IV. RÉNOVER L'ARCHITECTURE DES FINANCES LOCALES

Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République qui a été examiné en première lecture par le Sénat à compter du 29 octobre 2002 propose, à l'article 6, l'insertion dans la Constitution d'un article 72-2 dont les conséquences seront importantes pour les finances locales.

La rédaction proposée pour l'article 72-2 consacre la liberté de dépense des collectivités locales : désormais, la jurisprudence constitutionnelle sera plus sévère à l'égard des dispositions législatives mettant à la charge des collectivités locales des dépenses obligatoires d'un montant tel qu'il est de nature à restreindre leur libre administration.

La rédaction proposée pour l'article 72-2, que la navette permettra de préciser, affirme également le principe de la prééminence des recettes fiscales dans les budgets locaux, consacrant ainsi l'analyse développée par le Sénat depuis plusieurs années, selon laquelle des ressources composées pour une part prépondérante de recettes fiscales, non seulement garantissent la libre administration des collectivités locales mais reflètent une conception dynamique et responsable de la décentralisation.

A. POUR UNE RÉFORME FISCALE FAVORABLE AU CONTRIBUABLE LOCAL ET AU CONTRIBUABLE NATIONAL

1. Assurer la prééminence des recettes fiscales dans les budgets locaux

Le renforcement de la part des recettes fiscales dans les ressources totales des collectivités est sur le point de devenir un objectif de valeur constitutionnelle. Pour l'atteindre, la voie est étroite car les impôts aujourd'hui perçus par les collectivités locales souffrent de défauts qui ont conduit depuis de nombreuses années, soit à en amputer l'assiette, soit à en réduire la charge pour les contribuables locaux en transférant une partie de celle-ci sur le contribuable national. D'autre part, les impôts dont le transfert aux collectivités locales est envisageable sont peu nombreux, du fait de la réduction du nombre d'impôts perçus par l'Etat, du caractère difficilement localisable au plan local de l'assiette de beaucoup d'entre eux et des règles communautaires relatives à l'harmonisation fiscale, qui limitent les possibilités d'appliquer des taux différenciés sur le territoire d'un même Etat.

La création d'impôts entièrement nouveaux se heurte aux limites de l'imagination en matière fiscale et se révèle délicate dans un contrôle où l'objectif prioritaire des finances publiques est l'allégement du taux de prélèvements obligatoires.

Le pragmatisme conduit à constater que l'objectif ne pourra être atteint que par la sauvegarde, sous une forme rénovée, des impôts existants. Les tentatives passées d'actualisation des assiettes des impôts directs locaux ayant échoué, l'acceptabilité par les contribuables de ces impôts pourrait être améliorée en confiant aux maires la faculté de réviser, dans les conditions délibérées par le conseil municipal, les bases des impôts locaux, l'ensemble des moyens des services fiscaux étant mis à leur disposition.

Le corollaire indispensable de cette faculté est la suppression de l'empilement sur une même assiette de taux votés par différents niveaux de collectivités locales. Les « quatre vieilles » deviendraient alors des impôts communaux 64 ( * ) . Il en résulterait une amélioration de la responsabilité politique associée au vote des taux, l'autorité politique ayant décidé les hausses ou les baisses de taux étant facilement identifiable par le « contribuable électeur ».

Dès lors que les « quatre vieilles » seraient réservées aux communes, il importe de trouver des recettes fiscales nouvelles dont les départements et les régions voteraient le taux. Dans ce domaine, la piste la plus fréquemment citée est celle du transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Les problèmes techniques de localisation de l'assiette de cet impôt évoqués au cours de la législature précédente paraissant de plus en plus surmontables, la dernière incertitude reste la compatibilité du vote de taux additionnels par les collectivités locales avec le droit communautaire en matière de droits d'accises.

Les autres pistes ne doivent pas être écartées pour autant. En matière de transfert d'impôts d'Etat, celui de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pourrait être envisagé, d'autant plus que cette taxe correspondrait à la compétence des régions en matière environnementale. De même, le transfert des droits de mutation perçus par l'Etat, dans l'hypothèse ou la localisation de leur assiette serait possible, doit être étudié.

Une dernière solution, qui serait d'une certaine manière un retour à une pratique antérieure, consisterait à autoriser les départements ou les régions à voter des taux additionnels à des impositions de toute nature aujourd'hui perçues par l'Etat ou la sécurité sociale. L'assiette et surtout le taux proportionnel de la contribution sociale généralisée (CSG) en font une candidate privilégiée.

L'ampleur du chantier qui doit être ouvert est énorme car non seulement les impôts nouveaux devront accroître la part des recettes fiscales dans les recettes totales des collectivités locales, mais ils devront également constituer une partie (la plus grande possible) des compensations versées en contrepartie des transferts de compétences annoncés pour l'année 2003 . Le financement des transferts de compétences par des transferts de recettes fiscales était la règle de droit commun fixée par les lois de décentralisation, mais elle est tombée rapidement en désuétude.

Dans ce nouveau cadre constitutionnel, cette compensation devra redevenir la règle car, dans le cas contraire, l'éventuelle compensation par des dotations budgétaires aurait pour effet mécanique de réduire la part des recettes fiscales dans les recettes totales. Ainsi, en 2002, la compensation aux régions du transfert de la compétence en matière de transport ferroviaire de voyageurs, dont le montant s'élève à 1,5 milliard d'euros, conduit mécaniquement à réduire le taux d'autonomie fiscale de cette catégorie de collectivités territoriales.

* 64 La possibilité de maintenir une fraction du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux départements ne doit cependant pas être écartée, les conseils généraux, du fait des compétences qui leur sont confiées, ayant besoin de ressources présentant les caractéristiques de cette taxe, et en particulier la stabilité et le rendement.

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