités de la tutelle et, notamment, les cas et conditions dans lesquels les délibérations du conseil de surveillance et les décisions du directoire sont soumises à approbation ;

- les modalités de préparation et d'approbation du budget.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence, tendant à supprimer la mention du secrétaire général.

II - La position de votre commission

Votre commission souhaite un fonds de réserve « indépendant », et non un établissement public ordinaire soumis à la tutelle ministérielle.

Elle vous propose de supprimer, par voie de conséquence, la référence à l'approbation des délibérations du conseil de surveillance et des décisions du directoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* *

*

Le II de cet article procède à des rectifications, par coordination, du code de la sécurité sociale.

Votre commission vous propose de supprimer, par voie de conséquence avec l'amendement adopté à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale, la disposition de l'article L. 251-6-1 permettant d'affecter une fraction des excédents prévisionnels de la CNAVTS.

Le III de cet article prévoit que le Fonds de réserve pour les retraites est exonéré de l'impôt sur les sociétés.

Le IV de cet article rectifie la rédaction de l'article 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière, qui prévoit le versement des fonds de caisses d'épargne.

Le V dispose que les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1 er janvier 2002. Une période transitoire, du 1 er janvier 2002 au 1 er juillet 2002 au plus tard, est toutefois prévue pour permettre au FSV de continuer à percevoir et à gérer les différentes ressources du fonds de réserve, dans l'attente de la constitution dudit fonds.

Le VI indique que le transfert des biens, droits et obligations du FSV au fonds de réserve pour les retraites est effectué à titre gratuit.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 6 ainsi amendé.

Art. 6 bis (nouveau)
Remplacement temporaire d'un pharmacien titulaire d'officine
ou d'un directeur de laboratoire d'analyses de biologie médicale
dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à autoriser l'organisation du remplacement temporaire des pharmaciens titulaires d'officine et des directeurs de laboratoires d'analyses médicales dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.

I - Le dispositif proposé

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Germain Gengenwin et Jean-Pierre Foucher et a reçu un avis favorable du Gouvernement

Il vise à autoriser l'organisation du remplacement temporaire des pharmaciens titulaires d'officine et des directeurs de laboratoires d'analyses médicales dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.

II - La position de votre commission

Cet article n'a pas sa place, à l'évidence, au sein du titre II relatif au « Fonds de réserve pour les retraites » mais relève d'un titre VI nouveau que votre commission propose de créer et où elle vous propose de réintroduire cet article sous la forme d'un article additionnel après l'article 19.

En conséquence, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article .

* 21 Audition par la commission des Affaires sociales, 24 octobre 2000.

* 22 Conseil d'administration du FSV, 14 décembre 2000.

* 23 Ce qui exclut tous les autres régimes.

* 24 Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, 26 mars 2001 « financement du Fonds de réserve ».

* 25 cf. annexe. Réponse écrite au questionnaire de vos rapporteurs.

* 26 Cf. annexe précitée.

* 27 Réponse à la question n° 5 : « les régimes de retraite éligibles au FRR sont ceux qui ont fait l'objet d'une réforme en juillet 1993 ».

* 28 Ce régime spécial est relatif aux retraites des agents des chemins de fer secondaires d'intérêt général, des chemins de fer d'intérêt local et des tramways.

* 29 Entre 1816 et 1994, le mandat de directeur général n'était assorti d'aucune limitation de durée.

* 30 Rapport AN n° 3032 p. 34.

* 31 Selon les réponses au questionnaire de vos rapporteurs (cf. annexe) « la CDC sera remboursée au franc le franc des frais liés à la gestion administrative ».

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