2. « La forêt » impossible  à cacher : 14 milliards détournés de la branche

A l'image de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le projet de loi de financement n'a cette année pour seul objet que de faire financer à la branche famille les priorités du Gouvernement. Si, en 2002, le Gouvernement ne modifie pas a priori les ressources de la branche, il prive néanmoins cette dernière de près de 14 milliards de francs.

En premier lieu, le Gouvernement ponctionne les excédents de la branche de près de 8 milliards de francs.

Il modifie, par des articles ayant une portée rectificative, l'état des comptes pour y annuler la créance détenue par la CNAF sur le FOREC. Les réserves de la branche s'en trouvent de facto amputées de 2,8 milliards de francs.

Non content de financer les 35 heures au moyen des économies de la CNAF, c'est-à-dire des familles, et par une procédure douteuse sur laquelle le Conseil constitutionnel sera appelé à se prononcer, le Gouvernement affecte 5 milliards de francs des excédents de la branche au fonds de réserve des retraites (F2R).

Ce transfert ne trompe pas davantage que l'autre.

C'est bien en effet parce que le plan de financement de ce fonds, exposé par le Premier ministre le 21 mars 2000, est aujourd'hui vidé de tout contenu que le Gouvernement se trouve réduit à l'alimenter aujourd'hui d'expédients.

Par ailleurs, le Gouvernement a choisi de poursuivre la mise à la charge des majorations de pension pour enfant sur les comptes de la branche la privant chaque année un peu plus de ses moyens.

La part de ce financement s'élèverait en 2001 à plus de 3 milliards; il doublerait en 2002 pour atteindre 6 milliards de francs.

De transferts en ponctions, la branche famille est, selon l'expression utilisée par l'UNAF « dépouillée » de 14 milliards de francs en 2002, et ce, sans même y ajouter les privations de recettes dont elle a été victime les années précédentes 24 ( * ) qui, sortes de « mesures votées », reconduisent leurs effets chaque année.

En 2002, le Gouvernement consacre péniblement 4 milliards de francs aux familles tout en les privant de 14 milliards de francs qui leur appartenaient.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, déclarait devant cette dernière « s'élever contre une conception trop étroite de la séparation des branches. Il ne faut pas oublier en effet que la CSG est une recette d'ensemble dont il suffit de modifier la clef de répartition pour abonder telle ou telle branche. Le débat sur les excédents de la branche famille n'a donc guère de sens. La question posée est plutôt de savoir à quel niveau on fixe des dépenses » 25 ( * ) .

Votre rapporteur, pour sa part, s'élève contre une telle conception de la fongibilité des branches de la sécurité sociale, destinée en réalité à justifier un système organisé de siphonnage des excédents de la branche.

Pour sa part, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, déclarait 26 ( * ) : « Prenons garde : si tous les excédents doivent être affectés à la branche famille alors, de même, en cas de déficit, cette branche devra sacrifier ou diminuer certaines prestations... »

De ce raisonnement, a contrario , doit être déduit qu'en contrepartie d'une ponction sur ses excédents, la branche famille pourrait compter sur la solidarité des autres branches pour faire face à des difficultés momentanées.

Or, lorsque la situation de la branche a présenté un déficit, en 1997, le Gouvernement s'est empressé de tailler dans les dépenses de la branche au nom même de cet équilibre financier de la branche.

La « solidarité » apparaît ici à sens unique : en période de croissance, la branche réalise des excédents qui sont « mutualisés » mais c'est seule que la branche doit faire face à d'éventuels déficits en cas de ralentissement économique.

Les familles seraient donc, à jamais, victimes d'un « effet de cliquet » : dans l'impossibilité de se constituer des réserves, la branche devra, dans toute période difficile, consentir une diminution des prestations. La disparition de la politique familiale est alors programmée.

Attendre une telle myopie des partenaires sociaux n'est pas raisonnable, ces derniers n'étant pas dupes des effets d'optique de la politique familiale en trompe-l'oeil mis en oeuvre par Gouvernement.

* 24 Cf. plus haut.

* 25 Bulletin AN, n° 21, 2001-2002, p. 2860

* 26 Assemblée nationale, 3 ème séance du 23 octobre 2001.

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