3. Un développement économique encore insuffisant

a) Une économie fragile

Le niveau de vie en Corse est inférieur à celui constaté dans beaucoup de régions françaises .

Par secteur d'activité, le revenu salarial est supérieur à la moyenne de province dans les seuls secteurs de l'industrie des biens de consommation, des transports, des services aux particuliers, dans l'administration et dans le secteur de l'éducation, de la santé et de l'action sociale. Ce dernier secteur est le seul dans lequel les salaires soient supérieurs à la moyenne nationale.

En 2000, la Corse se situait à l'avant dernier rang des régions métropolitaines en termes de potentiel fiscal, devant le Limousin.

Le taux d'équipement des ménages est en revanche assez proche de la moyenne nationale .

Équipement de ménages pour quelques biens durables en mai 1997

Proportion de ménages équipés en :

Corse

Moyenne nationale

Réfrigérateur-congélateur

51

54

Congélateur

21

47

Lave-vaisselle

53

35

Sèche linge ou machine à laver

16

24

Téléviseur couleur

81

92

Répondeur téléphonique

19

32

Téléphone portable

16

15

Micro-ordinateur

15

16

Camescope

17

15

Automobile

80

78

Multi-équipement automobile

26

28

Source : INSEE, Tableaux de l'économie corse, 1999.

Le revenu disponible brut des ménages (la part des revenus disponible pour la consommation et l'épargne) est inférieur en Corse de 2.000 francs par habitant au montant de la province, et de 5.900 francs à celui de l'Ile-de-France. La Corse se situe au quinzième rang des régions françaises.

L'île se distingue du continent parce que le revenu disponible brut est constitué pour près de moitié par les prestations sociales et pour 30 % des salaires nets, soit une proportion inverse de celle constatée sur le continent.

En 1997, 21,2 % des emplois salariés étaient des emplois publics , contre 10,7 % sur le continent.

La surreprésentation de l'administration traduit le faible dynamisme économique de la Corse. En 2000, le produit intérieur brut (PIB) par habitant s'établit à 121.680 francs. Il était inférieur de 26,6 % à la moyenne métropolitaine . Seules les régions Poitou-Charentes et Languedoc-Roussillon ont un PIB par habitant inférieur. Le PIB par emploi s'élève à 326.167 francs. Il est inférieur de 19 % à la moyenne métropolitaine.

Si le taux de chômage est passé de 13,5 %, à la fin de l'année 1996 à 10,9 % à la fin de l'année 2000, il reste que, dans le même temps, ce taux a diminué de 12,5 % à 9,2 % en moyenne métropolitaine.

Ces performances sont celles d'un tissu économique atypique . La répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité fait apparaître une sous représentation de l'industrie :

Répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité en 2000

(en %)

Corse

France métropolitaine (dont Corse)

Agriculture

2,5

2,8

Industries agricoles et alimentaires

2,0

2,6

Autres industries

2,2

15,1

Énergie

3,2

3,4

Construction

6,2

4,6

Commerce

11,1

9,9

Transport

5,0

4,0

Activité financières et immobilières

17,8

16,9

Services aux entreprises

13,0

15,1

Services aux particuliers

8,9

5,7

Éducation, santé, action sociale, administration

28,1

19,9

Source : INSEE

En termes de répartition de l'emploi par secteur d'activité, le tertiaire représente quatre emplois sur cinq et l'industrie 6,6 % de l'emploi total, contre 18 % en moyenne nationale. La Corse est la région de France la plus orientée vers les services.

Le chiffre d'affaires par salarié des entreprises implantées en Corse est inférieur à la moyenne continentale , à l'exception des hôtels, des restaurants et du commerce de détail pour lesquels il est supérieur.

L'INSEE définit le tissu productif régional comme « relativement fermé et autonome : les établissements corses sont pour l'essentiel des petites unités où les entreprises individuelles prédominent largement ». En 1999, seuls 500 établissements dépendaient d'entreprises ayant leur siège social hors de Corse. La moitié d'entre eux n'avait pas de salarié, et seulement 4 % en avaient plus de 10.

Ce tissu productif est fragile . Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, « freinées dans leur développement par l'exiguïté d'un marché insulaire lui-même cloisonné, nombre d'entreprises corses ont des difficultés à résister à la concurrence extérieure et plus encore à asseoir leur compétitivité externe .» Il en résulte que le commerce extérieur de la Corse est structurellement déficitaire et la situe au dernier rang des régions françaises. La Corse partage cette caractéristique avec d'autres îles méditerranéennes telles que la Sardaigne, la Sicile, les Baléares et la Crète.

L'économie corse présente, malgré tout, des signes encourageants :

- entre 1990 et 2000, la position de la Corse s'est légèrement améliorée dans la hiérarchie des régions françaises s'agissant du PIB par habitant. Entre 1997 et 2000, celui-ci a progressé de 14,8 %, contre 11 % pour la moyenne métropolitaine et 11,4 % pour la seule province ;

- le nombre de créations d'établissements dans les secteurs de l'industrie, du commerce et des services a progressé de plus de 10 % entre 1998 et 2001. Ce phénomène est constaté dans tous les secteurs, mais surtout pour ceux de la construction, des services aux entreprises et de l'immobilier. L'accélération des créations d'entreprise, qui intervient concomitamment à la mise en place de la zone franche, pourrait traduire une inclination plus forte de la population de Corse à l'esprit d'entreprise. Le développement de la Corse passe sans aucun doute par la mise en place d'outils susceptibles d'entretenir ce mouvement ;

- l'emploi total a progressé de 13 % entre 1995 et 1999, contre 6 % en moyenne nationale. Ce résultat est obtenu en grande partie grâce aux embauches réalisées par les hôtels et les restaurants .

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas répondu aux questions qu'il a adressées au ministre de l'intérieur le 17 juillet 2001, portant sur une comparaison de la Corse avec la Sardaigne, la Sicile, les Baléares et la Crète en matière de PIB, de taux de chômage, de niveau de salaires, de revenu disponible brut, de répartition de l'emploi par secteur d'activité et de répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité.

b) Un statut fiscal favorable

Certains contribuables peuvent, parce qu'ils sont fiscalement domiciliés en Corse, bénéficier de régimes avantageux en matière d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle, d'impôt sur le revenu, de taxe professionnelle, de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), de droits de consommation sur les tabacs, de droits de succession, de droits de francisation et de navigation, de droits de passeport, de taxe sur les salaires, de droits de circulation applicables aux boissons, de droits de licence sur les débits de boisson, d'impôt local sur les spectacles et de taxe à l'essieu.

Ces particularités corses, dont le coût pour les finances publiques s'établissait en 2000 à 1.370 millions de francs, sont depuis 1994 définies comme le statut fiscal de la Corse . L'article premier de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse dispose en effet que « la Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique et social. Dans le cadre de ce statut, l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur sont maintenues. »

La spécificité corse en matière fiscale s'inscrit dans la politique d'aménagement du territoire . Lorsque la conformité à la Constitution du statut fiscal a été contestée en 1994 par les membres du groupe socialiste du Sénat, le Gouvernement, dans son mémoire en défense, a justifié son existence en estimant qu'« au regard de l'aménagement du territoire, la particularité de la collectivité territoriale de Corse apparaît à plusieurs titres :

- l'insularité se traduit par des surcoûts importants de transport qui sont aggravés par l'étroitesse du marché local (240.000 personnes) et un relief qui cloisonne l'île et rend les communications difficiles ;

- le PIB par habitant est environ égal aux deux tiers de la moyenne nationale et à 75 % de la moyenne communautaire, seuil retenu pour caractériser les régions « en retard de développement » ;

- le nombre de bénéficiaires du RMI s'est accru de 150 % entre décembre 1989 et juin 1993, contre une augmentation de 88 % pour l'ensemble de la métropole ;

- la part du secteur agricole dans l'ensemble régional est tombée de 33 % en 1962 à 12 % en 1985 et les friches occupent désormais 50 % de la superficie de l'île

Cette conception est partagée par le Gouvernement actuel qui, expliquant aux autorités communautaires l'ambition du volet fiscal du projet de loi, a souligné que la Corse subit des handicaps structurels « qui résultent, en particulier, de son insularité (surenchérissement des coûts de production), de l'étroitesse de son marché local et de la faible productivité des entreprises qui y sont installées

La Corse a d'ailleurs bénéficié du renouveau qu'a connu la politique d'aménagement du territoire au milieu des années 90 , avec la création d'une zone franche de Corse par la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996. Cette zone franche s'est traduite par la création, en faveur des entreprises implantées en Corse, d'exonérations d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle et de charges sociales. En 2000, son coût fiscal s'établissait à 365 millions de francs et son coût pour les finances sociales à 296 millions de francs, soit un avantage total de 661 millions de francs.

Aujourd'hui, la zone franche a porté des fruits . Selon le bilan présenté au Parlement en 1999, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 26 décembre 1996, si la zone franche n'a pas permis de créations d'emplois et n'a pas attiré en Corse d'entreprises continentales, elle a joué un rôle important en matière de renforcement des fonds propres des entreprises . De plus, contrairement aux craintes parfois suscitées à l'origine par le dispositif, les différents contrôles réalisés n'ont pas détecté des détournements significatifs.

c) Un réel effort de solidarité nationale

L'Etat est présent en Corse.

Physiquement , puisque, en 1998, la Corse présentait « le plus fort ratio d'agents de l'Etat par habitant des vingt-deux régions métropolitaines 7 ( * )

Financièrement aussi. Au titre du contrat de plan 2000-2006, la Corse, avec 6.371 francs, bénéficie de la plus forte enveloppe par habitant des régions métropolitaines. La deuxième région la mieux dotée, le Limousin, reçoit une enveloppe de 3.027 francs par habitant.

Dans son rapport remis au Premier ministre en décembre 1994, notre collègue Jacques Oudin estimait à sept milliards de francs l'effort net global des finances publiques en faveur de la Corse. Il ajoutait qu'un « calcul sommaire effectué pour la région Limousin donne un transfert net du même ordre de grandeur que celui opéré au profit de la Corse, soit sept milliards de francs en 1993, mais pour une population presque trois fois supérieure à celle de l'île ».

Le rapport d'activité des services de l'Etat en Corse évalue, pour l'année 1999, à 9,5 milliards de francs les dépenses de l'Etat dans l'île. Il en ressort que 53 % de ces dépenses en Corse sont consacrés au fonctionnement des services de l'Etat et 7 % à des dépenses d'investissement.

Répartition des dépenses de l'Etat en Corse en 1999

(en millions de francs)

Montant global des dépenses de l'Etat

9.499

Services de l'Etat , dont :

- traitements et pensions

- fonctionnement des services

- investissements

5.313

4.657

406

250

Concours aux collectivités locales , dont :

- concours financiers (DGF et autres dotations)

- DGD

- compensations d'exonérations et de dégrèvements fiscaux

3.405

877

1735

793

Concours aux collectivités, particuliers et agents économiques , dont :

- subventions de fonctionnement

- subventions d'investissement

781

384

397

Source : rapport sur « l'activité des services de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse » en 1999.

En 1997, ces dépenses s'établissaient à 8,8 milliards de francs. Le rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion de services publics constituée à l'Assemblée nationale estimait qu'au sein de cette enveloppe, près de trois milliards de francs, soit le tiers, relevaient d'une solidarité spécifique en faveur de la Corse.

* 7 Assemblée nationale, rapport de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, n° 1077, 1998, p. 371.

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