EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une réunion tenue le 10 octobre 2001 sous la présidence de
M. Jacques Valade, président
, la commission a examiné le
rapport de
M. Philippe Richert
sur le projet de loi n° 323
(2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence, relatif aux
musées de France
.
A la suite de l'exposé du rapporteur, un large débat s'est
instauré.
M. Ivan Renar
s'est félicité que soit enfin engagée
la réforme de l'ordonnance du 13 juillet 1945 relative aux
musées des beaux-arts. Il a rappelé que ce texte ancien
continuait à s'appliquer alors que les musées avaient beaucoup
évolué grâce aux efforts conjugués de l'État,
des collectivités territoriales et du corps des conservateurs pour
devenir des centres culturels et artistiques remarquables. Il a fait observer
qu'en constituant les collections qui seront transmises aux
générations futures, les musées travaillaient pour
l'éternité. Il a regretté que le projet de loi, à
la différence du texte déposé en 1993, ne propose pas de
statut légal pour les musées, soulignant à ce titre
l'intérêt que représentait la proposition de loi relative
à la création d'établissements publics de
coopération culturelle, adoptée à l'unanimité par
le Sénat le 14 juin dernier et en instance devant
l'Assemblée nationale. De même, il a déploré que le
projet de loi déposé par le gouvernement ne comportât pas
de volet financier.
Évoquant la question de la politique tarifaire, il a estimé
souhaitable qu'elle ne soit pas décrétée au niveau
national mais arrêtée par chaque collectivité territoriale
en fonction des priorités de sa politique culturelle et sociale. Il a
souligné que les mesures tarifaires devaient concerner non seulement
l'accès aux collections permanentes mais également aux
expositions temporaires. Il s'est par ailleurs inquiété des
effectifs insuffisants des corps et cadres d'emploi des conservateurs et du
niveau insuffisant de leur rémunération.
En ce qui concerne les modes de gestion des collections, il a rappelé
qu'un musée qui n'achetait pas était un musée mort. Par
ailleurs, il s'est déclaré préoccupé par
l'exception au principe de l'inaliénabilité des collections
publiques introduite par l'Assemblée nationale pour les oeuvres
d'artistes vivants. Si cette disposition avait été en vigueur
dans le passé, des chefs d'oeuvres auraient ainsi sans doute
été vendus. Par ailleurs, une telle disposition risque de
conduire les conservateurs à influer sur le marché de l'art. Il a
estimé nécessaire que le Sénat débatte de cette
question.
Évoquant le prélèvement de 1 % sur le produit brut
des jeux, il a souhaité que puisse être étudiée la
possibilité d'une contribution de la Française des jeux aux
acquisitions des musées.
Il a regretté que l'effort des collectivités locales en faveur de
la culture scientifique et technique ne soit pas soutenu par l'État.
Enfin, il a plaidé pour une politique systématique de prêts
et dépôts des collections des musées nationaux au profit
des musées territoriaux, notamment afin de favoriser l'organisation des
expositions temporaires, aujourd'hui très onéreuses en raison des
coûts de transport et d'assurance.
M. Jacques Legendre
, après s'être félicité de
son dépôt, a estimé nécessaire d'aborder avec
prudence l'examen d'un texte élaboré par la direction des
musées de France, qui apparaissait plus comme un renforcement les
prérogatives de l'État que comme un encouragement pour les
musées à prendre des initiatives.
Il s'est interrogé sur la pertinence de faire précéder
d'un avis les acquisitions des musées de France, décision qui
devrait relever de la seule responsabilité de leurs conservateurs.
En ce qui concerne les ventes de biens faisant partie d'une collection d'un
musée, il a indiqué que de telles aliénations, dont le
principe ne devait pas être écarté, devraient être
exceptionnelles et entourées de garanties afin d'éviter des
spéculations hasardeuses. Il convient d'écarter une exception
à l'inaliénabilité fondée sur l'ancienneté
des oeuvres telle que celle adoptée par l'Assemblée nationale au
profit d'une disposition de portée plus générale.
Il a estimé que le souci de préserver l'intégrité
des collections exigeait également de prévoir dans la loi une
procédure destinée à garantir la qualité des
restaurations.
M. Pierre Laffitte
a fait part de son étonnement face au
caractère jacobin du projet de loi, notant toutefois qu'il s'inscrivait
dans la logique des pratiques administratives des services du ministère
de la culture. Il a estimé que certaines de ses dispositions
étaient inacceptables au regard de l'effort engagé par les
collectivités territoriales pour leurs musées. Il a
observé que les mécènes étaient souvent plus
disposés à encourager un musée territorial qu'une
institution nationale.
Soulignant la nécessité de faire bénéficier les
musées privés des avantages fiscaux prévus par la projet
de loi, il a cité en exemple la Fondation Maeght qui, sans subvention
publique, équilibre son budget grâce à une gestion
rigoureuse et aux recettes dégagées par l'organisation
d'expositions itinérantes et conduit une politique active de diffusion
culturelle.
Enfin, après avoir fait part de ses inquiétudes face aux
conséquences économiques du prélèvement sur le
produit brut des jeux dans les casinos, il a souhaité que la
contribution d'autres formes de jeux à l'enrichissement des collections
muséographiques puisse être étudiée.
M. Xavier Darcos
s'est étonné de la volonté
hégémonique de la direction des musées de France et s'est
inquiété à ce titre des conséquences pratiques de
l'article 5 du projet de loi prévoyant qu'un décret fixe les
qualifications requises des responsables scientifiques des musées de
France.
Il a estimé que compte tenu des lourdeurs inhérentes au
fonctionnement des services de l'État, ce texte faisait peser des
contraintes administratives très lourdes sur la gestion des
musées et de leurs collections. Les collectivités locales qui ont
une meilleure connaissance des attentes du public doivent demeurer libres de
définir leur politique muséographique.
Au-delà de l'intérêt de procéder à une
rénovation du dispositif juridique applicable aux musées, il a
estimé que le projet de loi pourrait emporter des conséquences
préjudiciables tant sur la gestion par les collectivités locales
de leurs collections que sur la fonctionnalité des musées et
imposait, par ailleurs, à la Direction des Musées de France une
tâche de contrôle sans rapport avec les moyens dont elle disposait.
Enfin, il s'est interrogé sur le rôle réservé par le
projet de loi aux sociétés d'amis de musées.
M. Ambroise Dupont
s'est inquiété des moyens prévus
pour assurer la pérennité des musées privés
à l'image des nombreux musées du souvenir créés sur
les sites historiques de la bataille de Normandie. Approuvant les propos de M.
Jacques Legendre, il a regretté la réticence des musées
nationaux à encourager une plus grande circulation de leurs collections
qui constituerait pourtant un atout pour l'aménagement culturel du
territoire. Enfin, il a regretté que le prélèvement
prévu par le projet de loi concerne les casinos, secteur ayant des
incidences économiques significatives, plutôt que les
activités de la Française des jeux, dont le
bénéfice revient à l'État.
M. Michel Thiollière
s'est interrogé sur les contreparties
financières de l'appellation « musée de
France » pour les collectivités locales, notamment dans le
cadre des contrats de plan. Il s'est demandé dans quelle mesure la
création de ressources fiscales affectées n'inciterait pas
l'État à diminuer les crédits budgétaires
consacrées aux acquisitions. Enfin, il a souligné
l'intérêt d'une mise en réseau des musées, en
particulier pour assurer une meilleure circulation des oeuvres, évoquant
la possibilité par ce biais de favoriser des échanges entre les
collections.
En réponse aux intervenants,
M. Philippe Richert
s'est
déclaré convaincu de la nécessité de laisser les
musées libres de déterminer les principes de leur politique
tarifaire afin de respecter la spécificité de chaque
institution ; ces principes pourraient être arrêtés
dans le cadre des conventions signées entre l'État et les
musées visées à l'article 3 du projet de loi.
Il a estimé que l'exception à la règle de
l'inaliénabilité introduite par l'Assemblée nationale
n'était pas opportune dans la mesure où l'art contemporain
était sans doute le domaine où le risque de voir remise en cause
l'intégrité des collections était le plus grand. Il a
indiqué qu'il proposerait à la commission de s'en tenir aux
règles de la domanialité publique. Ces règles permettent
des déclassements qu'il convient d'entourer de garanties, en
prévoyant la consultation d'instances scientifiques.
Évoquant la possibilité d'instituer une contribution de la
Française des jeux aux dépenses d'acquisition des trésors
nationaux, il a fait observer que, d'après les enquêtes
réalisées auprès des joueurs, la création d'un jeu
consacré au patrimoine ne permettant de dégager que de faibles
résultats, seule était envisageable l'institution d'un
prélèvement supplémentaire sur les recettes de la
Française des jeux.
Il a relevé que les amendements proposés aux articles fiscaux
introduits par l'Assemblée nationale permettraient de faire
bénéficier l'ensemble des musées de France des dispositifs
destinés à encourager le mécénat.
Il a fait part de sa volonté d'éviter que le projet de loi ne
permette une mainmise de l'État sur les musées dont il n'est pas
propriétaire, en particulier les musées territoriaux. De
même, il importe de ne pas assimiler les musées privés aux
collections publiques, notamment en limitant le statut protecteur prévu
par le texte pour leurs collections.
Il a souligné que l'attribution de l'appellation
« musée de France » n'impliquait aucun engagement
financier de l'État.
Enfin, il a indiqué que les sociétés d'amis de
musées, représentées au sein du Haut Conseil des
musées de France, pourraient signer des conventions avec les
musées au rayonnement desquels elles contribuent.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles au
cours duquel sont intervenus, outre
le président et le
rapporteur
,
Mme Marie-Christine Blandin
,
MM. Xavier
Darcos
,
Yves Dauge
,
Jacques Legendre
,
Philippe
Nogrix
,
Ivan Renar
,
Michel Thiollière
et
Jean-Marie Vanlerenberghe
.
Après avoir adopté les amendements proposés par son
rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi
modifié.