EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA SÉCURITÉ DES INFRASTRUCTURES

Le présent projet de loi, dans les dispositions de son titre premier, a été élaboré à la suite de l'accident du tunnel du Mont-Blanc du 24 mars 1999 (39 morts), suivi le 11 novembre 2000 par la catastrophe du funiculaire autrichien de Kaprun (155 morts).

Il s'agit pour l'Etat de mieux affirmer son rôle régalien en matière de sécurité des transports et d'organisation des secours. Il s'agit aussi d'unifier et d'harmoniser les règles du contrôle technique et de sécurité pour les différents modes de transport.

Si les tunnels routiers d'une longueur supérieure à 300 mètres et jugés, de ce fait, comme « présentant des risques particuliers pour la sécurité des personnes » sont plus particulièrement en ligne de mire, devraient être aussi soumis aux nouvelles procédures communes de contrôle les remontées mécaniques, les systèmes de transport ferroviaire et de transport public guidé (métros, tramways, réseaux ferroviaires secondaires et touristiques...), les ouvrages portuaires maritimes (écluses, ponts mobiles...), les ouvrages de la navigation intérieure (écluses, barrages...) ainsi que les systèmes de transport multimodaux.

L'objectif du projet de loi est de proposer, en matière de contrôle technique et de sécurité de l'Etat, une approche « systémique » qui se substituerait aux pratiques administratives en vigueur souvent fondées sur de simples recommandations techniques, circulaires ou notes d'information.

Dans le domaine routier, par exemple, le code de la voirie routière prévoit que des décrets fixent les caractéristiques techniques auxquelles doivent répondre les routes départementales et les voies communales. En pratique, seules des prescriptions de portée générale ont été prises par voie réglementaire en ce qui concerne, par exemple, le tirant d'air exigé sous les ouvrages d'art qui franchissent une route départementale, les caractéristiques de la chaussée ou encore les normes techniques applicables aux ralentisseurs et aux sens giratoires.

Dans le droit actuel, le préfet peut aussi, en cas d'urgence, prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sûreté publique (l'article R. 46 lui permet ainsi d'interdire la circulation sur les ponts situés sur les routes à grande circulation et présentant un danger).

A l'occasion des travaux de réalisation d'ouvrages d'art et de tunnels, les services de la sécurité civile sont en mesure de présenter des observations dans le cadre d'une procédure d'instruction dite « mixte » conduite sous l'autorité du préfet.

Selon la jurisprudence, le préfet peut refuser « l'utilité publique » pour de simples raisons d'opportunité. Toutefois, nombre de travaux de tunnels ou de ponts ne nécessitent pas obligatoirement une déclaration « d'intérêt public » (notamment lorsqu'aucune expropriation n'est nécessaire comme, par exemple, dans le cas de la construction du pont de l'île de Ré).

Le dispositif proposé par le projet de loi présente une procédure unifiée en trois étapes qui concerne tous les ouvrages et systèmes de transport présentant des risques particuliers pour la sécurité des personnes :

a) - avant l'exécution des travaux , le maître de l'ouvrage doit démontrer, en fournissant l'avis d'un expert , qu'il a, dès la phase de conception, pris en compte les futures contraintes d'exploitation. Sur cette base, le préfet donne son approbation (pour les systèmes de transport ferroviaire ou guidé) ou fournit un avis (dans tous les autres cas) ;

b) - la mise en service de l'ouvrage ou du système de transport sera, en second lieu, surbordonnée à une autorisation du préfet dans laquelle il peut être imposé des prescriptions après avis d'une commission administrative où les collectivités locales seront représentées ;

c) - enfin, pour les ouvrages ou systèmes de transport existants ou en service , le préfet pourra prescrire l'établissement d'un diagnostic , des mesures restrictives d'exploitation , ou encore la fermeture au public de l'ouvrage après avis de la commission administrative sus-mentionnée.

Il ne faut pas se cacher que ce dispositif unifié, en renforçant la tutelle technique de l'Etat, pourra être considéré comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Celles-ci sont en effet souvent maîtres d'ouvrage.

Il convient de noter à cet égard que, consultée sur l'avant-projet de loi et certains projets de décrets, l'Association des Maires de France a exprimé un certain nombre de suggestions dont les auteurs du texte ont tenu compte s'agissant notamment de la représentation des collectivités locales au sein de la commission administrative.

L'Etat verra ainsi sa responsabilité plus souvent engagée en cas de sinistre, même si cette responsabilité peut, d'ores et déjà, être mise en jeu du fait de l'existence des pouvoirs de police générale du préfet.

S'agissant des tunnels en service sur le réseau routier, on soulignera que sur le millier d'ouvrages en service, 246 ont une longueur supérieure à 300 mètres et devraient être soumis à la nouvelle procédure de contrôle.

Sur ces 246 tunnels, on dénombre : 85 ouvrages sur le réseau national non concédé, 64 sur le réseau national concédé et 97 sur le réseau des collectivités locales .

D'après l'étude d'impact réalisée par le Gouvernement, le coût financier des travaux de sécurité et des nouvelles dépenses d'exploitation qui ont été, à ce jour, jugées nécessaires pourrait avoisiner deux milliards de francs sur le réseau existant des tunnels de l'Etat concédés et non concédés de plus d'un kilomètre de longueur. Pour les tunnels futurs, la nouvelle procédure de contrôle devrait entraîner des dépenses supplémentaires évaluées globalement à 100 millions de francs par an. L'incidence financière du projet de loi sur la voirie routière serait aussi de l'ordre de 2 milliards de francs pour l'ensemble des tunnels existants de l'Etat, concédés et non concédés.

Les dépenses à effectuer sur le réseau départemental ne devraient pas, selon cette étude, être très élevées.

L'Assemblée nationale a apporté au projet de loi un certain nombre de modifications :

- à l'initiative du député Christian Kert, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements précisant que le rapport d'expertise sur la sécurité qui accompagnera les dossiers descriptifs présentés, avant tout commencement des travaux portant sur les différents ouvrages et systèmes de transport visés par le projet de loi, prendra en compte les risques naturels ou technologiques susceptibles d'affecter l'ouvrage, pouvant exister dans un périmètre géographique (articles 2, 3, 5, 6, 7 et 8 bis du projet de loi).

- à l'initiative du gouvernement, elle a adopté une disposition permettant aux forces de l'ordre françaises de relever les infractions, commises dans la partie française des ouvrages routiers transfrontaliers, à la sortie de l'ouvrage en territoire étranger (article 2, article L. 118-4 du code de la voirie routière).

- à l'initiative du Gouvernement, elle a adopté un texte portant constitution d'un « pôle multinational alpin ». La mission principale de cet établissement public sera d'assurer le financement d'une politique intermodale dans le massif alpin. Le nouvel établissement pourra prendre des participations dans les trois sociétés d'autoroutes que sont l'AREA (Autoroutes Rhône-Alpes), l'AMTB (Autoroutes du tunnel du Mont-Blanc) et la SFTRF (Autoroutes du tunnel de Fréjus) pour faire bénéficier l'investissement ferroviaire des dividendes des sociétés autoroutières (article 2 bis).

- à l'initiative du député Christian Kert, elle a adopté un texte étendant la nouvelle procédure de contrôle aux infrastructures aéroportuaires (article 8 bis).

- à l'initiative du député Michel Bouvard, elle a adopté un texte qui renforce le contrôle des « contrôleurs des transports terrestres » sur le transport routier de marchandises et, en particulier, des marchandises dangereuses (article 9 bis) ;

- enfin, à l'initiative de sa commission de la production et des échanges, elle a adopté un amendement renforçant la répression du non-respect, dans les tunnels, des distances de sécurité (article 21).

Telles sont, pour l'essentiel, les principales dispositions du titre premier de ce projet de loi.

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