ANNEXE N° 2 -
EXTRAITS DU RAPPORT D'EXPERTS
SUR L'ASSURANCE MALADIE DES FRONTALIERS RÉSIDANT EN FRANCE ET TRAVAILLANT EN SUISSE

(1) Les solutions ouvertes aux travailleurs frontaliers

« Jusqu'à l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, les frontaliers ont été soumis à la convention bilatérale conclue entre la France et la Suisse le 3 juillet 1975. Celle-ci n'intègre pas un dispositif complet de coordination des régimes d'assurance maladie. Elle inclut le principe de l'égalité de traitement sur le territoire des deux Etats. Elle prévoit, en son article 7, que les travailleurs salariés et non salariés sont soumis à la législation de l'Etat dans lequel ils exercent leurs activités professionnelles, indépendamment de leur lieu de résidence et de la localisation du siège de l'entreprise employeur pour les premiers. Des exceptions sont prévues qui concernent notamment le détachement pour une durée de 24 mois, avec prorogation possible, de manière exceptionnelle et sous condition d'accord entre les autorités compétentes des deux Etats.

Les frontaliers se sont donc retrouvés rattachés, en principe, au régime de protection sociale suisse. Cependant, en matière d'assurance maladie, la convention bilatérale n'avait qu'une portée réduite, son seul véritable intérêt consistant dans le bénéfice de mesures facilitant le passage d'une caisse d'un pays à un autre lorsque le salarié changeait de résidence. Mais à cette époque, l'affiliation à l'assurance maladie n'étant pas obligatoire en Suisse, les frontaliers ont pu conserver l'assurance maladie de leur choix.

Lorsqu'elle est devenue obligatoire, l'assurance maladie suisse est restée néanmoins facultative pour les personnes ne résidant pas en Suisse, ce qui a encore permis aux frontaliers qui le souhaitaient de rester hors du giron du régime suisse.

Dès lors, les frontaliers résidant en France et occupés en Suisse relevaient, à leur choix, de l'un des systèmes suivants :

- une assurance privée en France,

- l'assurance personnelle en France offrant les prestations du régime général en contrepartie d'une cotisation familiale forfaitaire d'un montant modeste,

- une assurance privée en Suisse.

Dans les faits, les travailleurs frontaliers avaient donc très majoritairement choisi d'adhérer à une assurance privée en France, les adhérents à l'assurance personnelle étant minoritaires. Une telle situation est a priori étonnante si l'on compare aux inconvénients déjà rappelés de l'assurance privée les avantages du régime général :

- faible niveau de la cotisation (même s'il faut ajouter une cotisation complémentaire),

- libre accès à l'assurance même à l'occasion d'une maladie ou d'une intervention coûteuse,

- sécurité offerte aux personnes souffrant d'affections graves.

Cette préférence ne peut s'expliquer que par l'histoire et par l'emprise des associations, voire des assureurs.

(2) L'évolution des environnements nationaux
(a) La création d'une assurance maladie fédérale obligatoire en Suisse

Le 1 er janvier 1996 est entrée en vigueur la loi fédérale sur l'assurance maladie du 18 mars 1994 (LAMal) et son ordonnance d'application du 27 juin 1995 (OAMal). Cette loi avait deux objectifs : maîtriser les coûts des soins (très élevés en Suisse) et accroître la solidarité face au risque maladie. Ses caractéristiques sont :

- une assurance obligatoire pour les soins médicaux et la pharmacie,

- une prime unique par caisse, quels que soient l'âge et le sexe de l'assuré,

- un panier de soins pris en charge, défini par le législateur, et qui s'impose à tous les assureurs maladie,

-une réduction des primes au profit des assurés de condition modeste.

Ainsi, la Suisse n'a pas choisi de rendre l'assurance maladie obligatoire pour les personnes qui travaillent sur son territoire sans y résider, et cela en dépit du principe d'affiliation dans le pays d'emploi inscrit dans la convention franco-suisse.

Peu de frontaliers auront choisi cette assurance suisse, si l'on en juge par les réactions que suscite la perspective de devoir y adhérer en application des accords entre la Suisse et les pays membres de l'Union européenne. Au contraire, les frontaliers assurés alors en Suisse ont quitté massivement le nouveau système pour venir s'assurer en France.

(b) La création de la CMU en France et les conséquences pour les frontaliers

La loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU a instauré un nouveau cas d'affiliation obligatoire à l'assurance maladie du régime général au profit de toute personne résidant régulièrement en France qui n'est pas déjà rattachée à un régime légal au titre d'une activité professionnelle, de la qualité d'ayant droit d'un assuré ou d'une des possibilités de maintien de droit prévues par les textes.

Les personnes résidant en France dans les régions frontalières avec des pays de l'Union européenne et travaillant dans l'autre pays relèvent toutes actuellement des règlements européens qui prévoient l'affiliation obligatoire dans le pays d'emploi. Seuls, les frontaliers travaillant en Suisse auraient donc pu être intéressés par la CMU après la disparition de l'assurance personnelle au 1 er janvier 2000. En effet, leur affiliation à l'assurance maladie suisse n'est pas obligatoire.

Mais, en application de l'article 8 de la loi précitée (art. L.380-3, 3° du code de la sécurité sociale), ne peuvent relever de la CMU « les personnes résidant en France qui, au tire d'une activité professionnelle exercée par elles-mêmes ou par un membre de leur famille sur le territoire d'un Etat étranger, ont la faculté d'être affiliés à titre volontaire à un régime d'assurance maladie, conformément à la législation de cet Etat, si cette affiliation leur permet d'obtenir la couverture des soins reçus sur le territoire français ».

Le texte de l'article L. 380-3, 3° exclut donc de la CMU les frontaliers travaillant en Suisse au double motif qu'ils peuvent s'affilier au régime suisse et que celui-ci admet la prise en charge des soins reçus en France. Cette exclusion a été demandée par les associations de frontaliers qui redoutaient le caractère obligatoire de l'affiliation à la CMU sur critère de résidence. Elle a été acceptée d'autant plus facilement par les pouvoirs publics français que venait d'être signé l'accord du 21 juin 1999 entre l'Union européenne et la Suisse lequel impose le principe de l'affiliation dans le pays d'emploi, à défaut d'option pour le choix du pays d'affiliation, option que la France n'a pas retenue. Le malentendu s'est noué pendant cette période , alors même que de nombreuses réunions avaient eu lieu depuis deux ans entre le ministère de l'emploi et de la solidarité et les associations de frontaliers. Les associations disent ne pas avoir été consultées ni même informées sur la possibilité offerte par l'accord aux Etats de l'Union d'opter en faveur du libre choix du pays d'assurance par les frontaliers. Certaines, croyant que l'accord imposerait l'affiliation dans le pays d'emploi, ne souhaitaient pas que les frontaliers soient obligés de s'affilier à la CMU avant de devoir adhérer à l'assurance suisse.

L'article 19 de la loi CMU a cependant prévu un dispositif transitoire en faveur des frontaliers affiliés au régime de l'assurance personnelle au 31 décembre 1999. Ces personnes peuvent, sauf refus de leur part, être affiliées au régime général sous condition de résidence pendant une période se terminant au plus tard trois ans après la date de publication de la loi :

- cette affiliation n'est pas obligatoire et peut être résiliée à tout moment,

- elle cessera au plus tard le 30 septembre 2002,

- dès lors qu'ils décident de renoncer à cette possibilité, les assurés ne peuvent plus demander à être à nouveau affiliés au régime général sous condition de résidence, même pendant la période transitoire de trois ans. [......]

(c) L'incidence de l'accord sur la libre circulation des personnes

Cet accord a été négocié avec une très grande attention par les autorités suisses, en raison des fortes craintes de la population sur l'immigration et le risque de dumping social.

L'accord sur la libre circulation des personnes donne ce droit à toutes les personnes ayant la nationalité suisse ainsi qu'à tous les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne. Autrement dit, il tend à conférer, en cas de déplacement entre un Etat membre de l'Union et la Suisse, les mêmes droits que ceux accordés aux ressortissants communautaires à l'intérieur du territoire de l'Union. A ce titre, il prévoit la coordination des régimes de sécurité sociale en reprenant les règles communautaires avec quelques aménagements. Si la libre circulation est introduite par étapes pour les ressortissants communautaires, par contre, la coordination des régimes s'appliquera dès l'entrée en vigueur de l'accord pour ceux-ci comme pour les Suisses (sous réserve de règles transitoires en matière d'assurance chômage et de prévoyance professionnelle). Autrement dit, le ressortissant communautaire travaillant en Suisse sera soumis, en matière de protection sociale, aux dispositions de l'accord dès l'entrée en vigueur de ce dernier.

Les frontaliers demandent certes la possibilité de rester affiliés aux assurances privées qui les couvrent actuellement, afin d'échapper à l'assurance suisse et de ne pas changer leurs habitudes.

Mais leur demande est plus large : ils veulent un recours possible au régime général français. Or, la loi les exclut de la CMU.

(d) Le choix entre assurances privées, le régime général français facultatif et le régime suisse

Si la loi française a fermé la CMU aux frontaliers, il est néanmoins possible d'adopter une disposition pour les inclure à nouveau dans le régime général à titre facultatif. Il faut se rappeler que les frontaliers sont très majoritairement hostiles à l'adhésion obligatoire à la CMU mais qu'ils demandent tous la possibilité d'adhérer à titre volontaire au régime général français. Il convient de rappeler que seule l'adhésion au régime suisse ouvre aux frontaliers le bénéfice complet de la coordination des régimes (ce qui est particulièrement important lorsque les frontaliers perdent leur travail en Suisse).

La seule question à discuter porte donc sur un choix politique entre le caractère obligatoire ou non de l'adhésion au régime général pour les frontaliers qui ne seraient pas assurés en Suisse à leur demande. »

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