ANNEXE 2
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AUDITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
DU MARDI 30 MAI 2001

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AUDITION DE MME FRANCOISE DEKEUWER-DÉFOSSEZ,
PROFESSEUR AGRÉGÉ À L'UNIVERSITÉ DE LILLE II,
PRÉSIDENTE DU GROUPE DE TRAVAIL
« RÉNOVER LE DROIT DE LA FAMILLE »

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M. Henri de Richemont a souhaité entendre le point de vue de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative au nom patronymique dont il était le rapporteur. Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a considéré que le dispositif technique de ce texte n'était pas satisfaisant techniquement, non pertinent socialement et psychologiquement dangereux.

Elle a indiqué que ce texte ne tenait aucun compte de la dualité de situation de filiation entre l'enfant légitime et l'enfant naturel. Elle a fait état d'une différence de traitement entre les parents mariés pour lesquels le choix serait la règle et les parents non mariés pour lesquels s'appliqueraient des dispositions contradictoires avec, d'une part, le choix d'un nom commun à tous leurs enfants et, d'autre part, le maintien de la préférence chronologique en faveur du nom du parent qui a reconnu en premier lieu un enfant donné.

Elle a en outre signalé que l'inscription du nom dans l'acte de naissance était difficilement envisageable pour un enfant naturel, lorsque son nom pouvait ne pas être connu immédiatement, et découler d'une reconnaissance ultérieure par les parents.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a également fait valoir que cette réforme ne répondait pas à une réelle attente, dans la mesure où, selon une coutume profondément ancrée, ayant peu évolué, la plupart des femmes mariées portaient le nom de leur époux. Elle a mis en lumière le paradoxe selon lequel les épouses, tout en renonçant à leur propre nom, aspireraient à le transmettre à leurs enfants et donc à donner un nom qu'en fait elles ne portent pas. Elle s'est inquiétée que le choix offert aux parents ne soit déterminé que par des pesanteurs sociales et familiales et n'a pas caché le risque que la discorde s'installe dans les familles, le nom devenant un enjeu à l'intérieur du couple.

Elle a mis en avant que l'application du principe d'égalité entre les sexes dans les relations entre les parents n'avait aucun sens dans la mesure où les liens de paternité et de maternité obéissaient à une logique différente. Elle a rappelé à l'appui de cette observation, le point de vue des psychanalystes selon lequel l'enfant ne devait pas être l'objet de la mère et qu'il fallait lui donner le nom du père, tiers au lien mère-enfant. Elle a estimé que cette réforme ne conduirait qu'à satisfaire une minorité de femmes ayant conservé leur nom de jeune fille et désirant le transmettre tout en évacuant l'intérêt de l'enfant.

En réponse à M. Henri de Richemont qui s'interrogeait sur la compatibilité des règles de dévolution du nom avec la jurisprudence européenne consacrée par l'arrêt Burghartz contre Suisse du 22 février 1994, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a souligné que d'autres solutions que la triple option proposée aux parents pourraient être recherchées permettant aux femmes mariées de transmettre leur nom à leur enfant. Elle a estimé que cette jurisprudence n'avait pas nécessairement les conséquences qu'on avait voulu lui prêter en raison des spécificités de l'espèce.

Répondant à l'observation de M. Henri de Richemont selon laquelle il serait possible de permettre à l'enfant à sa majorité de changer de nom, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a fait remarquer qu'une telle solution obligerait l'enfant à éliminer une de ses lignées, le conduisant à substituer un nom à un autre.

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