IV. LE CALIBRAGE DES CRÉDITS EST PERFECTIBLE

A. LA FIN DE LA SURDOTATION DES CRÉDITS FINANÇANT LES EMPLOIS-JEUNES

Ce chapitre budgétaire faisait traditionnellement l'objet d'une importante surdotation, puis d'une régulation non moins importante en cours d'exercice . Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000, notait que « les dépenses nettes ont été inférieures de plus de 610 millions d'euros (4 milliards de francs) aux crédits ouverts en LFI 2000 ».

La gestion 2000 s'est encore soldée par 53,40 millions d'euros de crédits non utilisés, reportés sur 2001, puis la gestion 2001 ne s'est plus soldée que par 12,4 millions d'euros de reports sur 2002.

L'extinction du programme emplois-jeunes ne devrait pas être de nature à contrarier ce mouvement.

B. LA SOUS-DOTATION AFFICHÉE DES CONTRATS EMPLOI-SOLIDARITÉ (CES)

La dégradation de la situation de l'emploi a conduit le Gouvernement à réviser à la hausse ses prévisions en matière d'entrée en CES : 160.000 entrées au lieu de 80.000 budgétées. A cet effet, il est envisagé -c'est inscrit dans le communiqué de presse du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité- de reporter sur 2003 une partie de crédits disponibles en 2002.

Cette opération suscite deux réflexions de la part de votre rapporteur spécial.

D'abord, d'une façon générale, l'importance des reports relativise la portée effective de l'autorisation budgétaire . Certes, les montants reportés ont fait l'objet, pour les exercices auxquels ils se rapportent, d'un vote en loi de finances. Mais le total des reports sur l'année traitée par la loi de finances initiale n'est pas encore connu au moment du vote.

Dès lors, le Parlement se prononce sur des crédits auxquels peuvent s'ajouter, à la discrétion du Gouvernement dans la limite de ce qui n'est pas consommé, des crédits nouveaux.

Toutefois, les chapitres sur lesquels ces reports peuvent s'effectuer librement sont limitativement énumérés à l'état H de la loi de finances.

Mais la section « travail » en est un important pourvoyeur.

En effet, au sein du Titre IV « interventions publiques » du budget du travail, dont les crédits s'élèvent à 13,857 milliards d'euros (soit 88% de ce budget), 10,432 milliards d'euros (soit 75% des crédits figurant au titre IV) viennent abonder des crédits se rapportant à des chapitres figurant sur l'état H pour 2003. Parmi les nombreuses lignes budgétaires concernées figure ainsi celle destinée aux contrats emploi-solidarité.

Si la loi organique relative aux loi de finances du 1er août 2001 banalisera les reports en supprimant l'énumération limitative, elle n'en limitera pas moins le volume, fixé à 3% au sein d'un même programme. Même si la fongibilité des crédits facilitera certains redéploiements, ce taux est à rapprocher de celui du volume des reports pratiqués sur les crédits du titre IV : 1,196 milliard de reports de la gestion 2000 sur l'exercice 2001, soit 7,8 % des montants accordés en loi de finances initiale pour 2001, puis 1,378 milliards de reports de la gestion 2001 sur l'exercice 2002, soit 9,42 % des montants accordés (le montant total des reports du budget général n'excédait pas 4,75 % de la gestion 2000 sur l'exercice 2001, mais il est vrai que les crédits de fonctionnement y sont plus importants que les crédits d'intervention). Les reculs successifs du nombre d'entrées dans l'ensemble des dispositifs spécifiques de la politique de l'emploi (-5,1 % en 1999, -8,2 % en 2000, -13,2 % en 2001) ont pu favoriser cette augmentation.

Or ces reports, quand ils sont libres d'emploi, constituent une invitation structurelle sinon à l'approximation de la prévision, du moins à des facilités de gestion que l'ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959, encore en vigueur, n'avait pas vocation à systématiser. Il conviendra de suivre avec attention la pratique du nouveau Gouvernement concernant leur utilisation, et de faire, s'il y a lieu, la part de l'imprévisibilité, et celle de l'imprévision.

D'autre part, il est à craindre que le gouvernement ne soit amené à pratiquer d'autres modifications réglementaires d'importance. Elles concerneraient, d'une façon générale, les crédits figurant sur les lignes se rapportant aux actions en faveur des publics prioritaires. En effet, le risque semble accru d'assister l'année prochaine à une situation de l'emploi dégradée au regard de celle ayant servi de fondement à la construction du présent budget, même en tenant compte du doublement des entrées en CES, qui, au surplus, se révèle une hypothèse basse, les dernières déclarations gouvernementales faisant état d'un triplement.

Si votre rapporteur spécial adhère totalement aux nouvelles orientations prises par le Gouvernement en matière de politique de l'emploi, et s'il approuve, par avance, les aménagements qui pourront être faits en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi compte tenu de l'évolution de l'environnement économique, il lui semble que le budget du travail a été le lieu inapproprié d'une certaine pédagogie gouvernementale, montrant les choses telles qu'elles devraient être, plutôt que telles qu'elles seront .