EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Champ d'application de l'appellation
« musée de
France »
I.
Texte du projet de loi
Cet article définit le champ d'application de l'appellation
« musée de France » en précisant les
conditions que doivent remplir les musées y prétendant. On notera
au passage le caractère quelque peu désuet de la
dénomination retenue même si on comprendra le souci du
gouvernement de s'inspirer de l'intitulé de la direction
compétente au ministère de la culture pour conduire la politique
de l'Etat en ce domaine.
Il convient de préciser que cet article n'a pas pour vocation de
définir la notion de musée en général mais
d'énoncer les conditions nécessaires pour qu'un musée
puisse recevoir l'appellation « musée de France ».
Cette nouvelle catégorie se substitue aux anciennes catégories de
musées instituées par l'ordonnance de 1945 mais a
également vocation à s'appliquer à des musées qui
n'entraient pas dans son champ d'application.
Seront inclus dans cette catégorie :
- non seulement les musées nationaux mais également
l'ensemble des musées de l'Etat créés par décret,
quelque soit leur ministre de tutelle ;
- les musées actuellement
« classés » en application de l'ordonnance de
1945 ou du décret n°48-734 du 27 avril 1948 relatif à
l'organisation du Service national de muséologie des sciences naturelles;
- les musées actuellement
« contrôlés » en vertu des mêmes textes,
sous réserve d'une procédure d'opposition dont les
modalités sont précisées à l'article 14 ;
- les musées appartenant à l'Etat qui ne sont pas
créés par décret, à des collectivités
locales ou à des personnes morales de droit privé sans but
lucratif, qui ne sont actuellement ni classés ni contrôlés
qui demanderaient l'obtention du label.
Les conditions d'obtention du label sont au nombre de deux;
- la première réside dans la nature de la personne morale
dont relève le musée ;
- la seconde a trait à la qualité des collections.
On rappellera que l'article 2 de l'ordonnance du 13 juillet 1945
définissait le musée comme «
toute collection
permanente et ouverte au public d'oeuvres présentant un
intérêt artistique, historique ou
archéologique
».
Selon les termes de l'exposé des motifs, la définition du
musée proposée par le projet de loi se veut
«
à la fois plus précise et plus
englobante
». Cet objectif ambitieux, quelque peu contradictoire
dans ses termes, n'est que partiellement atteint car si elle peut
prétendre au second de ces qualificatifs, l'exigence de précision
est moins perceptible.
? La nature de l'institution
Se démarquant de l'ordonnance de 1945, le projet de loi désigne
sous le vocable de musée non pas la collection elle-même mais
l'« institution culturelle et scientifique » qui a pour
objet de la conserver et de l'exposer.
Si cette rédaction est inspirée par le souci louable de souligner
la double vocation des musées, à la fois patrimoniale et de
diffusion culturelle, et partant de ne pas réduire le musée
à la seule dimension de ses collections, il aurait sans doute
été plus opportun d'intégrer cette préoccupation
dans l'énoncé des missions du musée qui figure
désormais à l'article 1
er
bis.
Le terme d'« institution culturelle et scientifique » ne
renvoie à aucune catégorie juridique précise. Faut-il
comprendre que l'appellation ne peut être accordée qu'à une
entité dotée de la personnalité morale ? Ce n'est
certainement pas le cas dans la mesure où la plupart des musées
publics, qu'ils relèvent de l'Etat ou des collectivités locales,
sont gérés en régie directe.
De même, si l'on comprend et approuve la volonté du gouvernement
de souligner le caractère non lucratif de ces institutions en
réservant le bénéfice de l'appellation à celles
« relevant » de l'Etat, d'une personne morale de droit
public -collectivité territoriale ou établissement public- ou
d'une personne morale de droit privé à but non lucratif
-association ou fondation-, on s'interrogera à bon droit sur la nature
exacte du lien juridique auquel ce terme fait référence. Ainsi,
une fondation d'entreprise doit-elle être ou non considérée
comme « relevant » d'une entreprise ?
Il serait sans doute plus simple de considérer que ne peuvent
bénéficier de l'appellation « musée de
France » que les musées dont les collections appartiennent
à l'Etat, aux collectivités publiques ou à une personne
morale de droit privé à but non lucratif. Ce critère de
propriété des oeuvres, que cet article n'aborde au demeurant que
de manière confuse, présenterait le mérite de la
clarté.
De surcroît, cette référence à la
propriété des oeuvres écarterait le risque de voir le
label refusé à un musée dont les collections
appartiendraient à une collectivité publique ou à une
personne morale de droit privé sans but lucratif au prétexte que
sa gestion serait assurée par une personne morale à but lucratif,
dans le cadre, par exemple d'une délégation de service public.
? La qualité des collections
Selon les termes du projet de loi, le second critère de l'attribution de
l'appellation réside dans l' « intérêt
public » qui s'attache à la conservation et à la
présentation des collections.
Par cette formule à portée générale, le projet de
loi dépasse le champ de l'ordonnance de 1945 qui ne s'appliquait qu'aux
musées des beaux-arts définis comme les musées dont les
collections présentaient « un intérêt artistique,
historique et archéologique ».
Si en retenant cette rédaction de portée très
générale, le projet de loi tire les conséquences de la
diversification des collections muséographiques à laquelle on a
assisté au cours des dernières années, on soulignera
toutefois que l'ordonnance de 1945 n'a pas freiné cette
évolution, ses dispositions ayant été
interprétées avec souplesse : on en citera pour preuve
l'inscription sur la liste des musées contrôlés de nombreux
musées à vocation technique ou d'écomusées.
La définition donnée par le projet de loi d'une collection
reprend les termes de l'ordonnance de 1945 en exigeant un caractère
permanent tout en la complétant afin de préciser qu'elle peut
regrouper des biens mobiliers ou des biens immobiliers. Cette précision,
qui exclut les spécimens vivants d'histoire naturelle, ne doit pas
créer de confusion sur la consistance des collections dans lesquelles ne
sont pas inclus les bâtiments qui les abritent.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux
amendements rédactionnels qui ne dissipent pas les
ambiguïtés du texte du projet de loi.
Le premier vise à définir l'activité des musées de
France comme la présentation de collections au public, la fonction de
conservation découlant de cette mission de diffusion culturelle alors
que le texte initial du projet de loi précisait que ces derniers avaient
pour objet de « conserver et d'exposer au public » ces
collections.
Le second reprend la précision relative à la
propriété des collections sous la forme d'un alinéa
additionnel.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à
une nouvelle rédaction de cet article afin de préciser que :
- ne pourront bénéficier de l'appellation de musée de
France que les musées dont les collections appartiennent à
l'Etat, à une personne morale de droit public ou à une personne
morale de droit privé sans but lucratif. Ce critère se substitue
à la notion floue retenue par le texte adopté par
l'Assemblée nationale qui peut introduire une confusion entre le
gestionnaire du musée et le propriétaire des collections ;
- que l'appellation est attribuée à une collection et non
à une « institution scientifique et culturelle »,
notion qui ne renvoie à aucune catégorie juridique
précise. La rédaction proposée retient par ailleurs une
définition de la notion de collection plus proche des termes de
l'ordonnance de 1945, votre rapporteur estimant que l'objet de cet article
n'est pas d'énoncer les missions des musées de France mais de
préciser les conditions nécessaires pour qu'un musée
puisse recevoir l'appellation « musée de France ».
Article 1er bis
Missions permanentes des musées de
France
I.
Texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale reprend
l'énoncé des missions des musées de France dans les termes
qui figuraient à l'article 4 du projet de loi relatif au
contrôle scientifique et technique de l'Etat.
Ces missions auxquelles l'Assemblée nationale confère un
caractère « permanent » sont au nombre de
quatre ; elles traduisent l'évolution du rôle joué par
les musées, qui ne sont plus désormais réduits à la
seule dimension d'institutions patrimoniales dont la vocation est la
conservation des collections mais se voient attribuer un rôle
éminent en matière de diffusion et de démocratisation de
la culture.
Les musées de France doivent donc exercer :
- une
mission patrimoniale
en conservant et en enrichissant leurs
collections ;
- une
mission d'accueil du public
en rendant accessibles les collections
au plus grand nombre et en les exposant « dans des espaces
adaptés » -ce qui semble aller de soi ;
- une
mission éducative et culturelle
en mettant en oeuvre des
actions visant à assurer l'égal accès de tous à la
culture, ce qui pourrait apparaître comme une déclinaison de la
mission précédente ;
- une
mission scientifique
en contribuant aux progrès de la
connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion. Le texte
précise que pour satisfaire cet objectif, les musées doivent
assurer aux personnes se livrant à des recherches scientifiques
l'accès à leurs collections afin que ces dernières
puissent profiter non seulement aux équipes scientifiques des
musées mais également à l'ensemble de la communauté
des chercheurs. Dans certains cas, par exemple pour les collections à
caractère scientifique, comme celles relevant de la tutelle du
ministère de l'éducation nationale, la tentation s'est, en effet,
manifestée chez les responsables de musées de limiter
l'accès de leurs collections.
L'Assemblée nationale a précisé que les modalités
de réalisation de ces missions sont formalisées dans un document
retraçant le projet scientifique et culturel du musée,
disposition qui ne figurait pas à l'article 4 du projet de loi.
II. Position de la commission
? Votre rapporteur n'a pu qu'approuver, pour ambitieuse qu'elle soit, la
définition des missions des musées de France.
Outre deux
amendements rédactionnels
, votre rapporteur vous
proposera d'adopter
un amendement
tendant à supprimer
l'obligation faite aux musées d'assurer, dans le cadre de leur mission
scientifique, l'accès des chercheurs à leurs collections. En
effet, si l'intention qui a présidé cette rédaction est
louable, il ne faudrait pas qu'une telle disposition ait pour effet de
contraindre les musées à assurer sans restriction l'accès
des chercheurs à leurs fonds. Dans un souci bien compris de la
protection des collections, il semble plus opportun de laisser aux
musées eux-mêmes le soin d'apprécier dans quelle mesure et
sous quelles conditions elles peuvent être mises à disposition des
scientifiques.
? Votre rapporteur s'est également interrogé sur la pertinence de
faire mention dans la loi du projet scientifique et culturel.
Certes, l'élaboration d'un projet scientifique et culturel constitue une
exigence imposée progressivement par l'Etat aux musées à
la faveur des créations ou des projets de rénovation. Toutefois,
ces projets, s'ils peuvent être débattus avec l'Etat, constituent
des documents à vocation interne à caractère
évolutif, et qui, en tout état de cause, ne peuvent être
revêtus d'une quelconque valeur normative.
S'il est souhaitable qu'en pratique, de tels documents existent, les imposer
par la loi ne semble pas nécessaire.
Par ailleurs, on voit mal ce qui les distinguera des conventions prévues
à l'article 4 par l'Assemblée nationale, conventions dont l'objet
est de «
préciser les conditions de réalisation des
missions énoncées à l'article 1
er
bis
».
Votre commission vous proposera donc
un amendement
de suppression du
dernier alinéa de cet article.
Article 2
Conseil des musées de
France
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Cet article crée une nouvelle instance consultative auprès du
ministre chargé de la culture dont la vocation est, selon les termes de
l'exposé des motifs, d'être «
un organe
représentatif au niveau national de la variété des
musées, chargé de veiller à la cohérence globale de
la politique en ce domaine, notamment par le biais de la procédure
d'attribution de l'appellation de musée de France
».
? Un organe représentatif ?
Siégeront au sein de cette instance :
- des représentants de l'Etat qui comprendront des représentants
du ministère de la culture comme des autres ministères
exerçant une tutelle sur des musées, à savoir
essentiellement le ministère de l'éducation nationale et le
ministère de la défense ;
- des représentants des collectivités territoriales ;
- des « professionnels des musées », terminologie
approximative qui, selon les éléments de réponse fournis
par le gouvernement, vise essentiellement les conservateurs, qu'ils
relèvent de la fonction publique de l'Etat ou de la fonction publique
territoriale, et les personnels en charge de la restauration des oeuvres
d'art ;
- des personnalités qualifiées, au titre desquelles pourraient
être vraisemblablement désignés des professeurs d'histoire
de l'art, des experts, des collectionneurs, des marchands ou des
représentants de la société civile.
D'après les indications données à votre rapporteur sur les
dispositions du décret précisant la composition de ce Conseil,
cette instance devrait compter entre 30 et 40 membres. Contrepartie de sa
représentativité, cet effectif risque d'alourdir le
fonctionnement de cette instance, qu'il sera difficile de convoquer très
régulièrement, et de conférer à ses
délibérations un caractère largement formel. A cet
égard, un effectif restreint permettrait sans doute plus aisément
à cette instance d'apparaître comme une « haute
autorité » de la politique des musées.
Par ailleurs, au delà de leur nombre, la répartition des
sièges entre les différents collèges n'est pas
précisée dans la loi. Certes, une telle disposition, est de
caractère réglementaire. Mais on peut penser aussi que le
rôle joué par le Conseil dépendra pour une large part de sa
capacité à se démarquer des positions des services de
l'Etat, et plus particulièrement de la direction des musées de
France. Une place prépondérante accordée aux responsables
scientifiques des musées conjuguée à un effectif
pléthorique risque de faire du Conseil un alibi commode destiné
à conférer une plus grande légitimité aux
décisions de l'administration. De ce point de vue, la
représentation des collectivités locales, et dans une moindre
mesure celle des personnalités qualifiées, apparaît
déterminante pour permettre au Conseil d'affirmer son
indépendance et de ce fait sa légitimité.
? Des compétences consultatives
Les compétences reconnues par le projet de loi au Conseil des
musées de France sont exclusivement consultatives.
Le Conseil peut être consulté et formuler des recommandations sur
toute question relative aux musées de France.
Au delà de cette compétence générale, le Conseil
est obligatoirement consulté :
- lors de l'attribution ou du retrait de l'appellation « musée
de France » dans le cadre des procédures prévues aux
articles 3 et 14 ;
- à l'occasion d'un transfert de la propriété de tout ou
partie des collections d'un musée entre personnes publiques, dont la
possibilité est ouverte à l'article 8 ;
- dans le cadre du transfert de la propriété des
dépôts d'oeuvres appartenant à l'Etat aux musées
territoriaux lorsque ces dépôts sont conservés dans un
musée relevant d'une collectivité territoriale autre que celle
initialement désignée par l'Etat, hypothèse prévue
à l'article 9 ;
- lors de l'édiction par l'Etat de mesures de sauvegarde des collections
d'un musée de France dans le cadre de la procédure fixée
à l'article 12.
Sous réserve des innovations introduites par le projet de loi, le
rôle attribué au Conseil des musées de France devrait
s'apparenter à celui exercé par la commission des musées
de province créée par le décret du 31 août 1945
portant application de l'ordonnance relative à l'organisation provisoire
des musées des Beaux-Arts. En effet, si cette instance a vu son
importance décroître avec la décentralisation, elle est
demeurée un vecteur essentiel d'orientation de la politique conduite par
l'Etat à l'égard des musées classés et
contrôlés, notamment en tant qu'organe de concertation.
En effet, hormis cette commission, les organes consultatifs de la direction des
musées de France n'ont qu'une vocation scientifique :
- le comité consultatif des musées nationaux régi par le
décret n° 90-1027 du 14 novembre 1990, dont la plupart
des membres appartiennent au corps des conservateurs, peut être
consulté sur toute question relative à la gestion et au
fonctionnement scientifique des musées mais a pour compétence
principale de se prononcer sur les acquisitions des musées
nationaux ;
- le conseil artistique des musées nationaux s'il exerce sur les
acquisitions des musées nationaux un rôle comparable, se distingue
du comité consultatif par sa composition qui fait une large place aux
personnalités extérieures aux musées, collectionneurs et
amateurs ;
- le conseil artistique des musées classés et
contrôlés, composé pour la quasi-totalité de ses
membres de conservateurs, donne un avis sur les acquisitions des musées
classés et contrôlés.
Par ailleurs, ces instances ne sont compétentes qu'à
l'égard des musées relevant de la tutelle de la direction des
musées de France.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale, outre un amendement rédactionnel, a
apporté deux modifications à cet article.
En premier lieu, elle a précisé la notion énigmatique de
« professionnels des musées » afin d'indiquer
qu'elle comprend « notamment » les personnels visés
aux articles 5 et 11 du projet de loi. Ces personnels sont :
- d'une part, les responsables des activités scientifiques et
culturelles des musées ou les personnes disposant de titres
considérés par le décret prévu à
l'article 5 comme équivalents ;
- d'autre part, les spécialistes de la restauration des collections
muséographiques mentionnés à l'article 11.
En second lieu, l'Assemblée nationale a prévu que
siégeraient au Conseil, au titre des personnalités
qualifiées, des représentants d'associations
représentatives du public, afin notamment de prévoir une
représentation
es
qualité
des associations
d'amis de musée qui, pour certaines d'entre elles, contribuent de
manière déterminante au rayonnement et à la politique
d'acquisition des musées.
III. Position de la commission
Votre rapporteur partage le souci de conférer une plus grande
légitimité aux décisions du ministre en instituant une
instance consultative assurant la représentation de l'ensemble des
acteurs de la politique conduite dans le domaine des musées.
Toutefois, il considère que la rédaction de cet article ne permet
de garantir ni la représentativité de cette instance ni son
indépendance. Son fonctionnement pâtira de ses effectifs
pléthoriques, le risque principal étant de réduire son
rôle à celui de chambre d'enregistrement des décisions de
l'administration.
• Afin d'éviter ce risque et de garantir l'indépendance de
cette instance, votre rapporteur vous proposera d'adopter
un amendement
visant à préciser la composition de ce conseil, en limitant
le nombre de ses membres et en prévoyant l'équilibre entre les
différents collèges le composant.
Partant du constat qu'un organe consultatif composé d'un nombre
réduit de membres est plus à même de fonctionner de
manière indépendante, cet amendement fixe à dix-neuf le
nombre de ses membres. Dans le souci de garantir sa
représentativité, ce conseil comprendra, outre son
président, un député et un sénateur, quatre
collèges d'importance égale composés respectivement de
représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des
professionnels des musées et de personnalités qualifiées,
au nombre desquelles figureront un représentant d'associations
représentatives du public. Une telle composition qui est de nature
à la distinguer des commissions consultatives à vocation
scientifique permettra de dynamiser le fonctionnement de cette instance, que
votre commission vous propose de dénommer Haut Conseil des musées
de France afin d'affirmer plus clairement sa vocation.
• Afin de renforcer son autorité, votre commission vous proposera
d'adopter
un amendement
prévoyant la publicité des avis de
ce conseil. De même, elle vous proposera de prévoir aux articles 3
et 14 une procédure d'avis conforme pour l'attribution et le retrait de
l'appellation « musée de France ».
• Par ailleurs, votre commission vous proposera d'adopter
deux
amendements
de forme au deuxième alinéa de cet article,
l'un d'ordre rédactionnel et l'autre destiné à tenir
compte de la nouvelle dénomination de Haut Conseil des musées de
France.
Article 3
Modalités d'attribution et de retrait de l'appellation
« musée de
France »
I.
Texte du projet de loi
Cet article précise les modalités d'attribution de l'appellation
« musée de France ».
• L'initiative de la demande : un statut librement
consenti ?
La décision d'octroi du label est prise à la demande du
propriétaire des collections par le ministre chargé de la culture
et, lorsque la nature des collections l'exige, le ministre
intéressé, après avis du Conseil des musées de
France.
Le régime du label se veut fondé sur la libre adhésion des
propriétaires de collections, cette procédure garantissant que
l'appellation ne pourra être imposée par l'État.
Toutefois, il convient de rappeler que cette garantie ne joue qu'à la
marge dans la mesure où les dispositions transitoires de l'article 14
prévoient l'octroi automatique, dès la publication de la loi, de
l'appellation « musée de France » aux
musées nationaux, aux musées classés et aux musées
de l'État créés par décret et, pour les
musées contrôlés, un dispositif différent mais dont
l'effet sera comparable. Pour ces derniers, l'appellation sera attribuée
à l'issue d'un délai d'un an à compter de la publication,
ce délai permettant au ministre ou au propriétaire des
collections de s'opposer, dans des conditions strictement encadrées,
à l'attribution du label. Or, selon les informations données par
le ministère de la culture, ces cas d'opposition devraient être
très rares et la quasi-totalité de ces musées devraient
devenir « musées de France ».
La procédure prévue par cet article ne s'appliquera donc en fait
qu'aux musées existants qui ne sont pour l'heure ni classés ni
contrôlés ainsi qu'aux nouveaux musées qui seraient
créés après la promulgation de la loi.
• Une large marge d'appréciation laissée à
l'administration
La marge d'appréciation laissée à l'administration pour
l'octroi du label est très étendue dans la mesure où
l'article premier ne pose que deux conditions à son attribution, la
première liée à la nature juridique du propriétaire
des collections -qui doit être soit l'Etat, soit une personne morale de
droit public- établissement public ou collectivité territoriale-,
soit une personne morale de droit privé sans but lucratif -et la seconde
liée à l'intérêt public de la collection.
S'agissant de cette dernière, le ministre dispose d'une grande latitude
et sa décision ne pourra faire l'objet de la part du juge administratif
que d'un contrôle au titre de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur ce point, le projet de loi s'inspire de la rédaction de la loi de
1913 qui ouvre la possibilité de classer un bien dès lors que sa
conservation présente un intérêt public.
Il est à souhaiter que pour l'application de la loi sur les
musées, l'administration dégage une doctrine stable et
responsable.
En effet, une multiplication sans limite des musées
« labellisés » musée de France risquerait de
priver cette appellation de toute signification et se traduirait par une
extension des prérogatives de l'État sur des institutions qu'il
ne pourrait pas plus contrôler que soutenir, le label se réduisant
alors pour les musées à l'assujettissement à de nouvelles
contraintes administratives.
D'après les informations fournies à votre rapporteur, le nombre
de musées de France avoisinera le millier, ce qui devrait recouvrir les
limites de l'ensemble actuellement composé des musées nationaux,
des musées d'État créés par décret en dehors
de ces derniers et des musées actuellement classés et
contrôlés, des ajustements modestes pouvant intervenir à la
marge. A l'évidence, le projet de loi ne bouleversera pas la donne sur
ce point.
Le projet de loi ne prévoit de formalités spécifiques pour
l'octroi du label que pour le propriétaires privés. Ces derniers
doivent présenter un inventaire des collections, qui fera l'objet de
mesures de publicité, et justifier l'absence de sûretés
réelles grevant les biens qui la composent, précaution
nécessaire puisqu'ils deviendront insaisissables à compter de
l'attribution du label ; par ailleurs, le statut de la personne morale
propriétaire doit comporter une clause prévoyant l'affectation
irrévocable de ces biens à la présentation au public.
Cette dernière disposition tire la conséquence du statut
d'aliénabilité limitée prévu par le paragraphe III
de l'article 8 du projet de loi prévoyant que les biens des
musées de France dont les collections appartiennent à des
personnes morales de droit privé à but non lucratif ne peuvent
être cédées qu'aux personnes publiques ou aux personnes
morales de droit privé à but non lucratif qui s'engagent à
maintenir l'affectation de ces biens à un musée de France.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a complété cet article afin de
préciser les modalités de retrait de l'appellation.
En l'absence de précisions dans la loi, le retrait de l'appellation ne
pourrait résulter que de la disparition du caractère
d'intérêt public des collections. Cette hypothèse
n'étant probablement que très rarement réalisée,
l'octroi de l'appellation revêtirait un caractère
irrévocable.
Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, contre l'avis
du gouvernement, prévoient deux procédures de retrait, l'une
à l'initiative de l'Etat et la seconde à l'initiative de la
personne morale propriétaire des collections.
Le pénultième alinéa de l'article 3 prévoit que
l'appellation peut être retirée par le ministre de la culture
après avis du Conseil des musées de France lorsque le
musée ne remplit pas les missions qui lui sont imposées par
l'article 1
er
bis ou lorsque la collection perd son caractère
d'intérêt public. Si l'on peut admettre le retrait dans ce dernier
cas qui, on l'a dit, est très hypothétique, et qui aurait
été possible en l'absence de dispositions expresses, on
perçoit mal l'intérêt d'un retrait destiné à
sanctionner une inexécution ou une mauvaise exécution des
obligations prévues par la loi. Si cet état de fait
résulte de difficultés rencontrées par le musée
dans sa gestion, il semblerait plus judicieux alors pour assurer la
pérennité des collections que l'État prenne les mesures
nécessaires pour soutenir son action. Dans le cas où le
non-respect de la loi résulte de la mauvaise volonté du
propriétaire, le remède semble pire que le mal. Le
propriétaire est alors incité à se dégager de ses
obligations puisqu'il suffit d'y manquer pour ne plus y être soumis.
En ce qui concerne le retrait de l'appellation à l'initiative du
propriétaire des collections, votre rapporteur approuve le souci de
l'Assemblée nationale de conférer à ce label le
caractère de statut librement consenti. Toutefois, la rédaction
retenue est imprécise. En effet, si le texte reconnaît au
propriétaire la possibilité de demander le retrait de
l'appellation, il reste muet sur les compétences du ministre dans cette
hypothèse : faut-il comprendre que le ministre dispose d'une
compétence discrétionnaire sous réserve de la consultation
du Conseil des musées de France, à l'image de ce qui est
prévu par le projet de loi pour l'attribution du label ou bien, au
contraire, qu'il dispose d'une compétence liée, ce qui
accentuerait le caractère contractuel du label ? Enfin, on peut se
demander si le délai à compter duquel le propriétaire peut
demander le retrait du label fixé à un an minimum après
son obtention ne favorise pas des demandes de label justifiées par le
seul souci de bénéficier d'avantages financiers ou plus
vraisemblablement fiscaux, les propriétaires étant assurés
de pouvoir très rapidement se libérer des contraintes qu'il
implique.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter
cinq amendements
à cet
article.
• Le premier permet de prévoir que l'appellation peut être
accordée à plusieurs musées relevant de
propriétaires différents afin que des réseaux de
musée puissent en bénéficier en tant que tels.
• Le deuxième tend à conférer un plus grand
rôle à l'instance créée par l'article 2 dans la
procédure d'attribution du label en prévoyant une
procédure d'avis conforme.
• Deux autres amendements précisent les modalités de retrait
de l'appellation :
- L'État ne pourra retirer l'appellation que dans le cas où
la conservation ou la présentation au public des collections ne
présentent plus d'intérêt public.
Il s'agit d'un simple parallélisme avec la procédure
d'attribution de l'appellation. Pratiquement, ces décisions de retrait
seront rares. Néanmoins, on ne peut exclure une telle hypothèse.
- S'agissant du retrait de l'appellation à l'initiative du
propriétaire des collections, votre commission n'a pas souhaité
exclure cette possibilité, notamment pour les musées
privés pour lesquels le statut proposé par la loi emporte des
restrictions très significatives pour l'exercice de leur droit de
propriété. Le label devant être fondé sur la libre
adhésion des propriétaires, il importe que le ministre ne puisse
s'opposer à leur demande. Si le ministre disposait en la matière
d'une compétence discrétionnaire, il est à craindre que le
label soit
de facto
irrévocable. Toutefois, il convient
d'allonger le délai à partir duquel les propriétaires de
collections peuvent demander le retrait du label, en le portant de un an
à quatre ans, afin de décourager des demandes d'attribution du
label motivées par la seule perspective de bénéficier des
avantages financiers et surtout fiscaux qui y sont attachés. Par
ailleurs, votre commission a souhaité prévoir des conditions plus
strictes de retrait dans le cas où le musée a reçu des
concours publics : l'appellation ne pourra être retirée par
le ministre que sur avis conforme du Haut Conseil des musées de France.
• Enfin, votre commission vous proposera d'adopter un amendement de
coordination avec le dispositif proposé à l'article 8 limitant le
principe de semi-aliénabilité des collections privées aux
seuls biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité
territoriale : la clause statutaire d'affectation irrévocable
à l'usage du public, exigée des musées privés
sollicitant le label, ne concernera pas l'ensemble des collections mais ces
seuls biens.
Article 4
Contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les
musées de France
I.
Texte du projet de loi
Au delà de la mention, à la valeur législative incertaine,
de la possibilité pour les musées de France de
bénéficier du « conseil et de l'expertise »
de ses services, cet article pose le principe d'un contrôle scientifique
et technique de l'Etat sur ces derniers.
L'attribution du label a donc pour effet principal d'étendre les
prérogatives de l'Etat au delà de ses limites actuelles.
En effet, pour l'heure, outre les musées dont les collections lui
appartiennent, l'Etat exerce sa tutelle sur les seuls musées
classés et contrôlés dans des conditions au demeurant mal
définies, faute de texte réglementaire en précisant les
modalités.
L'ordonnance de 1945 précise les domaines dans lesquels s'exerce le
contrôle de l'Etat sur les musées :
- tout projet de création de musée est déclaré
à la direction des musées de France ; faute de cette
déclaration, le ministre peut prescrire la fermeture du musée
(article 7) ;
- le règlement intérieur et la fixation des droits
d'entrée sont approuvés par le ministre (article 8) ;
- les acquisitions à titre gratuit et onéreux font l'objet d'un
avis préalable du ministre (article 9) ;
- les musées classés et contrôlés sont
inspectés par les services du ministère de la culture (articles
12 et 14) ;
- les règles relatives à la qualification des personnels
scientifiques des musées classés et contrôlés sont
fixées par décret (article 13).
S'agissant des musées des collectivités territoriales, si les
lois de décentralisation ont rendu obsolètes bon nombre de ces
dispositions, seuls les articles 9, 12, 13 et 14 pouvant encore s'appliquer,
elles n'ont pas été l'occasion de clarifier les modalités
de la tutelle exercée par l'Etat sur ces musées.
En effet, bien que l'article L. 1423-1 du code général des
collectivités territoriales soumette l'activité des musées
territoriaux au «
contrôle technique de
l'Etat
», le décret en fixant le contenu n'a jamais
été pris.
Interrogé sur les raisons de cette carence par votre rapporteur, les
services du ministère ont estimé que cette disposition ne
constituait pas une base légale suffisante pour édicter un
décret susceptible de porter atteinte au principe de libre
administration des collectivités territoriales. Sans être
convaincu par cette explication, votre rapporteur rappelle que la loi pas plus
que le décret ne permettra de limiter la portée de ce principe
à valeur constitutionnelle. Par ailleurs, il a été
tenté de se demander dans quelle mesure le souci d'affirmer le pouvoir
de tutelle de l'Etat sur l'ensemble des musées et non seulement ceux des
collectivités territoriales ne constituait pas le principal voire le
seul objectif de ce projet de loi.
Cette analyse apparaît d'autant plus fondée que le champ du
contrôle, non seulement « technique », comme le
qualifiaient les lois de décentralisation, mais également
« scientifique » est défini le plus largement
possible par le projet de loi : les inspections diligentées par
l'Etat sont susceptibles de porter sur la totalité des missions des
musées de France. Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'analyse de ces
missions, dont l'énoncé très général figure
désormais à l'article 1
er
bis du texte
adopté par l'Assemblée nationale.
Cette rédaction n'interdit donc pas que le décret ne retienne une
conception de la tutelle qui aille au delà des seules modalités
prévues par le projet de loi, qui permettent déjà à
l'Etat d'exercer un contrôle très minutieux sur les musées
de France (définition des compétences des personnels de
conservation -article 5- et de restauration -article 11 ; avis
préalable sur les projets d'acquisition et de restauration -articles 7
et 11 ; édiction des conditions de prêt et de
dépôt des collections -article 10 ; possibilité de
prendre des mesures conservatoires en cas de mise en péril des
collections -article 12).
Cette perspective difficilement acceptable pour les musées privés
qui jusqu'ici n'étaient assujettis à la tutelle de l'Etat que
pour ceux classés ou contrôlés aux termes de l'ordonnance
de 1945, ne l'est pas plus pour les musées dont les collections
appartiennent aux collectivités territoriales.
Même si l'on admet que le label n'est accordé qu'à la
demande des propriétaires des collections, le projet de loi
apparaît comme le moyen pour l'Etat de renforcer ses prérogatives
au delà de ce que prévoient aujourd'hui l'ordonnance de 1945 et
les lois de décentralisation.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a modifié cet article sur deux points.
En premier lieu, elle a renvoyé l'énoncé des missions
permanentes des musées de France à
l'article 1
er
bis, sans pour autant modifier le champ du
contrôle scientifique et technique de l'Etat.
En second lieu, elle a complété cet article afin de
prévoir que pour les musées dont les collections n'appartiennent
pas à l'Etat ou à l'un de ses établissements publics,
l'attribution de l'appellation est suivie de la signature d'une convention
entre l'Etat, le musée et la personne morale propriétaire des
collections afin de préciser les conditions de réalisation des
missions énoncées à l'article 1
er
bis
et de mise en oeuvre des dispositions de la loi.
Cette introduction dans le projet de loi de la contractualisation qui n'a pas
recueilli l'accord du gouvernement, vise selon M. Alfred Recours,
rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale, «
à renforcer la
clarification des relations entre l'Etat et les musées
décentralisés
» en précisant
«
comment le musée entend remplir les missions qui lui sont
fixées ; comment l'administration de la culture assurera son
contrôle et son soutien ; comment la personne morale
propriétaire des collections organisera ses rapports avec le
musée et l'administration de la culture
».
A l'évidence, il s'agit là de tempérer le caractère
centralisateur du projet, en laissant à la convention plutôt qu'au
décret le soin de définir les modalités du contrôle
exercé par l'Etat.
III. Position de la commission
• Votre commission a estimé indispensable de circonscrire
l'étendue du contrôle de l'Etat sur les musées de France en
adoptant
un amendement
le limitant aux seules modalités
prévues dans le projet de loi. La rédaction trop
générale adoptée par l'Assemblée nationale risque
de conduire pour les musées territoriaux à une recentralisation
qui n'est ni souhaitable ni réalisable compte tenu de la faiblesse des
moyens dont dispose l'Etat pour exercer son pouvoir de tutelle et, pour les
musées privés, à une mainmise des services de l'Etat qui
ne serait guère compatible avec leur statut.
• S'agissant de la généralisation des conventions
passées entre l'Etat, les musées et les propriétaires de
collection, votre rapporteur estime nécessaire d'encourager une
politique de contractualisation permettant de déterminer les engagements
des différents partenaires, politique déjà largement mise
en oeuvre dans la pratique au fur et à mesure des projets de
création de nouveaux musées ou de rénovation des
institutions existantes.
Toutefois, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui
rend obligatoire ces conventions, ne va pas sans soulever un certain nombre de
difficultés.
L'obligation de contracter, si elle vise à accentuer le principe d'un
label non pas imposé par l'Etat mais consenti par les
propriétaires des musées, risque dans la pratique d'aboutir
à une situation défavorable à ces derniers : il y a,
en effet, à craindre que la négociation soit fort
déséquilibrée et que les musées souhaitant obtenir
le soutien de l'Etat, sous une forme ou sous une autre, ne laissent les
services de l'Etat imposer leurs conditions.
En outre, on peut s'interroger sur les conséquences d'un échec
des négociations engagées ou plus simplement de l'absence de
négociations. Faut-il comprendre que les obligations prévues par
la loi ne s'appliqueraient alors pas ?
De plus, une telle procédure semble très lourde à mettre
en place, du moins dans les premiers mois d'application de la loi pendant
laquelle les services de l'Etat ne pourront conduire les négociations
nécessaires à l'établissement de ces conventions avec
l'ensemble des musées labellisés.
Par ailleurs, on peut regretter que ces conventions ne concernent que les
musées des collectivités locales et les musées
privés. Dans le souci de parvenir à une meilleure gestion des
musées de l'Etat et plus particulièrement des musées
nationaux, il semblerait opportun de favoriser une telle pratique qui
permettrait de responsabiliser leurs gestionnaires. Ces derniers souffrent en
effet de leur absence d'autonomie, situation qui résulte de la
réticence de la direction des musées de France à se
défaire d'un pouvoir de gestion directe, incompatible avec le processus
de déconcentration, et qui réduit sa capacité à se
consacrer à sa mission d'orientation et d'impulsion.
Compte tenu de cette analyse, votre commission a adopté
un
amendement
visant, d'une part, à conférer aux conventions
entre l'Etat et les musées de France un caractère facultatif, et
non obligatoire comme le prévoyait le texte adopté par
l'Assemblée nationale et, d'autre part, à étendre cette
possibilité de contractualisation à l'ensemble des musées
de France.
Article 5
Responsabilité scientifique des musées de
France
I.
Texte du projet de loi
Dans le souci légitime d'assurer dans les meilleures conditions la
conservation et la mise en valeur des collections, cet article vise à
réserver la responsabilité scientifique des musées de
France à des professionnels présentant des qualifications
définies par décret en Conseil d'Etat.
En pratique, cet article étend à l'ensemble des musées de
France, quels que soient leur propriétaire et leur statut, une
règle qui ne prévalait jusqu'ici que pour les musées de
l'Etat et les musées classés et contrôlés. On
rappellera que l'article 13 de l'ordonnance de 1945 confie au pouvoir
réglementaire la définition des règles relatives à
la qualification de l'ensemble des personnels scientifiques des musées
classés et contrôlés, quel que soit leur statut.
Actuellement, ces règles résultent des décrets instituant
les corps et les cadres d'emplois des fonctions publiques de l'Etat et des
collectivités territoriales chargés de la conservation du
patrimoine qui précisent que leurs membres ont vocation à exercer
des responsabilités scientifiques et techniques dans ces
établissements.
La responsabilité scientifique des musées classés et
contrôlés a donc vocation à être confiée
à un conservateur appartenant soit au corps d'Etat des conservateurs du
patrimoine, soit au cadre d'emploi des conservateurs territoriaux du
patrimoine. Toutefois, on rappellera que dans les musées classés,
cette fonction est exercée par des fonctionnaires de l'Etat.
L'ordonnance de 1945 le prévoyait expressément ; les lois de
décentralisation ont prévu un système de mise à
disposition dérogatoire aux règles générales de la
fonction publique auquel, au demeurant, l'article 15 du projet de loi met fin.
Si les corps de conservation de l'Etat et des collectivités
territoriales sont distincts, leur recrutement et leur formation sont dans les
faits très comparables.
S'agissant du corps d'Etat des conservateurs du patrimoine, le recrutement
s'effectue par le biais d'un concours organisé par l'Ecole nationale du
patrimoine. Les candidats reçus, nommés conservateurs stagiaires,
suivent au sein de cette école une formation d'une durée de
dix-huit mois à l'issue de laquelle ils sont titularisés et
affectés en fonction de la nature des études qu'ils ont
effectuées au sein de l'Ecole du patrimoine.
En ce qui concerne le cadre d'emploi territorial, les candidats se
présentent à un concours organisé par le Centre national
de la fonction publique territoriale, en réalité très
comparable à celui de l'Ecole du patrimoine, dans l'une et l'autre des
spécialités suivantes : archéologie, archives,
inventaire, musée. Ce concours n'aboutit pas à un recrutement
mais à l'inscription sur une liste d'aptitude valable deux ans, leur
recrutement dépendant d'une nomination faite par l'autorité
territoriale. Une fois recrutés, les stagiaires suivent une formation
comparable aux conservateurs du corps d'Etat dispensée au sein de
l'Ecole du patrimoine.
Les règles habituelles de mobilité s'appliquent à ces
corps. Cependant, force est de constater qu'elle est encore peu
pratiquée, ce que l'on ne peut que déplorer, tant un
échange entre personnels d'Etat et personnels des collectivités
territoriales semble nécessaire pour l'enrichissement des connaissances
scientifiques comme pour une dynamisation des méthodes de gestion des
collections.
S'agissant des musées privés et des musées territoriaux
qui ne sont ni classés ni contrôlés, aucune règle
spécifique ne s'impose pour la désignation du responsable
scientifique des collections. Si des conservateurs du corps d'Etat ou du cadre
d'emploi territorial peuvent dans certains musées assumer ces fonctions,
dans bien d'autres, compte tenu notamment de leurs dimensions, les
conservateurs ne bénéficient pas d'emplois permanents et sont
souvent des bénévoles.
Cette situation impose de faire preuve de discernement dans la
définition des qualifications professionnelles exigées des
conservateurs des musées de France : dans les faits, des exigences
réglementaires trop strictes dictées par un souci de
professionnaliser la gestion scientifique des musées, risqueraient de
priver purement et simplement nombre de musées de conservateurs.
Par ailleurs, votre rapporteur ne peut que souligner l'intérêt de
permettre dans les musées nationaux comme dans les autres musées
de France la nomination de responsables scientifiques qui, tout en
présentant les qualifications professionnelles indispensables,
n'appartiendraient pas aux corps des conservateurs. Cette ouverture semble
justifiée par la définition des missions des musées
proposée par le projet de loi, qui met en exergue leurs
responsabilités culturelles et éducatives, et par la
nécessité de pallier l'absence de mobilité au sein du
corps des conservateurs.
D'après les informations fournies par le gouvernement, le décret
prévoirait les dispositions suivantes :
- s'agissant des musées appartenant à une personne publique, la
responsabilité scientifique des collections sera confiée aux
personnels appartenant aux corps ou aux cadres d'emplois des fonctions
publiques de l'Etat et des collectivités territoriales chargés de
la conservation du patrimoine. Toutefois, pourront être également
désignées des personnes qui n'appartiennent pas à ces
corps mais qui exercent de telles responsabilités à la date de
publication de la loi, afin d'éviter que des musées soient
privés de leur conservateur, ainsi que les personnes inscrites sur la
liste d'aptitude de conservateur de musée contrôlé avant
1991 et qui ont assuré pendant cinq ans au moins la
responsabilité des activités scientifiques au sein d'une
institution spécialisée dans un des domaines couverts par les
musées de France ;
- en ce qui concerne les musées privés, outre les
professionnels susceptibles d'exercer dans un musée appartenant à
une personne publique, pourront être désignées les
personnes titulaires d'un diplôme national sanctionnant un diplôme
de second cycle dans une des disciplines représentées au sein des
musées de France mais également les personnes qui exercent ou ont
exercé dans un délai de cinq ans la responsabilité
scientifique d'un tel musée ainsi que les personnes qui ont
été inscrites sur la liste d'aptitude aux fonctions
d'attachés de conservation.
Si ce système ne limite pas aux seuls corps des fonctions publiques de
l'Etat et des collectivités territoriales chargés de la
conservation du patrimoine le vivier dans lequel pourront puiser les
propriétaires des musées de France et permet notamment de
consolider les situations acquises, il n'ouvre guère la voie à
une diversification des « profils » des conservateurs de
musées. Votre rapporteur ne peut que le regretter, estimant que
l'ouverture de cette profession à des compétences plus
variées permettrait de renouveler les méthodes de gestion des
musées dans le sens voulu par la loi d'une meilleure prise en compte des
attentes du public. A cet égard, l'introduction dans les textes
réglementaires d'un système de validation des acquis
professionnels apparaît nécessaire.
L'article 5 du projet de loi n'impose toutefois pas que soit
désigné dans chacun des musées de France un conservateur
remplissant ces conditions. Rien d'interdira à une collectivité
publique de désigner un conservateur pour assurer la
responsabilité scientifique de plusieurs musées. Cette solution,
déjà appliquée avec succès, permet d'apporter une
réponse adaptée à la situation particulière de
musées territoriaux de dimension et de fréquentation modestes,
dans l'intérêt bien compris des finances publiques.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
Sur proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et
sociales et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale
a étendu le champ d'application de cet article en précisant
qu'outre les personnels scientifiques, les responsables culturels devraient
également présenter des qualifications définies par
décret en Conseil d'Etat.
Cette disposition a été justifiée par le constat de
l'insuffisant développement des activités de médiation
culturelle des musées qui, selon le rapporteur, résulterait d'un
manque de personnels compétents et, dans une moindre mesure, de
l'inadaptation des corps de la fonction publique d'Etat et des cadres d'emploi
de la fonction publique territoriale à ces tâches
spécifiques.
Ce constat est particulièrement sensible pour les musées
nationaux dont les services culturels, peu étoffés au regard du
nombre de visiteurs, comptent essentiellement des agents recrutés par le
biais de mises à disposition ou de détachements ou encore par
voie contractuelle. En effet, les conservateurs, dont la formation ne les
prépare guère à exercer ces fonctions, sont
affectés quasi exclusivement à des emplois scientifiques et le
nombre des postes ouverts au concours d'ingénieur des services
culturels, créé en 1999, est encore sans rapport avec les besoins.
S'agissant des musées des collectivités territoriales, si les
obstacles statutaires sont moindres grâce aux spécificités
des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale qui prévoient
pour les attachés de conservation une option
« médiation culturelle », les obstacles
résident essentiellement dans l'insuffisance des moyens en personnels
des musées.
S'il partage la préoccupation de voir se développer l'action
culturelle et éducative des musées, votre rapporteur s'est
longuement interrogé sur la pertinence de la solution apportée
par l'Assemblée nationale aux difficultés rencontrées.
Si cet article peut inciter le pouvoir réglementaire à
créer des corps spécifiques destinés à assurer les
missions de médiation, on peut toutefois douter de l'opportunité
de figer les compétences des personnels qui y sont affectés. Ces
missions exigent des qualités professionnelles, une capacité de
renouvellement et un esprit d'initiative que ne pourront garantir ni
l'existence de corps spécifiques ni l'exigence de diplômes, dont
on imagine mal, au demeurant, la nature, compte tenu de la diversité de
la formation des personnels actuellement en poste comme de la
nécessité de veiller à entretenir un vivier de
compétences aussi large que possible.
Par ailleurs, une telle exigence ne permettra pas en tout état de cause
de surmonter l'obstacle que constitue le manque de moyens dont souffrent
actuellement les musées, qui les contraint à se concentrer sur
l'essentiel, à savoir la conservation des collections, au
détriment de leurs tâches éducatives et culturelles. Si des
corps et des concours spécifiques sont créés, on peut
craindre que les recrutements soient peu nombreux pour des raisons
budgétaires.
Enfin, une telle règle, si elle peut à la limite se concevoir
pour les musées les plus importants, semble trop rigide pour
l'écrasante majorité d'entre eux.
III. Position de la commission
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter
à cet article
un amendement
tendant à revenir au texte
initial du projet de loi.
Article 5 bis
Partenariat entre les musées et les
établissements publics
de recherche et
d'enseignement
I.
Texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale, en dépit de
l'avis défavorable du gouvernement, a pour objet d'inciter l'Etat
à promouvoir l'établissement de relations contractuelles entre
les musées de France et les établissements publics de recherche
ou d'enseignement supérieur.
Inspirée par une préoccupation dont la légitimité
est certes incontestable, une telle disposition rentre toutefois dans la
catégorie des mesures d'affichage. Dépourvue de portée
normative, elle n'introduit aucune obligation nouvelle pour les musées,
quel que soit leur statut, et les établissements publics de recherche ou
d'enseignement supérieur qui peuvent d'ores et déjà
établir entre eux des relations contractuelles destinées à
préciser les modalités d'une éventuelle collaboration.
Par ailleurs, la rédaction de cette disposition n'est pas exempte d'une
certaine maladresse. Il semblerait préférable de laisser les
musées, comme les organismes de recherche et les établissements
publics d'enseignement supérieur qui disposent en vertu des lois de
1982
8(
*
)
et de 1984
9(
*
)
d'une large autonomie, maîtres de
leurs relations de collaboration scientifique. On voit mal au demeurant de
quels instruments disposera l'Etat pour inciter ces institutions à les
développer.
Enfin, votre rapporteur s'est demandé s'il n'aurait pas
été plus pertinent d'évoquer cette question -à
supposer qu'il faille l'évoquer- dans le cadre de la constitution de
réseaux scientifiques et culturels prévue à
l'article 6 quater.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter
un amendement
supprimant cet
article au bénéfice d'une modification de la rédaction de
l'article 6 quater destinée à inclure les
établissements de recherche et d'enseignement supérieur au sein
des « réseaux géographiques, scientifiques ou
culturels » constitués par les musées de France dont il
traite.
Article 6
Fixation des tarifs des musées de France et
informations
statistiques relatives à la
fréquentation
I.
Texte du projet de loi
Les dispositions de cet article sont hétérogènes ;
les premier et troisième alinéas concernent les modalités
de fixation des tarifs des musées de France tandis que le
deuxième alinéa précise les modalités de
récolement des informations statistiques concernant leur
fréquentation.
? Les modalités de fixation des tarifs des musées de France
L'objet de l'article est double ; le premier alinéa affirme un
principe général applicable à l'ensemble des musées
de France et le troisième alinéa étend à l'ensemble
des musées de France relevant de l'Etat le principe de gratuité
d'accès pour les mineurs de dix-huit ans, déjà
appliqué dans les musées nationaux.
- Un principe général à la valeur juridique
incertaine
Cet article précise que les droits d'entrée des musées de
France sont fixés de manière à « favoriser
l'accès du public le plus large aux collections », objectif
qui constitue au demeurant une de leurs missions aux termes de l'article 4
du projet de loi.
Cette disposition, dont nul ne songera à contester la
légitimité, devra être mise en oeuvre dans des conditions
compatibles avec le principe d'égalité constitutionnellement
garanti ; les différences de traitement entre les visiteurs des
musées devront être justifiées par l'intérêt
général ou par des différences de situation.
La portée de ce principe demeure toutefois largement imprécise et
laisse en pratique une grande marge de manoeuvre aux musées. On
soulignera qu'il n'impose pas en lui-même l'obligation de moduler les
tarifs entre les différentes catégories d'usagers et ne
définit en aucun cas celles qui doivent être favorisées.
Par ailleurs, le projet de loi ne précise pas la sanction de ce
principe. S'agissant des musées de l'Etat, il reviendra aux
ministères de tutelle de veiller au respect de cet objectif qui demeure
toutefois assez vague pour permettre aux musées d'en faire une
application différenciée, ce qui ne constitue pas
a priori
un inconvénient selon votre rapporteur mais prive en
réalité de portée la disposition législative.
S'agissant des musées territoriaux, le principe de libre administration
des collectivités locales vient limiter encore la portée de la
disposition proposée.
Les collectivités locales sont libres de déterminer les tarifs
d'entrée dans leurs musées. Les lois de décentralisation
ont abrogé de fait l'article 8 de l'ordonnance de 1945
précisant que la fixation des droits d'entrée doit être
approuvée par le ministre compétent. L'Etat ne disposera donc pas
des moyens de veiller à l'application de ce principe.
Pour les musées privés, il semble qu'une disposition
législative aussi imprécise ne pourra guère limiter la
liberté dont ils jouissent pour fixer leur tarif, liberté qui
découle naturellement de leur statut de droit privé. Sauf
à pratiquer des droits d'entrée proprement prohibitifs,
hypothèse peu réaliste si ces musées veulent attirer des
visiteurs, il n'est guère envisageable comme le laissent entendre les
termes du rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale que l'Etat puisse exercer une
réelle influence sur leur politique tarifaire, sauf à faire
prévaloir une conception du contrôle technique qui semble
excéder l'esprit du projet de loi.
Toutefois, ces observations méritent d'être nuancées dans
la mesure où l'écrasante majorité des musées
nationaux et des musées classés et contrôlés
mènent d'ores et déjà une politique tarifaire visant
à favoriser l'accès de toutes les catégories de publics
à leurs collections. Les effets de cette modulation des droits
d'entrée, qui se traduit par des exonérations pures et simples ou
des réductions pour certaines catégories d'usagers,
dépendent évidemment du niveau général des tarifs
pratiqués, qui demeurent très variables d'un musée
à l'autre. A la décharge du projet de loi, on se
félicitera de la prudence d'une disposition qui laisse les musées
et les collectivités dont ils relèvent libres de
déterminer les moyens d'ouvrir leurs collections au plus grand nombre.
En effet, les politiques tarifaires doivent être adaptées à
la spécificité de chaque musée en fonction de son
rayonnement, de la nature de ses collections et de l'ampleur de sa
fréquentation.
- La consécration du principe de gratuité de l'accès
des mineurs de dix-huit ans à l'ensemble des musées de France
relevant de l'Etat
Outre le principe général posé à l'alinéa
premier pour l'ensemble des musées de France, cet article consacre dans
la loi le principe d'exonération du droit d'entrée dans les
collections permanentes pour les mineurs de dix-huit ans, déjà
applicable dans les musées nationaux, tout en l'étendant à
l'ensemble des musées de France relevant de l'Etat.
Cette mesure concerne au minimum la totalité des musées
créés par décret, qui bénéficieront
automatiquement de l'appellation « musée de France »
aux termes de l'article 14 de ce projet de loi. Le coût financier
d'une telle mesure est évalué par l'étude d'impact
accompagnant le projet de loi à 13,5 millions de francs pour les
musées relevant du ministère de l'éducation nationale et
à 2,5 millions de francs pour les musées relevant du
ministère de la défense.
On soulignera que cette exonération n'est pas de portée
générale puisqu'elle ne concerne que le droit d'entrée
donnant accès aux collections permanentes et non les droits à
acquitter pour visiter les expositions temporaires, qui sont souvent plus
élevés que les premiers.
Le projet de loi n'a pas retenu pour les musées relevant de l'Etat le
principe général de gratuité, principe qui a
été récemment instauré en Grande-Bretagne pour
l'ensemble des musées publics et dont la pertinence n'a pas
été encore débattue en France, sans doute pour des raisons
liées aux obstacles budgétaires auxquels se heurte sa mise en
oeuvre.
Cependant, il convient de souligner que dans la pratique, les
exonérations de droits d'entrée ne concernent pas seulement les
mineurs mais également d'autres catégories (handicapés).
Selon les informations fournies par les services du ministère de la
culture, sur les 15,4 millions d'entrées enregistrées par
l'ensemble des musées nationaux, près du tiers des visiteurs,
soit 4,4 millions bénéficiaient d'une mesure de
gratuité.
L'impact des exonérations est bénéfique pour la
fréquentation des musées. Ainsi, l'extension de la
gratuité du premier dimanche de chaque mois à l'ensemble des
musées nationaux a engendré une augmentation significative de la
fréquentation estimée pour 2000 à près de
300 000 visites. En revanche, les conséquences de la
gratuité sur l'élargissement des publics demeurent encore
incertaines, ces mesures de modulation tarifaire engendrant incontestablement
un effet d'aubaine pour certains visiteurs.
? Le récolement des informations statistiques relatives à la
fréquentation des musées de France
Au troisième alinéa de cet article, figure une disposition qui
aurait vocation à figurer au mieux dans une circulaire et plus
vraisemblablement dans une note de service, précisant que les
musées de France établissent et transmettent aux services de
l'Etat des statistiques relatives à leur fréquentation. S'il ne
peut que soutenir les efforts accomplis par la direction des musées de
France pour développer l'instrument statistique
Muséostat
et surmonter les obstacles administratifs auxquels se heurte sa mise en oeuvre,
votre rapporteur estime qu'ils ne peuvent justifier l'insertion d'une telle
disposition dans la loi.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de la commission
des affaires culturelles, familiales et sociales, une nouvelle rédaction
de cet article. Au delà de modifications de forme, qui pour certaines
d'entre elles constituent des améliorations, cette rédaction vise
à compléter le texte du projet de loi afin de préciser que
chaque musée de France dispose d'un service des publics qui aurait en
charge «
les actions d'accueil des publics, de diffusion,
d'animation et de médiation
».
Cette disposition vise à remédier à l'insuffisant
développement des activités de médiation des
musées, constat déjà évoqué et que nul ne
contestera.
Toutefois, votre rapporteur s'interrogera une nouvelle fois sur la pertinence
de la solution adoptée au regard de l'objectif poursuivi.
Au delà des observations inévitables sur l'absence de
caractère législatif d'une telle disposition qui, traitant de
l'organisation administrative interne des musées, relève plus
vraisemblablement du statut de chacun d'entre eux, votre rapporteur s'est
interrogé sur la nécessité d'imposer une telle obligation
à l'ensemble des musées de France, quelle que soit leur taille,
même si le texte prévoit que ce service pourra être commun
à plusieurs institutions.
Une telle disposition semble traduire l'espoir que l'organe créera la
fonction. Or, il ne suffit pas qu'un musée se dote d'un service de
médiation pour que se développe son action en ce domaine et qui
plus est qu'elle soit couronnée de succès. La
détermination d'un conservateur peut être plus efficace que la
création d'un tel service.
Là encore, la diversité des situations commande la
prudence ; imposer aux musées une charge financière nouvelle
à ce titre ne semble pas justifié et en l'absence de moyens
humains et financiers supplémentaires, ces services ne pourront
prétendre qu'à une existence factice.
III. Position de la commission
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter
deux amendements
de suppression des deuxième et troisième
alinéas de cet article qui visent respectivement à imposer
à chaque musée de France, d'une part, la création d'un
service des publics et, d'autre part, la transmission d'informations
statistiques relatives à la fréquentation.
Article 6 bis
Conventions entre les musées de France et les
personnes morales
de droit privé à but non lucratif ayant pour
objet de
contribuer à leur soutien et à leur
rayonnement
I.
Texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article additionnel apparaît comme une mesure d'affichage, certes
fondée sur des préoccupations légitimes, mais sans
réelle portée normative et dont la mise en oeuvre dépendra
de la bonne volonté des différents acteurs de la politique des
musées.
Il ouvre, en effet, la possibilité aux musées de France de
conclure des conventions avec des personnes morales de droit privé
à but non lucratif qui se fixent pour objet de contribuer à leur
soutien et à leur rayonnement, en bref les associations d'amis de
musées. Cette disposition adoptée par l'Assemblée
nationale afin de reconnaître le rôle joué par ces
associations, n'apporte en réalité pas grand chose dans la mesure
où cette possibilité est déjà ouverte par la
faculté de contracter dont disposent les musées, pour ceux
dotés de la personnalité morale, ou la collectivité dont
ils relèvent, pour ceux qui en sont dépourvus. Ainsi, a
été signée en 1998 une convention entre
l'établissement public du Louvre et la Société des amis du
Louvre.
Les associations d'amis de musées, dont le rayonnement et les moyens
d'action demeurent très hétérogènes, apportent une
contribution souvent décisive à l'action des musées
qu'elles soutiennent.
Faute de disposer de données d'ensemble, on rappellera que des
sociétés d'amis existent auprès des deux-tiers des
musées nationaux. Aux côtés de la plus importante d'entre
elles et de la plus ancienne qu'est la Société des amis du
Louvre, riche de plus de 70 000 adhérents, figurent des
associations plus récentes et plus modestes qui s'engagent dans une
politique active de mécénat, à l'image de la
Société des amis du musée Guimet.
Le soutien financier apporté par ces associations permet aux
musées de disposer de moyens supplémentaires pour conduire leur
politique d'acquisition et apparaît à ce titre souvent
décisif dans un contexte budgétaire contraint. La
Société des amis du musée du Louvre, au cours des cinq
dernières années, aura contribué à l'enrichissement
de ses collections pour un montant de 98 millions de francs. On citera en
exemple de son action la contribution de 19,5 millions de francs
apportée pour l'achat du portrait par David de Juliette
de Villeneuve, oeuvre d'une valeur totale de 35 millions de francs
déclarée trésor national au sens de la loi de 1992,
acquise pour le musée en 1997.
Au delà de cet aspect financier, les associations d'amis peuvent prendre
une part active à la vie des musées, notamment pour ceux de
taille modeste, en conduisant des actions de médiation culturelle, voire
même en assurant l'ouverture des collections au public lorsque les
personnes d'accueil et de surveillance font défaut.
II. Position de la commission
Dans un pays comme la France, marqué par l'atonie du
mécénat, les initiatives des sociétés d'amis
méritent d'être reconnues et encouragées.
Ces associations constituent un lien précieux entre la
société civile et les musées, qui, à la
différence des institutions muséographiques anglo-saxonnes,
pâtissaient encore jusqu'à une date récente d'un certain
isolement dû notamment à l'absence de dialogue entre les
conservateurs, les collectionneurs et les mécènes.
Toutefois, votre rapporteur souhaite que si les conventions visées
à cet article encouragent l'action des associations d'amis de
musées, elles permettent également de clarifier les relations
entre ces dernières et les institutions qu'elles soutiennent.
Comme l'a souligné un rapport récent de la Cour des
Comptes
10(
*
)
, faute pour l'Etat
de s'être véritablement préoccupé d'organiser et
d'orienter les initiatives prises par des personnes privées en faveur
des collections publiques, aucun principe clair permettant d'établir des
relations équilibrées dans le respect des intérêts
respectifs de l'Etat et de ses partenaires privés n'a pu être
dégagé, ce qui, dans certains cas, a pu déboucher sur des
«
pratiques ambiguës, voire
irrégulières
».
Il est sans doute souhaitable qu'à l'occasion de la signature de ces
conventions, les responsabilités respectives des musées et des
associations soient bien définies, afin d'éviter une confusion
des rôles. Les associations d'amis n'ont pas pour mission d'administrer
les musées et de supporter le coût des missions que leur
attribuent la loi et leurs statuts. De même, les musées ne doivent
pas consentir à ces associations des facilités excessives au
regard de la contribution qu'elles apportent.
La Cour des Comptes avait, en conclusion de ses observations, recommandé
qu' «
aucune relation ne soit plus établie avec des
associations hors d'un cadre conventionnel précis
».
L'article introduit par l'Assemblée nationale répond à
cette préoccupation qui, longtemps, et on le regrettera, n'a pas
été partagée par les services du ministère de la
culture, la Réunion des musées nationaux n'ayant fait part que
récemment à ces associations de son souhait d'uniformiser les
avantages qui leur sont accordés par les musées et de les
recentrer sur les activités des institutions qu'elles soutiennent.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet
article sans modification.
Article 6 ter
Rapport sur les incidences financières de
l'extension
de la gratuité d'accès des mineurs de dix-huit
ans
à l'ensemble des musées de
France
I.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a introduit cet article additionnel afin de
permettre au Parlement de disposer d'éléments d'information,
d'une part, sur les incidences financières de l'extension de la
gratuité d'accès des mineurs de dix-huit ans à l'ensemble
des musées nationaux et, d'autre part, sur la possibilité de
prévoir pour l'ensemble des musées de France l'accès
gratuit aux collections permanentes une fois par mois. Cette information, qui
prendrait la forme d'un rapport remis au Parlement au plus tard un an
après l'entrée en vigueur de la présente loi
étudierait également les éventuels mécanismes de
compensation financière susceptibles d'être mis en oeuvre au
profit des collectivités territoriales.
II. Position de la commission
Votre rapporteur estime opportun de réfléchir à une
éventuelle extension des mesures de gratuité à l'ensemble
des musées de France.
Toutefois, il considère qu'il revient aux collectivités locales
et aux musées privés d'apprécier la politique tarifaire la
plus opportune pour favoriser un élargissement de leurs publics. Une
telle position s'avère conforme au principe de libre administration des
collectivités locales et à la nécessité de
respecter la liberté de gestion des personnes privées.
La modulation des droits d'entrée ne constitue qu'un des moyens dont
disposent les musées pour assurer leurs missions éducatives et
culturelles ; la mise en place de tarifs attractifs ne doit pas
exonérer les musées de rechercher d'autres voies d'action en ce
domaine : développement des relations avec les
établissements scolaires, mise en place d'itinéraires de visites
spécifiques pour les personnes handicapées par exemple.
Enfin, une généralisation de la gratuité -dont
l'efficacité en termes de démocratisation reste, on le
répète à nouveau, à prouver- conduit
inévitablement à limiter la marge de manoeuvre financière
des musées et à réduire leur autonomie budgétaire,
en les contraignant à recourir de plus en plus largement à des
subventions des collectivités publiques, voire même pour les
musées privés à compromettre leur ouverture au public.
Votre commission vous proposera donc de supprimer cet article.
Article 6 quater
Constitution de réseaux géographiques,
scientifiques
ou culturels entre les musées de
France
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale impose
à l'Etat d' «
encourager et de favoriser la
constitution de réseaux géographiques, scientifiques ou culturels
entre les musées de France
».
Au delà du caractère contestable d'une telle mesure qui peut
apparaître comme une injonction faite par le Parlement au gouvernement,
sa portée normative apparaît en tout état de cause
limitée.
On peut se demander dans quelle mesure l'Etat peut favoriser la mise en place
de tels réseaux. C'est en effet grâce à des initiatives
individuelles de conservateurs que sont nés les réseaux
existants. Il y a fort peu de chances que, dans un domaine où chaque
institution demeure attachée à sa spécificité, des
collaborations imposées par l'Etat puissent réellement se
développer. Par ailleurs, on voit mal de quels instruments peuvent
disposer les services de l'Etat pour susciter la création de
réseaux, notamment à l'égard des musées des
collectivités territoriales et des musées privés.
Toutefois, il convient de souligner la pertinence des préoccupations qui
ont justifié son adoption.
En effet, ces collaborations restent embryonnaires en raison des
difficultés qu'éprouvent les musées de l'Etat à se
défaire de la relation exclusive qu'ils entretiennent avec leur
autorité de tutelle et les autres musées, à briser un
isolement imposé par des particularismes locaux ou par la
spécificité de leurs collections.
Cette situation est regrettable compte tenu de l'intérêt
scientifique et culturel que représentent les réseaux existants
qu'ils privilégient une collaboration thématique, comme celle qui
a justifié la création du groupe CAC 40 réunissant des
musées d'art contemporain ou de la fédération nationale
des écomusées et musées de société, ou une
coopération territoriale.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter à cet article
un
amendement
tendant à préciser que peuvent participer
à ces réseaux des établissements d'enseignement
supérieur et de recherche.
Votre rapporteur estime, en effet, nécessaire que de telles
collaborations puissent se développer et se généraliser.
Ce constat est partagé ; un ancien directeur des musées de
France, dans un ouvrage récent
11(
*
)
, soulignait que
l' «
organisation scientifique des musées doit
être simultanément mise à profit pour les ouvrir plus
largement sur le monde de la recherche et de
l'université
».
Article 7
Acquisitions des musées de France ne relevant pas de
l'Etat
ou de l'un de ses établissements
publics
I.
Texte du projet de loi
Cet article soumet les acquisitions des musées de France ne relevant pas
de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics à l'avis
préalable des services de l'Etat.
Jusqu'à présent, les textes en vigueur ne prévoyaient
qu'une procédure d'avis pour les musées classés et
contrôlés. L'article 9 de l'ordonnance de 1945
précise, en effet, que « l'acquisition d'une oeuvre d'art,
l'acceptation définitive d'un don ou d'un leg d'oeuvres d'art par un des
musées classés ou contrôlés doivent être
précédées d'un avis du ministère de
l'éducation nationale ».
La procédure prévue par les textes réglementaires,
inspirée par le souci de s'assurer grâce à la consultation
d'un organe collégial que les biens dont l'acquisition est
envisagée sont dignes d'entrer dans les collections, est calquée
sur celle applicable aux musées nationaux.
On rappellera que les acquisitions des musées nationaux sont soumises
à l'avis de deux organes : d'une part, le comité consultatif
des musées nationaux, composé pour l'essentiel de conservateurs,
et, d'autre part, le conseil artistique des musées nationaux, dont la
composition fait une large place à des personnalités
extérieures choisies en raison de leurs compétences,
collectionneurs, experts et marchands. Dans la pratique, ces deux organes
saisis successivement ne se contredisent quasiment jamais et leur avis sont
toujours suivis par le ministre.
Pour les musées classés et contrôlés, la
procédure est moins lourde ; seul est consulté
préalablement à la décision du ministre le conseil
artistique des musées classés et contrôlés dont la
composition et les modalités de fonctionnement fixés par le
décret n° 82-107 du 28 janvier 1982 sont très proches
de ceux du conseil artistique des musées nationaux.
En outre, les acquisitions de quelque importance faisant le plus souvent
l'objet d'une demande de subvention, elles sont examinées par la
commission des musées de province, si la subvention est demandée
directement à la direction des musées de France, mais
également par les fonds régionaux d'acquisitions des
musées lorsqu'un financement régional est sollicité.
Le projet de loi étend donc la procédure d'avis préalable
à l'ensemble des musées qui ne relèvent pas de l'Etat ou
de ses établissements publics, dès lors qu'ils ont reçu
l'appellation « musée de France », y compris les
musées qui n'étaient jusqu'ici ni classés ni
contrôlés.
Cette disposition apparaît comme la traduction de la volonté de
l'Etat de garantir son contrôle sur les collections des musées.
Toutefois, comme dans le régime actuellement applicable aux
musées classés et contrôlés, l'avis, s'il est
obligatoire, ne liera pas la personne morale dont relève le musée
concerné par le projet d'acquisition.
A la différence de l'ordonnance de 1945, le projet de loi précise
que l'avis est donné non plus par le ministre mais par les services de
l'Etat. D'après les informations fournies par le ministère de la
culture, cette procédure ferait l'objet d'une large
déconcentration, l'avis étant rendu par le directeur
régional des affaires culturelles.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de cette
procédure consultative comme sur ses conséquences pratiques.
Malgré l'éminence de leurs connaissances, les directeurs
régionaux des affaires culturelles ne disposent pas toujours des
connaissances nécessaires pour émettre un avis
éclairé sur les acquisitions de l'ensemble des musées
d'une région. On rappellera, par ailleurs, que toutes les DRAC ne
comportent pas un conseiller « musée ». Enfin, la
faiblesse des moyens en personnels des services déconcentrés du
ministère de la culture laisse craindre des retards dans le traitement
des dossiers, retards peu compatibles avec le bon déroulement des
procédures d'acquisition, qui concernent en pratique bon nombre d'objets
de valeur modeste.
En outre, le principe de libre administration des collectivités locales
comme la liberté de gestion dont jouissent les musées
privés en vertu de leurs statuts conduisent à répondre par
la négative. C'est à elles seules que revient la
responsabilité de disposer de leur patrimoine.
Enfin, il convient en ce domaine de s'en remettre aux conservateurs qui
disposent pour apprécier de l'opportunité des qualifications
nécessaires, qualifications qui seront définies par décret
comme le prévoit l'article 5.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter
un
amendement
tendant à supprimer cet article.
Article 8
Statut des collections des musées de
France
I.
Texte du projet de loi
Afin d'en assurer la protection, cet article définit le statut juridique
des collections des musées de France.
S'agissant des collections publiques, ce statut va au-delà des
règles de droit commun de la domanialité publique, en affirmant
un principe d'inaliénabilité absolue des biens les composant.
Par ailleurs, le projet de loi fixe pour les collections privées des
règles qui diffèrent assez significativement de l'état
actuel du droit, en limitant le droit de propriété des
musées sur leurs collections dans le souci d'en préserver
l'intégrité et d'en garantir la pérennité.
• Le régime applicable aux collections des musées
appartenant à des personnes publiques
En l'état actuel du droit et en l'absence de dispositions
spécifiques, dans la mesure où les collections publiques sont la
propriété d'une personne publique et sont affectées
à l'usage du public ou à l'exécution d'un service public,
elles appartiennent au domaine public de la collectivité
propriétaire, ce qui emporte comme conséquence leur
imprescriptibilité et leur inaliénabilité.
S'agissant des biens appartenant à l'Etat, l'article L. 52 du code
du domaine de l'Etat dispose, en effet, que
« les biens du domaine
public sont inaliénables et imprescriptibles ».
Aux
musées territoriaux, s'appliquent les dispositions de l'article
L . 1311-1 du code général des collectivités
territoriales qui précisent :
« les biens du domaine
public des collectivités territoriales, de leurs établissements
publics et de leurs groupements sont inaliénables et
imprescriptibles ».
Ces règles ne constituent au demeurant que la formalisation de solutions
jurisprudentielles. Ainsi, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du
3 janvier 1846, Bibliothèque royale c/ Charron considérait
qu' « en principe les ouvrages, manuscrits, plans, autographes
et autres objets précieux, faisant partie de la Bibliothèque
royale sont inaliénables et imprescriptibles, comme appartenant au
domaine public ». De même, un arrêt de la Cour de
Cassation du 17 juin 1896, Jean Bonnin c/ villes de Mâcon et de Lyon
avait écarté l'application de l'article 2279 du code civil
pour des livres et manuscrits appartenant à la commune au motif que ces
biens « qui sont la partie constitutive et essentielle d'une
bibliothèque dépendant du domaine public, appartiennent
nécessairement à ce même domaine (...) qui est
inaliénable et imprescriptible ».
- l'imprescriptibilité
Le paragraphe I de cet article réaffirme cette règle et
l'étend à l'ensemble des musées de France, y compris donc
à des biens dont les propriétaires sont des personnes
privées.
Si l'extension de la règle de l'imprescriptibilité à ces
biens constitue une innovation, le projet de loi ne fait que consacrer le droit
existant pour les collections publiques, l'imprescriptibilité
étant une conséquence de l'inaliénabilité.
On rappellera que l'imprescriptibilité en faisant obstacle à
l'application des articles 2279 et 2280
12(
*
)
du code civil, qui instaurent un
mécanisme acquisitif au bénéfice du possesseur de bonne
foi, met les musées à l'abri d'aliénations involontaires
résultant de la perte ou du vol en leur permettant de
récupérer le bien, sans limite de temps et sans aucune
indemnité, à supposer qu'il ait été
retrouvé, ce qui est, dans l'hypothèse du vol, malheureusement
rarement le cas.
- l'inaliénabilité
Le paragraphe II de cet article dispose que les collections publiques sont
inaliénables.
La sanction de ce principe est la nullité des ventes et des
échanges portant sur des biens appartenant au domaine public,
rappelée par le paragraphe IV de cet article.
Cette disposition du projet de loi, qui, en première analyse, peut
apparaître redondante par rapport aux dispositions du code du domaine de
l'Etat et du code général des collectivités territoriales,
va en réalité au-delà en consacrant un principe
d'inaliénabilité absolue des collections publiques.
En effet, la règle de l'inaliénabilité du domaine public
au sens où l'entendent les textes existants, est une règle
relative dans la mesure où l'appartenance au domaine public n'est pas
irrévocable. Cela résulte du fondement même du principe
d'inaliénabilité, à savoir l'affectation : ce n'est
pas la nature des biens appartenant au domaine public qui fait obstacle
à l'aliénation mais leur affectation. En effet, un bien peut
être déclassé lorsqu'il s'avère que l'affectation
à l'usage du public ou du service public n'est plus fondée et,
dès lors, être aliéné. En pratique, de telles
décisions ont été évidemment extrêmement
rares, s'agissant de collections muséographiques.
Le projet de loi accorde donc aux collections publiques une protection
supplémentaire et spécifique par rapport à celle
attribuée à l'ensemble des biens du domaine public en consacrant,
au regard de l'intérêt qu'elles présentent pour la Nation,
un principe absolu d'inaliénabilité qui s'oppose à tout
déclassement, inaliénabilité qui résulte non pas de
l'affectation des biens mais de leur nature même. On relèvera au
passage que les collections des musées publics ne disposant pas de
l'appellation « musée de France » ne
bénéficieront que du régime de domanialité publique
de droit commun.
Toutefois, dans un souci de bonne gestion des collections ce principe
d'inaliénabilité est tempéré par un assouplissement
destiné à renforcer son efficacité.
Le deuxième alinéa du paragraphe II prévoit, en
effet, un dispositif permettant à une personne publique de
transférer, à titre gratuit, la propriété de tout
ou partie de ses collections à une autre personne publique si cette
dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un
musée de France.
Le transfert de propriété sera approuvé par le ministre
chargé de la culture et, le cas échéant, par le ministre
intéressé, après avis du Conseil des musées de
France. Sont exceptés de cette possibilité de transfert les biens
acquis par une collectivité publique à la suite d'un don ou d'une
dation en paiement en vertu des articles 1131 et 1716 du code
général des impôts.
Ce mécanisme original ouvre la possibilité à une
collectivité qui ne peut plus ou ne souhaite plus assumer la charge de
ses collections de les remettre à une autre collectivité. En
l'état actuel du droit, il convient de désaffecter le patrimoine
du musée au motif qu'il ne présentait plus d'intérêt
public pour la collectivité propriétaire pour ensuite le
réaffecter en expliquant quel intérêt majeur il
représentait pour la collectivité
« repreneuse », ce qui, à l'évidence,
n'était guère satisfaisant. Faute d'une disposition expresse, le
principe d'inaliénabilité posé par la loi interdirait de
procéder à de tels déclassements.
• Le régime applicable aux collections des musées de
France appartenant à des personnes morales de droit privé
C'est sans doute sur ce point que le projet de loi apparaît comme le plus
novateur.
- En premier lieu, il applique à ces collections deux règles
protectrices qui ne bénéficiaient jusqu'ici qu'aux collections
publiques à savoir
l'imprescriptibilité et
l'insaisissabilité
.
Le paragraphe I de cet article applique à ces collections la
règle de l'imprescriptibilité. Une telle disposition mettant les
musées privés à l'abri des aliénations
involontaires, apparaît tout à fait justifiée. C'est le
même souci d'assurer une meilleure protection de ces musées qui a
inspiré l'extension à leurs collections du champ d'application de
la procédure de restitution des biens culturels prévue par la loi
du 3 août 1995
13(
*
)
auquel procède le paragraphe VII de l'article 16.
Par ailleurs, le dernier alinéa du paragraphe IV de cet article
dispose que ces collections sont insaisissables à compter de la
publication de la décision attribuant l'appellation
« musée de France ».
- En second lieu, le paragraphe III limite les possibilités de cession
de ces collections en instaurant un
statut de
quasi-inaliénabilité
.
L'article 3 du projet de loi prévoyait déjà comme
condition à l'octroi de l'appellation « musée de
France » la présence dans les statuts de ces musées
d'une clause d'affectation irrévocable de leurs collections à la
présentation au public. L'article 8 en précise la
portée : leurs propriétaires ne pourront les céder,
en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes
publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non
lucratif qui se sont engagées au préalable à maintenir
l'affectation de ces collections à un musée de France. Le projet
de loi prévoit que ces cessions ne pourront intervenir qu'après
approbation du ministre chargé de la culture et, le cas,
échéant, du ministre intéressé, après avis
du Conseil des musées de France. Le paragraphe IV précise
que toute cession effectuée en violation de ce principe est nulle et que
les actions en nullité peuvent être exercées à toute
époque par l'Etat ou le propriétaire de la collection.
II. Position de l'Assemblée nationale
Sur proposition de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales, mais contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée nationale a
modifié très sensiblement la portée du principe
d'inaliénabilité des collections publiques affirmé par le
paragraphe II de cet article précisant que « les oeuvres des
artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un
délai de trente ans à compter de l'acquisition ».
Cette disposition retardant pour certaines catégories d'oeuvres
l'application des règles de la domanialité publique renoue avec
une pratique autrefois en vigueur. Il a en effet longtemps existé pour
les oeuvres d'art contemporain un système de « période
de consolidation ». Ainsi, les pièces entrées au
XIXe siècle au musée du Luxembourg faisaient l'objet, cent
ans après la naissance de leur auteur, d'un nouvel examen pour
déterminer si elles devaient être définitivement
versées dans les collections publiques ou plutôt affectées
à d'autres services dotés de règles de gestion plus
souples permettant d'éventuelles cessions.
Votre rapporteur a souhaité apprécier la pertinence de cette
disposition au regard des deux motifs ayant justifié son adoption,
à savoir le souci d'éviter une asphyxie des musées face
à un nombre d'oeuvres sans cesse croissant et la volonté d'offrir
aux conservateurs la possibilité de réviser l'opportunité
de leurs décisions d'achat.
Si certains musées sont confrontés à des
difficultés de gestion de leurs collections, ce n'est pas semble-t-il en
raison du nombre pléthorique d'oeuvres contemporaines. Si un tel
problème se pose, c'est essentiellement dans les Fonds régionaux
d'art contemporain (FRAC) qui ne sont pas visés par la loi. A
l'évidence, la disposition adoptée par l'Assemblée
nationale ne correspond pas à un besoin des musées.
Par ailleurs, on peut se demander -interrogation sacrilège- s'il
convient de remettre en cause le principe d'infaillibilité des
décisions d'acquisition, principe qui conduit en quelque sorte à
« sanctuariser » les collections publiques.
Votre rapporteur est bien conscient que l'histoire de l'art et des
sensibilités commandent en ce domaine une grande prudence. Les jugements
portés sur la valeur d'une oeuvre varient selon les époques.
Toutefois, à son sens, cette prudence ne doit pas aboutir à figer
les collections. N'est-il pas excessif de considérer qu'un conservateur
aurait toujours raison quand il achète et toujours tort quand il
vend ? Votre rapporteur est tenté de le croire. Quelles que soient
les garanties dont elle est entourée, l'erreur est indissociable de la
décision d'acquisition. La gestion d'une collection ne peut se
réduire à une stricte mission de conservation et pour certains
types de collections doit être un exercice dynamique, impliquant des
cessions, cessions qui au demeurant sont susceptibles de favoriser un
enrichissement des collections, en permettant l'achat d'autres oeuvres.
L'exception au principe d'inaliénabilité pour les oeuvres
d'artistes vivants est-elle pour autant pertinente ?
Votre rapporteur considère que la possibilité de repentir
accordée aux responsables de collections publiques doit être de
portée générale, la limiter à ces seules oeuvres
reviendrait à instaurer un doute légal sur le talent des artistes
comme sur la compétence des conservateurs dans un domaine où,
plus que dans tout autre, il faut laisser à l'avenir les moyens de juger
de l'opportunité des décisions d'acquisitions. A cet
égard, il semblerait plus prudent de renforcer le contrôle des
décisions d'acquisition que de faciliter les cessions, qui risquent au
demeurant de conduire les musées à enregistrer des moins-values,
ce qui constituerait d'ailleurs pour le ministre des finances un argument
imparable pour justifier une réduction des crédits d'acquisition.
En effet, il est peu probable que les musées se séparent
d'oeuvres ayant connu une appréciation spectaculaire. A
l'évidence, le montant comme le volume des acquisitions des
musées en matière d'art contemporain ne justifient pas les
inconvénients d'une telle entorse au principe
d'inaliénabilité.
III. Position de la commission
Outre
un amendement
de coordination terminologique, votre commission
vous proposera d'adopter
deux amendements
, l'un visant à limiter
la portée du principe d'inaliénabilité des collections
publiques et l'autre modifiant le statut prévu par le projet de loi pour
les collections des musées privés dans le souci de mieux garantir
leur droit de propriété.
? Au travers des nombreuses auditions auxquelles il a procédé,
votre rapporteur a constaté qu'à la différence de certains
pays occidentaux, tels que la Grande-Bretagne, les responsables scientifiques
des musées, dans leur grande majorité, comme les services de
l'Etat, ne semblent pas prêts à remettre en cause le principe
d'inaliénabilité des collections publiques.
Toutefois, il estime nécessaire de ne pas figer les collections
publiques. La rareté des crédits d'acquisition comme la richesse
des collections des musées l'imposent. Il est regrettable de ne pas
permettre à un musée de se défaire de certaines
pièces pour pouvoir acquérir d'autres oeuvres complétant
utilement son fonds. La diversité des collections publiques, qui ne se
réduisent pas aux beaux-arts, l'exige également : des
musées à objet technique ou scientifique, par exemple les
musées d'histoire naturelle, ne peuvent réduire leur mission de
conservation à une simple accumulation. Il convient de permettre
à ces musées de sortir de leur inventaire des biens sans valeur
parce qu'existant en de multiples exemplaires ou en raison de la
détérioration de leur état de conservation.
Votre commission vous proposera donc d'adopter
un amendement
qui, sans
remettre en cause le principe d'inaliénabilité, permet de
conserver une certaine souplesse dans sa mise en oeuvre afin de ménager,
en application des règles de droit commun de la domanialité
publique, une possibilité de déclassement.
Toutefois, dans le souci d'éviter des déclassements
injustifiés ou par trop hâtifs, le dispositif proposé
soumet ces décisions à l'avis d'instances scientifiques
consultatives qui seraient également compétentes pour se
prononcer sur les restaurations.
Il ne convient pas dans la loi de préciser la composition et les
modalités de fonctionnement de ces instances. Composées de
conservateurs mais également d'experts indépendants, ces
commissions pourraient être constituées à l'échelon
national et régional.
? S'agissant du statut prévu pour les collections des musées
privés, les dispositions du projet de loi constituent une entorse
très significative au droit de propriété des personnes
privées, principe constitutionnellement garanti. Certes on peut arguer
que ces restrictions du droit de propriété sont librement
consenties par le propriétaire lui-même lorsqu'il sollicite le
label.
Toutefois, il y a fort à craindre que cette conséquence du label
ne dissuade les collections privées d'entrer dans le champ des
musées de France et donc entrave un développement du partenariat
entre les institutions publiques et les structures issues de l'initiative
privée, pourtant nécessaire de l'aveu de tous. Une telle
disposition illustre la difficulté pour les services de l'Etat de
concevoir l'existence de collections privées de grande ampleur aux
côtés des musées publics, et donc d'un autre mode de
gestion d'une collection muséographique. Elle traduit la crainte des
conservateurs de voir un jour les musées publics éclipsés
par les initiatives privées.
Limiter trop strictement les possibilités pour les musées
privés d'aliéner leurs collections risque de les figer au
détriment de leur enrichissement voire de leur survie. Pourquoi
interdire à un musée privé de se défaire d'une
oeuvre pour en acheter une autre afin d'accroître la cohérence des
collections ? Il s'agit là d'un acte courant voire
nécessaire pour tout collectionneur privé.
Votre rapporteur estime que la disposition figurant au paragraphe III de
l'article 8 compromet gravement le développement des musées
privés, en les condamnant à terme à être
englobés dans les collections publiques.
Votre commission vous proposera donc d'adopter
un amendement
visant
à limiter la portée du principe d'affectation irrévocable
à un musée de France aux seuls biens acquis avec le concours de
l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il semble, en effet,
nécessaire d'éviter que les subventions publiques ne soient
utilisées par les musées privés pour réaliser des
plus-values sur les oeuvres qu'elles auraient permis d'acquérir.
Cette modification met-elle en péril l'intégrité des
collections privées labellisées ?
Cela ne devrait pas être le cas pour les musées privés
constitués sous forme de fondations ou d'associations reconnues
d'utilité publique. En cas de liquidation ou de dissolution de ces
organismes, on rappellera que les procédures de dévolution sont
prévues par leurs statuts, statuts approuvés par
l'autorité administrative qui, dans ce cadre, peut veiller à ce
que les collections reviennent à des institutions
muséographiques. S'agissant des fondations, si les collections font
partie de la dotation initiale, elles sont de ce fait inaliénables.
Enfin, rien n'interdit à l'Etat et à ces musées, quel que
soit leur statut, de conclure au cas par cas des conventions prévoyant
l'inaliénabilité ou l'affectation irrévocable à un
musée de France de telle ou telle oeuvre.
Article additionnel après l'article 8
Inventaire des collections
des musées de France
Dans le
souci de garantir une bonne gestion des collections des musées de
France, cet article additionnel vise à préciser que leurs
collections font l'objet d'une inscription sur un inventaire, qui permettra
d'en établir la consistance et d'en préserver
l'intégrité.
Le statut protecteur prévu par le projet de loi au profit des
collections des musées de France justifie cette précaution qui,
si elle constitue un principe de base de la muséographie, mérite
d'être affirmée dans la loi compte tenu des errements qu'on a pu
constater dans la tenue des inventaires, y compris des musées nationaux.
Le rapport précité de la Cour des comptes avait souligné
les graves insuffisances de la gestion administrative des collections des
musées nationaux résultant de l'absence de directives
générales édictées par la direction des
musées de France mais également d'un manque de rigueur dans la
tenue des inventaires.
La Cour avait, en effet, relevé le caractère imprécis ou
incomplet des inventaires des musées nationaux, l'absence de
récolements systématiques et exhaustifs mais également une
application erratique des dispositions réglementaires qui
régissent les dépôts, situation qui conduisait à
constater qu'un grand nombre d'oeuvres qui devaient se trouver dans les
collections des musées nationaux avaient purement et simplement disparu.
A la suite du rapport, avait été créée une
commission de récolement des dépôts d'oeuvres
d'art
14(
*
)
dont la mission,
initialement prévue pour durer trois ans, a été
prolongée jusqu'au 31 décembre 2002, compte tenu de
l'étendue de la tâche à accomplir qui résulte tant
de la richesse des collections nationales que des lacunes de leur gestion.
A cet égard, afin d'éviter que ne se renouvellent les errements
du passé, le dispositif proposé par votre commission
prévoit qu'il sera procédé tous les dix ans au
récolement des collections.
Votre rapporteur est conscient de l'effort qu'impose cette disposition pour
dégager au sein des musées de France les effectifs et les moyens
nécessaires, qui, jusque là, faisaient défaut.
Un tel effort est pourtant nécessaire pour assurer une protection
efficace des collections mais également pour justifier un
éventuel accroissement des moyens d'acquisition des musées.
Article 9
Transfert de la propriété des oeuvres des
collections nationales mises en dépôt dans des musées
territoriaux avant le 7 octobre
1910
I.
Texte du projet de loi
Cet article pérennise les dépôts de l'Etat dans les
musées territoriaux en transférant aux collectivités
territoriales la propriété des biens des collections nationales
qui leur ont été confiés avant le 7 octobre 1910, date du
premier texte ayant posé les principes régissant ces
dépôts.
Cette disposition consacre la permanence de dépôts
déjà anciens qui apparaissent, pour la plupart, comme des envois
fondateurs autour desquels ont pu se constituer les collections des
musées de province. Les oeuvres concernées sont environ au nombre
de 5 000.
Jusqu'à présent, aucun transfert de propriété
comparable n'avait été consenti par l'Etat, seules les pratiques
d'inventaire ayant jusqu'ici pris acte du caractère permanent et en
quelque sorte irrévocable de certains dépôts.
Cette mesure confirme la compétence des responsables territoriaux sur
des oeuvres qui, il faut l'avouer, sont depuis longtemps
considérées comme la propriété de la
collectivité locale dont relève le musée
bénéficiaire du dépôt, situation qui s'explique par
le fait que pendant très longtemps, les mises en dépôt ne
comportaient aucune indication de durée, inconvénient
corrigé par les textes successifs édictés pour clarifier
les modalités de dépôt des oeuvres, et en particulier le
décret du 3 mars 1981
15(
*
)
qui régit aujourd'hui les dépôts des musées
nationaux.
Ce seront les musées de province les plus importants qui profiteront
essentiellement de cette mesure qu'il s'agisse des musées de Grenoble,
de Caen ou de Lyon, institutions prestigieuses dès leur création
qui ont bénéficié au début du XIXe siècle
d'envois significatifs de l'Etat répartissant ainsi la manne des
confiscations révolutionnaires et des conquêtes
napoléoniennes.
Ce transfert de propriété concerne les oeuvres « des
collections nationales » et non seulement celles appartenant aux
musées de l'Etat. Cette rédaction permettra ainsi de
transférer à la ville d'Aix-en-Provence la
propriété d'un nombre important d'oeuvres d'Ingres qui y ont
été déposées par le Fonds national d'art
contemporain.
Toutefois, cette mesure ne concernera que les oeuvres conservées
à la date de publication de la loi dans un musée classé et
contrôlé en application de l'ordonnance de 1945 à condition
que lui soit attribuée l'appellation « musée de
France », condition que l'on pourrait qualifier de
superfétatoire dans la mesure où les musées
concernés par ces transferts sont pour l'essentiel des musées
classés qui, en vertu de l'article 14 du projet de loi, se verront
automatiquement attribuer cette appellation.
La collectivité territoriale peut s'opposer au transfert de
propriété. Cependant, l'argument de la charge financière
que représente un tel transfert ne pourra guère être
soulevé par les collectivités dans la mesure où, en vertu
des textes en vigueur, elles devaient déjà supporter les frais de
toute nature occasionnés par le dépôt.
Le transfert de propriété n'interviendra qu'après
récolement afin d'éviter toute incertitude sur la consistance et
l'affectation des biens concernés.
Sont exceptés du champ de cette mesure les biens donnés ou
légués à l'Etat dans le souci de respecter la
volonté des légataires ou donateurs.
Enfin, le projet de loi précise les modalités du transfert de
propriété dans l'hypothèse où, en raison des
hasards de l'histoire, l'oeuvre est conservée dans un musée
relevant d'une collectivité différente de celle initialement
désignée, en confiant à l'autorité administrative
le soin de désigner la collectivité affectataire après
avis du Conseil des musées de France.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a apporté à cet article que des
modifications rédactionnelles mineures.
III. Position de la commission
Votre rapporteur vous proposera d'adopter cet article sous réserve d'un
amendement
de coordination destiné à tenir compte de la
modification de l'intitulé du Conseil des musées de France qui
devient, dans la rédaction adoptée par votre commission à
l'article 2, le Haut Conseil des musées de France.
Article 10
Prêts et dépôts des collections des
musées de France
I.
Texte du projet de loi
Cet article précise que les modalités de prêt et de
dépôt des biens appartenant aux collections des musées de
France sont définies par décret en Conseil d'Etat.
S'ils constituent les vecteurs indispensables d'une politique active de
diffusion et de mise en valeur des collections d'un musée, les
prêts et dépôts d'oeuvres répondent à deux
objectifs différents.
Les dépôts visent à assurer une répartition plus
équilibrée des collections, les institutions les plus riches
contribuant par ce biais à enrichir les fonds de musées plus
modestes. C'est par ce biais au demeurant qu'ont été
créés au début du XIXe siècle les musées de
province, constitués pour les plus importants d'entre eux autour de
dépôts d'oeuvres appartenant aux collections du musée du
Louvre.
En pratique, ces dépôts concernent donc essentiellement des
oeuvres appartenant aux collections des musées nationaux et
bénéficient aux musées classés et
contrôlés ou à quelques institutions jugées digne
d'intérêt.
A la différence des dépôts qui sont en quelque sorte une
aide du riche au pauvre, les prêts permettent aux oeuvres de circuler
entre les musées notamment dans le cadre d'expositions temporaires les
présentant dans une perspective thématique ou dans le cadre d'une
rétrospective consacrée à un artiste, les musées
les plus prestigieux s'appuyant alors souvent sur les richesses d'institutions
plus modestes.
A la différence du prêt par nature et par vocation temporaire, les
dépôts ont dans de nombreux cas abouti à ce que les oeuvres
ainsi mises à disposition en viennent à être
considérées comme la propriété de l'institution
dépositaire, situation dont l'article 9 du projet de loi tire les
conséquences.
Depuis, des textes successifs se sont efforcés de clarifier et
d'encadrer les modalités de prêt et de dépôt.
Toutefois, ces règles aujourd'hui prévues par le décret
n° 81-240 du 3 mars 1981 ne concernent que les musées
nationaux.
En vertu de ce texte, les prêts décidés par le
ministère de la culture après avis du comité consultatif
des musées nationaux peuvent bénéficier
« à des personnes publiques ou à des organismes de
droit privé à vocation culturelle, agissant sans but
lucratif »
pour l'organisation d'expositions temporaires à
caractère culturel. Leur octroi, soumis à la souscription par le
bénéficiaire d'une assurance couvrant les risques de vol, de
perte ou de dégradation, impose à l'institution
bénéficiaire d'accepter
16(
*
)
, pendant la durée du
prêt, le contrôle de la direction des musées de France.
Les dépôts
« consentis en vue d'une exposition au
public »
obéissent à des règles comparables
s'agissant des bénéficiaires comme de l'autorité
compétente pour les accorder. Le décret de 1981 précise
les garanties que doivent présenter les institutions
bénéficiaires en termes de personnels de conservation et de
sécurité des oeuvres. Les dépôts sont consentis pour
une période de cinq ans renouvelable. A la différence des
prêts, la souscription d'un contrat d'assurance n'est pas obligatoire.
Une telle obligation, en raison de la charge financière qu'elle
représente, ne pourrait en pratique que très rarement être
assumée par les musées qui bénéficient de
dépôts.
S'agissant des musées nationaux, et plus généralement des
musées appartenant à l'Etat, le projet de loi ne devrait
guère modifier cette réglementation.
En revanche, il exige que soient édictées des dispositions
réglementaires pour les musées de France ne relevant pas de
l'Etat.
Pour l'heure, en l'absence de dispositions spécifiques les concernant,
le décret de 1981 est en pratique appliqué aux musées
classés et contrôlés.
S'ils peuvent bénéficier de prêts et de dépôts
des musées nationaux, les musées des collectivités locales
n'étant ni classés ni contrôlés comme les
musées privés ne sont assujettis à aucune obligation en ce
domaine et sont libres de déterminer contractuellement les conditions
dans lesquelles ils peuvent mettre à disposition d'autres institutions
leurs collections.
D'après les indications fournies à votre rapporteur les
décrets visés par cet article auraient pour objet de
déterminer les préconisations techniques minimales
destinées à garantir l'intégrité des oeuvres.
S'il estime indispensable que l'Etat détermine les règles
auxquelles doivent obéir ces procédures pour les oeuvres qui lui
appartiennent, ce qui ne nécessite pas l'introduction d'une disposition
spécifique dans la loi, votre rapporteur considère que les
collectivités locales et
a fortiori
les personnes privées
doivent demeurer libres de fixer les règles auxquelles doivent
obéir ces procédures pour des oeuvres dont elles sont
propriétaires.
Force est de constater que, jusqu'à présent, en l'absence de
réglementation, la pratique de prêts et dépôts par
les musées autres que les musées classés et
contrôlés n'a pas mis en péril l'intégrité de
leurs collections.
Par ailleurs, ces contraintes réglementaires nouvelles au-delà de
leur caractère injustifié risquent fort de ne pouvoir être
appliquées de manière satisfaisante, les services de l'Etat ne
disposant pas des moyens d'en assurer le respect, sauf à prendre le
risque de compromettre la bonne gestion des collections.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a complété cet article en accordant
au Conseil des musées de France compétence pour étudier
« les conditions de circulation, d'échange et de prêt
des oeuvres d'art entre musées bénéficiant de
l'appellation « musée de France ».
On voit mal de quelle manière cette disposition permettra d'atteindre
l'objectif qui justifiait son introduction, à savoir une circulation
plus dynamique des oeuvres dans la perspective d'un approfondissement de la
décentralisation culturelle.
Ce rôle d'étude confié au Conseil des musées de
France qui s'inscrit au demeurant dans les compétences
générales de cette instance telles qu'elles sont définies
par l'article 2 ne devrait pas déboucher sur des améliorations
significatives en ce domaine, les propriétaires des collections
demeurant seuls compétents pour consentir les prêts et
dépôts. C'est essentiellement aux musées nationaux, souvent
jaloux de leurs chefs-d'oeuvre qu'il revient de consentir un effort susceptible
d'accroître le rayonnement -et la fréquentation- des musées
de province. Systématiques au cours du XIXe siècle, les
dépôts se sont faits au cours du XXe siècle plus rares. Si
les dépôts et les prêts constituent un piètre
remède à l'insuffisance des crédits d'acquisition
dégagés par l'Etat en faveur des musées de province, on
regrettera toutefois que ne soit pas conduit en ce domaine par le
ministère de la culture une politique plus systématique.
III. Position de la commission
Votre rapporteur vous propose d'adopter
un amendement
de suppression de
cet article.
Article 11
Restauration des collections des musées de France ne
relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements
publics
I.
Texte du projet de loi
Cet article précise les conditions dans lesquelles seront conduites les
opérations de restauration des collections des musées de France
qui ne relèvent pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements
publics.
Dans le souci de garantir l'intégrité de leurs collections, cet
article, à l'image de l'article 7 relatif aux acquisitions,
confère à l'Etat de larges prérogatives pour exercer un
contrôle sur la politique de conservation des musées de France,
prérogatives dont il ne disposait pas jusque-là.
En l'état actuel du droit, les musées n'appartenant pas à
l'Etat étaient libres de décider tant de l'opportunité des
opérations de restauration de leurs collections que de leurs
modalités de réalisation. Le choix du restaurateur était
effectué en général par le conservateur, sous
réserve du respect des règles du code des marchés publics
pour les institutions relevant de personnes publiques.
Le projet de loi soumet les opérations de restauration à l'avis
préalable des services de l'Etat. Cet avis qui revêt un
caractère consultatif et ne lie pas le propriétaire des
collections pourra porter tant sur l'opportunité de la restauration que
sur ses modalités de réalisation et, d'après les
indications fournies par le ministère de la culture, serait donné
par ses services déconcentrés au vu du cahier des charges des
projets de restauration.
Par ailleurs, cet article dispose que les restaurations devront être
effectuées sous la direction des conservateurs par des
spécialistes présentant des qualifications définies par
décret.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
La restauration des collections apparaît comme un aspect essentiel de la
mission de conservation dévolue aux musées par le projet de loi.
L'évolution des techniques en renforçant le caractère
scientifique de ces opérations et en accentuant leur complexité
dans bien des cas impose à l'évidence de soumettre les
professionnels auxquels elles sont confiées à une
sélection de plus en plus stricte, notamment en exigeant des titres
attestant de leurs qualifications.
A cet égard, votre rapporteur ne contestera pas la disposition du
deuxième alinéa de cet article qui impose aux musées de
France ne relevant pas de l'Etat de recourir à des restaurateurs
présentant des qualifications définies par décret dans la
mesure où ce texte permettra de reconnaître la diversité de
ce secteur d'activité, en retenant des critères fondés sur
l'expérience professionnelle. En effet, un énoncé trop
restrictif des qualifications risquerait de se traduire par un
rétrécissement du vivier d'artisans au sein duquel peuvent puiser
les conservateurs, préjudiciable à la conduite des
opérations de restauration.
D'après les indications fournies par les services du ministère de
la culture, ce risque devrait être écarté ; les textes
réglementaires ayant retenu des critères assez larges, ce qui
semble sage dans un domaine où ce ne sont guère les
diplômes qui garantissent les compétences.
En effet, d'après les avants-projets de décret communiqués
à votre rapporteur, les travaux de restauration pourront être
confiés non seulement aux titulaires d'un diplôme de second cycle
de l'enseignement supérieur délivré dans le domaine de la
préservation et de la restauration du patrimoine mais également
aux personnes dont les acquis professionnels auront été
validés dans les conditions prévues par l'article 17 de la
loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement
supérieur ainsi qu'aux personnes ayant, au cours des cinq années
précédant la publication de la loi, restauré des biens
appartenant à un musée national, classé ou
contrôlé, et qui auraient été habilités
à cet effet par le ministre de la culture.
En revanche, dans la mesure où un décret définira les
qualifications des professionnels auxquels les musées feront appel, on
peut s'interroger sur l'opportunité de prévoir pour les
décisions de restauration une procédure consultative, qui, en
première analyse, peut apparaître comme une contrainte
imposée aux conservateurs, injustifiée au regard des
compétences qui sont les leurs, compétences que définit
d'ailleurs un décret en vertu de l'article 5 du projet de loi.
Là encore comme pour les acquisitions, votre rapporteur estime qu'il
n'est pas inutile d'imposer aux propriétaires des collections des
consultations pour s'assurer de l'opportunité des opérations
envisagées et de la méthodologie à retenir, à
condition que les avis recueillis offrent les garanties de compétence
nécessaires. A cet égard, la consultation d'une instance
scientifique semblerait plus pertinente que la consultation des DRAC.
Les DRAC, auxquelles le projet de loi attribue compétence pour
émettre un avis sur les restaurations des musées de France, ne
disposent pas, à l'évidence, des capacités d'expertise
nécessaires et leurs avis, qui, dans la plupart des cas, se borneront
à avaliser les décisions des conservateurs, risquent fort
d'apparaître comme une formalité administrative inutile,
susceptible d'alourdir la gestion des collections et de retarder la conduite
des opérations de restauration.
Au delà de ces observations, votre rapporteur s'est interrogé sur
l'opportunité d'étendre le champ de cet article aux musées
relevant de l'Etat.
En effet, ces derniers confient bon nombre de leurs opérations de
restauration à des professionnels libéraux, les agents
appartenant aux corps des chefs de travaux d'art ou des techniciens d'art ne
pouvant suffire à la tâche et, pour certaines opérations,
ne présentant pas le savoir faire nécessaire.
Le ministère de la culture avait déjà manifesté la
volonté d'encadrer le choix des conservateurs : ainsi, un avis du
ministre de la culture du 14 avril 1986 instituait un examen sur
épreuves en vue de sélectionner des restaurateurs susceptibles
d'exécuter des travaux pour le service de restauration des peintures des
musées nationaux. Or, cette décision a été
annulée par le conseil d'Etat (CE, 26 juillet 1996, association des
restaurateurs d'art et d'archéologie de formation universitaire), le
ministre de la culture ne tenant d'aucun texte le pouvoir de réglementer
la procédure de passation de commandes publiques de travaux de
restauration d'oeuvres d'art.
En l'absence de dispositions législatives, il est à craindre que
ne puissent être définies par voie réglementaire les
qualifications que doivent présenter les restaurateurs auxquels peuvent
recourir les musées nationaux.
Par ailleurs, compte tenu de l'importance des restaurations dans la politique
de conservation des collections, votre rapporteur estime nécessaire de
prévoir pour les musées relevant de l'Etat, comme pour les
musées territoriaux ou privés, que les restaurations seront
précédées de la consultation d'une instance scientifique.
Compte tenu des ces observations, votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à une nouvelle rédaction du premier
alinéa de cet article afin :
- d'inclure dans le champ d'application de cet article les musées de
France relevant de l'État ;
- et de substituer à l'avis préalable des services de l'Etat
l'avis des instances scientifiques consultatives prévues à
l'article 11.
Article 12
Protection des collections menacées de
péril
I.
Texte du projet de loi
Décalquant les dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les
monuments historiques, et en particulier de l'article 26 relatif aux objets
classés en péril, cet article instaure un régime de
protection des collections permettant à l'Etat de se substituer à
leur propriétaire lorsque ce dernier ne veut ou ne peut prendre les
mesures de sauvegarde jugées indispensables par l'administration.
Ce régime ne s'appliquerait qu'aux biens faisant partie de collections
n'appartenant pas à l'Etat, ce qui ne ressort pas clairement de sa
rédaction.
A cet égard, compte tenu de l'état de déshérence
dans lequel se trouve bon nombre de musées relevant de l'Etat, votre
rapporteur s'interroge sur les moyens dont disposera l'Etat pour exercer les
prérogatives que lui confèrent cet article. Rarement
appliqué en matière d'objets mobiliers classés, un tel
dispositif risque de l'être encore moins pour les musées. De
surcroît, à la différence des biens classés au titre
de la loi de 1913, les menaces qui pèsent sur les collections
relèvent plus des difficultés financières auxquelles sont
confrontées les musées pour en assurer la conservation et la
présentation du public que de la négligence de leurs
propriétaires.
A l'évidence, dans les cas visés par cet article, il semblerait
plus opportun que l'Etat dégage les moyens nécessaires pour
soutenir le musée. Recourir trop systématiquement à la
solution préconisée par le projet de loi constituerait un moyen
peu coûteux d'enrichir les collections nationales en profitant de
l'impécuniosité des musées ne relevant pas de l'Etat.
Votre rapporteur se bornera donc à une analyse succincte du dispositif
prévu par cet article qui vraisemblablement ne sera que très
rarement mis en oeuvre.
Le projet de loi reconnaît à l'Etat compétence pour mettre
en demeure, par décision motivée, le propriétaire d'un
bien faisant partie d'une collection d'un musée de France menacé
de péril de prendre toutes dispositions pour remédier à
cette situation. Si le propriétaire ne se conforme pas à cette
mise en demeure, l'Etat peut ordonner les mesures conservatoires utiles,
notamment le transfert provisoire dans un lieu offrant les garanties voulues,
qui sera en pratique sans doute un autre musée.
Sauf urgence, ces décisions sont prises après avis du Conseil des
musées de France créé par l'article 2 du projet de loi.
A l'image de ce que prévoit le dernier alinéa de l'article 26 de
la loi de 1913, lorsqu'un bien a été transféré hors
du musée où il se trouvait, son propriétaire peut,
à tout moment, obtenir son retour à son emplacement d'origine
dès lors qu'il justifie que les conditions exigées sont
réalisées.
Les frais occasionnés par ces mesures de sauvegarde sont
supportés par le propriétaire et l'Etat, sans que la part
incombant à ce dernier puisse excéder 50 % de leur
coût. Dans le régime de protection des meubles classés
menacés de péril, -qui s'appliquait, on le notera, aux seuls
biens appartenant à des collectivités publiques- la loi de 1913
disposait que les mesures conservatoires étaient prises aux frais de
l'Etat. S'agissant du dispositif de sauvegarde prévu par l'article 9-1
de la loi de 1913 applicable aux immeubles, quel que soit leur
propriétaire, la part de la dépense supportée par l'Etat
ne pouvait être inférieure à 50 %.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement
dont la rédaction ne semble pas correspondre à l'intention
exprimée par ses auteurs lors de l'examen en séance.
En effet, à l'initiative de M. Bernard Outin et des membres du groupe
communiste, le premier alinéa de cet article a été
complété afin de préciser que le régime de
protection pouvait s'appliquer non seulement lorsque la conservation ou la
sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un
musée de France était mise en péril mais également
lorsque l'était son exposition au public.
Or, M. Bernard Outin lors de la présentation de l'amendement a
exprimé son souhait que cet article
« s'applique
également dans le cas où l'exposition au public pourrait
être de nature à mettre en péril les biens ou
collections ».
(Débats AN, 3è séance du 10
mai 2001, p. 2846).
Cette préoccupation légitime pouvait être satisfaite par la
rédaction initiale du projet de loi dans la mesure où
l'application de ces dispositions est conditionnée à une
situation de péril, la cause de cette situation étant
indifférente.
La rédaction adoptée par l'Assemblée aboutit à
étendre le champ de ce régime de protection au cas où un
bien ne peut pas être présenté au public, ce qui semble
abusif. En effet, l'objet de cet article est de protéger
l'intégrité matérielle des collections. S'engager dans la
voie ouverte par cette rédaction risque d'aboutir à des
situations litigieuses, dans lesquelles la légitimité de
l'intervention des services de l'Etat pourrait apparaître comme moins
évidente.
III. Position de la commission
Outre
un amendement
procédant à une coordination
terminologique, votre commission vous propose d'adopter
un amendement
revenant sur ce point à la rédaction du projet de loi.
Article 13
Sanctions pénales en cas d'usurpation
de
l'appellation « musée de
France »
I.
Texte du projet de loi
Cet article vise à protéger l'appellation
« musée de France » en réprimant le fait pour
le dirigeant ou le fondateur d'une institution à laquelle elle n'a pas
été accordée
« d'utiliser ou de laisser
utiliser cette appellation dans l'intérêt de cette
institution ».
Il s'agit là d'une disposition très classique. On citera,
à titre d'exemple, l'article 20 de la loi du 23 juillet 1987
sur le mécénat qui protège les dénominations de
fondation ou de fondation d'entreprise ou encore l'article 14 de la loi du
2 juillet 1996 qui sanctionne l'usurpation de la dénomination
« fondation du patrimoine ».
Le projet de loi prévoit que ce délit est puni d'une amende de
15 000 euros, soit environ 100 000 francs.
Le troisième alinéa de cet article précise que les
personnes morales peuvent être déclarées responsables
pénalement de ce délit dans les conditions prévues aux
articles 121-2 et 131-38 du code pénal. On rappellera que l'article
121-2 pose le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales des infractions commises pour leur compte par leurs organes et leurs
dirigeants. L'article 131-38 dispose que le taux maximum de l'amende applicable
aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour
les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Bien que sceptique sur la probabilité d'un tel délit qui ne
pourrait guère être commis que dans la perspective d'attirer les
donateurs en faisant miroiter les avantages fiscaux prévus par le projet
de loi en faveur des musées de France, votre rapporteur vous propose
d'adopter conforme cet article.
Article 14
Dispositions
transitoires
I.
Texte du projet de loi
Cet article précise les conditions dans lesquelles seront
appliquées les dispositions de la présente loi aux musées
nationaux, aux musées de l'Etat dont le statut est fixé par
décret et aux musées classés et contrôlés en
vertu de l'ordonnance de 1945, existants à la date de sa publication.
Le paragraphe I prévoit une procédure d'attribution automatique
de l'appellation « musée de France » pour les
musées les plus importants tandis que le paragraphe II, pour les
musées classés, pose un principe d'octroi de droit de
l'appellation à l'issue d'un délai d'un an à compter de la
publication de la loi, tout en introduisant deux souplesses, l'une
destinée à permettre aux propriétaires des collections de
s'opposer à l'octroi de l'appellation et l'autre laissant au ministre la
possibilité d'effectuer en quelque sorte un tri entre ces institutions,
après avis du Conseil des musées de France.
La procédure d'octroi automatique prévue au paragraphe I
concerne les trois catégories de musées dont les collections
présentent incontestablement un intérêt public :
- les musées nationaux ;
- les musées contrôlés ;
- et les musées dont le statut est fixé par décret.
Les
musées nationaux
dont la liste est établie par un
décret du 31 août 1945, maintes fois modifié depuis,
sont au nombre de 34. D'importance inégale puisqu'à
côté de musées comme le Louvre, figurent des institutions
plus modestes, à l'image du musée Eugène Delacroix ou du
musée Gustave-Moreau. Traditionnellement gérés de
manière très centralisée par la direction des
musées de France, ces musées sont pour la plupart
dépourvus de la personnalité morale. Cependant, les
inconvénients de la gestion directe de ces musées par la
direction des musées de France ont justifié dès le milieu
des années 1980 diverses mesures de déconcentration
destinées à leur conférer une plus grande autonomie de
gestion. Toutefois, ce mouvement demeure limité, seuls deux
musées ayant été érigés en
établissements publics à caractère administratif, à
savoir le Louvre en 1993 et Versailles en 1995. Votre rapporteur souligne, pour
le regretter, que l'élaboration du présent projet de loi ne s'est
pas accompagné au sein de la DMF d'une réflexion sur les voies
d'une évolution des modalités de la tutelle de cette direction
sur les musées nationaux.
Les
musées de l'Etat créés par décret
,
à la différence des musées nationaux, ne relèvent
pas tous de la tutelle de la direction des musées de France. Certains
sont placés sous la tutelle d'une autre direction du ministère de
la culture qu'il s'agisse de la direction de l'architecture et du patrimoine
(musée des monuments français), de la direction de
l'administration générale (musée national d'art moderne)
ou même de la direction de la musique, de la danse et des spectacles
(musée de la musique). Par ailleurs, bon nombre de ces institutions
relèvent d'autres ministères, et en particulier du
ministère de l'éducation nationale, à l'image du
Muséum national d'histoire naturelle, et du ministère de la
défense. L'octroi de l'appellation « musée de
France » n'entraînera guère de modification sur le
statut de ces musées dans la mesure où leur tutelle continuera
à être exercé par les ministères dont ils
dépendent en vertu de leur décret institutif. A cet égard,
le projet de loi ne permettra pas de renforcer la cohérence de la
politique de l'Etat dans le domaine des musées puisqu'il ne confie pas
à la DMF des moyens nouveaux pour être associée à la
gestion des musées sur lesquels elle n'exerce pas de tutelle directe.
Pour utile que soit la création du Conseil des musées de France,
elle ne pourra pas remédier à cette difficulté.
Enfin, l'appellation « musée de France » sera
également accordée automatiquement aux
musées
classés
en vertu de l'ordonnance du 13 juillet 1945, au nombre
de 38, mais également, en l'absence de précisions du projet de
loi sur ce point, en vertu du décret n° 48-734 du
27 avril 1948 relatif à l'organisation du Service national de
muséologie des sciences naturelles, ce qui représente 11
établissements. Pour ces derniers, l'octroi de l'appellation n'aura pas
d'influence sur l'autorité compétente pour exercer le
contrôle scientifique et technique, à savoir le muséum
national d'histoire naturelle.
Dans une rédaction quelque peu maladroite, le paragraphe II
précise les conditions d'octroi de l'appellation
« musée de France » aux musées
contrôlés au sens de l'ordonnance de 1945 sur les musées
des beaux-arts mais également du décret du 27 avril 1948
précité relatif aux musées de sciences naturelles.
On rappellera que, comme les musées classés, ces musées,
soit 1 043 institutions, relèvent pour l'essentiel des
collectivités territoriales, les musées privés
étant seulement au nombre de 150.
Le premier alinéa du paragraphe II pose un principe : ces
musées se verront accorder l'appellation « musée de
France » à compter du premier jour du treizième mois
suivant la publication de la présente loi », cela semble-t-il
en l'absence même de décision formelle du ministre de la culture.
La rédaction du projet de loi, sur ce point imprécise, est
motivée par le souci de permettre une application rapide de la loi et
d'éviter de multiplier les décisions ministérielles
d'octroi du label dans la mesure où la quasi totalité des
musées classés ont vocation à devenir
« musées de France ».
Toutefois, à la différence des institutions visées au
paragraphe I de cet article, cette décision, en quelque sorte implicite,
n'est pas automatique dans la mesure où le propriétaire des
collections ou le ministre de la culture peuvent, dans certaines conditions
strictement encadrées, s'opposer à l'octroi de l'appellation.
- l'opposition formulée par l'autorité administrative
Le quatrième alinéa du paragraphe II de cet article permet
au ministre de la culture, après avis du Conseil des musées de
France, de s'opposer par décision motivée à ce qu'un
musée contrôlé reçoive l'appellation. En l'absence
de précisions du texte sur ce point, cette décision devrait
être fondée sur les critères énoncés par les
articles 1er et 1er bis définissant l'objet et les missions des
musées de France.
Par ailleurs, le deuxième alinéa du paragraphe II prévoit
également la possibilité pour le ministre de la culture de
s'opposer à une demande d'obtention immédiate du label avant
l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la
réception de la demande sans toutefois prévoir de
procédure spécifique.
Ces dispositions ont pour vocation de permettre au ministère de la
culture d'effectuer un « tri » entre les musées
contrôlés, qui, pour certains, ne satisfont pas aux exigences de
la loi, qu'il s'agisse de l'intérêt des collections ou des
conditions dans lesquels ils sont administrés. Toutefois, d'après
les informations communiquées à votre rapporteur, les cas
d'opposition ministérielle seront exceptionnels.
- l'opposition formulée par le propriétaire des collections
Cette opposition ne peut être formulée que dans un délai de
douze mois à compter de la publication de la loi.
Le troisième alinéa du paragraphe II prévoit une
procédure différente selon que le propriétaire des
collections est une personne morale de droit privé sans but lucratif ou
une personne morale de droit public.
Dans le premier cas, l'autorité administrative ne peut qu'y faire droit.
Dans le second cas, il peut être passé outre à l'opposition
du propriétaire des collections par décret en Conseil d'Etat
à la condition que le Conseil des musées de France ait
donné un avis favorable à l'octroi du label. Cette
procédure qui, en dépit de ces précautions de forme,
constitue une entorse au principe de libre administration des
collectivités locales est motivée par le souci de faire
bénéficier les collections qui le méritent du statut
protecteur attaché à l'appellation « musée de
France ». Une telle disposition n'était guère
envisageable s'agissant des collections privées dans la mesure où
elle aurait été contraire au principe constitutionnel
garantissant le droit de propriété.
Enfin, le paragraphe II prévoit des mesures transitoires, la loi ne
s'appliquant aux musées contrôlés qu'à l'expiration
d'un délai d'un an à compter de la publication de la loi et dans
le cas de demande d'obtention immédiate de l'appellation ou d'opposition
à son octroi jusqu'à la notification de
l' « acte » attribuant ou refusant l'appellation ou de
« l'acte » faisant droit à l'opposition.
II. Position de l'Assemblée nationale
Au-delà d'amendements procédant à des coordinations
terminologiques ou de précision, l'Assemblée nationale, sur
proposition du gouvernement, a modifié sur deux points la
rédaction du quatrième alinéa du paragraphe II de cet
article qui précise les conditions dans lesquelles l'autorité
administrative peut s'opposer à l'octroi de l'appellation à un
musée contrôlé.
En premier lieu, l'Assemblée nationale a conféré au
Conseil des musées de France plutôt qu'au ministre de la culture
l'initiative de l'opposition à l'attribution du label. Votre rapporteur
s'étonne de cette modification, proposée par le gouvernement, au
nom d'un souci de cohérence alors même que c'est le ministre de la
culture qui demeure compétent pour s'opposer à une demande
d'obtention immédiate du label. Si l'on peut comprendre et approuver la
volonté de renforcer l'autorité de cette instance, on regrettera
cette dissymétrie.
En second lieu, l'Assemblée nationale a distingué la proposition
d'opposition qui doit s'inscrire dans un délai identique à celui
prévu pour l'opposition des propriétaires, soit un an à
compter de la publication de la loi, et la décision du ministre qui
pourra intervenir au-delà de ce délai.
III. Position de la commission
? S'agissant du paragraphe I de cet article, votre rapporteur estime
justifiée la procédure d'octroi automatique de l'appellation
« musée de France » aux institutions qu'il vise,
institutions, au demeurant relativement peu nombreuses, qui constituent par la
richesse de leurs collections le coeur du patrimoine muséographique de
la Nation, qu'elles soient la propriété de l'Etat ou d'une
collectivité locale. Dans ce cas, le contrôle exercé par
les services de l'Etat induit par l'appellation se justifie. Votre commission
ne vous proposera que d'adopter
un amendement
de précision
rédactionnelle.
? En revanche, les conditions prévues par le paragraphe II pour
l'octroi du label aux musées contrôlés, sur lesquels, on le
rappellera, le contrôle de l'Etat était jusqu'ici très
lâche, soulèvent diverses questions.
Dans la mesure où l'appellation « musées de
France » implique un renforcement des prérogatives de l'Etat
sur ces institutions, il semble nécessaire de prévoir un
régime plus souple, laissant une part plus large à la
volonté des propriétaires, notamment dans le souci d'un meilleur
respect du principe de libre administration des collectivités
territoriales.
Par ailleurs, sa rédaction peut appeler des critiques. Les
procédures prévues s'avèrent très complexes et
l'articulation entre les différentes décisions de
l'autorité administrative apparaît peu claire.
Votre commission vous propose donc d'adopter
un amendement
tendant
à une nouvelle rédaction du paragraphe II de cet article.
Cette nouvelle rédaction prévoit que les musées
contrôlés demandent au ministre de la culture l'attribution du
label, label qui leur est tacitement accordé à l'issue d'un
délai fixé par décret sauf si, dans ce délai, ce
dernier leur notifie une décision de refus du label. Cette
décision ne pourra être prise qu'après avis conforme du
Haut Conseil des musées de France. Cette procédure, conforme
à la logique de l'article 3 qui prévoit les conditions
générales d'octroi du label, confère aux musées
classés l'initiative de solliciter le label, ce qui aura pour
conséquence que ce statut ne sera accordé qu'aux institutions qui
le souhaitent et qui, en connaissance de cause, en acceptent les obligations.
Par ailleurs à la différence de ce que prévoyait le texte
adopté par l'Assemblée nationale, ce dispositif ne permet pas
à l'autorité administrative d'imposer le statut de
« musée de France » à une institution
relevant d'une personne publique. Enfin, il ne retient pas la procédure
d'obtention immédiate. En effet, cette procédure ne semble pas
justifiée compte tenu des délais dans lesquels paraîtront
les textes réglementaires d'application de la loi.
Article 15
Mise à disposition de personnels scientifiques
d'Etat
pour exercer des fonctions dans les musées
classés
I.
Texte du projet de loi
Cet article vise à mettre fin, à l'issue d'un délai de
trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, aux
mises à disposition de personnels scientifiques de l'Etat auprès
des musées classés relevant des collectivités locales.
L'intérêt porté par l'Etat à ces musées,
considérés comme les plus importants, conduisait dans la logique
de l'ordonnance de 1945 à confier les postes de conservateurs de ces
institutions à des fonctionnaires d'Etat (article 10), l'Etat
prenant en charge leur traitement mais exigeant en contrepartie de la
collectivité bénéficiaire une participation aux
dépenses engagées à ce titre (article 11).
Si les lois de décentralisation ont abrogé ces dispositions,
elles ont toutefois maintenu la possibilité de mise à disposition
de conservateurs d'Etat dans les musées classés.
Ainsi, par dérogation à l'article 41
17(
*
)
de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à
la fonction publique de l'Etat,
« des personnels scientifiques de
l'Etat peuvent être mis à la disposition des collectivités
territoriales pour exercer leurs fonctions dans les musées
classés ».
Un dispositif comparable a été
retenu pour les archives départementales et les bibliothèques
territoriales.
C'est aujourd'hui près d'une trentaine de conservateurs du patrimoine du
corps d'Etat qui sont ainsi mis à la disposition des
collectivités territoriales. Cette pratique, si elle représente
un avantage financier pour les collectivités territoriales et peut
être considérée comme une aide de l'Etat aux musées
de province, n'est guère satisfaisante. Mal perçu par les agents
des cadres d'emplois territoriaux, ce système se heurte, par ailleurs,
aux difficultés rencontrées par l'Etat pour pourvoir ces postes.
Reprenant ce constat à son compte, la commission pour l'avenir de la
décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, dans son
rapport remis au Premier ministre le 17 octobre 2000, estimait
nécessaire d'y mettre fin. Sa proposition n° 28
suggérait de substituer aux mises à disposition une dotation
destinée à « permettre un recrutement dans les cadres
d'emplois territoriaux de conservateurs ».
Le projet de loi reprend donc cette préconisation mais ne prévoit
pas de mécanisme de compensation financière.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le
coût de cette mesure correspond à un transfert de charge vers les
collectivités évalué à 11 millions de francs.
Au transfert de crédits par le biais de la dotation globale de
décentralisation proposé par la commission dite
« Mauroy », qui exigerait une disposition
législative, serait préféré un abondement des
crédits déconcentrés du titre IV de la direction des
musées de France.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sous réserve
d'une modification rédactionnelle.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 15 bis
(article 200 du code général des
impôts)
Réduction d'impôt pour les dons à
l'Etat effectués sous forme
d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de
collection
ou de documents de haute valeur
historique
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable de
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vise à
compléter l'article 200 du code général des impôts
relatif au régime de réduction d'impôts des dons
versés par des particuliers à des organismes
d'intérêt général par un alinéa
prévoyant une réduction d'impôt sur le revenu pour les
« dons à l'État effectués sous forme d'oeuvres
d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur
historique et artistique ». Ces dons ouvriraient droit à une
réduction d'impôt sur le revenu égal à 50 % du
montant de leur montant dans la limite de 6 % du revenu imposable.
II. Position de la commission
• Cette disposition semble compliquer plus que simplifier le régime
des dons faits aux musées.
La réduction d'impôt au titre des dons prévue par l'article
200 du code général des impôts est accordée aux
contribuables qui effectuent des dons et versements au profit d'oeuvres ou
d'organismes d'intérêt général ou reconnus
d'utilité publique, notamment celles présentant
« un
caractère culturel »
ou
« concourant à
la mise en valeur du patrimoine artistique ».
Dans ce cadre, les activités des musées sont donc d'ores et
déjà au nombre des domaines visés par l'article 200,
dès lors que leurs collections sont ouvertes au public. On soulignera
que ce régime de réduction d'impôts s'applique aux
musées de l'État et de ses établissements publics mais
également aux musées appartenant à des
collectivités territoriales ou à des organismes
d'intérêt général.
Les dons ouvrant droit à l'avantage fiscal peuvent revêtir la
forme de versements en espèces mais aussi de dons en nature, par exemple
la remise d'oeuvres d'art ou de tout autre objet de collection.
La réduction d'impôt est, dans ce cas, égale à 50%
du montant du don dans la limite de 6% du revenu imposable du donateur.
L'objectif poursuivi par cet article est d'ores et déjà satisfait
par l'application des dispositions en vigueur du code général des
impôts.
• Par ailleurs, la modification à laquelle procède cet
article introduit une confusion dans la mesure où elle ne vise que les
dons faits à l'État, ce qui pourrait créer un doute sur
l'application du régime prévu par l'article 200 du code
général des impôts aux dons effectués au profit des
musées des collectivités territoriales et des musées
appartenant à des organismes d'intérêt
général.
• De plus s'agissant des dons faits à l'État, le dispositif
introduit par l'Assemblée nationale est plus restrictif que celui
actuellement en vigueur puisqu'il soumet l'avantage fiscal à l'obtention
de l'agrément prévu par l'article 1716 bis du code
général des impôts relatif aux dations. Cette
procédure, très encadrée, est sans aucun doute bien plus
contraignante pour les donataires comme pour les institutions
bénéficiaires que les règles d'évaluation qui sont
aujourd'hui appliquées pour l'octroi de la réduction
d'impôts au titre des dons en application de l'article 200 du code
général des impôts. La mesure aurait donc un effet
contraire à celui recherché en décourageant les
mécènes et en instaurant un filtre pour l'enrichissement des
musées par ce biais.
• Enfin, faute d'avoir procédé à une modification du
5 de l'article 200 du code général des impôts, le texte ne
fixe pas les conditions de justification des dons faits à l'État
dans ce cadre.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter
un
amendement
de suppression de cet article.
Article 15 ter
(article 200 du code général des
impôts)
Réduction d'impôt pour les dons et versements
effectués
dans le cadre de souscriptions nationales ouvertes pour
financer
l'achat d'objets d'art destinés à rejoindre les
collections
d'un musée de France accessibles au
public
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du
gouvernement afin de répondre à une préoccupation de la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vise à
compléter les dispositions de l'article 200 du code
général des impôts afin de préciser que
« les dons effectués au profit de souscriptions nationales
ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés
à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au
public » bénéficient de la réduction
d'impôt prévu par cet article pour les dons et versements
effectués au profit d'organismes d'intérêt
général.
II. Position de la commission
Cette précision s'avère largement superfétatoire dans la
mesure où les dons effectués dans le cadre de telles
souscriptions -dans les faits fort rares- sont d'ores et déjà
éligibles à la réduction d'impôt prévue par
l'article 200 du code général des impôts, comme le sont au
demeurant l'ensemble des dons fait aux musées, indépendamment de
leur finalité.
A l'image de l'article 15 bis, cette disposition ne modifie en rien
le droit en vigueur. Toutefois, la rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale présente l'inconvénient de ne viser
que les souscriptions nationales, créant ainsi un doute sur le
régime fiscal des versements effectués dans le cadre de
souscriptions lancées à l'échelle locale.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous proposera un
amendement
visant à remédier à cette maladresse
rédactionnelle.
Article 15 quater
(Article 238 bis AB du code général des
impôts)
Réduction de la durée d'amortissement par
les entreprises
de leurs achats d'oeuvres d'art
contemporain
I. Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative
de M. Michel Herbillon, avec l'avis favorable de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales mais contre l'avis du
gouvernement, vise à améliorer le dispositif prévu par
l'article 238 bis AB du code général des
impôts.
On rappellera que cet article permet aux entreprises qui achètent des
oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent sur un compte d'actif
immobilisé de déduire du résultat imposable de l'exercice
d'acquisition et des neuf années suivantes, par fractions égales
une somme égale à leur prix d'acquisition.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale vise à
réduire de dix ans à cinq ans la durée pendant laquelle
ces sommes pourront être déduites, ce qui a pour effet
d'accroître l'avantage prévu à ce titre.
Cette durée avait déjà été portée de
vingt ans à dix ans par l'article 42 de la loi n° 93-1853
du 30 décembre 1993 portant loi de finances rectificative pour
1993, sans pour autant entraîner une réelle modification du
comportement des entreprises qui ne recourent que rarement à ce
dispositif en raison de leur réticence à constituer des
collections d'art contemporain.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 15 quinquies
(article 238 bis OA du code général des
impôts)
Suppression de l'obligation de présentation au
public des oeuvres
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avec l'avis
favorable du gouvernement, assouplit le régime prévu par
l'article 238 bis OA du code général des
impôts.
On rappellera qu'en vertu de cet article, les entreprises sont
autorisées à déduire du montant de leur
bénéfice imposable dans les limites prévues à
l'article 238 bis du code général des
impôts
18(
*
)
, la valeur
d'acquisition des « oeuvres d'art, des livres, des objets de
collection ou des documents de haute valeur artistique ou
historique » dont l'offre de donation à l'Etat a
été acceptée.
Parmi les conditions posées par cet article pour l'application de cette
disposition, figurait notamment l'obligation faite à l'entreprise
d'exposer l'oeuvre au public durant la période séparant
l'acceptation du don de la remise de l'oeuvre à l'Etat.
En effet, si elle peut être satisfaite par le dépôt de
l'oeuvre auprès d'une collectivité territoriale ou d'un
établissement public à caractère scientifique, culturel ou
professionnel, l'instruction fiscale précise que dans les autres cas,
« le bien doit être situé dans un lieu effectivement
accessible au public »
. Ce lieu ne doit pas
« être réservé aux seuls salariés ou
aux seuls clients de l'entreprise, ou à une partie d'entre eux. Quelque
soit la modalité d'exposition, le public doit être informé
du lieu d'exposition et de sa possibilité d'accès au lieu.
L'entreprise devra donc organiser l'information appropriée du public,
par des indications attractives sur le lieu même de l'exposition et par
tous les moyens promotionnels adaptés à l'importance de l'oeuvre
(campagnes d'affiches, annonces dans la presse, messages radiophoniques ou
télévisés) ».
Cette obligation s'avère donc particulièrement contraignante pour
les entreprises alors même qu'il s'agit d'oeuvres destinées
à être exposées dans les collections publiques.
Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette mesure bienvenue de
simplification.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un
amendement
tendant à abroger, corrélativement à la
suppression par l'Assemblée nationale de l'obligation de
présentation au public, les dispositions du 6 de
l'article 238 bis OA qui encadraient les modalités de
dépôt de l'oeuvre auprès d'une collectivité
territoriale ou d'un établissement public à caractère
scientifique, culturel ou professionnel.
Il n'y a plus lieu de fixer dans la loi les conditions de ces
dépôts qui constituaient une alternative à l'exposition au
public au sein de l'entreprise, cela d'autant que
l'article 238 bis OA définissait de manière
restrictive les établissements susceptibles d'en
bénéficier.
La faculté de placement en dépôt pourra toujours être
mise en oeuvre dans un cadre conventionnel, notamment au profit de
musées relevant de l'Etat ou de personnes morales de droit privé
sans but lucratif.
Article 15 sexies
(article 238 bis du code général des
impôts)
Eligibilité des sommes versées au titre
d'une participation à une souscription nationale ouverte pour financer
l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les
collections d'un musée de
France
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale, contre l'avis du
gouvernement, complète la rédaction de l'article 238 bis du
code général des impôts qui fixe le régime des dons
faits par les entreprises à des organismes d'intérêt
général afin de prévoir que les sommes versées dans
le cadre de souscriptions nationales ouvertes pour enrichir les collections
d'un musée de France sont éligibles au régime de
déductibilité qu'il prévoit pour les dons effectués
au profit des fondations ou associations reconnues d'utilité publique
qui sont déductibles, on le rappellera, dans la limite de
3,25 â de leur chiffre d'affaires.
II. Position de la commission
La rédaction retenue par l'Assemblée nationale a pour effet de
compliquer le régime des dons faits aux musées par des
entreprises en prévoyant des limites de déductibilité
différente selon la nature du don selon qu'il s'agit ou non d'une
contribution à une souscription nationale.
Cette difficulté s'ajoute à celle induite par l'état
actuel du droit qui prévoit des limites de déductibilité
différentes selon la nature du musée.
Les limites de déductibilité telles qu'elles résultent de
l'adoption de l'article 15 sexies se présenteraient de la
manière suivante :
|
Nature des dons |
|
|
Contribution à une souscription nationale |
Autres dons |
Musées constitués sous forme d'associations ou de fondations reconnues d'utilité publique |
3,25 â |
3,25 â |
Autres musées |
3,25 â |
2,25 â |
Or, on
voit mal la légitimité de cette distinction qui s'effectue au
détriment des musées appartenant à des personnes publiques.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à une nouvelle rédaction de cet article afin de prévoir un
régime de déductibilité uniforme pour l'ensemble des dons
effectués au profit des musées de France.
Article 15 septies
Prélèvement de 1 % sur le
produit brut des jeux dans les
casinos
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative
de M. Michel Herbillon, avec l'accord de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales, mais contre l'avis du gouvernement,
institue un prélèvement de 1 % sur le produit brut des
jeux dans les casinos afin de dégager des recettes fiscales
supplémentaires destinées à financer l'acquisition des
trésors nationaux.
Faute de pouvoir prévoir dans la loi l'affectation de ces recettes aux
dépenses d'acquisition, l'Assemblée nationale a
« contourné » les règles
d'irrecevabilité de l'ordonnance du 2 janvier 1959 par l'insertion
d'un article 15 octies prévoyant que le gouvernement remettra au
Parlement avant le 31 décembre 2001, un rapport « dans
lequel il étudiera la possibilité d'affecter une partie des
recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un compte
d'affectation spéciale destiné à financer l'acquisition de
trésors nationaux ».
Cette initiative, dont votre rapporteur soulignera plus loin les limites, est
justifiée par la nécessité d'accroître les moyens
budgétaires dont dispose le ministère de la culture pour
acquérir les biens ayant fait l'objet d'un refus de certificat en
application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992
relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et
à la complémentarité entre les services de police, de
gendarmerie et de douane.
Votre commission a maintes fois souligné, que ce soit au cours des
débats budgétaires ou à l'occasion de l'examen de la loi
du 10 juillet 2000 modifiant la loi de 1992, que l'efficacité du
dispositif législatif de protection du patrimoine national
dépendait de la capacité du ministère de la culture
à mobiliser les crédits nécessaires à l'acquisition
des « trésors nationaux ».
Etablissant un équilibre entre, d'une part, les exigences de protection
de notre patrimoine et, d'autre part, les droits des propriétaires et le
principe de libre circulation des biens, la loi de 1992 prévoit que
l'Etat peut refuser à un bien présentant « un
intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de
l'histoire, de l'art et de l'archéologie » le certificat
autorisant l'exportation. Ce refus, valable trente mois depuis la loi du
10 juillet 2000, ne peut être renouvelé à l'issue de
ce délai.
La logique de la loi de 1992 voulait qu'en cas de refus du certificat,
l'administration dans le délai de validité du certificat tire les
conséquences de l'interdiction d'exportation, en entamant une
procédure de classement, s'il s'agissait d'un bien mobilier ou
d'archives, en le revendiquant s'il s'agissait d'un bien culturel maritime ou
d'un objet découvert à l'occasion de fouilles
archéologiques, ou encore en l'achetant pour le faire entrer dans les
collections publiques. Ce dispositif s'est révélé dans les
faits peu efficace dans la mesure où, comme la Cour de Cassation l'a
rappelé dans un arrêt du 20 février 1996
19(
*
)
, la loi du 31 décembre
1913 prévoit que, lorsqu'il est effectué sans le consentement du
propriétaire, le classement d'un objet mobilier peut
« donner lieu au paiement d'une indemnité
représentative du préjudice
résultant (pour ce
dernier) de l'application de la servitude de classement
d'office ».
Un revirement de jurisprudence étant peu probable en raison du
caractère incontestable du fondement de cette indemnisation et une
modification de la loi de 1913 ne pouvant guère être
envisagée compte tenu de l'interprétation dégagée
par le Conseil constitutionnel du principe d'égalité devant les
charges publiques, l'Etat n'a donc guère d'autre possibilité pour
retenir les trésors nationaux que de les acheter.
La loi du 10 juillet 2000, votée à l'initiative du
Sénat, a certes perfectionné ce dispositif législatif en
permettant d'éviter le cas absurde où l'Etat alors même
qu'il disposerait des crédits nécessaires ne pourrait
acquérir le bien du fait du refus du propriétaire de vendre.
Toutefois, elle ne l'a pas rendu plus opérant, faute pour le
ministère de la culture d'avoir pu dégager les moyens
budgétaires nécessaires pour acquérir les oeuvres qui font
l'objet d'un refus de certificat.
Depuis 1992, le montant des crédits consacrés aux acquisitions
n'a pas fait l'objet de réévaluation alors même que les
crédits du titre IV ont connu une progression significative,
notamment lors des dernières années. Ainsi, entre 1998 et 2001,
la part des crédits affectés aux commandes publiques et aux
achats d'oeuvres d'art au sein du titre IV est passée de
5,5 % à 4,9 %.
Par ailleurs, le fonctionnement des mécanismes destinés à
financer les achats des musées ne s'avère guère
satisfaisant.
La Réunion des musées nationaux, à laquelle la loi fixe
pour objet, grâce aux produits de sa dotation initiale
complétée de dons et de legs et de la perception des droits
d'entrée dans les musées, de contribuer à l'enrichissement
des collections nationales, a été amenée à
réduire sa participation aux acquisitions. En effet, les versements des
musées nationaux au titre des droits d'entrée ont
été utilisés pour faire face aux déficits
générés par les missions annexes de cet
établissement que sont l'organisation d'expositions temporaires et des
activités industrielles et commerciales gérées par son
propre compte ou au profit des musées nationaux. Du fait d'une
diversification hasardeuse de cet établissement, le système de
mutualisation qui est à l'origine de sa création ne profite plus
guère aux musées nationaux, qui continuent toutefois à lui
reverser les produits de leurs droits d'entrée. En 2000, les
musées nationaux versaient 200 millions de francs à la RMN
au titre des droits d'entrée alors que celle-ci ne contribuait que pour
62 millions de francs à leurs acquisitions.
Les mécanismes budgétaires ne sont guère plus efficaces.
Au delà de l'affectation, depuis 1998, de près de 40 %
de ses crédits à la constitution des collections du futur
musée des Arts premiers, le fonds du patrimoine, dont le montant reste
fixé depuis 1999 à 105 millions de francs, est
utilisé pour financer des actions sans rapport avec son objet initial. A
titre d'exemple, en 2000, il a permis d'acquérir des oeuvres d'art
contemporain au bénéfice de la délégation aux arts
plastiques et de financer une commande publique destinée à
l'Orangerie des Tuileries et en 2001, il a fait l'objet d'une mesure de
transfert au bénéfice de la RMN d'un montant de 10 millions
de francs afin de financer le coût de la gratuité dans les
musées nationaux le premier dimanche de chaque mois.
Compte tenu de ces dérives, le budget d'acquisition des musées au
sein des crédits du ministère de la culture s'élevait en
2000 à environ 160 millions de francs, soit près de
140 millions de francs pour les musées nationaux et
20 millions de francs pour les musées de province.
A l'évidence, ces sommes sont insuffisantes pour permettre l'acquisition
des oeuvres qui se sont vues refuser le certificat, sauf à
privilégier leur achat au détriment de toutes autres acquisitions
courantes, ce qui ne peut être envisagé.
En effet, bien qu'enregistrant des variations significatives d'une année
sur l'autre, la valeur des oeuvres dont les refus de certificat arrivent
à échéance s'élève en moyenne annuelle
à 200 millions de francs. Depuis l'entrée en vigueur de la
loi de 1992, la valeur totale des trésors nationaux acquis
s'élève à 304 millions de francs, financés par
l'Etat à hauteur de 174 millions de francs. Cela se passe de
commentaire.
Ce constat est d'autant plus affligeant que les refus de certificat ne sont
décidés qu'avec parcimonie et ne frappent qu'un nombre
très restreint d'oeuvres. Depuis 1992, seules 95 oeuvres ont fait
l'objet d'une telle décision alors que le ministère de la culture
est saisi de près de 5 000 demandes de certificats par an.
Aujourd'hui, la valeur totale des trésors nationaux faisant l'objet d'un
refus de certificat s'élève à 274 millions de francs.
Parmi les biens dont le refus de certificat est expiré, qui n'ont pas
été acquis par l'Etat, on citera une oeuvre de Degas, la duchesse
de Montejasi et ses filles Elena et Camilla, ou encore le tableau de
Cézanne, le jardinier Vallier, estimés respectivement à
200 et 250 millions de francs. Au regard de cette situation, le
prélèvement prévu par l'Assemblée nationale sur le
produit brut des jeux dans les casinos constituera un moyen de desserrer la
contrainte qui pèse sur les décisions d'achat, même si son
produit devait s'avérer moins élevé qu'on l'eut
escompté lors des débats à l'Assemblée
nationale ; d'après les informations communiquées à
votre rapporteur, le produit brut des jeux s'élevait en 2000 à
11,3 milliards de francs. En supposant que le prélèvement
s'applique à la fois aux produits des jeux traditionnels et aux produits
des machines à sous, les recettes dégagées par ce
prélèvement supplémentaire s'élèveraient
donc à environ 113 millions de francs, ce qui représente un
quasi-doublement des crédits d'acquisition destinés aux
musées et paraît adapté au montant des trésors
nationaux à acquérir.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article conforme.
Ayant souligné à maintes reprises la nécessité
d'accroître les crédits d'acquisition des musées, votre
commission ne peut qu'approuver le principe du prélèvement
institué par l'Assemblée nationale même si l'affectation
des recettes supplémentaires ainsi dégagées à
l'achat de trésors nationaux demeure aléatoire.
Article 15 octies
Rapport sur l'affectation du
prélèvement supplémentaire de 1 % sur le
produit brut des jeux au financement de l'acquisition de trésors
nationaux
I.
Position de l'Assemblée nationale
L'affectation de recettes à certaines dépenses ne pouvant
résulter que d'une disposition d'une loi de finances, d'origine
gouvernementale, l'Assemblée nationale, si elle a pu créer une
nouvelle imposition, ne pouvait en affecter le produit aux dépenses
d'acquisition d'oeuvres d'art du ministère de la culture.
Toutefois, dans le souci d'afficher dans la loi l'objet de l'accroissement du
taux de prélèvement sur le produit brut des jeux dans les
casinos, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel
prévoyant le dépôt sur le bureau des assemblées d'un
rapport du gouvernement étudiant la possibilité d'affecter une
partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un
compte d'affectation spéciale destiné à financer
l'acquisition de trésors nationaux soumis à une interdiction
provisoire d'exportation.
II. Position de la commission
Si cet article permet de justifier le prélèvement institué
à l'article 15 septies, il ne constitue en aucun cas une garantie
de l'affectation des recettes supplémentaires à l'achat de biens
faisant l'objet d'un refus de certificat.
Quelles que soient les conclusions du rapport ou l'intention du
législateur, c'est au gouvernement et à lui seul d'édicter
par voie réglementaire ou de proposer dans le cadre d'un projet de loi
de finances une disposition prévoyant cette affectation et
précisant son cadre comptable.
Si l'accroissement des prélèvements sur le produit brut des jeux
dans les casinos est certain, l'augmentation à due concurrence des
crédits d'acquisition du ministère de la culture demeure
hypothétique, et, en l'absence de la création d'un compte
d'affectation spéciale, dépendra des arbitrages
budgétaires réalisés chaque année à
l'occasion de la préparation du projet de loi de finances.
Pour ces raisons, ne souhaitant pas mettre en doute le souhait du
ministère des finances de favoriser l'enrichissement du patrimoine
national et la détermination du ministère de la culture à
faire de cet objectif une priorité, votre commission vous proposera
d'adopter cet article conforme.
Toutefois, elle vous proposera d'adopter deux dispositions fiscales visant
à inciter les entreprises à acquérir ou à aider
l'Etat à acquérir des oeuvres frappées d'une interdiction
d'exportation, dispositions dont le coût pour le budget de l'Etat
pourrait être précisément compensé par le
prélèvement institué à l'initiative de
l'Assemblée nationale.
Article additionnel après l'article 15 octies
Réduction
d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le
revenu
au titre des dons effectués par les entreprises à
l'Etat
en vue d'acquérir des trésors
nationaux
Les
dispositifs actuels destinés à inciter les entreprises à
acheter des oeuvres d'art pour leur propre compte ou pour les donner à
l'Etat ne sont guère utilisés et ne peuvent être
considérés comme des instruments utiles et efficaces au regard de
l'objectif d'enrichissement des collections nationales.
Il s'agit essentiellement de l'article 238 bis du code
général des impôts qui précise le régime des
dons versés par les entreprises au profit des organismes
d'intérêt général et de l'article
238 bis OA du code général des impôts qui
concerne le cas de l'achat d'une oeuvre par une entreprise dont l'offre de
donation à l'Etat a été acceptée. Ces dispositifs
prévoient une déductibilité de ces dons dans la limite de
2,25 â du chiffre d'affaires, limite qui, en pratique, n'est jamais
atteinte.
Il apparaît donc que, bien que potentiellement attractifs, ils sont
perçus comme peu lisibles et trop complexes par les entreprises
françaises, déjà peu portées par tradition au
mécénat, à la différence de leurs homologues
anglo-saxonnes.
A l'évidence, seul un dispositif simple et puissamment incitatif
pourrait conduire les entreprises à se départir de leur prudence
en ce domaine. Le caractère incontestable de l'objectif poursuivi,
à savoir le maintien sur le territoire national des oeuvres majeures de
notre patrimoine, justifie une mesure spécifique.
Le dispositif proposé par votre commission prévoit un
mécanisme de réduction d'impôt sur les
sociétés ou d'impôt sur le revenu pour les entreprises au
titre des dons qu'elles effectuent au profit de l'Etat en vue de l'acquisition
d'un trésor national.
Ces dons ouvriraient droit à une réduction d'impôt
égale à 75 % de leur montant.
L'initiative de cette procédure très novatrice reviendrait
à l'Etat dans la mesure où les offres de dons ne pourraient
être présentées par les entreprises que dans le cas
où l'Etat a fait une offre d'achat au propriétaire d'un bien
faisant l'objet d'un refus de certificat. Les entreprises ne pourraient donc,
par leur offre de don, contraindre l'Etat à se porter acquéreur.
Par ailleurs, le dispositif prévoit un encadrement très strict de
ces dons qui devront être agréés par le ministre de
l'économie et des finances après avis de la commission
prévue par la loi de 1992.
La consultation de cette commission, qui se prononce, on le rappellera, sur les
refus de certificat, permettra de s'assurer de l'intérêt que
présente l'achat pour les collections nationales mais également
de disposer d'une contre-expertise sur le prix proposé par l'Etat ou
fixé par des experts conformément à la procédure
prévue par la loi du 10 juillet 2000.
L'agrément du ministère des finances permettra de vérifier
la réalité de l'offre de don et notamment les garanties offertes
par l'entreprise donatrice.
Enfin, le dispositif proposé prévoit la faculté de mettre
en dépôt l'oeuvre dans un musée de France. Il est, en
effet, hautement souhaitable que les trésors nationaux ainsi acquis ne
bénéficient pas exclusivement aux musées de l'Etat, et en
particulier aux musées nationaux.
Article additionnel après l'article 15 octies
Réduction
d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu au
titre
des achats de trésors nationaux par des
entreprises
Dans la
perspective de favoriser le maintien sur le territoire d'oeuvres
présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national,
votre commission estime également nécessaire d'inciter les
entreprises à acheter pour leur propre compte des trésors
nationaux en leur accordant un avantage fiscal sous la forme d'une
réduction d'impôt sur les sociétés ou d'impôt
sur le revenu d'un montant suffisamment significatif pour qu'il puisse exercer
un véritable effet de levier, soit 40 % du montant du prix d'achat.
Ce dispositif n'aura vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse
où l'Etat ne souhaite pas acheter le bien. En effet, il convient
d'éviter que l'offre d'achat de l'Etat ne soit concurrencée par
celle d'une entreprise.
Par ailleurs, il comporte des garanties afin d'éviter qu'une fois acquis
grâce à une réduction d'impôt, le bien ne soit vendu
à l'étranger. L'entreprise devra s'engager à consentir au
classement du bien comme monument historique en application de
l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913. On rappellera que
le classement interdit l'exportation du bien.
Par ailleurs, pour se prémunir contre une utilisation abusive de ce
dispositif, à l'évidence très favorable aux entreprises,
il est prévu que le bien ne pourra être vendu qu'à l'issue
d'un délai de dix ans à compter de l'acquisition par
l'entreprise. Une telle disposition conjuguée au classement qui, en
supprimant la possibilité de vendre sur le marché international,
entraîne mécaniquement une dépréciation du bien,
prémunit contre les risques de voir les entreprises recourir à ce
dispositif en vue de réaliser des plus-values sur les oeuvres acquises.
Enfin, le bien appartenant au patrimoine national, ce qui justifie au demeurant
l'octroi d'un avantage fiscal, l'entreprise aura pour obligation de placer en
dépôt le bien dans un musée de France durant une
période d'au moins dix ans.
A l'image de ce que prévoit le dispositif relatif aux dons faits
à l'Etat, la réduction d'impôt est subordonnée
à l'agrément du ministre de l'économie et des finances qui
consulte au préalable la commission prévue par l'article 7
de la loi du 31 décembre 1992.
Article additionnel après l'article 15 octies
Exonération
de la taxe sur les objets d'art
Cet article additionnel a pour objet d'étendre à l'ensemble des musées de France l'exonération de la taxe sur les objets d'art prévue par l'article 150 V bis du code général des impôts dont sont aujourd'hui d'ores et déjà exonérées les ventes « à un musée national, à un musée classé ou contrôlé par l'Etat ou une collectivité locale ».
Article 16
Coordination
I.
Texte du projet de loi
Cet article procède à la modification ou à l'abrogation de
divers textes législatifs afin de tenir compte des dispositions
nouvelles introduites par le projet de loi.
• Le
paragraphe I
de cet article modifie l'article 11 de la
loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du
mécénat afin d'étendre à l'ensemble des
musées de France le bénéfice de cette disposition qui
prévoit pour les musées nationaux et les musées
classés en application de l'ordonnance du 13 juillet 1945 la
possibilité de recevoir des oeuvres en dépôt de personnes
privées.
• Le
paragraphe II
coordonne avec les dispositions du projet de loi
la rédaction de l'article L. 1423-1 du code général
des collectivités territoriales en limitant aux seuls musées
territoriaux ayant reçu l'appellation « musée de
France » le champ du contrôle de l'Etat sur ces institutions,
qui concernait jusqu'ici l'ensemble des musées des collectivités
territoriales, cela du moins théoriquement faute de dispositions
réglementaires d'application.
• Tirant les conséquences de l'abrogation de l'ordonnance du
13 juillet 1945, le
paragraphe III
abroge les articles
L. 1423-3 et L. 1423-4 du code général des
collectivités territoriales.
On rappellera que l'article L. 1423-3 prévoyait que le classement
d'un musée territorial ne pouvait être modifié sans
consultation de la collectivité dont il relevait. L'article
L. 1423-4 précisait que les musées territoriaux
étaient soumis aux dispositions de l'ordonnance du 13 juillet 1945.
• Le
paragraphe IV
modifie l'article L. 2541-1 du code
général des collectivités territoriales relatif aux
départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui
prévoyait que les articles L. 1423-4 et L. 1423-5 ne s'y
appliquaient pas : la référence à
l'article L. 1423-4 est supprimée, cet article étant
abrogé ; par ailleurs, est enfin étendue à ces
départements l'article L. 1423-5 qui offre aux départements
et aux communes la possibilité de demander que leurs musées
soient dotés de la personnalité civile par décret en
Conseil d'Etat.
• Le
paragraphe V
abroge l'ordonnance du 13 juillet 1945,
à l'exception de son article 3 qui précise que les
musées nationaux dont la liste est établie par décret
rendu sur proposition du ministre de l'éducation nationale et du
ministre des finances sont placés sous l'autorité du ministre de
l'éducation et administrés par le directeur des musées de
France ou placés sous la tutelle de ce ministre. Le maintien de cet
article à la rédaction obsolète dans une loi ne permet pas
toutefois de lui conférer une valeur législative. S'agissant
d'une disposition relative à l'organisation des services de l'Etat, elle
revêt un caractère réglementaire et pourra être
modifiée par décret pris après avis du Conseil d'Etat,
conformément aux dispositions de l'article 37 de la Constitution.
• Le
paragraphe VI
modifie la loi n° 92-1477 du
31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre
les services de police, de gendarmerie et de douane afin d'étendre
à l'ensemble des biens faisant partie des collections des musées
de France la qualité de trésor national, que leur
propriétaire soit une personne morale de droit public ou une personne
morale de droit privé.
Jusqu'à présent, cette qualification ne concernait que les
collections publiques, les biens appartenant à des musées
privés pouvant toutefois faire l'objet d'un refus de certificat
lorsqu'ils présentaient, au sens de la loi, «
un
intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de
l'histoire, de l'art ou de l'archéologie
». Cette
modification a donc comme conséquence d'interdire purement et simplement
l'exportation des biens appartenant aux collections des musées, quel que
soit leur intérêt intrinsèque.
• Le
paragraphe VII
précise la rédaction de l'article
11 de la loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant
transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des
Communautés européennes relative à la restitution des
biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat-membre
afin d'étendre le champ d'application de la procédure de
restitution aux collections des musées de France appartenant à
une personne morale de droit privé.
• Le
paragraphe VIII
complète l'article 322-2 du code
pénal afin d'étendre la protection contre le vandalisme aux
collections des musées de France.
Cette adjonction s'avère maladroite dans sa rédaction et
partiellement inutile dans la mesure où le quatrième
alinéa (3°) de cet article inclut d'ores et déjà dans
les biens protégés à ce titre les «
objet (s)
conservé (s) ou déposé (s) dans des musées,
bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique,
chargée d'un service public ou reconnue d'utilité
publique
».
II. Position de l'Assemblée nationale
Outre un amendement de forme, l'Assemblée nationale a
complété la rédaction proposée par le
paragraphe II pour l'article L. 1423-1 du code général
des collectivités territoriales afin de prévoir la
possibilité pour les groupements de collectivités d'organiser et
de financer des musées, musées susceptibles évidemment de
recevoir l'appellation prévue par la loi.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de
deux amendements
.
• Le premier vise à modifier la rédaction proposée
par le paragraphe VIII de cet article pour étendre le champ
d'application de l'article 322-2 du code pénal. Il convient, en effet,
pour parvenir à cet objectif, de compléter la rédaction du
quatrième alinéa de cet article plutôt que de créer
une nouvelle catégorie de biens protégés, catégorie
qui, comme on l'a souligné, fait double emploi avec celle visée
dans son quatrième alinéa.
• Dans le souci de faciliter leurs acquisitions, le second étend
aux musées de France appartenant à une personne morale de droit
privé sans but lucratif le bénéfice du droit de
préemption que l'Etat peut exercer sur toute vente publique d'oeuvre
d'art, en vertu de l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921
portant fixation du budget général de l'exercice 1922.
On rappellera que depuis la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur
le développement du mécénat, cette procédure
bénéficie aux collectivités locales qui peuvent y avoir
recours pour leur acquisition, en particulier celles destinées à
enrichir leurs collections muséographiques. On soulignera
également que, d'ores et déjà, une personne morale de
droit privé sans but lucratif peut demander à l'Etat d'exercer
cette prérogative : il s'agit de la Fondation du patrimoine en
vertu de l'article 8 de la loi du 2 juillet 1996
20(
*
)
.
Article 17
Application à
Mayotte
I.
Texte du projet de loi
Cet article précise que la loi s'appliquera à Mayotte,
collectivité régie par le principe de spécialité
territoriale.
La loi ne peut être étendue à la Polynésie
française et à la Nouvelle-Calédonie dans la mesure
où, dans ces territoires, la politique culturelle relève de la
compétence des autorités locales.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter conforme cet article.
Article 18
Assouplissement du régime des fondations
d'entreprise
prévu par la loi n° 87-571 du 23 juillet
1987
sur le développement du
mécénat
I.
Position de l'Assemblée nationale
Cet article introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du
gouvernement modifie la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le
développement du mécénat afin d'assouplir sur plusieurs
aspects le régime des fondations d'entreprise dans le souci de lever
certains des obstacles qui s'opposent à leur développement.
Avant d'analyser les modifications prévues par cet article, votre
rapporteur rappellera brièvement les grands traits du régime des
fondations d'entreprise.
Les fondations d'entreprise ont été créées par la
loi n° 90-559 du 4 juillet 1990
21(
*
)
modifiant la loi du 23 juillet
1987 afin de pallier l'absence de structure juridique adaptée au
développement durable du mécénat d'entreprise.
Bien que destiné à remédier aux rigidités
excessives du statut des fondations reconnues d'utilité publique, le
régime des fondations d'entreprise lui emprunte nombre de traits. Ainsi,
à l'image des fondations reconnues d'utilité publique, elles sont
constituées en vue d'une « oeuvre d'intérêt
général », et se caractérisent par le
caractère irrévocable des apports, l'article 19-12 de la loi de
1987 précisant qu'en cas de dissolution, les ressources non
employées et la dotation sont attribuées à un ou plusieurs
établissements publics ou reconnus d'utilité publique dont
l'activité est analogue à celle de la fondation d'entreprise
dissoute. Leur création est autorisée par l'autorité
administrative. Leur régime de constitution s'avère cependant
plus souple dans la mesure où l'autorisation est accordée
à l'échelon déconcentré dans le cadre d'un
régime d'approbation tacite.
Ces institutions se distinguent toutefois sur plusieurs points des fondations
reconnues d'utilité publique. Elles ont un caractère
temporaire : l'article 19-2 de la loi du 23 juillet 1987
précise qu'elles sont créées pour une durée
déterminée qui ne peut être inférieure à cinq
ans, durée qui peut être prorogée pour une durée au
moins égale à cinq ans. Par ailleurs, elles jouissent d'une
capacité juridique moins étendue ; la loi dispose notamment
qu'elles ne peuvent acquérir ou posséder d'immeubles de rapport
ni exercer les droits de vote attachés aux actions des
sociétés fondatrices ou contrôlées par elles,
détenir ni, limitation essentielle, recevoir des dons ou des legs.
Cependant, comme le note le Conseil d'Etat dans une étude
intitulée « rendre plus attractif le droit des
fondations »
22(
*
)
,
malgré les indéniables avantages consentis aux fondations
d'entreprise, celles-ci n'ont connu depuis leur création qu'un
développement relativement limité. Reconnaissant que cette
situation était
« largement imputable à une
conjoncture économique difficile »
, l'étude
n'excluait pas qu'elle tienne également aux lourdeurs du statut
prévu par la loi de 1987.
On soulignera avant de les analyser que les modifications apportées
à ce statut par cet article reprennent pour partie les propositions
d'amélioration formulées alors par le Conseil d'Etat.
• La suppression de l'exigence d'une dotation initiale
Cet article propose de modifier l'article 19 de la loi de 1987
définissant la fondation d'entreprise afin de supprimer l'obligation de
dotation initiale. On rappellera qu'en l'état actuel du droit, la loi
exigeait que les fondateurs, d'une part, apportent une dotation initiale,
proportionnelle aux engagements pris dans le cadre du programme d'action
pluriannuel et, d'autre part, s'engagent à effectuer les versements
correspondants à ce programme, versements garantis par une caution
bancaire.
L'exigence d'une dotation initiale, empruntée au statut des fondations
reconnues d'utilité publique, ne se justifie guère pour les
fondations d'entreprise créées pour une durée
déterminée : contrairement aux premières, ces
fondations n'ont pas à assurer la pérennité par les
revenus de leur dotation. De surcroît, dans la mesure où l'article
19-7 de la loi de 1987 prévoit que les versements des sommes
représentant les engagements pluriannuels sont garantis par une caution
bancaire , la dotation initiale apparaît comme une contrainte
injustifiée.
Afin de tirer les conséquences de la suppression de cette obligation,
cet article prévoit diverses mesures transitoires et de coordination.
Le 4° de cet article modifie la rédaction de l'article 19-6 de la
loi de 1987 afin de substituer à son dispositif actuel, qui
définit le montant minimal de la dotation initiale, une mesure
transitoire : les fondations d'entreprise créées
antérieurement à la date de publication de la présente loi
sont autorisées à consacrer les fonds de leur dotation initiale
aux dépenses prévues par leur nouveau programme d'action
pluriannuel.
Par coordination, le 5° de cet article modifie la rédaction des
articles 19-8 et 19-2 qui, pour le premier, énumère les
ressources des fondations d'entreprise et, pour le second, précise les
conditions de dissolution des fondations d'entreprise.
• Un allègement des contrôles pesant sur les fondations
d'entreprise
Le 1° de cet article supprime le deuxième alinéa de
l'article 19-9 de la loi de 1987 qui faisait obligation aux fondations
d'entreprise dont les ressources dépassent un seuil défini par
décret d'établir en sus de leur bilan, de leur compte de
résultat et de l'annexe, une situation de l'actif réalisable et
du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un
tableau de financement et un plan de financement.
Cette disposition est apparue particulièrement lourde,
génératrice de contraintes administratives peu justifiées
au regard de l'objectif de transparence.
• Une simplification de la procédure applicable en cas de
majoration du programme d'action pluriannuel
Le 2° de cet article prévoit un allègement des conditions
dans lesquelles peut être décidée une augmentation du
montant du programme d'action pluriannuel. Jusqu'à présent, dans
la mesure où le montant des sommes versées par les fondateurs
figurait dans les statuts, leur augmentation exigeait que soit engagée
une procédure de modification des statuts, procédure susceptible
d'être considérée comme dissuasive. Pour remédier
à cet inconvénient, l'article 19-1 est modifié afin de
préciser que la majoration du programme pluriannuel est
déclarée sous la forme d'un simple avenant aux statuts. La
modification proposée abroge également, par coordination avec la
suppression de l'obligation de constituer une dotation initiale, la disposition
imposant dans ce cas de compléter cette dernière.
• La réduction de la durée de prorogation des fondations
d'entreprise
La disposition prévue par le 3° de cet article est de portée
modeste dans la mesure où elle se borne à assouplir la
règle applicable en cas de prorogation d'une fondation afin de rabaisser
de cinq à trois ans la durée de cette dernière.
N'est pas modifiée la règle selon laquelle les fondations
d'entreprise sont créées pour une durée minimale de cinq
ans, règle qui semble ne pas être contestée.
• L'abrogation de l'article 20-1 de la loi du 23 juillet 1987
relatif au conseil national des fondations
L'article 20-1 de la loi de 1987 créait un conseil national des
fondations, instance chargée de
« rassembler et de diffuser
des informations relatives aux fondations ; d'établir un rapport
annuel à ce sujet et de proposer aux pouvoirs publics des actions
tendant au développement du mécénat des
fondations ».
Un décret du 30 septembre 1991 a défini la composition du
nouvel organisme, qui devait comporter deux collèges, le premier
formé de représentants de l'Etat, d'un sénateur, d'un
député, de trois magistrats et de représentants des
principaux ministères compétents et le second de
personnalités qualifiées désignées par le Premier
ministre.
Or, ce conseil n'a jamais été constitué. Cet article tire
donc les conséquences de cette situation en abrogeant la disposition
législative le créant. S'il regrette qu'une disposition
adoptée par le Parlement soit restée lettre morte, votre
rapporteur doute qu'une telle instance aurait été susceptible
d'assurer une représentation efficace des fondations auprès des
pouvoirs publics. Un organe créé à l'initiative des
dirigeants de ces dernières indépendamment des structures
administratives constituerait sans doute une meilleure tribune.
II. Position de la commission
Votre rapporteur se félicite de l'adoption de mesures destinées
à simplifier le régime des fondations d'entreprise. Ces mesures
bienvenues, qui relèvent d'un souci de simplification administrative,
recueillent l'assentiment des représentants des fondations.
Votre commission vous proposera d'adopter à cet article un
amendement
d'ordre rédactionnel.
*
*
*