AUDITION DE Mme MICHÈLE ALLIOT-MARIE,
ministre de la Défense

Réunie le mercredi 30 octobre 2002 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l' audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les crédits de son département ministériel .

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense , a tout d'abord indiqué que le budget de la défense pour 2003 constituait la première annuité du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. Elle a signalé qu'elle aurait préféré que le vote de la loi de programmation intervînt avant celui du budget, mais que cela n'avait pas été possible, compte tenu de l'ordre du jour chargé des assemblées.

Elle a ensuite rappelé le contexte politique et stratégique dans lequel s'inscrivent ces deux projets de loi qui organisent le redressement de notre effort de défense. La France n'a pas touché les « dividendes de la paix » après la chute du mur de Berlin ; bien au contraire, elle s'est trouvée engagée en multiples points du globe, notamment en Afrique, tout en restant en première ligne face aux menaces terroristes.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite signalé que, si la précédente loi de programmation militaire de 1997-2002 avait permis de conduire la mutation que constitue la professionnalisation de nos armées, son bilan était assombri par les insuffisances constatées dans le rythme de modernisation de nos équipements : depuis 1997, le pouvoir d'achat du ministère a régressé de 6 %, tandis que les crédits d'équipement diminuaient de 14% au cours de la même période. Elle a tenu, à cet égard, à attirer l'attention sur le fait que l'armée est sans doute la seule administration à avoir réussi à diminuer, sans heurts, ses effectifs de près de 120.000 personnes en cinq ans.

Elle également déclaré que la baisse des capacités opérationnelles de nos armées, qui s'était traduite par des taux d'immobilisation de certains matériels supérieurs à 50 %, n'avait pas été sans conséquence pour le moral des militaires.

On ne peut donc que se féliciter de ce que le Président de la République ait décidé de rendre à la défense son caractère prioritaire et de ne plus faire de ses dotations la variable d'ajustement du budget de l'État.

La ministre a ensuite rappelé les trois objectifs principaux de la loi de programmation militaire :

- rétablir la disponibilité de nos matériels en dégageant des moyens supplémentaires pour l'entretien et les pièces de rechange, indiquant à ce sujet que le signal de ce retournement de tendance avait été donné par la loi de finances rectificative pour 2002, qui avait prévu 100 millions de crédits supplémentaires sur le titre V ;

- moderniser les équipements et préparer l'avenir : il faut, compte tenu de la très longue durée des programmes, s'efforcer de disposer de matériels aussi performants que ceux de nos partenaires et, en tout cas, de matériels interopérables ;

- consolider la professionnalisation des forces armées, notamment en garantissant l'attractivité du métier de la défense et en trouvant les moyens de fidéliser les compétences qu'elle a su mobiliser.

Abordant, ensuite, le contenu du projet de budget de la défense pour 2003, Mme Michèle Alliot-Marie a fait savoir que l'entrée « en programmation », c'est-à-dire la première année de l'exécution d'une loi de programmation, était toujours une épreuve de vérité. Selon elle, ce projet marque une rupture à plusieurs titres :

- rupture avec la décroissance des moyens, puisque le budget hors pension doit augmenter globalement de 7,5 %, tandis que les crédits d'équipement progressent de 11,2 % ;

- rupture avec la pratique antérieure consistant à imputer sur le budget de la défense des dépenses sans rapport avec elle, comme le financement du développement économique de la Polynésie française ou certaines dépenses de recherche ;

- rupture, enfin, avec la faiblesse des moyens consacrés par le passé à nos engagements européens et internationaux.

Puis Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a donné quelques chiffres concernant son budget, dont le montant global doit atteindre pour 2003 un peu plus de 31 milliards d'euros hors charges de pensions :

- une enveloppe de 2,6 milliards d'euros, supérieure à l'annuité moyenne inscrite dans le projet de loi de programmation militaire, sera consacrée à la restauration de la disponibilité des matériels ;

- 45 chars Leclerc, 2 hélicoptères Tigre seront livrés à l'armée de terre, qui bénéficiera également de la valorisation de 55 engins blindés AMX10R C et de 70 canons automoteurs ;

- 3.000 véhicules et 42.000 gilets pare-balles seront fournis à la gendarmerie nationale ;

- 962 M € seront affectés au Rafale et 346 M € à la réalisation des frégates anti-aériennes Horizon ;

- en matière de dissuasion nucléaire, 561 M € iront au développement des missiles M51 et 302 M € à la construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération.

La ministre a enfin rappelé que 1,24 milliard d'euros, soit une hausse de 4,2 % par rapport à la précédente loi de finances, sont consacrés à la recherche.

Par ailleurs, elle a souligné l'importance des crédits consacrés aux dépenses d'équipements individuels d'infrastructures ou de munitions, dont les crédits, en augmentation de 13 % par rapport à la précédente loi de finances, doivent atteindre en 2003 2,6 milliards d'euros.

Abordant les questions de personnels, Mme Michèle Alliot-Marie a évoqué les actions menées par son ministère en vue d'accompagner la professionnalisation. Elle a indiqué que la loi de programmation militaire prévoit un fonds de consolidation de la professionnalisation destiné à financer des mesures ciblées pour maintenir des compétences spécifiques au sein des armées et attirer certaines spécialités en concurrence avec le secteur privé. Dès 2003, a-t-elle précisé, ce sont 11 M € qui seront consacrés au recrutement dans les spécialités critiques et 8 M € qui seront destinés à l'amélioration des logements des personnels. En outre, une mesure nouvelle de 40 M € favorisera les actions d'externalisation rendues nécessaires par la fin de la conscription et la volonté de décharger les militaires de tout ce qui ne relève pas de leurs missions.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait état des créations de postes, qu'il s'agisse de la gendarmerie nationale qui bénéficiera de 1.200 postes supplémentaires et du dégel de 700 autres ou de l'armée de terre qui va pouvoir accueillir 1.000 postes d'engagés qui seront créés par transformation d'emplois de volontaires qu'elle a du mal à recruter. Elle a signalé que, pour remédier à un sous-effectif chronique, seraient recrutés 200 infirmiers et techniciens des hôpitaux, ainsi que 20 médecins supplémentaires.

La ministre a souligné que le plan d'amélioration de la condition militaire annoncé en 2002, sera financé et mis en oeuvre et, en particulier, l'indemnité compensant le temps d'activité et d'obligation professionnelle complémentaire, ainsi que le complément spécial pour charge militaire de sécurité.

En ce qui concerne le personnel civil, elle a signalé que les 13,5 M € prévus en leur faveur étaient supérieurs à tout ce qui avait été fait pour ces mêmes catégories de personnels entre 1995 et 2001.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense , a conclu ses développements en indiquant que 4,4 M € seraient consacrés à l'amélioration des conditions de logement des personnels civils et militaires, et notamment à la garde des jeunes enfants.

Enfin, une enveloppe de 303 M € en croissance de 24 % par rapport à la précédente loi de finances, devrait permettre de résorber le déficit chronique des loyers de gendarmerie et viendra s'ajouter 182 M € correspondants à la construction de 1.235 unités de logements.

La ministre de la défense a souligné également les efforts faits par ses services pour moderniser la gestion des ministères :

- des expériences de partage des prestations de soutien entre les armées au niveau local seront développées et poursuivies ;

- un portail internet sera créé en vue de simplifier et d'améliorer les relations avec les fournisseurs ;

- un effort sera fait pour perfectionner les circuits administratifs et développer le contrôle de gestion.

Elle a achevé son intervention en insistant sur la responsabilité, qui était la sienne, d'utiliser au mieux l'argent qui lui était attribué.

Répondant aux questions que M. Maurice Blin, rapporteur spécial , lui avait posées, Mme Michèle Alliot-Marie a notamment fourni les indications suivantes :

- un groupe de travail avait été créé pour étudier la configuration du deuxième porte-avions et pour proposer des choix en ce qui concerne le mode de propulsion nucléaire ou classique du bâtiment, ainsi que les perspectives de coopération avec la Grande-Bretagne ;

-  le retard pris par suite du relâchement de l'effort budgétaire sur le programme Rafale, était largement à l'origine des difficultés que rencontre actuellement cet avion : il y a huit ans, celui-ci n'avait guère de concurrents alors qu'aujourd'hui les États-Unis ont eu le temps de faire des propositions à nos partenaires avec le succès que l'on sait ;

- si elle n'était pas en mesure de chiffrer dans l'instant ce que coûtait à l'armée française le maintien en fonctionnement d'un matériel vieilli, elle pouvait faire état d'une série de coûts de maintenance spécifiques : 198 millions d'euros pour les Transall, 10 millions les AMX10, frégates F 70 de la marine : 63 M € - dont 17 pour le renforcement des coques rendu nécessaire par leur vieillissement ;

- le taux de consommation des crédits de recherche était de l'ordre de 93 % en autorisations de programme et de plus de 83 % des crédits de paiement, ce qui était déjà élevé mais qu'elle espérait bien parvenir à l'augmenter encore ;

-  la situation de la direction des constructions navales -DCN- et du GIAT était sensiblement différente : tandis que la première a des perspectives commerciales relativement favorables, il n'en est pas de même du GIAT, dont l'avenir industriel très incertain, compte tenu de l'état de la demande et qu'il faudra envisager une recapitalisation et des alliances européennes ;

- si le principe d'une force d'action rapide européenne de 60 000 hommes déployable en 10 jours pour l'accomplissement de missions dites de Pertersberg, était acquis, il lui manquait encore, pour s'affirmer, d'être mis en oeuvre sur le terrain : la Macédoine constituerait, si certaines hypothèques diplomatiques sont levées, l'occasion concrète de donner corps à cette force européenne, qui pourrait prendre la succession des forces de l'OTAN à compter du mois de décembre prochain ;

- l'Allemagne avait réaffirmé sa volonté de continuer à participer au programme de l'A400M, même si le financement n'était acquis pour l'instant que pour 40 unités : compte tenu de la nécessité d'une commande minimale de 180 appareils, l'Allemagne qui doit prendre sa décision en 2003- ne peut pas, selon elle, diminuer sa commande de plus d'une douzaine d'unités sans remettre en cause le programme ;

- que le programme Météor est important pour la Grande-Bretagne qui ne veut pas que celui-ci soit sacrifié au maintien du projet de l'A400M et souhaite que l'accord des Allemands porte sur les deux programmes en même temps ;

- que le projet de satellite Galiléo était une source de conflit avec les États-Unis qui, contestant les capacités européennes à assurer la sécurité du système, ne souhaitaient pas que ce système utilise les mêmes fréquences que le global positionning system (GPS).

En réponse aux questions de M. François Trucy, rapporteur spécial pour les crédits du titre III , Mme Michèle Alliot-Marie a tout d'abord déclaré que sa priorité pour le titre III dans le budget 2003 avait été l'augmentation des moyens consacrés à l'entraînement. Elle a donné à cet égard certains chiffres : 100 jours d'activité pour l'armée de terre, 160 heures de vol pour les pilotes de l'aviation légère pour l'armée de terre (ALAT), 180 heures de vol pour les pilotes de l'armée de l'air, 100 jours de mer, enfin, pour la marine.

Elle a également rappelé que la loi de finances rectificative avait ouvert 190 M € pour la condition militaire et que 75 millions étaient prévus à ce titre en mesures nouvelles.

En ce qui concerne le recrutement, la ministre de la défense a évoqué la nécessité de poursuivre sur plusieurs années les efforts entrepris pour mieux faire connaître l'armée au moment où la fin de la conscription ne donnait plus aux jeunes Français une connaissance naturelle de la vie militaire. Elle a insisté sur les perspectives exceptionnelles de promotion sociale offertes par l'armée, ainsi que sur les efforts effectués pour fidéliser et prévoir la reconversion des engagés.

Répondant enfin aux questions que lui ont posées MM. Yann Gaillard, Jacques Baudot, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, Michel Moreigne, Yves Fréville et Jacques Oudin ainsi qu'aux observations de M. Jean Arthuis, président , Mme Michèle Alliot-Marie a fait savoir notamment que :

- la crédibilité de la France sur le plan international ne peut que sortir renforcée du vote de la loi de programmation militaire, et que l'effort doit être maintenu dans la durée ;

- la force de réaction rapide européenne pourrait trouver en Macédoine l'occasion de se manifester, si certains préalables politiques sont levés ;

- la construction d'un deuxième porte-avions est indispensable compte tenu de la durée des périodes de révision de l'appareil entre deux campagnes, même si les récentes opérations avaient démontré la capacité du porte-avions Charles-de-Gaulle à rester plus de sept mois en opérations ;

- le fait que la France ait fait l'objet d'attaques terroristes par le passé l'avait conduite à développer ses capacités de renseignement ;

- la France était en pointe en matière de coopération européenne, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) constituant l'amorce d'une agence européenne de l'armement ;

- il y avait plusieurs façons pour l'État de participer aux logements des gendarmes et qu'une modification d'un décret de 1993 était en cours de négociation avec le ministère des finances afin de permettre l'augmentation de la participation d'État lorsque l'entretien des bâtiments n'était pas totalement pris en charge par l'État ;

- l'armée étant un grand propriétaire foncier, elle avait décidé de mener une gestion patrimoniale dynamique distinguant ce qui devait être conservé de ce qui pouvait être aliéné, notamment dans une perspective d'aménagement du territoire ;

- la situation de la réserve n'est pas satisfaisante, en particulier en ce qui concerne les hommes du rang, au regard des objectifs fixés pour 2008, mais la question devait être revue avant d'envisager une augmentation des moyens qui lui sont affectés ;

- l'accentuation de l'effort en matière de santé constituait une priorité dans la mesure où cela permettait de garantir aux soldats la tranquillité d'esprit nécessaire.

Après avoir précisé, en réponse à une observation de M. Jean Arthuis, président , que la plupart des délégués militaires départementaux étaient constitués par des chefs de corps affectés dans le département, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense , a évoqué la place du nucléaire pour affirmer que le maintien de l'effort en matière de dissuasion restait nécessaire.

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