B. DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX NOMBREUX MAIS INSUFFISAMMENT ADAPTÉS

La lutte contre la traite des êtres humains , considérée du point de vue de la défense de la dignité de la personne, figure sans doute parmi les préoccupations prises en compte le plus tôt par les instruments internationaux multilatéraux.

C'est au 19 ème siècle que furent adoptés les premiers textes concernant l'esclavage, alors que plusieurs conventions importantes voyaient le jour durant la première moitié du 20 ème siècle 3 ( * ) .

Ces textes comportaient déjà des dispositions de droit pénal et de coopération internationale, mais appréhendaient la question de la traite des personnes sous l'angle exclusif de l'exploitation sexuelle. Ils ont été unifiés dans la convention des Nations Unies du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui . Cette convention représente un instrument majeur pour la lutte contre la traite des êtres humains. Toutefois, si elle contient des prescriptions précises sur l'obligation d'incriminer l'exploitation de la prostitution d'une autre personne, même consentante, elle ne définit pas précisément la traite des êtres humains.

La convention de 1949 fonde largement la législation française en matière de répression du proxénétisme . Pour autant, cet instrument international n'a été ratifié que par 73 Etats . Plus de la moitié des pays de l'Union européenne n'y sont pas parties (Allemagne, Autriche, Grèce, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, ainsi que le Danemark, qui l'a signée mais pas ratifiée), pas plus que la Suisse, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie ou encore la Chine.

Parallèlement étaient adoptées des conventions spécifiques visant à l'élimination de l'esclavage et du travail forcé 4 ( * ) .

D'autres textes, liant encore la traite des êtres humains et le concept d'exploitation sexuelle, sont intervenus dans la période plus récente, par exemple la convention des Nations Unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui rappelle l'engagement des Etats à « supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l'exploitation de la prostitution des femmes », ou encore des instruments internationaux spécifiques à la protection de l'enfance (protocole facultatif du 25 mai 2000 à la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfants, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ; convention de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants, adoptée le 17 juin 1999).

A ces instruments internationaux s'ajoutent ceux résultant d'initiatives régionales, particulièrement en Europe.

Le Conseil de l'Europe a adopté plusieurs recommandations : la recommandation 1325 (1997) relative à la traite des femmes et à la prostitution forcée, la recommandation R(2000)11 du 19 mai 2000 sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle et enfin la recommandation du 31 octobre 2001 sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, qui prévoit notamment l'incrimination de la traite des enfants, dont la définition est empruntée au protocole à la convention de Palerme.

L'attention portée par l' Union européenne à la lutte contre la traite des êtres humains, illustrée par une action commune en date du 24 février 1997 visant à mettre en place des mesures au plan national, notamment des incriminations, et à améliorer la coopération entre les Etats membres, a été renforcée après le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999, qui a fixé pour objectif de parvenir à des définitions, des incriminations et des sanctions communes.

La Commission a présenté le 21 décembre 2000 au Conseil et au Parlement européen une proposition de décision cadre relative à la lutte contre la traite des êtres humains .

Au total, nous nous trouvons donc devant un véritable foisonnement de textes qui se complètent, et parfois se superposent, et forment, sur le plan juridique, un maquis assez complexe. Les uns ont une portée universelle, encore que beaucoup d'Etats ne les aient pas ratifiés, et d'autres ont simplement une portée régionale. Ils visent tous à protéger les victimes de la traite mais témoignent d'approches différentes.

Il apparaît en effet que certains textes ne visent qu'une forme particulière de la traite des personnes (l'esclavage, le travail forcé, l'exploitation sexuelle). Par ailleurs, dans certains cas, leur finalité est moins la répression d'activités criminelles que la promotion de principes visant à faire progresser les normes sociales (interdiction du travail forcé par exemple). Enfin, ils se limitent souvent à viser l'initiateur ou le bénéficiaire direct de la traite, laissant de côtés l'ensemble des intermédiaires qui en amont ou en aval permettent la mise en place d'un système organisé reposant sur l'exploitation des personnes.

C'est donc en vue de lutter plus efficacement contre les réseaux criminels transnationaux qu'a été envisagée l'élaboration d'un instrument pénal global couvrant toutes les formes de traite de personnes.

* 3 On peut notamment citer l'arrangement international de 1904 et la convention internationale de 1910 relatifs à la répression de la traite des blanches, amendés par le protocole approuvé des Nations Unies, le 13 décembre 1948, et les conventions internationales de 1921 pour la répression de la traite des femmes et des enfants et de 1933 pour la répression de la traite des femmes majeures, amendées par le protocole des Nations Unies, le 20 octobre 1947.

* 4 Convention de 1926 relative à l'esclavage, convention supplémentaire de 1956 relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, conventions de l'Organisation internationale du travail de 1930 sur le travail forcé et de 1957 sur l'abolition du travail forcé

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