Rapport n° 424 (2000-2001) de M. Alain GOURNAC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 29 juin 2001

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N° 424

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 28 juin 2001

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2001

RAPPORT
SUPPLÉMENTAIRE

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur les articles 29 A à 34 bis du projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, de modernisation sociale ,

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Gérard Dériot, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2415 rect., 2809 et T.A. 608
Deuxième lecture : 3052 , 3073 et T.A. 686

Sénat : Première lecture : 185 , 258 , 275 et T.A. 89 (2000-2001)

Deuxième lecture : 384 , 404 (2000-2001)

Politique sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale a été l'occasion, pour l'Assemblée nationale, d'introduire quatorze nouveaux articles aux trois premières sections du titre II relatives à la protection des licenciements, au droit à l'information des représentants du personnel ainsi qu'au plan social et au droit au reclassement.

Plusieurs de ces articles modifient certaines dispositions essentielles du code du travail. C'est le cas en particulier de l'article 33 A qui réécrit la définition du licenciement économique telle qu'elle résulte de l'article L. 321-1 du code du travail mais aussi des modifications apportées à l'article 32 bis et du nouvel article 32 quater qui prévoient le recours à un médiateur pour rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité d'entreprise sur les projets de restructuration et de compression d'effectifs.

D'autres articles intègrent dans le code du travail des principes reconnus par la jurisprudence, il s'agit en particulier de l'article 34 A relatif à la réintégration du salarié dont le licenciement a été reconnu comme nul. Dans certains cas, l'Assemblée nationale a même souhaité revenir sur ces principes jurisprudentiels, c'est notamment le cas de l'article 32 A relatif à la consultation des institutions représentatives du personnel qui revient sur la possibilité de faire coïncider certaines réunions du comité d'entreprise prévues par le code du travail.

Enfin, plusieurs dispositions ont été ajoutées qui prévoient que des documents supplémentaires doivent être réalisés à l'appui de l'examen de certaines décisions -c'est le cas des études d'impact social et territorial prévues par les articles 31 bis et 31 ter- ou qui imposent de nouvelles contributions aux entreprises qui licencient (article 34 bis F).

L'ensemble de ces dispositions introduites en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, pour certaines à l'occasion d'une deuxième délibération, constitue une véritable « réforme » du droit du licenciement, c'est-à-dire d'un des aspects les plus fondamentaux du droit du travail. Or, force est de constater que ces dispositions ont été discutées dans la précipitation et sans véritable recul.

Alors même que ces articles ont des conséquences considérables sur la gestion des entreprises et donc sur l'emploi, aucune étude n'a été réalisée au préalable pour établir un bilan du droit du licenciement, alors même qu'un tel sujet aurait pu se prêter par exemple à un avis du Conseil économique et social.

Par ailleurs, il est important de souligner que le recours à des amendements plutôt qu'au dépôt d'un texte spécifique a dispensé le Gouvernement d'avoir à soumettre ces articles à l'avis du Conseil d'Etat, et de les analyser dans l'étude d'impact jointe au projet de loi.

Si l'on ajoute le fait que la plupart de ces amendements n'ont pas fait l'objet d'un examen dans le rapport écrit de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il apparaît que les conditions de préparation de ces mesures ne peuvent être considérées comme satisfaisantes.

Compte tenu de ces circonstances et de la portée des ajouts réalisés par l'Assemblée nationale, votre commission, lors de sa réunion du 21 juin 2001, a souhaité réserver l'examen de ces articles afin d'auditionner l'ensemble des partenaires sociaux. Ce délai supplémentaire n'aura aucune incidence sur le calendrier d'examen du texte puisque l'Assemblée nationale ne pourra poursuivre son examen avant le 20 novembre eu égard aux délais constitutionnels afférents à l'examen des lois de finances.

Votre commission se félicite de la qualité des auditions auxquelles elle a procédé et tient à remercier les partenaires sociaux qui ont répondu à son invitation ainsi que les professeurs de droit qui ont apporté un éclairage utile.

Elle remarque que nul n'a contesté l'intérêt de ce dialogue entre le Parlement et la société civile, certains partenaires sociaux ayant regretté de n'avoir pas été reçus dans les mêmes conditions par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Car tel est le premier enseignement de ces auditions : les partenaires sociaux n'avaient été ni informés ni consultés quant au contenu de ces articles, ceci alors même que comme l'a rappelé le président du MEDEF : « les règles actuelles sur les licenciements économiques sont issues d'un accord interprofessionnel de 1969 sur la sécurité de l'emploi, modifié à plusieurs reprises par les partenaires sociaux ou avec leur accord ».

C'est donc peu de dire que les partenaires sociaux ont regretté d'avoir été tenus à l'écart de l'élaboration de ces mesures. Certains, comme la CFTC, ont pu s'interroger, dans ces conditions, sur leur utilité. Le professeur Jean-François Amadieu a même considéré que le recours préalable à la loi dans ce domaine nous éloignait de nos voisins européens qui, tous, favorisent la négociation collective.

Sur le fond, les partenaires sociaux ont réservé un accueil mitigé à cette « réforme » du droit du licenciement.

La CGT a considéré que certaines dispositions, comme le recours à un médiateur, ne faisaient pas partie de ses revendications et n'étaient pas sans effets pervers.

La CFDT s'est déclarée défavorable au recours au médiateur considérant que l'externalisation du débat jouait contre le dialogue social et qu'un tel dispositif était « déresponsabilisant » pour les partenaires sociaux.

FO a fait part de ses réserves quant au lien opéré entre réduction du temps de travail et élaboration du plan social et a été rejoint sur ce point par le professeur Jean-Emmanuel Ray.

La CGC a, quant à elle, considéré que cette réforme du droit du licenciement était partielle et n'apportait pas toujours les bonnes réponses, ce qu'a confirmé la CFDT en observant que 85 % des licenciements économiques étaient des licenciements individuels non concernés par ce texte.

Enfin, une très forte majorité des partenaires sociaux auditionnés, comme les deux professeurs de droit, ont regretté la modification de la définition du licenciement pour motif économique.

Ces réactions pour le moins mitigées, voire réservées, de la part des syndicats de salariés, sans parler de celles des représentants des entreprises, mettent en évidence le caractère inadapté de la démarche suivie par le Gouvernement et sa majorité. Il est vrai que celle-ci répondait plus à une préoccupation politique qu'à un projet de réforme mûrement réfléchi comme l'ont souligné en particulier la CGPME et le professeur Jean-Emmanuel Ray ; néanmoins votre commission redoute que cette démarche illustre aussi un manque de confiance dans le dialogue social et ses acteurs.

A cet égard, elle observe les réactions favorables à l'idée évoquée par votre rapporteur d'un droit de saisine des partenaires sociaux sur toute initiative législative dans le domaine social afin d'aboutir à un accord qui serait repris par la loi. Cette procédure qui s'inspire des pratiques en vigueur ailleurs en Europe a été considérée comme une voie d'avenir par la CFDT, la CGC, la CFTC, la CGPME et le MEDEF.

L'audition des professeurs de droit a été également fort enrichissante.

Le professeur Jean-Emmanuel Ray tout d'abord, a expliqué avec beaucoup de force que notre droit du licenciement était le fruit d'une lente sédimentation d'accords collectifs, de lois et de jurisprudence et qu'il venait enfin, ces dernières années, de trouver son point d'équilibre.

Il a attiré l'attention de la commission sur la nécessité de préserver cet équilibre, en particulier dans la définition du licenciement économique, rejoint en cela par la CFDT. Il a considéré que la substitution de l'appellation de « plan de sauvegarde de l'emploi » à celle de « plan social » et l'amendement « Michelin » constituaient deux autres modifications aux conséquences néfastes pour l'architecture de notre droit du travail.

Le professeur Jean-François Amadieu a, quant à lui, insisté sur le fait que la modification au droit du licenciement apportée par ce texte avait pour conséquence de renforcer le contrôle judiciaire et administratif, en s'inquiétant du fait que l'administration se retrouvait en position d'intervenir à tout moment, y compris dans le suivi du plan social, ce qui constituait selon lui un facteur d'affaiblissement du dialogue social. Il a souligné par ailleurs que le projet de loi ne privilégiait pas la recherche de l'accord mais plutôt une vision conflictuelle des rapports sociaux en contradiction avec les pratiques de l'ensemble de nos voisins européens.

On le voit, ces auditions des partenaires sociaux ont été fort instructives. Elles ont permis à votre rapporteur d'élaborer des propositions d'amendements qui tiennent très largement compte des préoccupations apparues. Elles illustrent également la volonté de votre commission d'examiner ce projet de loi de manière constructive, suivant en cela sa propre démarche lors de la première lecture.

Votre commission vous proposera ainsi d'adopter conformes plusieurs articles ; il s'agit des articles 33 (droit au reclassement avant tout licenciement pour motif économique) , 34 bis B (lutte contre les contournements des dispositions relatives à la présentation de plans sociaux) et 34 bis E (augmentation de la durée laissée au salarié licencié pour manifester son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage) .

Elle vous proposera par ailleurs un certain nombre d'amendements sur des articles importants qui peuvent être encore améliorés afin de mieux concilier la nécessité de protéger les salariés et celle de préserver l'activité des entreprises. Il s'agit en particulier de la nouvelle rédaction qu'elle propose pour l'article 33 A qui prévoit une nouvelle définition du licenciement pour motif économique.

Elle vous invitera enfin à adopter plusieurs amendements de suppression qui concernent des dispositions dont les auditions ont confirmé qu'elles n'étaient ni nécessairement opportunes, ni forcément applicables. Ces amendements de suppression concerneront en particulier l'amendement « Michelin » et le recours à un médiateur.

Telles sont les principales observations que votre commission souhaitait vous présenter sur ces articles pour lesquels elle avait, fort pertinemment, demandé la réserve.

TITRE II
-
TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE
CHAPITRE PREMIER
-
Protection et développement de l'emploi
Section 1
-
Prévention des licenciements

Art. 29 A (nouveau)
Substitution du terme « plan de sauvegarde de l'emploi »
au terme « plan social »

Objet : Cet article vise à remplacer les termes « plan social » par ceux de « plan de sauvegarde de l'emploi ».

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à l'initiative du Gouvernement, a pour objet de substituer dans le code du travail les termes « plan de sauvegarde de l'emploi » aux termes « plan social ».

Le Gouvernement a motivé cette évolution sémantique en considérant qu'elle permettra de mieux rappeler la responsabilité de l'employeur dans la mise en place d'alternatives au licenciement.

II - La position de votre commission

Votre commission remarque que cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, constitue avant tout une mesure d'affichage.

Or la sémantique a elle-même ses limites, rien ne laisse penser que les salariés qui devraient néanmoins quitter une entreprise à l'issue d'un « plan de sauvegarde de l'emploi » trouveront une satisfaction à cette modification terminologique.

Alors même que le nombre de plans sociaux notifié à l'administration est en baisse, ce changement de dénomination tend à dramatiser les restructurations et à leur donner une importance qui, à l'évidence, ne correspond pas à la réalité du phénomène comme l'a montré l'audition de la CFDT.

L'évolution des plans sociaux

En nombre de plans sociaux notifiés à l'administration

Source : ministère de l'emploi

Votre commission considère que la priorité doit être donnée à une politique de l'emploi favorisant une plus grande « employabilité » des salariés plutôt qu'à modifications terminologiques qui constituent autant de sources de désillusions.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 29
(art. L. 933-2 du code du travail)
Extension du champ de la négociation de branche sur la formation professionnelle à la gestion prévisionnelle des emplois

Objet : Cet article vise à compléter le contenu de la négociation quinquennale de branche sur la formation professionnelle pour l'étendre au thème de la gestion prévisionnelle des emplois. Il prévoit également d'introduire une discussion sur les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel sur leur évolution professionnelle dans cette négociation.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait adopté, à l'initiative de votre commission, un amendement tendant à préciser que les compétences visées par la négociation de branche sur la formation professionnelle et la gestion prévisionnelle des emplois sont les compétences professionnelles du salarié.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission, a choisi d'ignorer cette précision, estimant que la négociation pourrait le cas échéant porter sur d'autres compétences que celles exclusivement professionnelles du salarié.

II - La position de votre commission

Votre commission considère, pour sa part, que dans le cadre d'une démarche de gestion prévisionnelle des emplois, toute négociation sur le développement des compétences ne peut porter que sur les compétences professionnelles du salarié, sauf à introduire une confusion sur la fonction de ce volet bien spécifique de la négociation de branche sur la formation professionnelle.

Pour autant, il n'entre pas dans la volonté du Sénat de rétrécir le champ théorique de ces négociations, même si, en pratique, elles ne manqueront sans doute pas de se limiter à la seule dimension professionnelle des compétences.

Voilà pourquoi votre commission ne juge pas nécessaire de s'opposer sur ce point une nouvelle fois à la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Art. 30
(art. L. 322-7 du code du travail)
Appui à la conception d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois

Objet : Cet article institue un dispositif d'appui, à la charge de l'Etat, pour les petites et moyennes entreprises souhaitant élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Là encore, comme à l'article 29, le Sénat avait adopté en première lecture un amendement visant à préciser que les plans de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui peuvent bénéficier d'un appui de l'Etat ne peuvent concerner que les compétences strictement professionnelles des salariés.

L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a supprimé cette précision.

II - La position de votre commission

Votre commission, par cohérence avec la position adoptée à l'article 29 ci-dessus, ne considère pas indispensable de revenir sur ce point à sa rédaction initiale.

Elle vous propose en conséquence d'adopter cet article sans modification.

Art. 31
(art. L. 321-4-1 et L. 321-9 du code du travail)
Négociation sur la réduction du temps de travail préalable à l'établissement d'un plan social

Objet : Cet article modifie la législation relative au licenciement économique. Il instaure une obligation pour l'employeur de négocier, préalablement à l'établissement d'un plan social, un accord de réduction du temps de travail à trente-cinq heures hebdomadaires ou une durée équivalente sur l'année.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait, sur proposition de sa commission des Affaires sociales, supprimé cet article en estimant qu'il soulevait de nombreuses interrogations en particulier au niveau juridique compte tenu de sa rédaction 1 ( * ) .

Lors de la deuxième lecture, ni la commission, ni l'Assemblée nationale n'ont apporté de réponses aux questions soulevées par le Sénat. L'Assemblée nationale a seulement rétabli cet article aussi appelé « amendement Michelin » qui rend obligatoire de négocier sur la réduction du temps de travail avant de présenter un plan social. Elle a par ailleurs rejeté plusieurs sous-amendements présentés par MM. Jean-Pierre Foucher et Hervé Morin, Mme Nicole Catala et Jean Ueberschlag qui avaient tous pour objet d'aménager cet article en tenant compte des dispositions déjà prévues de négociation annuelle obligatoire ou en y apportant des précisions notamment quant à la procédure applicable en cas de non-application du texte.

II - La position de votre commission

Votre commission prend acte de l'absence de réponse aux interrogations qu'elle a soulevées lors de la première lecture concernant la rédaction adoptée en première lecture et du rejet des sous-amendements pourtant utiles déposés par plusieurs membres de l'opposition.

Par ailleurs, elle rappelle que cette disposition, bien que faisant l'objet d'une codification, n'aurait de toutes les façons qu'un effet provisoire puisque le Gouvernement a prévu de généraliser l'application des trente-cinq heures à l'ensemble des entreprises, ce qui limite d'autant la pertinence d'un tel dispositif.

L'ensemble de ces remarques amène la commission à vous proposer d'adopter à nouveau un amendement de suppression de cet article.

Art. 31 bis (nouveau)
(art. L. 238-1 nouveau du code du commerce)
Etudes d'impact social et territorial des cessations d'activité

Objet : Cet article modifie le code de commerce afin d'obliger les organes de direction d'une entreprise à se prononcer sur une étude d'impact social et territorial ayant pour objet d'examiner les conséquences d'une cessation d'activité d'un établissement d'au moins cent salariés.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture sur proposition du Gouvernement, modifie le code du commerce afin d'introduire un nouveau chapitre VIII relatif aux licenciements dans le titre III de son livre deuxième ainsi qu'un nouvel article L. 238-1. Ce nouvel article oblige les organes de direction et de surveillance d'une entreprise, préalablement à la cessation d'activité d'un établissement d'au moins cent salariés, à statuer à l'appui d'une étude d'impact social et territorial relative aux conséquences directes et indirectes qui s'attachent à la fermeture de l'établissement ainsi qu'aux suppressions d'emploi qui pourraient en résulter. Le dernier alinéa de cet article précise que le contenu de cette étude est déterminé par décret en Conseil d'Etat.

En première lecture, le Sénat avait refusé, sur proposition de sa commission, d'adopter un amendement identique présenté déjà par le Gouvernement. Votre rapporteur avait considéré, lors du débat en séance publique, que les conditions de réalisation de cette étude d'impact restaient trop incertaines.

Lors du débat à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, M. Germain Gengenwin a regretté que l'Assemblée nationale ait été amenée à légiférer « à chaud, sans en mesurer toutes les conséquences ». 2 ( * ) M. Maxime Gremetz a considéré, quant à lui, qu'il était nécessaire de lier cette étude d'impact à la définition du licenciement économique considérant que « si l'amendement est sans conséquence, ce sera une disposition bureaucratique de plus ».

II - La position de votre commission

En deuxième lecture, compte tenu du délai qui a permis une nouvelle analyse de cette disposition, votre commission vous propose de faire évoluer la position adoptée par le Sénat en première lecture. Il apparaît, en effet, que de telles études existent déjà même si elles sont informelles et qu'il est possible -moyennant quelques modifications- d'en inscrire le principe dans le code du travail.

Ces modifications portent sur deux points principaux :

- la mise en place de cette procédure assez lourde ne deviendrait obligatoire que dès lors que la cessation d'activité aurait pour conséquence la suppression d'au moins deux cents emplois, ceci afin d'exonérer les entreprises moyennes comprenant entre 100 et 200 salariés d'une procédure très lourde ;

- cette étude serait établie par le chef d'entreprise et concernerait les conséquences du projet de fermeture d'établissement en termes de suppressions d'emplois.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 31 ter (nouveau)
(art. L. 238-2 nouveau du code du commerce)
Etudes d'impact social et territorial des projets de
développement stratégique

Objet : Cet article modifie le code de commerce afin de prévoir la réalisation d'une étude d'impact social et territorial devant accompagner l'examen d'une décision stratégique par les organes de direction d'une entreprise ayant des conséquences sur l'emploi.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture sur proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, introduit un article L. 238-2 nouveau dans le code de commerce. Ce nouvel article prévoit que tout projet de développement stratégique devant être soumis aux organes de direction et de surveillance d'une société et susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail en son sein doit être accompagné d'une étude d'impact social et territorial établie par le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes dudit projet.

Lors du débat en séance publique 3 ( * ) , Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, après avoir considéré que le présent article visait le même but que l'article 31 bis (voir ci-dessus) dont le Gouvernement avait précédemment pris l'initiative, s'est interrogée sur les risques d'affaiblissement de leur portée que pouvait entraîner la multiplication des études d'impact.

M. Hervé Morin a estimé, quant à lui, que cette nouvelle disposition n'apportait rien à l'état du droit actuel qui permet déjà au comité d'entreprise de diligenter des expertises.

II - La position de votre commission

Votre commission considère que cet article qui englobe et dépasse le contenu de l'article 31 bis constitue une disposition très largement redondante.

Elle partage les interrogations soulevées à l'Assemblée nationale lors du débat quant à l'intérêt de multiplier les études obligatoires à l'appui de la moindre décision du chef d'entreprise compte tenu des larges pouvoirs d'information dont dispose déjà le comité d'entreprise.

Votre commission a considéré que cet article, sans véritable portée, constituait en fait une simple mesure d'affichage qui n'était pas de nature à améliorer réellement les garanties apportées aux salariés ; c'est pourquoi elle vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article .

Section 2
-
Droit à l'information des représentants du personnel

Art. 32 A (nouveau)
(art. L. 321-3 du code du travail)
Articulation entre la phase de consultation prévue au livre IV du code du travail et celle spécifiquement prévue au livre III dudit code

Objet : Cet article vise à distinguer la consultation du comité d'entreprise sur un projet de restructuration de celle relative à un projet de licenciement.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Cet article, introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, modifie l'article L. 321-3 du code du travail relatif à la consultation préalable des délégués du personnel avant tout plan social.

Il prévoit de modifier le deuxième alinéa de cet article afin de distinguer deux types de consultation qui ne pourront plus, de ce fait, être confondues, à l'initiative de l'employeur, lorsqu'elles interviennent concomitamment. Il s'agit d'une part des procédures de consultation prévues au livre IV telles qu'elles résultent des articles L. 431-5, L. 432-1 et L. 432-2 et d'autre part de la procédure prévue au livre III.

La première procédure concerne l'information du comité d'entreprise sur les décisions du chef d'entreprise de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs et sur les projets de compression d'effectifs alors que la seconde, celle du titre III, est spécifique à la procédure des licenciements collectifs pour motif économique.

La nouvelle rédaction du début du deuxième alinéa de cet article, telle qu'elle résulte du vote de l'Assemblée nationale, prévoit ainsi que la consultation du comité d'entreprise au sujet d'un projet de licenciement intervient « après achèvement de la procédure de consultation prévue par le livre IV (...) et, le cas échéant, après adoption par les organes de direction et de surveillance de la société, de la décision prévue par l'article L. 238-1 du code du commerce » 4 ( * ) alors que le droit en vigueur se bornait à distinguer les deux procédures sans interdire leur concomitance dès lors que les délais les plus favorables étaient respectés 5 ( * ) .

Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou a précisé que l'objectif de cet article était « d'éviter toute confusion entre ces deux phases en précisant bien que toute décision sur d'éventuels licenciements est précédée d'une phase d'information et de consultation du comité d'entreprise afin que celui-ci se prononce d'abord sur le bien-fondé du projet de restructuration » 6 ( * ) .

II - La position de votre commission

Votre commission considère que la nouvelle rédaction de l'article L. 321-3 adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture introduit une source de rigidité dans les règles relatives à l'information et à la consultation des salariés sans que les conséquences d'une telle disposition ne soient évaluées, ce qui illustre à nouveau les inconvénients de l'absence de concertation avec les partenaires sociaux.

Elle rappelle par ailleurs que la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation a déjà défini des règles précises concernant la concomitance des procédures de consultation du comité d'entreprise.

Compte tenu de ces deux remarques, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article .

Art. 32
(art. L. 431-5-1 nouveau du code du travail)
Information du comité d'entreprise à l'occasion d'une annonce
du chef d'entreprise au public ayant un impact
sur les conditions de travail et d'emploi

Objet : Cet article vise à étendre le droit d'information du comité d'entreprise aux annonces du chef d'entreprise au public en distinguant selon qu'elles concernent la stratégie générale ou des mesures pouvant avoir plus particulièrement des conséquences sur l'emploi et les conditions de travail.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait, sur proposition de sa commission, sensiblement modifié cet article afin de concilier les contraintes propres au fonctionnement des entreprises avec la nécessité d'améliorer le droit d'information des salariés en matière d'annonces au public.

La nouvelle rédaction adoptée par le Sénat pour l'article L. 431-5-1 prévoyait en particulier que :

- le chef d'entreprise est tenu de communiquer aux membres du comité d'entreprise dans les meilleurs délais et au plus tard à la réunion suivante du comité d'entreprise, toutes les informations utiles dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public portant sur une modification substantielle de sa stratégie économique ;

- le chef d'entreprise est tenu d'informer et de consulter le comité d'entreprise dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public dont les mesures sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture qui prévoit la réunion de plein droit du comité d'entreprise en cas d'annonce sur la stratégie économique pouvant avoir des conséquences sur l'emploi ainsi que l'information préalable de celui-ci pour les annonces relatives à l'emploi.

On peut observer que le Gouvernement s'est opposé, avec succès, à une proposition de la commission tendant à prévoir une consultation préalable, au lieu d'une information préalable, pour les annonces ayant trait directement à l'emploi.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture pour cet article concernant les annonces au public.

Elle vous propose également d'adopter un amendement qui modifie le régime pénal que prévoit cet article lorsque le comité d'entreprise n'est pas informé. Votre commission estimant que la sanction pénale ne se justifiait que s'il existait un élément intentionnel, elle vous propose de préciser que le refus de communiquer des informations au comité d'entreprise est passible d'une sanction pénale.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 32 bis
(art. L. 432-1 du code du travail)
Renforcement des pouvoirs du comité d'entreprise sur le projet de restructuration et de compression des effectifs

Objet : Cet article vise à permettre au comité d'entreprise de proposer des solutions alternatives au plan de restructuration présenté par un chef d'entreprise.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat a adopté, sur proposition du Gouvernement, un amendement ayant pour objet de compléter l'article L. 432-1 du code du travail relatif aux compétences du comité d'entreprise « dans l'ordre économique ».

Le droit en vigueur prévoit que le comité est saisi en temps utile des projets de compression des effectifs et qu'il émet un avis sur l'opération projetée, lequel avis est transmis à l'autorité administrative compétente.

Le texte adopté par le Sénat en première lecture prévoit que le comité d'entreprise « peut formuler des propositions relatives à la situation et aux perspectives économiques de l'entreprise » et qu'il « peut se faire assister d'un expert-comptable dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 434-6 » 7 ( * ) .

Le chef d'entreprise doit « fournir au comité d'entreprise une réponse motivée aux propositions émises au cours de la seconde réunion qui se tient dans un délai minimal de quinze jours à compter de la date de la première réunion ». Cette disposition a pour objet de mettre en place un dialogue entre l'employeur et le comité d'entreprise sur la nature des mesures à adopter.

Sont toutefois exclues du dispositif les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a été amenée à modifier à deux reprises cet article 32 bis, une première fois, le 23 mai et à nouveau, le 12 juin, à l'occasion d'une seconde délibération.

A l'occasion de cette seconde délibération organisée le 12 juin, elle a adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui prévoit que le comité d'entreprise ne formule plus des propositions « relatives à la situation et aux perspectives économiques de l'entreprise », mais « des propositions alternatives au projet présenté par le chef d'entreprise ».

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a sous-amendé ce même amendement, sur proposition de MM. Alain Bocquet, Robert Hue, Mmes Jacqueline Frayssse, Muguette Jacquaint, MM. Maxime Gremetz, Patrick Malavieille et les membres du groupe communiste, afin de prévoir l'ouverture d'un droit d'opposition pour le comité d'entreprise sur le projet des restructurations de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi. Ce sous-amendement prévoit également que ce droit d'opposition induit la nécessité de saisir un médiateur 8 ( * ) selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3 et que pendant cette période le « plan de sauvegarde de l'emploi » 9 ( * ) est suspendu.

Lors de la première délibération sur la deuxième lecture le 23 mai, l'Assemblée nationale a, en outre, précisé les modalités du recours à l'expert-comptable.

La nouvelle rédaction, issue d'un amendement du Gouvernement, prévoit que la décision de recourir à un expert rémunéré intervient lors de la première réunion du comité d'entreprise.

Elle précise, par ailleurs, que le recours à l'assistance d'un expert est limité au comité central d'entreprise lorsque le projet concerne plusieurs établissements d'une même entreprise et que le recours à une expertise comptable a pour conséquence d'allonger le délai entre les deux réunions du comité d'entreprise. Enfin, l'Assemblée nationale a prévu un délai-limite d'au moins huit jours entre la transmission du rapport de l'expert aux membres du comité d'entreprise et au chef d'entreprise et la date prévue pour la seconde réunion.

Cet amendement du Gouvernement a été complété par un sous-amendement présenté par MM. Gérard Terrier et Jean Le Garrec qui prévoit que l'employeur ne peut présenter un plan social en vertu de l'article L. 321-4-1 tant qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux propositions et avis formulés par le comité d'entreprise.

II - La position de votre commission

Votre commission avait en première lecture donné un avis favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement estimant utile de prévoir que le comité d'entreprise peut formuler des propositions à un projet de restructuration en ayant recours à l'avis d'un expert. Il s'agissait d'une disposition simple qui n'apparaissait pas de nature à limiter outre mesure la nécessaire marge de manoeuvre du chef d'entreprise.

Tout autre apparaît cet article à la vue des amendements adoptés à l'Assemblée nationale lors d'une deuxième délibération aussi hâtive qu'inhabituelle. Le texte adopté au Sénat apparaît, en effet, dénaturé par un dispositif complexe de recours à un médiateur qui suspend pour un délai pouvant atteindre un mois l'opération de restructuration.

Votre commission considère que ce nouveau mécanisme, adopté précipitamment, sans concertation avec les partenaires sociaux et en l'absence de toute évaluation, dépossède les acteurs du social, en l'occurrence le comité d'entreprise et le chef d'entreprise, du libre choix des modalités de la discussion.

Comme le souligne un syndicat de salariés dans sa réaction à cette disposition, le droit d'opposition ainsi ouvert au comité d'entreprise « est immédiatement contrebalancé par la nécessité de recourir à un médiateur « chargé de rapprocher les points de vue » ce qui réduit d'autant la portée des propositions alternatives » 10 ( * ) .

Alors qu'il s'agit de déterminer les relations entre les partenaires sociaux dans l'entreprise, on peine à comprendre pourquoi le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas jugé utile de les laisser discuter et négocier sur la meilleure façon de procéder ; aussi, votre commission vous propose-t-elle d'adopter un amendement de suppression de cette disposition .

Outre un amendement de précision prévoyant que « seul » le comité central d'entreprise peut recourir à l'expert-comptable, elle vous proposera également de modifier la disposition introduite à l'Assemblée nationale concernant l'impossibilité pour le chef d'entreprise de présenter un plan social tant qu'il n'a pas apporté de réponse aux propositions et avis formulés par le comité d'entreprise.

La présentation d'un plan social ne doit pas, en effet, être confondue avec sa mise en oeuvre comme l'a très justement fait remarquer M. Germain Gengenwin lors du débat à l'Assemblée nationale 11 ( * ) . Votre commission vous proposera dans ces conditions d'adopter un amendement qui substitue les termes « mettre en oeuvre » au terme « présenter » dans l'avant-dernier alinéa de ce paragraphe I, afin de laisser la possibilité d'un dialogue entre le chef d'entreprise et les syndicats.

Votre commission vous proposera enfin d'adopter un autre amendement de précision qui prévoit que l'information d'une entreprise sous-traitante doit être concomitante à la présentation du projet de restructuration par l'entreprise donneuse d'ordre devant son comité d'entreprise.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Art. 32 ter (nouveau)
(art. L. 432-1-2 nouveau du code du travail)
Information des entreprises sous-traitantes des projets d'une entreprise de nature à affecter leur volume d'activité ou d'emploi

Objet : Cet article vise à obliger les entreprises donneuses d'ordres à prévenir les entreprises sous-traitantes des restructurations qu'elles engagent lorsque celles-ci sont de nature à affecter leur volume d'activité.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit, sur proposition du Gouvernement, cet article qui prévoit une obligation pour une entreprise donneuse d'ordres de prévenir ses sous-traitants de tout projet de restructuration de nature à affecter sa charge de travail. Le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, sont également informés.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou a considéré que cette disposition permettrait aux entreprises sous-traitantes « d'anticiper d'éventuelles difficultés » et de « rechercher d'autres contrats pour maintenir l'activité et l'emploi » 12 ( * ) .

II - La position de votre commission

Votre commission observe que la pratique que cet article entend inscrire dans la loi est déjà largement répandue.

Elle vous proposera, dans ces conditions, d'adopter cet article sous réserve de deux amendements qui constituent des précisions.

Le premier amendement vise à substituer le terme « concomitamment » à celui d'« immédiatement » dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 432-1-2.

Le second amendement vous propose de supprimer le terme « immédiatement » dans la deuxième phrase de cet article. Dans les deux cas, le terme « immédiatement » apparaît en effet comme inadapté ne constituant pas un terme suffisamment juridique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 32 quater (nouveau)
(art. L. 432-1-3 nouveau du code du travail)
Saisine d'un médiateur sur un projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement concernant au moins 100 salariés

Objet : Cet article vise à reconnaître la possibilité à l'employeur ou au comité d'entreprise d'avoir recours à un médiateur afin de rapprocher leurs points de vues concernant un projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité autonome concernant au moins cent salariés.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Au cours d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a introduit, sur proposition du Gouvernement, cet article additionnel donnant la possibilité à l'employeur ou au comité d'entreprise d'avoir recours à un médiateur si les discussions autour du projet de l'employeur et des contre-propositions du comité d'entreprise n'ont pas permis de déboucher sur un accord.

Cette procédure est limitée aux projets de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés.

La saisine du médiateur doit avoir lieu au plus tard dans les huit jours suivant l'issue de la procédure d'information et de consultation.

En cas de désaccord entre les partis sur le choix du médiateur, la décision est prise par le président du tribunal de grande instance.

La durée de la mission du médiateur est fixée par accord des parties. A défaut d'accord, elle ne peut excéder un mois. Concernant le déroulement de la mission du médiateur, il est prévu que ce dernier dispose « des plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation de l'entreprise ».

Après avoir recueilli les projets et propositions des parties, il est chargé de rapprocher leurs points de vues et de leur faire une recommandation. Les parties disposent alors d'un délai de cinq jours pour faire connaître leur acceptation ou leur refus de la recommandation.

En cas d'acceptation, la recommandation emporte les effets juridiques d'un accord.

En cas de refus, la recommandation est transmise à l'organe de direction ou de surveillance de l'entreprise et jointe à l'étude d'impact social et territorial prévue par l'article 31 bis.

Le présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de nomination et de saisine des médiateurs ainsi que les conditions de rémunération de leurs missions par l'entreprise.

Un sous-amendement à l'amendement du Gouvernement, présenté par MM. Alain Bocquet, Robert Hue, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Muguette Jacquaint, MM. Maxime Gremetz, Patrick Malavieille et les membres du groupe communiste, a prévu que le comité d'entreprise peut saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de vérifier si les propositions émises par le comité d'entreprise ou le cas échéant par le médiateur ont été formulées conformément aux dispositions prévues par le présent article.

On peut rappeler que l'article 32 bis (voir ci-dessus) prévoit par ailleurs une modalité particulière de recours au médiateur.

Ce dernier article a prévu en effet que le comité d'entreprise émettait un avis sur les projets de restructuration et de compression des effectifs et qu'il pouvait formuler des propositions alternatives. L'Assemblée nationale, lors de sa seconde délibération, a assorti ces dispositions d'un droit d'opposition au bénéfice du comité d'entreprise qui induit « la nécessité de saisir un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3 ».

II - La position de votre commission

La création d'un médiateur chargé de rapprocher les points de vues de l'employeur et du comité d'entreprise sur un projet de cessation d'activité ne semble pas constituer en apparence une mauvaise idée. Cette nouvelle procédure n'a en effet pas d'autre objet que de favoriser le dialogue entre l'entreprise et le chef d'entreprise.

Pourtant, le contexte qui a présidé à son élaboration comme le détail de son organisation laisse craindre qu'il s'agit en fait d'une « fausse bonne idée ».

Concernant le contexte, il convient de rappeler que les partenaires sociaux n'ont été ni informés ni consultés sur l'instauration de cette nouvelle procédure. Or, les auditions auxquelles a procédé votre commission ont montré que les syndicats de salariés nourrissaient des craintes quant à cette nouvelle procédure, estimant qu'elle aurait pour conséquence de dessaisir les partenaires sociaux du choix des modalités les plus appropriées pour discuter du bien-fondé d'un projet de cessation d'activité.

Sur le fond, le présent dispositif n'est pas non plus sans poser de nombreuses interrogations. Quant à la rédaction tout d'abord : que signifie la référence à une cessation d'activité d'un établissement concernant au moins cent salariés ? Faut-il comprendre que la procédure de recours au médiateur s'applique dès lors que la cessation d'activité concerne un établissement d'au moins cent salariés ou bien doit-on comprendre que cette procédure est applicable seulement lorsque la cessation concerne au moins cent salariés d'un établissement ?

Par ailleurs, la recommandation du médiateur lorsqu'elle a été acceptée par les parties « emporte les effets juridiques d'un accord ». Cela signifie-t-il que le comité d'entreprise, ou même un syndicat, pourra ultérieurement contester en justice le plan de cessation d'activité au motif que certaines de ses dispositions seraient contraires à la recommandation du médiateur acceptée par les parties ?

Enfin, l'articulation entre le recours au médiateur suite à l'exercice d'un droit d'opposition concernant les projets de restructuration et de compression des effectifs prévu par l'article 32 bis et le présent article n'apparaît pas évidente. Faut-il comprendre que l'entreprise pourrait avoir affaire deux fois, successivement, au médiateur, une première fois lorsqu'elle envisage un plan de restructuration et une seconde fois lorsque celui-ci aboutit à un projet de cessation d'activité ?

On le voit le dispositif proposé, outre le fait qu'il ne satisfait pas les partenaires sociaux, comporte de nombreuses incertitudes. Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de cet article en appelant de ses voeux une initiative des partenaires sociaux sur ce sujet.

Section 3
-
Plan de sauvegarde de l'emploi et droit au reclassement

Art. 33 A (nouveau)
(art. L. 321-1 du code du travail)
Définition du licenciement pour motif économique

Objet : Cet article vise à modifier sensiblement la définition du licenciement pour motif économique.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, à l'occasion d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du Gouvernement, le présent article qui réécrit l'article L. 321-1 du code du travail relatif à la définition du licenciement économique.

Le droit actuel prévoit que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».

La nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale fait référence à « un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives à des difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen , soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise . »

Cette nouvelle rédaction ne reprend pas l'adverbe « notamment », ce qui a pour conséquence de « fermer » la définition autour d'un nombre limité de cas expressément mentionnés.

Par ailleurs, les deux cas déjà mentionnés par le code du travail -les difficultés économiques et les mutations technologiques- sont davantage encadrés puisqu'il est fait référence à « des difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen » et à « des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise ».

Enfin, le troisième cas reconnu relatif aux « nécessités de réorganisation indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise » apparaît très en retrait de la jurisprudence de la Cour de cassation.

II - La position de votre commission

Cet article est sans doute le plus important de l'ensemble des dispositions relatives au droit du licenciement puisqu'il touche à la définition même du licenciement pour motif économique.

L'ampleur des modifications apportées par cet article au droit en vigueur est pour beaucoup dans la décision qu'a prise votre commission de demander la réserve de ces articles afin de pouvoir auditionner les partenaires sociaux et des professeurs de droit.

Or, il convient de souligner que leur réaction a été souvent réservée face aux modifications apportées par l'Assemblée nationale.

L'évolution des licenciements économiques

Source : ministère de l'emploi

Le professeur Jean-Emmanuel Ray a, par exemple, souligné que l'architecture actuelle du droit du licenciement avait permis d'atteindre un certain point d'équilibre qui était aujourd'hui remis en cause. Il a remarqué que dans l'ensemble des autres pays européens, le législateur se gardait de déterminer une liste limitative des motifs de licenciement économique pour s'en remettre davantage au juge et aux partenaires sociaux avant d'observer que plus on restreignait la définition du licenciement pour motif économique, plus le nombre de licenciements individuels avait tendance à augmenter, de même que le recours à des formes de travail précaires.

Ces observations ont été très largement partagées par les partenaires sociaux, à l'exception notable de la CGT.

L'ensemble de ces observations ont amené votre commission à considérer qu'il était urgent de revenir sur les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale, c'est pourquoi elle vous propose d'adopter un amendement qui modifie cet article fondamental du code du travail .

Cette nouvelle rédaction, qu'elle vous propose d'adopter, constitue, à l'évidence, une rédaction de compromis. Elle s'inspire largement de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Elle prévoit trois conditions alternatives mais non limitatives (l'adverbe notamment est maintenu) permettant de justifier un licenciement économique. L'entreprise devra en effet être confrontée :

- soit à des difficultés économique sérieuses ,

- soit à des mutations technologiques ayant des conséquences importantes sur l'organisation du travail dans l'entreprise ,

- soit à des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise concernée .

Il convient d'observer que ce dernier critère -la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise- a été reconnu progressivement 13 ( * ) par la Cour de cassation depuis 1995. Ce critère se distingue de celui de « l'intérêt de l'entreprise » et a fortiori de celui de ses actionnaires.

Dans un arrêt du 30 septembre 1997, la Cour de cassation avait, en effet, considéré que « si une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement, ce n'est qu'à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et non en vue d'augmenter les profits et de remettre en cause une situation acquise jugée trop favorable aux salariés . »

On le voit, le texte de cet amendement constitue une position d'équilibre qui traduit la volonté du Sénat de clarifier le droit du licenciement tout en préservant la sécurité juridique et la compétitivité des entreprises.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 33
(art. L. 321-1 du code du travail)
Droit au reclassement avant tout licenciement pour motif économique

Objet : Cet article conditionne le licenciement économique d'un salarié à l'impossibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ou, le cas échéant, dans le groupe.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait adopté cet article sous réserve d'une modification consistant à permettre la possibilité de proposer au salarié licencié un reclassement sur un emploi d'une catégorie inférieure dès lors qu'un reclassement sur un emploi relevant d'une même catégorie n'est pas possible et que le salarié donne son accord express.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié par le Sénat après avoir adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui précise que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.

II - La position de votre commission

Votre commission se félicite que les modification que le Sénat a apportées à cet article en première lecture aient été conservées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Elle vous propose en conséquence d'adopter cet article sans modification.

Art. 33 bis
(art. L. 321-1-1 du code du travail)
Suppression du critère de qualités professionnelles pour la détermination de l'ordre des licenciements pour motif économique

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, vise à retirer la notion de qualités professionnelles des critères pouvant être retenus pour déterminer l'ordre des licenciements économiques.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait supprimé cet article sur proposition de votre commission. En effet, le maintien de la référence aux qualités professionnelles lui avait semblé particulièrement pertinent dans une période où l'entreprise connaît des difficultés et doit recentrer ses compétences pour améliorer sa situation.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter à nouveau un amendement de suppression de cet article pour des raisons identiques à celles exposées en première lecture.

Article additionnel avant l'article 33 ter
(art. L. 321-2 du code du travail)

Objet : Le présent article additionnel est de précision et de coordination avec le texte proposé par votre commission à l'article 32 bis.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Votre commission vous propose de compléter le dixième alinéa de l'article L. 321-2 du code du travail afin de préciser que seul le comité central d'entreprise peut désigner un expert comptable.

Il s'agit d'un amendement de coordination avec un amendement analogue que votre commission vous a proposé d'adopter à l'article 32 bis.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 33 ter
(art. L. 321-2-1 nouveau du code du travail)
Caractère irrégulier des procédures de licenciement pour motif économique en cas de non-consultation d'institutions représentatives du personnel inexistantes dans l'entreprise

Objet : Cet article, considère comme irrégulier tout licenciement pour motif économique effectué dans une entreprise dans laquelle les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, sur proposition de sa commission, le Sénat avait supprimé cet article introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Votre commission avait en effet estimé que le défaut de désignation des institutions représentatives du personnel n'était pas forcément imputable au chef d'entreprise.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte sous réserve d'une précision rédactionnelle.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter, à nouveau, un amendement de suppression de cet article pour des raisons identiques à celles qu'elle vous a exposées en première lecture.

Art. 34 A (nouveau)
(art. L. 122-14-4 du code du travail)
Nullité des licenciements et réintégration des salariés
résultant de la nullité du plan social

Objet : Cet article vise à intégrer, dans le code du travail, la jurisprudence « Samaritaine » qui consacre la possibilité pour le juge de prononcer la nullité des licenciements et, par conséquent, l'obligation de réintégration des salariés dès lors que la procédure n'a pas été respectée ou que le contenu du plan social n'a pas été suffisant.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit cet article, sur proposition du Gouvernement. Il reconnaît au salarié, dont le licenciement a été reconnu nul, le droit de demander au juge de décider la poursuite de son contrat de travail.

L'article prévoit que cette décision du juge est exécutoire à titre provisoire et que, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le tribunal octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

II - La position de votre commission

Votre commission considère que l'extension du droit à réintégration du salarié licencié de manière abusive constitue une clarification utile du droit en vigueur compte tenu en particulier de l'évolution sur ce sujet de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Elle considère néanmoins que la rédaction de cet article peut encore être améliorée.

Il lui semble en particulier préférable de réserver au juge, et non à la loi, le soin de décider du caractère exécutoire ou non, à titre provisoire, de sa décision.

Par ailleurs, le montant minimum de l'indemnité versée au salarié qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail qui a été fixé à douze mois gagnerait à être ramené à six mois, par cohérence avec le droit commun des licenciements sans cause réelle et sérieuse ( art. L. 122-14-4 ), le juge gardant bien sûr la possibilité d'augmenter le montant de cette indemnité. Cette modification semble nécessaire pour tenir compte en particulier de la situation des PME en difficulté.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 34
(art. L. 321-4-1 du code du travail)
Validité du plan social et droit au reclassement

Objet : Cet article modifie le contenu du plan social. Il prévoit en particulier des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées de manière régulière.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait adopté cet article sous réserve de trois modifications.

Il avait, en particulier, adopté deux amendements présentés par le groupe socialiste visant à mentionner dans les dispositions que peut prévoir le plan social des actions favorisant « le soutien à la réindustrialisation du bassin d'emploi » et des actions « de validation des acquis professionnels et de l'expérience ».

Il avait supprimé la référence à la réduction du volume des heures supplémentaires au-dessus de 35 heures ainsi que le paragraphe II prévoyant que la validité du plan social est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture en conservant les apports votés par le Sénat concernant la réindustrialisation des sites et la validation des acquis tout en leur apportant des précisions rédactionnelles.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose de rétablir son texte de première lecture concernant la référence à la réduction du volume des heures supplémentaires.

Concernant l'inscription dans la loi du principe selon lequel le juge apprécie la validité du plan social au regard des moyens de l'entreprise, elle vous proposera un amendement de compromis. Cet amendement consiste à considérer que la validité du plan social est appréciée au regard des moyens de reclassement dont dispose l'entreprise.

Il s'agit là d'une précision utile et importante.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé .

Art. 34 bis A (nouveau)
(art. L. 122-9 du code du travail)
Distinction selon les motifs du licenciement pour fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement

Objet : Cet article vise à distinguer le montant de l'indemnité légale de licenciement selon que le licenciement relève d'un motif personnel ou économique.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel, sur proposition du Gouvernement, qui vise à introduire à l'article L. 122-9 une distinction entre les motifs de licenciement -personnel ou économique- pour déterminer le montant de l'indemnité légale de licenciement.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a précisé que « cette distinction permettra de différencier les taux des indemnités, de manière à renchérir le coût des licenciements pour motif économique » 14 ( * ) .

Elle a précisé que le Gouvernement prévoyait « de doubler l'indemnité de licenciement par voie réglementaire, en passant d'un dixième à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté ».

II - La position de votre commission

Le Sénat avait rejeté en première lecture un amendement analogue à cet article qu'avait déjà présenté le Gouvernement.

Votre commission souhaite à cet égard mettre en garde le Gouvernement sur les conséquences néfastes de cet article. En effet, les auditions auxquelles elle a procédé 15 ( * ) ont mis en évidence que les durcissements apportés à la législation du licenciement du motif économique avait pour conséquence une augmentation parallèle des licenciements pour motif personnel. Cette évolution est pour le moins inquiétante et ne pourra qu'être confortée par le présent article.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 34 bis B (nouveau)
(art. L. 321-2 du code du travail)
Lutte contre les contournements des dispositions relatives à la présentation de plans sociaux

Objet : Cet article vise à empêcher le contournement de la législation sur les plans sociaux.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit cet article sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Il vise à empêcher qu'une entreprise puisse s'exonérer de la réalisation d'un plan social en licenciant des salariés pour motif économique individuellement ou par « petits paquets » de moins de dix.

Le nouvel alinéa ajouté à l'article L. 321-2 prévoit que dès lors qu'une entreprise a procédé, au cours d'une année civile, à des licenciements pour motif économique de plus de 18 personnes sans avoir présenté de plan social, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivant la fin de cette année civile sera soumis à la législation sur les plans sociaux.

II - La position de votre commission

Votre commission considère nécessaire d'éviter les éventuels contournements de la législation sur les plans sociaux.

Elle vous propose par conséquent d'adopter cet article sans modification.

Art. 34 bis C (nouveau)
(art. 321-4 du code du travail)
Suivi de la mise en oeuvre effective des mesures du plan social

Objet : Cet article vise à assurer le suivi des plans sociaux par les institutions représentatives du personnel.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit cet article sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Il vise à améliorer le suivi des plans sociaux en prévoyant une consultation régulière et approfondie du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Il prévoit également que l'autorité administrative compétente est associée au suivi de ces mesures.

II - La position de votre commission

Votre commission est tout à fait favorable à ce que soit amélioré le suivi des plans sociaux. Elle observe néanmoins que la rédaction de cet article mériterait d'être précisée sur au moins deux points.

Le caractère « approfondi » de la consultation des institutions représentatives du personnel n'apparaît pas en effet comme un qualificatif adéquat ni comme une référence nécessaire.

Par ailleurs, autant votre commission considère comme étant normal que l'administration soit informée du suivi des plans sociaux, autant il ne lui paraît pas légitime qu'elle doive être associée à ce suivi.

Elle vous proposera donc d'adopter deux amendements tenant compte de ces réserves et vous invitera à adopter cet article ainsi amendé.

Art. 34 bis D (nouveau)
(art. L. 321-7 du code du travail)
Propositions de l'inspecteur du travail
pour compléter ou modifier le plan social

Objet : Cet article vise à renforcer et à préciser le rôle de l'autorité administrative dans l'élaboration des plans sociaux.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit cet article à l'initiative de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. L'amendement de la commission a été assorti d'un sous-amendement présenté par le Gouvernement.

Ce présent article vise à remplacer les deux derniers alinéas de l'article L. 321-7 par cinq nouveaux alinéas.

Les dispositions qu'il est proposé de remplacer prévoient que l'autorité administrative compétente peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan social, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. Elles prévoient également que ces propositions sont formulées avant la dernière réunion du comité d'entreprise et qu'elles sont communiquées à l'employeur et au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel ou portées à la connaissance des salariés par voie d'affichage en cas d'absence d'institutions représentatives du personnel.

La nouvelle rédaction étend la capacité d'intervention de l'administration puisque celle-ci pourra intervenir jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise en tenant compte des capacités financières de l'entreprise ainsi que du groupe auquel elle appartient.

Cette nouvelle rédaction prévoit également que la réponse motivée de l'employeur est transmise à l'administration et portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel ou à défaut des salariés. Cette réponse motivée doit impérativement parvenir à l'inspecteur du travail avant la fin des délais prévus pour l'envoi des lettres de licenciement.

Enfin les dispositions ajoutées par voie d'amendement d'origine gouvernementale prévoient qu'à l'issue des délais prévus pour la réalisation du plan social, celui-ci est transmis à l'autorité administrative. Celle-ci dispose alors d'un délai de huit jours pendant lequel si elle constate la carence du plan social, l'employeur est tenu, sur la demande du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, d'organiser une réunion supplémentaire des institutions représentatives du personnel en vue d'un nouvel examen du plan social.

Le constat de carence réalisé par l'autorité administrative a pour conséquence de suspendre la mise en oeuvre du plan social en particulier en ce qui concerne l'envoi des lettres de licenciement.

II - La position de votre commission

Votre commission n'est pas opposée à une clarification du rôle de l'administration du travail dans le suivi des plans sociaux. Elle observe cependant que le troisième alinéa de l'article L. 321-7 comprend déjà une référence au constat de carence en cas d'absence de plan social. La nouvelle rédaction a donc pour conséquence de mentionner à deux reprises dans le même article le constat de carence, ce qui constitue sans doute un défaut de coordination.

Votre commission vous propose de remédier à cette incohérence en supprimant le troisième alinéa de l'article L. 321-7.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 34 bis E (nouveau)
(art. L. 321-14 du code du travail)
Augmentation de la durée laissée au salarié licencié pour manifester son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage

Objet : Cet article vise à porter de 4 à 12 mois la durée pendant laquelle un salarié peut manifester sa volonté de réintégrer l'entreprise si un emploi compatible avec sa qualification devient disponible dans l'année qui suit la date de la rupture de son contrat.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit cet article sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales.

Cet article, qui modifie l'article L. 321-14 du code du travail, prévoit en particulier que le salarié licencié pour motif économique ou ayant adhéré à une convention de conversion bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité dans un délai de quatre mois à partir de cette date. Cet article prévoit de porter à 12 mois ce délai.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 34 bis F (nouveau)
Contributions des entreprises de cinquante à mille salariés ou d'au moins mille salariés en matière de création d'activités et de développement d'emplois suite à des licenciements économiques de grande ampleur ou des fermetures de sites

Objet : Cet article vise à soumettre les entreprises qui procèdent à des licenciements économiques ayant un impact sur le bassin d'emploi à une contribution proportionnée au volume d'emplois supprimés et tenant compte de ses moyens.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a introduit, en deuxième lecture, sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, cet article qui crée une contribution nouvelle dont seront redevables les entreprises de plus de 50 salariés pour lesquelles les licenciements qu'elles opèrent ont un effet important sur le bassin d'emploi.

Le paragraphe I traite du cas des entreprises occupant entre 50 et 1.000 salariés.

Il reconnaît au représentant de l'Etat dans le département, en cas de licenciements dont l'ampleur est de nature à affecter le bassin d'emploi, la possibilité de réunir l'employeur, les représentants des organisations syndicales de l'entreprise concernée, les représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés.

Cette réunion a pour objet de déterminer les moyens que l'entreprise peut mobiliser pour contribuer à la création d'activités, aux actions de formation professionnelle et au développement des emplois dans le bassin d'emploi. Ce même paragraphe précise que la contribution est proportionnée au volume d'emplois supprimés par l'entreprise et tient compte des capacités de cette dernière.

Le paragraphe II de cet article concerne les entreprises occupant au moins mille salariés ainsi que celles disposant d'un comité de groupe ou d'un comité d'entreprise européen.

Ce paragraphe prévoit que ces entreprises sont tenues d'apporter une contribution à la création d'activités et au développement des emplois dans un bassin d'emploi affecté par la fermeture partielle ou totale de sites. Cette contribution s'apprécie au regard du volume d'emplois supprimés par l'entreprise et de la situation économique du bassin et tient compte des moyens de l'entreprise. Elle prend la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'une participation financière auprès d'organismes habilités. Ce même paragraphe II précise enfin que les conditions de mise en oeuvre de cet article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

II - La position de votre commission

Votre commission observe que le paragraphe II de cet article reprend le contenu d'un amendement déposé par le Gouvernement au Sénat lors de la première lecture tendant à compléter l'article 34. Il s'agissait déjà pour Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, de « créer, à la charge des grandes entreprises, l'obligation de contribuer à la réintégration des sites touchés par les fermetures partielles ou totales » 16 ( * ) .

Votre commission avait considéré à cette occasion qu'il ne lui semblait pas pertinent de créer une nouvelle contribution dont n'étaient précisés ni la nature -s'agit-il d'un impôt, d'une taxe ou d'autre chose ?- ni l'assiette, ni le taux.

Ces remarques restent évidemment valables concernant le présent article et en particulier le paragraphe I qui semble attribuer à une instance mal identifiée le pouvoir de fixer le montant de cette contribution pour les entreprises comptant entre 50 et 1.000 salariés dans des conditions qui manquent pour le moins de précision.

Votre commission vous propose par conséquent d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 34 bis
(art. L. 321-4-2 nouveau du code du travail)
Bilan d'évaluation des compétences et d'orientation pendant le préavis du licenciement et congés de reclassement dans les entreprises de mille salariés et plus

Objet : Cet article vise à créer un droit au congé de reclassement pour les salariés faisant l'objet d'un licenciement dans une entreprise de plus de mille salariés.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En première lecture, le Sénat avait adopté cet article résultant d'un amendement présenté par le Gouvernement. Cet article vise à renforcer les obligations de l'employeur en matière de reclassement préalablement à la rupture du contrat de travail du salarié.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article en supprimant, sur proposition de sa commission, le paragraphe I qui visait à créer un bilan de compétences pour tous les salariés concernés par un projet de licenciement et en modifiant le paragraphe II afin de préciser les conditions de réalisation du congé de reclassement.

Le présent article crée un nouvel article L. 321-4-2 dans le code du travail qui prévoit l'obligation, pour les entreprises de plus de 1.000 salariés ainsi que pour celles qui n'atteignant pas ce seuil possèdent néanmoins un comité de groupe ou un comité d'entreprise européen, un congé de reclassement.

Cet article prévoit que le salarié bénéficie dans le cadre de ce congé, qui ne peut excéder neuf mois, d'actions de formation nécessaires à son reclassement et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi, l'employeur assurant le financement de ces actions dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

La durée du congé de reclassement excède la durée du délai-congé, le terme de ce dernier est reporté d'une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir et que pendant ce délai, le délai-congé est suspendu. Le salarié bénéficie pendant ce temps d'une rémunération payée par l'employeur dont le montant est égal à celui des conventions de conversions.

Enfin, cet article précise que ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire et que les partenaires sociaux peuvent par voie d'accord national interprofessionnel prévoir une contribution à ces actions.

II - La position de votre commission

Votre commission avait, dès la première lecture, examiné cet article dans un esprit constructif eu égard à son attachement à l'effort de reclassement que doivent selon elle fournir les entreprises qui licencient.

La deuxième lecture à l'Assemblée nationale a été l'occasion d'améliorer quelque peu la rédaction de ce texte qui reste néanmoins perfectible.

Votre commission vous propose de nouvelles améliorations tendant à préciser que le congé de reclassement s'effectue pendant le préavis et que la date de la rupture du contrat est reportée jusqu'à la fin du congé de reclassement si celui-ci dépasse le délai du préavis.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue dans la soirée du jeudi 28 juin 2001 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport supplémentaire de M. Alain Gournac sur les dispositions relatives aux licenciements économiques du projet de loi n° 384 (2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation sociale.

M. Alain Gournac, rapporteur, a rappelé que la deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale avait été l'occasion, pour l'Assemblée nationale, d'ajouter quatorze nouveaux articles relatifs aux licenciements.

Il a précisé que plusieurs de ces articles modifiaient des dispositions essentielles du code du travail, en insistant sur la redéfinition opérée par l'Assemblée nationale du licenciement pour motif économique et sur l'instauration d'un médiateur pour rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité d'entreprise sur les projets de restructuration et de compression d'effectifs.

Il a observé que d'autres articles intégraient dans le code du travail plusieurs principes reconnus par la jurisprudence, en citant par exemple l'article 34 A relatif à la réintégration du salarié dont le licenciement a été reconnu comme nul.

Il a remarqué, enfin, que plusieurs dispositions avaient été introduites prévoyant des documents supplémentaires à l'appui de l'examen de certaines décisions, telles les études d'impact social et territorial prévues par les articles 31 bis et 31 ter ou encore de nouvelles contributions à la charge des entreprises qui licencient (article 34 bis F).

Il a estimé que l'ensemble de ces dispositions introduites en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, pour certaines à l'occasion d'une deuxième délibération, constituait une véritable « réforme » du droit du licenciement et a observé qu'elles avaient été discutées dans la précipitation et sans véritable recul.

Il a constaté, en particulier, qu'aucune étude n'avait été réalisée au préalable pour établir un bilan du droit du licenciement, alors même qu'un tel sujet aurait pu se prêter, par exemple, à un avis du Conseil économique et social.

Il a souligné, par ailleurs, que le recours à des amendements plutôt qu'au dépôt d'un texte spécifique avait dispensé le Gouvernement de soumettre ces articles à l'avis du Conseil d'Etat, et de les analyser dans l'étude d'impact qui doit être jointe à tout projet de loi.

Après avoir observé de surcroît que la plupart de ces amendements n'avaient pas fait l'objet d'un examen dans le rapport écrit de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il a estimé que les conditions dans lesquelles ces mesures avaient été préparées ne pouvaient être considérées comme satisfaisantes.

Compte tenu de ces circonstances et de la portée des ajouts réalisés par l'Assemblée nationale, il a rappelé que la commission avait souhaité réserver l'examen de ces articles afin d'auditionner l'ensemble des partenaires sociaux. Il a souligné que ce délai supplémentaire n'aurait aucune incidence sur le calendrier d'examen du texte puisque l'Assemblée nationale ne pouvait poursuivre son examen avant le 20 novembre eu égard aux délais constitutionnels afférents à l'examen des lois de finances.

Il s'est déclaré personnellement très satisfait de la qualité des auditions auxquelles il avait été procédé et a tenu à remercier à nouveau les partenaires sociaux qui avaient répondu à cette invitation ainsi que les professeurs de droit qui avaient apporté un éclairage utile.

M. Alain Gournac, rapporteur, a remarqué que nul n'avait contesté l'intérêt de ce dialogue entre le Parlement et la société civile, les partenaires sociaux ayant même fait part de leurs regrets de ne pas avoir été entendus dans les mêmes conditions par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Il a souligné que le premier enseignement de ces auditions résidait dans la confirmation du fait que les partenaires sociaux n'avaient été ni informés ni consultés quant au contenu de ces articles, ceci alors même que, comme l'a rappelé le président du MEDEF : « les règles actuelles sur les licenciements économiques sont issues d'un accord interprofessionnel de 1969 sur la sécurité de l'emploi, modifié à plusieurs reprises par les partenaires sociaux ou avec leur accord ».

M. Alain Gournac, rapporteur, a constaté que les partenaires sociaux avaient déploré, dans ces conditions, d'être tenus à l'écart de l'élaboration de ces mesures, la CFTC s'interrogeant même sur l'utilité des syndicats et le professeur Jean-François Amadieu considérant que le recours préalable à la loi dans ce domaine nous éloignait de nos voisins européens qui, tous, favorisaient la négociation collective.

Sur le fond, M. Alain Gournac, rapporteur, a observé que les partenaires sociaux avaient réservé un accueil mitigé à cette « réforme » du droit du licenciement.

Il a cité les exemples de la CGT qui avait considéré que certaines dispositions, comme le recours à un médiateur, ne faisaient pas partie de ses revendications et n'étaient pas sans effets pervers ou de la CFDT qui s'était déclarée défavorable au recours au médiateur, considérant que l'« externalisation » du débat jouait contre le dialogue social et qu'un tel dispositif était « déresponsabilisant » pour les partenaires sociaux.

Il a également souligné que FO avait fait part de ses réserves quant au lien opéré entre réduction du temps de travail et élaboration du plan social et avait été rejointe, sur ce point, par le professeur Jean-Emmanuel Ray.

Il a rappelé, par ailleurs, que la CGC avait considéré que cette réforme du droit du licenciement était partielle et n'apportait pas toujours les bonnes réponses, ce qu'avait confirmé la CFDT en observant que 85 % des licenciements économiques étaient des licenciements individuels non concernés par ce texte.

Enfin, M. Alain Gournac, rapporteur, a déclaré qu'une très forte majorité des partenaires sociaux auditionnés, comme les deux professeurs de droit, avaient regretté la modification de la définition du licenciement pour motif économique.

Il a estimé que ces réactions pour le moins réservées, de la part des syndicats de salariés, sans même évoquer celles des représentants des entreprises, mettaient en évidence le caractère inadapté de la démarche suivie par le Gouvernement et sa majorité. Il a reconnu que celle-ci répondait, certes, plus à une préoccupation politique qu'à un projet de réforme mûrement réfléchi, comme l'avaient souligné, en particulier, la CGPME et le professeur Jean-Emmanuel Ray ; mais il a néanmoins tenu à affirmer que cette démarche illustrait aussi un manque de confiance dans le dialogue social et ses acteurs.

A cet égard, M. Alain Gournac, rapporteur, s'est félicité des réactions favorables à l'idée, qu'il avait présentée, d'un droit de saisine des partenaires sociaux sur toute initiative législative dans le domaine social afin d'aboutir à un accord qui serait repris par la loi. Il a indiqué que cette procédure, inspirée des pratiques en vigueur ailleurs en Europe, avait été considérée comme une voie d'avenir par la CFDT, la CGC, la CFTC, la CGPME et le MEDEF et qu'elle constituait l'antithèse de la méthode appliquée par le Gouvernement depuis plus de quatre ans.

Revenant sur l'audition des professeurs de droit, M. Alain Gournac, rapporteur, a rappelé que le professeur Jean-Emmanuel Ray avait tout d'abord expliqué que notre droit du licenciement était le fruit d'une lente sédimentation d'accords collectifs, de lois et de jurisprudence et qu'il convenait de préserver l'équilibre qui venait d'être atteint ces dernières années, en particulier dans la définition du licenciement économique. Il a fait remarquer que ce professeur avait également considéré que la substitution de l'appellation de « plan de sauvegarde de l'emploi » à celle de « plan social » et l'amendement « Michelin » (article 31 du projet de loi) constituaient deux autres modifications aux conséquences néfastes pour l'architecture de notre droit du travail.

M. Alain Gournac, rapporteur, a par ailleurs souligné que le professeur Jean-François Amadieu s'était inquiété que le projet de loi ait pour conséquence de renforcer le contrôle judiciaire et administratif, et de permettre à l'administration d'intervenir à tout moment, y compris dans le suivi du plan social, ce qui constituait selon lui un facteur d'affaiblissement du dialogue social. Il a remarqué également que ce professeur avait estimé que le projet de loi ne privilégiait pas la recherche de l'accord, mais plutôt une vision conflictuelle des rapports sociaux en contradiction avec les pratiques de l'ensemble de nos voisins européens.

M. Alain Gournac, rapporteur, a déclaré que ces auditions avaient apporté des éléments de compréhension irremplaçables de la réalité sociale dont il avait souhaité tenir compte dans l'élaboration du dispositif d'amendements. Il a, par ailleurs, observé qu'il se réservait la possibilité, après avoir pris connaissance des comptes rendus intégraux des auditions, d'exercer un « droit de remords » lors de la séance de commission du 9 octobre au matin, consacrée aux amendements extérieurs.

Il a rappelé ensuite que déjà, lors de la première lecture, la commission avait souhaité, en dépit des conditions également difficiles, examiner les amendements présentés par le Gouvernement dans un esprit constructif ; ce qui l'avait amenée à en adopter deux qui correspondent à l'article 32 bis et à l'article 34 bis. Il a souligné que la commission avait par ailleurs adopté de nombreuses améliorations dont certaines avaient été retenues lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Il a proposé de faire preuve du même esprit lors de cette deuxième lecture, notamment en adoptant dans la rédaction de l'Assemblée nationale, plusieurs articles ; il s'agit des articles 33 (droit au reclassement avant tout licenciement pour motif économique), 34 bis B (lutte contre les contournements des dispositions relatives à la présentation de plans sociaux) et 34 bis E (augmentation de la durée laissée au salarié licencié pour manifester son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage).

Il a proposé, par ailleurs, un certain nombre d'amendements sur des articles importants dont il a estimé qu'ils pouvaient être encore améliorés afin de mieux concilier la nécessité de protéger les salariés et celle de préserver l'activité et la sécurité juridique des entreprises, évoquant en particulier une nouvelle rédaction pour l'article 33 A relatif à la définition du licenciement pour motif économique.

Il a annoncé, enfin, plusieurs amendements de suppression concernant des dispositions dont les auditions avaient confirmé qu'elles n'étaient ni nécessairement opportunes, ni même applicables, évoquant par exemple l'amendement « Michelin » et le recours à un médiateur.

M. Jean Chérioux a observé que les auditions avaient donné lieu à un quasi-consensus de la part des partenaires sociaux pour dénoncer la remise en cause brutale de notre droit du travail, opérée par ce texte. Il a estimé qu'il aurait été nécessaire de discuter un texte spécifique, qui aurait été alors examiné par le Conseil d'Etat, au lieu de se livrer à une démarche purement politique qui aboutit à des dispositions souvent excessives et difficilement applicables.

M. Roland Muzeau a constaté que plusieurs syndicats avaient trouvé des éléments positifs dans ces articles, FO ayant évoqué des mesures utiles, la CGT ayant parlé de progrès et la CFDT ayant surtout regretté l'absence de dispositions concernant les licenciements individuels. Il a remarqué que le MEDEF n'avait pas apporté de réponse au problème soulevé par les annonces récentes de plans sociaux. M. Roland Muzeau a, par ailleurs, estimé qu'il aurait été utile d'entendre d'autres professeurs de droit ayant une approche plus ouverte sur ce texte. Il a considéré, enfin, que les propositions d'amendements du rapporteur avaient toutes pour conséquences de revenir sur les contraintes imposées aux entreprises et de minorer les nouvelles indemnités reconnues aux salariés.

M. Philippe Nogrix a estimé que le Gouvernement s'était trompé de cible en considérant que l'événement pouvait faire la loi. Il a rappelé une remarque d'un des professeurs de droit auditionné qui estimait que les lois devaient être simples et lisibles. Il a souligné le caractère responsable des propos tenus par le MEDEF et la nécessité de conserver les dispositions du texte relatives à la formation et à l'adaptation professionnelles des salariés.

M. Gilbert Chabroux a déclaré que ces auditions avaient été utiles, tout en soulignant qu'elles auraient sans doute pu être réalisées plus tôt. Il a rappelé tout l'intérêt qu'il pouvait y avoir à développer des contacts réguliers entre la commission et les partenaires sociaux. Il a remarqué que, si ceux-ci n'avaient peut-être pas été formellement consultés, ils avaient néanmoins été informés depuis plusieurs mois de l'intention du Gouvernement de demander au Parlement de légiférer sur ce point. Il a rappelé que ce dernier était dans son rôle lorsqu'il essayait de trouver des réponses à la multiplication des plans sociaux.

M. Gilbert Chabroux a considéré en outre que le discours du MEDEF n'était pas acceptable, notamment compte tenu du montant des fonds publics que reçoivent les entreprises de la part de l'Etat et des collectivités locales, ce qui devrait les amener à avoir une attitude plus responsable vis-à-vis de l'emploi. Il a indiqué que, si des réserves pouvaient effectivement apparaître sur certains articles, elles devaient inviter à poursuivre la réflexion et à formuler des propositions afin de tenir compte en particulier de la situation des salariés dans les PME. Il a insisté sur la nécessité d'adopter rapidement le présent projet de loi.

M. Jean Delaneau, président, a fait observer que les deux priorités de l'ordre du jour du Gouvernement étaient clairement, dans le domaine social, le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel et le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie et non le projet de loi de modernisation sociale.

Il a rappelé, une nouvelle fois, que le souci légitime de la commission d'entendre les partenaires sociaux sur la réforme du licenciement pour motif économique n'avait aucunement retardé la navette du projet de loi de modernisation sociale qui ne se poursuivrait à l'Assemblée nationale qu'à compter du 20 novembre 2001.

Il a observé que la commission, siégeant en séance publique ou examinant les rapports sur les textes inscrits à l'ordre du jour prioritaire, était dans l'impossibilité de procéder, avant ce jeudi 28 juin, à l'audition des partenaires sociaux sur un dispositif dont les ultimes arbitrages entre les composantes de la majorité plurielle n'avaient été rendus que le 12 juin.

Il s'est félicité de l'extrême intérêt de ces auditions, dont le compte rendu intégral figurera dans le rapport supplémentaire de M. Alain Gournac, et a noté que l'initiative prise par la commission avait été particulièrement appréciée par les partenaires sociaux.

M. Guy Fischer a rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen avait déposé une dizaine d'amendements lors de la première lecture du projet de loi au Sénat, qui visaient à apporter des réponses concrètes à la situation des salariés menacés par un licenciement dans un contexte marqué par la multiplication des plans sociaux et l'augmentation des profits. Il a observé que l'obligation de reclassement, prévue par ce texte, avait fait l'objet d'un large consensus. Il a souligné la nécessité de réfléchir à des solutions appropriées pour mieux réglementer les licenciements individuels.

En réponse aux intervenants, M. Alain Gournac, rapporteur, a indiqué qu'il ne s'attendait pas à ce que les syndicats soient si critiques à l'égard du Gouvernement. Il a estimé que le rôle du politique devait être de privilégier l'action des partenaires sociaux et de n'intervenir que de manière subsidiaire lorsqu'un accord n'avait pu être obtenu. Il a rappelé qu'il proposait d'adopter les dispositions relatives au droit au reclassement.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a adopté deux amendement de suppression d es articles 29 A (substitution des termes « plan de sauvegarde de l'emploi » aux termes « plan social ») et 31 (négociation sur la réduction du temps de travail préalable à l'établissement d'un plan social).

A l'article 31 bis (études d'impact social et territorial des cessations d'activité), la commission a adopté un amendement qui porte à 200 salariés le seuil pour la réalisation de cette étude et qui précise que sa réalisation incombe au chef d'entreprise.

Elle a adopté des amendements de suppression de l'article 31 ter (études d'impact social et territorial des projets de développement stratégique) et de l'article 32 A (articulation entre la phase de consultation prévue au livre IV du code du travail et celle spécifiquement prévue au livre III dudit code).

A l'article 32 (information du comité d'entreprise à l'occasion d'une annonce publique du chef d'entreprise ayant un impact sur les conditions de travail et d'emploi), elle a adopté trois amendements de retour au texte adopté par le Sénat en première lecture et un amendement de précision du régime pénal applicable lorsque le comité d'entreprise n'est pas correctement informé.

A l'article 32 bis (renforcement des pouvoirs du comité d'entreprise sur le projet de restructuration et de compression des effectifs), elle a adopté un amendement qui supprime le droit d'opposition du comité d'entreprise et le recours à un médiateur, introduits par l'Assemblée nationale au cours de la seconde délibération lors de la deuxième lecture dans cette assemblée ; M. Alain Gournac, rapporteur , a observé que cette procédure, qui n'était pas demandée par les partenaires sociaux et qui ne possédait pas de caractère contraignant, devait être définie de préférence par les partenaires sociaux dans le cadre d'un accord national interprofessionnel. Elle a également adopté deux amendements de précision à cet article.

A l'article 32 ter (information des entreprises sous-traitantes des projets d'une entreprise donneuse d'ordres de nature à affecter leur volume d'activité ou d'emploi), elle a adopté un amendement de précision.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 32 quater (saisine d'un médiateur en cas de divergence importante entre le projet de cessation totale ou partielle d'un établissement concernant au moins 100 salariés présenté par l'employeur et les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise) par coordination avec la suppression du recours au médiateur qu'elle a proposée à l'article 32 bis.

Elle a adopté un amendement portant nouvelle rédaction de l'article 33 A (modification de la définition du licenciement pour motif économique) qui prévoit de conserver l'adverbe « notamment » et de faire directement référence à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a reconnu, comme troisième motif de licenciement économique, la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

M. Jean Chérioux a fait part de son souci que soient exclus, du champ d'application du licenciement économique, les licenciements résultant d'une démarche de l'entreprise ayant un objet essentiellement spéculatif ou répondant à des préoccupations de caractère purement financier.

M. Alain Gournac, rapporteur, a observé que la jurisprudence de la Cour de cassation excluait actuellement ce type de motivation et qu'il lui semblait très délicat d'en inscrire le principe dans la loi.

Puis la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 33 bis (suppression du critère de qualités professionnelles pour la détermination de l'ordre des licenciements pour motif économique).

Elle a adopté un amendement portant création d'un article additionnel avant l'article 33 ter, par coordination avec un amendement rédactionnel qu'elle a adopté à l'article 32 bis.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 33 ter (caractère irrégulier des procédures de licenciement pour motif économique en cas de non-consultation d'institutions représentatives du personnel inexistantes dans l'entreprise).

A l'article 34 A (nullité des licenciements et réintégration des salariés résultant de la nullité du plan social), la commission a adopté un amendement qui supprime le caractère exécutoire de la décision provisoire de réintégration du salarié licencié à tort, et qui aligne le montant de l'indemnité sur le droit commun.

A l'article 34 (validité du plan social et droit au reclassement), elle a adopté un amendement de retour au texte adopté par le Sénat en première lecture ainsi qu'un amendement de précision prévoyant que la validité du plan social est appréciée au regard des moyens de reclassement dont dispose l'entreprise.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 34 bis A (distinction selon les motifs du licenciement pour fixer le montant de l'indemnité légale de licenciement).

A l'article 34 bis C (suivi de la mise en oeuvre effective des mesures du plan social), elle a adopté un amendement qui précise que l'autorité administrative est tenue informée du suivi du plan social.

A l'article 34 bis D (propositions de l'inspecteur du travail pour compléter ou modifier le plan social), elle a adopté un amendement de coordination qui supprime une référence redondante au constat de carence réalisé par l'administration ainsi qu'un amendement de précision.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 34 bis F (contributions des entreprises de cinquante à mille salariés ou d'au moins mille salariés en matière de création d'activités et de développement d'emplois suite à des licenciements économiques de grande ampleur ou des fermetures de sites).

Elle a enfin adopté un amendement de précision à l'article 34 bis (bilan d'évaluation des compétences et d'orientation pendant le préavis du licenciement et congés de reclassement dans les entreprises de mille salariés et plus).

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• M. Jean-Marc Icard, Secrétaire national à l'emploi (CGE-CGC)

• M. Michel Coquillion, Secrétaire général adjoint, chargé des négociations (CFTC)

• MM. Jack Tord et Roland Metz, Conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT)

• MM. Ernest-Antoine Seillière, Président, Jean-Pierre Philibert, Conseiller politique et Directeur des relations avec les pouvoirs publics, Bernard Boisson, Conseiller social et Dominique Tellier, Directeur des relations sociales, du mouvement des entreprises de France (MEDEF)

• MM. Marc Blondel, Secrétaire général et Jean-Claude Quentin, Secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail-Force Ouvrière (CGT-FO)

• M. Jean-François Veysset, Président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises

• M. Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'université Paris I

• M. Jean-François Amadieu, Professeur à l'université Paris I

• Mme Annie Thomas, Secrétaire nationale de la CFDT.

I. AUDITIONS DU MERCREDI 27 JUIN 2001

A. AUDITION DE JEAN-MARC ICARD, SECRÉTAIRE NATIONAL À L'EMPLOI (CFE-CGC), ACCOMPAGNÉ DE M. LECANNU ET DE MME MATTHYS

M. Jean DELANEAU, président - Notre mission a pour objet d'entendre un certain nombre de partenaires sociaux, dans le cadre de la loi dite de modernisation sociale, et notamment sur les dispositions relatives aux licenciements économiques.

Je rappelle que, dès mai 2000, six articles relatifs à la prévention des licenciements, au droit à l'information du personnel, aux plans sociaux et au reclassement existaient. A l'issue d'une première lecture dans chaque assemblée, le texte s'est enrichi de quatre nouveaux articles. Il tenait compte de l'actualité très aiguë, où les menaces de licenciements économiques ont été importantes. En deuxième lecture, l'Assemblé nationale a porté le nombre d'articles à 24.

Notre commission a estimé indispensable d'auditionner les partenaires sociaux. Ceci fera l'objet d'un rapport supplémentaire qui sera présenté à la commission par M. Alain Gournac.

Suite à la lettre rectificative de l'ordre du jour, je rappelle que le dispositif sera examiné en séance publique le 9 octobre. Cela ne retardera en aucun cas le déroulement de la navette, dans la mesure où l'Assemblée nationale ne pourra se saisir de ce texte en deuxième lecture que vers le 20 novembre.

En juin 1997, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé un réexamen de la législation en matière de licenciements économiques, afin que celle-ci ne puisse conjuguer précarité pour les salariés et incertitude pour les entreprises. Les auditions organisées vous montreront si ces objectifs ont été atteints.

Je suis heureux d'accueillir M. Icard et M. Lecannu, de la Confédération générale des cadres. Ils sont accompagnés de Mme Matthys, qui est leur juriste.

Je vais vous demander de nous donner votre point de vue sur ces textes, qui sont désormais dans le projet de loi dont le Sénat aura à débattre. Je demanderai ensuite au rapporteur de vous poser les questions auxquelles il souhaite trouver une réponse.

Le problème de la concertation entre l'Assemblée nationale et les partenaires sociaux, pendant la période de gestation prolongée de ces textes à l'Assemblée nationale, semble ne pas avoir été effectué dans des conditions parfaites. J'aimerais également avoir votre avis sur ce point.

M. Jean-Marc ICARD - Monsieur le président, je vous remercie. Compte tenu de l'heure, je me limiterai à l'examen des amendements qui ont été votés par l'Assemblée nationale.

Nous regrettons que cette loi arrive dans l'urgence, après l'annonce de plusieurs plans sociaux. En effet, nous demandons depuis plusieurs années une modernisation de la loi sur les licenciements économiques. Mme Martine Aubry l'avait annoncé lorsqu'elle était ministre du travail et, depuis, nous ne cessons de réclamer cette modernisation. Elle arrive aujourd'hui dans l'urgence, et nous le regrettons : en effet, elle ne touche qu'à quelques points, et non à la structure complète de la loi.

Ceci étant dit, nous avons une position contrastée quant au contenu des amendements qui ont été votés. Nous sommes satisfaits sur plusieurs points, et gênés par d'autres.

Je commencerai par le titre 4 relatif aux prérogatives du comité d'entreprise et aux propositions alternatives. Il est vrai que le pouvoir du comité d'entreprise est renforcé. Mais il me semble que nous avons raté une étape.

Si nous lisons attentivement le texte, nous voyons que le chef d'entreprise provoque une réunion du comité d'entreprise, qui fait alors des propositions alternatives. Comment un comité d'entreprise peut-il faire des propositions alternatives dans le cadre de la première réunion ? En effet, la rédaction laisse entendre que le comité d'entreprise doit faire des propositions alternatives dès la première réunion de comité d'entreprise, où la direction annonce un plan de restructuration. Nous estimons que ce texte est, sur ce point incompréhensible à moins que la loi prévoit un renforcement de la présence des salariés dans les organes directeurs de l'entreprise afin qu'ils aient les informations bien en amont de la réunion du comité d'entreprise.

La deuxième réunion a lieu dans un délai de quinze jours, week-end compris. Si un expert est nommé, celui-ci doit donner ses conclusions huit jours avant la date de la seconde réunion. A notre avis, ces délais sont trop courts. Nous demandons donc que le nombre de jours calendaires soit plus important, ou que nous raisonnions en jours ouvrés.

Ces deux points mis à part, nous estimons que la proposition est intéressante.

Je voudrais maintenant aborder la question de la définition du licenciement économique. Les trois dénominations du licenciement économique nous semblent très restrictives par rapport à la définition antérieure. Dans l'ancien article, le terme de « notamment » laissait cette définition ouverte, et nous regrettons que la nouvelle définition ait été adoptée.

Le recours au médiateur peut constituer une excellente initiative, mais peut également avoir des effets déplorables. Cela peut être une bonne chose si le médiateur réussit à concilier les deux parties, qui parviennent à une forme d'accord collectif. Mais sa présence est également la preuve de l'échec des discussions et, logiquement, celle des partenaires sociaux. Nous l'acceptons néanmoins, dans la mesure où cette étape permettra peut-être de mieux concilier les intérêts des uns et des autres. Nous estimons cependant que cette procédure n'est pas satisfaisante.

Si les effectifs de l'inspection du travail ne sont pas renforcés, je me demande comment les inspecteurs vont pouvoir remplir toutes les missions que la loi prévoit. Notamment, lorsque les institutions représentatives sont absentes de l'entreprise, l'inspecteur du travail doit tout faire : il doit contrôler l'emploi, contribuer à la mise en place des organisations de l'entreprise, répondre aux propositions de l'employeur dans le cadre d'un licenciement économique... Quoi qu'il en soit, ils ne pourront pas tout faire.

Nous avions fait une proposition, visant à créer un conseiller syndical. Cette personne, intervenant pour le compte des salariés dans les entreprises où les institutions représentatives du personnel sont absentes, était chargée de contrôler le motif et la procédure pour le compte du salarié et de négocier le plan social pour ces derniers. Cela aurait permis de résoudre les problèmes de l'inspection du travail et de redonner une certaine force aux partenaires sociaux.

A propos du congé de reclassement, je remarque que, si un cadre bénéficie d'un préavis de trois mois, la rémunération est suspendue. Pendant les six mois suivants, celui-ci touchera 65 % de son précédent salaire. Utilisera-t-il ces neuf mois pour bénéficier d'une formation ? Je n'en suis pas certain.

Nous devrons examiner également comment ce congé est articulé avec le PARE. Si le cadre retrouve un emploi à l'issue du congé de reclassement, aucun problème ne se posera. Par contre, s'il ne retrouve pas un emploi, il sera inscrit à l'ANPE, entrera dans le cursus du PARE, et fera exactement ce qu'il a fait lors du congé de conversion. N'y a-t-il pas, à ce niveau, un risque de double emploi ?

Nous avions demandé qu'une obligation de reclassement pèse sur l'entreprise si celle-ci est bénéficiaire lorsqu'elle procède à des licenciements. Nous avions également demandé qu'il n'y ait pas de rupture du contrat de travail tant que le dernier salarié n'était pas reclassé. Je parle bien des entreprises bénéficiaires, qui restructurent pour permettre aux actionnaires de recevoir des dividendes plus importants.

Par ailleurs, nous sommes favorables au dispositif prévu en matière de sous-traitance. Lorsqu'une entreprise donneuse d'ordre restructure, nous sommes d'accord pour que les entreprises sous-traitantes participent au comité d'entreprise. D'autre part, concernant le problème de l'annulation des procédures, l'indemnisation d'un an de salaire ne nous pose aucun problème, bien au contraire.

La requalification des licenciements économiques, lorsqu'ils sont échelonnés, mérite d'être abordée également. La modification de l'article 33 permet de requalifier les licenciements économiques dès lors que les licenciements concernent plus de 18 personnes dans l'année civile. Nous avions proposé qu'il y ait une obligation de plan social dès la mise en oeuvre d'un licenciement collectif. Pour nous, la notion de licenciement collectif devait s'appliquer à partir de deux personnes.

Enfin, nous avions fait des propositions concrètes sur le suivi du plan de sauvegarde. Dans ce cas précis, nous estimons que la loi n'est pas suffisamment concrète et qu'elle manque de précision.

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur le secrétaire, je vous remercie. Je passe immédiatement la parole à M. Alain Gournac.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je vous remercie tout d'abord d'être venu, dans la mesure où nous vous avons contacté tardivement.

Je souhaiterais vous poser plusieurs questions. Tout d'abord, votre organisation syndicale a-t-elle été consultée sur le contenu des dispositions relatives au droit du licenciement ajoutées en deuxième lecture de ce projet de loi ?

Quel est, selon vous, l'apport de ces dispositions au regard du droit en vigueur ?

De nombreuses voix autorisées ont considéré que les dispositions adoptées pouvaient constituer une menace pour l'emploi et dissuader les embauches. Partagez-vous cette inquiétude ?

De nombreux pays européens privilégient le recours à la négociation collective sur le recours à la loi, celle-ci n'intervenant qu'en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux. Pensez-vous que nous serions parvenus au texte proposé en-dehors de la loi ?

M. Jean-Marc ICARD - Nous avons été auditionnés par les représentants de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat, quelques jours avant le passage en deuxième lecture du texte. Mais je n'ai pas été consulté par les représentants du ministère du travail. En tout cas, je ne m'en souviens pas.

En tant que représentants d'une organisation syndicale, nous estimons que ces textes vont donner des pouvoirs supplémentaires au comité d'entreprise, tout particulièrement dans le cadre du titre 4. D'autre part, toujours dans le cadre de ce titre 4, la loi permettra de déterminer si la procédure de licenciement est nulle, dans le cas d'un non-respect de celle-ci.

En outre, l'obligation d'information du comité d'entreprise avant toute annonce publique représente une avancée importante. Nous pensons donc que le comité d'entreprise bénéficie maintenant d'un rôle accru.

Concernant la menace pour l'emploi, nous avons tout entendu. Plusieurs intervenants ont estimé que certaines entreprises se dépêcheraient de procéder à des licenciements. Personnellement, je crois que nous aurions de toute façon connu ces plans sociaux.

En 1986, lorsque les entreprises ont demandé la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, celles-ci s'étaient engagées à créer 400.000 emplois supplémentaires. Nous attendons toujours ces emplois.

Je ne m'inquiète pas trop pour le problème de l'emploi. Par contre, la diminution de la croissance me semble nettement plus inquiétante. C'est bien la croissance qui créera les embauches, et non des procédures plus strictes visant à réduire le nombre de licenciements.

Serait-on arrivé au même résultat sans loi ? Je n'en suis pas du tout certain. Regardons les actuelles négociations consacrées à la refondation sociale. La loi doit-elle précéder, ou non, l'accord ? Contrairement à d'autres syndicats, nous ne sommes pas favorables à la loi à tout prix. Nous sommes d'accord pour que des accords interprofessionnels soient signés, pouvant être déclinés ensuite au niveau des branches et, éventuellement, des entreprises. Mais nous ne serons pas d'accord pour qu'il existe un accord dans l'entreprise sans encadrement au niveau de l'interprofessionnelle ou de la branche.

Nous développons la même problématique pour la loi. Si les partenaires sociaux ne sont pas capables de s'entendre, le législateur doit intervenir. En outre, la loi peut fixer un cadre, qui laisse une réelle latitude aux partenaires sociaux pour aménager celui-ci. En fonction de l'objet, il est nécessaire d'examiner la bonne démarche. A ce moment, les partenaires sociaux doivent jouer pleinement leur rôle.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je souhaite faire une rectification : vous avez été reçus pour le PARE, et non pour ce projet de loi.

M. Jean-Marc ICARD - Vous avez parfaitement raison. Je vous présente mes excuses.

M. Jean CHERIOUX - J'aimerais que vous confirmiez que vous n'avez pas été auditionnés. D'autre part, ne pensez-vous pas que la solution réside dans l'existence d'une loi à laquelle nous pourrions recourir en cas de désaccord ? Nous pourrions ainsi « pousser » les différents acteurs vers la négociation. Nous pourrions avoir recours à la loi en l'absence d'accords de branches.

M. Jean-Marc ICARD - Nous avons l'expérience de l'accord interprofessionnel du 30 octobre 1995, qui prévoyait des accords de branches visant à mettre en place la RTT, le mandatement dans les entreprises et la reconnaissance mutuelle des acteurs sociaux par la reconnaissance des activités syndicales. Une loi a été votée, afin d'inciter les acteurs à négocier. Au bout du compte, seulement 27 accords de branches ont été signés.

Le débat ne doit pas résider dans l'existence ou non d'une loi. Il faut avant tout la volonté des partenaires sociaux pour négocier un accord.

M. Jean DELANEAU, président - Nous avons connu une époque où la loi venait entériner un certain nombre d'accords, ce qui représente, pour nous, la démarche normale.

M. Jean-Marc ICARD - La présence de salariés dans les organes directeurs a représenté une demande forte de notre part. En effet, les décisions se prennent dans ces instances. Les représentants du personnel bénéficieraient ainsi d'une information donnée en amont, leur laissant le temps de préparer des propositions alternatives.

M. Guy FISCHER - Monsieur le Secrétaire national, c'est avec satisfaction que j'enregistre votre position contrastée. Vous avez parfaitement montré les motifs de satisfaction et les points gênants.

Cette loi se voulait le prolongement de l'affaire Michelin. Aujourd'hui, à la lumière des plans sociaux annoncés cette semaine, il est évident que le problème des licenciements boursiers revêt une actualité exceptionnelle. Il mérite donc d'être débattu. En ce sens, nous pensons que la loi est nécessaire pour moraliser le fonctionnement de l'économie et protéger les salariés sinistrés par les multiples plans sociaux.

Nous pourrions débattre du sens que nous devons donner à la notion d'intérêt général, tant pour les entreprises que pour les salariés. A travers ce débat, nous avons conscience que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de notre réflexion. Les améliorations qui ont été apportées demeurent en effet insuffisantes.

D'après vous, quelles seraient les pistes à suivre, sachant que l'encadrement est très touché lors des licenciements boursiers ? Aujourd'hui, la brutalité des plans sociaux à caractère boursier pose en effet une problématique nouvelle à l'encadrement.

M.. Jean-Marc ICARD - Notre organisation est même allée plus loin que votre groupe au niveau des propositions effectuées en matière de réforme de la notion de licenciement.

Les licenciements à caractère boursier, pour les cadres comme pour les non-cadres, nous posent de nombreux problèmes. Avant tout, je crois que l'obligation de résultat doit peser sur l'entreprise : il ne peut y avoir de licenciements ou de rupture du contrat de travail tant que tous les salariés concernés n'ont pas été réinsérés. Il est bon que des formations de reclassement soient prévues ; encore faut-il que l'entreprise soit soumise à une obligation de résultat. Dans le cas contraire, il est évident que ces salariés rejoindront la masse des demandeurs d'emploi.

M. Guy FISCHER - Si je comprends bien vos propos, vous demandez une obligation de reclassement jusqu'au dernier salarié ?

M. Jean-Marc ICARD - Effectivement, il faut faire peser une obligation de résultat sur les entreprises. Nous proposions par ailleurs que la rupture du contrat de travail soit interdite tant que le reclassement n'est pas effectif. Evidemment, nous devrons créer des garde-fous, afin d'éviter certaines déviances. Mais cette obligation de résultat doit exister.

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur Icard, je vous remercie. Nous attendons vos propositions. Nous avons en outre convenu de nous revoir pour aborder d'autres questions.

M. Jean-Marc ICARD - Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir reçu.

B. AUDITION DE MICHEL COQUILLION , SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT, CHARGÉ DES NÉGOCIATIONS (CFTC), ACCOMPAGNÉ DE M. CHARBONNIER

M. Jean DELANEAU, président - Si vous le voulez bien, nous allons reprendre les auditions consacrées aux dispositions relatives aux licenciements économiques du projet de loi de modernisation sociale. Je remercie M. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint de la CFTC, chargé des négociations, d'avoir répondu à notre invitation. Il est accompagné de M. Charbonnier, responsable du service juridique « emploi et formation ».

Notre commission a souhaité entendre les partenaires sociaux sur, notamment, la partie du projet de loi relative aux licenciements économiques. Dans un premier temps, vous nous donnerez votre appréciation sur le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale. Vous nous ferez part des éventuelles modifications que vous souhaiteriez voir apportées à ce texte. D'autre part, vous nous direz si la concertation, à l'occasion de l'élaboration de ces textes, a été satisfaisante. Monsieur le secrétaire, je vous donne la parole. M. Alain Gournac vous posera ensuite plusieurs questions.

M. Michel COQUILLION - Monsieur le Président, je vous remercie. Si vous me le permettez, je vous donnerai tout d'abord la position générale et l'appréciation de la CFTC sur le projet de loi de modernisation sociale. Je donnerai ensuite la parole à M. Charbonnier, qui examinera ce texte dans les détails.

Nous sommes conscients d'être en face d'un réel problème par rapport au rôle des élus et à la gestion économique de l'entreprise. En effet, nous devons nous demander ou, quoi et comment les salariés peuvent intervenir.

En ce sens, nous sommes face à trois approches possibles : la cogestion, le rapport de force ou la recherche d'une voie médiane. Ce projet de loi est au coeur du débat, avec toutes les difficultés que de telles hypothèses génèrent.

Nous aurions pu donner aux élus la possibilité de bloquer un plan social. Sans l'existence d'une approche cogestionnaire, nous aurions couru à la catastrophe. C'est bien pour cela que la loi n'a pas adopté cette approche.

En tant que délégué syndical, j'ai dû négocier des plans sociaux. Il aurait été difficile, vis-à-vis des salariés, de reconnaître que nous n'avions pas utilisé tous les moyens possibles pour empêcher leur licenciement. Les élus et les délégués auraient été placés dans une situation difficile par rapport à leurs collègues. Ils auraient été contraints d'utiliser un droit pouvant conduire à une paralysie totale de la gestion de l'entreprise.

Le raisonnement est souvent fait en termes d'encadrement des pratiques, au détriment d'une réflexion sur la prévention et le travail effectués en amont. Nous estimons particulièrement important, dans le cadre des licenciements économiques, qu'une action en amont soit effectuée.

Evidemment, nous ne pourrons pas empêcher des accidents, prenant la forme de cessations totales d'activité pour certaines entreprises. Nous rencontrerons à ce moment de réelles difficultés relatives au devenir des salariés : sont-ils à même de retrouver un emploi grâce aux formations et aux qualifications dont ils disposent ? En ce sens, nous estimons qu'il est essentiel de travailler sur toutes les questions relatives à la formation. Si un accident se produit, les salariés doivent avoir la formation nécessaire qui leur donne toutes les opportunités de retrouver un emploi.

Nous proposons donc d'accroître le rôle des commissions de formation et de généraliser l'existence de celles-ci à un nombre plus important d'entreprises. Surtout, nous souhaitons qu'elles soient obligatoires dans toutes les entreprises où il existe des institutions représentatives du personnel, ce qui n'est pas le cas actuellement. Par ailleurs, nous souhaitons que le plan de formation bénéficie d'un poids plus important.

Actuellement, nous négocions avec le MEDEF sur la question de la formation. Nous ne demandons pas immédiatement une loi, car nous voulons laisser la négociation jouer son rôle. Quoi qu'il en soit, des actions doivent être menées dans ce domaine.

Lorsque la décision conduisant au licenciement est prise, les salariés sont peu représentés dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance. Nous demandons donc qu'ils soient mieux représentés dans ces instances. Nous ne demandons pas que les salariés disposent d'une majorité, ou même d'une minorité de blocage. En effet, nous retomberions alors dans une logique de cogestion.

Nous demandons que les salariés puissent faire valoir leur point de vue social lorsqu'une décision ayant un effet économique important est prise. Nous estimons que cette approche est intéressante, voire indispensable. Ceci étant dit, nous sommes conscients que cela ne réglera par les problèmes de licenciement, dans la mesure où les exigences de la direction et des actionnaires seront en contradiction avec les souhaits du personnel.

Nous pensons donc que la prévention passe par la participation des salariés aux organes de décision. Nous préconisions d'ailleurs le renforcement du rôle de ces instances, en partant du principe qu'elles doivent avoir les moyens de contrôler et de vérifier l'information. D'autre part, elles doivent bénéficier d'une priorité de l'information. Si les comités d'entreprise ne sont informés que lorsque les décisions sont déjà prises et connues de la presse, ils ne servent à rien. D'autre part, les élus auraient l'impression que leur avis n'a aucune importance dans le processus. Sur cette question, le projet de loi apporte des réponses.

Concernant la concertation, nous trouvons dans le projet de loi des propositions que nous avions présentées. Nous avions d'ailleurs été reçus à plusieurs reprises par le ministère lors de l'élaboration du texte. Nous avons donc effectivement été entendus sur plusieurs points.

Par contre, nous n'avons pas du tout été associés lorsque le texte a évolué au cours des débats parlementaires. Nous le regrettons, dans la mesure où les partenaires sociaux n'ont pas du tout été associés lorsque les arbitrages ont été effectués. En effet, cela pose le problème de notre rôle dans le processus.

D'autre part, il est inquiétant que des projets que nous estimons sensibles deviennent l'enjeu de débats purement politiques, où les partenaires sociaux sont exclus. Nous craignons que ce genre de sujet devienne l'objet d'un rapport de force purement politique. Nous espérons que nous parviendrons, à l'avenir, à nous concerter de manière plus efficace, dans un esprit d'harmonie entre le pouvoir politique et les partenaires sociaux.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je viens d'entendre que vous avez été consultés en amont. L'avez-vous été au moment de la deuxième lecture ?

M. Michel COQUILLION - Nous avons été reçus au ministère au moment où le texte revenait en deuxième lecture. Ensuite, nous n'avons pas du tout été consultés. Lorsque les débats relatifs aux amendements se sont tenus, nous n'avons pas été associés.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je souhaite par ailleurs vous poser quelques questions supplémentaires.

Quel est, selon vous, l'apport de ces dispositions au regard du droit en vigueur ? En particulier, que pensez-vous de la nouvelle rédaction retenue de la définition du licenciement économique (art. L.123-1) et du recours à un médiateur pour rapprocher les points de vue sur les plans de restructuration ?

Ces derniers temps, de nombreuses voix autorisées ont considéré que les dispositions adoptées pouvaient constituer une menace pour l'emploi et dissuader les embauches. Partagez-vous cette inquiétude ?

De nombreux pays européens privilégient le recours à la négociation collective sur le recours à la loi, celle-ci n'intervenant qu'en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux. Pensez-vous que les partenaires sociaux auraient été à même de parvenir à un accord sur une réforme du droit de licenciement, si le Gouvernement leur en avait reconnu la possibilité à travers, par exemple, un « droit de saisine », les termes de cet accord étant repris par la loi ; ou bien considérez-vous que le recours à la loi constitue la seule voie possible pour moderniser notre législation ?

M. Michel COQUILLION - M. Charbonnier va répondre aux deux premières questions. Je reprendrai la parole ensuite.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - J'ai oublié de vous remercier d'avoir répondu à notre invitation. En effet, nous vous avons prévenu relativement tard, et vous avez accepté de venir exposer votre point de vue. Nous vous remercions vivement.

M. CHARBONNIER - Concernant les apports des dispositions au regard du droit du travail en vigueur, nous nous apercevons que le projet de loi procède à plusieurs consécrations de la jurisprudence. C'est le cas par exemple, de l'arrêt du 25 février 1992, relatif à l'exécution de bonne foi du contrat de travail et à l'obligation de reclassement.

Nous constatons également que certaines incompréhensions jurisprudentielle sont levées. C'est le cas, par exemple, pour la concomitance des Livres III et IV relatifs à la consultation du comité d'entreprise.

En effet, il nous semblait aberrant que nous puissions commencer l'étude du plan social, c'est-à-dire l'ouverture du Livre III, alors que l'avis du Livre IV n'avait pas été donné. L'amendement que nous avions proposé a été repris sous la forme suivante : lorsque l'employeur ne répond pas aux questions du comité d'entreprise, la présentation du Livre III se trouve bloquée.

La nouvelle rédaction du projet de loi, en particulier la disparition du terme « notamment », a soulevé, de notre côté, de nombreuses interrogations. L'élargissement de la notion de « licenciement économique » a débuté avec l'arrêt Vidéo Color, qui estimait qu'il n'était plus nécessaire de faire état de difficultés économiques pour présenter un plan social. Désormais, la sauvegarde de l'intérêt et de la compétitivité de l'entreprise était suffisante.

Doit-on considérer que les intérêts futurs de l'entreprise peuvent déclencher une décision de plan social, ou au contraire, faut-il attendre de réelles difficultés ?

Dès lors nous pensons qu'avec cette nouvelle rédaction, les juges seront tenus par la lettre du texte.

Le constat de carence me semble aussi un apport intéressant, car il met fin à certaines difficultés d'ordre juridique.

Dès 1993, M. Balmary s'est interrogé sur la valeur juridique du constat de carence. Il se demandait s'il était un acte administratif en tant que tel, susceptible d'un recours gracieux ou d'un recours pour excès de pouvoir.

En effet, depuis plusieurs années, lorsqu'un constat de carence survenait, nous ne savions pas si la procédure devait être reprise dès le début. Dans la plupart des cas, l'employeur estimait que le constat de carence n'avait pas de valeur obligatoire et refusait de reprendre la procédure. Dès lors, nous devions saisir nos délégués ou nos membres du comité d'entreprise pour faire annuler la procédure devant le tribunal de grande instance. De telles actions prenaient du temps. A un moment donné, il faut savoir analyser posément la situation et se demander si l'entreprise se trouve dans une situation de grande difficulté. Dans une telle hypothèse, il est évident que nous devons faire preuve de rapidité dans le traitement du dossier.

En permettant de reprendre la négociation grâce à une réunion supplémentaire, le projet de loi donne au constat de carence une valeur contraignante.

Lors de l'étude de plans sociaux, nous devons nous préoccuper de toutes les subtilités juridiques qui existent dans le texte.

Les mesures de reclassement me semblent intéressantes. Malheureusement, vous les limitez aux entreprises de plus de 1.000 salariés. Lorsque nous avons travaillé notamment sur le plan social de Bourgoin, nous nous sommes aperçus que certains salariés n'avaient jamais suivi de formation. Dans ce cas, un réel problème de reconversion se pose. Nous souhaiterions que le seuil de 1.000 soit conservé. Mais un système de formation devrait être organisé lorsqu'un plan social est mis en oeuvre, et lorsque les salariés de niveau 6 ou 5 n'ont jamais reçu de formation au cours de leur parcours professionnel.

Les congés de formation sont relativement proches des congés de conversion dont nous disposions avec les aides du FNE. Nous devons néanmoins examiner leur articulation avec la mise en place du PAP, dans la mesure où ces deux dispositifs sont très proches l'un de l'autre.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Monsieur Coquillion, souhaitez-vous intervenir sur le rôle du médiateur ?

M. Michel COQUILLION - La CFTC estime que la médiation doit se développer dans les entreprises, sur tous les sujets. Cependant, nous devons nous interroger sur le rôle exact du médiateur. Sera-t-il par exemple, un expert ?

En fait, nous devons nous demander s'il y a vraiment matière à des actions de médiation. Nous ne sommes pas certains que le terme même de médiateur soit adéquat par rapport au rôle que cette personne remplira. Ceci dit, nous étions demandeurs d'un tiers expert, qui ne soit dépendant ni de la direction, ni des organisations syndicales, pouvant dire si les affirmations de l'entreprise relatives à une réorganisation sont fondées.

En effet, les organisations syndicales rejettent souvent les arguments de nature économique lors d'un plan social, estimant que des solutions alternatives existent. Qu'un tiers ait la connaissance des informations nécessaires permettant d'infirmer les propos de la direction peut faire progresser le débat. Par contre, cet élément ne sera en aucun cas décisif, mais il pourra être utilisé en cas de contestation de la qualification de licenciement économique.

Concernant les inquiétudes relatives aux effets sur l'emploi, il est probable que certaines entreprises annonceront des plans sociaux rapidement, avant que la loi ne s'applique. Nous le craignons.

Le problème se pose pour toute la protection sociale. En effet, nous pouvons estimer que toute avancée sociale peut jouer contre l'emploi. Cependant, nous pensons que ce critère n'est pas suffisant, car, dans ce cas, il ne serait plus possible d'augmenter le SMIC ou de prendre des dispositions favorables aux salariés. Quoi qu'il en soit, si nous regardons les effets économiques d'une mesure sociale, nous nous demanderons constamment quels sont ses effets sur l'emploi. Suivant les sources, il est évident que l'appréciation portée est très différente.

Concernant l'articulation entre les négociations et la loi, ce débat d'actualité revêt à nos yeux une réelle importance. Nous pensons que la négociation doit constituer une priorité, et je crois que cette position ne surprendra personne. Pour autant, nous ne nions pas le rôle de la loi, dans la mesure où le législateur bénéficie de la légitimité démocratique. Concernant les choix importants pour la nation, nous ne pouvons pas nous substituer au législateur. Le Gouvernement détient d'ailleurs un rôle important dans la protection des plus faibles. C'est bien le rôle de la loi de protéger ceux-ci.

Cependant, si les corps intermédiaires, dont les organisations syndicales font partie, parviennent à trouver des solutions permettant d'améliorer le fonctionnement des institutions ou la vie des salariés, il faut absolument privilégier la négociation.

Il serait utile que le fameux droit de saisine, dont on parle beaucoup au niveau européen, soit mis en place. Lorsque les parlementaires se saisissent d'un sujet, les partenaires sociaux pourraient demander à négocier également sur cette question.

D'autre part, nous estimons que les partenaires sociaux doivent pouvoir se saisir d'autres sujets que ceux qui sont présentés devant le Parlement. Lorsqu'une question, sur laquelle nous intervenons, nécessite une modification législative, les partenaires sociaux doivent pouvoir s'en saisir et faire des propositions aux parlementaires. Par contre, l'accord obtenu ne serait pas à prendre ou à laisser. En effet, nous estimons que nous ne pouvons pas retirer aux parlementaires leur droit de débattre sur un sujet donné.

La CFTC propose de créer des clauses essentielles : si certaines d'entre elles ne conviennent pas aux parlementaires, le texte serait alors rejeté par le Parlement. Les partenaires sociaux pourraient ensuite entamer une nouvelle phase de négociation, ou mettre en route d'autres procédures. Quoi qu'il en soit, un tel dispositif donnerait aux partenaires sociaux la possibilité de négocier lorsqu'un projet de loi se prépare.

Nous savons parfaitement qu'une volonté forte de négocier est nécessaire de la part des deux parties pour obtenir un accord. En l'absence de cette volonté, la loi sera, parfois, absolument nécessaire. D'autre part, lorsqu'il existe des déséquilibres trop forts entre les acteurs, l'Etat a alors le rôle de rééquilibrer la négociation au profit des plus faibles.

Pour que les partenaires sociaux puissent jouer pleinement leur rôle, nous estimons qu'il est essentiel que ce dernier soit renforcé. Nous ne savons malheureusement pas quelle sera l'issue de la négociation qui se déroule actuellement entre les partenaires sociaux, mais il nous semble crucial que les partenaires sociaux soient renforcés dans leur implantation et leur rôle. En effet, la désyndicalisation représente un facteur de faiblesse. Cependant, nous ne croyons pas que l'image du syndicalisme s'améliorera par un simple bricolage des conditions de négociation des accords. Au contraire, un travail de fond doit être effectué, et une large partie de celui-ci est du ressort des organisations syndicales. Si l'image du syndicalisme a été dégradée dans l'esprit de nombreuses personnes, c'est bien parce que les pratiques syndicales n'ont pas été optimales. Les organisations syndicales devront donc faire notre autocritique et en tirer les conséquences.

Nous estimons que la réponse que nous apporterons doit permettre de résoudre les vrais problèmes traités. Si nous modifions de manière inadéquate l'équilibre des négociations, nous pourrions aboutir à des blocages qui seraient encore plus préjudiciables à la négociation. Une telle situation nécessiterait alors une intervention encore plus forte de l'Etat.

Par exemple, si l'accord UNEDIC n'était pas intervenu, l'Etat aurait dû se substituer aux partenaires sociaux et aurait mis cet organisme sous tutelle. Aurions-nous, dans ce cas, amélioré la négociation ? Je n'en suis pas du tout certain. Si les conditions de la négociation avaient conduit certains partenaires à bloquer complètement l'accord, nous n'aurions eu d'autre solution que de faire appel à l'Etat.

Ce sujet, très important à nos yeux, doit être approfondi. Cela doit être effectué dans une réflexion fructueuse. Surtout, nous espérons que cela ne deviendra pas un enjeu de positionnement politique et un rapport de force entre les partis. Au contraire, nous espérons que nous parviendrons à la constitution d'un débat approfondi, respectueux du pluralisme et, surtout, qui ne conduise pas à une situation de paralysie. Il est essentiel d'atteindre un large consensus sur ce sujet.

M. Jean DELANEAU, président - M. Jean Chérioux, vous avez la parole.

M. Jean CHERIOUX - Monsieur le Président, je vous remercie. Monsieur le secrétaire général, je ne suis pas étonné que vous ayez parlé de la participation ; dans la mesure où cette question a toujours constitué l'un de vos principaux leitmotiv. Effectivement, la représentation des salariés dans les conseils d'administration ne réglerait pas les problèmes.

J'ai été frappé de constater que M. Charbonnier a évoqué la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Je suis persuadé que le débat tourne autour de cette notion. Aujourd'hui, nous courons le risque de voir certaines entreprises mettre en avant cette dimension pour des motifs boursiers. Mais il ne faut pas considérer que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, qui doit être perçue sur le moyen terme, soit abandonnée au prétexte qu'elle cacherait automatiquement des motifs d'ordre économique ou boursier.

En-dehors de la simple notion de participation, qui donne la possibilité aux salariés d'intervenir dans la gestion de l'entreprise, j'aimerais savoir si vous envisagez des solutions permettant d'éviter d'abandonner complètement ce concept, qui revêt un intérêt certain.

M. Jean DELANEAU, président - M. Guy Fischer souhaite intervenir.

M. Guy FISCHER - Indirectement, vous avez insisté sur le rôle du politique. A travers vos déclarations, nous sentons que vous souhaitez que le politique ne joue pas un rôle essentiel. Si le politique est prédominant, les organisations syndicales se verraient privées d'un certain nombre de moyens. Nous entendons votre remarque.

Ceci étant dit, l'accélération récente des plans sociaux - Philips, Mazda, Cap Gemini - met en lumière le fait que les politiques sont également jugés sur la politique économique. Vous avez, à ce titre, parfaitement formulé l'équilibre qui doit exister entre la loi et le contrat. Pour ma part, je considère qu'un intérêt général doit être défini. A mes yeux, ce dernier est celui des salariés.

J'ai bien noté que vous avez fait des propositions visant à instaurer un droit de saisine ou d'initiative. Ceci étant dit, quelle est la mesure que vous suggéreriez dans ce débat, qui n'est pas clos ? Autrement dit, quelle est la mesure qui, selon vous, permettrait de faire avancer le débat plus en avant ?

M. Jean DELANEAU, président - Madame Dieulangard, vous avez la parole.

Mme Marie-Madeleine DIEULANGARD - J'ai beaucoup apprécié la priorité que vous donnez à la prévention, notamment en termes d'exigence de formation tout au long de la vie professionnelle.

Quelle proposition concrète faites-vous concernant les exigences en termes de formation, par rapport à la réorganisation des circuits de collecte, des cursus de formation et de l'accès de tous, cadres supérieurs y compris, à la formation au sein de l'entreprise ? Quelles exigences devons-nous poser pour que tout le monde bénéficie de la formation ?

J'ai bien entendu que vous mettiez en avant le rapport existant entre le contrat et le politique. Je crois cependant que cette notion devrait être approfondie. Sur cette question, estimez-vous que la démarche autour des 35 heures vous semble satisfaisante ? En effet, la loi pose un cadre, et la négociation est effectuée au sein des entreprises.

Nous parlons des grandes entreprises, qui comprennent de nombreux salariés. Malheureusement, nous n'évoquons pas le cas des petites entreprises où les organisations syndicales sont absentes. Pourtant, nous savons que les salariés se trouvent majoritairement dans des structures de ce type, où ils se trouvent beaucoup plus exposés. Avez-vous des propositions autour des notions de sites et de territoires concernant la défense des salariés dans les petites entreprises ?

M. Michel COQUILLION - Concernant le lien entre l'économie et le social, nous n'avons pas pour rôle prioritaire d'être impartiaux, même si nous revendiquons notre responsabilité. Notre but premier demeure la défense des salariés. Le débat relatif à l'efficacité économique et la protection sociale ne bénéficie pas de réponse claire.

Par contre, nous sommes conscients que le pouvoir de blocage laissé aux salariés représente un risque économique. En ce sens, nous prenons en compte ce dernier. En fait, je crois que le problème réside dans la définition d'une frontière, ce qui est particulièrement difficile : il est en effet évident que cette frontière n'est pas placée au même endroit pour le salarié et l'employeur.

Nous pensons que le rôle du politique est bien d'assurer l'intérêt général et le bien commun afin que personne ne soit oublié.

Effectivement, les petites entreprises posent, du fait de la différence de statuts, problème. Les salariés de grandes entreprises, Danone par exemple, n'ont pas le même vécu que les employés d'une PME. Cela crée des distorsions sur lesquelles il serait nécessaire d'intervenir.

Nous nous trouvons face à une contradiction. Actuellement, nous négocions sur la formation professionnelle. Par conséquent, le sujet que nous évoquons aujourd'hui est également traité dans la négociation. Si nous demandons au législateur d'intervenir maintenant, alors que nous sommes en pleine négociation, nous nous plaçons alors dans une situation de contradiction complète.

Par contre, nous demandons que la représentation des salariés se développe dans les petites entreprises et que d'autres formes de représentation soient développées. Nous avions bien accueilli le mandatement, en considérant cependant que cette solution n'était pas pérenne. De récents rapports confirment d'ailleurs nos craintes, notamment en termes de durabilité de la présence syndicale dans l'entreprise. Nous estimons donc que nous devons progresser afin de dépasser le mandatement.

Nous souhaitons donc que d'autres formes de représentation se développent, à travers, par exemple, la mise en place d'un conseiller départemental. Celui-ci pourrait intervenir afin de conseiller les salariés dans l'entreprise. En somme, il remplirait le rôle du conseiller du salarié actuel, avec des moyens plus étendus. Il aurait également un rôle de conseiller auprès des employeurs, dans la mesure où nombre d'entre eux ne connaissent absolument pas les règles élémentaires du droit du travail. Nous voyons parfaitement les problèmes que cela pose ensuite devant les Prud'hommes. En effet, nous constatons que de nombreuses affaires sont marquées par une méconnaissance du droit par les employeurs. En rappelant les règles à ces derniers, nous pouvons éviter les litiges et les licenciements. Autrement dit, c'est une sorte de médiation qui se produit dans certains cas.

Il existe également d'autres moyens permettant la représentation des salariés dans les petites entreprises. Mais on ne peut pas avoir un délégué syndical, un CHS et un comité d'entreprise dans une entreprise de cinq salariés. Ainsi, il faudrait qu'une information soit donnée aux salariés, et l'un d'entre eux remplirait le rôle de correspondant syndical. Puis, son rôle et ses prérogatives se verraient élargis selon la taille et l'effectif de l'entreprise.

Quoi qu'il en soit, nous devons mettre un terme aux seuils trop tranchés, où l'existence d'instances représentatives est conditionnée au nombre de salariés. Par ailleurs, ces seuils comportent des effets pervers. Certaines entreprises refusent par exemple de franchir le cap des 50 salariés par établissement afin de ne pas avoir de comité d'entreprise.

Concernant les 35 heures, nous nous sommes aperçus que la méthode utilisés n'était pas pertinente. Au départ, nous n'étions pas opposés à celle-ci, mais le système de la négociation en deux temps nous semble inadéquat. En effet, on ne peut pas remettre en cause par une loi tout ce qui a été négocié. Dans une négociation, les organisations en tant que telles peuvent parfois faire des concessions qu'elles n'accepteraient pas habituellement. Si, en regard, un avantage substantiel est donné aux salariés, cette concession peut devenir possible dans le contexte d'un accord. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas l'étendre aux salariés qui ne bénéficieraient pas de l'ensemble de l'accord. En ce sens, les dispositions législatives sont susceptibles de remettre fortement en cause le résultat de cette négociation. Il me semble plus pertinent de travailler en amont sur une concertation. Ensuite, la loi définit les règles en tenant compte des propositions et accords des partenaires sociaux.

Dans ce cas, la négociation pourrait peut-être plus porter sur l'applicatif. Ensuite, la grande abondance de réglementations qui pose problème, même si les organisations syndicales le demandent souvent. En effet, certaines entreprises profitent des lacunes de la réglementation pour imposer des mesures inacceptables. Nous demandons souvent que la réglementation vienne combler ces vides.

Malheureusement, l'arsenal réglementaire et légal devient de plus en plus complexe, et il est de plus en plus difficile de l'appréhender. Par ailleurs, les jurisprudences accroissent encore plus la complexité des dispositifs juridiques. Si nous parvenons à atteindre un meilleur équilibre au sein de la négociation, nous pourrons peut-être laisser une part plus importante à celle-ci sur l'applicatif, à partir du moment où les principes ont été correctement définis par la loi. Dans ce cas, les interprétations de cette dernière ne conduiraient pas à des dérives. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas simple. Mais nous sommes persuadés que nous devons trouver une solution allant dans ce sens, qui permettrait un respect mutuel des partenaires sociaux et du législateur.

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur le secrétaire général, je vous remercie de votre intervention, dont nous tirerons le plus grand profit.

II. AUDITIONS DU JEUDI 28 JUIN 2001

A. AUDITION DE M. JACK TORD ET ROLAND METZ, CONSEILLERS CONFÉDÉRAUX DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL (CGT)

M. Jean DELANEAU, président - Je remercie les conseillers confédéraux de la CGT d'avoir répondu à l'invitation de la commission des Affaires sociales. Le Gouvernement a introduit, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, des articles nouveaux qui nous ont paru importants. Dès lors, nous avons souhaité recueillir l'avis des partenaires sociaux dont beaucoup se sont plaints de ne pas avoir été suffisamment informés et associés aux discussions. La CGT était tenue à l'écart ces derniers jours aussi bien par le Gouvernement que par les groupes parlementaires, ce qui est dommageable autant pour le contenu précis des articles de cette loi que pour la crédibilité Gouvernementale en matière de démocratie sociale et de négociation.

Nous souhaitons donc que vous nous exposiez dans un premier temps votre point de vue sur cet ensemble de dispositions. Vous paraissent-t-elles complètes ou non, applicables ou non ? Par ailleurs, le rapporteur, M. Gournac, le rapporteur, qui va nous rejoindre, vous posera également quelques questions.

M. Jack TORD - Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, en guise d'introduction à notre audition et à nos avis, qui porteront sur la partie du projet de loi de modernisation sociale concernant les articles du titre II « Travail, Emploi et Formation professionnelle », souligner le retard pris pour adopter une loi en élaboration depuis plus d'un an. Les reports successifs à l'Assemblée nationale et dans les procédures engagées ici même au Sénat, vont encore en retarder l'adoption finale et donc repousser vers la fin de l'année son application. Cela retarde d'autant l'amélioration, nécessaire et attendue, des garanties des salariés face aux licenciements. Cela est préjudiciable pour tous les salariés et peut encourager certaines entreprises à engager des licenciements massifs. Je crois d'ailleurs que l'actualité de ce matin ne fait que confirmer nos inquiétudes, pour ne reprendre que les dossiers de Philips et d'Alcatel, sans compter ceux qui se profilent et ceux qui sont annoncés.

Dans l'ensemble, nous considérons que les articles concernant la prévention des licenciements sont encore insuffisants en termes d'efficacité pour empêcher les pertes d'emplois consécutives à des plans de restructuration. De même, nous regrettons que les licenciements « dits individuels » qui sortent du cadre des licenciements « dits économiques » et qui sont les plus nombreux, on les chiffre à environ 400.000 par an, échappent au projet de loi dans son état actuel. Il faudrait prévoir la nullité des licenciements non fondés et le droit à la réintégration.

Nous relevons que certaines dispositions améliorent le traitement social des licenciements, comme le soulignent les articles 34 A à 34 bis , mais qu'il reste beaucoup à faire pour prévenir les licenciements collectifs et octroyer de véritables droits nouveaux aux salariés, aux organisations syndicales et à l'ensemble des institutions représentatives du personnel. Dans ce domaine, nous proposons que plusieurs points soient améliorés dans le projet actuel de la loi.

Nos propositions portent principalement sur deux points, la définition du licenciement économique, la procédure en amont du plan social et les droits du comité d'entreprise et du comité d'établissement.

En ce qui concerne la nouvelle définition du licenciement pour motif économique, nous relevons un resserrement du champ d'application de ce type de licenciement, que nous jugeons positif. La disparition du mot « notamment » et le cadrage plus strict des deux cas déjà prévus dans le code du travail, vont dans ce sens. Par contre, ajouter un troisième cas de licenciements économiques, visant la nécessité de réorganisation indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise, est à nos yeux malvenu. En effet, cela risque d'ouvrir la porte à des dérives. La sauvegarde de l'activité pourra servir de prétexte à des licenciements visant simplement à maintenir la compétitivité de l'entreprise voire à l'améliorer. Je crois que les cas actuels peuvent nous laisser entendre et confirmer cette dérive. Nous proposons donc de supprimer le troisième motif et d'en rester aux deux cas précédents.

L'article 32 bis du projet de loi actuel aborde aussi la question de l'information et de la consultation du comité d'entreprise en cas de restructuration. Dans une première version, le texte avait instauré l'obligation de réponse motivée de l'employeur aux propositions émises par le comité d'entreprise, cette phase ne suspendant pas la procédure en cours. D'autre part, il n'y avait aucun droit nouveau pour les salariés d'intervenir au moment utile sur les décisions de gestion de l'entreprise. La nouvelle rédaction adoptée en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, donne au comité d'entreprise un droit d'opposition qui suspend cette procédure et engage la désignation d'un médiateur sous la forme inscrite dans l'article 32 quater .

On peut considérer deux avancées nouvelles. La première est l'impossibilité pour l'employeur d'engager un plan de sauvegarde de l'emploi tant qu'il n'a pas donné une réponse motivée aux propositions alternatives du comité d'entreprise. La deuxième est un droit d'opposition du comité d'entreprise qui induit la nécessité de recourir à un médiateur. Cependant, cette dernière avancée reste de portée limitée en particulier en raison de la mission du médiateur. En effet, en l'état actuel des textes, il n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé ou non des licenciements envisagés mais peut seulement rapprocher des points de vue et établir des recommandations. Cela affaiblit la portée des propositions alternatives du comité d'entreprise et des possibilités de contestation du bien-fondé des licenciements.

Nous souhaitons pour notre part que, face à des propositions inconciliables sur le fond, le litige soit tranché par le juge ou par une instance indépendante qui trancherait en dernier ressort.

Ensuite, par rapport au seuil fixé par la loi qui limite cette possibilité aux opérations de cessation totale ou partielle d'activités concernant 100 salariés. Ce seuil de 100 licenciements est excessif. Il risque en effet de donner lieu à des abus avec des licenciements successifs de moins de 100 personnes, pour échapper au droit d'opposition. On a connu ça avec des licenciements de 9 personnes pour échapper au plan social. Il faut donc élargir cette garantie. Je propose de l'étendre à toutes les entreprises ayant un comité d'entreprise, c'est-à-dire à toutes les entreprises comptant au moins 50 salariés, sur la base de ce que prévoit la loi pour élaborer un plan social, à partir de 10 salariés. Ces propositions doivent être débattues, l'important étant de rééquilibrer le rapport de force entre salariés et employeurs. En la matière, cela relève de la responsabilité du législateur.

Sur d'autres dispositions, nous avons des remarques et des propositions à faire. La première remarque porte sur la ré-industrialisation des sites avec le rôle des préfets, de l'administration du travail, sur la façon de rendre plus efficaces les CODEF et notamment les commissions emploi du CODEF. La deuxième porte sur l'utilisation et le contrôle des fonds publics par les entreprises : comment sont-ils réellement utilisés ? Quelles sanctions adopter pour les entreprises qui licencient ? Prenons l'exemple d'Alcatel ce matin : la presse annonce que des fonds publics importants sont utilisés. La troisième remarque concerne l'emploi précaire dont la mise en oeuvre devrait être limitée aux seuls cas de remplacement de salariés absents.

Pour la CGT, d'autres sujets vont être abordés en dehors de la réunion d'aujourd'hui et qui touchent également à la démocratie sociale dans l'entreprise, comme les droits des salariés dans les petites entreprises, notamment les moins de 10 salariés qui échappent aujourd'hui à toute obligation en matière de licenciement, faute de présence syndicale.

Voilà résumée notre appréciation sur les textes concernés. Nous souhaitons les voir évoluer positivement pour plus de droits aux salariés de notre pays.

Je vous remercie.

M. Jean DELANEAU, président - Je voudrais faire une observation sur votre remarque du début. Le fait que le Sénat ait réservé ces 24 articles, afin de les discuter le 9 octobre, ne retardera en rien l'adoption définitive du texte. La deuxième lecture à l'Assemblée nationale, pour des raisons d'emploi du temps, ne peut en effet avoir lieu qu'après la discussion de la loi de finances, c'est-à-dire le 20 novembre. Il est donc probable que les améliorations que vous souhaitez seront prises en compte soit par nous-même, nous le verrons en commission, soit par l'Assemblée nationale. Cela ne retarde en tout cas pas d'une journée la promulgation de la loi, les ministres nous l'ont redit hier. Ensuite auront lieu les phases que vous connaissez, la commission mixte paritaire et la dernière lecture.

Nous souhaiterions savoir si votre organisation syndicale a été consultée sur le contenu des dispositions relatives au droit du licenciement ajoutées lors de la deuxième lecture de ce projet de loi ?

Alain Gournac entre dans la salle.

Vous venez de donner réponse aux questions relatives à l'apport de ces dispositions au regard du droit en vigueur, à la nouvelle rédaction du licenciement économique et au recours à un médiateur.

Toutefois, nous voudrions également avoir votre avis sur l'opinion exprimée par des personnes autorisées, en particulier M. Fabius, qui a déclaré, le 14 juin dernier, qu'il fallait éviter que cette loi ait un effet dissuasif sur l'investissement et le recrutement. Pensez-vous, même si j'imagine déjà votre réponse, qu'il y a là une menace pour l'emploi et une dissuasion des embauches ? Etes-vous inquiets ou non ?

Ensuite mes collègues vous poseront d'autres questions.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Toutes mes excuses pour ce retard.

M. Jean DELANEAU, président - Veux-tu compléter ces questions ?

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je crois que la question numéro trois a déjà obtenu réponse avant mon arrivée. Pour le reste des questions, vous y avez répondu dans leur globalité.

Par contre, dans la cinquième question, il est mentionné que de nombreux pays européens ont recours à la négociation collective sur le recours à la loi, celle-ci n'intervenant qu'en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux. Pensez-vous que les partenaires sociaux auraient été à même d'aboutir à un accord sur une réforme du droit de licenciement, si le Gouvernement leur en avait reconnu la possibilité à travers, par exemple, un « droit de saisine », les termes de cet accord étant repris par la loi ? Ou bien considérez-vous que le recours à la loi constitue la seule voie possible pour moderniser votre législation ?

M. Jack TORD - Mon collègue, M. Metz, répondra à cette question. Toutefois, quant à la première question posée, relative aux déclarations de M. Fabius, vous vous attendez bien à ce que nous n'y répondions pas. Ce n'est pas le lieu pour le faire. Nous venons ici pour vous faire part de nos avis, remarques, critiques, suggestions, propositions sur le projet de loi. Nous en restons là.

M. Jean DELANEAU, président - Mais, sur l'inquiétude vous pouvez nous répondre.

M. Roland METZ - Sur la question du rapport entre la loi et la négociation, il y a déjà eu dans le passé, dans les années 90, une négociation autour du licenciement économique à l'occasion de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Force est de constater que la négociation qui en a découlé a débouché sur un accord interprofessionnel dont nous constatons aujourd'hui qu'il est très insuffisant au regard des garanties dont les salariés ont besoin. Le constat que nous pouvons faire est que sur le terrain sur lequel on se situe, c'est-à-dire une loi ou une négociation, nous sommes aujourd'hui dans une situation où la négociation ne produit pas de garanties suffisantes pour les salariés, mais sert pour l'essentiel au patronat à remettre en cause des garanties existantes, à rediscuter de nouvelles possibilités de flexibilité sans apporter de garanties effectives aux salariés.

Force est de constater -c'est un peu le même débat que pour la réduction du temps de travail- qu'un cadre législatif est nécessaire pour que la négociation puisse améliorer, le cas échéant, ce cadre. En effet, sans un cadre législatif précis on ne crée pas les conditions d'une négociation utile pour les salariés. Notre objectif est que la négociation soit le terrain sur lequel on améliore les dispositions législatives. Dès lors, la législation n'a pas besoin de tout régir, mais elle a besoin de fixer un cadre suffisamment clair et précis de garantie pour que la négociation puisse l'enrichir le cas échéant. Or, aujourd'hui, nous ne sommes pas dans ce cas de figure, il nous faut des dispositions législatives pour améliorer la situation des salariés.

Deuxièmement, nous sommes tout à fait d'accord avec le renouveau de la démocratie sociale puisque c'est absolument nécessaire. Mais le problème c'est que ce renouveau ne peut pas intervenir tant qu'il y aura un déséquilibre aussi manifeste entre les parties présentes à la négociation. Tant que l'on n'aura pas réglé la question de la précarité de l'emploi et la question de la capacité pour les salariés de conserver leur situation d'emploi, la perspective d'un enrichissement de la démocratie sociale n'est guère possible. En effet, on ne négocie pas dans de bonnes conditions quand on est assis sur un siège éjectable. Il faut donc garantir aux salariés suffisamment de stabilité dans leur emploi, ce qui ne veut cependant pas dire empêcher toutes formes de modifications de leurs conditions d'emploi, mais c'est l'objectif de notre proposition de sécurité sociale professionnelle qui garantirait le maintien du contrat de travail aux salariés, y compris dans les cas de restructuration d'entreprises. Dès lors, les conditions de la négociation elle-même vont pouvoir s'améliorer.

M. Guy FISCHER - Pour notre part, nous souhaitons tout mettre en oeuvre, après avoir vivement regretté que ce texte dont la lecture inachevée s'est terminée hier soir au Sénat, pour que d'ici à la fin de la lecture au Sénat, c'est-à-dire le 9 octobre, nous soyons à même de faire un certain nombre de propositions qui amélioreraient les choses. Les plans sociaux rendus publics en ce début de semaine marquent une nouvelle étape puisqu'ils traduisent l'émergence des entreprises virtuelles où sans vergogne les licenciements se comptent par milliers -1.200 suppressions d'emplois à terme pour Philips mais de toute évidence ce nombre sera bien supérieur par la suite. Pourtant, ces entreprises ont pour la plupart touché quelques centaines de millions de francs d'aides publiques. Pour nous, il faudra faire le bilan de la situation, caractérisée par des licenciements boursiers et le versement d'aides publiques qui ont été votées et attribuées à ces grandes entreprises.

Pour éclaircissement, la suppression du « notamment » dans la définition du licenciement économique prête à discussion. Il semble que vous vouliez modifier le texte qui a été voté à l'Assemblée nationale tout en vous prononçant pour cette suppression, mais en considérant que les trois précisions qui ont été apportées vont trop loin. Sur ce point, nous souhaiterions que vous précisiez les choses. De plus, pouvez-vous présenter vos propositions éventuelles de modifications de ce texte ?

M. Jean DELANEAU, président - Je désire préciser à monsieur Fischer que, bien sûr, il y aura un nouveau délai de présentation d'amendement qui sera réouvert avant la lecture du 9 octobre.

M. Guy FISCHER - Oui, la commission aura certainement travaillé sur ce dossier dans le courant du mois de septembre.

M. Jean DELANEAU, président - Non, puisque le délai du dépôt des amendements est en général la veille ou l'avant-veille.

M. Guy FISCHER - Qu'en est-il de la réunion de la commission ?

M. Jean DELANEAU, président - Je vais le préciser tout à l'heure.

M. Roland METZ - En ce qui concerne le « notamment », nous considérons que c'est une avancée significative. En effet, nous étions demandeurs de cette modification car l'indication du « notamment », outre son imprécision, ouvrait la voie à n'importe quelle possibilité sans apporter une sécurité juridique. Elle laissait également place à des définitions trop larges du licenciement économique dans lesquelles intervenaient les licenciements boursiers. Nous souhaitions que l'on restreigne le cadre du licenciement économique aux deux cas prévus par le code du travail dont le cas de difficultés économiques sérieuses. De ce point de vue, la définition nous convient très bien.

Le troisième cas, même si nous apprécions le fait que ce n'est pas une référence à la compétitivité mais à la pérennisation de l'activité, risque d'ouvrir la voie à des licenciements de compétitivité derrière lesquels se cachent les licenciements d'intérêts financiers et de profit. Nous le désapprouvons fortement.

Notre proposition serait donc de garder la suppression du « notamment », de garder la définition avec les précisions concernant les deux cas et de supprimer le troisième cas afin de baliser encore mieux la définition du licenciement économique.

M. Jack TORD - Nous avions d'ailleurs fait une proposition au rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Gérard Terrier, dans ce sens. Par exemple nous lui demandions de maintenir les deux cas soulignés par mon collègue, de façon encore plus restrictive puisque nous disions « consécutive à des difficultés économiques graves ou à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise et destinés à assurer la survie de l'entreprise ». Nous étions donc encore plus restrictifs.

Nous regrettons de ne pas avoir été entendus. Mais le problème est posé aujourd'hui avec les cas de Danone et de Philips. Où les plaçons-nous dans cette définition ?

M. Jean CHERIOUX - Je pense que personne ici n'admet les licenciements boursiers et les licenciements qui seraient uniquement dus à la volonté de faire plaisir aux actionnaires et en particulier à des actionnaires aussi peu stables que les fonds de pension. Si c'est la satisfaction des actionnaires qui sous-tend certains licenciements, ils sont alors évidemment inadmissibles. C'est une des choses que je me permets de déclarer.

D'une part, je voudrais vous demander, puisque vous n'y avez pas tout à fait répondu, si vous trouveriez normal que la commission des Affaires sociales du Sénat examine les nouveaux textes, issus de la deuxième lecture, sans avoir procédé à ces auditions telles que celles d'aujourd'hui. Estimez-vous qu'une Assemblée digne de ce nom puisse se permettre de prendre une décision sans avoir consulté ?

D'autre part, vous avez émis un certain nombre de propositions. De ce fait vous entrez dans le mécanisme qui vous est proposé par ces amendements. Cela signifie-t-il que nous pouvons tirer comme conclusion que vous avez abandonné la revendication du rétablissement de la procédure d'autorisation administrative de licenciement ?

Ma troisième question concerne le fonctionnement du système de négociation, du droit du comité d'entreprise et du médiateur. Vous avez dit que vous préféreriez un arbitrage ou une décision judiciaire ou éventuellement un arbitrage par une institution indépendante. Qu'entendez-vous par « institution indépendante » ? Quelles propositions feriez-vous dans ce domaine ?

M. Jack TORD - Pour la première question, voulez-vous parler du dialogue social ?

M. Jean CHERIOUX - Non.

M. Jack TORD - Nous nous félicitons d'être reçus aujourd'hui et de pouvoir effectivement évoquer au Sénat nos propositions en la matière. Par contre, nous pouvons regretter, et d'ailleurs cela a été dit dernièrement par notre secrétaire général Bernard Thibaud, sur des sujets de cette nature, ayant un aspect économique et un aspect social, qui concernent des milliers de salariés dans notre pays, de n'avoir pas été écoutés et entendus sur ces questions en amont. Nous le regrettons. Toutefois, nous sommes demandeurs et nous revendiquons, en tant qu'organisation syndicale, que nos points de vue et propositions soient pris en compte et reconnus dans le paysage politique, économique et social du pays.

Sur la deuxième question concernant le rétablissement de l'autorisation administrative, je laisse la parole à Roland Metz.

M. Roland METZ - La CGT a une démarche revendicative essentiellement pragmatique. Nous avons été contre la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, mais la représentation nationale actuelle et les lois étant ce qu'elles sont, il a bien sûr fallu tenir compte du cadre législatif nouveau dans lequel nous évoluions. C'est une position constante de la CGT, ce qui ne nous empêche pas d'avoir une démarche revendicative qui consiste à regarder si telle ou telle mesure peut régler les problèmes de licenciement. En effet, nous constatons aujourd'hui que c'est moins l'intervention de l'inspection du travail à travers une autorisation administrative de licenciement qui pourrait résoudre la question des licenciements qu'une intervention plus en amont des salariés eux-mêmes sur les conditions de gestion de l'entreprise et sur ce qui motive le licenciement. Plus on interviendra en amont, plus on évitera les litiges et plus on créera les conditions permettant d'éviter les interventions contentieuses ultérieures.

Par conséquent, il faut commencer par renforcer les moyens des salariés et de leurs institutions représentatives pour intervenir dans la gestion de l'entreprise. Il faut donc permettre l'intervention en amont pour pouvoir faire des propositions alternatives et discuter. Celles-ci, si elles sont inconciliables, doivent être appréciées objectivement. C'est l'idée d'une intervention à ce moment-là pour que le litige soit tranché par le juge. Nous ne disons pas que l'inspection du travail ne doit pas jouer un rôle : elle doit au contraire avoir un rôle renforcé sur les questions d'appréciation de la régularité de la procédure, de l'appréciation du droit et de vérification sur l'application des procédures du droit du travail par les salariés et les employeurs.

M. Jean CHERIOUX - Qu'entendez vous par instance indépendante ?

M. Jack TORD - Pour donner suite aux propos de Roland Metz, le problème actuel est que le débat reste au sein de l'entreprise. Nous proposons de l'enrichir en amont. Par exemple, quand nous disons juge ou instance indépendante, nous voulons dire qu'il existe déjà des lieux au niveau départemental, et donc dans le cadre d'un plan de restructuration engendrant des licenciements massifs et des suppressions de sites, où nous pensons que les élus ont leur mot à dire. Par ailleurs, nous proposons de redéfinir le rôle des attributions de nos CODEF, notamment dans les départements où des commissions emploi existent même si elles ne se réunissent que deux fois par an et qu'elles prennent seulement acte des décisions prises. Nous pensons que dans ces commissions doivent siéger les élus, l'expert-comptable, l'administration du travail, l'employeur et les syndicats pour traiter d'un cas comme celui d'une fermeture d'entreprise. Dès lors, nous pourrions prendre une décision au final. Il ne s'agit pas de se substituer aux organisations représentatives de l'entreprise mais qu'une décision soit prise au final. C'est notre idée, mais nous sommes aussi ouverts à toutes propositions allant dans ce sens.

M. Gilbert CHABROUX - M. Jean Chérioux a déjà posé la question du médiateur et de sa saisine, et pour moi cela paraît être une avancée importante. En effet, il me semble intéressant qu'un médiateur puisse disposer des plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation de l'entreprise et ensuite formuler une recommandation que les parties acceptent ou refusent. En cas de refus, le comité d'entreprise peut saisir le juge des référés sur l'aspect des formes prévues. Je trouve que cela va dans le bon sens, mais vous êtes apparemment en retrait puisque vos propos sont très nuancés : « avancée de portée très limitée en raison de la mission du médiateur ; il n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé ou non des licenciements mais seulement de rapprocher les points de vue et d'établir des recommandations ; cela affaiblit la portée des propositions alternatives du comité d'entreprise et les possibilités de contestation du bien-fondé des licenciements ». Vous souhaitez que le litige soit tranché par le juge ou par une instance indépendante.

En ce qui concerne le médiateur, votre proposition est-elle positive ou bien pouvons-nous discuter le fait que nous pourrions nous affranchir de cette saisine du médiateur ?

Je trouve pour ma part, que c'est une bonne disposition.

M. Jack TORD - Pour vous c'est sûrement une bonne disposition. Pour nous, elle est insuffisante, mais pas négative. En effet, nous avons une certaine expérience de la médiation en tant que syndicat puisque nous avons toujours eu des médiateurs en cas de conflits du travail. Toutefois, nous savons effectivement qu'un médiateur doit, dans le rôle qui lui est attribué, ne pas se substituer aux syndicats ni aux employeurs. D'ailleurs, il est écrit dans le projet de loi : « pour rapprocher des points de vue ou faire des recommandations » . Il en reste là. C'est pourquoi nous proposons effectivement que ce soit juste une instance qui prenne une telle décision.

Je vous ferais également remarquer que nous n'avons jamais revendiqué la présence d'un médiateur. En effet, pourquoi regrettons-nous de ne pas avoir été entendus ni écoutés préalablement ? Parce que la mise en place du médiateur n'a jamais été pour la CGT une revendication.

M. Roland METZ - Même limitée, l'avancée en question, dont nous n'avons pas été demandeurs, limite son intervention à des cas de licenciements massifs. La procédure risque donc de masquer l'essentiel des problèmes qui vont apparaître sur des licenciements qui ne concernent pas tous plus de 100 salariés. Il ne faudrait pas que nous ayons des procédures de licenciements à deux vitesses avec d'une part les licenciements massifs, qui font l'objet de dispositions particulières, et d'autre part la masse des « petits » licenciements qui ne seraient, eux, pas couverts par des garanties suffisantes.

M. Jack TORD - Je voudrais ajouter que l'intervention du médiateur pourrait, à un moment donné, avoir un effet pervers dans la mesure où c'est lui qui éprouvera des difficultés en dégageant les responsabilités de l'employeur vis-à-vis des salariés.

M. Roland METZ - Même si la liste est établie par des préfets, l'indépendance du médiateur, notamment par rapport à l'employeur, reste sujette à caution. L'indépendance se mesure aussi financièrement. En effet, dans la mesure où le médiateur va être payé par l'entreprise, cela ne risque-t-il pas d'influencer son jugement ?`

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je commencerai par une réflexion puis poserai une question puisque vous n'avez pas répondu à une sollicitation de notre questionnaire.

D'abord, je constate et j'apprécie le fait que vous déclariez ici que c'est en amont qu'il faut travailler. En effet, c'est certainement en amont qu'il faut le faire pour éviter les difficultés qui sont parfois irréparables quand on arrive à la fin du licenciement.

Deuxièmement, à force de vouloir encadrer totalement les licenciements, ne pensez-vous pas que nous allons dissuader des embauches ? En effet, les employeurs pourraient se dire qu'ils n'embaucheront pas, du fait d'un encadrement trop rigide, dans la perspective d'une variation de l'activité de leur entreprise.

Je souhaiterais avoir votre avis sur ce sujet qui reprend ma seconde question.

M. Jack TORD - Je ne sais pas si je vais répondre entièrement à votre préoccupation, mais les faits démontrent que nous avons quand même besoin de légiférer sur ces questions.

La CGT est extrêmement favorable à ce que, dans l'entreprise, un dialogue social concernant les salariés puisse être instauré. Force est de constater que nous avons quelques difficultés à faire entendre aujourd'hui, notamment au MEDEF, une conception de dialogue social qui pourrait éviter peut-être de légiférer. Dans le cas de Marks & Spencer et de la forme prise pour l'annonce des licenciements, et vis-à-vis de l'actualité de ce matin, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Je ne pense pas que ce soit un frein pour l'emploi puisque des événements prouvent le contraire aujourd'hui.

De plus, nous souhaitons un rééquilibrage dans l'entreprise entre le salarié et l'employeur dans tous les domaines, de façon à ce qu'ils puissent parler à égalité. Il est de la responsabilité du législateur de mettre des lois à disposition des salariés pour que ce rééquilibrage soit effectif. Nous n'inventons rien : ce n'est qu'un constat. Nous ne pensons donc pas que ce soit un frein pour l'emploi.

M. Roland METZ - Sur la question des garanties pour les salariés comme un frein pour l'emploi, j'ajouterai que, si on écoute le MEDEF, toute législation sociale est contre-productive en termes d'emploi. Or nous pensons que c'est exactement l'inverse. En effet, plus les garanties sociales seront modernes, c'est-à-dire fortes pour les salariés, plus les entreprises seront en état d'être plus efficaces puisqu'elles auront des salariés plus motivés et plus impliqués et sans la hantise d'un licenciement.

Si on regarde les dégâts causés par les annonces de plans de licenciement sur l'image de Danone ou de Philips on mesure combien elles sont contre-productives pour leur propre développement. Nous considérons que l'instauration de garanties par les entreprises ne peut au contraire que leur apporter de bons résultats en termes d'image.

D'autre part, nous ne pouvons entrer dans une course au dumping social. Entrer dans une course à la compétitivité et au dumping social serait comme accepter le dopage dans le cyclisme ou dans un autre sport. Nous ne serions plus dans le cadre de règles loyales. Diminuer les garanties sociales, c'est doper l'entreprise contre l'intérêt de ses propres salariés, c'est jouer avec des armes qui ne sont pas les bonnes. Nous considérons donc, que la meilleure façon de faire avancer le progrès social, le progrès économique et l'emploi, c'est d'avoir des garanties modernes suffisantes.

M. Jean DELANEAU, président - Merci.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je voudrais réagir sur les termes « règles déloyales », « siège éjectable », « souci permanent du risque de se faire licencier ». Si la situation que vous décrivez est réelle, comment se fait-il que les gens adhèrent de moins en moins aux syndicats ? S'ils se sentaient aussi mal à l'intérieur d'une entreprise, ils pourraient faire partie d'un syndicat. Or, les effectifs des syndiqués dans une entreprise sont extrêmement réduits.

Je suis étonné que la situation que vous décrivez n'incite pas les salariés à adhérer à un syndicat pour défendre leurs droits, leur travail et ceux de leurs collègues.

M. Jean DELANEAU, président - Nous allons passer à la dernière question et vous pourrez ainsi faire une réponse globale.

M. Jean CHERIOUX - Les aspects économiques posent problème. Les syndicats et les politiques ne devraient-ils pas militer pour une Europe sociale qui se développe ? En effet, nous vivons dans un monde ouvert. Je ne dis pas que nous devons imposer nos points de vue à des pays comme les Etats-Unis, mais s'il y avait une harmonisation européenne dans ce domaine, ce serait quand même considérable. Il n'est pas faux qu'il existe des délocalisations, mais si des gens voulaient éviter, à l'intérieur de l'Europe, des déplacements sous prétexte d'investissements plus importants dans tel ou tel pays, ce serait une bonne chose. Toutefois, cela suppose évidemment une harmonisation sociale au niveau de l'Europe, et je crois que c'est absolument indispensable.

M. Philippe NOGRIX - Tout d'abord, je rejoindrai mes collègues Chérioux et Chabroux sur l'étonnement en ce qui concerne le médiateur. Je pense en effet que la sollicitation d'un médiateur est une solution moderne et une possibilité de rester à l'intérieur de l'entreprise pour bien analyser les choses sans intervention extérieure. Je pensais, moi aussi, que c'était une avancée et je regrette que vous ne le preniez pas comme ça.

La question que je désire poser est très particulière puisqu'elle concerne l'emploi précaire. Dans votre analyse, vous acceptez la nécessité d'une production plus importante suite à une demande plus importante, et en particulier à des demandes particulières. Donc, pour des petites entreprises, de 10 à 50 salariés, il peut être intéressant, pendant quatre ou cinq mois, de répondre à une telle demande. Si vous limitez l'embauche en interdisant les emplois précaires, ne pensez-vous pas que ces marchés se déplaceront ? Dans un monde où les choses seront de plus en plus difficiles à obtenir et où les marchés se déplaceront, pourquoi votre position vise-t-elle à empêcher le travail temporaire souvent accepté par les ouvriers, notamment les jeunes, qui permet parfois d'acquérir des savoir-faire et d'avoir une ouverture sur l'entreprise ? Il y a sans doute une raison bien précise à votre prise de position.

M. Roland MUZEAU - La loi nous confirme que pour négocier il faut au moins être deux. Ce qui a été dit ce matin montre bien les difficultés pour qu'il en soit ainsi. Il a également été confirmé que l'emploi est bien considéré par l'entreprise comme la seule variable d'ajustement en cas de difficultés ou de modifications de l'activité. C'est extrêmement regrettable.

La question que je souhaite vous poser concerne une modification de langage et d'action qui a été adoptée par le patronat entre les deux ou trois dernières décennies et aujourd'hui. Il y a une trentaine d'années, le discours consistait à dire qu'il fallait couper les branches déficitaires et malades des entreprises pour sauver l'entreprise elle-même. Aujourd'hui, on ferme des entreprises qui gagnent de l'argent en disant, comme M. Franck Riboud pour Lu, que, si on n'agit pas aujourd'hui, après-demain toute l'entreprise sera en péril. Quelle que soit la façon d'envisager le problème, les dirigeants ont toujours raison. Ils affirment des choses qui sont, pour les salariés et les Français, invérifiables. Que voulez-vous répondre si l'on vous dit qu'une entreprise qui gagne beaucoup d'argent à l'instant en perdra dans cinq ans ?

M. Jack TORD - Sur la question de la syndicalisation, je pense que l'on pourrait ouvrir un débat qui durerait plus de deux heures.

Sur la précarité, il est vrai que nous sommes intransigeants parce que nous nous apercevons qu'avec l'utilisation abusive des contrats de travail précaire, quelle qu'en soit la forme, CDD, contrats intérimaires, CES, emplois-jeunes, 40 % à 50 % des inscriptions au chômage résultent de fins de contrat. On assiste à l'émergence de salariés pauvres. L'une de nos inquiétudes, que nous avons d'ailleurs formalisée depuis quelque temps, est que l'on substitue des salariés pauvres à des chômeurs, avec tout ce que cela peut impliquer pour les salariés eux-mêmes dans leurs conditions de vie. De plus, en prenant l'exemple de Philips, grand utilisateur d'intérimaires, les premiers licenciés sont précisément ces derniers puisque près de 900 d'entre eux sont concernés. Ce sont ces salariés qui se retrouvent les premiers à la porte et l'on ne leur propose pas de solution de reclassement. Cela pose quand même un véritable problème.

L'une de nos propositions serait donc de limiter l'emploi intérimaire à ce qui était initialement prévu, c'est-à-dire des remplacements momentanés, notamment pour remplacer des salariés en congé-maladie.

Sur la question de l'Europe, nous sommes pour, effectivement, des garanties sociales empêchant le dumping . Mais prenons l'exemple du CDD, il y a eu des recommandations et des directives européennes visant à privilégier le CDI par rapport au CDD. Toutefois, on a du mal à en voir les applications en France.

M. Roland METZ - Je pense qu'il faut bien distinguer ce qui relève de la réactivité nécessaire des entreprises face à certaines opportunités du marché et ce qui relève de l'organisation du travail à flux tendus. La plupart du temps, nous sommes dans des situations où les effectifs sont très « tirés » parce qu'on cherche le flux tendu et la rentabilité financière maximum. On n'a plus de possibilité de réaction. Si les effectifs étaient moins restreints, nous pourrions être plus réactifs sur un certain nombre de choses. Cela pose des problèmes d'organisation du travail autant que des problèmes de marché.

De plus, il faut distinguer la situation entre les grandes et les petites entreprises. Vous avez évoqué la situation des PME. Celle-ci ne doit pas masquer les abus du recours à l'intérim dans les grandes entreprises. On a cité Philips pour qui le recours à l'intérim de façon abusive est véritablement une pratique courante. Cela n'est pas conforme à la législation, mais on le fait quand même. Il y a là un réel problème. En ce qui concerne les petites entreprises, j'observe que la législation actuelle leur permettrait de se prémunir contre ce genre de problème, notamment à travers les groupements d'employeurs. En effet, ces groupements étaient destinés à permettre aux petites entreprises d'avoir une réactivité nécessaire afin de tenir tel ou tel marché, tout en permettant aux salariés de conserver une relation de travail. L'une de nos préoccupations est d'ailleurs de permettre aux salariés de conserver leur contrat de travail. Il faut donc trouver, à ce niveau, des possibilités de conciliation. Toutefois, le recours à l'emploi précaire n'en reste pas moins abusif et il faut revenir à quelque chose de plus simple.

M. Guy FISCHER - Hier, nous avons déposé un amendement qui visait à limiter à 5 % le nombre d'intérimaires. Je partage votre opinion. Mais peut-on déterminer un pourcentage admissible dans ce domaine ?

M. Philippe NOGRIX - Pourquoi 5 % ?

M. Jack TORD - Pourquoi pas.

La question avait été avancée lors de la discussion avec Martine Aubry, sur la taxation ou non du travail précaire. Des quotas avaient été avancés, 10 % à 12 %. Toutefois nous avions demandé une limitation et une redéfinition de l'utilisation.

M. Jean DELANEAU, président - J'entendais avec intérêt M. Roland Metz parler d'un éventuel regroupement d'employeurs pour régler les problèmes d'à-coups. Est-ce que le multisalariat qui en découlerait est une formule qui vous intéresse ? En effet, certains membres de la commission, dont André Jourdain, essaient depuis des années de faire avancer ce problème sans grand succès.

M. Roland METZ - Nous y sommes favorables pour les petites entreprises. Nous avons de sévères critiques à formuler par rapport au groupement d'employeurs tel qu'il est prévu par la législation. Ces critiques tiennent au seuil d'entreprise qui nous semble beaucoup trop haut puisqu'il est maintenant à 300. Or les grandes entreprises ont la possibilité de se constituer leur propre société d'intérim avec des risques de mobilité très importants pour les salariés. Par conséquent, nous souhaitons que l'on revienne au principe du groupement d'employeurs qui permet aux petites entreprises de mutualiser leurs ressources humaines afin de pouvoir faire face à des besoins de recherche et développement, à des besoins structurels, à des besoins sociaux et à des besoins de réactivité en termes de marché.

Nous pensons qu'il y a ici une piste à explorer pourvu que ce soit cadré pour les petites entreprises pour lesquelles le groupement d'employeurs a été créé. De son côté, le multisalariat pose d'autres questions, notamment par rapport au statut du salarié qui a plusieurs employeurs. Cela pose en effet des problèmes par rapport à l'exercice de leurs droits alors qu'avec le groupement d'employeurs, ils n'ont qu'un employeur.

M. Jean DELANEAU, président - Nous remercions nos intervenants et je pense que nous aurons l'occasion de nous revoir au sein de la commission quand d'importants problèmes se poseront.

B. AUDITION DE M. ERNEST-ANTOINE SEILLIERE, PRÉSIDENT, M. JEAN-PIERRE PHILIBERT, CONSEILLER POLITIQUE ET DIRECTEUR DES RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS, BERNARD BOISSON, CONSEILLER SOCIAL ET DOMINIQUE TELLIER, DIRECTEUR DES RELATIONS SOCIALES, DU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF)

M. Jean DELANEAU, président - Je remercie le MEDEF d'avoir répondu à l'invitation du Sénat concernant les auditions relatives à la loi de modernisation sociale.

M. Ernest-Antoine SEILLIERE - Merci monsieur le président, madame et messieurs les sénateurs de bien vouloir nous accueillir, mes collègues et moi-même. Nous sommes très sensibles à l'attention que vous portez aux partenaires sociaux.

Le sujet qui nous rassemble est douloureux. Lorsque l'entreprise se trouve confrontée à l'obligation d'un plan social, chacun mesure l'étendue et la profondeur des dérèglements que cette décision va produire dans la vie d'hommes et de femmes qui vont en être victimes. Les prises de position politiques que ces décisions entraînent, les conflits sociaux qu'elles ouvrent, les réactions passionnelles qu'elles engendrent ne sont qu'épisodes en comparaison de la nécessité, pour tous ceux que ces décisions concernent, de reconstruire une partie de leur existence.

Mais de même que la maladie frappe l'individu et oblige au traitement, la crise, l'évolution des marchés, les conditions de concurrence frappent l'entreprise et obligent à la restructuration. Ce n'est pas en invectivant la maladie ou en essayant d'empêcher et surtout de retarder le traitement que l'on rétablira la santé de l'entreprise. Au contraire, ce faisant, on la condamne à mort à terme plus ou moins long terme.

Permettez-moi de rappeler que des dizaines de milliers d'entreprises sont sans cesse confrontées à la nécessité d'évoluer et qu'elles le font sans heurt en anticipant, formant et adaptant. Il faut leur rendre hommage pour savoir gérer leurs effectifs, leurs compétences ou au mieux les intérêts des salariés. La vigueur de la critique contre celles qui restructurent dans l'urgence doit avoir pour contrepartie un hommage à toutes les entreprises qui parviennent à l'éviter.

De plus, dans un climat de croissance forte de ces dernières années, notre système économique en France a créé près de 1.500.000 emplois. Il faut y mettre en perspective les restructurations spectaculaires, certes, et peu nombreuses au regard de ce chiffre, qui ont provoqué des initiatives législatives, notamment la loi de modernisation sociale.

Le Premier ministre, qui nous a reçus et auquel nous avons fait vivement reproche de s'être laissé aller à une improvisation législative précipitée en réaction à l'émotion soulevée par des licenciements comme ceux de Danone et de Marks & Spencer, nous a clairement indiqué que le Gouvernement avait dû répondre à un mouvement d'opinion médiatisé et que la question politique, qui est de sa responsabilité, avait commandé cette initiative. De notre côté, nous lui avons dit que tous les pays européens sont confrontés aux mêmes phénomènes et que la France est le seul pays à s'être lancé à l'emporte-pièce dans des modifications législatives. Notre pays est le seul qui réplique aux mouvements spontanés et émotionnels de l'opinion par la modification immédiate de la loi. Cependant, une gestion précipitée, qui fait de l'entreprise un enjeu politique constant, n'est pas compatible avec le maintien du projet entrepreneurial dans notre pays. C'est d'autant plus vrai que le cas est aussi unique en Europe et que ces initiatives législatives sont prises dans l'ignorance complète des partenaires sociaux qui ne sont pas consultés. Notre indignation à cet égard est connue, elle est partagée par nombre de syndicats et elle est significative de l'absence de ce partenariat entre ceux qui légifèrent et administrent notre pays et ceux qui, salariés et entrepreneurs, produisent la richesse nationale.

Cette absence de partenariat est une des faiblesses majeures de la France dans la compétition européenne et mondiale. Je la crois d'ailleurs unique au monde puisque partout ailleurs on recherche, dans la confiance et non dans la défiance et l'ignorance des partenaires sociaux, à se concerter sur des solutions efficaces.

Emotion, manifestation, pétition, télévision, réglementation, législation, ce cycle accéléré déstabilise l'entreprise. Cela se traduira par moins de créations d'entreprises, moins de développement, moins d'embauches, plus de projets à l'étranger. À vouloir imposer à l'entreprise l'improvisation dictée par les aléas des affrontements politiques, on met en place, à l'heure de l'euro et de l'Internet, le scénario du déclin économique de notre pays. Le MEDEF vous le dit solennellement, et ce n'est pas le chiffre des investissements étrangers en France et français à l'étranger qui le démentira. Pour l'année 2000, pour les investissements étrangers en France, dont on se satisfait, on feint d'ignorer l'importance des investissements français à l'étranger. La différence nette entre les deux mouvements est, en 2000, de 900 milliards de francs, 12 % du PIB. C'est un doublement par rapport à 1999. Pas à pas s'organise, sans que nous nous en doutions, un mouvement de décapitalisation de notre pays. Au mouvement naturel de la division du travail qui conduit des pays à main-d'oeuvre chère à transférer la manufacture, on ajoute la mise en place progressive de conditions telles, que l'envie d'entreprendre s'atténue dans notre pays. Dans ces conditions, nous ne donnons pas cher de la croissance et de l'emploi en France dans les dix ans qui viennent.

Nous appelons fortement à la prise de conscience et au sursaut. J'y ajoute les données démographiques qui rendront moins sensible la baisse de l'emploi provoquée par cette décapitalisation, mais créeront des problèmes inextricables pour le financement de nos régimes sociaux. Au lieu de chercher à figer par la contrainte de la loi des situations compromises et vouées à l'échec, il faut organiser et accompagner l'évolution et le changement pour retrouver des opportunités nouvelles pour tous. Cette pédagogie de l'opinion est la tâche essentielle des pouvoirs publics en accompagnement de l'effort des partenaires sociaux.

Il s'agit, tout d'abord, de formation. En effet, chaque entreprise doit être en mesure de faire en permanence l'inventaire des compétences de chaque salarié et de déterminer avec lui des initiatives de formation nécessaire pour assurer le maintien de son employabilité. C'est tout le sens de la négociation engagée dans le cadre de la refondation sociale sur la formation professionnelle. Ensuite, il s'agit du reclassement dans des délais qui le rendent possible. À cet égard, les entreprises comprennent parfaitement qu'on leur demande de respecter délais et procédures. Enfin, il s'agit de dynamiser l'assurance-chômage qui se met en place en cas de licenciement ; c'est tout le sens de la mise en place de la réforme de cette assurance chômage conduite dans le cadre de la refondation sociale avec le syndicalisme réformateur, la mise en place du PARE qui individualise la recherche active d'emploi.

Organiser l'adaptation des salariés aux métiers qui se développent, aux activités nouvelles, favoriser leur mobilité, renforcer leur employabilité, c'est dans cette direction que tous les efforts doivent être faits contrairement aux réflexes négatifs du type de la loi dite de modernisation sociale qui vont à l'encontre de l'emploi et de la croissance.

Sur le fond, l'ensemble du dispositif adopté va complètement bouleverser les procédures de licenciements. On oublie souvent que les règles actuelles sur les licenciements économiques sont issues d'un accord interprofessionnel de 1969 sur la sécurité de l'emploi, modifié à plusieurs reprises par les partenaires sociaux ou avec leur accord et auquel on doit dès l'origine l'instauration de délais destinés à permettre une concertation correcte et la mise en place de plans sociaux. Il s'est toujours agi de concilier des impératifs économiques et la protection des salariés en rompant totalement cet équilibre et en rendant à l'avenir les licenciements économiques particulièrement difficiles voire impossibles. Ces nouvelles dispositions vont donc jouer contre l'emploi.

Je voudrais attirer votre attention sur les points suivants. En ce qui concerne l'article 31, encore appelé amendement Michelin, qui oblige l'entreprise à réduire sa durée du travail à 35 heures ou à défaut à engager des négociations sur ce thème préalablement à l'établissement de tout plan social. Si cette condition n'est pas remplie, le comité d'entreprise peut demander au juge des référés de suspendre la procédure de licenciement jusqu'à ce qu'elle le soit. Il s'agit toujours de la même croyance selon laquelle on peut créer ou préserver les emplois en réduisant la durée du travail. Nous estimons qu'il faut être singulièrement aveugle pour imaginer éviter des licenciements en augmentant le coût du travail (maintien des salaires, coût de réorganisation, etc ). Alors que la réduction de la durée du travail faisait déjà légalement partie des mesures qui devaient être envisagées dans le plan social, ce nouveau dispositif, situé en amont du plan social, va permettre toutes les manoeuvres dilatoires pendant les négociations et ensuite devant le juge pour retarder les licenciements, ce qui ne fera qu'aggraver la situation de l'entreprise.

Pour l'article 32, dont le Sénat d'ailleurs a très largement amélioré la rédaction en première lecture, qui prévoit que le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique sur la stratégie de l'entreprise susceptible d'affecter les conditions de travail ou l'emploi qu'après avoir informé le comité d'entreprise, laisse entièrement subsister l'incompatibilité, déjà soulignée dans un rapport de la COB, entre notre droit boursier et notre droit social. Il expose le chef d'entreprise au délit d'initié ou au délit d'entrave.

L'article 33 bis , qui supprime la possibilité de prendre en compte les qualités professionnelles des intéressés pour déterminer l'ordre des licenciements, obligera l'employeur à se priver de salariés jugés performants et essentiels pour la conduite de l'entreprise et son redressement.

Les articles 32 A, 32 bis , 32 quater , sont particulièrement inquiétants. Alors que jusqu'à présent les consultations du comité d'entreprise sur les éléments économiques justifiant la restructuration et les consultations sur le plan social devaient être conduites concomitamment, elles devront désormais l'être successivement. Ceci allongera les délais. Cependant, la loi introduit surtout un droit d'opposition du comité d'entreprise qui s'exerce au cours de la première phase de la consultation, sur la nécessité de la restructuration. Ce droit d'opposition induit le recours à un médiateur. Celui-ci, dont on ignore qui il sera, devrait disposer d'un mois pour remplir sa mission, d'où un nouvel allongement des délais d'au moins deux mois. Cet allongement s'ajoute à celui résultant de la négociation préalable sur les 35 heures et de l'organisation en deux temps de la consultation du comité d'entreprise. On y ajoutera les délais résultant d'une part de l'obligation de consulter les organes dirigeants de l'entreprise, etc. C'est au strict minimum un allongement des délais de trois mois qui en résultera et qui devient inchiffrable si ces diverses étapes de la procédure sont entrecoupées, comme on peut s'y attendre, par des procédures judiciaires en elles-mêmes dilatoires.

La nouvelle définition des licenciements économiques de l'article 33 A, est stupéfiante. Elle traduit cette volonté d'interdire à toute entreprise qui a des résultats positifs de se restructurer. On connaît le conflit politique qui s'est traduit par de nombreux amendements qui accompagnent aujourd'hui la loi et qui, en réalité, alors que certains voulaient interdire les licenciements si l'entreprise fait des profits, conduit à quelque chose de semblable.

Quant à l'obligation de réintégrer les salariés dans l'entreprise, article 34 A, si la procédure de licenciement a été déclarée nulle, par un juge, on mesure son caractère irréaliste. En effet, comment fera-t-on si l'entreprise a supprimé les activités concernées ?

En résumé, ces dispositions laissent le chef d'entreprise entre le juge, l'inspecteur du travail, le médiateur, le comité d'entreprise, les experts, les syndicats et nous estimons que cela rendra les procédures longues, complexes et coûteuses et entraînera une dégradation du climat de l'entreprise. Elles compromettront les possibilités de redressement de l'entreprise qui doit, parce qu'elle rencontre des difficultés, se restructurer. De plus, elles rendront l'adaptation dans la plupart des cas impossible. Si on voulait faire en sorte qu'il y ait moins d'entreprises en France, moins de développement d'entreprises, plus d'initiatives à l'étranger, on n'agirait pas différemment.

M. Jean DELANEAU, président - Merci monsieur le président.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Est-ce que le MEDEF a été consulté sur le droit de licenciement, sur tout ce qui a été ajouté avant la deuxième lecture au Sénat ?

Je voudrais avoir votre avis sur le fait que de nombreuses personnes autorisées, en particulier Laurent Fabius, ont considéré que les dispositions adoptées pouvaient constituer une menace pour l'emploi et dissuader les embauches. Partagez-vous cette inquiétude ?

La nouvelle rédaction de l'article L 321-1 qui définit le licenciement pour motif économique apparaît très restrictive. La suppression du « notamment », la restriction des critères relatifs aux difficultés économiques et aux mutations technologiques, ainsi que la mention d'un troisième critère ayant trait à la sauvegarde de l'entreprise, ne risquent-ils pas de rendre cette définition inapplicable et, ce faisant, de nuire aux relations sociales dans l'entreprise ?

Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de s'inspirer davantage de la jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît comme motif de licenciement économique les « réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise » ?

De nombreux pays européens privilégient la négociation collective par rapport à la loi, celle-ci n'intervenant qu'en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux. Pensez-vous que les partenaires sociaux auraient été à même d'aboutir à un accord sur une réforme du droit du licenciement, si le Gouvernement leur en avait reconnu la possibilité à travers, par exemple, un « droit de saisine », les termes de cet accord étant repris par la loi ? Ou bien considérez-vous que le recours à la loi constitue la seule voie possible pour moderniser notre législation ?

Imaginons que le Gouvernement souhaite faire une pause de six mois concernant ce texte. Est-ce que le MEDEF est prêt à ouvrir une négociation sur le droit de licenciement pour adapter le droit de licenciement ?

M. Ernest-Antoine SEILLIERE - Je remercie monsieur Gournac pour ces questions. Nous n'avons pas été consultés. Nous avons été laissés dans l'ignorance totale du projet de loi et des amendements. Personne ne s'est retourné vers moi ou aucun de mes collaborateurs au MEDEF pour lui demander son sentiment sur cette affaire qui a été menée entièrement dans l'ignorance de l'organisation qui représente une partie essentielle des entreprises de notre pays. C'est unique en Europe voire peut-être même au monde. C'est incompréhensible.

Votre seconde question, porte sur le fait que nous estimons que le durcissement des conditions dans lesquelles on peut restructurer les entreprises dans notre pays conduira à moins d'embauches, moins de créations d'entreprises, plus de créations d'entreprises françaises à l'étranger, et je reviens là sur le chiffre de 900 milliards de francs net de décapitalisation française au profit de l'étranger en 2000.

En ce qui concerne la question du recours à la loi, tout notre effort dit de refondation sociale -et nous avons à cet égard une négociation en cours avec nos partenaires syndicaux- est d'essayer d'identifier une règle du jeu dans laquelle le législateur se réserverait de fixer les principes puis déléguerait aux partenaires sociaux le soin de l'appliquer ou de prendre l'initiative dans des domaines jugés devoir être adaptés. Nous pensons que la démocratie sociale doit avoir un domaine autonome défini par le législateur. Dans ce contexte, vous nous demandez si nous accepterions d'ouvrir une discussion sur la loi de licenciement au cas où le législateur déléguerait pendant une période de temps. À l'évidence oui, puisque c'est le sens de toute notre démarche. Nous souhaitons que tous les problèmes sociaux puissent être approchés, négociés et discutés dans le cadre de la négociation sociale. Nous ne cachons pas d'ailleurs que nous souhaitons une nouvelle hiérarchie des initiatives dans ce domaine. Il ne nous paraît pas à cet égard que l'interprofessionnel soit nécessairement la règle du jeu unique. Au contraire, nous souhaiterions que l'entreprise, la branche et l'inter-professionnel puissent être saisis tour à tour de façon à ce que la diversité puisse être prise en compte par les textes.

M. Jean CHERIOUX - Je partage les points de vue de mon collègue Gournac et certaines appréciations que vous portez sur les textes qui vous sont proposés, mais je suis choqué par votre introduction. Certes nous sommes venus pour vous entendre sur ce texte, mais pas pour entendre un procès fait aux responsables politiques, même si je sais bien qu'ils ne réagissent pas toujours intelligemment. Toutefois, je pense que le Sénat, et en particulier cette commission, ne méritaient pas cette introduction. Au sein du Sénat, il y a des gens qui savent réfléchir, qui connaissent les problèmes économiques d'autant plus que certains ont été chefs d'entreprises.

Cela dit, il y a eu une grande émotion puisque le débat a débuté à la suite des derniers trains de licenciements. En réalité, le problème n'est pas celui des entreprises qui sont en grande difficulté ni celui du fait que ces plans sociaux ont sensibilisé l'opinion, mais celui de la situation de compétition des entreprises qui ont été obligées de faire face à la concurrence extérieure. Toutefois, il s'est produit une dérive sur le plan de l'interprétation, dans la mesure où ces licenciements ont été qualifiés de « licenciements boursiers ». Je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas attendre qu'il soit trop tard pour faire des licenciements. Le chef d'entreprise a pour devoir d'assurer la pérennité de son entreprise. Le seul problème est de considérer que l'essentiel est le retour sur capital et la rentabilité financière.

M. Roland MUZEAU - A vous entendre, les entreprises ont toujours raison alors que les syndicats et salariés ne sont pas aptes à comprendre l'évolution économique. Comment croire alors que le dialogue social a une place ? La question de la place de la loi et de la négociation est pour nous très importante. Nous considérons que l'Etat est garant de l'intérêt général et quand il faut légiférer pour défendre cet intérêt face aux intérêts particuliers, nous devons le faire.

Quelle est votre position sur la place de la loi et celle de la négociation ?

M. Gilbert CHABROUX - Je partage la réaction de Jean Chérioux.

C'est un sujet douloureux et nous le savons tous. Vous dites que cela ressemble à la maladie et que c'est un problème de santé, mais je ne pense pas que ce soit comparable. En effet, des entreprises mettent en place des plans sociaux alors qu'elles ne sont pas malades et certaines disent qu'elles pourraient devenir malades sans que nous en sachions quoi que ce soit. Elles font des bénéfices importants et veulent en faire encore plus ; elles disent que dans cinq ans elles ne pourront pas garantir cette marge de bénéfice d'où leurs anticipations. La comparaison avec la maladie est malsaine.

Vous dites que certaines personnes s'emploient à faire de l'entreprise un enjeu politique constant, qu'il y a une absence de partenariat, que c'est une faiblesse majeure de la France et que nous mettons en scène le scénario du déclin économique de la France. Par rapport au partenariat et au rôle que, nous, les responsables politiques, pouvons jouer parfois, je voudrais poser la question des fonds publics. En effet, pourriez-vous nous donner l'importance de ces fonds versés par l'Etat ? N'avons-nous pas un droit de vérification et de contrôle de ceux-ci ?

S'il y a des problèmes économiques, ce sont les responsables politiques qui sont jugés, les reproches sont faits au Gouvernement, alors pourquoi les politiques n'interviendraient-ils pas si les problèmes sont politiques ?

M. Guy FISCHER - Sans douter du contenu de vos propos, vous ne nous avez pas surpris. En revanche, compte tenu des plans sociaux tels qu'ils sont annoncés, de l'ampleur qu'ils semblent devoir prendre, Alcatel annonce qu'elle va se défaire de 90 % de ses sites, je crois que nous n'étions pas préparés à l'entreprise virtuelle ni à des recentrages sur les métiers aussi rapides en faisant appel à des fonds asiatiques, que ce soit pour Philips ou Alcatel. Je serais tenté de dire que sous le Gouvernement Jospin, si nous avions à vérifier les investissements des fonds publics, je crois que l'on n'a jamais autant donné à l'entreprise. Son environnement, par la volonté politique n'a jamais été aussi présent. En France, on considère qu'entre 400 et 800 milliards de francs vont, soit par aides directes de l'Etat soit par aides indirectes des collectivités locales, à l'entreprise.

De plus, vous venez de réaffirmer que le droit boursier primait sur le droit social. Vous comprendrez donc que nos avis ne puissent se rapprocher. Comment donner aux salariés et aux partenaires sociaux la place légitime pour fonder un dialogue social dans l'intérêt de la nation ? Aujourd'hui, sur des sujets très douloureux, vous dites qu'on ne peut pas envisager les dix ans à venir et vous avez une vision catastrophique de la situation. Dans ces conditions, comment donner un sens au dialogue social sur des problèmes aussi douloureux que les plans sociaux ?

M. Philippe NOGRIX - Je crois que vous avez bien fait de nous rappeler que la société dans laquelle nous vivons, est sensible aux chocs événementiels. Il est vrai que nous avons beaucoup plus parlé des plans sociaux en pointant le doigt vers les entreprises que de la création des emplois que le Gouvernement s'appropriait.

Je n'ai pas compris que dans la balance entre le dynamisme des entreprises et le catastrophisme par rapport à l'avenir, vous ayez plutôt penché vers le catastrophisme. Je suis pourtant persuadé que nos entreprises ont encore une réserve de dynamisme qui va leur permettre de rebondir sur les obligations qu'on leur fixe.

Il est également important de faire une analyse prospective afin d'agir le plus en amont possible. En outre, nous sommes tous persuadés que le rôle de la formation est primordial. Vous avez parlé de l'employabilité et je crois que, de fait, nous aurions, les uns et les autres, intérêt à beaucoup travailler sur ce thème.

Actuellement, nous disons que les plans sociaux résultent essentiellement de l'évolution du marché. J'aimerais connaître votre point de vue sur l'influence des 35 heures sur la disparition des emplois actuels. Les plans sociaux ne seraient-ils pas là pour préserver la mise en place des 35 heures ?

Par ailleurs, j'essaie toujours de respecter l'équilibre entre l'utilisation des fonds publics et les prélèvements fiscaux car si on estime avoir un droit de regard sur l'utilisation par l'entreprise des fonds publics, je pense que l'entreprise a aussi le droit d'avoir ce même droit sur la préparation des textes législatifs qui vont régir sa façon de travailler.

Je pense que nous devrions être modestes, nous les politiques, sur l'utilisation des fonds publics, car quand nous avons besoin d'argent, les gouvernements savent privatiser.

Pour moi, le partenariat nécessite quatre choses : une volonté d'écoute sans laquelle il ne peut commencer, une confiance sans laquelle il n'y aura pas d'écoute, un respect les uns des autres et enfin un droit de regard et une évaluation de ce qui a été décidé entre partenaires. Voilà ce que j'attends des rapports sociaux entre les entreprises et les salariés.

M. Ernest-Antoine SEILLIERE - Monsieur Chérioux, vous indiquez que nous avons pensé que l'improvisation législative dans ce domaine répondait à l'émotion de l'opinion et qu'il aurait peut-être mieux valu attendre. Je ne voulais pas être critique vis-à-vis du monde politique. Le MEDEF n'a pas d'autres moyens que de présenter des analyses assises sur le fait qu'il est mandaté par les entrepreneurs. Nous n'avons aucun autre pouvoir que celui de la parole. Par conséquent, si nos propos sont considérés comme inacceptables et irrespectueux, comment allons-nous faire pour exister ?

Vous avez également évoqué la question des licenciements boursiers. Nous ne sommes pas capables de donner un seuil de degré de profitabilité permettant de dire s'il faut ou non restructurer l'entreprise. Nous ne savons pas le faire. Dès lors nous ne pensons pas que le législateur puisse s'engager dans cette voie. En effet, la grande diversité des situations fait qu'il faut laisser à l'entrepreneur le soin d'apprécier la nécessité d'une éventuelle restructuration. L'entrepreneur est comptable vis-à-vis de ses clients et de ses salariés. Le procès qui est fait à l'entrepreneur d'obéir aux seuls actionnaires, est un procès d'intention.

M. Jean CHERIOUX - C'est ce que je voulais vous faire dire. J'aurais voulu que vous insistiez sur les nécessités du marché, c'est-à-dire sur la défense des parts de marché. Vous n'avez pas réagi suffisamment sur le procès que l'on vous faisait sur le seul souci de faire gagner de l'argent au marché.

M. Ernest-Antoine SEILLIERE - Nous représentons environ 700.000 entreprises sur les 1.200.000 qui existent et il n'y a guère que 1.500 à 2.000 entreprises cotées qui obéissent au marché. Toutes les autres obéissent à la survie de l'ensemble formé par les salariés, les clients et les actionnaires. Quand on fait un procès aux entreprises, on le fait souvent aux multinationales qui ont des établissements chez nous, qui obéissent aux lois du marché mondial et qui ne sont pas représentatives de ce qu'est l'entreprise. Nous avons beaucoup de mal à nous dégager de la critique faite à de très grands acteurs mondiaux.

M. Jean CHERIOUX - Ce n'est pas la question que je vous posais. Je voulais juste que vous fassiez une mise au point indiquant que votre priorité est de permettre aux entreprises de subsister en se projetant sur l'évolution du marché, et non uniquement sur des préoccupations d'ordre boursier.

M. Ernest-Antoine SEILLIERE - Il faut bien comprendre que, dans le droit français, le rôle de l'entrepreneur est de respecter la survie de la personne morale et celle-ci est un ensemble regroupant les salariés, les actionnaires et les clients. Au contraire, dans le droit anglo-saxon, le seul objet de l'entreprise est de faire gagner de l'argent aux actionnaires.

Monsieur Muzeau, vous avez repris la question de la place de la loi et de la négociation. Nous pensons que le domaine de la loi a envahi l'organisation et la vie de l'entreprise. Nous croyons aussi que dans la psychologie politique française, la loi est toujours jugée comme devant être là pour protéger le salarié contre les abus possibles de l'entrepreneur. Il existe sûrement des abus, mais, dans la majorité des cas, l'entrepreneur sait qu'il ne peut réussir qu'avec l'appui et le concours de ses salariés, dans un climat social qui rend possible le développement d'un projet commun. Quand on soumet à l'intervention de la loi le détail de la vie de l'entreprise, en prenant comme prétexte les abus possibles, on rend la vie de l'entrepreneur plus difficile. Le problème de l'entrepreneur aujourd'hui est de retenir les compétences, de les utiliser et de les former.

Monsieur Chabroux, le MEDEF n'a jamais demandé une subvention. Nous demandons juste un allégement des charges et ce n'est pas demander une subvention que de rendre à l'entreprise le trop perçu. Quand nous pouvons faire baisser les cotisations parce qu'un risque social est mieux géré, nous considérons qu'il s'agit d'un retour de charges prélevées sur l'entreprise. Quant aux subventions que les collectivités locales mettent à disposition des entreprises, c'est pour appeler celles-ci. Nous ne demandons pas que l'entreprise soit subventionnée mais simplement qu'on ne lui prenne pas plus que ce qu'on lui prend ailleurs.

Vous jugez que la comparaison avec la maladie est excessive et j'en conviens volontiers. Cela dit, la prévention existe et c'est en faisant à temps les examens que l'on peut éviter le déclenchement de la maladie. Pour l'entreprise, certaines font de la prévention par une gestion fine des problèmes sociaux, qui fait que les plans sociaux n'apparaissent pas. On peut reconnaître que, lorsqu'apparaît un plan social, c'est que l'on n'a pas voulu ou pu ou osé prévenir à temps. La diversité est tellement vaste qu'il est difficile de vouloir imposer des comportements.

Monsieur Fischer, vous dites que l'on n'a jamais autant donné à l'entreprise. Nous souhaitons que l'on donne moins à l'entreprise, qu'on lui prenne moins et que le système soit neutre. Nous n'aimons pas l'idée qu'ayant pris beaucoup à l'entreprise, on sélectionne et on complique à l'extrême les conditions dans lesquelles on lui fait rendre.

Quant au dynamisme et au catastrophisme, je ne penche pas vers le catastrophisme. Le MEDEF essaie d'être actif et est parfois excessif dans sa dénonciation des travers car il a la conviction qu'il est encore temps de le faire. Si on voulait bien donner à l'égard de l'entreprise des signaux de compréhension de la situation que nous pensons être les bons, il n'y a aucune raison pour que nous ne rebondissions pas dans le bon sens. Si après la loi de modernisation sociale, après les lois sur les 35 heures, l'on met à nouveau en place une législation sociale, alors dans dix ans, notre PIB se développera beaucoup moins qu'ailleurs et on ne créera plus d'emplois dans notre pays ou beaucoup moins qu'ailleurs en Europe. L'attitude actuelle des entrepreneurs, consiste à avoir l'esprit ailleurs, à cause de la persistance avec laquelle l'opinion a mis en accusation l'entreprise. S'il n'y a pas un sursaut de conscience de l'attractivité de notre espace économique, dans les dix ans à venir la situation française se sera dégradée par rapport à celle des autres pays européens.

Vous avez mis en place l'euro, les politiques de gauche ou de droite l'ont voulu et l'on ne peut pas revenir dessus. Par ailleurs, vous ne pouvez rien face à l'essor d'Internet. Or le couple euro-Internet crée une situation d'ouverture pour l'entreprise telle que si vous n'avez pas conscience du danger qui frappe notre activité et notre espace économique, ce que je viens de décrire se fera et nous en serons bouleversés.

M. Jean DELANEAU, président - Merci.

C. AUDITION DE M. MARC BLONDEL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET DE M. JEAN-CLAUDE QUENTIN, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL-FORCE OUVRIÈRE (CGT-FO)

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur le secrétaire général, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de la commission des Affaires sociales qui a souhaité entendre les partenaires sociaux à propos d'un certain nombre d'articles qui ont été rajoutés au projet de loi de modernisation sociale concernant les licenciements collectifs. Nous avons donc souhaité connaître votre avis sur ces quelque 24 articles.

Je note également que, dans votre communiqué du 13 juin, vous considériez qu'il était plus que regrettable que les relations politiques se soient substituées aux relations sociales.

Je voudrais dans un premier temps que vous me donniez votre opinion globale sur l'ensemble de ces textes et ensuite le rapporteur et les autres commissaires ouvriront un dialogue avec vous.

M. Marc BLONDEL - Monsieur le président, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir pris l'initiative de nous recevoir. Cela fait partie, en démocratie, de ce qui me semble être opportun, à savoir qu'il y ait des consultations. Nous sommes des vecteurs de pensée et les représentants des intérêts des salariés. Il est donc normal que les élus du peuple nous consultent de temps en temps, ce qui ne veut pas dire que nous ayons toujours raison. Si j'insiste sur ce point, c'est parce que l'initiation de cette loi et le déroulement de ce texte ont donné lieu à des perturbations un peu inhabituelles avec des renvois, des interventions directes, qui ont pu donner l'impression que les organisations syndicales ont été plus ou moins écartées.

C'est à la fois vrai et faux. Il y a eu des discussions entre les organisations syndicales et le Gouvernement, et plus particulièrement le ministre des Affaires sociales, pour déterminer comment nous pourrions aider à la mise en place d'un système accordant plus de garanties aux salariés en matière de licenciements collectifs pour motif économique. Ce qui s'est passé, c'est que, d'une part, il y a eu des élections qui n'ont pas donné les résultats escomptés par certains, et que, d'autre part, plusieurs annonces de licenciements collectifs ont été faites dans un court laps de temps. Cela est arrivé dans d'autres périodes. Je me souviens en effet, de la semaine appelée « semaine noire » sous le gouvernement Balladur, pendant laquelle entre 27.000 et 29.000 licenciements étaient envisagés. Et je fais volontairement la jonction entre les municipales et les annonces de licenciements. Marks & Spencer et Danone sont devenus les symboles des choses affreuses que pouvaient faire les patrons.

Dès lors, les discussions avec les organisations syndicales n'ont plus pris l'allure des consultations, mais elles ont été « endiablées » par l'activité politique. Je ne juge pas de l'opportunité, chacun est libre de se comporter comme il l'entend. Toutefois, l'annonce des licenciements a changé la face des choses et nous sommes passés joyeusement à l'action, Marks & Spencer et Danone étant pour nous l'aspect symbolique des choses. Cela m'a même valu de défiler sous la pluie en Angleterre devant chez Marks & Spencer et de hurler des atrocités aux financiers de cette entreprise.

Si j'insiste sur ce point, c'est pour vous dire que Marks & Spencer est un mauvais exemple. En effet, ce problème ne peut être résolu en France, la solution est européenne. Quelles que soient les dispositions françaises, comme c'est une multinationale, seul un texte européen peut nous donner satisfaction. C'est le vieux texte que l'on appelait la directive Redling sur la consultation et l'information des entreprises en cas de licenciement. Il faut que vous sachiez qu'au Royaume-Uni il n'y a pas de structures de consultation comme les comités d'entreprise. Nous voulons obtenir au niveau européen, une instance à peu près équivalente au comité d'entreprise, au conseil d'entreprise, aux formules co-gestionnaires allemandes, pour qu'enfin les salariés ne soient plus considérés comme des marchandises. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis.

En ce qui concerne Danone, Franck Riboud annonce en septembre qu'il va licencier et au moment de le faire, il annonce un nombre de licenciements moins élevé que prévu, en tenant compte des réactions, et essaie d'utiliser au maximum les textes actuels. J'ai en main le projet de M. Riboud concernant le plan social et l'on peut dire qu'il a fait des efforts non négligeables.

Tout cela conduit à un certain réalisme qui est peut-être le raisonnement de fond de mon propos. Nous vivons dans un régime capitaliste. Dès lors, je ne vois pas comment on peut assumer l'emploi à vie de tous. Mais ne me faites pas dire que je suis pour l'emploi à vie de tous, que je suis pour l'Union soviétique et que le jour où l'on ne travaille plus on devient hooligans . Dans une société capitaliste, il n'y a pas de possibilité d'empêcher une entreprise de respirer. Les entreprises réagissent aux lois du marché et du profit. Sur la réaction aux lois du marché, nous ne pouvons rien. Quant aux réactions aux profits, elles sont discutables. Est-ce de la spéculation ou des profits ? Est-ce que Marks & Spencer ferme son magasin boulevard Haussmann pour revendre ses locaux, gagnant ainsi de l'argent par spéculation immobilière, ou est-ce que, sur le plan du commerce, en général, il n'atteignait pas ses objectifs ?

Le véritable problème est celui-là. Une autre possibilité est de faire la révolution et de nationaliser toutes les entreprises. Dans ce cas, aurons-nous les garanties de l'emploi ? Peut-être sur le plan national, mais pas forcément, puisqu'il peut y avoir un retournement de marché. Prenons l'exemple de Renault Vilvoorde.

On peut enfin s'étonner du fait que des hommes politiques se soient d'un seul coup émus à un point tel qu'ils ont compris qu'ils n'étaient pas dans un régime collectiviste. Pardonnez-moi, mais cela fait un moment que je le savais. C'est bien pour cela qu'il faut des syndicats comme rapport de force dans l'entreprise afin d'empêcher le patron, au moindre aléa ou désir, de décider des licenciements.

C'est une société qui vit et qui respire, ce sont là des tensions naturelles. J'irais même jusqu'à dire que c'est la lutte des classes. Dès lors, je limite grandement les possibilités d'intervention étatique même si je pense qu'elle est plus que nécessaire. En effet, Marks & Spencer et Danone ne font pas partie des préoccupations gouvernementales premières. En revanche, le Gouvernement devrait être davantage préoccupé quand les licenciements sont annoncés à Calais, à Ris-Orangis, chez Valéo à Cahors ou encore chez Moulinex au Mans et à Alençon, c'est-à-dire lorsque toute une série de petites ou moyennes entreprises industrielles ferment. Cette situation résulte de la concentration capitalistique. Celle-ci risque d'entraîner des désertifications départementales. Valéo à Cahors emploie 320 salariés. C'est la deuxième entreprise industrielle du département du Lot. Si on ferme l'établissement, c'est une catastrophe. Il en est de même pour Moulinex au Mans ou à Alençon. Je prends un exemple virtuel, celui de mon grand-père qui aurait 94 ans. Il habitait Le Mans et ne conduisait plus. S'il voulait se rendre à Alençon aujourd'hui, il aurait besoin d'un réseau ferré. Or la meilleure garantie d'avoir encore un réseau ferré qui relie Le Mans à Alençon, c'est d'avoir deux usines.

Ce que je réponds un peu brutalement au Premier Ministre quand il dit que l'on ne peut rien face au marché, c'est qu'il faut intervenir. Pour cela, il faut relancer l'aménagement du territoire et le CIRI. Le cas échéant, je serais favorable à une taxe sur les profits non réinvestis, qui servirait à créer un fonds de ré-industrialisation. Un exemple illustre cette idée, celui d'EADS à Toulouse. Cette entreprise va, à terme, avoir l'obligation de faire appel à des entreprises sous-traitantes dans la région. Tout le monde ne devrait-il pas concourir à ce que cette sous-traitance soit placée à Cahors pour « réparer » les dégâts causés par la fermeture de Valéo ? Il y a un travail à faire, que nous avons négligé parce qu'on a laissé faire le marché sans intervention étatique. Ce genre d'action me paraît plus efficace que les grands débats théoriques.

Je ne suis pas contrarié par le fait que la loi ne soit pas applicable rapidement, parce que pour nous elle n'avait rien de révolutionnaire. En effet, dans le fond, on ne voit pas ce que l'on pourrait faire de révolutionnaire si ce n'est revenir à l'autorisation administrative de licenciements. C'est toutefois tout à fait autre chose si on revient dans un contexte dirigiste ou si c'est la volonté politique.

Le sentiment que nous avons eu avec l'agitation politique, due au fait que, les unes derrière les autres, les entreprises font des annonces de licenciements, c'est d'avoir un peu perdu la main dans les relations que nous avions avec le ministre sur cette question.

Nous donner les moyens de définir si le licenciement est économique ou spéculatif nous aiderait. Toutefois, à 50 % les plans sociaux ne sont pas réalisés y compris pour une entreprise aussi importante qu'Alstom. En effet, lors de son dernier plan social, 1.200 personnes licenciées devaient être reclassées, mais pour 600 d'entre elles, les engagements n'ont pas été tenus. Or, je rappelle que généralement les plans sociaux se font avec le concours et la mobilisation de nombreux paramètres y compris l'argent public. Il faut donc donner les moyens de remettre tout en cause par la mise en place de commissions de suivi internes à l'entreprise et par la possibilité d'intervention et de sanction pour l'administration.

Sur la taxation concernant les profits non-réinvestis, nous avons fait une étude macro-économique rudimentaire.

Voilà, monsieur le président, en résumé, le contexte et la façon dont nous avons réagi dans cette affaire.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Merci. Je vais vous poser quelques questions comme je l'ai fait pour les autres partenaires sociaux que nous avons reçus.

Est-ce que FO a été consulté sur les ajouts réalisés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture ?

M. Marc BLONDEL - Puis-je me permettre de reformuler votre question ?

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Oui, bien sûr.

M. Marc BLONDEL - N'êtes-vous publiquement pas en train d'essayer de savoir si j'ai fait partie, directement ou indirectement, des tractations de la gauche plurielle ?

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Non. J'aimerais savoir précisément si l'avis de FO a été demandé suite aux dispositions ajoutées, comme l'ont demandé nos collègues communistes de l'Assemblée nationale.

M. Marc BLONDEL - Nous avons été informés de façon informelle des discussions. Les rapports étaient essentiellement téléphoniques et il n'y a pas eu d'entretien. Il nous a semblé que quelque chose n'allait pas dans la mesure où le parti communiste et d'autres ont organisé une manifestation bien que le parti communiste ait participé à une tractation interne à la majorité.

On parlait à l'époque d'accroître le pouvoir des administrateurs dans les conseils d'administration ou les conseils de surveillance. Cela nous est complètement égal car on ne peut pas avoir une société mixte dans laquelle il y aurait à la fois les salariés et les patrons. Soit les salariés sont majoritaires au conseil d'administration et ils voteront alors pour un président qui ne licenciera pas, soit ils ne le sont pas et quand il y aura une décision, l'administrateur des salariés s'effacera de façon à ne pas se faire désavouer par ses camarades. Il est stupide de croire le contraire, et certaines expériences le prouvent, le meilleur exemple étant celui de la co-gestion allemande de Volkswagen. En effet, le vice-président de l'organisation de la métallurgie allemande a été désavoué par ses camarades lors de l'annonce de 5.000 licenciements.

Arrêtons ce genre de démagogie qui ne signifie rien en réalité. Mon prédécesseur disait qu'il vaut mieux être gouvernant que gouverné. Il faut croire que cette formule n'est pas si mauvaise. La relation serait plus saine si elle prenait en compte la compétence du comité d'entreprise, les délégués au comité d'entreprise, les organisations syndicales et le dialogue social, plutôt que de laisser croire que c'est à l'intérieur du conseil d'administration ou du conseil de surveillance que des éléments de force s'établiront, ou alors les entreprises ne sont plus des entreprises capitalistes.

Je crois que la formule trouvée in fine est le médiateur.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Oui et je voulais justement vous poser la question suivante. Que pensez-vous du recours au médiateur « lorsqu'il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l'employeur et les propositions alternatives présentées par les comités d'entreprise » ?

M. Marc BLONDEL - Je voudrais bien connaître cet homme merveilleux qui sera le médiateur. L'une des objections que l'on faisait à l'autorisation administrative de licenciement était que les inspecteurs du travail n'avaient guère de compétences pour juger de l'opportunité du mode de fonctionnement d'une entreprise. En effet, ce n'est pas leur travail, cela relève plus de juristes du travail.

Le médiateur aurait-il cette qualité ? Qui sera le médiateur ?

Je m'interroge parce qu'aux Etats-Unis la loi sur la négociation collective se fait par l'intermédiaire de médiateurs qui sont indépendants. Quand il y négociation sans solution, les syndicats ou les employeurs se tournent vers ce médiateur qui demande une caution. Quand la médiation est rendue, elle est applicable et les grèves deviennent illégales, c'est-à-dire que le contentieux s'éteint. Excusez-moi, mais je ne veux pas entrer dans une telle société.

Essayons de dire franchement les choses. Dans une société démocratique, nous défendons, les uns et les autres, des intérêts qui sont parfois divergents voire opposés. Le problème est de savoir comment dépasser cela, et je crois que la négociation collective est le meilleur moyen. Il faudrait pouvoir négocier et obtenir des rapports qui soient stables le plus longtemps possible, parce que cela permet à l'employeur de mieux réfléchir et cela donne une sécurité aux salariés. Quand la situation est plus chaotique, c'est à l'employeur d'essayer de trouver les éléments stabilisateurs, et ce n'est pas en donnant aux salariés une petite partie du pouvoir des employeurs que cela changera. Sinon, nationalisez et que les travailleurs se mettent à gérer leur entreprise. Nous continuerons à faire la grève quand même et les syndicats resteront du côté des travailleurs. Cela sera toujours ainsi puisqu'un contrat de travail implique deux parties.

Monsieur le rapporteur, j'ai l'impression que si les médiateurs existent, on ne fera pas beaucoup appel à eux. La loi du 11 février 1950 prévoyait déjà des médiateurs. Or nous n'y avons que très rarement recours sauf depuis trois à quatre ans. Le recours au médiateur n'est pas en phase avec la réalité et ne règle jamais les problèmes, sauf en cas de conflit ouvert où le médiateur permet de « sortir des dossiers » quand la tension est permanente.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Le choix du médiateur sera fait par le juge d'instance.

M. Marc BLONDEL - C'est là une lourde responsabilité pour lui.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Nous avons entendu des syndicalistes ainsi que le ministre des Finances, Laurent Fabius, qui étaient inquiets quant à la possibilité de dissuasion des embauches qui pourrait être engendrée par ce texte. Quel est votre avis sur ce risque ?

M. Marc BLONDEL - Je ne suis pas du côté des gens qui crient au voleur. Ce texte n'est pas révolutionnaire et je connais suffisamment les employeurs pour savoir qu'ils vont le contourner avec beaucoup d'élégance et parfois même avec la complicité des salariés. Toutefois, le MEDEF affirme sans se cacher qu'il faut que le dialogue social soit le produit du rapport entre les patrons et les syndicats, au point où je leur ai fait le procès de nous emmener au corporatisme. Moi, je suis un républicain, dans un pays de droit et je veux que la loi garde son principe en ce qui concerne l'intérêt général. Je ne veux pas du tout que la loi revienne au corporatisme et j'ai même été un peu brutal en leur disant que cela pouvait conduire au pétainisme et au fascisme.

En d'autres temps, cette loi n'aurait pas posé d'énormes problèmes. Mais la situation est différente aujourd'hui, compte tenu de la position politique du MEDEF. Essayez de vous procurer le texte de M. Riboud concernant son plan social et vous verrez bien qu'il va d'ores et déjà satisfaire les obligations de la loi. De plus, il ne dit pas que cela va l'empêcher d'embaucher et encore mieux, il s'engage même à ne pas faire de délocalisation. Il essaie de faire comprendre que c'est le marché qui l'a contraint à fermer des usines Lu. Il fait des propositions d'emplois dans le groupe, il s'engage à ne pas faire de délocalisation des produits Danone à l'étranger et il propose même de participer à l'aménagement du territoire.

Il est quand même difficile de tenir cette théorie et les entrepreneurs nous disent même parfois qu'ils ne trouvent pas de salariés compétents pour leurs besoins. Auraient-ils déjà peur que ce texte ne les incite pas à embaucher ? Ils ont quand même suffisamment développé la précarité pour pouvoir avoir une marge de manoeuvre.

Le Premier ministre a raison, quand il dit que le nombre de licenciements annuels est passé de 400.000 à 250.000. C'est vrai, mais la différence vient des contrats à durée déterminés qui ne sont pas renouvelés. Dans la gestion d'une entreprise, ils équivalent à des licenciements économiques, avec les indemnités en moins. On démultiplie les CDD pour avoir moins de problèmes.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Oui, mais on a quand même entendu toutes sortes de réactions. En outre, on peut se demander quelle est la cause de l'inquiétude du ministre.

M. Marc BLONDEL - Que M. Fabius s'interroge, c'est son problème. C'est à lui qu'il faut poser cette question. Je ne suis pas sûr qu'il ait raison de s'inquiéter. De plus, les dés sont pipés avec les 35 heures. En effet, la durée légale du travail a toujours été fixée par le législateur aussi bien en 1936 qu'en 1983. Or, à mon avis, le patronat avait obtenu des assurances que cela ne se passerait pas ainsi et pourtant c'est ainsi que les choses se sont passées. Dès lors, les patrons appliquent une restriction totale, ce qui n'arrange pas le dialogue social. Mon organisation a pour principe de négocier au maximum avec les employeurs, ce qui nous place dans une situation particulière. En effet, pour être efficace, je devrais conduire mon organisation au travaillisme en discutant avec une organisation politique. Mais mon organisation est indépendante et doit dialoguer avec les interlocuteurs que sont les patrons. Or, en ce moment, ils se défilent.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Oui, mais on savait très bien que les 35 heures allaient réduire tout cela.

M. Marc BLONDEL - Je revendique haut et fort le fait d'avoir été le premier en février 1995, à demander à M. Gandois de négocier les 35 heures et quand il m'a demandé comment, je lui ai proposé un accord interprofessionnel. Il m'a répondu qu'il n'avait pas le mandat des organisations patronales.

M. Jean DELANEAU, président - Dès 1993, Edouard Balladur avait demandé des discussions.

M. Marc BLONDEL - La question de la réduction du temps de travail est une revendication permanente mais pas essentielle. Les gens veulent toujours travailler moins pour gagner plus. Nous avions lancé cette revendication en février 1995 en allant voir le CNPF. Or nous nous sommes préoccupés de la sécurité sociale, devenue la première préoccupation, en laissant de côté le problème de la durée du travail. Tout le monde a intérêt à se demander comment nous travaillerons dans dix ans et plus.

De plus, je ne suis pas en adéquation avec l'application de cette loi puisque celle-ci ne concerne que sept millions de salariés. Quand je me tourne vers le Gouvernement en lui demandant ce qu'il en est pour ses propres agents, il me répond qu'il ne faut pas créer d'emplois.

À la différence des partis de l'opposition, je ne considérais pas les 35 heures comme une solution au chômage. Les effets de la réduction de la durée du travail ne sont pas toujours identifiables car très variables selon les professions. Si les patrons n'ont pas besoin de salariés supplémentaires, ils ne vont pas embaucher. On a voulu régler tous les problèmes par une loi.

En 1936, Léon Blum a fait passer la loi en trois jours et un an après on avait les décrets d'application selon les secteurs d'activité alors qu'il fallait à tout prix arrêter la grève générale. Cela prouve que les 40 heures ne pouvaient être appliquées à tous. C'est la même chose avec les 35 heures. Si nous avions pu négocier dès 1995, nous aurions pu avoir des applications différentes selon les secteurs. Le grand responsable de cette situation est le CNPF.

M. Jean CHERIOUX - Je voulais féliciter monsieur Blondel pour le réalisme avec lequel il a posé le problème.

Toutefois, comment envisagez-vous de mettre en oeuvre la contrepartie d'une liberté de plans sociaux ? Par exemple, pour Danone, cette contrepartie c'est l'aménagement. Comment envisagez-vous l'aménagement autrement qu'à travers la décision de l'entreprise elle-même ? De plus, en ce qui concerne la taxation des produits non réinvestis, vous admettez quand même une certaine distribution ?

M. Marc BLONDEL - Tout le problème d'une entreprise est de faire des profits et pour moi, le problème est d'en récupérer le plus possible pour ceux que je représente. Je comprends d'ailleurs que le représentant des actionnaires veuille en faire de même.

En ce qui concerne l'aménagement du temps de travail, cela m'ennuie que l'on soit dans l'obligation d'utiliser ce système pour arriver à la négociation des trente-cinq heures. C'est presque l'aveu que ces trente-cinq heures n'ont pas réussi à faire ce que nous souhaitions. Pour les faire passer, on pourra faire un plan social si préalablement il y a eu une négociation sur l'aménagement du temps de travail. J'avoue que cette mesure incitative m'ennuie.

M. Guy FISCHER - Monsieur le secrétaire général, vous avez tenu des propos très généraux sur le texte mis en réserve. Est-il utile ?

M. Marc BLONDEL - Il est utile mais pas révolutionnaire. Sans dédouaner les élus, je ne vois pas ce que l'on pourrait faire de plus, si ce n'est diriger les entreprises à la place des patrons. Ayons le courage de dire que nous sommes dans un système capitaliste, c'est évident. Je ne vois pas pourquoi conserver des illusions.

M. Roland MUZEAU - Vous avez présenté, de façon caricaturale, la situation politique qui a donné lieu à l'élaboration de cette loi, notamment à ses modifications. Vous avez aussi évoqué les élections municipales et une sorte d'emballement de la machine politique à la suite de celles-ci. Je trouve que cela n'a rien à voir.

Marc BLONDEL - Expliquez-moi alors pourquoi les réactions politiques n'ont pas eu lieu quand Monsieur Riboud a fait ses annonces de licenciements.

M. Roland MUZEAU - Je considère que ce qui pose problème c'est uniquement l'annonce de tous ces plans de licenciements dans des entreprises qui gagnent beaucoup d'argent et qui considèrent que le monde étant leur domaine, ils peuvent agir en dehors de la loi et des responsabilités citoyennes.

Le président du MEDEF, que nous venons de quitter, a déclaré qu'il considérait que les modifications intervenues à l'Assemblée nationale, après l'interruption de quinze jours, étaient sérieuses et qu'elles empêchaient les entreprises de faire ce qu'elles ont à faire pour sauver l'emploi. Il considère que la définition des licenciements économiques est extrêmement restrictive et problématique. Enfin, il pense que les droits nouveaux qui seront donnés aux comités d'entreprise et aux salariés en général, qui sont certes limités, sont pour lui inacceptables car ils vont ajouter au moins trois mois à la procédure et donc donner lieu à de la médiatisation, des luttes sociales et des oppositions entre salariés et patronat qui ne sont pas de bon augure pour l'avenir.

Nous avons donc, entre votre appréciation et celle du MEDEF, un écart sensible. Que cette loi ne soit pas révolutionnaire, je partage vos propos, mais ce n'était pas le but recherché. J'aimerais connaître la position de votre organisation syndicale sur les équilibres entre le rôle de l'Etat, donc la place de la loi, et la place de la négociation.

M. Marc BLONDEL - Je vous remercie de faire une différence entre ma position et celle du MEDEF, cela me rassure. Je crois cependant avoir été clair car si le patronat lève les bras aux cieux, c'est parce que cela fait partie du contexte.

Je suis démocrate au point de tenir compte de l'avis de tous les partis quels qu'ils soient. Je n'ai pas voulu ridiculiser les politiques, mais j'ai simplement dit qu'en d'autres circonstances, il est fort possible qu'il n'y aurait pas eu d'agitation et que les syndicats n'auraient pas été dessaisis.

Permettez-moi alors un petit rappel historique. Michelin avait annoncé 7 000 licenciements et Monsieur Riboud a annoncé dès septembre qu'il allait licencier. Nous n'avons pas réussi à manifester. La meilleure réaction aurait été que l'ensemble des salariés de chez Danone établisse un rapport de force entre eux au lieu de se tourner vers le boycottage. Montrer qu'il y avait une solidarité entre tous aurait été une bonne réaction.

Ce qui me choque le plus c'est de laisser croire que, puisque des hommes de gauche sont au Gouvernement, la société est socialiste et que l'on ne licencie plus. Pardonnez-moi, mais ça n'est pas vrai.

Le texte en question améliore un peu les choses mais il ne peut pas aller plus loin.

M. Roland MUZEAU - Donc, vous pensez qu'il est utile.

M. Marc BLONDEL - Oui, il est utile. Je n'ai pas dit le contraire, j'ai simplement dit qu'il n'était pas révolutionnaire et de ce fait il ne peut l'être. Si vous voulez faire la révolution pour cela, alors faites-la aussi pour le reste.

M. Philippe NOGRIX - Le rôle des auditions est d'essayer de nous faire une idée des conséquences éventuelles d'un texte. Toutefois, je n'ai pas très bien compris à l'intervention du MEDEF, comme à la vôtre et aux autres, quel pouvait être le rôle de la loi sur les suppressions d'emplois ou sur les non-créations d'emplois ?

Est-ce que cette loi permettra aux entreprises de pouvoir prendre des marchés furtifs ou précaires, ou est-ce qu'elle interdira à toutes les entreprises françaises de s'installer sur ce créneau ?

M. Marc BLONDEL - Elle n'interdira rien, c'est juste le phénomène de circonstance sur lequel le MEDEF se polarise. En effet, il nous dit aussi que les salaires et les charges sociales sont trop élevés et que les entreprises ne peuvent pas licencier comme elles l'entendent. Je vous citerai un exemple, lu dans un journal américain : Monsieur Michel Bon est le patron d'une entreprise formidable, France Télécom, et l'une de ses difficultés de gestion est qu'il ne peut pas licencier ses fonctionnaires. Cette conception est différente de la nôtre, et les patrons actuellement se sentent malheureusement anglo-américains, c'est-à-dire qu'ils voudraient un contrat de travail modifiable à tout moment. À partir du moment où vous créez une réglementation, elle apparaît obligatoirement comme étant une contrainte. S'il y a du travail, les chefs d'entreprise devront de toute façon embaucher à moins d'adopter un comportement anti-français en délocalisant leur activité à l'étranger.

En dehors de mes responsabilités nationales, je suis membre du conseil d'administration du Bureau international du travail. Lorsque nous discutons des normes internationales du travail, que nous considérons comme étant secondaires car correspondant bien souvent aux normes françaises dans leur concept de base, il y a toujours un pays contre la norme à cause d'un problème de dumping social et de globalisation. Mais la globalisation fait que dans les pays en voie de développement, dans lesquels il existait un petit secteur industriel, les multinationales mangent les petites industries. Dans les pays industrialisés, on dit qu'il faut réduire les salaires au nom de la concurrence sans quoi la production est délocalisée à l'étranger. La société mondiale, quand elle arrive dans les pays en voie de développement, réduit en miettes les quelques petites entreprises existantes.

M. Gilbert CHABROUX - La loi est très importante et nous ne pouvons pas la sous-estimer. Bien qu'elle ait été retardée, il va falloir voter afin de mieux prévenir les licenciements et de mieux informer les salariés. Je ne comprends pas que l'on puisse être en retrait. Au contraire, on devrait veiller à ce que cette loi puisse très rapidement s'appliquer. Toutefois, ce n'est pas la loi qui est urgente mais son application. Vous avez dit que les plans sociaux ne sont pas appliqués et vous avez cité l'exemple d'Alstom. Comment peut-on en arriver là sachant qu'il y a une participation des fonds publics ? Comment peut-on verser des fonds publics à des entreprises qui ne respectent pas leurs engagements ?

Par ailleurs, le MEDEF nous dit qu'on ne lui donne rien. Je trouve cela sidérant.

Où va cet argent et pourquoi n'est-il pas mieux utilisé ? Pourquoi ne peut-on pas organiser le suivi et le contrôle des plans sociaux ?

M. Marc BLONDEL- J'ai dit que ce suivi est l'une de nos préoccupations les plus importantes. A ce sujet, nous avons vu le Premier Ministre, accompagné d'Elisabeth Guigou, à qui nous avons demandé d'intervenir.

Vous avez raison, car lorsqu'on permet à l'entreprise de résoudre le problème avec des départs anticipés et que pour faciliter ceux-ci, il y a une prise en charge avec l'intervention de l'Etat, c'est aussi une substitution aux charges éventuelles de l'entreprise. Donc, si on regarde exclusivement la masse d'argent distribué et tous les effets co-latéraux, il y a en effet beaucoup d'argent engagé dans cette affaire. Je considère que c'est une honte parce qu'avec le plan social on obtient tardivement la paix sociale. Quand le plan social est discuté et que les parties arrivent à un accord, cela signifie entre autres, que les grèves s'arrêtent et en résumé on se résout à des solutions faciles.

La loi est une duperie, elle n'est pas révolutionnaire, mais son contenu servira. Aucune loi ne fera disparaître les débats entre les syndicats et les patrons.

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur le secrétaire général, il nous reste à vous remercier.

M. Marc BLONDEL - C'est moi qui vous remercie de m'avoir offert la possibilité d'être auditionné par votre commission. Nous restons à votre disposition.

Si monsieur le rapporteur me le permet, je lui ferais parvenir quelques documents concernant sa cinquième question.

D. AUDITION DE JEAN-FRANÇOIS VEYSSET, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

M. Jean DELANEAU, président - Nous avons souhaité entendre les partenaires sociaux suite au vote d'un certain nombre d'articles concernant les licenciements économiques dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale. Nous souhaiterions que vous nous disiez, d'une part, si vous avez été associés à l'élaboration de ces nouvelles propositions, d'autre part, ce que vous en pensez. Le rapporteur, M. Gournac, et les commissaires présents dialogueront ensuite avec vous. Je vous laisse la parole, monsieur le président.

M. Jean-François VEYSSET - Je vous remercie de m'écouter en attendant Georges Tissié, notre directeur des affaires sociales, qui évoquera les articles et les textes législatifs et réglementaires antérieurs auxquels se réfère ce projet.

En premier lieu, je voudrais dire que nous avons été très peu consultés en amont de ce projet de loi, ce que nous avons dénoncé lorsque nous avons été reçus au cabinet de Mme Guigou. Il s'est plus agi de répondre à une demande exprimée par la majorité plurielle de l'Assemblée nationale, plus précisément au Palais Bourbon, que de faire véritablement oeuvre utile par rapport aux nécessités de l'actualité, c'est-à-dire aux évènements chez Danone, Marks and Spencer, évènements que nous pouvions craindre de voir se reproduire dans d'autres grandes entreprises telle AOM-Air Liberté.

Les grandes entreprises ont une particularité, celle de n'avoir qu'une petite partie de leur personnel sur notre territoire. A partir de là, concevoir un texte généraliste me semble illogique. Ce texte concerne, non seulement, toutes les entreprises, mais au passage décale un certain nombre de seuils. Les victimes en seront les petites et moyennes entreprises, mais plus encore les toutes petites entreprises, celles qui n'ont aucune capacité à la délocalisation et qui ont pour la plupart l'impossibilité de déplacer une partie de leur activité.

Ce que l'on a cherché à banaliser, dans le cadre du doublement de l'indemnité en matière d'ancienneté à l'occasion du licenciement pour motif économique, va une fois de plus détruire les maigres avantages dont pouvaient encore bénéficier un certain nombre d'artisans et de chefs d'entreprise individuels. En effet, le doublement de ce coût va immédiatement entraîner, au moment de la transmission du fonds ou de la cessation d'activité, une retenue sur l'évaluation de la valeur du fonds.

C'est donc, et il faut que vous en soyez conscients, les toutes petites entreprises, quel que soit leur secteur d'activité, qui perdent encore une partie de leur valeur. Par effet induit, un certain nombre de leurs responsables seront acculés à la faillite. Cela ajoutera des destructions d'emplois là où nous aurions pu les limiter.

Ceci étant, nous n'avons pas obtenu d'autres mesures, notamment celle du seuil à 18 qui touche les entreprises à partir de 50 personnes alors que nous avions demandé qu'elle ne soit appliquée qu'aux entreprises à partir de 100. Mais, nous gardons confiance. Sur ces points, nous espérons qu'un amendement pourra faire en sorte que le dernier article ne s'applique plus qu'aux entreprises de 100 personnes et que, dans le deuxième article, le seuil ne soit pas à 50 mais à 100.

A présent, je laisse à monsieur Georges Tissié le soin d'exprimer le mécontentement de notre Confédération par rapport au changement de définition du licenciement économique tel qu'il est intervenu en deuxième lecture.

M. Georges TISSIÉ - Je vous prie de m'excuser pour ce retard. Je voudrais prolonger ce que vous a dit Jean-François Veysset.

Lors de l'examen en deuxième lecture, à l'Assemblée Nationale, des dispositions concernant le licenciement pour motif économique, plusieurs points ont été modifiés par rapport à la première lecture, notamment les articles qui concernent la définition du licenciement pour motif économique, c'est-à-dire les articles 33 A et 33. Ces deux articles nous semblent très dommageables pour l'ensemble des entreprises. Nous avons parlé tout à l'heure de leurs conséquences pour les PME, mais il nous apparaît évident que ces deux articles vont gêner très fortement l'ensemble des entreprises qui seraient obligées de recourir à un licenciement économique, que cela soit pour une, cinq ou dix personnes. Ces deux articles sont extraordinairement dangereux.

L'article 33 A restreint les cas de licenciement pour motif économique par rapport à l'ancienne définition, avec la suppression de l'adverbe « notamment ». C'est un fait clair.

Au-delà, ce que craignent nos mandants, c'est la combinaison des deux articles 33 et 33 A du projet. Ils considèrent que l'article 33 risque de rendre très difficile, dans un certain nombre de cas, l'accès aux cas de licenciement pour motif économique. Je cite l'article 33 du projet de loi : « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés ». Nos mandants considèrent que la formule « tous les efforts », qui n'a pas véritablement de caractère juridique, est synonyme, à terme, de contentieux multiples. Surtout, si elle est interprétée de façon extensive, elle les empêchera d'accéder au cas de licenciement pour motif économique. Dans l'interprétation qu'ils font de cette expression, ils considèrent qu'il s'agit quasiment d'une obligation de résultat, en ce qui concerne la formation, l'adaptation et le reclassement, et non pas d'une obligation de moyens. Au surplus, il est bien clair que cette obligation de résultats sera beaucoup plus difficile à remplir par les PME que par les grandes entreprises : les PME n'ont pas les mêmes moyens administratifs et financiers de faire « tous les efforts » !

Globalement, ce dispositif est donc extrêmement restrictif et il risque d'être synonyme de multiples contentieux. Il touche particulièrement les PME qui ont moins de moyens que les entreprises plus importantes de traduire les obligations de ce projet de loi. C'est pourquoi nous souhaitons le retour à la définition existante des cas de licenciement économique. Nous souhaitons également la suppression de l'article 33 tel qu'il est rédigé.

M. Jean-François VEYSSET - Je voudrais rappeler à ce niveau que, du point de vue de l'entreprise, toutes ces précautions qui s'ajoutent sont synonymes d'autant de délais. Les employeurs auront essayé jusqu'au bout de garder les salariés ; avec ce projet, vous allez, pour une fois, maintenir au-delà du raisonnable leur présence. Cela ne peut qu'aboutir à l'accentuation des difficultés que connaissent ces entreprises. Nous ne pouvons, Messieurs les Sénateurs, que vous demander comment nous pourrions mettre ces petites entreprises à l'abri de mesures qui vont aggraver la situation de précarité d'emploi pour les entreprises les plus fragiles, dans l'industrie ou les services. De plus, ces mesures interviennent au moment même où la décision d'entériner le calcul du SMIC suivant les critères actuels et d'y donner un coup de pouce sont totalement déraisonnables. Une fois de plus, cela risque d'assécher les trésoreries mais aussi les marges de ces entreprises dont nous avons la charge.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie et je passe la parole à Alain Gournac.

M. Alain GOURNAC - Je voudrais vous poser plusieurs questions. Nous allons peut-être revenir sur des choses que vous avez déjà dites, mais je pose les mêmes questions à tout le monde.

Vous nous avez dit ne pas avoir été consultés. Est-ce qu'on s'est approché de vous au moment des ajouts, c'est-à-dire après la période des quinze jours demandée par nos collègues communistes ?

M. Jean-François VEYSSET - Pour être précis, Georges Tissié et moi-même avons été reçus par les collaborateurs de Mme Guigou après la première lecture et avant la deuxième. Le reproche que nous pouvons faire est que, alors que nous avons proposé des amendements de bon sens permettant de mettre à l'abri les plus petites entreprises, personne ne nous a vraiment dit non. Nous avions l'espoir d'un amendement soutenu par le Gouvernement dans ce sens. A l'inverse, nous avons constaté que, non seulement, les conversations que nous avions eues n'avaient pas été prises en compte, mais, en plus, un texte qui en rajoutait et qui aggravait la situation de ces entreprises venait compléter ces dispositions.

Nous nous sentons un peu trompés.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - De nombreuses personnes autorisées, en particulier le ministre des Finances, ont considéré que les dispositions adoptées pouvaient constituer une menace pour l'emploi et dissuader les embauches. Pouvez-vous me dire si vous partagez cette inquiétude ?

M. Jean-François VEYSSET - Absolument, et c'est d'ailleurs la plus préoccupante au moment où, nous le savons tous, la conjoncture n'est plus ce qu'elle était. Je vous rappelle à ce propos que non seulement le budget de l'Etat mais aussi celui des régimes sociaux ont été calculés sur des prévisions au-delà de trois. Nous le savons aujourd'hui, et le Gouvernement commence à l'indiquer, que nous serons au mieux à 2,5. A partir de là, toutes les données sont faussées.

Pénaliser des entreprises dans de tels moments nous semble déraisonnable. D'ailleurs, les derniers chiffres du chômage nous montrent que nous sommes dans une courbe d'amélioration qui fléchit. Nous n'avons pas encore de retournement en matière d'emploi, mais nous constatons que le chômage diminue beaucoup moins vite. Ce qui est presque plus préoccupant, c'est que les entreprises créent moins d'emploi. Si en plus on leur fait peur, elles ne seront pas prêtes d'embaucher.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - On parle actuellement d'un recours à un médiateur, mais pas pour la totalité des entreprises, car il est prévu dans le texte que cela ne concerne que les entreprises de plus de 100 salariés. J'aurais voulu avoir votre avis sur la possibilité d'un médiateur extérieur, qui serait choisi par le juge d'instance.

M. Jean-François VEYSSET - C'est une question d'une grande complexité. Notre tissu d'entreprise ne comprendra pas cette mesure. Quand il sera fait appel au médiateur, l'entreprise risque d'avoir disparu entre-temps. Ceci étant, dans certaines très grandes entreprises, là où les élus du personnel et où les délégués syndicaux ne sont plus à même de déboucher sur une solution, le rôle des médiateurs peut se concevoir. Mais, dans nos entreprises de 20 ou de 50 salariés, il y a déjà des difficultés pour mettre en place un comité d'entreprise et des délégués du personnel. Mettre en route toute la nouvelle mécanique sera extrêmement difficile. Si, en plus, un médiateur doit intervenir, nos entreprises ne s'en sortiront plus.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - De nombreux pays européens privilégient le recours à la négociation collective sur le recours à la loi, celle-ci n'intervenant qu'en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux. Pensez-vous que les partenaires sociaux auraient pu aboutir à un accord sur une réforme du droit du licenciement, si le Gouvernement leur en avait reconnu la possibilité à travers, par exemple, un droit de saisine, les termes de cet accord étant repris par la loi ? Ou bien considérez-vous que le recours à la loi constitue la seule voie possible pour moderniser notre législation ?

M. Jean-François VEYSSET - C'est une vaste question. Nous sommes nous-mêmes acteurs de la refondation sociale car, quoiqu'en dise la presse, le Medef n'est pas seul à la régir. Ceci étant, beaucoup de choses peuvent être faites dans le cadre du paritarisme, mais il y a des moments où il faut être raisonnable. Les textes eux-mêmes doivent permettre de garder un certain champ d'autonomie aux chefs d'entreprise. D'autre part, n'oublions pas que désormais chaque salarié, au moment où il entre dans l'entreprise, est protégé par le contrat à l'embauche qui comporte déjà toute une série d'encadrement sur ce que le chef d'entreprise a le droit de faire ou non. Arrêtons d'en rajouter systématiquement.

M. Jean DELANEAU, président - Beaucoup de petites et moyennes entreprises sont des sous-traitants. Que pensez-vous de l'article 32 ter qui indique que, lorsque le projet de restructuration et de compression des effectifs soumis au comité d'entreprise est de nature à affecter le volume d'activité ou d'emploi des entreprises sous-traitantes, l'entreprise donneuse d'ordre doit immédiatement en informer l'entreprise sous-traitante ?

M. Jean-François VEYSSET - C'est un article d'information. Vous nous amenez par cette question à un constat. Aujourd'hui, de plus en plus, de petites, voire de toutes petites, entreprises sont en fait dépendantes de réseaux groupes qui tentent à les régir de l'extérieur. Ce problème ne touchera pas que cette question, qui se veut d'information, mais nous trouverons au fur et à mesure de nos rencontres d'autres sujets de préoccupations à partir de ce phénomène des donneurs d'ordre par rapport à la sous-traitance.

M. Georges TISSIÉ - Vous avez largement évoqué les articles 32 bis et 32 quarter. Leur complexité est considérable. L'article 32 bis, qui évoque les pouvoirs du comité d'entreprise, crée un « droit d'opposition suspensif » à son profit. Ce mécanisme joue, d'après les indications qui nous ont été données, à partir du 19 ème licenciement, mais cela uniquement dans les établissements d'au moins 100 personnes alors que le comité d'entreprise est mis en place obligatoirement à partir de 50 salariés. Je crois qu'il faut insister sur ces différents paliers. Nous avons donc trois paliers dans le système construit par ces deux articles.

Lors des consultations précédant la première lecture, nous avions proposé, tant cette complexité était grande, que le « droit d'opposition suspensif » ne concerne que les établissements autonomes de 500 salariés et plus. Je crois que cet aspect des choses est très important. Le mécanisme est extrêmement compliqué car il y a des variations de seuil. S'il était voté en la forme, nous considérons, au-delà même des critiques de fond formulées précédemment, que ce mécanisme ne pourrait être applicable pratiquement que dans les établissements de taille importante.

M. Jean CHÉRIOUX - Je m'excuse d'être arrivé en retard. Ce que je vais dire a peut-être déjà été évoqué.

J'ai le sentiment que ces nouvelles dispositions ont un caractère surréaliste. Vous avez dit que pour vous, elles avaient un caractère dramatique. N'ont-elles pas également un caractère surréaliste ? Un certain nombre de grandes entreprises ont procédé à des licenciements pour des raisons de rentabilisation financière. Cela signifie, au moins, que ces entreprises sont cotées, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des établissements dont vous êtes les représentants. Je me demande comment des PME comme les vôtres pourraient être amenées à augmenter une rentabilité financière en vue de répondre au souci des investisseurs étrangers dans la mesure où ce n'est pas votre problème. Est-ce que vous ne pensez pas qu'un amendement pourrait être voté afin que ces mesures ne s'appliquent pas aux sociétés non cotées ?

M. Jean-François VEYSSET - Très sincèrement, monsieur le sénateur, tout amendement qui permettrait de reconnaître la particularité des petites entreprises, surtout lorsqu'elles sont individuelles et lorsque le risque implique totalement le chef d'entreprise, serait le bienvenu. J'ajouterai que la plupart de nos entreprises ont des marges qui se situent entre deux et trois pour cent, il faut encore penser que cette marge est la seule ressource pour le travail du chef d'entreprise et le rendement du capital investi. Je vous rappelle qu'aujourd'hui, lorsque nous recevons les représentants des banques pour venir nous faire des offres de prêts, ils se détournent immédiatement de la plupart de nos secteurs, qui ne sont pas rentables. Quand on légifère, il faut le faire à bon escient. Si vous trouvez une solution à partir de la composition du capital social des entreprises, pourquoi pas ! Le tout est de trouver des solutions.

M. Guy FISCHER - Monsieur le président, nous avons compris que vous étiez plus que réservé sur ce texte, sinon contre. Mais, vous avez semblé insister sur le fait que la loi, notamment pour les petites et très petites entreprises, était source de difficultés accrues. Vous n'avez pas hésité à dire que ce serait par sa faute qu'un certain nombre d'entreprises seraient acculées à la faillite. Devant les drames liés aux licenciements boursiers, qui sont le fait de grandes entreprises mais ont des ramifications sur tout le territoire, il suffit d'examiner la présence d'Alcatel sur le territoire français, nous pouvons nous interroger : est-ce réellement la loi qui vous crée des difficultés ou est-ce que les PME et les PMI ne sont pas devenues des variables d'ajustement des grandes entreprises et que vos marges sont reliées aux grandes entreprises qui sont les donneuses d'ordre ?

M. Jean-François VEYSSET - Je crois qu'effectivement il faut faire très attention. Il ne faut pas confondre la petite et moyenne entreprise autonome, collée au territoire et qui ne vit qu'avec son propre marché, et des entreprises récentes qui sont des cadres, avec des spécialistes issus des grandes entreprises, et à qui une certaine autonomie est accordée et qui ont pour particularité d'avoir pour seul client cette entreprise dont elles sont issues. A partir de cette constatation, généraliser la pénalité sur le tissu de 90 % de petites entreprises n'est pas acceptable. Par ailleurs, les entreprises que vous évoquez ne représentent que 800 grandes entreprises. Vous êtes en train de concevoir un texte pour plus d'un million d'entreprises, alors qu'il ne devrait concerner que 500 ou 800 établissements. Pour une malfaisance des très grands, on fait payer une fois de plus les plus petits !

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie, monsieur le président. Je vous rappelle que ce texte viendra en séance le 9 octobre.

M. Jean-François VEYSSET - Nous allons suivre la suite des travaux sur ce texte avec beaucoup d'intérêt car, une fois de plus, tout ceci s'inscrit dans la fin de la mise en place de l'euro. Or nous sommes très préoccupés de voir notre législation s'alourdir au moment où nos voisins allègent la leur.

E. AUDITION DE M. JEAN-EMMANUEL RAY, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ PARIS I

M. Jean DELANEAU, président - M. Jean-Emmanuel Ray a bien voulu venir devant la commission pour nous éclairer en tant que professeur de droit. Je crois que vous êtes spécialiste du droit du travail. Nous attendons votre avis sur les articles qui ont été ajoutés au projet de loi de modernisation sociale à l'Assemblée Nationale, en ce qui concerne les licenciements économiques. Je vous laisse la parole.

M. Jean-Emmanuel RAY - Si vous le permettez, monsieur le président, j'aborderai tout d'abord quatre questions qui me semblent générales puis trois questions plus spécifiques.

Il y a un problème commun aux entreprises et aux salariés, celui de la sécurité, juridique et judiciaire. En matière de licenciements économiques, nous avons eu plusieurs lois, en 1986, 1989, 1992, 1993, 2001. Cela fait de nombreuses lois sur un sujet qui fait déjà beaucoup avancer la jurisprudence. Or, à mon sens, la jurisprudence était à l'heure actuelle construite. Les juristes pensaient être arrivés au port. De leur point de vue, la chambre sociale avait monté un projet cohérent.

Je voudrais souligner que, si vous reprenez les termes de la jurisprudence, ce qui est une nouvelle forme de source du droit, il faut les reprendre exactement sinon vous créez une insécurité judiciaire nouvelle. Je prends un exemple. Quand on me dit qu'il y aura motif économique lorsqu'il y aura sauvegarde de l'activité, cela diffère de la sauvegarde de la compétitivité qui existait jusqu'alors en jurisprudence. Cela signifie que nous allons entrer pendant cinq ans dans une nouvelle zone d'incertitude. Dans cinq ans, l'arrêt de 2004 nous dira peut-être que la sauvegarde d'activité signifie la même chose que la sauvegarde de la compétitivité. Vous savez que le juge n'aime pas qu'on reprenne ses termes de façon trop différente. Je pense que si vous souhaitez reprendre la jurisprudence, qui, à mon avis, était équilibrée, il faut la reprendre telle quelle, et ne pas enlever un mot pour le remplacer par un autre.

A quoi doit servir le droit du licenciement pour motif économique ? C'est la seule question pertinente. Si c'est pour faire vivre les professeurs du droit du travail, je me réjouis déjà de l'imbroglio que va créer ce texte. Si c'est pour faire vivre les usagers que sont les étudiants en droit, cette loi va certainement créer des emplois. Mais, ce qui me gêne, est que nous perdons de vue que cette énergie juridique, et surtout judiciaire, est faite au détriment de la seule chose essentielle qui est le reclassement des salariés. C'est une déperdition d'énergie considérable. Je consulte beaucoup d'arrêts et je vois que tous les juges sont saisis à propos de cette question. De plus, beaucoup d'argent est consacré à ce nouveau jeu de loi qu'est devenu le licenciement économique. Je crois que l'énergie des partenaires sociaux serait mieux employée si nous nous rencontrions pour négocier.

D'un point de vue plus juridique, le droit français ne représente que le quinzième du droit de l'Union européenne. Cette valse à deux temps que jouent le législateur et le droit de l'Union me dérange. Nous avons voté une nouvelle loi sur les régulations économiques, très récemment. Or nous savions déjà que la directive sur les OPA et les OPE était en cours de réfection. D'ici quelques mois, nous devrons donc peut-être revisiter notre texte sur les OPA et les OPE. La logique voudrait que nous adoptions la démarche inverse. Le 11 juin a été adoptée la directive information et consultation des travailleurs, ce dont il faut se réjouir. Ce qui m'étonne, c'est que l'article 31 ter de ce projet de loi est une pré-transcription de cette directive, alors que celle-ci n'est pas encore définitivement arrêtée. Ce que vous allez peut-être voter risque donc d'être modifié par la transcription des directives. Je crois qu'il vaudrait mieux attendre la directive avant de prendre position définitivement. C'est une question de logique.

Sur le fond, j'attire votre attention sur le fait qu'être singulier à l'étranger peut être une bonne chose, mais, au-delà d'une certaine singularité, nous risquons de passer pour des gens créatifs, pour être courtois. Nous sommes le seul pays de l'Union où nous avons la prétention de lister limitativement les cas de licenciement économique. Dans tous les autres pays de l'Union, ce qui est parfaitement légitime, les moyens sont donnés aux salariés de faire pencher la balance, c'est-à-dire que l'inégalité individuelle soit compensée par une information-consultation et/ou une négociation. Mais de là à lister, tout en enlevant le terme « notamment », je ne crois pas que ce soit raisonnable. La vraie question est de savoir pourquoi nos collègues européens ne font pas les choses de la même manière. Ils ont décidé que cela ne servait à rien et que le juge pouvait le faire lui-même !

Il existe un autre problème. Le droit du licenciement économique s'est construit dans les années 80. A l'époque, il y avait des problèmes dans les secteurs de la sidérurgie et des mines. Le licenciement économique était alors synonyme de faillite. Il y avait un consensus social sur le fait que nous ne pouvions pas maintenir à flot pendant trente ans les mines, malgré les conséquences humaines. Aujourd'hui, nous ne gérons plus un droit de la faillite, mais un droit de restructuration appelé de compétitivité. Il y a là un vrai problème. Le curseur doit être mis au bon endroit et c'est une chose beaucoup plus compliquée, il me semble que le curseur était à la bonne place : si le curseur n'est pas mis au bon endroit, les effets pervers seront absolument redoutables.

Les licenciements personnels ont considérablement augmenté depuis une dizaine d'années. Or les salariés ne sont pas plus fautifs. Si nous avions l'esprit mal tourné, nous dirions que plus les contraintes du licenciement économique sont fortes, plus des dossiers sont constitués sur les salariés pour les licencier pour faute. Pour un salarié, je ne pense pas qu'il soit préférable d'être licencié pour motif personnel, en terme de recherche d'emploi, que pour motif économique. Deuxièmement, plus le licenciement économique est serré, plus il est fait appel à l'échéance des contrats de travail temporaires ou des CDD. Le droit du travail est un tout et ce tout doit être équilibré. Si jamais le déséquilibre est trop fort, nous n'arriverons pas à boucher les trous que nous aurons créés.

J'insiste sur le fait que les plans sociaux représentent entre 15 et 30 % des licenciements économiques. Il a été décidé de sanctionner les plans sociaux s'ils n'étaient pas parfaits, or les contraintes des grandes entreprises sont très fortes. Je connais de nombreuses entreprises qui disent que, vu la médiatisation actuelle du licenciement économique, elles vont sous-traiter au maximum et externaliser les risques sociaux. Si les plans sociaux sont trop sévères, il va y avoir un glissage automatique vers les sous-traitants. Et ce n'est pas à vous que j'apprendrai que la présence syndicale chez les sous-traitants est loin d'être ce qu'elle est dans les grosses structures. Enfin, quand Serge Tchuruk nous dit qu'un jour prochain, il y aura des compagnies sans usines, il fait peu de cas des personnes. Mais il constate une évidence : si le curseur est déséquilibré, les entreprises auront toujours, à travers le droit des sociétés, les moyens de ridiculiser les textes sociaux votés qui seront trop déséquilibrés.

Enfin, je suis déçu par la teneur du travail législatif. Dans certains articles, on trouve des phrases de huit lignes avec dix virgules. Stendhal disait : « Je lisais huit pages du code civil pour me donner le style » . « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Le droit est fait pour être lu non pas par les législateurs ou les juristes mais par les citoyens. Si quelqu'un me demandait comment faire pour fermer un établissement dans une entreprise à structure complexe après la loi de modernisation sociale, sans parler du motif, je ne sais pas en termes de procédure si je pourrais lui répondre...

Concernant les différents articles du projet de loi, je considère comme très positifs les articles 29, 30 et 33, c'est-à-dire tout ce qui vise à la formation des salariés, ce que le droit communautaire appelle le maintien de l'employabilité. Il s'agit du problème le plus important dans les grandes structures aujourd'hui. Les meilleurs ouvriers d'hier font les pires conducteurs de robots. C'est extrêmement positif. J'ai lu avec plaisir l'emploi du terme de « gestion prévisionnelle des emplois ».

Trois éléments me semblent moins bons. En droit, nous connaissons le poids des mots, ils sont porteurs de symbole.

Tout d'abord, je voudrais revenir sur le changement du terme « plan social » en « plan de sauvegarde de l'emploi ». Lorsque cela a été choisi en 1986, nous ne savions pas très bien ce qu'était un plan social. Ce terme a été trouvé par les entreprises pour éviter celui, explosif, de plan de licenciement économique. Les entreprises se sont fait prendre à cette terminologie puisque la jurisprudence a déclaré que ce n'était pas un plan de licenciement collectif mais un plan vraiment « social ». Lorsque ce terme a été voté en 1989, nous pensions qu'il s'agissait d'un plan de licenciement économique habilement habillé. La jurisprudence a dit non ; un plan social est un plan social. Aujourd'hui, au bout de dix ans, nous savons ce qu'est un plan social. C'est désormais un objet juridiquement identifié. Or, voilà que tout est à nouveau bouleversé avec le « plan de sauvegarde de l'emploi ». Si j'étais délégué syndical d'une entreprise, j'aurais des difficultés à expliquer que le plan de sauvegarde de l'emploi que je négocie va conduire à 734 licenciements. Je crois qu'il faut être sérieux. Le terme de « plan social » est entré dans les habitudes juridiques et judiciaires. A l'étranger, ils sont surpris que nous ayons des contrats à durée déterminée à durée incertaine. Nous ne pouvons que répondre que c'est le génie français. Ils s'étonnent aussi que nous ayons la mise en chômage partiel totale. Cela va se reproduire avec le plan de sauvegarde de l'emploi. Un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut se terminer par autre chose que par zéro licenciement. Sans cela, il s'agit d'un mensonge envers les salariés.

Le deuxième point porte sur l'externalisation du dialogue social. Est-ce que les partenaires sociaux ont besoin d'en référer à leurs parents pour demander si ce qu'ils ont fait était bien ? Il y avait une présence de l'inspecteur du travail, cela était légitime. Il y avait un expert comptable, ce qui était aussi normal et légitime pour transcrire en termes intelligibles la comptabilité d'un groupe international. Je vous rappelle que tous les plans sociaux ont donné lieu à des décisions judiciaires. La juridisation est devenue une banalité. Là, il est prévu un médiateur. C'est très à la mode. La question est de savoir si ce n'est pas une solution de facilité. Si j'étais délégué syndical dans une entreprise, je penserais que j'ai déjà assez d'interlocuteurs pour dialoguer. Si vous introduisez un médiateur, ce ne sera pas un encouragement pour les partenaires sociaux à trouver eux-mêmes un accord. De plus, qui sera cet homme miracle, à la fois sociologue, psychologue, financier, comptable, juriste ?

Le troisième et dernier point sur cet aspect est plus mitigé. En droit, quand nous créons des obligations, elles doivent être précises. Je n'aime pas le droit virtuel : il y a un débiteur et un créancier. Mon maître disait « Quand un contrat est imprécis, ce n'est plus un contrat, c'est un malentendu ». Je cite l'article 33 A : « Il n'y aura motif économique qu'en cas de difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen ». Que signifie cette expression de « tout autre moyen » ? Prenons l'exemple de Siemens, qui a 400.000 employés dans le monde. Si cette entreprise avait des problèmes sur son site de Levallois et devait licencier, que signifierait pour elle « tout autre moyen » ? Le terme « tout » ne me paraît pas suffisamment précis pour être applicable. De la même façon, l'article 33 prévoit : « lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés ». Nous retrouvons le terme « tous ». D'après la jurisprudence de janvier 2001, qui me paraît équilibrée, l'employeur a un devoir d'adaptation, et non un devoir de formation initiale.

J'en termine par les éléments les plus contestables de ce projet de loi, qui me paraissent contre-productifs.

L'amendement Michelin-Danone est un amendement à complication. Tout d'abord, la plupart des grands groupes sont déjà passés aux 35 heures. Dans trois ans, cet amendement ne servira plus à rien puisque la plupart des entreprises seront aux 35 heures. D'autre part, j'attire votre attention sur cette volonté de s'acharner à rendre impossible les licenciements de nature économique. Je cite : « en amont du plan de sauvegarde de l'emploi » . Ce « en amont » m'apparaît, sur le plan social, une énorme bévue. La jurisprudence, depuis quinze ans, a dit que tout devait être dans le plan social, ce qui me semble cohérent. Lors de la première réunion sur le plan social, le reclassement, l'adaptation, la formation ont été compris dans ce plan. Mettre les 35 heures en amont revient à rajouter une huitième marche à la procédure. Cela devient « abracadabrantesque » ! Je me place dans la position d'un chef d'entreprise. Imaginons que j'envisage un plan social, j'ouvre des négociations sur les 35 heures, je dois donc consulter mon comité d'entreprise au titre du livre quatre, comme vous le savez. Mes salariés vont penser que j'ai un projet de licenciement économique. Ils me demanderont alors d'user aussi du livre trois. Je dois donc signer un accord. Or la jurisprudence d'EDF-GDF dit qu'avant de signer un accord, je dois consulter à nouveau mon comité d'entreprise. Supposez que je ne signe pas cet accord, je dois alors engager des négociations. Du coup, je vais ouvrir une procédure de consultation en même temps que je négocie l'accord des 35 heures. Il y aura, dans le même temps, une phase consultation-information et une phase de négociation avec les partenaires sociaux ! Le bon sens exige que si nous voulions maintenir l'amendement Michelin, il soit intégré dans le plan social, et non placé en dehors. La procédure et ses délices sont métier des gens du droit, pas celui des partenaires sociaux.

Mon dernier point concernera la définition même du motif économique. J'y suis extrêmement attaché. Je crois qu'en droit du travail il y a un effet « Mathieu » considérable. Par l'effet « Mathieu », j'entends ce célèbre axiome de Jean-Jacques Dupeyroux : « plus tu seras riche et plus tu seras riche, plus tu seras pauvre plus tu seras pauvre » . Il disait que le droit du travail était sur cette pente. En matière de licenciement économique, c'est une caricature. Entre un salarié de chez Danone qui est licencié et un salarié d'un boucher-charcutier touché par la vache folle, c'est le jour et la nuit. Les plans sociaux sont importants, mais, statistiquement et en termes de protection, beaucoup moins que la protection des salariés. Il faudrait réindexer le droit du travail sur les besoins de protection des travailleurs, comme l'a écrit Alain Supiot. Je crois que c'est un grand sujet. Cette définition du licenciement économique est fondamentale car elle vise tout licenciement économique. En cela, elle est positive. Cette nouvelle définition de l'article 33 A supprime l'adverbe « notamment ». Comment fera la jurisprudence ? Grâce à ce « notamment », elle pouvait introduire la notion de « sauvegarde de la compétitivité », celle de « cessation d'activité ». Aujourd'hui, la jurisprudence ne pourra plus dire qu'il y a cessation d'activité. D'autre part, il est mentionné dans l'article « sauvegarde de l'activité », et non de la compétitivité. Or, il me semble que gouverner, c'est prévoir. Sauvegarde de l'activité signifie que, en cas de faillite, vous avez le droit de licencier pour motif économique. Il me semble que, en tant que chef d'entreprise, si je voyais des produits deux fois plus compétitifs que les miens venir d'Extrême-Orient, je prendrais la décision de me restructurer tout de suite. C'est pourquoi je partage l'avis de la Chambre sociale qui a défendu cette sauvegarde de la compétitivité en amont, quand les gros nuages arrivent.

Vous me permettrez, monsieur le président, de terminer par une phrase de Georges Ripert, qui disait que, dans certaines lois, le seul avantage était de remplacer des inconvénients connus par des inconvénients inconnus. Cette loi en est un bon exemple.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Une grande partie de vos propos répond aux questions que je voulais vous poser. Cependant, j'ai deux autres questions.

Les différents articles ajoutés à l'Assemblée Nationale font référence à différents seuils d'application : le recours au médiateur et la cessation d'activité concernent les établissements d'au moins 100 salariés, la consultation du comité d'entreprise ceux de 50 salariés, l'impact sur le bassin d'emploi les entreprises de 1.000 salariés. Cette multiplication des seuils n'est-elle pas un obstacle considérable à la clarté de la norme ?

D'autre part, l'ensemble de ces dispositions rallonge les délais de mise en oeuvre du plan social. Avez-vous estimé la durée supplémentaire nécessaire après l'adoption de ce texte ?

M. Jean-Emmanuel RAY - Sur les seuils, je ne peux pas dire que cette loi aggrave considérablement les choses. Le seuil de 50 existe depuis toujours. Cela ne fait que renforcer le seuil de 100. A ce propos, à la lecture, nous pouvons nous demander s'il s'agit de 100 licenciés ou d'une entreprise de 100 personnes. Il faudrait clarifier ces choses car il y a un doute.

En ce qui concerne les délais, la loi sur les 35 heures en amont crée un délai d'environ un mois, le médiateur un mois aussi. Cela rallonge donc la procédure de deux mois minimum. Mais ce n'est pas une question de délai. Si nous pouvons sauvegarder 700 emplois, nous ne sommes pas à deux mois près. Ce que je voudrais c'est que ces procédures soient efficaces, qu'elles servent à un reclassement.

M. Guy FISCHER - Que pensez-vous du délai qui a été réservé par le Sénat ?

M. Jean-Emmanuel RAY - Je vais vous répondre franchement. Je déteste le « juste à temps » en matière judiciaire, intellectuelle, politique. Indépendamment du report du Sénat, nous ne faisons pas de bonne loi sous le coup de bons sentiments véhiculés par les médias. Une bonne loi mérite du recul. Si vous prenez ce qui se passe dans beaucoup d'entreprises, lorsqu'il y a une sanction à prendre, le PDG la rédige et ne l'envoie jamais avant le lendemain. Je crois que, au vu de l'ambiance actuelle, le report à la rentrée des lois sur le licenciement économique est nécessaire. Le licenciement économique est un problème trop grave pour être voté sous le coup de l'émotion.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie de vos éclaircissements.

F. AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS AMADIEU, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ PARIS I

M. Jean DELANEAU , président - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-François Amadieu, qui est lui aussi professeur à Paris I, mais pas dans le même domaine que M. Ray. Il va nous donner son appréciation sur les nouveaux textes de l'Assemblée nationale concernant les licenciements économiques. Je vous donne la parole.

M. Jean-François AMADIEU - Je vous remercie monsieur le président. Je voudrais attirer votre attention sur les quatre questions que me paraît poser le volet du projet de loi de modernisation consacré aux licenciements.

Concernant tout d'abord le champ d'application de la loi, je ne pense pas qu'il s'agisse là du point le plus important, mais il me semble que le texte est de nature à aggraver des inégalités de situation entre les salariés des différentes entreprises. Il y a une série de cas de figures, ce qui est assez classique dans le droit du licenciement, mais il est vrai que le texte va renforcer ces disparités. A ce sujet, il faut noter que n'est pas abordé le cas des personnels de droit privé qui relèvent des fonctions publiques et qui, par définition, ne se voient pas appliquer ni le droit de négociation ni un certain nombre de dispositions prévues. Par ailleurs, le texte se destine, comme vous l'avez remarqué, aux entreprises de grandes dimensions, celles de plus de 1.000 salariés par exemple, et à des licenciements de plus de 10 salariés. Il laisse ainsi de côté l'essentiel de l'emploi qui se situe aujourd'hui dans les entreprises de petites dimensions. En outre, quand vous regardez les chiffres d'inscription à l'ANPE en raison du motif d'inscription, le plus grand nombre ne provient pas du tout de la fin d'une convention de reconversion ou d'un licenciement économique. Cela ne représente que 6,2 % des nouvelles inscriptions, ce qui est tout à fait marginal.

Enfin, nous pouvons penser que ce projet, dans un contexte européen, ne favorise pas le rapprochement des législations en matière de protection de l'emploi. Si nous raisonnons dans un contexte européen, ce texte pourrait conduire à un accroissement des disparités de situations au niveau européen, plutôt préjudiciable aux entreprises et aux entrepreneurs français. Il est certain que c'est contradictoire avec l'objectif d'harmonisation des politiques au niveau européen, même si les textes prévoient qu'en matière sociale nous pouvons toujours faire mieux.

J'en viens à la question du contrôle judiciaire et administratif. S'agissant du contrôle judiciaire, j'ai constaté, monsieur le président, que, dans les questions que vous posez aujourd'hui, il y a notamment l'interrogation sur la nouvelle définition du motif du licenciement. Je crois qu'au regard de cette nouvelle définition, la jurisprudence avait laissé une certaine marge de manoeuvre et d'appréciation à l'employeur quant à ce qui était de l'intérêt de l'entreprise (Arrêt Le Royal Printemps) et quant à ce qui était nécessaire à sa compétitivité (Arrêt Rumpier). La jurisprudence est très claire sur ce point. Avec la nouvelle rédaction de l'article L 321-1 c'est le juge qui pourra apprécier si la pérennité de l'entreprise ou la sauvegarde de l'activité est en cause. La notion de sauvegarde de l'activité de l'entreprise est susceptible, manifestement, d'ouvrir un contentieux considérable. Nous ne voyons pas comment le juge aurait les moyens d'apprécier dans quelles conditions des mesures préventives, décidées par l'employeur, seraient ou ne seraient pas de nature à préserver l'activité de l'entreprise. L'activité de gestion est, par définition, un arbitrage. Il s'agit de décisions dans un univers incertain où il faut saisir des opportunités de marché et prendre des risques.

Dans ces conditions, même si nous pouvons nous entourer de précautions, il est évident que le hasard des affaires est inévitable. Par conséquent, je vois mal quels seraient les éléments qui, à terme, permettraient de décider que telle mesure préventive est adaptée ou inadaptée à la survie de l'entreprise. Nous pouvons nous référer à ce propos aux conclusions de l'avocat général Philippe de Caigny dans l'affaire Sat : « Apprécier si des mesures sauvegarderont la compétitivité conduit le juge à une analyse prospective à une échéance plus ou moins lointaine et à tenir compte d'événements futurs dont beaucoup sont extérieurs à l'entreprise en cause ». Que dire des dispositions nouvelles dans ce cas ? Je crois que le problème est le même. Est-ce qu'il faudra attendre la dernière minute, lorsque l'entreprise sera en péril et que la situation de cessation de paiement sera là, pour qu'il soit établi que la survie de l'entreprise est en cause ? Si c'est à la dernière minute que les mesures doivent être prises pour ne pas encourir l'annulation de la procédure par le juge, c'est préoccupant !

A propos de l'intervention du juge, je voudrais mentionner un autre point à propos de l'article 32 relatif aux annonces publiques des dirigeants. Je crois, monsieur le sénateur Gournac que vous avez été vous-même chargé de questions de communication. Les dirigeants s'expriment fréquemment en public sur les questions de stratégie et d'économie. Ils adressent des signaux au marché, livrent un certain nombre d'informations. Or ce texte instaure un droit ouvert aux comités d'entreprises d'obtenir une réunion dans les 48 heures après toute annonce de décision alors même que cette dernière a peu d'impact. Faute de cela, le dirigeant commet un délit d'entrave. Et c'est la même chose si les décisions annoncées sont susceptibles d'avoir de grandes conséquences, auquel cas il faut consulter le comité d'entreprise avant. Il est frappant de voir que, même lorsque l'impact est limité, il faut réunir un comité d'entreprise. C'est une situation qui risque d'être paralysante et qui paraît assez irréaliste compte tenu de la vie des affaires.

L'intervention de l'administration, à côté de l'affermissement du pouvoir judiciaire, sort aussi renforcée de ce texte. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais l'administration fait un retour remarqué. L'administration peut intervenir, à plusieurs reprises, pour s'immiscer dans la négociation entre les partenaires sociaux lors de l'élaboration du plan social. Il lui est même possible de faire des contre-propositions. Cela se transforme en une situation à trois. L'administration peut aussi intervenir dans le suivi des plans de sauvegarde. Il est prévu qu'elle soit associée au suivi. Si nous lisons ce que le ministère de l'emploi écrit à ce sujet, j'ai cru comprendre qu'il s'agit d'une présence dans les instances de suivi. Or, depuis plusieurs années, à l'instigation des entreprises et dans tous les types d'accords collectifs, on a instauré des instances de suivi. Ce n'est pas anecdotique. Le suivi, fondamentalement, représente la possibilité pour les partenaires sociaux de vérifier eux-mêmes l'interprétation de leurs textes, de soulever et de résoudre leurs différends. Le suivi est l'embryon du règlement paritaire des conflits qui manque en France depuis la fin du XIXe siècle. Les grandes entreprises l'utilisent pour commencer à faire de la prévention du conflit. Le suivi est donc un élément très important et il doit se faire entre les partenaires des accords collectifs. L'immixtion de l'administration est tout à fait inopportune.

La recherche d'un accord collectif est un point central, or le projet de loi ne privilégie pas la recherche de l'accord.

En premier lieu, je voudrais signaler que les exemples étrangers montrent que la voie de la négociation collective est une des bases du traitement du problème de l'emploi. C'est vrai en Europe, mais aussi dans le modèle américain lorsque les syndicats sont présents.

Deuxièmement, s'agissant du droit communautaire, nous nous apercevons que les directives européennes sont constantes sur ce point depuis 1975, bien qu'elles aient été modifiées et codifiées. Jusqu'aux textes les plus récents, la caractéristique de ces directives est la suivante :  tout doit être fait « en vue d'aboutir à un accord » et ce qui prime est « la recherche d'un accord préalable sur les décisions ». Tels sont les libellés dans les directives européennes. Il ne s'agit pas simplement de l'information et de la consultation, le but du jeu est de parvenir à un accord entre les parties. Il est très étonnant que, lorsque nous prenons les articles 29, 30 et 31, nous ne retrouvons pas cette logique de l'accord sur l'emploi au niveau des entreprises. Le plus frappant est l'article 32 bis. Curieusement, il fait bien référence à des notions européennes comme l'information, la consultation ou le fait que les partenaires sociaux puissent formuler des propositions alternatives, mais il oublie la recherche de l'accord collectif. Par contre, nous voyons apparaître le droit d'opposition. On n'incite pas à la négociation, mais on permet au comité d'entreprise de s'opposer. C'est une vision conflictuelle et autocratique des choses, pas une vision basée sur la négociation. De plus, elle s'éloigne des directives européennes, qui pourtant sont assez claires sur ce sujet.

Nous en venons à la question de la médiation. Effectivement, la médiation, qui apparaît dans deux articles, n'est pas un processus inintéressant. Toute procédure d'arbitrage et de négociation peut remplir une fonction. Mais, dans le texte en cause, le médiateur intervient alors qu'il n'y a pas de processus de négociation. Lorsque le médiateur intervient, si les parties acceptent, cela a valeur d'accord. Le résultat de l'intervention du médiateur transforme donc les choses en accord collectif de plein droit. La magie du médiateur fait intervenir une négociation qui était absente du processus. Je trouve cela extrêmement curieux. Surtout, je voudrais attirer votre attention -car il se trouve que j'avais étudié ces diverses questions pour le Ministère du Travail il y a quelques années- sur le fait que, depuis 1892, la France n'a jamais réussi à adopter des mécanismes paritaires qui permettent de résoudre un différend lorsqu'un accord n'a pas été trouvé. Mais le point important se situe dans le fait que cela doit résulter d'un processus de négociation entre les partenaires. Ce sont eux qui doivent choisir les arbitres ou les médiateurs. Ce n'est pas le cas ici. Il n'est pas explicitement indiqué que les instances nationales paritaires seront consultées lorsque le ministre choisira ses médiateurs. En tout état de cause, la médiation est le fruit d'une dynamique de négociation. Sinon, cela ne peut pas marcher car ce ne sera pas accepté par les partenaires sociaux.

Le dernier point concerne les conditions d'élaboration du projet de loi. A cet égard, le projet de loi est très paradoxal. Il est contraire au passé, si nous nous référons à l'histoire de nos relations sociales, et contraire à l'avenir, si nous nous référons aux textes européens. Si nous nous référons au passé, nous avions avec la protection de l'emploi un exemple rare en France de processus de négociation réussi. L'accord, que vous connaissez, de 1969 sur la sécurité de l'emploi, qui est un accord interprofessionnel, a été signé par cinq organisations syndicales et deux organisations patronales. Cet accord avait posé toutes les bases du droit actuel et avait fait des avancées sur beaucoup de questions, que je ne détaillerai pas ici. J'ajoute qu'il a été prolongé par les voies de l'accord a de nombreuses reprises.

En ce qui concerne les textes européens, vous connaissez le protocole de Maastricht annexé au traité d'Amsterdam, la saisine des partenaires est inscrite dans les textes fondamentaux. Le droit de négociation figure par ailleurs dans la Charte des Droits Fondamentaux.

A la fois du point de vue de l'histoire de nos relations sociales et du point de vue des textes européens, il y a un paradoxe à ne pas inviter les partenaires à prolonger ce qu'ils ont fait en 1969.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie de votre intervention. Monsieur le rapporteur, avez-vous des questions ?

M. Alain GOURNAC, rapporteur - M. Amadieu a répondu à un bon nombre de mes questions. L'ensemble de ces dispositions rallonge la durée de la mise en oeuvre du plan social, avez-vous estimé cette durée supplémentaire ?

M. Jean-François AMADIEU - Non. Je pense que mon collègue Jean-Emmanuel Ray a dû vous entretenir de ce sujet.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Il nous a dit que cela pouvait atteindre deux mois environ.

M. Roland MUZEAU - Votre propos est très intéressant mais il m'interroge beaucoup quand vous prenez un cas d'école. Vous vous posez la question de savoir ce qui pourrait se passer quand une entreprise, même si elle gagne de l'argent dans un site, ne procède pas par anticipation car elle craint que dans cinq ans sa compétitivité ne soit défaillante. Je tiens à dire que je ne suis pas mieux placé que vous pour deviner le devenir de nos entreprises et de l'économie en général. Mais, nous avons quelques exemples savoureux qui montrent que les plus grands édiles de ce pays se sont déjà trompés en la matière. Si vous prenez le cas de Thomson Multimédia, cette entreprise ne valait pas un franc alors qu'elle est aujourd'hui numéro un mondial. Un cas ne fait probablement pas une généralité, mais l'inverse non plus. Je crois qu'il serait intéressant que vous nous donniez votre appréciation sur cette notion d'anticipation qui rejoint la fin de votre propos sur la nécessité selon de vous de renforcer les incitations à négocier. Mais, encore faut-il pour négocier ne pas se retrouver devant des incontournables, comme tout simplement le fait que le droit boursier empêche l'anticipation du droit social. Vous reconnaîtrez que cela met à mal toutes velléités de négociation !

M. Jean CHERIOUX - Je pense que cela ne s'applique qu'aux entreprises cotées. Cela restreint le débat. En réalité, à propos des problèmes qui sont spécifiques à certains groupes et à certaines grosses entreprises, nous adoptons un système qui s'applique à tout le monde. Je pense que nous pourrions circonscrire l'application des dispositions prévues à un certain nombre d'entreprises bien définies.

M. Jean-François AMADIEU - Il est vrai que certaines dispositions, notamment la définition du licenciement, s'appliquent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Elles vont exposer à une incertitude juridique et à un coût certain toute une série de petites entreprises qui sont souvent dans une situation financière tout à fait différente. Je voudrais soulever un point qui est marginal dans le projet de loi mais qui répondra à vos questions. Il faudrait que les partenaires sociaux, tout d'abord dans un accord interprofessionnel puis dans une série d'accords de branches, renforcent la négociation sur les questions qui nous occupent. Il s'agit pour les petites entreprises de la seule bonne manière de traiter toute une série de problèmes en matière d'emploi. Je n'invente rien puisque c'est très largement ce que nous avons commencé à faire dès les origines. J'ai mentionné l'accord de 1969, mais les accords dans la sidérurgie lorraine avaient déjà servi d'exemple. Certaines branches sont très dynamiques en ce qui concerne les questions de négociation et de formation. Mais, introduire une incertitude supplémentaire, des délais et des coûts pour des entreprises de petites dimensions est totalement inadapté. Compte tenu des aléas que peuvent connaître de telles entreprises, c'est au niveau des branches que des solutions plus intelligentes peuvent et doivent être trouvées.

En ce qui concerne la difficulté des anticipations, cela n'enlève rien à l'intérêt de la négociation. Simplement, cela montre, et j'irai donc dans votre sens, la difficulté de l'exercice et le fait qu'il est impossible, à mon sens, de porter une appréciation sur les décisions prises dans une très grande incertitude par des employeurs. Je crois que cela peut être un des résultats de la négociation. Lorsqu'un accord pluriannuel est signé ou qu'un employeur s'engage à maintenir l'emploi, ces dispositions peuvent être plus ou moins aisément tenues. Mais, les parties peuvent en convenir dans le cadre d'un suivi.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie de nous avoir éclairés sur un certain nombre de points, dont nous tirerons un grand profit.

G. AUDITION DE MME ANNIE THOMAS, SECRÉTAIRE NATIONALE DE LA CFDT

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie madame la secrétaire nationale de la CFDT d'avoir bien voulu nous rejoindre, malgré notre invitation un peu tardive, pour nous donner votre avis sur ce texte qui vient de l'Assemblée nationale à propos des licenciements économiques. Je crois que vous regrettez que le Gouvernement ait pris ses décisions sans aucune concertation avec les organisations syndicales, ce qui, au regard du sujet, est un comble. Dans un premier temps, voulez-vous faire un survol général de ces textes pour nous donner la position de votre Confédération sur ces textes ?

Mme Annie THOMAS - Je vous remercie monsieur le président. Avant d'en arriver au commentaire des différents articles, permettez-moi de faire une introduction générale.

Nous trouvons qu'il y a eu une focalisation très sélective sur les différentes mesures de la loi de modernisation sociale. La loi comprend des mesures très diverses, dont certaines étaient demandées par la CFDT depuis très longtemps. Je pense en particulier à la validation des acquis de l'expérience. Les médias se sont focalisés sur les mesures pour la lutte contre les licenciements économiques. C'est la vie me direz-vous... Je remarque que l'intérêt du législateur est très sélectif et l'agitation autour de Marks & Spencer et Danone n'a pas permis de parler d'autres dossiers où nous constatons qu'il y a de vrais problèmes de stratégies industrielles. Le dernier exemple en date, hier, est l'annonce d'Alcatel. Je voudrais dire aussi que la question des licenciements des salariés des très petites entreprises et des PME continue de laisser indifférents la loi et les médias, ce que la CFDT trouve extrêmement dommageable car, si nous regardons les chiffres réels, 85 % des licenciés économiques sont des personnes qui ne sont pas protégées par des plans sociaux. Or le texte qui vous est présenté accroît la protection de ceux qui sont déjà les plus protégés et laisse dans le vide ceux qui le sont beaucoup moins.

J'avais attiré, tout à l'heure, votre attention sur la question des restructurations. Lorsque le rideau sera tombé sur la loi, le problème des restructurations demeurera posé, de même que la question de la protection des salariés menacés de chômage. La CFDT ne nie pas que l'intensification des règles de concurrence, la mondialisation et l'évolution des comportements des consommateurs amènent à faire évoluer l'appareil de production. C'est une évidence. En même temps, tendre vers le plein emploi, comme nous le souhaitons tous, n'empêchera pas les restructurations. C'est pourquoi il faut instaurer un véritable droit au reclassement pour les salariés et une véritable politique d'anticipation industrielle par rapport à des évolutions dont certaines sont prévisibles. Ce qui se passe chez Alcatel, d'autres secteurs l'ont mis en place, ainsi que nous pouvons le voir pour le secteur de la téléphonie et pour Philips. Depuis 1993, dans le domaine de l'emploi et du licenciement, beaucoup de choses ont évolué. Il y a eu des choses positives, de par l'action des organisations syndicales et des partenaires sociaux en général, notamment la mise en place de cellules de reclassement dont il aurait fallu s'inspirer. Nous pouvons prendre pour exemple les cellules qui ont travaillé dans l'Aube et dans les Vosges sur les questions liées au textile et à l'habillement. Il est toujours intéressant de voir comment l'économie s'adapte à la loi. Nous avons vu que, sur la question des licenciements, il y a eu une adaptation à la loi, une adaptation douce par la multiplication de départs en préretraite et une adaptation dure par la multiplication de contrats à durée déterminée et de recours aux intérimaires. Nous constatons qu'aujourd'hui, il y a à l'ANPE une montée régulière des inscriptions par fin de contrat. Petit à petit, les entreprises se sont adaptées et ont remplacé les licenciements collectifs par des contrats à durée déterminée. La loi ne répond pas à cette importante question.

Pour terminer cette introduction, monsieur le président, la CFDT regrette que les partenaires sociaux n'aient pas été consultés pour une question qui les concerne au premier chef, eux, les employeurs et les acteurs touchés par les problèmes de réindustrialisation de sites. C'est nous qui avons à gérer la situation dans les entreprises ; cette gestion va parfois jusqu'au soutien des personnes. Il est donc anormal que nous n'ayons pas été consultés. Nous apprécions votre invitation de ce jour, mais nous estimons qu'il y aurait dû y avoir un véritable travail préparatoire. D'autant plus, je le redis, qu'il y a des expériences de terrain qui peuvent nous inspirer et qui sont très positives.

Souhaitez-vous que je m'exprime à présent sur les différents articles ?

M. Jean DELANEAU, président - Comme vous le souhaitez, à moins que nous ne vous posions des questions. Vous pouvez aussi passer le texte en revue.

Mme Annie THOMAS - C'est ce que je vais faire.

J'évoquerai tout d'abord l'application du projet de loi. En ce qui concerne les questions d'adaptation des salariés à leur entreprise, nous souhaitons qu'il y ait une véritable politique d'anticipation. Cet aspect des choses a été évoqué par la CFDT, mais aussi par d'autres, lors de la négociation en cours sur la réforme de la formation professionnelle, dans le cadre de la refondation sociale. Notre objectif en la matière est de renforcer la négociation de branches. Nous pensons que c'est par ce biais que nous pouvons travailler sur l'adaptation des salariés.

A propos l'article 322-1, il s'agit de l'amendement Michelin. Il n'y a pas de problème, mais cette injonction et cette partie du code du travail ne devraient avoir qu'une durée de vie limitée. En effet, la nouvelle durée légale du travail, 35 heures, s'appliquera à tous à partir de 2002.

Concernant la transparence et l'information, l'article 238.1 porte sur les organes de direction de surveillance. Je vais faire un peu d'ironie. Nous pouvons imaginer que les actionnaires savent ce dont il s'agit et il nous semble que leur intérêt devrait davantage être attiré sur leurs responsabilités sociale et territoriale.

Sur les questions de consultation et d'information, les articles 431-5-1 et 432-1 viennent conforter les droits des représentants du personnel en matière de stratégie économique et, éventuellement, de restructurations. Il nous restera à obtenir les informations pertinentes et de qualité pour toute la réalité juridique et économique du groupe. A noter que cela ne change rien pour les entreprises non couvertes par un comité d'entreprise, c'est-à-dire celles qui sont les plus nombreuses. De plus, cela n'implique pas, à priori, de consultation sur l'environnement économique de l'entreprise, en particulier la sous-traitance. Sur ce sujet, seule une information pour le donneur d'ordre est exigée. Par rapport à la responsabilité territoriale, il nous semble que nous pourrions peut-être aller plus loin.

Pour ce qui est du droit d'opposition et du recours au médiateur, cela concerne les articles 432-1 et 432-1-3. Ces articles tournent autour de la volonté de certains d'instituer un droit de veto. La rédaction laisse des zones d'ombre pour leur application. A quelle entreprise ce droit s'applique-t-il ? Ce droit sera de plus plutôt inégalitaire puisqu'il semble ne concerner que des licenciements d'au moins 100 personnes. Par ailleurs, l'externalisation du compromis par la présence d'un médiateur ne joue pas pour le dialogue social et n'a pas l'approbation de la CFDT. Cela ne renforce pas la responsabilité des partenaires sociaux.

Sur la question du droit de veto, nous n'y sommes pas favorables car cela rendrait les représentants des salariés cogestionnaires des restructurations, et éventuellement coresponsables des licenciements. Des syndicalistes ne peuvent avoir envie d'approuver cela. Un certain nombre de choix serait ainsi renvoyé à l'administration. Là aussi, cela ne nous semble pas être la meilleure des solutions.

A propos de la définition du licenciement économique, nous n'étions pas partisans de restreindre la notion de licenciement économique. Toutes sortes de choses ont été dites autour de cet article. En particulier, certains voulaient introduire la question des licenciements dits boursiers. Je le dis franchement, pour la CFDT, il n'y a pas de licenciements qui soient pires les uns que les autres. Vouloir en distinguer un et dire qu'il faut un traitement spécial pour les licenciements boursiers constitue une petite insulte pour ceux qui subissent un licenciement et ne sont absolument pas protégés par un plan social. Nous ne voulons pas de distinguo et nous estimons qu'à partir du moment où les personnes sont licenciées pour raisons économiques, elles ont toutes droit à une protection.

La définition restrictive du licenciement économique est-elle vraiment réaliste par rapport aux évolutions économiques parfois nécessaires de l'activité de l'entreprise ? Nous nous posons des questions. Est-ce que cela va changer la situation quant à l'appréciation de la réalité des difficultés que vit l'entreprise ? Nous avons aussi peur de certaines formes d'effets pervers. Je disais qu'on s'adapte toujours à une loi. Depuis 1993, des entreprises ont réussi à s'adapter à la loi, aussi ne faut-il pas fournir un « marchepied » qui pourrait s'avérer dangereux. Nous avons peur que cette approche écarte des personnes licenciées de la protection du plan social, en poussant les entreprises à détourner cette règle et en allant vers des licenciements individuels.

Enfin, l'interprétation du licenciement reviendra au juge. Je pense que vous connaissez la position de la CFDT. Le juge est nécessaire et la justice aussi, mais nous pensons qu'il vaut mieux, dans l'entreprise, privilégier la responsabilité sociale plutôt que la responsabilité judiciaire. En la matière, cette disposition ne plaide pas pour le dialogue social et la responsabilité des partenaires sociaux. Nous savons qu'elle est parfois difficile à exercer, mais nous souhaitons le faire.

Concernant le plan de sauvegarde prévu par les articles 321-1, 321-4-1 et 34 bis F. Le texte approfondit les moyens du reclassement, sans pour autant en faire un droit complet. Cela vient, nous semble-t-il, appuyer le processus que nous avons négocié dans le cadre de la négociation sur l'assurance chômage, en mettant en place le PARE qui est un dispositif d'accompagnement et un droit au reclassement. Cette question est très importante pour nous. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont avancé dans ce domaine. Mais il reste des choses à faire, soit à travers des mesures législatives, soit par le biais des partenaires sociaux. Nous avons approuvé les mesures destinées à la réindustrialisation des bassins d'emplois concernés. C'est une bonne mesure, même si nous pouvons aller plus loin.

A propos du contrôle et du suivi, il s'agit des articles 321-7 et 321-4. Cette introduction d'une obligation de suivi nous satisfait. Cela permettra d'exercer un droit de vigilance jusqu'à la mise en oeuvre des mesures et d'exiger pour chacun des reclassements conformes aux souhaits des personnes concernées.

Pour résumer, c'est une loi qui met en place une protection accrue pour ceux qui sont déjà protégés, mais qui, par ses applications, peut aussi avoir des effets pervers. Elle laisse de côté 85 % de licenciés économiques. C'est un droit qui va se complexifier, qui sera difficile à expliquer aux salariés et qui ne sera pas toujours facile à contrôler par les représentants du personnel. Il aboutit à laisser plus de place pour le juge et moins de pouvoir pour les acteurs sociaux. Sur le droit au reclassement, nous portons un regard positif, mais il faut aller plus loin. Sur la réindustrialisation, nous avons aussi un jugement positif. Toutes les mesures qui confortent la consultation, l'information et le droit d'expertise pour les représentants des salariés sont des avancées intéressantes.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je voudrais vous remercier pour votre exposé plein de rigueur et de clarté. Mais je voudrais savoir si vous ne pensez pas que nous aurions pu arriver à quelque chose de mieux en passant par le dialogue social et avec les partenaires ? Pourquoi faire appel automatiquement à une approche législative, pour laquelle, de plus, vous n'avez pas été consulté ? Nous nous apercevons qu'un texte sort et qu'il ne donne que peu satisfaction. Il me semble que c'est dommage car cela va apporter de l'espoir au personnel et cet espoir va être déçu. Aurions-nous pu mieux travailler par le dialogue social et arriver à quelque chose qui aboutirait à une protection, un suivi des risques de licenciement ?

Mme Annie THOMAS - Vous ne serez pas surpris de ma réponse positive, à travers ce que je vous ai déjà dit. En la matière, la CFDT pense qu'il est utile de travailler avec le législateur et le Gouvernement sur ces questions. Nous avons besoin de reconstruire des garanties collectives, de les faire le plus large possible et cela pour tous. Nous pensons que les partenaires sociaux avaient leur mot à dire, que ce soit les syndicats ou les employeurs, car ils ont de l'expérience et ont réussi, à travers quelques essais, à trouver des solutions satisfaisantes qui ont pu, à la fois, satisfaire les salariés et le territoire.

Nous aurions pu, dans un premier temps, faire un bilan de tout ce qui s'est déjà construit de manière contractuelle à travers le pays. Nous aurions aussi pu nous inspirer des outils que les instances paritaires ont mis en place, notamment les congés de conversion créés par l'UNEDIC et dont le principe a été élargi à travers le PARE. D'autres initiatives ont été prises dans des instances de la formation professionnelle. Il y avait là une première phase de diagnostic.

Nous sommes dans une drôle de période où certains évènements frappent l'opinion, sont repris par les médias et relayés par le politique dans un certain sens. En tant que syndicaliste, je ne vais pas vous dire que nous n'avons pas à être émus par la douleur des personnes concernées par les problèmes de licenciement. Simplement, nous en sommes restés à une réaction épidermique, médiatisée. Dans le social, ce n'est jamais bon. Ce qui a été encore plus ennuyeux, c'est que les partenaires sociaux auraient pu stopper ce processus. Pour cela, il fallait prendre le temps de consulter les partenaires essentiels qui sont concernés par les licenciements économiques. Nous ne sommes pas pressés. D'ailleurs, vous-mêmes avez décidé de reporter à l'automne l'examen de ces mesures.

M. Jean DELANEAU, président - Dans la mesure où nous savons que l'Assemblée nationale ne pourra pas s'en saisir avant le 20 novembre.

Mme Annie THOMAS - La preuve est faite que nous n'avions pas besoin que la loi soit votée fin juin.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, un délai de 15 jours nous a reculé dans notre travail. La loi arrivera quoi qu'il se passe le 20 novembre à l'Assemblée Nationale. Nous allons travailler dessus le 9 octobre et cela ne recule rien.

M. Roland MUZEAU - Vous regrettez nettement que le politique se soit mêlé, dans un instant très médiatisé, d'une problématique liée aux licenciements. Vous indiquez aussi que vous auriez souhaité que l'accent soit mis sur l'incitation à la négociation entre les partenaires sociaux, mais vous concédez que le politique aussi peut exister dans cette négociation. Cela me rassure un peu. Dans la situation qui est celle des plans de licenciements dans les grandes entreprises, qui font des profits colossaux et qui ont des sites qui sont tous rentables ou quasiment, l'incompréhension ne peut être que totale chez les salariés qui se retrouvent mis à la porte. Le politique ne peut faire autrement, c'est d'ailleurs son rôle, que de s'interroger sur cette problématique. Faut-il précipiter les choses ou non ? La question doit être dépassée. Il nous semble que l'amélioration de la définition de ce que sont les licenciements économiques est un progrès. Vous l'indiquez aussi mais en y mettant une réserve immédiate avec le fait qu'elle ne s'applique qu'aux grandes entreprises où les salariés sont déjà protégés. C'est vrai. Mais, cela étant, n'est-il pas judicieux de profiter des navettes parlementaires pour avancer des propositions qui viseraient à mieux protéger tous ces secteurs où les salariés sont les plus nombreux ? Quelles sont, en la matière, les propositions de la CFDT ?

M. Guy FISCHER - Il est évident que nous avons dû faire face à nos responsabilités dans ce débat, en tant que législateurs. Il est vrai que cela pose des problèmes importants. Néanmoins, depuis le 24 avril, et nous avons vu qu'entre le 24 avril et la mi-juin, nous avons été très porteurs sur un certain nombre d'amendements, nous avons fait plusieurs propositions concernant en particulier le contrôle des fonds publics. Lorsque nous reprenons vos conclusions, vous êtes très critiques. Ce que nous souhaitons, c'est de trouver le juste équilibre entre la négociation collective et le rôle du législateur, qui est légitime. Vous avez fait référence aux priorités de la CFDT, c'est-à-dire la négociation de branche. Mais, nous avons vu que des accords de branches ont pu être signés et n'avoir que des effets limités. Pour notre part, nous sommes preneurs de propositions qui pourraient venir, mais je crois qu'il faut que le législateur trouve sa juste place dans des problèmes qui ne peuvent pas laisser insensibles. L'engagement du politique repose, que ce soit au niveau de l'Etat ou des collectivités territoriales, aussi sur des projets économiques.

M. Alain GOURNAC, rapporteur - Je suis forcé de réagir. Personne n'a dit que le législateur ne devait pas faire son travail, mais je crois qu'il y a des priorités. Les syndicats, sur le terrain, sont confrontés toute l'année, à travers tout le pays, à des plans sociaux dans des grandes et des moyennes entreprises. Consulter les syndicats avant de se lancer dans un texte qui a été annoncé comme important, est un minimum. A la deuxième lecture, il fallait encore revenir vers les syndicats pour leur demander leurs positions sur les modifications et les ajouts. Le législateur a son mot à dire, mais enrichi par toutes les réalités qui se passent dans la vie.

M. Jean CHERIOUX - Madame, vous avez fait état de votre souci d'assurer une protection plus égalitaire pour les travailleurs. Mais, est-ce qu'égalité signifie uniformité ? Les conditions sont très différentes suivant les branches et les entreprises. Est-ce que vous n'estimez pas que c'est une raison supplémentaire pour que, dans le cadre de la loi, il y ait des possibilités d'adaptation branche par branche, dans le cadre de négociations collectives. Nous bâtissons une loi qui est basée uniquement, comme vous l'avez dit, sur ce qui se passe dans les grands groupes. Il faut que tout le monde soit protégé, mais nous ne pouvons pas protéger tous les gens de la même façon. Dans les entreprises où il n'y a pas de risque de délocalisation, la situation est très différente par rapport à celle qui existe dans les entreprises multinationales.

Mme Annie THOMAS - S'il y avait une incompréhension sur la place du législateur, je tiens à la lever tout de suite. La CFDT estime que le législateur doit, bien évidemment, légiférer lorsqu'il le faut et quand il le faut. Simplement, nous devons mieux travailler que nous ne le faisons.

Nous voulons faire en sorte que la loi laisse l'espace nécessaire à la négociation contractuelle et à son résultat. Nous souhaitons d'ailleurs nous inspirer de ce qui se passe au niveau européen, par exemple donner aux partenaires sociaux le droit de saisine sur les questions essentielles qui les intéressent. Des propositions peuvent être faites sur cette question et j'espère qu'elles le seront car je pense que c'est une bonne initiative. Nous pouvons progresser en faisant une place aux différents acteurs. Les syndicalistes se mouillent la chemise tous les jours sur des questions de licenciements, et cela à tous les niveaux, de l'entreprise jusqu'aux commissions juridiques dans les unions départementales qui traitent des problèmes des personnes licenciées. Le fond de notre réflexion est de faire une place aux partenaires sociaux dans leurs domaines respectifs et de faire en sorte que la loi prenne en charge tous les salariés qui sont concernés par les licenciements, pas forcément de manière égalitariste. Il y a un acharnement thérapeutique autour des salariés des grandes entreprises. Vous connaissez autant que moi la situation chez Danone. Qui, dans cette salle, peut croire que le plan social chez Danone va vraiment être mauvais ?

M. Roland MUZEAU - Excusez-moi de vous interrompre, mais la question n'est pas là.

Mme Annie THOMAS - Elle était là lorsque les décisions de Danone ont été incendiées, en faisant pleurer les chaumières autour de leurs salariés. La situation est très difficile pour ces salariés, je le sais. Mais, l'objectivité qui est la nôtre doit être de dire qu'au niveau du traitement du plan social qu'ils vont subir, ce ne sera pas le pire de toute la France.

M. Roland MUZEAU - La question n'est pas là...

M. Jean DELANEAU, président - Monsieur Muzeau, nous ne sommes pas en séance !

M. Roland MUZEAU - Nous nous sommes mal compris. La question réside dans la disparition de sites entiers dans des régions qui vont devenir des régions de désertification économique.

Mme Annie THOMAS - Je critique simplement la façon dont l'affaire a été traitée. Il y aurait pu y avoir à ma place la secrétaire générale de la Fédération agroalimentaire, qui a Danone dans son territoire, et qui vous aurait fait part des réactions des syndicalistes CFDT. Je n'en rajoute pas.

Au-delà de la question du rôle des partenaires sociaux et de celle de l'égalité pour tous les salariés, il faut savoir comment nous prenons en compte, dans une société où l'économie prend une forme de plus en plus mondialisée, les problèmes de restructuration. Je crois que, tant qu'il n'y aura pas de vrai débat sur ce que cela signifie en termes de politique et de stratégie industrielles, d'anticipation et d'évolution, nous ne pourrons réagir qu'au coup par coup. C'est une responsabilité pour tous, les pouvoirs publics, les chefs d'entreprise et les organisations syndicales. Même dans une situation de plein emploi, nous aurons des restructurations industrielles car l'appareil de production, les enjeux et la demande des consommateurs sont aujourd'hui faits ainsi. Il vaudrait mieux en débattre avant et voir comment nous pouvons anticiper pour les salariés et pour les territoires. Nous avons des positions fortes concernant les salariés des TPE et des PME ; c'est un axe revendicatif pour la CFDT que de dire qu'ils ne doivent pas être écartés des garanties collectives. En l'occurrence, nous constatons à la lecture des différents textes, en particulier celui-ci, que les salariés des très grandes entreprises sont dotés de l'amorce d'un droit au reclassement. C'est l'entreprise qui doit prendre en charge ce droit. Or c'est beaucoup plus difficile pour les entreprises artisanales. Ceci étant, cela ne nous dédouane pas de nous occuper de cette question car il pourrait y avoir là un relais des pouvoirs publics et des instances paritaires. L'UNEDIC commence à le faire mais nous pourrions trouver des solutions avant que cela n'en arrive là.

Au niveau des fonds de formation professionnelle, nous savons que cette question est importante. Mais, en cas de licenciement avec reclassement, les gens ne se formeront vraiment que s'il y a un projet professionnel derrière. Dans le cas contraire, ils n'iront pas dans les stages que vous leur proposerez, quels qu'ils soient. Il faut donc lier la possibilité d'avoir une réorientation professionnelle à l'existence d'un projet professionnel qui pourrait être construit. En résumé, nous avons besoin d'anticipation, d'une réorganisation des fonds publics et paritaires et de faire en sorte que ce droit au reclassement puisse arriver jusqu'aux salariés des TPE et des PME. L'entreprise ne pourra pas être la seule responsable dans ce domaine.

La question sur les possibilités d'adaptation branche par branche est intéressante. Nous en revenons à ce que doit être la loi. La loi sur la question des licenciements ne peut pas tout régler. Les licenciements dans un secteur comme le textile ou dans l'informatique sont très différents. Dans le textile, le licencié doit pouvoir se dire qu'il peut bénéficier une réorientation professionnelle. Dans l'informatique, cela peut être une question de formation, d'adaptation au métier. Je mets de côté les politiques industrielles qui ne sont pas de mon ressort. Mais cela tourne autour d'une adaptation du droit au reclassement en lien avec le secteur d'origine et le parcours professionnel que nous allons proposer à la personne.

Le droit au reclassement tel qu'il est proposé ici ne concerne que les grandes entreprises. Pour certaines autres entreprises, nous pouvons peut-être descendre les chiffres proposés ici. Il y a des entreprises petites et moyennes qui font des profits et qui licencient. L'entreprise elle-même est donc à examiner. Les pouvoirs publics donnent beaucoup d'argent pour la formation des chômeurs. Peut-être pourrait-il y avoir une réorientation de ces fonds vers ces personnes avant qu'elles n'arrivent au chômage. Il faut aussi que les partenaires sociaux jouent un rôle, dans le cadre des systèmes paritaires que nous gérons, à la fois l'UNEDIC mais aussi la formation professionnelle, qui devraient pouvoir participer à un système de ce type.

M. Jean DELANEAU, président - Je vous remercie madame. J'indique que les amendements extérieurs peuvent arriver jusqu'au 8 octobre. Je ne doute pas que cette période de réflexion supplémentaire entraînera une génération de nouvelles propositions.

A N N E X E S


ANNEXE N° 1
-
CONTRIBUTION ÉCRITE DE L'UPA DU 28 JUIN 2001

Note à destination de la Commission des Affaires Sociales du Sénat 17 ( * )

Paris, le 28 juin 2001

OBJET : Observations de l'UPA sur les articles 29 à 34 bis du projet de loi de modernisation sociale relatifs à la prévention des licenciements

La Commission des affaires sociales du Sénat a souhaité connaître les observations de l'UPA sur les dispositions relatives à la prévention des licenciements.

Les nouvelles dispositions adoptées dans le cadre d'une deuxième délibération à l'Assemblée nationale constituent une réponse, avant tout politique, aux plans sociaux de grandes entreprises comme Danone, Marks et Spencer et AOM.

À l'occasion de son entretien avec le Premier Ministre, l'UPA a vivement regretté que les partenaires sociaux sur une réforme importante du droit applicable aux « plans sociaux » et au licenciement économique, n'aient pas été consultés en amont.

Cet événement pose une nouvelle fois la question du rôle des partenaires sociaux, qui est en débat dans le cadre de la refondation sociale et de la négociation sur « les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective ».

En outre, l'UPA ne peut que déplorer l'adoption de mesures générales, applicable à toutes les entreprises, pour répondre à des situations particulières d'entreprises de grande taille.

Le législateur légifère, dès lors qu'il s'agit de droit social, droit du travail ou de droit économique, en fonction d'une perception uniforme du monde de l'entreprise, sans tenir compte des spécificités des plus petites d'entre elles.

Or, la moyenne du nombre de salariés dans les entreprises artisanales est de trois salariés. Les rapports entre le chef d'entreprise et ses salariés ne sont pas de même nature dans une entreprise familiale et dans une entreprise plus importante.

L'artisan employeur exerce à la fois la production, la vente, la gestion de son entreprise. Il ne dispose d'aucun service des ressources humaines, ni d'un conseil juridique expert en droit social et du travail.

Il est donc la première victime de l'inflation législative et de la complexité croissante du droit du travail en France, qui se traduisent par une augmentation régulière des contentieux devant les conseils de prud'hommes, liés, en particulier, aux irrégularités de procédure.

SECTION I

Prévention des licenciements

Article 29 A
Remplacement du « plan social » par
le « plan de sauvegarde pour l'emploi »

Observation de l'UPA

Ce changement de terminologie n'appelle pas d'observation particulière.

Article 29
Extension de la négociation de branche sur la formation

Cet article élargit la négociation de branche aux priorités, objectifs et moyens de la formation professionnelle qui doit porter sur les actions permettant d'assurer :

- l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois ;

- le développement des compétences ;

- la gestion prévisionnelle des emplois dans les entreprises de la branche, compte tenu de l'évolution prévisible des métiers.

La négociation de branche porte également sur les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel sur leur évolution professionnelle, ainsi que les suites données à celui-ci.

Observations de l'UPA

Sur le fond, l'UPA est favorable à tous les dispositifs qui permettent d'adapter les salariés à l'évolution de l'emploi, mais sur la forme, l'UPA considère que ces problèmes relèvent de la responsabilité des partenaires sociaux.

Article 30
Appui à la conception d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois

Les entreprises, dont l'effectif maximal sera fixé par décret, qui souhaitent élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pourront bénéficier d'un dispositif d'appui-conseil cofinancé par l'Etat pour mener les études nécessaires à la conception de leur plan.

Observations de l'UPA

Cet article semble peu adapté aux entreprises artisanales compte tenu de la taille de ces catégories d'entreprises. Pour être efficace, il aurait été préférable d'envisager un appui des branches professionnelles.

Article 31
Négociation sur la réduction du temps de travail préalable£
à l'établissement d'un plan social

Cet article dit « amendement Michelin » oblige les entreprises, préalablement à l'établissement d'un plan social, à conclure un accord de réduction du temps de travail, ou à défaut, à engager des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. En cas de non-respect de ces conditions, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel peuvent saisir le juge qui peut prononcer la suspension de la procédure.

Observations de l'UPA

Les grandes entreprises appliquent toutes des accords de réduction du temps de travail, cette mesure apparaît donc aujourd'hui dépassée.

L'UPA a exprimé son désaccord au caractère obligatoire du passage aux 35 heures. Dans le même esprit, l'UPA ne peut être qu'en désaccord avec cette nouvelle mesure dirigiste, même si les entreprises artisanales sont rarement concernées par les plans sociaux.

Article 31 bis

Cet article est applicable aux entreprises de 100 salariés et plus et ne concerne donc pas les entreprises artisanales.

Article 31 ter

Cet article ne concerne pas les entreprises artisanales.

SECTION II
Droit à l'information des représentants du personnel

Cette section, qui regroupe les articles 32 A à 32 quater, vise à renforcer les pouvoirs du comité d'entreprise à travers une modification des articles L.431 et L.432 du code du travail et ne concerne donc pas les entreprises artisanales.

De même, la procédure de médiation concerne les entreprises de plus de 100 salariés.

SECTION III
Plan de sauvegarde de l'emploi et droit au reclassement

Article 32 A (nouveau)
Nouvelle définition du licenciement économique

Cet article instaure une nouvelle définition restrictive du licenciement économique.

Sera désormais considérée comme licenciement économique, une suppression, transformation ou modification substantielle du contrat de travail consécutive à :

- des difficultés économiques sérieuses et n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen,

- des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise,

- des nécessités de réorganisation de l'entreprise indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.

La suppression du terme « notamment » réduit considérablement la marge d'appréciation du licenciement économique.

Observation de l'UPA

Cette nouvelle définition du licenciement économique réduit considérablement la marge d'appréciation du licenciement économique au sein même de l'entreprise, quelle que soit sa taille.

Contrairement à la justification exprimée par le Gouvernement qui souhaite, par cette nouvelle définition « refuser au juge la légitimation économique des licenciements », ce nouveau texte va conférer un pouvoir décisionnelle accru au juge. En effet, l'appréciation du caractère « sérieux » des difficultés rencontrées par l'entreprise reste extrêmement subjective.

L'UPA regrette vivement la perte du pouvoir d'appréciation que constitue, pour un chef d'entreprise, la possibilité d'apprécier lui-même, la gravité de la situation économique dans laquelle se trouve son entreprise.

Cette contrainte nouvelle qui pèsera sur le chef d'entreprise se justifie d'autant moins pour les entreprises artisanales, qu'aucune d'entre elles n'utilise le licenciement comme une variable d'ajustement économique. Le licenciement, est toujours vécu par le chef d'entreprise artisanale, comme un échec. Il convient en outre de rappeler que le chef d'entreprise ne peut déléguer cette tâche à un spécialiste du droit dont il ne dispose pas au sein de son entreprise.

Cette nouvelle définition, source de contentieux, ne fera qu'allonger et compliquer les procédures, ce que les petites entreprises, tenues à une grande réactivité par rapport au marché, ne peuvent économiquement se permettre.

Article 33
Droit au reclassement avant tout licenciement économique

Cet article inscrit dans la loi un principe de l'obligation de recherche de reclassement du salarié au sein de l'entreprise ou du groupe interne.

Observation de l'UPA

Cette mesure n'est pas pertinente pour les petites entreprises.

Article 33 bis
Suppression du critère de qualités professionnelles pour la détermination de l'ordre des licenciements économiques

Cet article retire la notion de qualités professionnelles des critères pouvant êtres retenus pour déterminer l'ordre des licenciements économiques.

Observation de l'UPA

Cette mesure est anti-économique au moment où l'entreprise doit fournir des efforts particuliers pour redresser sa situation. Elle apparaît, en outre, peu applicable dans les faits, notamment pour les entreprises artisanales.

Article 33 ter
Caractère irrégulier de la procédure de licenciement pour motif économique en cas de non-consultation des délégués du personnel inexistant dans l'entreprise

Cet article considère comme irrégulier tout licenciement pour motif économique effectué dans une entreprise dans laquelle les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place.

Dans les entreprises de onze salariés et plus où les délégués du personnel ne sont pas désignés et où aucun procès-verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant de ce fait sans que les obligations de consultation n'aient été respectées, sera considéré comme irrégulier.

Le salarié ainsi licencié aura droit à une indemnité nouvelle correspondant à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

Observations de l'UPA

Cette mesure est particulièrement pénalisante pour les entreprises artisanales, dès lors que la très grande majorité des entreprises artisanales de plus de 11 salariés n'ont pas de délégués du personnel.

De même que la plupart d'entre elles n'établissent pas de procès-verbal de carence.

Concrètement, cette disposition se traduira pour les entreprises artisanales par un renchérissement du coût du licenciement, alors que tout licenciement est généralement lié à une situation financière très préoccupante, ou à une cessation d'activité d'une entreprise qui ne trouve pas de repreneur.

En effet, le dialogue social au sein des entreprises artisanales s'établit directement entre le chef d'entreprise et les salariés, sans passer par des institutions représentatives du personnel.

C'est pourquoi un certain nombre d'organisations professionnelles de branche relevant de l'UPA ont mis en place des dispositifs permettant un dialogue social au niveau régional.

En outre nos chefs d'entreprise ne peuvent être des spécialistes du droit du travail, et les excès de formalisme en ce domaine pénalise nos petites structures.

L'UPA souhaite une suppression de ce dispositif, qui témoigne d'une méconnaissance totale du mode de fonctionnement des petites entreprises et de l'absence de prise en compte de ses spécificités.

Article 34 A et article 34
Conséquences de la nullité du licenciement et contenu du plan social dans les entreprises de cinquante salariés au moins

Ces deux articles ne concernent pas les entreprises artisanales.

Article 34 bis A (nouveau)
Calcul de l'indemnité de licenciement

Le taux de cette indemnité sera différent suivant le motif du licenciement et sera fixé par voie réglementaire.

Observation de l'UPA

L'UPA regrette cette nouvelle complexité et est hostile au renchérissement du coût du licenciement qui est le plus souvent, dans les entreprises artisanales, consécutif à une situation financière et économique difficile.

Article 34 bis B (nouveau)

Cet article concerne les seules entreprises assujetties à la législation sur les comités d'entreprises.

Article 34 bis C
Renforcement de l'information des représentants
du personnel sur le plan de reclassement.

Cette mesure ne concerne pas les entreprises artisanales.

Article 34 bis D
Modification des conditions de la notification à l'autorité administrative de la procédure de licenciement d'au moins dix salariés
dans une période de trente jours
.

Observations de l'UPA

Le licenciement de plus de dix salariés dans un délai de trente jours ne peut concerner qu'une entreprise artisanale en dépôt de bilan ou en cessation d'activité liée, notamment, à l'absence de repreneur.

Dans ces circonstances particulières, l'alourdissement de la procédure de licenciement prévue par cet article est inadapté et inutile.

Article 34 bis F (nouveau)

Cet article vise les entreprises occupant entre cinquante et mille salariés.

Article 34 bis

Cet article vise les entreprises d'au moins mille salariés.

ANNEXE N° 2
-
COMMUNIQUÉS DE PRESSE DES PARTENAIRES SOCIAUX

A. COMMUNIQUÉ DE LA CFDT DU 13 JUIN 2001

DÉCLARATION DE M. MICHEL JALMAIN, SECRÉTAIRE NATIONAL

LA CFDT REDOUTE DES EFFETS PERVERS
POUR LES SALARIÉS ET L'EMPLOI

La CFDT est favorable à ce que la loi renforce les moyens d'intervention des syndicats et des CE pour vérifier le bien-fondé des restructurations et obliger les entreprises à assumer leurs responsabilités. Ni les salariés ni les bassins d'emploi concernés ne doivent faire les frais des restructurations. Ce qui signifie «zéro chômeur» pour les salariés qui doivent être reclassés et des mesures de réindustrialisation pour les sites.

De ce point de vue, les dernières mesures votées dans la loi de modernisation sociale risquent de se transformer en marché de dupes.

La CFDT redoute en effet qu'elles provoquent des effets pervers pour les salariés et pour l'emploi. La définition plus restrictive du licenciement économique peut favoriser le contournement de la loi et réduire ainsi les droits et les protections contenus dans les plans sociaux, au détriment des salariés licenciés. Elle risque aussi d'entraver l'anticipation des difficultés économiques : cela revient à reculer pour plus mal sauter. Or, c'est toujours le salarié qui se casse «la gueule»... En matière d'emploi, mieux vaut prévenir que guérir.

Destinées aux entreprises de plus de 1 000 salariés, ces mesures font en outre l'impasse sur la situation des millions de salariés des petites entreprises. Le Pare, heureusement, sera bientôt mis en place pour aider ceux qui cherchent à retrouver un emploi.

La CFDT regrette une nouvelle fois que le gouvernement ait pris ces décisions sans aucune concertation avec les organisations syndicales, ce qui, au regard du sujet, est un comble.

B. COMMUNIQUÉ DE LA CGT DU 14 JUIN 2001

APRÈS LE VOTE DE LA LOI, LA QUESTION DES DROITS NOUVEAUX
POUR LES SALARIÉS RESTE ENTIÈRE

La loi de modernisation sociale a été adoptée en 2 ème lecture par l'Assemblée nationale le 13 juin, après la décision de report du vote.

Par rapport au texte du 29 mai, deux modifications ont été apportées :

• la définition du licenciement économique devient plus restrictive .

• le CE a la possibilité de formuler des propositions alternatives au projet du chef d'entreprise. Un droit d'opposition lui est ouvert mais il est immédiatement contrebalancé par la nécessité de recourir à un médiateur « chargé de rapprocher les points de vue » ? ce qui réduit d'autant la portée des propositions alternatives.

La CGT a été tenue à l'écart des discussions de ces derniers jours, aussi bien par le gouvernement que par les groupes parlementaires. C'est dommageable autant pour le contenu précis des articles de cette loi, que pour la crédibilité du discours gouvernemental sur la démocratie sociale et la négociation.

Au total, les mobilisations de ces dernières semaines dans les entreprises confrontées au plan de suppression d'emplois, les réactions de l'opinion publique et de diverses forces attachés au progrès social, l'action nationale de la CGT du 22 mai et les diverses mobilisations auprès des pouvoirs publics, des parlementaires et des chambres patronales n'auront pas été inutiles, elles auront contribué à faire de la question des licenciements et des droits des salariés un enjeu central de l'évolution économique et sociale de notre pays.

Pour autant, on est encore loin du compte ; la loi passe à côté de la protection des salariés contre les licenciements individuels et les licenciements économiques hors plans sociaux, qui sont les plus nombreux. La question des droits nouveaux pour les salariés reste entière pour gagner une sécurité sociale professionnelle, la pérennité du contrat de travail, le droit d'intervention sur la stratégie économique des entreprises.

L'action doit donc se poursuivre, s'élargir et s'enraciner pour gagner ces droits dans les entreprises, dans la négociation de branche et interprofessionnelle et dans de nouvelles lois à construire.

Elle pose comme jamais la responsabilité des confédérations syndicales dont l'histoire retiendra, qu'hormis la CGT, elles sont restées en dehors des mobilisations nécessaires.

Plusieurs organisations syndicales ont aujourd'hui décidé de répondre favorablement aux propositions de rencontre de la CGT en vue de propositions revendicatives pour garantir un véritable droit à l'emploi des salariés. Tant mieux si cela peut contribuer au ressaisissement syndical nécessaire.

De son côté, le Gouvernement annonce l'ouverture de concertations avec les syndicats sur la démocratie sociale. C'est la preuve que les problèmes posés par la CGT sont légitimes et qu'ils méritent d'être entendus.

L'action pour la conquête de droits nouveaux pour les salariés en est donc à ses débuts, elle est plus que jamais nécessaire à tous les niveaux et avec tous les syndicats.

C. COMMUNIQUÉ DE LA CGT-FO DU 13 JUIN 2001

RIEN DE RÉVOLUTIONNAIRE

Rien de révolutionnaire dans la nouvelle définition du licenciement pour motif économique pour lequel Force Ouvrière revendiquait la différenciation entre les licenciements pour difficultés économiques et les licenciements « spéculatifs ».

Rien de révolutionnaire dans les nouvelles attributions du comité d'entreprise pour qui Force Ouvrière ne revendiquait pas un droit de veto qui n'est d'ailleurs pas retenu. En ce sens ? la notion de médiateur n'est qu'une façon de reculer pour mieux sauter.

Par ailleurs, Force Ouvrière considère qu'il est plus que regrettable que les relations politiques se soient substituées aux relations sociales, y compris consultatives, concernant les dispositions relatives aux licenciements économiques.

Menacée par l'inflation, les restructurations, une précarité et une flexibilité croissantes ? la situation des salariés nécessite que l'on s'écarte des rails du libéralisme économique, ce qui pose en particulier les questions de la politique économique menée et de la nécessité d'une réelle liberté de négociation.

Dans cet esprit, Force Ouvrière considère indispensable d'approfondir la réflexion pour redonner aux pouvoirs publics un rôle économique et industriel qui éviterait un interventionnisme social dicté par l'opportunisme.

C'est pourquoi FO continue notamment à revendiquer :

- la mise en place d'une taxe sur les profits non réinvestis afin d'alimenter un fonds de redéploiement et de réindustrialisation ;

- un réel suivi du plan social, garantie d'un véritable reclassement.

D. COMMUNIQUÉ DU MEDEF DU 13 JUIN 2001

DÉCLARATION D'ERNEST-ANTOINE SEILLIÈRE,
PRÉSIDENT DU MEDEF

À L'OCCASION DU VOTE
DU PROJET DE LOI DE MODERNISATION SOCIALE

A l'heure où se confirme le ralentissement économique, le gouvernement, cédant à l'improvisation législative et sans même songer à consulter les partenaires sociaux, prend une nouvelle fois les entreprises en otage pour tenter de résoudre ses conflits politiques.

Le MEDEF rappelle que ces mêmes entreprises ont créé en France un million et demi d'emplois en quatre ans.

La loi dite de modernisation sociale, nouvel exemple de la spécificité française en Europe, va alourdir, allonger, renchérir et compliquer les procédures déjà extrêmement complexes du licenciement économique dans notre pays.

Prise entre l'Inspecteur du Travail, le Juge, le Médiateur, les Syndicats et le Comité d'Entreprise, l'entreprise ne pourra plus conduire les restructurations nécessaires.

Cette loi freinera le développement des entreprises, freinera les créations d'entreprises nouvelles. Elle créera des délocalisations d'investissements et empêchera les localisations nouvelles. Et surtout, cette loi découragera l'emploi dans notre pays. Elle rend un bien mauvais service à l'économie française.

Présentée prétendument comme protectrice de l'emploi, cette loi va contre les intérêts des entreprises et des salariés. C'est la raison pour laquelle le MEDEF la condamne sans réserve.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture

___

Texte adopté par
le Sénat en première lecture

___

Texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

___

Propositions de la

Commission

___

TITRE II

TITRE II

TITRE II

TITRE II

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

CHAPITRE I er

CHAPITRE I er

CHAPITRE I er

CHAPITRE I er

Protection et

développement de l'emploi

Protection et

développement de l'emploi

Protection et

développement de l'emploi

Protection et

développement de l'emploi

Section 1

Section 1

Section 1

Section 1

Prévention des

licenciements

Prévention des

licenciements

Prévention des

licenciements

Prévention des

licenciements

Article 29 A (nouveau)

A tous les articles où ils figurent au code du travail, les mots : « plan social » sont remplacés par les mots : « plan de sauvegarde de l'emploi ».

Article 29 A

Supprimé

Article 29

Article 29

Article 29

Article 29

L'article L. 933-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Sans modification

« La négociation sur les objectifs et les moyens de la formation professionnelle doit porter sur les actions de formation mises en oeuvre pour assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois, le développement de leurs compétences ainsi que la gestion prévisionnelle des emplois des entreprises de la branche compte tenu de l'évolution prévisible de ses métiers. Elle doit également porter sur les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel sur leur évolution professionnelle ainsi que les suites données à celui-ci. »

« La négociation sur les priorités , les objectifs ...

... leurs compétences professionnelles ainsi que ...

... à celui-ci. »

« La ...

... leurs compétences ainsi que ...

... à celui-ci. »

Article 30

L'article L. 322-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Article 30

Alinéa sans modification

Article 30

L'article L. 322-7 du code du travail est ...

... rédigé :

Article 30

Sans modification

« Les entreprises, dont l'effectif maximal est fixé par décret, qui souhaitent élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences comprenant notamment des actions de formation destinées à assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois peuvent bénéficier d'un dispositif d'appui à la conception de ce plan. Ce dispositif d'appui permettra la prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à la conception du plan dans des conditions définies par décret. »

« Les entreprises...

... compétences professionnelles comprenant ...

... décret. »

« Les entreprises...

... compétences comprenant ...

... décret. »

Article 31

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 321-4-1 du même code, il est inséré trois alinéas ainsi rédigés :

Article 31

Supprimé

Article 31

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

Article 31

Supprimé

« Dans les entreprises où la durée collective du travail des salariés est fixée à un niveau supérieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou supérieur à 1 600  heures sur l'année, l'employeur, préalablement à l'établissement du plan social et à sa communication en application de l'article L. 321-4 aux représentants du personnel, doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou à 1600 heures sur l'année.

« Dans les entreprises où la durée collective du travail des salariés est fixée à un niveau supérieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou supérieur à 1600 heures sur l'année, l'employeur, préalablement à l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi et à sa communication en application de l'article L. 321-4 aux représentants du personnel, doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou à 1600 heures sur l'année.

« A défaut, il doit avoir engagé des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. A cet effet, il doit avoir convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

« A défaut, il doit avoir engagé des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. A cet effet, il doit avoir convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

« Lorsque le projet de plan social est présenté au comité d'entreprise, ou à défaut aux délégués du personnel, sans qu'aient été respectées les conditions prévues au deuxième ou troisième alinéa du présent article, le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent, jusqu'à l'achèvement de la procédure de consultation prévue par l'article L. 321-2, saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de faire prononcer la suspension de la procédure. Lorsque le juge suspend la procédure, il fixe le délai de la suspension au vu des éléments qui lui sont communiqués. Dès qu'il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure. Dans le cas contraire, il prononce, à l'issue de ce délai, la nullité de la procédure de licenciement. »

« Lorsque le projet de plan de sauvegarde de l'emploi est présenté au comité d'entreprise, ou à défaut aux délégués du personnel, sans qu'aient été respectées les conditions prévues au deuxième ou troisième alinéa du présent article, le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, peuvent, jusqu'à l'achèvement de la procédure de consultation prévue par l'article L. 321-2, saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de faire prononcer la suspension de la procédure. Lorsque le juge suspend la procédure, il fixe le délai de la suspension au vu des éléments qui lui sont communiqués. Dès qu'il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure. Dans le cas contraire, il prononce, à l'issue de ce délai, la nullité de la procédure de licenciement. »

II. - A l'article L. 321-9 du même code, les mots : « L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, » sont remplacés par les mots : « L. 321-4-1, à l'exception des deuxième, troisième et quatrième alinéas, ».

II. - A l'article L. 321-9 du même code, les mots : « L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, » sont remplacés par les mots : « L. 321-4-1, à l'exception des deuxième, troisième et quatrième alinéas, ».

Article 31 bis (nouveau)

Le titre III du livre II du code de commerce est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :

Article 31 bis

Alinéa sans modification

« Chapitre VIII

« Des licenciements

« Chapitre VIII

« Des licenciements

« Art. L. 238-1. - Toute cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés doit être précédée, lorsque cette cessation n'est pas imputable à une liquidation de la société dont relève l'établissement, d'une décision des organes de direction et de surveillance dans les conditions définies ci-dessous.

« Art L. 238-1 . - Toute cessation d'activité d'un établissement ayant pour conséquence la suppression d'au moins deux cents emplois , doit être précédée, ...

... ci-dessous.

« Cette décision est prise après les consultations du comité d'entreprise prévues par le chapitre II du titre III du livre IV du code du travail et avant celles prévues par le chapitre I er du titre II du livre III du même code. Les organes de direction et de surveillance de la société statuent sur présentation d'une étude d'impact social et territorial relative aux conséquences directes ou indirectes qui s'attachent à la fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome, et aux suppressions d'emplois qui pourraient en résulter.

« Cette décision ...

... territorial, établie par le chef d'entreprise, relative aux conséquences du projet de fermeture d'établissement en terme de suppression d'emplois.

« Le contenu de cette étude d'impact social et territorial est défini par décret en Conseil d'Etat. »

Alinéa sans modification

Article 31 ter (nouveau)

Après l'article L. 238-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 238-2 ainsi rédigé :

Article 31 ter

Supprimé

« Art. L. 238-2. - Tout projet de développement stratégique devant être soumis aux organes de direction et de surveillance d'une société et susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail en son sein doit être accompagné d'une étude d'impact social et territorial établie par le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes dudit projet. »

Section 2

Division et intitulé

Division et intitulé

Division et intitulé

Droit à l'information des représentants du personnel

sans modification

sans modification

sans modification

Article 32 A (nouveau)

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 321-3 du code du travail, les mots : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 432-1, » sont remplacés par les mots : « Après achèvement de la procédure de consultation prévue par le livre IV du présent code, telle qu'elle résulte notamment de ses articles L. 431-5, L. 432-1 et L. 432-2, et, le cas échéant, après adoption, par les organes de direction et de surveillance de la société, de la décision prévue par l'article L. 238-1 du code de commerce, ».

Article 32 A

Supprimé

Article 32

Article 32

Article 32

Article 32

Il est inséré, après l'article L. 431-5 du code du travail, un article L. 431-5-1 ainsi rédigé :

Après l'article L. 431-5 du code du travail, il est inséré un article L. 431-5-1 ainsi rédigé :

Il est inséré, après l'article L. 431-5 du code du travail, un article L. 431-5-1 ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

« Art. L. 431-5-1. - Lorsque le chef d'entreprise procède à une annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi , le comité d'entreprise se réunit de plein droit sur sa demande dans les quarante-huit heures suivant ladite annonce. L'employeur est tenu de lui fournir toute explication utile.

« Art. L. 431-5-1. - Le chef d'entreprise est tenu de communiquer aux membres du comité d'entreprise dans les meilleurs délais, et au plus tard à la réunion suivante du comité d'entreprise, toutes les informations utiles dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public portant sur une modification substantielle de sa stratégie économique .

« Art. L. 431-5-1. - Lorsque le chef d'entreprise procède à une annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi, le comité d'entreprise se réunit de plein droit sur sa demande dans les quarante-huit heures suivant ladite annonce. L'employeur est tenu de lui fournir toute explication utile.

« Art. L. 431-5-1 . - Dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public portant sur une modification substantielle de sa stratégie économique, le chef d'entreprise est tenu de communiquer aux membres du comité d'entreprise dans les meilleurs délais et au plus tard à la réunion suivante du comité d'entreprise, toutes les informations utiles.

« Le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, qu'après avoir informé le comité d'entreprise.

« Le chef d'entreprise est tenu d'informer et de consulter le comité d'entreprise dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public dont les mesures ...

.... salariés.

« Le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures...

... salariés, qu'après avoir informé le comité d'entreprise.

« Le chef d'entreprise est tenu d'informer et de consulter le comité d'entreprise dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public dont les mesures ...

... salariés.

« Lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les comités d'entreprise de chaque entreprise ainsi que le comité de groupe, et le cas échéant, le comité d'entreprise européen sont informés.

« Lorsque ...

... groupe au sein duquel a été constitué un comité de groupe, la procédure prévue au premier alinéa est mise en oeuvre au niveau de ce comité.

« Lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les comités d'entreprise de chaque entreprise concernée ainsi que le comité de groupe, et le cas échéant, le comité d'entreprise européen sont informés.

« Lorsque l'annonce au public affecte ...

... groupe au sein duquel a été constitué un comité de groupe, la procédure prévue au premier alinéa du présent article est mise en oeuvre au niveau de ce comité .

« Le chef d'entreprise qui méconnaît les dispositions qui précèdent est passible des peines prévues à l'article L. 483-1.»

Alinéa sans modification

« L'absence d'information du comité d'entreprise, du comité de groupe et, le cas échéant, du comité d'entreprise européen en application des dispositions qui précèdent est passible des peines prévues aux articles L. 483-1, L. 483-1-1 et L. 483-1-2. »

« Le refus d'infor-mation ...

... L. 483-1-2. »

Article 32 bis (nouveau)

Article 32 bis

Article 32 bis

Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du même code est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. - Le ...

... du code du travail est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

I. - Alinéa sans modification

« Le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application et peut formuler des propositions relatives à la situation et aux perspectives économiques de l'entreprise. Cet avis et ces propositions sont transmis à l'autorité administrative compétente.

« Le ...

... propositions alternatives au projet présenté par le chef d'entreprise. Cet avis ...

... compétente.

Alinéa sans modification

« Un droit d'opposition est ouvert au comité d'entreprise sur le projet des restructurations de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi. Ce droit d'opposition induit la nécessité de saisir un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3. L'opération projetée est suspendue.

Alinéa supprimé

« Le comité d'entre-prise peut se faire assister d'un expert comptable dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 434-6.

« Le comité d'entre-prise, lors de sa première réunion en application du deuxième alinéa, peut décider de recourir à l'assistance de l'expert comptable dans les conditions prévues aux premier, deuxième, troisième et sixième alinéas de l'article L. 434-6. Dans les entreprises soumises aux dispositions des articles L. 435-1 et L. 435-2, dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou visent plusieurs établissements simultanément, cette désignation est effectuée par le comité central d'entreprise. Dans ce cas, la seconde réunion du ou des comités d'établissement concernés ne peut avoir lieu avant la tenue de la seconde réunion du comité central d'entreprise.

« Le comité ...

... effectuée par le seul comité central ...

... d'entreprise.

« L'employeur est tenu de fournir au comité d'entreprise une réponse motivée aux propositions émises au cours d'une seconde réunion qui se tient dans un délai minimal de quinze jours à compter de la date de la première réunion.

« A l'occasion de la consultation prévue au deuxième alinéa du présent article, l'employeur est tenu de fournir au comité d'entreprise une réponse motivée à ses propositions au cours d'une seconde réunion qui se tient dans un délai minimal de quinze jours à compter de la date de la première réunion. Lorsque le comité d'entreprise a désigné un expert -comptable, la seconde réunion prévue au présent alinéa a lieu vingt et un jours au plus tard après la première réunion. Le rapport de l'expert-comptable est transmis aux membres du comité d'entreprise et au chef d'entreprise au moins huit jours avant la date prévue pour la seconde réunion.

Alinéa sans modification

« L'employeur ne peut présenter un plan de sauvegarde de l'emploi en vertu de l'article L. 321-4-1 tant qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux propositions et avis formulés par le comité d'entreprise en application des précédentes dispositions.

« L'employeur ne peut mettre en oeuvre un plan ...

... dispositions.

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires. »

« Les dispositions du cinquième alinéa ne sont pas applicables ...

... judiciaires. »

II (nouveau) . - Dans le premier alinéa de l'article L. 434-6 du même code, les mots : « à l'article L. 432-5 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 432-1 (quatrième alinéa) et L. 432-5 ».

II. - Non modifié

Article 32 ter (nouveau)

Après l'article L. 432-1-1 du code du travail, il est inséré un article L. 432-1-2 ainsi rédigé :

Article 32 ter

Alinéa sans modification

« Art. L. 432-1-2. - Lorsque le projet de restructuration et de compression des effectifs soumis au comité d'entreprise en vertu de l'article L. 432-1 est de nature à affecter le volume d'activité ou d'emploi d'une entreprise sous-traitante, l'entreprise donneuse d'ordre doit immédiatement en informer l'entreprise sous-traitante. Le comité d'entreprise de cette dernière, ou à défaut les délégués du personnel, en sont immédiatement informés et reçoivent toute explication utile sur l'évolution probable de l'activité et de l'emploi. »

« Art. L. 432-1-2. - Lorsque ...

... doit concomitamment en informer ...

... en sont informés ...

... l'emploi. »

Article 32 quater (nouveau)

Il est inséré, dans le code du travail, un article L. 432-1-3 ainsi rédigé :

Article 32 quater

Supprimé

« Art. L. 432-1-3. - En cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés, s'il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l'employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise, l'une ou l'autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail.

« Cette saisine a lieu au plus tard dans les huit jours suivant l'isue de la procédure d'information et de consultation prévue aux deuxième à cinquième alinéas de l'article L. 432-1.

« Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et la majorité des membres du comité d'entreprise. En cas de désaccord, la décision est prise par le président du tribunal de grande instance saisi par la partie la plus diligente. Il statue en urgence.

« La durée de la mission du médiateur est fixée par accord des parties. A défaut d'accord elle ne peut excéder un mois.

« Le médiateur dispose dans le cadre de sa mission des plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation de l'entreprise.

« Après avoir recueilli les projets et propositions des parties, le médiateur est chargé de rapprocher leurs points de vues et de leur faire une recommandation. Les parties disposent d'un délai de cinq jours pour faire connaître par écrit au médiateur leur acceptation ou leur refus de sa recommandation.

« En cas d'acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur est transmise par ce dernier à l'autorité adminisrative compétente. Elle emporte les effets juridiques d'un accord.

« En cas de refus de la recommandation, le médiateur la transmet sans délai à l'organe de direction ou de surveillance de l'entreprise en vue de la décision prévue à l'article L. 238-1 du code du commerce. La recommandation doit être jointe à l'étude d'impact social et territorial présentée à cet organe.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de nomination et de saisine des médiateurs, ainsi que les conditions de rémunération de leurs missions par les entreprises.

« Le comité d'entreprise peut saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de vérifier si les propositions émises pour éviter les licenciements par le comité d'entreprise ou le cas échéant par le médiateur ont été formulées dans les formes prévues ci-dessus. »

Section 3

Plan social et droit

au reclassement

Division et intitulé

sans modification

Section 3

Plan de sauvegarde de l'emploi et droit au reclassement

Section 3

Plan de sauvegarde de l'emploi et droit au reclassement

Article 33 A (nouveau)

L'article L. 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :

Article 33 A

Alinéa sans modification

« Art. L. 321-1. - Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substancielle du contrat de travail, consécutives à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisations indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.

« Art. L. 321-1 . - Constitue ...

... consécutives notamment à des difficultés économiques sérieuses, à des mutations technologiques ayant des conséquences importantes sur l'organisation du travail dans l'entreprise, ou à des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise concernée. »

« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des trois causes énoncées à l'alinéa précédent. »

Alinéa sans modification

Article 33

Article 33

Article 33

Article 33

L'article L. 321-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Sans modification

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auxquelles l'entreprise appartient. »

« Le licenciement ...

... équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut ...

... appartient. »

« Le licenciement ...

... ... appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. »

Article 33 bis (nouveau)

Après le mot : « âgés », la fin du premier alinéa de l'article L. 321-1-1 du même code est ainsi rédigée : « Les critères retenus s'apprécient par catégorie professionnelle. »

Article 33 bis

Supprimé

Article 33 bis

Après le mot : « âgés », la fin du premier alinéa de l'article L. 321-1-1 du code du travail est ainsi rédigée : «. Les critères retenus s'apprécient par catégorie professionnelle. »

Article 33 bis

Supprimé

Article additionnel avant l'Article 33 ter

Dans la permière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-2 du code du travail, avant les mots « comité central d'entreprise » est inséré le mot : « seul ».

Article 33 ter (nouveau)

Article 33 ter

Article 33 ter

Article 33 ter

Après l'article L. 321-2 du même code, il est inséré un article L. 321-2-1 ainsi rédigé :

Supprimé

Après l'article L. 321-2 du code du travail, il est inséré un article L. 321-2-1 ainsi rédigé :

Supprimé

« Art. L. 321-2-1. - Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et dans les entreprises employant plus de dix salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place alors qu'aucun procès verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant sans que, de ce fait, les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel soient respectées est irrégulier. Le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues. »

« Art. L. 321-2-1. - Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi et dans les entreprises employant au moins onze salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place alors qu'aucun procès verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant sans que, de ce fait, les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel soient respectées est irrégulier. Le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues. »

Article 34 A (nouveau)

Le premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail est complété par trois phrases ainsi rédigées :

Article 34 A

Alinéa sans modification

« Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il prononce la nullité du licenciement et ordonne, à la demande du salarié, la poursuite du contrat de travail. Cette décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. »

« Lorsque ...

... travail. Lorsque le ...

... salaires des six derniers mois. »

Article 34

Article 34

Article 34

Article 34

I. - Les quatrième à septième alinéas de l'article L. 321-4-1 du même code sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

I. - Alinéa sans modification

I. - Les quatrième à septième alinéas de l'article L. 321-4-1 du code du travail sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

I. - Alinéa sans modification

« - des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ;

« - des ...

... occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

« - des créations d'activité nouvelle par l'entreprise ;

Alinéa sans modification

« - des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;

Alinéa sans modification

« - des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise ;

« - des actions ...

... l'entreprise, notamment par le soutien à la réindustrialisation du bassin d'emploi ;

« - des actions ...

... à la réactivation du bassin d'emploi ;

Alinéa sans modification

« - des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

« - des actions de formation ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

« - des actions de formation , de validation des acquis professionnels et de l'expérience ou de...

... équivalents ;

« - des actions...

... des ac-

quis de l'expérience ou de ...

... équivalents ;

Alinéa sans modification

« - des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. »

« - des ...

... travail. »

« - des ...

... travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. »

« - des

... travail. »

II. - L'article L. 341-4-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

II. - Supprimé

II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

II. - Alinéa sans modification

« La validité du plan social est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique et sociale ou le groupe. »

« La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique et sociale ou le groupe. »

« La validité ...

... moyens de reclassement dont ...

... groupe. »

Article 34 bis A (nouveau)

Après le mot : « licenciement », la fin de l'article L. 122-9 du code du travail est ainsi rédigée : « . Le taux de cette indemnité, différent suivant que le motif du licenciement est le motif prévu à l'article L. 321-1 ou un motif inhérent à la personne du salarié, et ses modalités de calcul, en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail, sont fixés par voie réglementaire. »

Article 34 bis A

Supprimé

Article 34 bis B (nouveau)

Article 34 bis B

L'article L. 321-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Sans modification

« Lorsqu'une entreprise ou un établissement assujeti à la législation sur les comités d'entreprise a procédé au cours d'une année civile à des licenciements pour motif économique de plus de dix-huit personnes au total sans avoir eu à présenter de plan de sauvegarde de l'emploi au titre du 2° ou du dernier alinéa du 3°, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants la fin de cette année civile est soumis aux dispositions prévues au présent chapitre régissant les projets de licenciement d'au moins dix salariés. »

Article 34 bis C ( nouveau )

Article 34 bis C

Le dernier alinéa de l'article L. 321-4 du code du travail est ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

« Le plan de sauvegarde de l'emploi doit déterminer les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L. 321-4-1. Ce suivi doit faire l'objet d'une consultation régulière et approfondie du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. L'autorité administrative compétente est associée au suivi de ces mesures. »

« Le plan ...

... régulière du comité d'entreprise ...

... est tenue informée du suivi de ces mesures. »

Article 34 bis D ( nouveau )

Les deux derniers alinéas de l'article L. 321-7 du code du travail sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

Article 34 bis D

I. - Le troisième alinéa de l'article L. 321-7 du code du travail est supprimé .

II - Les deux ...

... rédigés :

« L'autorité administrative compétente peut, tout au long de la procédure et jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise, présenter toute proposition destinée à compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel l'entreprise appartient.

« L'autorité ...

... procédure et avant la dernière ...

... appartient.

« La réponse motivée de l'employeur, accompagnée de l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, est transmise à l'autorité administrative compétente. En l'absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel, les propositions de l'autorité administrative compétente sont portées à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur les lieux de travail ainsi que la réponse motivée de l'employeur à ces propositions.

Alinéa sans modification

« La réponse motivée de l'employeur doit parvenir à l'inspecteur du travail avant la fin du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 321-6 pour l'envoi des lettres de licenciement. Lesdites lettres ne peuvent pas être adressées aux salariés, une fois ce délai passé, tant que l'employeur n'a pas fait parvenir sa réponse motivée à l'inspecteur du travail.

Alinéa sans modification

« A l'issue de la procédure visée à l'article L. 321-2, le plan de sauvegarde de l'emploi définitivement arrêté est transmis par l'employeur à l'autorité administrative compétente. Cette dernière dispose d'un délai de huit jours à compter de la réception du plan de sauvegarde de l'emploi, à l'issue duquel, si elle constate la carence du plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur est tenu, sur la demande du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, d'organiser une réunion supplémentaire du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, en vue d'un nouvel examen du plan de sauvegarde de l'emploi.

Alinéa sans modification

« Le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 321-6 est reporté jusqu'au lendemain de la réunion susmentionnée. Les lettres de licenciement ne pourront être adressées aux salariés qu'à compter de cette date. »

Alinéa sans modification

Article 34 bis E (nouveau)

Article 34 bis E

Après le mot : « priorité », la fin de la première phrase de l'article L. 321-14 du code du travail est ainsi rédigée : « au cours de cette année ».

Sans modification

Article 34 bis F (nouveau)

Article 34 bis F

I. - Lorsqu'une entreprise occupant entre cinquante et mille salariés procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré, le représentant de l'Etat dans le département peut réunir l'employeur, les représentants des organisations syndicales de l'entreprise concernée, les représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés. La réunion porte sur les moyens que l'entreprise peut mobiliser pour contribuer à la création d'activités, aux actions de formation professionnelle et au développement des emplois dans le bassin d'emploi. Cette contribution est proportionnée au volume d'emplois supprimés par l'entreprise et tient compte des capacités de cette dernière.

Supprimé

II. - Les entreprises occupant au moins mille salariés, ainsi que les entreprises visées à l'article L. 439-6 du code du travail et celles visées à l'article L. 439-1 du même code, dès lors qu'elles occupent ensemble au moins mille salariés, sont tenus d'apporter une contribution à la création d'activités et au développement des emplois dans le bassin affecté par la fermeture partielle ou totale de sites. Cette contribution s'apprécie au regard du volume d'emplois supprimés par l'entreprise et de la situation économique du bassin et tient compte des moyens de l'entreprise. Elle prend la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'une participation financière auprès d'organismes, d'établissements ou de sociétés s'engageant à respecter un cahier des charges défini par arrêté. Les conditions de mise en oeuvre du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 34 bis (nouveau)

Article 34 bis

Article 34 bis

Après l'article L. 321-4-1 du même code, il est inséré un article L. 321-4-2 ainsi rédigé :

Après l'article L. 321-4-1 du code du travail, il est ...

... rédigé :

Alinéa sans modification

« Art. L. 321-4-2. - I. - L'employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique est tenu de proposer à chaque salarié concerné le bénéfice d'un bilan d'évaluation des compétences et d'orientation réalisé par l'organisme mentionné à l'article L. 311-1. Ce bilan peut être mis en oeuvre dès la notification du licenciement et est réalisé pendant la période du préavis. Ce bilan doit permettre notamment au salarié de réunir les informations sur ses compétences qu'il pourra mobiliser ultérieurement dans une démarche de validation des acquis de l'expérience.

« Art. L. 321-4-2. - I. - Paragraphe supprimé

« Art. L. 321-4-2. - I. - Suppression maintenue

« La proposition intervient au plus tôt lors de l'entretien prévu à l'article L. 122-14 ou à l'issue de la dernière réunion du comité d'entreprise ou d'établissement ou des délégués du personnel tenue en application de l'article L. 321-3 ou de l'article L. 321-7-1.

« Ce bilan est financé par l'employeur.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.

« II. - Dans les entreprises d'au moins mille salariés, celles visées à l'article L. 439-1 dès lors qu'elles occupent ensemble au moins mille salariés et celles visées à l'article L. 439-6, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique est tenu de proposer à chaque salarié concerné un congé de reclassement.

« II. - Dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, les entreprises visées à l'article L. 439-1 ...

... reclassement.

« II. - Alinéa sans modification

« Pendant le préavis, puis le congé, le salarié bénéficie d'actions de formation nécessaires à son reclassement, notamment celles définies dans le bilan mentionné au I et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi. L'employeur assure le financement de l'ensemble de ces actions dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat .

«  Pendant ce congé, dont la durée ne peut excéder neuf mois, le salarié ...

... d'Etat.

Alinéa sans modification

« La durée totale du préavis et du congé ne peut excéder six mois, ou neuf mois pour les salariés âgés de cinquante ans et plus.

« Pendant la durée du congé de reclassement, le contrat de travail de l'intéressé est suspendu.

« Le congé de reclassement est effectué pendant le délai-congé, dont le salarié est dispensé de l'exécution. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du délai-congé, le terme de ce dernier est reporté d'une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir. Pendant cette période, le délai-congé est suspendu.

« Le congé ...

...

... délai-congé, la date de la rupture du contrat de travail est reportée d'une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir.

« Le salarié en congé de reclassement bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur dont le montant est fixé par le décret précité.

« Pendant la période de suspension du délai-congé, le salarié bénéficie ...

... est égal au montant de l'allocation visée au 4° de l'article L. 322-4.

« Pendant la période du délai de reclassement qui excède la durée du délai-congé ...

... L. 322-4.

« Les dispositions du 4° et du dernier alinéa de l'article L. 322-4 sont applicables à cette rémunération.

« Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article ...

... rémunération.

« Les dispositions du présent II ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires.

Alinéa sans modification

« Les partenaires sociaux peuvent, dans le cadre d'un accord national interprofessionnel, prévoir une contribution aux actions mentionnées aux I et II du présent article. »

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

* 1 Voir à cet égard le rapport n° 275 tome 1 du Sénat (2000-2001) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de modernisation sociale, p. 193 et suivantes.

* 2 JO Débats - AN - 1 ère séance du 23 mai 2001, p. 3272.

* 3 Voir JO Débats AN - 1 ère séance du 23 mai 2001, p. 3276.

* 4 Il s'agit de la décision fondée sur l'examen de l'étude d'impact social et territorial de la cessation d'activité instaurée par l'article 31 bis nouveau du présent projet de loi.

* 5 Selon les termes de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation (arrêts du 16 avril 1996 et du 17 juin 1997).

* 6 JO Débats AN - 1 ère séance du 23 mai 2001, p. 3278.

* 7 Le premier alinéa de l'article L. 434-6 prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise d'être assisté par un expert-comptable de son choix en vue de l'examen annuel des comptes ou lorsqu'un projet de licenciement économique est mis en place.

* 8 Il s'agit du médiateur institué à l'article 32 quater du présent projet de loi.

* 9 L'article 29 A a substitué les termes « plan de sauvegarde de l'emploi » aux termes « plan social ».

* 10 Communiqué de presse de la CGT, 15 juin 2001, voir annexe du présent rapport.

* 11 JO Débats AN - 2 ème séance du 23 mai 2001.

* 12 JO Débats AN - 2 ème séance du 23 mai 2001, p. 3317.

* 13 Voir en particulier l'arrêt « Vidéocolor » du 5 avril 1995.

* 14 JO Débat AN - 3 ème séance du 23 mai 2001, p. 3352.

* 15 Voir en particulier l'audition du professeur Jean-Emmanuel Ray.

* 16 JO Débats Sénat - Séance du 25 avril 2001, p. 1521.

* 17 Compte tenu du délai très court qui a présidé à l'organisation des auditions, l'UPA n'a pu se faire représenter mais a souhaité faire parvenir une contribution écrite.

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