Rapport n° 101 (2002-2003) de M. Jean-Paul ALDUY , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 18 décembre 2002

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N° 101

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 décembre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République ,

Par M. Jean-Paul ALDUY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 261 (2001-2002)

Environnement.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, déposé sur le Bureau du Sénat lors de la précédente législature, a pour objet de créer, en méditerranée, une « zone de protection écologique » qui permettrait notamment à notre pays de prendre diverses mesures coercitives, comme dans notre « zone économique » de la Manche, de l'Atlantique ou d'Outre-mer, à l'encontre de navires qui ont commis, ou sont susceptibles de commettre, des faits de pollution, en particulier par hydrocarbures.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

A. LE DROIT DE LA MER

Quelques points de repère tout d'abord.

C'est la convention des Nations Unies dite de Montego Bay (1982) sur le droit de la mer qui a consacré, sur un plan général, l'essentiel du droit international sur le sujet soit en redéfinissant des notions classiques du droit maritime (les « eaux territoriales ») soit en précisant des notions plus récentes (la « zone économique exclusive »).

Les eaux territoriales (largeur maximale : 12 milles marins soit 22,2 km) sont ainsi définies comme la zone de mer adjacente sur laquelle s'exerce la souveraineté de l'Etat côtier au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures (eaux situées en deçà des « lignes de bases » des eaux territoriales).

Dans les eaux territoriales, le principe de libre navigation , pour les traverser sans se rendre dans les eaux intérieures ou pour entrer ou sortir des eaux intérieures, constitue la règle pour les navires de commerce.

Des dispositions et procédures particulières s'appliquent aux navires de guerre (règles du comportement « non belliqueux ») et à certaines catégories de navires.

Sous réserve de ces principes généraux sur la liberté de navigation, tout Etat est, rappelons-le, entièrement souverain dans ses eaux territoriales (pêche, protection contre les pollutions...).

Mais au-delà de ces notions séculaires du droit maritime, la convention de 1982 a entériné l'accord d'une majorité d'Etats sur des institutions plus récentes.

Parmi ces notions, on évoquera la zone contiguë (largeur maximale 24 milles) dans laquelle l'Etat côtier peut exercer certains contrôles (douaniers, fiscaux...) et un droit de poursuite pour réprimer les infractions à ses règles nationales.

On mentionnera, surtout, la « zone économique exclusive » (largeur maximale 200 milles marins, soit 370,40 km), reconnue par une convention de Genève de 1958, que le droit interne dénomme « zone économique » et dans laquelle l'Etat côtier jouit de droits souverains et exclusifs sur les ressources vivantes et minérales des eaux, du sol et du sous-sol et dispose de droits de juridiction dans le domaine de la pollution des mers et en matière de recherche scientifique.

La navigation maritime (selon la règle du « libre passage inoffensif) est néanmoins aussi libre dans les ZEE qu'en « haute-mer », laquelle ne reconnaît que la loi du pavillon .

Sur un plan historique, ce sont les pays d'Amérique latine, rappelons-le, qui, dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, ont « imposé » cette notion de zone économique exclusive d'une largeur de 200 milles.

La France dispose d'une zone économique dans l'Atlantique, dans la Manche et Outre-mer ; elle occupe le troisième ou quatrième rang dans le monde à cet égard.

B. LE DROIT INTERNATIONAL DE LA SÉCURITÉ MARITIME

Depuis une trentaine d'années, d'autres conventions majeures ont été signées dans le cadre de l'organisation maritime internationale (OMI, créée en 1948 et entrée en vigueur en 1958) notamment sur trois dossiers :

- la sécurité maritime ;

- la prévention de la pollution ;

- la responsabilité et l'indemnisation des dommages .

- Sur le premier volet , on citera la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer , dite convention SOLAS (1958) souvent amendée, qui définit les normes de sécurité à respecter en matière de construction et d'équipement des navires de commerce.

On relèvera aussi :

- la convention sur le règlement international pour prévenir les abordages en mer (1972), qui définit les règles régissant la circulation maritime ;

- la convention internationale sur la sécurité des conteneurs (1972), qui précise les règles applicables au transport par conteneurs ;

- la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW-1978), qui établit des normes de formation minimales pour les équipages.

En matière de prévention de la pollution , il faut souligner l'importance de la convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, modifiée par un protocole de 1978 et dite MARPOL 73/78 .

Cette convention a succédé à une convention de 1956 « pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures ».

La convention MARPOL tend à réprimer toutes les formes de pollution survenues à l'occasion de l'exploitation des navires, c'est-à-dire non seulement la pollution par les hydrocarbures mais encore celles provenant des ordures des eaux usées, des produits chimiques et d'autres substances nuisibles.

En ce qui concerne la pollution par hydrocarbures, elle réglemente rigoureusement les rejets, interdits dans certaines zones et soumis à des conditions très strictes ailleurs. Elle comporte en outre des prescriptions techniques relatives à la construction et à l'exploitation des pétroliers, prévoyant par exemple la présence d'équipements techniques destinés à prévenir la pollution.

Depuis 1993, elle a prévu, par exemple, que les pétroliers neufs devront être construits soit avec une double coque, soit avec une structure comportant un « pont intermédiaire ».

Citons encore la convention de Bruxelles de 1969 sur le droit d'intervention en haute mer qui autorise l'Etat riverain à intervenir en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures.

Il existe aussi une convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, datant de 1972, qui réglemente l'immersion et l'incinération en mer des déchets.

En matière de responsabilité et d'indemnisation des dommages causés par la pollution des hydrocarbures , on évoquera deux conventions internationales :

- la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de 1969 . Ce texte institue le principe de la responsabilité du propriétaire du navire pétrolier pour les dommages consécutifs à la pollution par les hydrocarbures, survenus dans les eaux territoriales de l'Etat riverain. Cette responsabilité, limitée dans son montant, est engagée même en l'absence de faute, le propriétaire du navire étant tenu de s'assurer ou de souscrire une garantie financière pour le risque correspondant à cette responsabilité ;

- la convention de 1971 créant un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) . Ce fonds d'indemnisation, financé par les contributions versées par les Etats membres importateurs d'hydrocarbures, assure une indemnisation complémentaire à celle du propriétaire du navire si le dommage ne peut être indemnisé par application de la convention de 1969.

D'importants protocoles à ces deux conventions ont été signés en 1992 et sont entrés en vigueur en 1996. Ils ont eu notamment pour objet d'augmenter les plafonds de responsabilité. Ils sont désignés sous les appellations « convention de 1992 sur la sécurité civile » et « convention de 1992 portant création du fonds ».

Notons aussi l'existence d'un système spécifique d'indemnisation des dommages résultant du transport maritime de substances nucléaires, prévu par la convention de 1971 relative à la responsabilité civile dans le domaine du transport maritime de matières nucléaires, qui institue la responsabilité objective, absolue et exclusive de l'exploitant de l'installation nucléaire.

C. L'ACTION DE L'EUROPE

C'est principalement sous l'impulsion de la France que fut signé, en 1982, le mémorandum de Paris qui lie aujourd'hui dix-huit pays : les treize de l'Union européenne qui ont un littoral, la Norvège, la Pologne, le Canada, la Russie et la Croatie. Il permet d'effectuer des contrôles opérationnels : en s'appuyant sur les dispositions prévues par l'organisation maritime internationale : l'objectif étant d'effectuer un contrôle sur 25 % du nombre estimé de navires de commerce entrés dans les ports des Etats contractants .

Ces contrôles doivent permettre de vérifier la capacité réelle des équipages à conduire le navire, et à réaliser les opérations commerciales en toute sécurité.

On sait que, faute de moyens humains suffisants, le taux de contrôle français est actuellement de l'ordre de 12 %, taux, signalons-le, qui demeure toutefois supérieur à la moyenne des pays membres signataires du mémorandum.

Les pays membres de l'Union ont su aussi défendre leurs intérêts économiques . Dès 1977, la CEE créait une zone de pêche communautaire de 200 milles au large des côtes des pays membres.

Mais un certain nombre de catastrophes (en particulier l'Amoco Cadiz en 1977 et l'Erika en 1999) qui ont directement et gravement affecté le littoral européen, ont conduit l'Europe communautaire à se doter de règles de protection spécifiques contre les pollutions et singulièrement les pollutions par hydrocarbures.

Deux dispositifs récents méritent d'être rappelés :

Le « paquet Erika I », adopté définitivement en décembre 2000 et entré en vigueur en juin 2002, comprend plusieurs aspects :

- le renforcement des contrôles dans les ports

Les navires immobilisés à plusieurs reprises pour leur mauvaise condition et qui battent pavillon de complaisance seront bannis et se verront désormais refuser l'entrée des ports de l'Union sur base d'une liste noire publiée par la Commission.

Tous les navires à risque seront soumis à une inspection annuelle renforcée obligatoire. Ces inspections seront décidées en fonction de l'âge et de la catégorie du navire (par exemple pétroliers âgés de plus de 15 ans tel que l'Erika), mais également en fonction de son « coefficient de ciblage », outil de mesure du risque potentiel posé par un navire.

Ces nouvelles règles ont pour objet de renforcer l'inspection des navires dans les ports et faciliter le respect par les Etats membres du seuil d'inspection obligatoire fixé par le « mémorandum de Paris ».

- l'amélioration du contrôle des activités des sociétés de classification

Les nouvelles règles introduisent notamment :

. une nouvelle sanction : la suspension d'agrément communautaire pour un an, qui peut conduire à un retrait définitif d'agrément si les défaillances qui ont provoqué la suspension subsistent ;

- l'exigence préalable de bonne performance de sécurité et de prévention des pollutions avant de se voir octroyer l'agrément communautaire ;

. des critères de qualité plus stricts, notamment le respect de certaines procédures en cas de changement de classe et plus de transparence dans la communication des informations sur les navires en classe.

- l'interdiction des pétroliers à simple coque au plus tard en 2015, selon un calendrier d'élimination progressive .

Le « paquet Erika II », adopté en mars 2002 et qui doit entrer en vigueur en 2003, contient :

- la mise en place d'une agence européenne de sécurité maritime qui devrait soutenir l'action de la Commission, des Etats membres et des Etats candidats à l'adhésion. Elle évaluera l'efficacité des mesures de sécurité maritime mises en place et aura aussi pour tâche la collecte d'informations, l'exploitation de bases de données sur la sécurité maritime, l'évaluation et l'audit des sociétés de classification maritime, et l'organisation de missions d'inspection dans les Etats membres pour vérifier les conditions de contrôle de l'état des ports.

- l'amélioration du signalement et du suivi des navires par un système de notification couvrant également les navires qui ne font pas escale dans les ports de la communauté rendant obligatoire, dans les eaux de la Communauté, la présence sur les navires de « transpondeurs » (systèmes d'identification automatique), ainsi que de « boîtes noires », similaires à celles utilisées dans l'aviation afin de faciliter les enquêtes en cas d'accident. Il s'agit d'améliorer les procédures concernant la transmission et l'exploitation des données relatives aux cargaisons dangereuses.

- la révision des régimes de responsabilité et de compensation des dommages de pollution en vigueur par la création d'un fonds de compensation des dommages de pollution , qui complèterait, à concurrence d'un plafond global de 1 milliard d'euros, l'indemnisation des victimes en cas de dépassement des plafonds fixés par les règles existantes qui s'élèvent actuellement à 200 millions d'euros.

La proposition de la commission européenne prévoit également l'imposition par les Etats membres d'amendes financières en cas de comportement négligent de la part de toute personne impliquée dans le transport des hydrocarbures par mer.

Les décisions adoptées tardent cependant à être mises en oeuvre. On sait que le 26 novembre dernier, au cours du sommet annuel franco-espagnol qui s'est tenu à Malaga 1 ( * ) , le Président de la République et le Premier ministre espagnol M. José Maria Aznar, ont souhaité reprendre l'initiative pour que l'Union européenne « mette en application » rapidement les mesures décidées en commun.

D. LE DISPOSITIF NATIONAL

Sur le plan national, quelle est notre marge de manoeuvre ?

Des lois existent mais dans le cadre des conventions internationales.

C'est une loi du 16 juillet 1976 qui a consacré, en France, la « zone économique au large des côtes du territoire de la République ».

Une loi du 5 juillet 1983 (récemment modifiée par une loi du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants des navires) a mis en place un dispositif répressif inséré dans le code de l'environnement et qui s'applique tant aux navires français qu'aux navires étrangers dans nos eaux territoriales mais aussi dans nos zones économiques de la Manche, de l'Atlantique et Outre-mer.

L'efficacité des ces dispositions est évidemment subordonnée aux moyens légers et lourds de surveillance, de contrôle et de dissuasion disponibles. Les personnels, les bateaux, les hélicoptères et les avions relèvent de la marine nationale et de la gendarmerie (défense), de la direction des affaires maritimes (équipement) et des douanes (finances). En cas d'urgence, le préfet maritime (Marseille, Brest ou Le Havre) assure la coordination des opérations... On relèvera qu'une récente circulaire du 4 avril 2002 s'est efforcée d'améliorer la coordination notamment entre les actions sur terre et sur mer.

E. LE PROJET DE LOI

L'objet du présent projet de loi est de créer, en Méditerranée, une « zone de protection écologique » dans les conditions apparemment autorisées par la convention sur le droit de la mer de Montego Bay dans sa cinquième partie. Il s'agit de pouvoir appliquer dans un nouveau « zonage » (où la France ne revendique pas de zone économique exclusive pour des raisons de bon voisinage liées notamment à la pêche) les dispositions coercitives qui ne sont applicables que dans la zone économique.

D'après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, la France fera ici oeuvre innovatrice même si le Royaume-Uni a déjà créé au large de ses côtes une zone de même type dénommée « Special Area » tandis que l'Espagne s'est dotée d'une zone de protection halieutique.

Le nouveau texte s'inscrit dans la logique de la convention sur la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, adopté à Barcelone le 16 février 1976 et amendé à Barcelone en 1995 2 ( * ) .

La négociation sur la délimitation de la ZPE en Méditerranée a déjà commencé. Si un accord avec l'Italie et l'Espagne ne paraît pas poser de difficultés, l'Algérie serait, par exemple, plus réservée.

On notera, d'autre part, que la Turquie -qui n'a pas signé la convention de Montego Bay- pourrait exprimer des craintes quant à une possible extension de ce type de zonage.

Le présent projet de loi s'inscrira, souhaitons-le, dans une dynamique visant à prendre « à bras le corps » un dossier qui n'a connu, malgré les catastrophes successives de ces dernières années, que trop d'atermoiements.

C'est en tout cas la volonté politique que deux grands responsables européens (le Président de la République française et le Premier ministre espagnol) ont exprimé à Malaga en se fixant pour objectif rien de moins que d'interdire la circulation maritime aux navires suspects dans les zones soumises à nos droits de juridictions . Tel est le cas des ZEE, tel sera celui des ZPE.

Le repérage, l'identification et l'éloignement forcé des navires au « comportement délinquant » qui procèdent à des dé-ballastages (parfois qualifiés de « dégazages ») de résidus de cargaisons d'hydrocarbures (le cas échéant, 100 tonnes par navire !) sont tout aussi nécessaires que le repérage, l'identification et l'éloignement des navires qui présentent un danger ou une menace (les « navires-poubelle »).

A cet effet, nous avons besoin de moyens matériels et de moyens juridiques : le présent projet de loi renforce, de ce point de vue, nos capacités d'action.

Votre rapporteur émettra pour sa part un souhait : ne nous cachons plus derrière le droit international ou même le droit communautaire pour justifier notre « immobilisme » voire notre impéritie dans le domaine de la sécurité maritime, alors qu'il y a « péril en la demeure ».

Puisse l'initiative franco-espagnole modifier rapidement la donne et exercer les effets d'entraînement indispensables .

C'est le code de l'environnement (articles 3 à 7 du projet de loi) que le présent projet entend principalement compléter en même temps que la loi précitée du 16 juillet 1976 relative à la zone économique (article 1er du projet de loi), ainsi que, à titre de coordination, la loi du 11 juillet 1986 relative à la recherche scientifique maritime (article 2 du projet de loi).

Le texte soumis à la commission des affaires économiques est, en soi, difficilement amendable. Il se borne en effet à codifier et à porter différentes coordinations législatives.

Lors de sa réunion du 18 décembre 2002, votre commission n'a pas adopté d'amendement.

Votre rapporteur a toutefois souhaité poursuivre sa réflexion.

La discussion du présent projet de loi se trouve, en effet, plongée dans l'actualité.

Au sommet franco-espagnol de Malaga a succédé le conseil européen de Copenhage qui a, à son tour, proposé des solutions d'urgence. Le Roi du Maroc vient d'interdire les navires à simple coque dans les eaux territoriales de son pays.

Quelques semaines supplémentaires ne paraissent donc pas de trop pour analyser la situation nouvelle créée par toutes ces initiatives, procéder à des consultations complémentaires et réfléchir à quelques initiatives utiles au débat.

La commission des affaires économiques a, en conséquence, demandé au rapporteur de lui soumettre, s'il le juge utile, des propositions qui pourraient se traduire en mesures législatives avant la discussion en séance publique du présent projet.

Sous cette réserve, elle a adopté, à l'unanimité des présents, le projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er -

Création d'une zone de protection écologique au large
des côtes du territoire de la République

L'article premier du projet de loi propose de modifier l'intitulé ainsi que l'article 4 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique au large des côtes du territoire de la République.

Aux termes du premier paragraphe du projet, l'intitulé de la loi du 16 juillet 1976 deviendrait ainsi : « loi relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République ».

Dans la rédaction résultant de l'article premier de la loi 86-826 du 11 juillet 1986, l'article 4 de la loi précitée de 1976 dispose actuellement que dans la zone économique, les autorités françaises exercent les compétences reconnues par le droit international relatives à la protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche scientifique marine, à la mise en place et à l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages.

L'article 4 du projet de loi remplace le dispositif précédent par deux alinéas dont le premier reprend le dispositif actuel sauf qu'il spécifie que ces compétences en matière de protection du milieu marin ou de recherche scientifique marine s'exercent en outre des droits souverains reconnus à l'Etat dans la zone économique.

Ces droits souverains sont mentionnés à l'article premier de la loi précitée du 16 juillet 1976 aux termes duquel « la République exerce, dans la zone économique pouvant s'étendre depuis la limite des eaux territoriales jusqu'à 188 milles marins, au delà de cette limite, des droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sous-jacentes ».

Le deuxième paragraphe du texte proposé pour l'article 4 de la loi de 1976 énonce que « lorsque, dans une zone économique, les autorités françaises entendent, pour des motifs tenant aux relations internationales, n'exercer que les compétences relatives à la protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche scientifique marine..., cette zone est dénommée zone de protection écologique.

Dans cette zone, les dispositions de l'article 3 de la loi de 1976 sanctionnant les contraventions aux règles relatives à l'exercice de la pêche maritime ne s'appliqueront pas aux navires battant pavillon d'un Etat étranger. Sur ce point, les navires étrangers seront donc soumis à la loi de leur pavillon dans le cadre des conventions internationales qui régissent l'activité de pêche en haute mer.

En revanche, la création de la zone de protection écologique, conformément aux parties V et XI de la convention de Montego Bay, qui font de la ZPE (zone de protection écologique) une déclinaison de la ZEE (zone économique exclusive), en autorisant dans la première des mesures visant à protéger le milieu marin, permettra l'application en ZPE des textes répressifs qui ne peuvent s'appliquer que dans les eaux territoriales et dans la ZEE.

Les auteurs du projet de loi font aussi valoir que la création d'une ZPE en Méditerranée permettra à la France d'améliorer la mise en oeuvre les engagements auxquels elle a souscrits dans le cadre de la convention de Barcelone du 16 février 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et du programme des Nations Unies pour l'environnement.

Enfin, le troisième paragraphe de l'article 1 er du projet de loi complète l'article 5 de la loi précitée de 1976, en précisant que la ZPE, tout comme la ZEE, sera créée par décret en Conseil d'Etat.

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 2 -

Extension à la zone de protection écologique du régime d'autorisation préalable applicable dans la zone économique en matière de recherche scientifique marine

L'article 2 du projet de loi étend à la ZPE le régime d'autorisation préalable qui s'applique dans la zone économique s'agissant des activités de recherche scientifique marine.

L'article 1 er de la loi du 11 juillet 1986 modifiait, on l'a dit, la rédaction de l'article 4 de la loi du 16 juillet 1976.

Son article 2 énonce que toute activité de recherche scientifique marine, menée dans la mer territoriale, dans la zone économique et sur le plateau continental, est soumise à une autorisation assortie, le cas échéant, de prescriptions dans les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

A titre de coordination , l'article 2 du projet de loi ajoute à cette liste de zones, la zone de protection écologique .

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 3 -

Extension à la zone de protection écologique des dispositions répressives applicables dans les eaux territoriales et dans la zone économique

L'article L.218-21 du code de l'environnement figure dans la deuxième sous-section 1 (dispositions répressives relatives aux rejets polluants des navires) de la première section (pollution par les rejets des navires) du chapitre VIII (dispositions spéciales aux eaux marines et aux voies ouvertes à la navigation maritime) du deuxième livre du code de l'environnement qui traite des « milieux physiques ».

Cet article prévoit actuellement que dans la zone économique au large des côtes du territoire de la République, les eaux territoriales, les eaux intérieures et les voies navigables françaises jusqu'aux limites de la navigation maritime, les dispositions répressives s'appliquent dans les conditions prévues aux articles L.218-10, L.218-11, L.218-13 à L.218-19 aux navires et plates-formes étrangers même immatriculés dans un territoire relevant d'un Gouvernement non partie à la convention mentionnée à l'article L.218-10. Toutefois, ajoute le texte, seules les peines d'amende prévues aux articles sus-mentionnés peuvent être prononcées lorsque l'infraction a lieu dans la zone économique au large des côtes du territoire de la République.

Quel est le contenu des textes visés par l'article L.218-21 du le code de l'environnement ?

L'article L.218-10, issu de la récente loi n° 2001-380 du 3 mai 2001, punit de quatre mois d'emprisonnement et de 600.000 euros d'amende le fait pour tout capitaine des navires-citerne français d'une jauge brute égale ou supérieure à 150 tonneaux et des autres navires français d'une jauge brute égale ou supérieure à 500 tonneaux, soumis aux dispositions de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée par le protocole du 17 février 1978 ( il s'agit de la fameuse convention MARPOL 1973/1978 ), de se rendre coupable d'infractions aux dispositions de la convention relatives aux interdictions de rejets d'hydrocarbures.

L'article L.218-11 du code de l'environnement punit, pour sa part, de deux ans d'emprisonnement et de 280.000 euros d'amende, le fait pour tout capitaine d'un navire français appartenant aux catégories visées plus haut de commettre une seule des infractions prévues à l'article L.218-10.

Les articles L.218-13 à L.218-19 complètent et précisent le dispositif répressif en vigueur s'agissant exclusivement des capitaines d'un navire français.

C'est l'objet de l'article L.218-21 d'appliquer aux navires étrangers, même immatriculés dans un territoire qui n'a pas souscrit à la Convention précitée de Londres, les dispositions répressives auxquelles les articles sus-mentionnés soumettent les navires français.

On note, toutefois, que seules les peines d'amende sont transposées aux navires étrangers lorsque l'infraction a lieu dans la zone économique dont le statut, rappelons-le, s'apparente à celui de la haute-mer. A contrario, les infractions aux dispositions précitées, si elles sont commises dans les eaux territoriales, se voient appliquer, même si elles sont commises par des navires étrangers, toutes les sanctions pénales, c'est-à-dire, y compris les peines d'emprisonnement.

L'article 3 du projet de loi se borne, en complétant le premier alinéa de l'article L.218-21 du code de l'environnement, à étendre à la zone de protection écologique, le régime d'incriminations et de sanctions applicable aux infractions commises dans la mer territoriale et dans la zone économique.

Il s'agit d'une disposition de coordination .

Les sanctions pénales applicables aux rejets polluants des navires pourront être désormais mises en oeuvre dans la mer territoriale, dans la zone économique et dans la zone de protection écologique.

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 4 -

Extension de compétence des tribunaux du littoral maritime

L'article 4 du projet de loi modifie l'article L. 218-29 du code de l'environnement qui fixe les règles de compétence juridictionnelle en cas d'infraction aux dispositions de la convention MARPOL.

Selon cet article L. 218-29, dès lors qu'elles ont été commises dans les eaux territoriales, les eaux intérieures et les voies navigables françaises jusqu'aux limites de la navigation maritime, les infractions aux dispositions conventionnelles et à celles des sous-sections déjà évoquées du code de l'environnement 3 ( * ) , ainsi que les infractions qui leurs ont connexes, sont jugées par un tribunal de grande instance du littoral maritime spécialisé , éventuellement compétent sur les ressorts de plusieurs cours d'appel.

Le texte ajoute que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour le jugement des infractions commises dans la zone économique exclusive française ainsi que de celles commises par les capitaines de navires français en haute mer.

Il précise encore qu'exercent une compétence concurrente avec les juridictions susmentionnées, pour la poursuite et l'instruction des infractions commises dans les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive, les tribunaux de grande instance compétents en application des articles 43, 52, 382, 663, deuxième alinéa, et 706-42 du code de procédure pénale (ces textes définissent les règles de compétences territoriales du procureur de la République, du juge d'instruction, du tribunal correctionnel ainsi que celle du dessaisissement auquel il est, le cas échéant, procédé par le ministère public lorsque deux juges d'instruction sont saisis d'infractions connexes).

L'article L. 218-29 dispose aussi que dans chaque juridiction, un ou plusieurs juges d'instruction sont désignés pour l'instruction des faits susceptibles de constituer une infraction et que lorsqu'ils sont compétents, le procureur de la République et le juge d'instruction du tribunal du littoral maritime exercent leurs attributions sur toute l'étendue du ressort de ce tribunal.

Dans le champ de compétence des tribunaux du littoral maritime, l'article 4 du projet de loi ajoute la « zone économique » et la « zone de protection écologique ».

Désormais, ces tribunaux spécialisés bénéficieront d'une compétence exclusive pour le jugement de toutes les infractions de pollution marine dans tous les espaces se trouvant, à un degré ou à un autre, sous juridiction française.

Les auteurs du projet de loi estiment que l'extension du domaine de compétence des tribunaux spécialisés facilitera la répression des infractions de pollution marine en favorisant l'émergence de « pôles d'expertise » dans ce domaine.

Pour la zone « Méditerranée », le tribunal de grande instance spécialisé sera celui de Marseille .

Quant au tribunal de grande instance de Paris, compétent jusqu'à présent dans la zone économique, il voit réduire son « champ » à la « haute mer », s'agissant, bien sûr des capitaines de navires français.

Tel est l'objet du deuxième paragraphe de l'article 4 du projet de loi qui modifie le II de l'article L.218-29 du code de l'environnement en proposant la définition suivante :

« Le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions commises par les capitaines de navires français se trouvant hors des espaces maritimes sous juridiction française ».

Le troisième paragraphe de l'article 4 du projet de loi coordonne les compétences concurrentes compte tenu des règles de compétence territoriale.

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 5 -

Sanctions pénales en cas de faits de pollution
par des opérations d'immersion

L'article L. 218-45 du code de l'environnement prévoit que les dispositions répressives déjà mentionnées seront également applicables aux opérations d'immersion effectuées soit en haute mer soit dans les eaux territoriales et intérieures françaises.

Il ajoute que dans les eaux territoriales et intérieures françaises, ces dispositions s'appliqueront aux navires, aéronefs, engins et plates-formes étrangers immatriculés dans un Etat non signataire des accords conventionnels concernés.

L'article 5 du projet de loi rend applicable dans la zone de protection écologique et dans la zone économique, les sanctions pénales sus-mentionnées.

Il convenait aussi de rappeler la règle fixée par l'article 230 de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer en précisant que lorsque l'infraction est due à un navire étranger, en dehors des eaux territoriales, seules les peines d'amende pourront être prononcées.

Tel est l'objet du paragraphe II de l'article 5 du projet de loi qui complète le deuxième alinéa de l'article L.218-45 du code de l'environnement.

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 6 -

Sanctions pénales en cas de fait liées à des opérations d'incinération

Selon l'article L.218-61 du code de l'environnement, les dispositions pénales précitées s'appliquent aux navires étrangers :

en cas d'incinération dans les eaux sous souveraineté ou juridiction française ;

en cas d'incinération hors de ces eaux, lorsque l'embarquement ou le chargement a eu lieu sur le territoire français.

Le deuxième paragraphe de cet article précise, aussi, que seules les peines d'amende pourront être prononcées lorsque l'infraction a lieu dans la zone économique définie par la loi de 1976.

L'article 6 du projet de loi se limite à étendre à la zone de protection écologique le dispositif précédent.

La Commission a adopté cet article sans modification .

Article 7 -

Modification du code de l'environnement

L'article 7 du projet de loi a un objet très limité : il s'agit seulement d'ajouter, au chapitre 8 du Titre Ier du Livre II du code de l'environnement, une section 7 qui reproduit l'article 4 de la loi du 7 juillet 1976 relatif à la zone de protection écologique.

La Commission a adopté cet article sans modification .

* 1 Cette réunion s'est tenue quelques jours après le naufrage du « Prestige » (le 19 novembre 2002) à 270 km des côtes de la Galice au-delà du plateau continental dans une zone profonde de 3.500 m ; ce navire-citerne, rappelons-le, était à simple coque et avait, au moment de l'accident, 26 ans d'âge.

* 2 On relèvera la publication au Journal officiel du 15 décembre 2002 d'un décret 2002-1454 du 9 décembre 2002 portant publication du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, fait à Barcelone le 10 juin 1995 et signé par la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne.

* 3 Sous-sections 1 et 2 de la section 1 du chapitre VIII du Livre II du code de l'environnement.

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