N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l' enfant concernant l' implication d'enfants dans les conflits armés ,

Par Mme Danielle BIDARD-REYDET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 437 (2000-2001)

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adopté le 25 mai 2000 par l'Assemblée générale des Nations unies.

Ratifiée par la quasi-totalité des Etats, la convention relative aux droits de l'enfant de 1989 pose le principe de la protection de l'enfant contre toutes formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. Elle prohibe également l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit.

Par ailleurs, d'autres instruments internationaux, tels que la convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, adoptée en 1949, ou encore la convention n° 182 de l'organisation internationale du travail pour l'élimination des pires formes de travail des enfants, adoptée l'an dernier, édictent un certain nombre de normes destinées à protéger les enfants contre les diverses formes d'exploitation dont ils peuvent être victimes.

En dépit du cadre juridique existant, déjà important, la nécessité d'un texte à vocation spécifiquement répressive s'est fait sentir, en particulier pour uniformiser les diverses incriminations pénales relatives à la vente d'enfants et à la prostitution et la pornographie enfantines, et pour rendre plus efficace la coopération internationale en la matière.

Tel est l'objet du protocole facultatif du 25 mai 2000, qui se rattache à la convention de 1989 sur les droits de l'enfant.

Votre rapporteur évoquera tout d'abord les principaux instruments existants face aux phénomènes d'exploitation des enfants, avant de présenter l'apport du protocole facultatif du 25 mai 2000.

I. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE FACE À LA VENTE D'ENFANTS ET À L'EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS

Les phénomènes d'exploitation sexuelle et de ventes d'enfants ont fait l'objet d'une prise de conscience croissante de l'opinion publique et des États, qui s'est notamment manifestée par l'édiction d'instruments internationaux nouveaux destinés à renforcer la protection des enfants.

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE CROISSANTE

Au cours de la dernière décennie, l'opinion publique s'est trouvée plus fortement sensibilisée sur l'utilisation des enfants à des fins commerciales, dans des activités contraires à leur dignité et à leurs droits fondamentaux.

Il est vrai que, malheureusement, ces formes particulièrement odieuses et choquantes d'exploitation des enfants se sont développées de manière inquiétante, que ce soit par l'entremise d'organisations criminelles transnationales ou sous l'effet des facilités de plus en plus grandes offertes par les moyens de communication actuels.

Le « tourisme sexuel », notamment en Asie du sud-est, en est la forme la plus connue. De nombreuses organisations ont oeuvré pour en révéler l'ampleur, pour mettre à jour le contexte économique et social qui favorise l'organisation de la prostitution et pour sensibiliser l'opinion publique occidentale sur la responsabilité individuelle, jusqu'alors peu reconnue, des voyageurs. Dans un pays comme les Philippines, les évaluations de ces organisations permettent de considérer que le chiffre de 100 000 enfants prostitués n'est pas exagéré. A l'échelle mondiale, l'UNICEF évalue que 1 million d'enfants, dont une grande majorité de filles, sont entraînés chaque année dans le commerce du sexe, la propagation du virus du Sida conduisant les exploiteurs à « recruter » à des âges de plus en plus jeunes.

Il serait erroné de penser que la prostitution des enfants demeure un phénomène propre aux sociétés en développement. Dans nos pays occidentaux , les services de police constatent la présence de mineurs sur les lieux de prostitution . Dans son deuxième rapport annuel, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, souligne que le phénomène de prostitution juvénile s'aggrave en France. Pour la plupart, ces mineurs se prostituent de manière occasionnelle pour survivre ou s'acheter des biens de consommation. On compte cependant une forte proportion de jeunes étrangers venant d'Europe de l'est (Bulgarie, Albanie, Roumanie, Moldavie) ou d'Afrique. Les estimations avancées par les associations qui viennent en aide à ces jeunes situent leur nombre, en France, entre 3 000 et 8 000.

Autre phénomène mis à jour par plusieurs enquêtes judiciaires, en France et dans les pays voisins, la « cyberpornographie » s'est, elle aussi, considérablement développée, utilisant l'internet, beaucoup plus difficile à contrôler que les publications écrites ou les supports audiovisuels, pour alimenter des réseaux pédophiles.

Face à de tels faits, États et organisations non gouvernementales ont tenté de mieux organiser les réponses indispensables.

En août 1996, s'est déroulé à Stockholm le premier congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

A l'issue de ce congrès était adoptée une déclaration demandant à tous les États, agissant en coopération avec les organisations nationale et internationales et avec la société civile, de prendre les mesures suivantes :

- accorder un niveau élevé de priorité et allouer des ressources adéquates à l'action contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ;

- promouvoir une coopération renforcée entre tous les secteurs de la société et renforcer le rôle des familles dans la protection des enfants ;

- criminaliser toutes les formes d'exploitation sexuelle des enfants, sanctionner tous ceux qui s'y livrent et s'assurer que les enfants victimes de ces pratiques ne soient pas sanctionnés ;

- revoir, réviser, mettre en oeuvre et promouvoir les lois, politiques, programmes et pratiques afin d'éliminer l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ;

- concevoir et mettre en oeuvre des plans et programmes sensibles aux différences entre les sexes aux fins de prévention, de protection, de réadaptation et de réinsertion ;

- créer un climat permettant aux parents et autres responsables légaux des enfants de remplir leurs obligations envers les enfants ;

- mobiliser les partenaires politiques et autres ;

- accroître le rôle de la participation populaire, y compris la participation des enfants, à la prévention et à l'élimination de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Cette déclaration d'engagement et d'intention s'accompagnait d'un programme d'action détaillé assorti d'objectifs spécifiques dans les domaines suivants : coordination et coopération, prévention, protection, réadaptation et réinsertion, et participation de l'enfant. Ces objectifs couvrent un champ très large et présentent des propositions détaillées d'activités à confier à un large éventail d'acteurs et de secteurs : gouvernements, professionnels des médias, organisations non gouvernementales et secteur privé, par exemple.

En particulier, le programme d'action demandait d'avoir, à l'horizon 2000 :

- élaboré des programmes d'action nationaux assortis d'indicateurs de progrès, d'objectifs et d'un calendrier d'exécution visant à réduire le nombre des enfants exposés à l'exploitation sexuelle ;

- mis en place des dispositifs d'application et de contrôle, ou centres de liaison, aux niveaux national et local permettant de réunir et de partager des données sur les enfants exposés à l'exploitation sexuelle à des fins commerciales et sur leurs exploiteurs.

Cinq ans après le lancement de ce programme d'action, un deuxième congrès mondial est organisé, du 17 au 20 décembre 2001, à Yokohama. Il s'est fixé pour but d'analyser les progrès accomplis depuis le premier congrès, d'identifier d'autres moyens de protéger les enfants de l'exploitation sexuelle et, de manière plus générale, d'attirer à nouveau l'attention de l'opinion publique mondiale sur le sort de ces enfants.

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