IV. LES INTERROGATIONS SOULEVÉES PAR L'ACCORD DE COTONOU

L'accord de Cotonou soulève deux grandes interrogations : la pertinence du nouveau régime commercial comme facteur de développement ; les conditions de réforme de l'action communautaire.

A. LES PARIS INCERTAINS DU NOUVEAU RÉGIME COMMERCIAL

Au schéma, jugé dépassé, du développement tel qu'il était conçu dans le cadre de la convention de Lomé, les négociateurs de Cotonou ont souhaité substituer un nouveau modèle. Or, la validité du nouveau dispositif commercial fondé sur la libéralisation des échanges et l'intégration régionale pourrait également se trouver fragilisée à l'épreuve des réalités.

1. Les risques d'une libéralisation non maîtrisée

L'entrée en vigueur -en principe à compter de 2008- des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les ACP réunis au sein de sous-ensembles régionaux, devrait conduire à l'ouverture complète des marchés ACP à l'horizon 2020.

Le postulat de la libéralisation des échanges comme facteur de développement doit, pour le moins, être nuancé :

- les pays d'Afrique subsaharienne ont déjà engagé, au cours des dix dernières années, un effort important de désarmement douanier ; ils figurent aujourd'hui parmi les pays les plus ouverts sans que cette situation se soit traduite par une accélération du processus de développement ;

- les expériences des pays asiatiques (le Japon d'abord, la Corée du Sud et Taiwan ensuite, la Chine aujourd'hui) mettent en lumière les avantages procurés par le maintien de protections -sur plusieurs décades parfois- pour réaliser le développement économique. L'intégration réussie dans l'économie mondiale apparaît alors bien davantage comme le résultat plutôt que comme la cause du développement économique et social.

Compte tenu des avantages reconnus aux pays ACP sur le marché communautaire, l'effort de réduction des barrières tarifaires et non tarifaires incombera principalement aux pays ACP dont les économies souffrent d'une grande vulnérabilité. La réduction des recettes douanières, la disparition possible de pans entiers du tissu économique sous l'effet de la concurrence des produits européens, peuvent entraîner une forte déstabilisation de l'économie des ACP.

Bien que lointaine, l'échéance fixée à Cotonou pour la libéralisation des échanges apparaît encore irréaliste pour de nombreux pays. Dans l'intervalle, les stratégies de développement et l'aide européenne joueront un rôle déterminant et devront contribuer à préparer les pays à s'adapter à la concurrence et à développer leurs avantages comparatifs.

Les pays ACP n'entrant pas dans la catégorie des PMA, risquent de se trouver dans une situation moins favorable qu'aujourd'hui s'ils ne parviennent pas à signer un accord de partenariat économique. Les règles du commerce international pourraient mieux prendre en compte leur situation. En effet, l'OMC reconnaît la notion de « traitement spécial et différencié » qui peut servir de base à une différenciation entre les pays en développement en fonction de leur niveau de développement alors qu'aujourd'hui seule la catégorie des PMA est distinguée.

De manière paradoxale, l'accord de Cotonou ne prévoit pas de concertation entre les ACP et l'Union européenne dans la perspective des négociations multilatérales pourtant axées pour partie sur les questions de développement. Un rapprochement des positions sur ce sujet crucial permettrait de conjuguer les efforts afin de peser dans le sens des évolutions souhaitables.

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